Subido por Ricardo Santolino

RSPT 852 0287

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PROCLUS ET LA THÉOLOGIE PLATONICIENNE
Riccardo Chiaradonna
Vrin | « Revue des sciences philosophiques et théologiques »
2001/2 Tome 85 | pages 287 à 298
ISSN 0035-2209
DOI 10.3917/rspt.852.0287
Article disponible en ligne à l'adresse :
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Rev. Sc. ph. th. 85 (2001) 287-298
PROCLUS ET LA THÉOLOGIE
PLATONICIENNE
par Riccardo CHIARADONNA
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Dédié aux deux éditeurs de la Théologie Platonicienne, le volume s’ouvre
par une lettre émouvante adressée aux participants par l’un des fils de
L. G. Westerink. Suivent une ample préface de A. - Ph. SEGONDS (« Liminaire »), qui situe l’entreprise de Saffrey et Westerink dans le cadre des travaux sur le néoplatonisme en ce siècle, et – après les « Remerciements » des
organisateurs – des « Notes critiques sur le livre I de la Théologie Platoni1. Proclus et la Théologie Platonicienne. Actes du Colloque International de Louvain
(13-16 mai 1998). En l’honneur de H. - D. Saffrey et L. G. Westerink, édités par A.- Ph.
SEGONDS et C. STEEL, avec l’assistance de C. LUNA et A. F. METTRAUX, Leuven, University Press - Paris, Les Belles Lettres, 2000, XLI-700 p.
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L’année 1968 est une grande date pour les études consacrées au
néoplatonisme. Deux ouvrages fondamentaux virent en effet la lumière
cette année-là : d’une part, Porphyre et Victorinus (2 vol., Paris) de
Pierre Hadot, qui, dans les années suivantes, devait influencer profondément les recherches sur Plotin et Porphyre, sur l’affinité et les différences entre leurs doctrines, sur les rapports entretenus par ces deux
philosophes avec leurs prédécesseurs et sur leur postérité dans le néoplatonisme tardif; d’autre part, le premier volume de l’édition et traduction française de la Théologie Platonicienne par Henri Dominique
Saffrey et Leendert Gerrit Westerink († 1990), pourvu d’une vaste introduction et de notes, qui, avec les volumes qui devaient paraître dans
les années suivantes, étaient destinés à constituer une source pour les
études relatives non seulement à Proclus, mais aussi à l’histoire du
néoplatonisme après Plotin. Vingt-neuf ans plus tard, l’édition SaffreyWesterink est parvenue à son terme en 1997 avec son sixième volume,
et en mai 1998 s’est tenu à Louvain, en présence du Père Saffrey, le
congrès qui célébrait l’achèvement de cette édition. Du congrès « Proclus et la Théologie Platonicienne », organisé par Alain-Philippe SEGONDS et Carlos STEEL, voici maintenant publiés les actes 1 dans un
livre qui, comme les autres ouvrages que l’on vient de mentionner,
constituera sans aucun doute, pour les générations futures de savants,
un point de référence obligé et un modèle difficile à égaler.
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Quel était le programme de la Théologie Platonicienne, c’est ce que
rappelle SEGONDS dans son « Liminaire » : « Ce simple syntagme, Théologie Platonicienne, contient donc une sorte de déclaration de triomphe
de la part de Proclus : on a enfin un exposé scientifique de théologie, et
il embrasse toute la tradition grecque, comme Platon déjà avait voulu
le faire » (p. XXV). Authentique somme de la tradition hellénique, la
Théologie Platonicienne a été définie par Saffrey et Westerink comme
« l’ultime fruit authentiquement hellène de la pensée grecque tout
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cienne », envoyées à H. - D. Saffrey par le Père FESTUGIÈRE en 1968, et publiées ici pour la première fois. Sont ensuite rassemblées 29 communications : J. PÉPIN, « Les modes de l’enseignement théologique dans la Théologie
Platonicienne » (p. 1-14); S. GERSH, « Proclus’ Theological Methods. The programme of Theol. Plat. I 4 » (p. 15-27); D. P. TAORMINA, « Procédures de
l’évidence dans la Théologie Platonicienne » (p. 29-46); L. SIORVANES, « The
Problem of Truth in the Platonic Theology » (p. 47-63); J. J. CLEARY, « The
Role of Mathematics in Proclus’ Theology » (p. 65-90); A. MOTTE, « Discours
théologique et prière d’invocation. Proclus héritier et interprète de Platon »
(p. 91-108); L. BRISSON, « La place des Oracles Chaldaïques dans la Théologie
Platonicienne » (p. 109-162); † H. J. BLUMENTHAL, « Plotinus and the Platonic
Theology of Proclus » (p. 163-176); A. SMITH, « Porphyry and the Platonic
Theology » (p. 177-188); C. D’ANCONA, « La doctrine des principes : Syrianus
ere
comme source textuelle et doctrinale de Proclus. 1 partie : Histoire du problème » (p. 189-225); C. LUNA, « La doctrine des principes : Syrianus comme
e
source textuelle et doctrinale de Proclus. 2 partie : Analyse des textes »
(p. 227-278); D. J. O’MEARA, « La science métaphysique (ou théologie) de Proclus comme exercice spirituel » (p. 279-290); J. BUSSANICH, « Mystical Theology and Spiritual Experience in Proclus Platonic Theology » (p. 291-310); Th.
