Avertissement au lecteur Pedro García Montalvo, auteur espagnol contemporain, situe l’action de ce texte au cœur de la « Huerta » où il est né en 1951. La « Huerta » est une plaine maraîchère d’une richesse incommensurable, grâce à une irrigation léguée par les romains et améliorée par les arabes, et à un soleil quasi permanent. Nous sommes à la fin des années cinquante et la région est encore, mais pour peu de temps, productrice de soie. On y élève les vers qui, en consommant les feuilles de mûrier, fileront la précieuse fibre qui ne va pas tarder à être supplantée par les textiles synthétiques. La vie y est paisible et suit un cours encore e traditionnel. Les mœurs sont encore celles du XIX siècle, une époque où les jeunes filles rougissaient facilement. L’atelier de traduction littéraire a réuni, cette année, les élèves de la Terminale L1. Ils ont travaillé avec cœur, ont découvert les affres du traducteur, les difficultés inhérentes à cet art, la recherche du mot juste, et ont pu échanger avec des traducteurs professionnels venus les éclairer à deux reprises sur les subtilités de ce métier. En outre, cette activité leur a permis de réfléchir, non seulement sur la langue espagnole, mais aussi sur leur propre langue, et ils se sont passionnés pour les nuances que pouvaient apporter deux mots apparemment synonymes, pour l’histoire des mots, leur origine, qui leur ont permis de mieux comprendre le génie propre de chaque langue. Ont participé à l’élaboration de cette traduction : Camille Alonzeau, Nora Arif, Yasmina Azaouzi, Lucie Barbot, Yann Boubarne, Morgane Coroller, Anna Desiles, Fanny Gonin, Sophia Grassiot, Pierre-Arnaud Jambu (malgré sa défection à la fin), Aline Katendé, Clara Le Gac, Johanna Lefay, Audrey Leroy, Pierre Maillard et Charline Massy. Rennes, Lycée Émile Zola, le 18 juin 2007 A. Keruzoré, professeur d’espagnol EL ROSTRO LE VISAGE Y noticia le daría de tu belleza y dulzura y de tu soberanía.. Mais je lui parlerais de ta beauté, de ta douceur et de ta souveraineté. JUAN DE LA CRUZ JEAN DE LA CROIX La tía Juana movía la cabeza con aire intranquilo. La escena de la tarde anterior retornaba una y otra vez a su espíritu. Esa no era forma de habérselas con un hombre. No se le podían dar todas las bazas de manera tan ostensible. Pero así era Yola. En cuanto se refería al amor había tenido siempre la debilidad de un jilguero, y su alegría. Y no iba a cambiar en un día o en una noche esa manera de ser. De hecho, lo que desasosegaba a su tía era la sensación de que no cambiaría nunca, de que no se trataba de un rasgo secundario en un alma adolescente; sino de algo más hondo, destinado a perdurar en toda una vida. Y, sin embargo, esa ligera zozobra que Juana experimentaba, inclinada sobre la tela que aún no había comenzado a coser, no era bastante para impedir a su boca una recóndita sonrisa. La tarde anterior Antonio y la muchacha habían coincidido en la reunión bajo las moreras. Mozos y mozas preparaban las cajas algodonadas que iban a servir de nido a los gusanos de la seda. Cuando ella lo vio venir por el sendero, sus ojos brillaron y su bonita cabeza se alzó levemente, descubriendo el cuello moreno... Antonio saludó a todo el mundo y fue a sentarse en el extremo opuesto del corro. En seguida Encarna dio con el codo a su tía, la cual, por lo demás, no necesitaba que nadie le llamara la atención sobre ningún particular de la La tante Juana dodelinait de la tête avec un air soucieux. La scène de la veille hantait son esprit. Ce n’était pas une manière de se comporter avec un homme. Elle ne pouvait pas lui dévoiler ses atouts de manière aussi ostensible. Mais Yola était ainsi. Quant à ce qui avait trait à l’amour, elle avait toujours eu la faiblesse d’un moineau, son allégresse aussi. Et cette façon d’être n’allait pas changer du jour au lendemain. En fait, ce qui tourmentait sa tante c’était le sentiment qu’elle ne changerait jamais, qu’il ne s’agissait pas d’un trait secondaire d’une âme adolescente mais de quelque chose de plus profond, voué à durer toute une vie. Cependant, cette légère crainte qu’éprouvait Juana, penchée sur la toile qu’elle n’avait pas encore commencé à coudre, n’était pas suffisante pour l’empêcher d’esquisser un sourire furtif. La veille Antonio et la jeune fille s’étaient trouvés ensemble à la réunion sous les mûriers. Jeunes gens et jeunes files préparaient les caisses garnies de coton qui allaient servir de nids aux vers à soie. Quand elle le vit venir par le sentier, ses yeux brillèrent et sa tête se redressa légèrement découvrant un cou bronzé. Antonio avait salué tout le monde et était allé s’asseoir à l’extrême opposé de