L`église Sainte-Eulalie

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Bordeaux
L’église Sainte-Eulalie
Villes et Pays d’art et d’histoire
1. L. Drouyn. Eglise Ste-Eulalie. Détail du plan de
Bordeaux vers 1450
2. A.Bordes. Eglise Sainte-Eulalie. XIXe. AMBx.
Fi VIII-P-40 rec 125
Eglise Sainte-Eulalie
« En somme cet édifice a présenté autrefois une physionomie entièrement
différente de celle qu’il présente aujourd’hui » Auguste Bordes, 1845
Jusqu’au XIVe siècle l’église paroissiale
de Sainte-Eulalie est restée à l’écart de
la ville, à l’angle sud-ouest, hors des
murs du castrum. Comme le plateau de
Saint-Seurin et les marais environnants
de Sainte-Croix, ce lieu isolé a attiré
dès le haut Moyen Âge des groupes
religieux.
De la légende à l’histoire
Du premier monastère créé en ce site
l’on sait peu de choses. Des chroniques
tardives mentionnent l’existence d’une
abbaye de femmes fondée par le roi
mérovingien Dagobert (629-638)
en l’honneur de saint Pierre. L’église
prend ensuite le nom de Sainte-Eulalie,
jeune vierge martyrisée en Espagne
au début du IIIe siècle de notre ère,
après le don de la relique d’un de ses
bras par Sigebert III, fils de Dagobert.
Ce monastère, situé sans doute à
proximité de l’église actuelle, est
incendié par les Sarrasins en 732.
Une nouvelle église est mentionnée
au IXe siècle. Une légende attribue à
Charlemagne la construction vers l’an
811 d’une chapelle pour y déposer
et abriter les précieuses reliques de
sept saints martyrisés à Lectoure à
la fin du Ier siècle de notre ère, saint
Clair, saint Géronce, saint Sever, saint
Babile, saint Policarpe, saint Jean et
saint Justin (ill. 9). Deux inscriptions
encastrées aujourd’hui dans le mur
bordant à droite la chapelle Saint-Clair,
la première en caractères gothiques
et la seconde en français, relatent
cet épisode légendaire. Ces reliques
auraient été cachées en 844, lors de
la destruction de Bordeaux par les
Normands.
Au XIIe siècle, une nouvelle église est
construite pour accueillir les pèlerins
allant à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Elle est consacrée en 1174 par
l’archevêque Guillaume le Templier
(1173-1187) en présence d’Henri II,
roi d’Angleterre et duc de Guyenne.
Au tout début du XIVe siècle, avec la
3. G. Alaux. Projet de restauration de l’église (détail).
1864. AMBx. 4007-M-9
construction de la troisième enceinte,
l’église paroissiale et son faubourg
rural sont intégrés dans la ville (ill. 1).
L’édifice roman, devenu sans doute
trop exigu, est détruit pour laisser
la place à une construction de style
gothique flamboyant. Au XVIIe siècle
l’église voit son prestige s’agrandir
avec l’authentification des reliques
des saints martyrs de Lectoure par le
cardinal François de Sourdis. Lors de
la fronde bordelaise, « l’Ormée », elle
est, avec l’église Saint-Michel, un des
centres de ralliement des émeutiers. Au
début de la Révolution, laissée dans
un premier temps ouverte au culte,
elle est fermée lors la Terreur et sert de
dépôt pour les œuvres d’art des autres
églises. Le 29 juin 1796 elle fait partie
des églises rouvertes pour accueillir
à nouveau les fidèles. Après quelques
travaux effectués avant 1830 dont la
construction d’un nouveau porche en
avant du portail principal (ill. 2-5) par
l’architecte Pierre-Alexandre Poitevin,
la Commission des Monuments
historiques s’intéresse à l’édifice et
décide de l’inscrire le 14 août 1845 sur
la liste des monuments à protéger et
préserver. Ce classement permet
4. G. Alaux. Projet de restauration de
l’église. 1864. AMBx. 4007-M-9
d’engager des campagnes importantes
de restauration et d’entretien menées
dans les années 1850 par l’architecte
Charles Burguet qui fait également
disparaître toutes les échoppes et
masures l’encerclant.