KOBUSCH, « Das Eine ist nicht das Ganze. Die Idee der Totalität im Werk des
Proklos, besonders in der Platonischen Theologie » (p. 311-323); F. ROMANO,
« L’idée de causalité dans la Théologie Platonicienne de Proclus » (p. 325-337);
J. DILLON, « The Role of the Demiurge in the Platonic Theology » (p. 339-349);
J. OPSOMER, « Deriving the three Intelligible Triads from the Timaeus » (p.
351-372); C. STEEL, « Le Parménide est-il le fondement de la Théologie Platonicienne ? » (p. 373-398); G. VAN RIEL, « Ontologie et théologie. Le Philèbe
dans le troisième livre de la Théologie Platonicienne de Proclus » (p. 399-413);
A. SHEPPARD, « Plato’s Phaedrus in the Theologia Platonica » (p. 415-423);
R. M. VAN DEN BERG, « Towards the Paternal Harbour. Proclean Theurgy and
the Contemplation of the Forms » (p. 425-443); J. COMBÈS, « La théorématique de la Théologie Platonicienne de Proclus d’après Damascius » (p. 445458); Ph. HOFFMANN, « La triade chaldaïque , ,  : de Proclus
à Simplicius » (p. 459-489); I. PERCZEL, « Pseudo-Dionysius and the Platonic
Theology. A Preliminary Study » (p. 491-532); C. STEEL & G. VAN RIEL, « Le
Grand Fragment de la Théologie Platonicienne » (p. 533-552); G. ENDRESS,
« The New and Improved Platonic Theology. Proclus Arabus and the Arabic
Islamic Philosophy » (p. 553-570); L. GIGINEISHVILI & G. VAN RIEL, « Ioane
Petritsi : a Witness of Proclus’ Works in the School of Psellus » (p. 571-587);
M. CACOUROS, « Deux épisodes inconnus dans la réception de Proclus à Bye
e
zance aux XIII -XIV siècles : La philosophie de Proclus réintroduite à Byzance
grâce à l'Hypotypôsis. Néophytos Prodromènos et Kôntostéphanos (?) lecteurs
de Proclus (avant Argyropoulos) dans le Xénôn du Kralj » (p. 589-627);
W. BEIERWALTES, « “Centrum tocius vite”. Zur Bedeutung von Proklos’
“Theologia Platonis” im Denken des Cusanus » (p. 629-651).
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2. Cf. Théologie Platonicienne, Livre I, Paris 1968, p. LXXXIX.
3. À cette liste on peut ajouter au moins les études de D. J. O’MEARA et de
J. BUSSANICH, qui analysent, dans des perspectives différentes, le problème du “mysticisme” de Proclus et de son rapport avec l’élaboration d’une “science théologique”.
4. Sur l’attitude de Proclus à l’égard de la théurgie, voir surtout l’étude de R. VAN
DEN BERG.
5. Cf. Théologie Platonicienne, Livre I, p. LXVII ss.; H. - D. SAFFREY, « La Théologie
Platonicienne de Proclus, fruit de l’exégèse du Parménide », Revue de théologie et de
philosophie, 116 (1984), p. 1-12 [repris dans Recherches sur le néoplatonisme après
Plotin, Paris 1990, p. 173-184].
6. A ces trois études il faut ajouter l’article de A. SHEPPARD, consacré à l’exégèse du
Phèdre.
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entière » 2. Cette appréciation reçoit une confirmation impressionnante
des contributions rassemblées dans ce volume. À mon sens, trois lignes
principales peuvent être dégagées dans les travaux qui constituent ce
volume : (1) relation de la théologie de Proclus avec ses “autorités”
principales (en particulier Platon et les Oracles Chaldaïques); (2) place
et spécificité doctrinale de la Théologie Platonicienne dans l’histoire du
néoplatonisme; (3) postérité de la Théologie Platonicienne.
Le premier de ces trois points constitue le véritable centre unificateur du volume. Le rapport avec Platon est, en effet, examiné non seulement dans les articles qui lui sont expressément consacrés, mais
aussi, comme c’était inévitable, dans des études qui concernent divers
aspects de la Théologie Platonicienne. C’est le cas des articles de
J. PÉPIN et de S. GERSH, qui ouvrent le volume, et dans lesquels est
reconsidérée la fameuse classification proclienne des quatre modes
d’enseignement théologique employés par Platon (Theol. Plat. I 4). La
référence à Platon est naturellement présente dans les contributions
où l’on examine comment Proclus conçoit et articule son propre « discours » théologique, par exemple dans les études de D. P. TAORMINA —
sur les notions de clarté et d’évidence dans la Théologie Platonicienne —
de L. SIORVANES — sur le concept de vérité —, de J. J. CLEARY — sur le
rôle de la mathématique 3. CLEARY introduit dans la discussion
quelques éléments supplémentaires : il ne s’agit pas tant de la signification de la mathématique, que de celle qu’assument, dans
l’élaboration théologique de Proclus, d’une part Aristote — on trouve là
des pages intéressantes sur la dette de Proclus ainsi que sur son attitude finalement négative à l’égard de la méthode démonstrative
d’Aristote — et, d’autre part, la théurgie, entendue comme complément
nécessaire de la dialectique platonicienne 4. C’est cependant des études
expressément consacrées à l’élaboration doctrinale des divers dialogues de Platon que proviennent les suggestions les plus significatives.