l’assemblée. Aussitôt Encarna donna un coup de coude à sa tante, laquelle, d'ailleurs n’avait besoin de personne pour attirer son attention sur quelque détail de la situation que ce soit. situación. Yola se había puesto ya un poco colorada, y sus dedos, diestros desde hacía muchos años en almohadillar las verdes hojas, comenzaban a negarse a obedecerla. Se acariciaba la mejilla sin motivo aparente y de vez en cuando dirigía intensas miradas hacia la espesura de los huertos, donde nada había que pudiera interesarla, alargando el cuello para ver mejor algo que no estaba allí ni en ninguna otra parte. Pronto diría cualquier frase absurda, pretendiendo así, al hablar en voz alta, demostrarse a sí misma que nada de aquella reunión la ponía nerviosa, y mostrarlo de paso a los demás. Quienes estaban en el secreto -la tía Juana, su prima Encarna y algún otro miembro más del corro- esperaban pues, resignadamente, que la azorada muchacha diera comienzo a alguno de sus discursos, cuyo efecto fatal sería la sorpresa de todos y el aumento de la inseguridad y el malestar de ella misma. Inútil habría sido decirle algo, tratar de captar su atención envolviéndola en alguna conversación que tranquilizara su ánimo e hiciera retornar el sosiego a sus manos y a su linda cabecita. Así era Yola. Excitable, ardorosa y débil ante el amor, y, por un capricho del destino, perseguida sin cesar por ese diosecillo. Desde niña sus hermanos y su tía la habían visto siempre enamorada de algún zagal, y, en los escasos momentos de su adolescencia en que había escapado a su alegre pasión, habían admirado y temido aquella forma en que convivía con cuantos la hacían sentirse requerida, entre todos los cuales variaba su voluble y exaltado sentimiento amoroso. En cualquier caso, el instante había llegado en la tranquila reunión de la seda, bajo los árboles vespertinos. Yola miró por última vez hacia los huertos, hacia el inexistente objeto de su atención, paseó luego la mirada sobre sus atareados compañeros, y permaneció un momento en relativa quietud. Su tía Juana, que sabía interpretar tales gestos, cerró los ojos. - Oh, vaya un calor insoportable que hace. La voz de Yola había vencido el murmullo de las conversaciones. Incluso había sonado con gran firmeza, lo que no siempre sucedía en tales ocasiones. Cualquiera que hubiera oído la frase, dicha con tanta Yola avait déjà un peu rougi, et ses doigts, exercés depuis plusieurs années à préparer les feuilles vertes, commençaient à refuser de lui obéir. Elle se caressait les joues sans raison apparente et de temps en temps lançait d’intenses regards vers l’épaisseur des vergers, où rien n’était susceptible de l’intéresser, en allongeant le cou pour mieux voir quelque chose qui n’était ni là ni ailleurs. Elle dirait bientôt à voix haute n’importe quelle phrase absurde, cherchant à se prouver à elle-même que rien dans cette réunion ne devait la rendre nerveuse, et le montrer au passage aux autres. Ceux qui étaient au courant - la tante Juana, sa cousine Encarna et quelque autre membre du groupe - attendaient donc avec résignation que la jeune fille troublée se lance dans un de ses discours, dont l’effet inévitable serait la surprise de tous et l’augmentation de sa propre confusion. Il aurait été inutile de lui dire quoi que ce soit, d’essayer de capter son attention en l’attirant dans une conversation qui apaiserait son esprit et calmerait ses mains et à son joli minois. Elle était comme ça Yola. Excitable, fougueuse et faible devant l’amour, et, par un caprice de la destinée, poursuivie sans cesse par ce petit dieu. Depuis son plus jeune âge ses frères et sa tante l’avaient toujours connue amoureuse d’un garçon et dans les rares moments de son adolescence où elle avait échappé à sa joyeuse passion, ils avaient admiré et craint cette façon d’être avec tous ceux qui lui donnaient l’impression de plaire, parmi lesquels hésitait son amour inconstant et exalté. En tout cas, le moment était venu, dans la tranquille réunion de la soie, sous les frondaisons vespérales. Yola jeta un dernier regard vers les vergers, vers l’objet inexistant de ses préoccupations, le promena ensuite sur ses compagnons affairés et resta un moment dans une relative quiétude. Sa tante Juana, qui savait interpréter de telles expressions, ferma les yeux. - Oh , il fait une chaleur insupportable. La voix de Yola avait vaincu le murmure des conversations. Elle avait même retenti avec une certaine fermeté, ce qui arrivait toujours en de telles occasions. Quiconque aurait entendu cette phrase, dite avec tant de décision et accompagnée d’un mouvement énergique de tout le corps, decisión y acompañada por un enérgico