Physionomie de l’église
Sainte-Eulalie, avec ses campagnes
successives de restauration et ses
nombreuses modifications opérées
dès la fin du Moyen Âge, est un
témoignage précieux des grands
courants stylistiques de l’architecture
religieuse au cours des siècles.
De l’église romane à nef sans doute
unique rien ne reste permettant
d’appréhender au mieux l’édifice à
l’exception de quelques chapiteaux,
situés à l’entrée du chœur au sommet
de la pile*, aux tailloirs* et corbeilles
décorés de motifs végétaux, de frises
de palmettes et de figures humaines
(peut-être les douze apôtres). Puis
l’église est largement modifiée au XIIIe
et XIVe siècles dans un style gothique
flamboyant. La nef et ses deux
collatéraux* de hauteur à peu près
égale formant une sorte d’église-halle
est élevée ainsi que l’ensemble des murs
5. J.-P.Alaux. Vue de l’église Sainte-Eulalie
(détail) MBA. Bx M 6204
extérieurs. Deux portes sont ouvertes,
celle du sud-ouest de la façade
occidentale conservée et remontée en
1901 et celle du flanc nord, située à la
hauteur de la quatrième travée, qui est
réservée aux lépreux ou « Gahets »
vivant regroupés hors les murs de la
ville à Saint-Nicolas-de-Graves. Enfin
est élevée la voûte occidentale datée de
1398 grâce à une inscription en latin
encastrée dans le mur du collatéral sud,
près de la tribune.
A partir de 1476, une abside polygonale
voûtée d’ogives*rayonnantes est
construite grâce aux libéralités d’Yves
de Campanhe, bénéficier de l’église. Sur
la façade nord, à la cinquième travée
de la nef est aussi percée la porte dite
« des Pèlerins ». A l’extérieur, six gros
contreforts* d’angle creusés de niches
délicatement ouvragées abritant des
statues rythment le chevet.
Les travaux effectués de la Renaissance
jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, vont
encore modifier sont aspect avec la
reconstruction des piliers et le
remontage d’une partie des voûtes de
la nef sous la direction du maître
maçon Etienne Baudoyn et de celle
de Jean Villetar.
6.J.-P. Alaux Projet d’agrandissement.
1864. AMBx. 4007-M-9
Au XIXe siècle, le clocher qui avait
été gravement endommagé à plusieurs
reprises est refait dans un style gothique
en 1863-1864 par l’architecte Gustave
Alaux. La dernière grande campagne
de travaux se situe dans les années
1901-1903. La façade occidentale
est intégralement reconstruite par
l’architecte et inspecteur général des
Monuments historiques Lucien Magne
(1849-1916) dont les projets ont été
préférés à ceux de G. Alaux proposés
en 1864 (ill. 3-4-6). La porte ouest qui
datait de 1371, est déclassée et détruite
à ce moment là.
Le décor choisi, d’inspiration
naturaliste avec ses frises de roses
stylisées et ses épis de maïs s’inscrit
dans les courant « Art nouveau »
en plein essor à Bordeaux. Les trois
statues du trumeau et des pieds-droits
du portail représentant sainte Eulalie,
sainte Jeanne de Valois et sainte Jeanne
de Lestonnac sont l’œuvre du sculpteur
Gaston Veuvenot Leroux.
Des reliques précieuses
Celles-ci sont conservées dans la
chapelle Saint-Clair. La chapelle SaintClair ou des Corps-Saints voûtée
7. L. Drouyn. Eglise Sainte Eulalie. 1892. MBA. Bx E 895
d’ogives à liernes* se trouve dans la
sixième travée du collatéral* sud.
Datée du XVe siècle, elle a été remaniée
au XVIIe siècle et restaurée entre 1885
et 1890. La grille qui la clôt a été faite
en 1751 par le maître serrurier Blaise
Charlut. Les reliques des saints martyrs
de Lectoure sont conservées dans des
châsses en bois et le crâne de saint Clair
est enfermé dans un buste d’évêque en
bois peint et doré dit de Saint-Augustin.