Il revient à Saffrey et à Westerink d’avoir montré que le plan de la
Théologie Platonicienne présuppose l’exégèse des hypothèses du Parménide que Proclus avait tirée de Syrianus 5. Les trois contributions de
J. OPSOMER, de C. STEEL, de G. VAN RIEL, respectivement consacrées à
l’interprétation du Timée, du Parménide et du Philèbe, permettent de
clarifier davantage les conclusions des deux éditeurs 6. C’est pourquoi,
il me paraît indiqué d’en rendre compte avec une certaine ampleur.
L’exégèse du Parménide est certainement l’« axe » unitaire autour
duquel Proclus construit son œuvre, mais elle se révèle, en même
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temps, un produit complexe, dans lequel confluent des éléments doctrinaux tirés d’autres dialogues ainsi que des Oracles Chaldaïques. Opsomer analyse l’usage théologique du Timée dans Théol. Plat. III 15-19.
Consacré essentiellement à la philosophie de la nature, le Timée se
distingue en cela du Parménide, dialogue qui, aux yeux de Proclus,
contenait l’exposition complète de la Théologie. Proclus, cependant,
pratique aussi une lecture théologique du Timée, en vertu du principe
selon lequel les intelligibles eux-mêmes sont dans les réalités sensibles
sous le mode de copie (ε ). C’est donc une interprétation “iconique” qui, en remontant des images au paradigme par voie d’analogie,
justifie l’usage théologique du Timée en rapport aux trois triades intelligibles. Opsomer met en lumière l’étroite correspondance entre la
Théologie Platonicienne et l’In Timaeum, correspondance qui trouve son
explication dans la dépendance de Proclus à l’égard de Syrianus, explicitement reconnue par Proclus (cf. Theol. Plat. III 15, p. 52. 19-20). Si la
lecture proclienne du Timée présuppose l’enseignement de Syrianus,
une pareille dette est encore plus évidente et plus importante dans le
cas de l’exégèse du Parménide. STEEL consacre à ce sujet un long article
qui, en éclairant les présupposés de l’interprétation théologique du
Parménide, dessine le programme général de la “théologie scientifique”
de Proclus. C’est seulement dans le Parménide — et non pas dans les
autres dialogues de Platon, où les considérations inhérentes à la théologie sont toujours dispersées au milieu du traitement d’autres questions — que Proclus pouvait trouver un exposé complet et scientifique
de la doctrine platonicienne relative aux dieux. D’où la signification
exceptionnelle que revêt pour lui ce dialogue, dans la deuxième hypothèse duquel Proclus — suivant l’enseignement de Syrianus — retrouve
l’entière hiérarchie des classes divines, déduites au moyen des instruments de la dialectique 7. Peut-on donc considérer le Parménide comme
le véritable fondement de la Theologia Platonica ? La réponse donnée
par Steel à cette question n’est que partiellement affirmative.
L’interprétation théologique du Parménide dépend en effet du fait que
l’on peut établir une correspondance parfaite entre les attributs de
l’Un-qui-est et la hiérarchie des classes divines, distinguées selon leur
propriété spécifique. L’analyse de Steel met ainsi en lumière une tension dans le programme de Proclus : l’interprétation dialectique du
Parménide, qui semble être le présupposé de sa théologie, dépend, à
son tour, d’un a priori théologique, constitué du système de la procession des classes divines élaboré par l’école néoplatonicienne depuis
Plotin, et de l’effort pour intégrer dans la doctrine néoplatonicienne les
thèmes provenant des traditions orphique et chaldaïque 8. La nécessité
d’interpréter le Parménide à la lumière de l’enseignement des autres
dialogues, et des autorités orphique et chaldaïque, explique les diverses violences auxquelles Proclus soumet le texte platonicien. De ces
violences, la plus importante peut-être est examinée dans l’étude de
VAN RIEL. En Theol. Plat. III 24, Proclus découvre dans l’Un-qui-est de
7. Cf. Théologie Platonicienne, Livre III, Paris 1978, p XL ss.
8. Cf. p. 384 : « Tout ce système théologique compliqué est construit à partir de
principes et de doctrines qu’on ne saurait trouver dans le Parménide, pour la bonne
raison que les concepts le plus fondamentaux de cette théologie y manquent ».
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9. Aussi bien Steel que Van Riel insistent, à ce propos, sur le “rôle récapitulatif”,
mis en lumière par Saffrey et Westerink, que le Parménide joue dans les démonstrations procliennes (cf. Théologie Platonicienne, Livre I, p. LXXIII).
10. L. BRISSON, « Proclus et l’Orphisme », dans Proclus lecteur et interprète des anciens, Actes du Colloque international du CNRS, Paris 2-4 octobre 1985, publiés par
J. PÉPIN et H. - D. SAFFREY, Paris 1987, p. 43-104 [repris dans Orphée et l’Orphisme
dans l’Antiquité gréco-latine, Aldershot 1995, Étude V].