movimiento de todo el cuerpo, habría pensado que la dueña de esa voz era una jovencita segura de sí misma y libre de todo prejuicio, timidez o azoramiento. Decimos que habría podido pensarlo según el tono y la elevación de la frase. Pero ocurría que hacía un día verdaderamente frío para la época del año, y que, en el momento de hacer una confesión tan radical sobre el estado atmosférico, soplaba un vientecillo más bien helado que había hecho a las mujeres cerrar sus cuellos de encaje y echarse la rebeca sobre los hombros. Por lo cual todos los circunstantes se miraron entre sí y miraron a Yola con aire sorprendido. - Pero Yola, parece que hoy hace más bien frío - dijo alguien. - No para mí - replicó la muchacha, con entonación aún más decidida. La tía Juana suspiró. De haber estado más cerca de su sobrina le habría dado suavemente con el pie para hacerla callar, pero por desgracia estaba sentada muy lejos de ella. Y quizá fuera mejor así, pues aquel mínimo roce podía tener fácilmente el efecto contrario, poniéndola más nerviosa todavía y acentuando sus disparates. ¿Qué no llegaría a decir Yola si las circunstancias favorables a su inquieto enamorarse, a su aturdida palabra, a su hermoso trastorno verbal y psíquico, conspiraban bajo las verdes moreras hasta llevarla al límite de su confusión? Encarna escondió el rostro tras el hombro de su tía, acaso para disimular la risa que pugnaba desde hacía rato por llegar a su boca. Algunos de los presentes intercambiaron palabras en voz baja. - ¿Cómo puedes decir que hace calor esta tarde? -insistió todavía una vieja burlona y desdentada- No lo tendrán ni los novios del azud, los recién casadicos... Y la mujer reía, enseñando sus fuertes encías, y agitando una hoja de morera en la mano. Otros comentarios jocosos siguieron al de la vieja, y Juana temió que su sobrina avanzara más aún en su turbación y en sus desatinos. Pero quiso la suerte que unos aparceros llamaran a Antonio -que no parecía haber dedicado especial atención a las palabras cruzadas entre Yola y los demás, entregado como estaba a su charla con aurait pensé que celle qui l’avait proférée devait être une jeune demoiselle sûre d’elle même et libre de tout préjugé, de toute timidité ou de toute gêne. Disons qu’il aurait pu le penser selon le ton et l’intonation de la phrase. Mais il se trouvait qu’il faisait une journée véritablement froide pour cette époque de l’année, et que, au moment de l’aveu si péremptoire sur l’état atmosphérique, il soufflait un petit vent plutôt glacial qui avait fait fermer aux femmes leurs cols de dentelles et jeter un châle sur leurs épaules. C’est pourquoi tous les présents s’entreregardèrent et lui adressèrent un regard surpris. - Mais Yola, on dirait qu'aujourd'hui il fait plutôt froid, dit quelqu'un. - Pas pour moi, répliqua la jeune femme avec une intonation encore plus déterminée. La tante Juana soupira. Si elle avait été plus près de sa nièce, elle lui aurait discrètement fait un appel du pied pour la faire taire, mais hélas, elle était assise trop loin d'elle. Et peut-être était-ce mieux ainsi, ce petit signe aurait pu avoir l'effet inverse, cela l'aurait rendue plus nerveuse encore et aurait aggravé ses sottises. Que n'irait pas jusqu’à dire Yola si les circonstances propices à ses préoccupations amoureuses, à ses dires irréfléchis, à ses charmants écarts verbaux et mentaux, conspiraient sous les verts mûriers jusqu'à l'entraîner au bout de sa confusion ? Encarna cacha son visage derrière le dos de sa tante, peut-être pour dissimuler le rire qu'elle contenait depuis un moment. Certains échangèrent quelques mots à voix basse. - Comment peux-tu dire qu'il fait chaud cette après-midi ? - insista encore une vieille femme moqueuse et édentée - même les jeunes mariés de la Noria ne pourraient en dire autant. Et la femme riait, laissant apparaître ses gencives et agitant une feuille de mûrier. D’autres commentaires moqueurs suivirent celui de la vieille, et Juana craignit que sa nièce ne s’enfonce davantage dans son trouble et dans ses bêtises. Mais le hasard fit que quelques métayers appelèrent Antonio - qui ne paraissait pas avoir prêté beaucoup d’attention aux mots échangés entre Yola et les autres, accaparé qu’il était par sa conversation avec les deux seuls autres hommes de l’assemblée – et la jeune fille reprit los dos únicos hombres del corro- y la muchacha recuperó al instante su calma, volvió a encontrar la habilidad en el trasiego de las hojas, y olvidó que tal cosa hubiera dicho sobre el tiempo o sobre el chápiro verde. Cuando una de sus amigas añadió todavía, entre risas, que Yola había sido siempre muy calurosa, la aludida se