Ces reliques ont été dès le XVIIe siècle
l’objet d’une grande dévotion populaire
qui a culminé avec la création d’une
procession générale, dite Procession des
corps saints, entre la cathédrale SaintAndré et l’église Sainte-Eulalie. Instituée
le 28 juillet 1624 par le cardinal
François de Sourdis et organisée tous les
ans, le premier dimanche après la fête
de saint Clair, elle a été supprimée le 29
avril 1880 par un arrêté du maire de
Bordeaux Albert Brandenburg.
Dans cette chapelle est conservé
également le légendaire bâton ou crosse
de saint Roch. Il faisait partie du trésor
du couvent des Carmes et passait pour
avoir le pouvoir de guérir de la peste.
Un imposant lutrin en bois sculpté à la
fin du XVIIe siècle orné, dans les angles
8. Eglise Sainte-Eulalie. (Carte postale). AMBx. 42-S-1123
de cariatides et, sur les panneaux, de
bas-reliefs représentant des scènes de
la vie du prophète Elie, provient du
couvent des Grands Carmes.
Les autres chefs-d’œuvre
D’autres trésors sont conservés dans
l’église. Dans la chapelle du SacréCœur, qui fut jadis consacrée à saint
Roch, se dresse derrière l’autel un
retable portant encore de nombreuses
et précieuses traces de polychromie.
Il est sculpté en bas-relief et représente
des scènes de la Passion du Christ.
Daté du XIVe ou XVe siècle, il a été
découvert après la Révolution dans des
boiseries, derrière l’autel de la Sainte
Vierge. Devant la partie aujourd’hui
murée correspondant à la porte des
Lépreux, a été installée en 1890 une
statue en bois de chêne polychrome
représentant une Vierge à l’Enfant,
Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ou de
l’Annonciade. Elle date du XVIIe siècle
et aurait été sculptée par le maître Jean
III Daurimon (vers 1617-1699).
Elle ornait le maître-autel de la chapelle
du couvent des Annonciades et fut
cachée pendant la Terreur. Retrouvée,
elle fut rachetée par Marie-Thérèse-
Charlotte de Lamouroux qui la remit
à Sainte-Eulalie en 1808.
L’église Sainte-Eulalie aujourd’hui
Soucieux de préserver cet édifice,
témoin des évolutions stylistiques de
l’architecture religieuse à Bordeaux
à travers les siècles, sa mise en valeur
s’est poursuivie ces dernières décennies
avec en particulier, à partir de 1995,
un profond ravalement extérieur et
un nettoyage minutieux à l’intérieur.
Grâce à ces campagnes l’architecture
originale de cette église qui s’étend
sur huit siècles a pu être redécouverte.
Aujourd’hui, les travaux de sauvegarde
portent sur son précieux mobilier avec
la restauration du retable de la chapelle
du Sacré-Cœur et de ses inestimables
reliques.
Lexique *
Collatéraux : bas-côtés ou nefs latérales des églises.
Contrefort : massif de maçonnerie destiné à augmenter
la résistance des murailles verticales.
Lierne : nervure des voûtes ogivales.
Ogive : forme des voûtes dans les édifices gothiques.
Pile : équivalent du pilier.
Tailloir : tablette qui couronne le chapiteau.
Texte : Anne Guérin
Crédits photos
Couv., 1, 5, 7, 9 : © Mairie de Bordeaux, F. Deval ; L. Gauthier
2, 3, 4, 6, 8 : © Archives municipales de Bordeaux,
B. Rakotomanga
Couv. J.-P.Alaux. Eglise Sainte-Eulalie. 1831. MBA. Bx M 6204
9. G. Villiet. Procession des Corps Saints. Fondation de la chapelle par Charlemagne. 1860
Parish church of st Eulalia
Up until the 14th century, the parish church
of St Eulalia was set apart from the town,
outside the walls of the castrum to the south
west. We know very little about the first
monastery built on this site. Later chronicles
mention the existence of an abbey of women,
founded by the Merovingian king Dagobert
(629-639).
The church takes the name St Eulalia from
a young virgin martyred in Spain at the start
of the 3rd century AD. This monastery,
located without a doubt near the current
church, was burned by the Saracens in 732.
A legend attributes to Charlemagne in 811
the construction of a chapel to hold the relics
of the seven martyred saints of Lectoure
(Lot) at the end of the 1st century AD. Two
inscriptions, now built into the wall, tell
of this legendary episode. These relics may
have been hidden in 844 at the time of the
destruction of Bordeaux by the Normans.