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Parm. 142 B 5-C 7 l’analyse de la première triade intelligible. Or, cette
lecture est exposée à une difficulté évidente : celle de retrouver une
structure triadique dans les deux termes mentionnés par Platon (/ν).
La difficulté est résolue par Proclus en affirmant que, à ce niveau de la
hiérarchie, le troisième composant de la triade, la , intermédiaire entre les deux autres, est non pas absent, mais “caché” entre les
deux termes extrêmes. Le caractère forcé d’une pareille lecture est
évident, et il revient à Van Riel d’en avoir éclairci les raisons. Elles
résident dans l’importance qu’a pour la doctrine théologique de Proclus le schéma triadique tiré non seulement du Parménide, mais aussi
du Philèbe. En effet, à travers l’interprétation métaphysique de la triade
composée de , ν et ν Proclus démontrait comment la
multiplicité procédait de l’Un par l’intermédiaire de  et ν.
L’effort exégétique effectivement accompli dans la Théologie Platonicienne, donc, ne consiste pas tant à prendre le Parménide comme base
pour l’élaboration de la doctrine théologique, qu’à retrouver, au contraire, dans ce dialogue des éléments tirés d’autres œuvres, même au
prix de violences exégétiques 9.
À côté de Platon, les autorités théologiques dominantes dans la
Théologie Platonicienne sont, on le sait, les traditions orphique et chaldaïque. Dans un long article, BRISSON discute de la présence des
Oracles Chaldaïques dans la Théologie Platonicienne. Cet article constitue, en quelque sorte, la continuation d’une autre étude de Brisson,
publiée en 1987, sur « Proclus et l’Orphisme » 10. Ici un point, susceptible de venir en confirmation des conclusions que l’on vient de mentionner concernant l’usage de Platon, mérite, à mon avis, d’être souligné : exactement comme dans l’exégèse scientifique du Parménide,
Proclus se trouve contraint, dans l’interprétation des Oracles Chaldaïques, de faire certaines violences, rendues nécessaires par son programme d’harmonisation avec un contexte doctrinal déterminé (la
hiérarchie métaphysique néoplatonicienne) d’une œuvre née dans un
contexte différent (pour les Oracles, celui du médioplatonisme).
Comme l’observe Brisson, « l’exégèse a des exigences auxquelles se plie
Proclus, même si l’histoire de la philosophie s’y trouve quelque peu
mise à mal » (p. 123). Brisson rend compte en détail des divers passages où Proclus, dans la Théologie Platonicienne, a recours aux Oracles,
en relation avec les divers degrés de la hiérarchie divine.
Les études sur la forme de l’exégèse proclienne relative à Platon et
aux Oracles mettent donc en évidence, dans le plan grandiose de la
Théologie Platonicienne, la présence de ce que l’on pourrait appeler,
pour reprendre une formule de C. Steel, un « a priori théologique ». Un
tel a priori semble être dû non pas tant à l’importance d’une des « autorités » de Proclus par rapport aux autres (même pas à celle du Par-
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11. Voir, à ce propos, les observations de Segonds, p. XXV-XXVI.
12. Voir spécialement H. - D. SAFFREY, « Accorder entre elles les traditions théologiques : une caractéristique du néoplatonisme athénien », dans E. P. BOS - P. A. MEIJER
(eds.), On Proclus and his Influence in Medieval Philosophy, Leiden-New York-Köln
1992, p. 35-50.
13. Voir les passages cités à la p. 205, n. 45.
14. Cf. H. - D. SAFFREY, « Comment Syrianus, le maître de l’école néoplatonicienne
d’Athènes, considérait-il Aristote ? », dans J. WIESNER (Hrsg.), Aristoteles. Werk und
Wirkung (Festschrift P. Moraux), II, Berlin-New York 1987, p. 205-214.