limitó a sonreír, sin saber a ciencia cierta dónde estaba la gracia de esa frase, y se perdió en sus alegres pensamientos. Su tía suspiró, meneando la cabeza con alivio, al ver que las aguas volvían a su cauce. ¿Por qué tenía que ponerse de tal modo en evidencia? La tía Juana no deploraba el hecho aislado, sino la reiterada aparición de tal escena a lo largo de los años, a pesar de sus velados consejos. ¿Cómo iba a decir abiertamente a su sobrina que no puede uno enamorarse sin parar en barras, y menos aún someterse de tal manera al gozoso desorden de conducta y de ideas que ese amor inspira? ¿Acaso se enamoraba la muchacha a voluntad, o decía tantas inconveniencias por su gusto? En esta ocasión los descuidos, las cómicas torpezas de Yola, le dolían más que otras veces, pues le agradaba aquel Antonio como posible compañero de su sobrina, y temía el acostumbrado final de los enamoramientos de ésta. ¿Qué podía pensar aquel muchacho honrado y trabajador de semejantes locuras? Ante tamañas intervenciones había que concluir una de estas dos cosas: o era una mujer fácil, una casquivana, o era -y esta conclusión era todavía peor- la más tonta de los contornos. Y nadie sabía mejor que su tía hasta qué punto era en realidad sensata, vital, alegre y llena de entendimiento. En todo caso, más valía deponer las ilusiones. La tarde bajo las moreras, bajo su verdor oscuro y cimbreante, había terminado con bien, pero antes o después el desastre tendría lugar. En la siguiente ocasión, cuando el elegido de Yola hubiera sido ganado por sus facciones agradables y risueñas, llenas de picardía, por sus gráciles andares en la danza, ya se tomaría ella el cuidado de echarlo todo a rodar: volcaría la fresca jarra de la sangría, o comenzaría a disparatar sobre el número inconmensurable de sus novios infantiles y de sus amantes actuales, o diría -como había sucedido en un caso anterior- que jamás se aussitôt son calme et recouvra toute son habileté à ranger les feuilles, oubliant ce qu’elle avait pu dire du temps ou de l’an quarante. Lorsque l’une de ses amies ajouta encore, parmi les rires, que Yola avait toujours été très chaleureuse, elle se contenta de sourire, sans vraiment comprendre où était l’humour dans cette phrase, et elle se perdit dans ces joyeuses pensées. Sa tante soupira, hochant la tête avec soulagement, en voyant que les choses étaient rentrées dans l’ordre. Pourquoi devait-elle se mettre ainsi en évidence ? La tante Juana ne déplorait pas le fait isolé, mais l'apparition réitérée de pareille scène au fil des années, malgré ses conseils à demi-mot. Comment aurait-elle pu dire ouvertement à sa nièce qu'elle ne pouvait pas tomber amoureuse sans cesse inconsidérément, et encore moins se laisser aller de cette façon aux écarts de conduite et de pensée que cet amour inspirait ? La jeune fille tombait-elle amoureuse à volonté, ou disait-elle tant d'inconvenances par plaisir ? En l’occurence, les gaffes, les maladresses comiques de Yola, lui faisaient plus mal qu’auparavant, car cet Antonio lui plaisait comme éventuel compagnon de sa nièce, et elle redoutait la fin habituelle des amours de celle-ci. Que pouvait penser ce garçon honnête et travailleur de telles folies? Devant pareilles interventions, il ne pouvait en déduire que deux choses : ou elle était une femme facile, une écervelée, ou elle était - et cette conclusion était encore pire - la plus sotte des alentours. Et personne ne savait mieux que sa tante jusqu'à quel point elle était en réalité sensée, pleine de vie, joyeuse et intelligente. En tout cas, il valait mieux écarter les illusions. L'après-midi sous les mûriers, sous leur verdure sombre et ondulante, avait bien fini, mais tôt ou tard, la catastrophe aurait lieu. À la prochaine occasion, quand l’élu de Yola aura été gagné par ses traits agréables et rieurs, pleins de malice, par ses allures graciles dans la danse, elle prendrait bien soin de tout gâcher : elle renverserait le pichet de sangria fraîche, ou se mettrait à déblatérer sur le nombre incommensurable de ses amoureux d’enfance et de ses amants actuels, ou dirait - comme c’était déjà arrivé à une autre occasion – qu’elle ne s’engagerait jamais avec un seul homme pour toute la vie, qu’elle préférait, si une telle chose devait arriver, entrer au couvent. N'avait-elle pas dit, comprometería con un solo hombre para toda la vida, que prefería, si tal cosa debía pasarle, hacerse monja. ¿No había dicho, cuando la cortejaba el hijo del pimentonero, que era un mozo retinto, de rizos de azabache, que ella sólo se casaría con un hombre rubio, y que hacerlo con uno pelirrojo ya le parecía haberse rebajado? Y sin embargo, ella