In the 12th century, a new church was built
to welcome pilgrims en route to Santiago de
Compostela. It was consecrated in 1174 in
the presence of Henry II, King of England
and Duke of Guyenne.
The Roman building, having no doubt
become too small, was destroyed to make
room for a flamboyant Gothic construction.
At the start of the Revolution, it was used to
store works of art from other churches
in the town. St Eulalia, thanks to its
successive programmes of restorations and
the numerous modifications carried out
since the end of the Middle Ages, provides
a precious account of the important stylistic
trends of religious architecture throughout
the centuries.
Iglesia parroquial de sainte-eulalie
Hasta el siglo XIV, la iglesia parroquial de
Sainte-Eulalie permaneció apartada de la
ciudad, en el ángulo sudoccidental, fuera de
las murallas del castrum.
Poco se sabe del primer monasterio creado
en este lugar. Crónicas tardías mencionan la
existencia de una abadía femenina fundada
por el rey merovingio Dagoberto (629-639).
La iglesia tomó el nombre de Santa Eulalia,
joven virgen martirizada en España a
comienzos del siglo III de nuestra era.
Este monasterio, situado sin duda cerca
de la iglesia actual, fue incendiado por los
sarracenos en 732.
Una leyenda atribuye a Carlomagno la
construcción en el año 811 de una capilla
para depositar en ella las reliquias de siete
santos martirizados en Lectoure (Lot)
a finales del siglo I de nuestra era. Dos
inscripciones empotradas hoy en la pared
relatan este episodio legendario. Estas
reliquias habrían sido ocultadas en 844,
durante la destrucción de Burdeos a manos
de los normandos.
En el siglo XII se construyó una nueva
iglesia para acoger a los peregrinos que se
dirigían a Santiago de Compostela.
Fue consagrada en 1174 en presencia de
Enrique II, rey de Inglaterra y duque de
Guyena.
El edificio románico, que sin duda se había
quedado pequeño, fue destruido para dejar
espacio a una construcción de estilo gótico
flamígero. A comienzos de la Revolución,
sirvió de almacén para las obras de arte de
las otras iglesias de la ciudad.
Sainte-Eulalie, con sus sucesivas campañas
de restauración y sus numerosas
modificaciones desde finales de la Edad
Media, es un testimonio precioso
de las grandes corrientes estilísticas de
la arquitectura religiosa a lo largo de
los siglos.
En 2007, l’UNESCO a distingué Bordeaux l’inscrivant ainsi au Patrimoine mondial en tant qu’ensemble urbain exceptionnel. Le patrimoine est une
composante capitale de la ville et de ses habitants, élément constitutif d’une identité urbaine et de notre histoire commune. Préserver, partager
et transmettre cette histoire est essentiel pour les générations futures. Elle nous aide à construire l’avenir en s’appuyant sur nos racines. Je vous
souhaite une excellente visite dans ces lieux porteurs de mémoire.
In 2007, Bordeaux was recognized by UNESCO and added on the World Heritage List as an exceptional urban ensemble. Heritage is an essential
element of the city and its residents, a fundamental component of our urban identity and collective history. To preserve, present and share this
history is essential for future generations. Our history helps us shape a future built on our roots.
I wish you an excellent visit in this site that perpetuates our memories
En 2007, la UNESCO declaró la ciudad de Burdeos Patrimonio mundial como conjunto urbano excepcional. El patrimonio es una parte importante
de la ciudad y de sus habitantes, elemento constitutivo de una identidad urbana y de nuestra historia común. Preservar, compartir y transmitir esta
historia es esencial para las futuras generaciones. Nos ayuda a construir el futuro apoyándose en nuestras raíces.
Le deseo una excelente visita en estos sitios portadores de memoria.
Alain Juppé, maire de Bordeaux / Mayor of Bordeaux / Alcalde de Burdeos
Premier vice-président de la Communauté urbaine de Bordeaux /
First vice-president of the Urban community of Bordeaux / El primer vicepresidente de la Comunidad urbana de Burdeos
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guides-conférenciers et des animateurs de
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de leurs actions. Des vestiges antiques à
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