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ménide, qui pourtant demeure le texte privilégié pour l’élaboration
théologique de Proclus, comme le montrent les études de Steel et de
Van Riel), qu’à la manière dont ces autorités sont utilisées en vue
d’être harmonisées entre elles. La théologie scientifique du Parménide
ne remplace d’ailleurs pas, aux yeux de Proclus, la théologie mythique
des autres dialogues : le but de la Théologie Platonicienne est, comme le
remarque A.-Ph. Segonds, de « construire le grand traité de théologie,
où les deux sortes de théologie sont définitivement conciliées »
(p. XXIV). Il faut encore remarquer, comme l’a bien souligné Steel, que
dans la mise en œuvre d’un tel programme, Proclus se place dans la
tradition des néoplatoniciens précédents, tradition que, d’une certaine
façon, il achève et accomplit. Dans ce cadre, Syrianus, déjà mentionné
à propos de l’exégèse du Timée et du Parménide, joue un rôle essentiel 11. Il revient à H. - D. Saffrey d’avoir mis en lumière, une fois pour
toutes, la dépendance de Proclus à l’égard du programme que son
maître s’était fixé : harmoniser entre elles les principales traditions
théologiques grecques 12. Les conclusions du Père Saffrey à propos de
la dépendance de la doctrine théologique de Proclus à l’égard de celle
de Syrianus, sont confirmées par les deux études de C. D’ANCONA et
C. LUNA, consacrées à Syrianus en tant que source doctrinale et textuelle de Proclus. Elles montrent comment la genèse de la théorie proclienne des principes est à rechercher dans l’œuvre de Syrianus, et, en
particulier, dans sa lecture de Mét. M et N. D’Ancona esquisse l’histoire
du problème de la théorie des principes dans le néoplatonisme : c’est
un vaste excursus qui, partant du problème de l’enseignement oral de
Platon et de sa postérité dans l’ancienne Académie, parvient jusqu’à
Proclus. Dans leur réception de la doctrine des principes, l’attitude des
néoplatoniciens n’est aucunement unitaire. On sait, en effet, que les
allusions à la théorie des principes sont, dans les Ennéades, très peu
nombreuses. L’idée, centrale chez Proclus — et maintes fois énoncée
dans la Théologie Platonicienne 13—, selon laquelle la multiplicité dérive
du premier principe absolument simple par l’intermédiaire de deux
principes ( et ν), qui constituent le « par soi » de la détermination et le « par soi » de l’indétermination, sont placés immédiatement au-dessous de l’Un et dérivent de celui-ci, est tout à fait absente
chez Plotin. Mais cette théorie se trouve, jusque dans ses moindres
détails, chez Syrianus. L’intention de Syrianus est clairement exprimée
dans le prologue de son commentaire sur Mét. M et a été analysée par
le Père Saffrey 14 : il s’agit de défendre la doctrine authentique des
Anciens (les Pythagoriciens et Platon) contre les attaques injustifiées
d’Aristote. Dans sa polémique, Syrianus formule, pour la première fois,
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15. La remarque selon laquelle le couple - ne joue aucun rôle dans
De myst. VIII, où Jamblique expose la doctrine des Égyptiens sur la hiérarchie suprasensible, est importante. Les témoignages de Damascius et de Proclus seraient, selon
D’Ancona, tendancieux et présupposeraient les doctrines des principes propres à ces
deux auteurs.
16. Voir, dans ce même volume, l’article de Th. KOBUSCH, p. 320, n. 40, où on présuppose l’antériorité du Ps. Alexandre par rapport à Syrianus.
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le « modèle » de dérivation de la multiplicité à partir de l’Un à travers
le couple des principes  et ν, modèle qui est absent chez
Plotin, mais dominant chez Proclus. C’est pourquoi, D’Ancona définit le
commentaire de Syrianus comme « un tournant décisif du néoplatonisme post-plotinien » (p. 212). Il reste des points à éclaircir : en particulier, on pourrait se demander si Syrianus a été la source de cette
innovation doctrinale, ou s’il l’a héritée de la tradition précédente.
Quelques témoignages de Damascius et de l’In Timaeum de Proclus
pourraient amener à « antidater » la naissance de la doctrine proclienne des principes en l’attribuant à Jamblique. Il s’agit d’une question délicate, sur laquelle D’Ancona promet de revenir dans une prochaine étude. Pour l’heure, elle se borne à énoncer quelques arguments qui suggèrent d’exclure la paternité jambliquéenne 15. Il serait
en outre intéressant d’approfondir la relation qui, dans le développement de la théorie des principes entre Syrianus et Proclus, existe entre
la discussion des apories aristotéliciennes et l’exégèse du Philèbe, dont
le rôle décisif a été mis en lumière par Van Riel. La perte des principaux commentaires néoplatoniciens sur le Philèbe (y compris ceux de
Jamblique, Syrianus et Proclus) rend toutefois cette tâche très malaisée. Quoi qu’il en soit, l’hypothèse selon laquelle Syrianus aurait été la
source de Proclus en ce qui concerne la doctrine des principes, est
confirmée par l’étude de C. Luna, qui, à travers un examen analytique
des textes, fait ressortir l’ampleur de l’influence que Syrianus a exercée
sur Proclus. Les très nombreux parallèles cités et discutés par Luna,
concernent tous les aspects de la théorie des principes : (1) noms et
définition des principes, (2) leurs effets, (3) supériorité du  par
rapport à l’ν, (4) omniprésence des principes, (5) leur premier
produit, (6) manière dont Syrianus et Proclus retrouvent la doctrine
des principes dans leurs autorités théologiques (Orphée, Pythagoriciens, Platon). Une question ultérieure, en quelque sorte analogue à
celle du rapport Syrianus-Jamblique, est constituée par l’examen des
passages parallèles Syrianus-Ps. Alexandre. On a longtemps admis,
avec K. Praechter, que le Ps. Alexandre est postérieur à Syrianus, dont
il dépend. Cette opinion a été récemment mise en doute dans un important article de L. Tarán, et c’est la thèse contraire qui prévaut aujourd’hui 16. Pour le moment, Luna se borne à énoncer ce qui va être
démontré dans une étude à venir : le commentaire du Ps. Alexandre
est postérieur à celui de Syrianus et n’est qu’« une glose et une explication, assez médiocres, du texte de Syrianus » (p. 254, n. 60).