quería al joven pimentonero, que cesó aquel mismo día de visitarla, hundido en la más negra de las melancolías. Pero de todas esas inconveniencias, fruto del nerviosismo que levantaba en ella la cercanía del ser amado, ninguna había sido comparable con la aventura del primo, acaecida el año último. Sucedió que vino a pasar unos días a la Casa de los Balcones un primo lejano, escribiente en un banco, bien trajeado y oloroso de colonia, cuya unión con alguna de las chicas de la familia no hubiera sido mal acogida. Naturalmente Yola se enamoró en seguida y el primo no tardó en dirigirle miradas lánguidas aprendidas en sus escarceos urbanos. Pero en una de las comidas familiares, cuando ya parecía tomar forma el idilio, alguien sacó a relucir, quizá con cierta malicia, el tema de la prostitución, a propósito de dos o tres mujeres dudosas que frecuentaban aquella parte de las huertas. La temida intervención de Yola no se hizo esperar mucho. Del comentario al simple merodeo de las tres sospechosas, los comensales habían pasado a una disputa entre seria y burlona sobre el tema en general. En un momento dado, considerando la muchacha que llevaba demasiado tiempo callada, y que su flamante primo podía inferir de ello su desasosiego amoroso, o llegar a pensar que era tímida o apocada, decidió romper su comprometedor silencio. Su tía Juana sudaba y resudaba detrás de su rústica servilleta, pero cuando observó el gesto de Yola, con el cual daba siempre entrada a una de sus frases repletas de energía, todo su calvario terminó, como termina el de aquel que se rinde ante fuerzas más poderosas que su voluntad, y escuchó las palabras de su sobrina con una rígida calma: - Ay, qué sería del mundo si no existiera la prostitución. La frase dominó con insolencia cuanto en la mesa se estaba diciendo al respecto. El primo detuvo en el aire el bocado que acercaba quand le fils du producteur de poivrons lui faisait la cour, que c’était un noiraud, aux bouclettes de jais, qu'elle ne se marierait qu’avec un blond, et qu’avec un rouquin ce serait déjà se rabaisser ? Et cependant, elle aimait le jeune homme, qui cessa le jour même de la voir, plongé dans la plus noire des mélancolies. Mais de toutes ces maladresses, fruit de la nervosité qui montait en elle à proximité de l'être aimé, aucune n'avait été comparable à l'aventure du cousin, survenue l'année précédente. Il arriva que vint à passer quelques jours à la Maison aux Balcons un cousin éloigné, commis de banque, élégamment vêtu et parfumé à l'Eau de Cologne, dont l'union avec une des filles de la famille n'aurait pas été mal accueillie. Naturellement, Yola tomba amoureuse immédiatement et le cousin ne tarda pas à lui adresser des regards langoureux appris lors de ses premiers ébats citadins. Mais pendant l’un des repas de famille, quand déjà l'idylle paraissait prendre forme, quelqu'un mit sur le tapis, peut-être avec une certaine malice, le thème de la prostitution, à propos de deux ou trois femmes douteuses qui fréquentaient cette partie des vergers. L’intervention si redoutée de Yola ne se fit pas attendre longtemps. Du commentaire sur le simple maraudage des trois suspectes, les convives étaient passés à une discussion mi-sérieuse mi-moqueuse sur le sujet en général. À un moment donné, la jeune fille considérant qu'elle était depuis trop longtemps muette, et que son ardent cousin pouvait en déduire son trouble amoureux, ou même penser qu'elle était timide ou pusillanime, décida de rompre son silence compromettant. Sa tante Juana transpirait tant et plus derrière sa rustique serviette, mais quand elle remarqua l’expression de Yola, qui annonçait toujours une de ses phrases énergiques, son calvaire prit fin, comme prend fin celui de qui se rend face à des forces plus puissantes que sa volonté, et elle entendit les paroles de sa nièce dans un calme crispé : - Ah, que serait le monde sans la prostitution. La phrase domina avec insolence tout ce qui s'était dit à la table sur ce sujet. Le cousin stoppa en l'air la bouchée qu'il avait approchée de ses a sus labios entreabiertos. Se hizo un embarazoso silencio, y el abuelo, pese a ser consciente del tremendo error que iba a cometer, preguntó a Yola, en un intento desesperado de salvar la situación, sobre el significado de sus palabras, pidiéndole con una forzada sonrisa que explicara una afirmación tan original y chocante. Y cuando la gentil Yola trató de explicar el por qué de su apología de los burdeles, el asunto se enredó más y más, hasta que la tía Juana se levantó de la mesa con aire compungido para ir a buscar los postres, sabedora de que el primo lejano volvería a la ciudad con la cabeza