Un élément crucial, on le sait, pour établir la place de Proclus dans
l’histoire du néoplatonisme, c’est son attitude à l’égard de la théurgie.
Ce thème est abordé par R. VAN DEN BERG, qui part d’une donnée bien
connue : le fait que les néoplatoniciens aient abandonné la doctrine
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17. Sur le rôle du démiurge dans la Théologie Platonicienne, voir l’étude de
J. DILLON.
18. Voir l’Appendice (p. 439-443) « The Image of Reaching the Harbour in Proclus
and Damascius », avec une liste de tous les passages.
19. Comme l’a montré M. RASHED dans un article à paraître (cité par Hoffmann,
p. 477, n. 91), le parallèle entre ce passage et le prologue du grand commentaire
d’Averroès sur la Physique révèle que la source, au moins partielle, de Simplicius est
ici Alexandre d’Aphrodise, qui, à son tour, s’inspirait du Protreptique d’Aristote.
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plotinienne selon laquelle une partie de l’âme humaine ne serait pas
descendue dans le corps, a entraîné de graves problèmes en ce qui
concerne la possibilité de connaître les formes transcendantes. Contempler les formes implique, pour Proclus, la nécessité, pour l’âme
humaine, de se réunir au ν divin, identifié à l’intellect démiurgique 17. À ce propos, Proclus utilise souvent l’image du « port » : le
ν divin est le “port paternel” auquel nous abordons après notre
voyage dans le monde du devenir 18. Le rôle que Proclus assigne à la
théurgie dans Théol. Plat. VI, consiste à rendre possible la remontée de
l’âme, qui, en passant à travers les « dieux-chefs » — principes intermédiaires placés entre les hommes et le démiurge — peut atteindre le
« port » de l’intellect divin et contempler les formes. La difficulté consiste à comprendre ce que représente réellement la théurgie dans la
pensée de Proclus et comment elle y opère. Les interprètes ont tendance à minimiser le plus possible le rôle des rites dans la remontée
vers les idées, et à les limiter aux formes inférieures de théurgie.
Contre une telle interprétation, Van den Berg réussit à montrer que, en
tant qu’elle assure l’union avec le ν divin, la théurgie proclienne
présuppose des rites bien précis, dans lesquels les dieux-chefs jouent
un rôle important, et qui se fondent sur la  et la ressemblance qui relient les causes à leurs effets : ici réside « the driving force
behind theurgy » (p. 436). C’est dans cette perspective que les hymnes
de Proclus, du moins quelques-uns, doivent être interprétés comme
une partie du rituel théurgique.
Le rapport entre Proclus et le néoplatonisme grec postérieur est le
thème de deux articles. Dans le premier, J. COMBÈS établit un parallèle
entre la structure et les « théorèmes » de la théologie de Damascius,
développée dans le De principiis et l’In Parm., et ceux de la Théologie
Platonicienne. Dans une étude très savante, Ph. HOFFMANN analyse de
manière approfondie le rapport entre Proclus et Simplicius sur un
point particulier : la présence de la triade chaldaïque , ,
. Les textes procliens concernant cette triade sont assez nombreux, quelques-uns sont des passages importants de la Théologie Platonicienne. Comme Proclus le dit dans Théol. Plat. III 22, l’amour, la
vérité et la foi constituent une triade de « puissances élévatrices », produites par les monades intelligibles de l’γαθόν, du όν et du όν
(triade d’attributs divins tirée de l’exégèse du Phèdre). La triade chaldaïque , ,  est attestée, dans sa fonction anagogique,
dans trois passages de Simplicius : dans In De caelo, p. 55. 3-24 Heiberg, dans un passage remarquable du prologue de l’In Phys. (p. 4. 175. 26 Diels) 19, et dans la prière finale de l’In De caelo (p. 731. 25-29
Heiberg). Dans son analyse de ces textes, Hoffmann fait quelques re-
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marques sur des doctrines centrales du néoplatonisme tardif. C’est la
notion de  qui prend une importance particulière, et sa mention
permet à Simplicius d’opposer à la foi irrationnelle et absurde de « certains » (à savoir les Chrétiens) une « foi » différente (néoplatonicienne),
née de la philosophie elle-même et des Oracles Chaldaïques. Hoffmann
montre comment des éléments tirés de l’exégèse de Platon et d’Aristote
sont fusionnés, chez Proclus et Simplicius, avec une expérience spirituelle particulière, qui s’exprime dans l’idée d’une  avec les
dieux. Les commentaires de Simplicius, jadis considérés comme des
ouvrages arides et scolastiques, sont ainsi placés dans leur authentique
dimension spirituelle et anagogique.