llena de pensamientos encontrados, pero no con Yola. - Por lo que casi puedo afirmar, si he de ser justa, que a mí no me importaría terminar así -concluyó la muchacha, arrastrada por la violenta lógica de su defensa, que se había hecho cada vez más intrincada y comprometedora a pesar de los esfuerzos de todo el mundo por ayudarla a salir de su pequeño laberinto. Esta era la desazón de la tía Juana en la tarde de otoño que la veía inclinada sobre su labor sin decidirse a iniciarla. Su inquietud por el destino de Yola, y también su involuntaria sonrisa al recordar sucesos pasados. ¿Qué les depararía el futuro en el caso del nuevo pretendiente, de aquel Antonio que empezaba a cortejarla, y que era ya, por supuesto, dueño de la voluntad, del albedrío y de la sensatez de su sobrina? Pocos meses bastaron para vencer este interrogante. Contra todo lo esperado e imaginado, las cosas fueron bien para la parda, y una mañana de la primavera siguiente - pues todos tenían grandes deseos de ver el alba de esa dificultosa y feliz boda - el alegre noviazgo terminó. La radiante muchacha no estuvo quizá más comedida que otras veces, pero, acaso porque se trataba de un amor más hondo, su gracia y su picardía triunfaron de todos los inevitables deslices y confusiones a que su pasión inevitablemente la conducía. Si habló en alguna ocasión, ardorosamente, contra las «madres de los mandos», como ella decía, en presencia de la que había de ser su suegra, o si conversó alegremente con alguno de los familiares del novio acerca de lo negro y atildado de lèvres entrouvertes. Il se fit un silence embarrassant, et le grand-père, malgré la conscience de la terrible erreur qu'il allait commettre, interrogea Yola, dans une tentative désespérée de sauver la situation, sur la signification de ses paroles, lui demandant avec un sourire forcé d'expliquer une affirmation si originale et choquante. Et quand la gracieuse Yola essaya d'expliquer le pourquoi de son apologie des bordels, le sujet s'emmêla de plus en plus, jusqu'à ce que la tante Juana se lève de table avec un air affligé pour aller chercher les desserts, sachant que le cousin lointain retournerait en ville avec la tête pleine de pensées contradictoires, mais pas avec Yola. -C'est pourquoi je peux presque affirmer, pour être juste, que ça ne me dérangerait pas de finir comme ça -conclut la jeune femme, emportée par la violente logique de sa défense, qui devenait de plus en plus compliquée et compromettante, malgré les efforts de tout le monde pour l'aider à sortir de son petit labyrinthe. Telle était la désolation de la tante Juana par cette après-midi d'automne qui la voyait s'incliner sur son labeur sans se décider à le commencer. Tels étaient son inquiétude pour l’avenir de Yola, et aussi son sourire involontaire au souvenir des évènements passés. Que lui réservait le futur dans le cas du nouveau prétendant, de cet Antonio qui commençait à la courtiser, et qui était déjà, bien évidemment, maître du cœur, de la liberté et du bon sens de sa nièce ? Il ne fallut que quelques mois pour résoudre cette question. Contre toute attente, les choses allèrent bien pour la brunette et un matin du printemps suivant - car tous avaient grand désir de voir l’aube de ce difficile et heureux mariage - les joyeuses fiançailles prirent fin. La radieuse jeune fille ne fut peut-être pas plus réservée que les autres fois, mais, sans doute parce il s’agissait d'un amour plus profond, sa grâce et sa malice triomphèrent de tous les inévitables faux pas et confusions où sa passion la conduisait inévitablement. Si elle parla en quelque occasion, ardemment, contre les « mères patronnes », comme elle disait, en présence de celle qui devait être sa belle-mère, ou si elle plaisanta gaiement avec l’un des membres de la famille du fiancé sur sa moustache qu’elle trouvait bien sus bigotes - lo cual no estaba de acuerdo con el decoro, aunque fuera divertido y picaresco -, o si dejó escapar una festiva alusión a la cojera de un importador de café, sin reparar en la cercanía de la tullida tía de Antonio, que lloró luego, amargamente, al anochecer, sin querer admitir las disculpas de su sobrino y de sus deudos hasta que hubo destrozado varios pañuelos, lo cierto es que todo se le perdonó a Yola por su encanto y por su cariñosa disposición. El matrimonio había de cambiarla en lo sucesivo, pero, aunque pasaran los años, su tía Juana la recordaría siempre como en estos días de su irreprimible juventud, conservando esa imagen tan distinta de la que había de darle la madurez. A lo largo de su vida Juana había visto en muchos rostros esa luz inaprehensible con que el amor baila a sus elegidos. A