Quelques-unes parmi les études les plus importantes et les plus innovatrices contenues dans ce volume, sont consacrées à la postérité de
la Théologie Platonicienne. I. PERCZEL traite de la présence de la Théologie Platonicienne chez le Ps. Denys. L’exemple le plus remarquable
d’une paraphrase proclienne insérée dans le corpus dionysien est, on le
sait, la paraphrase du De malorum subsistentia, incorporée dans le quatrième chapitre du De divinis nominibus 20. Quant à la Théologie Platonicienne, les interprètes en ont déjà relevé la présence dans tel ou tel
passage du Ps. Denys, mais il a manqué, jusqu’ici, une recherche systématique. Le mérite d’avoir mené une telle recherche revient à cette
étude de Perczel, dont je me borne à rappeler sommairement les principaux résultats. D’abord, quelques remarques préliminaires. Premièrement, Perczel a prouvé l’existence de deux recensions du corpus dionysien en comparant le texte grec avec la traduction syriaque de Sergius de Reshaina. Deuxièmement, en ce qui concerne la structure des
ouvrages du Ps. Denys, il est tout à fait naturel, comme Perczel le fait
remarquer, que la structure du corpus dionysien imite celle du Nouveau Testament, avec trois « Évangiles synoptiques » (les deux Hiérarchies et les Noms divins), un ouvrage, la Theologia mystica, qui, de façon
analogue à l’évangile de Saint Jean, aborde les questions théologiques
les plus élevées, et, finalement, les Lettres, qui expliquent les « Évangiles ». Dans ce cadre, comme le remarque Perczel, il est d’autant plus
intéressant de noter que la structure des quatre traités relève principalement de la Théologie Platonicienne. Cette affirmation est démontrée
dans le détail pour les six premiers chapitres de Théol. Plat. I. Les parallèles textuels mis en évidence sont impressionnants, et il ne reste
qu’à renvoyer à la lecture de cet article pour apprécier la solidité et la
finesse exceptionnelle de l’exégèse 21. Les conclusions qu’il faut mentionner ici sont au nombre d’au moins deux. (1) Denys a paraphrasé un
texte étendu, qui ne comporte pas moins de six chapitres continus de
la Théologie Platonicienne. On a là un parallèle important de la paraphrase du De malorum subsistentia, mais avec une nette différence. En
effet, alors que, dans l’exposé sur le mal, le « modèle » proclien est un
20. Voir C. STEEL, « Proclus et Denys : De l’existence du mal », dans Denys
l’Aréopagite et sa postérité en Orient et en Occident, Actes du Colloque International,
Paris 21-24 septembre 1994, édités par Y. DE ANDIA, Paris 1997, p. 89-108 + 8 pages
non foliotées.
21. Dans l’Appendice (p. 531-532), Perczel présente une liste des parallèles textuels
entre Theol. Plat. I 1-7 et le Corpus Dionysiacum.
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PROCLUS ET LA THÉOLOGIE PLATONICIENNE
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traité compact, dont l’image chez Denys est un autre traité compact, le
« reflet » des premiers chapitres de la Théologie Platonicienne dans le
corpus dyonisien est, selon la formule de Perczel, celui que produit un
miroir brisé (« broken mirror », p. 526). La paraphrase de Théol. Plat. I
1-6 est pratiquement complète, mais dispersée dans les traités dionysiens, sans que les différentes parties de l’argumentation de Proclus
forment un bloc unitaire. Pour expliquer ce phénomène, Perczel envisage, avec beaucoup de prudence, l’hypothèse suivante à propos de la
technique de la paraphrase dionysienne : le « miroir brisé » pourrait
être le reste d’un miroir qui, intact à l’origine, a été brisé à un moment
donné du processus de rédaction du corpus dionysien. Autrement dit,
Denys aurait d’abord écrit une paraphrase continue de la Théologie
Platonicienne, qu’il aurait ensuite morcelée pour en recomposer les
fragments selon le modèle structural du Nouveau Testament. Le traité
sur le mal représenterait donc le reste d’une phase antérieure de la
rédaction du corpus, la phase du « miroir intact ». (2) La seconde série
de conclusions concerne le type de paraphrase élaboré par Denys et
son rapport avec le modèle néoplatonicien. Encore une fois, on ne peut
que renvoyer le lecteur à l’analyse menée par Perczel dans son article,
au cours de laquelle il montre comment le texte de Proclus est plié aux
exigences de la doctrine religieuse chrétienne.
La tradition de ce qu’on appelle le « Grand Fragment » de la Théologie Platonicienne (une compilation de textes tirés du premier et du
deuxième livre, transmise par huit manuscrits) fait l’objet d’une analyse approfondie dans l’article de C. STEEL et G. VAN RIEL. Leur recherche amène à revoir certaines conclusions de Saffrey et Westerink :
le Grand Fragment ne peut pas être considéré comme le témoin d’une
recension totalement indépendante de la Théologie Platonicienne 22,
puisqu’il remonte au modèle d’où dépend aussi le ms. incomplet V (qui
ne nous transmet plus que les livres I-II 9) et qui donc peut attester
quelques leçons indépendantes de P. Cette compilation semble avoir
e
été élaborée à Byzance, en milieu philosophique, probablement au XII
23
siècle .
Un panorama de la réception de la théologie proclienne dans le
monde arabe est présenté par G. ENDRESS. Dans son article, on trouve
les principaux résultats des recherches qu’il a menées sur le Proclus
arabe, sur le rôle joué par al-Kindī dans la production des premières
traductions d’ouvrages philosophiques grecs, ainsi que sur la formation du corpus néoplatonicien arabe. En parcourant la structure et la
formation du corpus proclien arabe, que nous connaissons surtout
grâce à son Proclus Arabus (1973), Endress décrit le rôle que la théologie proclienne a joué dans le programme de propaganda philosophia du
premier hellénisme arabe. Dans la perspective de ce qu’Endress définit
comme « an ideology of scientists heirs to the Hellenistic encyclopaedia, and […] a religion for intellectuals compatible with Islam » (p. 569),
la théologie de Proclus, reformulée pour servir aux exigences du monothéisme, joua un rôle capital dans toute la philosophie arabe.