veces es un simple brillo en los ojos, o un rubor en la mejilla que se esconde en seguida gracias a la mano. Otras veces es un temblor en los labios de la mujer, o una actitud pensativa en el hombre. Pero siempre hay una expresión del que está enamorado, más o menos patente, aunque la persona en cuestión recele bien su sentimiento o tenga unas facciones inexpresivas. El amor toma un rostro y lo fuerza a hablar, siquiera sea de manera mínima, dotándolo de un lenguaje siempre lleno de belleza. No importa que ese sutil baño de luz ilumine unos rasgos mal proporcionados, o que haya en esa expresión resultante algo de ridículo o indefenso. Ese rostro al que acude el amor destaca en el círculo de la seda, en la cena familiar de muchos invitados y en la reunión bajo la noche, con tal que alguien sepa verlo. Es como un trazo de luminosidad en aguas oscuras, inerme en su belleza. Para Juana, para esta mujer que la excedía en edad y conciencia de las cosas, Yola sería ya siempre aquella niña cuyo rostro atraía como ningún otro esa claridad del amor. De cuantas personas conociera, en las huertas o en la ciudad, ninguna como su sobrina le hablaría de esa capacidad para reflejar la forma invisible de la pasión, que acudía a sus ojos, a su boca y a su mente con la inmediatez animal y feliz del agua a las arenas doradas. «Si un día engañas a tu marido, si te enamora otro hombre», pensaba la tía Juana, «estarás perdida». Porque sabía que Yola noire et bien guindée - ce qui rompait avec la bienséance, même si c’était amusant et malicieux- ou si elle laissa échapper une allusion drôle à la boiterie d’un importateur de café, sans remarquer la proximité de la tante estropiée d’Antonio qui pleura ensuite amèrement, le soir venu, dédaignant les excuses de son neveu et de ses proches, jusqu’à en gâter plusieurs mouchoirs, ce qui est certain c’est que tout fut pardonné à Yola pour son charme et son affectueux caractère. Le mariage la changerait sûrement, mais même après des années, sa tante Juana se souviendrait d’elle comme aux jours de son irrépressible jeunesse, conservant cette image si différente de celle que devait lui donner la maturité. Au cours de sa vie, Juana avait vu sur bien des visages cette lumière insaisissable avec laquelle l'amour illumine ses élus. Parfois c’est un simple éclat dans les yeux ou une rougeur sur la joue aussitôt cachée par la main. D’autres fois, c’est un tremblement sur les lèvres de la femme, ou une attitude pensive chez l’homme. Mais toujours il y a une expression particulière chez celui qui est amoureux, plus ou moins évidente, même si la personne en question cache bien son sentiment par des traits inexpressifs. L’amour prend un visage et le force à parler, même de manière infime, le dotant d’un langage toujours plein de beauté. Peu importe que ce subtil bain de lumière illumine des traits mal proportionnés, ou qu’il y ait dans cette expression quelque chose de ridicule ou de vulnérable. Ce visage qu’envahit l’amour se remarque dans le cercle de la soie, dans le repas familial aux nombreux convives et dans la réunion sous la voûte étoilée, pour peu qu’on sache le voir. C’est comme un trait de lumière dans les eaux sombres, désarmant de beauté. Pour Juana, pour cette femme qui la dépassait en âge et en expérience, Yola serait toujours cette petite fille dont le visage attirait comme aucun autre la clarté de l’amour. Parmi les personnes qu’elle connaissait, dans la huerta ou en ville, aucune comme sa nièce ne lui semblait avoir cette capacité à refléter la forme invisible de la passion, qui envahissait ses yeux, sa bouche, son esprit avec l’immédiateté animale et heureuse de l’eau submergeant les sables dorés. « Si un jour tu trompes ton mari, si tu tombes amoureuse d’un autre homme, pensait la tante sería capaz de dominar toda otra emoción que ardiera en su sangre y pugnara por mostrarse en su cuerpo o en su conducta, pero no la turbación que conlleva el amor. Era habitualmente serena en medio de su bulliciosa alegría, más que sus primas, y estaba llena de sensatez para la vida cotidiana y sus sucesos. Cuando Sebastián y sus amigos padecieron la represión del año 51, nadie como ella supo mantener la calma, y nadie como ella ayudó a los demás con su ejemplo. Pero el amor la había elegido para manifestarse, para acudir a ella cuando deseaba arder intensamente en una mejilla o entre unas negras pestañas, y ante su poder Yola era la muchacha sumisa que todo lo acata. Ah, voz de la pasión, cómo sabías nombrarla, cómo sabías acariciar su espíritu y enervarlo, con qué completa supremacía. Casada, liberada de esa encendida exterioridad y de sus graves riesgos, Yola