22. Contra, cf. Théologie Platonicienne, Livre VI, Paris 1997, p. LXVII.
e
23. Et non pas dans le milieu des humanistes florentins au XV siècle, comme le
pensaient les éditeurs de la Théologie Platonicienne.
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G. VAN RIEL et L. GIGINEISHVILI sont les auteurs d’une étude qui
examine la présence de la Théologie Platonicienne dans l’œuvre de Jean
e
e
Petritsi, un néoplatonicien chrétien de Géorgie, qui a vécu aux XI -XII
siècles et a écrit un commentaire des Éléments de théologie. Cet article
nous amène désormais à la postérité de Proclus à l’époque byzantine,
qui fait l’objet d’une analyse détaillée dans l’article de M. CACOUROS.
Son étude sur la réception de Proclus à Byzance est, elle aussi, une
recherche importante et novatrice : nous ne pourrons malheureusement que rappeler ses principales conclusions, dont nous soulignons la
grande richesse. La première thèse de Cacouros est que l’intérêt pour
Proclus — bien évident sous les Paléologues, peu après la reprise de
Constantinople des mains des Occidentaux en 1261 — est dû au fait
que l’Hypotyposis astronomicarum positionum de Proclus avait été introduite dans le cursus d’études astronomiques du quadrivium, où elle
avait servi comme manuel scolaire. C’est dans ce cadre, entre 1280 et
1300, qu’il faut placer l’activité de Georges Pachymère, dont les études
procliennes ont fait l’objet des analyses de Saffrey, Westerink et Segonds. Cacouros décrit l’introduction de Proclus dans le cursus studiorum à travers un examen minutieux de la tradition manuscrite (p. 598615). La seconde phase de la réception de Proclus à Byzance doit être
placée aux alentours de 1350. Néophytos Prodromènos, moine au monastère de Prodromou, dans le quartier de Pétra à Byzance, et auteur
d’une encyclopédie de logique, en a été le protagoniste. Il a lu et annoté un manuscrit contenant les Éléments d’Euclide et un florilège tiré du
commentaire de Proclus sur le premier livre des Éléments. C’est à partir de l’activité de Prodromènos que Cacouros met en évidence le caractère de l’enseignement de la philosophie, de la médecine et des
sciences donné dans le monastère de Pétra et dans le xenôn du Kralj,
près du monastère. L’intérêt pour Proclus qui s’est manifesté dans le
xenôn, a duré longtemps, jusqu’à Jean Argyropoulos, qui a enseigné
dans le xenôn aux alentours de 1450 et, dans ces mêmes années, a sans
doute annoté le Laud. gr. 18, contenant les Éléments de théologie et la
e
Théologie Platonicienne. Ainsi arrive-t-on en plein XV siècle, période à
laquelle se rapporte l’étude de W. BEIERWALTES. Il y traite du rapport
entre Nicolas de Cuse et Proclus, en mettant en lumière le rôle que la
Théologie Platonicienne joue chez Nicolas de Cuse. Avec la profondeur
qui lui est propre, Beierwaltes examine aussi bien les textes qui témoignent de l’intérêt de Nicolas de Cuse pour la Théologie Platonicienne,
que les éléments de sa pensée qui en trahissent l’affinité avec cet ouvrage de Proclus.
Il faut enfin souligner le soin avec lequel ce volume a été réalisé
par C. LUNA et A. F. METTRAUX. Le livre est imprimé magnifiquement et
les fautes d’impression y sont pratiquement absentes. Des index très
détaillés (noms et textes cités) en rendent la consultation très aisée.
Tout cela donne à ce livre, comme le disent A. - Ph. Segonds et C. Steel,
« une forme extérieure digne de son contenu ».
Écrire un compte rendu d’un volume comme celui-ci plonge inévitablement celui qui l’écrit dans l’embarras. Il a en effet fallu choisir
dans une quantité impressionnante de contributions, de matériaux et
d’hypothèses d’interprétation. Il aurait sans aucun doute été possible
de donner une lecture différente de celle que je viens de proposer, et
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PROCLUS ET LA THÉOLOGIE PLATONICIENNE
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d’autres études, d’autres suggestions auraient reçu alors l’attention
qu’elles méritent. Le lieu commun, selon lequel certains livres ne peuvent être appréciés que par ceux qui en font un long usage, en les relisant maintes et maintes fois, est vrai pour ce livre plus que pour bien
d’autres. Pour H. - D. Saffrey et pour la mémoire de L. G. Westerink,
Proclus et la Théologie Platonicienne est un hommage précieux, qui
montre de la meilleure manière la valeur exceptionnelle de l’œuvre
accomplie par les deux éditeurs de la Théologie Platonicienne.
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C. N. R.
Centro di studio
del Pensiero Antico
Roma
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