podía ser para su tía objeto de admiración y meditación, y se abismaba a veces tanto en ese gusto por la memoria de cosas que antes le producían zozobra, que a menudo su cuñada o las vecinas tenían que recordarle la olla en el fogón o el agua que corría en la pileta. «No bartulees más, Juana, que se te quema el puchero.» Y la mujer sonreía, ponía remedio, y retornaba a la imagen de su sobrina. Le divertía pensar que aquella muchacha a la que un rato después vería sobrecogida, perdido el control de su respiración y la firmeza de sus labios, la había consolado un momento antes si estaba decaída, levantándole el ánimo con su apariencia de seguridad y entereza. «Vamos, tía, que no se acaba el mundo, y usted lo saca a cuestas en cuanto quiere», le decía su sobrina, sonriente y mimosa. Y unos minutos más tarde era a ella a quien se le venía encima el mundo, porque tal hombre o tal muchacho había entrado al zaguán pidiendo agua de la tinaja y una mirada de su corazón enamoradizo. Sí, pasarían los años y la barbarie del amor poseería de nuevo aquella cara, tranquila en el presente, gozándose en ella más que en ninguna otra, como un remanso de aguas que se tornan embravecidas y llegan más lejos que las demás en la tierra florecida y herbosa, sin motivo, al azar, como elige la naturaleza un rincón de los viñedos de la colina para dejar allí la forma más pura de sus luces. De la luz que no puede capturarse, Juana, tu seras perdue ». Parce qu’elle savait que Yola serait capable de dominer tout autre émotion qui embraserait son sang et qui lutterait pour se manifester dans son corps ou dans sa conduite, mais pas la perturbation qu’entraîne l’amour. Elle était habituellement sereine dans sa pétulance, plus que ses cousines, et elle était pleine de bon sens pour la vie quotidienne et ses imprévus. Quand Sebastián et ses amis avaient subi la répression de mil neuf cent cinquante et un, personne comme elle n’avait su garder son calme, personne comme elle n’avait aidé les autres comme elle l’avait fait. Mais l’amour l’avait choisie pour se manifester, pour brûler intensément sur sa joue ou entre ses cils noirs, et devant son pouvoir Yola était la jeune femme soumise qui accepte tout. Ah, voix de la passion, comme tu savais l’appeler, comme tu savais apaiser son esprit et le dompter, avec quelle suprématie. Mariée, libérée de cette extériorité ardente et de ces graves risques, Yola pouvait devenir pour sa tante objet d’admiration et de méditation, et elle s’abîmait tellement parfois dans ce goût pour la mémoire des choses qui avant l’inquiétaient, que souvent sa belle-sœur ou les voisines devaient lui rappeler la marmite sur le feu ou l’eau qui coulait dans l’évier. « Ne traîne pas Juana, ton frichti est en train de brûler. » Et la femme souriait, remettait de l’ordre et revenait à l’image de sa nièce. Ça l’amusait de penser que cette jeune femme qu’un moment plus tard elle verrait confuse, ayant perdu le contrôle de sa respiration et la fermeté de ses lèvres, l’avait consolée un moment plus tôt quand elle était abattue, lui redonnant courage avec son apparence de sécurité et d’énergie. « Allons ma tante, ce n’est pas la fin du monde, et vous le surmonterez dès que vous le voudrez », lui disait sa nièce souriante et douce. Et quelques minutes plus tard, c’était sur elle que tout s’écroulait, parce que tel homme ou tel jeune homme était entré dans le zaguán en demandant de l’eau de la gargoulette et un regard de son cœur si facilement amoureux. Oui, les années passeraient et la sauvagerie de l’amour posséderait à nouveau ce visage, tranquille à présent , se plaisant en elle plus qu’en nulle autre, comme des eaux calmes, soudain devenues furieuses, allaient plus loin que les autres sur la terre fleurie et herbeuse, sans but, au hasard, comme la nature choisit un coin de vignes sur la colline pour y déposer la forme la que viene cuando ella desea, y que acaso en una mañana venidera habría de volver a su elegida. Mientras tanto, Antonio el comerciante estaría amando, sin saberlo, la más intensa manifestación física y visible del amor que conocieran las oscuras huertas. plus pure de sa lumière. De la lumière qui ne peut pas être capturée, qui vient quand elle le souhaite, et qui peut-être un beau matin s’en retournerait auprès de son élue. Pendant ce temps, Antonio le commerçant serait tombé amoureux, sans le savoir, de la plus intense manifestation physique et visible de l’amour qu’aient jamais connue les sombres vergers. Pedro García Montalvo D’après P. García Montalvo in La Primavera en viaje hacia el Invierno, MURCIA 1983 Atelier de Traduction Littéraire 2006-2007. Lycée Émile Zola - Rennes.