Subido por Fernando Siles

Les Voyages du Marquis de Nointel

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L'ODYSSÉE D'UN AMH.VSSADKUR
LES VOY\GES
\{im
m mmni
(1670-1680)
PAR
ALBERT VANDAL
UE LACAnEHIE FRANÇAISE
Avec quatre hélioyr a v\ires
Ueuxii-mf éiiilion
PARIS
LIBRAIRIE PLON
PLON NOURRIT et C", IMPRIMKURS-ÉDITKUliS
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Presented
to the
l^^RARY ofthe
UNIVERSITYOF TORONTO
by
MRS.
KATHARINE
R.
ROUILLARD
LES VOYAGES
DU
MAIIOUIS DE .\OI\TEL
L'auteur et les éditeurs déclarent réserver leurs droits de reproduction et
de traduction en France et dans tous les pays étrangers, y compris
et la Norvège.
Ce volume a été déposé au ministère de l'Intérieur (section de
en lévrier 1900.
PARIS.
— TVP0GR.\PH1E
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Suéde
la librairie)
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L'ODYSSEE D'UX AXCRASSADEUR
LES VOY\GES
DU
MARQUIS DE NOINTEL
(1670-1080)
PAR
ALBERT VANDAL
DE
L
ACAIiEMiE FRANÇAISE
Avec qu-atre Kéliogra viares
Deuxième édition
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1900
INTRODUCTION
La mission du marquis
de Noinlel aux pays d'Orient, de IGTtl
à 1679, fut une splcndidc aventure
(jui
frappa vivement Timagi-
nation des contemporains; de toutes nos ambassades en Turquie,
c'est l'une des plus
importantes et à coup sûr la plus pittoresque.
Nointel parut à Constantinoplc lors de la seule crise vraiment
grave qu'aient eu à subir depuis François ["jusqu'à
nos relations avec la Porte. Vers
Roi
et le sultan, ces
amis de
leurs g-ouvernements,
il
grand
milieu du XVII' siècle,
vieille date, vivaient brouillés
intraitables, formalistes,
conilit des turbans et des
trafic oriental
nence ensuite,
et ce spectacle
la
entre
:
somptueux
;
Nointel
refit
le
pacte
permit à Colbert et à ses successeurs de
rendre à notre
de persévérants
le
perruques. Aidé par les
circonstances plus que par son génie,
commercial, ce qui
Révolution
y avait parité de torts et surtout lutte de
deux orgueils également
c'était le
le
la
cil'orts
sa prospérité d'abord, sa préémi-
d'hommes
d'État réussissant par
à renouveler Icxpansion
économique de
France, à reconquérir un immense marché, n'est pas sans
mériter actuellement notre attention. De plus, les négociations
de Nointel et
les résultats qu'il obtint éclairent d'un
vif lorigine de
jour assez
notre protectorat religieux en Orient, sa base
légale. Enfin, l'ambassadeur fut mêlé aux curieuses tentatives
de Colbert pour déplacer la route des Indes, pour
ser par la
mer Rouge, Suez,
ces parages
lœuvre
initiatrice
l'Kgyptc, et pour
de
la
France.
la faire
repas-
commencer en
INTIiODICTION
VIII
Là acstpas pourtant
l'inlûrùt principal
delà mission. Ambas-
sadeur magnifique, Ihéàtral, dissipateur, Nointel fut encore plus
un
esprit,
l)el
un
artiste,
un cliercheur d'antiquités, un voyageur
par vocation, possédé d'un insatiable
naître.
di'sir
de voir et de con-
La curiosité, une curiosité universelle, obsédante, elirénée,
dominant de son caractère, sa passion maftresse.
voilà le trait
lui sacrifia tout,
son repos, sa fortune, jusqu'à
la
Il
faveur du Roi,
ce premier bien
dun gentilhomme de son
d'ambassade,
en passa près de cinq à voyager, par devoir ou
par plaisir
il
il fit si.x
:
fois
trajet entre
\v.
temps. Sur neuf années
Constantinople et Andri-
nople, délaissa ensuite son poste diplomatique pour courir l'Archipel, la Syrie, la Palestine, revint par Athènes,
dernier Européen admis à bien \oir
où
il
fut le
Parthénon, avant que ce
le
ehef-d iruvre de l'antiquité se fût à moitié écroulé sous une l)ombe
\énitienne.
Dans
de place que
séjours.
la
ses rapports, les alfaires ne tiennent pas plus
narration de ses voyages et que le tableau de ses
Par une exception
rare, c'est
un ambassadeur qui raconte
ce qu'il voit, tout ce qu'il voit, sans rien omettre.
sans cesse renouvelés auxquels
il
de caractère, jusipi'aux moindres
lui
scrupuleusement notés,
utile entre toutes à qui
XVIP siècle.
A lire ses
récits,
Les spectacles
assiste, les traits
(b'Iails
de
mœurs
et
de costume, sont par
et son énorme correspondance est
veut se donner la vision de l'Orient au
un monde entier s'évoque, éblouissant de
lumière, bariolé, tumultueux, sanguinaire, désordonné, baroque,
un inonde de rêve,
tement
nom,
et
il
laisse tour à tour
une impression d'enciian-
de cauchemar. AccMé de bassesses et de cruautés sans
la féerie
l'originalité
et
([ui
de l'ancien Islam se déploie, avec la profusion et
de ses ornements, son éclat cru, ses pompes inouïes,
semble au premier abord que l'on
humanité fabuleuse ou
soit
en présence d'une
tlisparue, dont rien n'a survécu.
Cepen-
dant, sous cette luxuriance de tons et de formes, aujourd'hui
INTRODUCTION
atténuée,
il
ix
est facile de retrouver des lignes d'ensemble qui n'ont
pas changé, des traits qui expliquent la Turquie moderne et les
clirétienlés levantines
un fond
:
d'état social
permanent, indes-
tructible, et l'inniiobile Orient.
Par sa
fai;on
de voir
cl
de sentir, pur sa manière d écrire,
Nointel se rattache aux genres divers qui avaient fleuri ou sévi
dans
la
première moitié de son
aufeui's classiques, qui de son
Les grands maîtres,
temps épuraient
s'inspire de leurs devanciers
il
attardés, les
goût
le
paraissent n'avoir exercé sur
plinaient les lettres,
inllueiice:
siècle.
romanesques
et les exagérés.
les
et disci-
aucune
lui
ou de leurs rivaux
Même
il
tient par
certains côtés à ces fantaisistes qui furent sous Louis XIII des
libertins de lettres (1).
Il
y a naLurellement en lui quelque chose
d'exubi'rant et de touffu, une sève bouillonnante et trouble, une
ardeur à décrire,
le
sens du pittoresque avec un certain penchant
au burlesque, par-dessus tout
locale, si rares à
le
goût
et la
passion de la couleur
son époque. Les grands tableaux
ijuil trace
de
verve sont surchargés de teintes violentes, mal composes, mais
débordants de vie, fourmillants de détails pris surle vif et d'épisodes typiques; sa franchise et sa crudité d'expression ne recu-
aucune
lent de\ant
pourvu
particularité, fùt-elle basse et répugnante,
qu'elle serve à faire revivre
un persoimage ou une scène.
Par un contraste bizarre, cet observateur
d un
emphatique
et
d un
jirécieux.
les salons, les groupes, les coteries
la subtiHté
littéraire,
\
réaliste est doublé
Paris,
où se conservait
italienne et de l'enflure espagnole,
dont Despréaux
et
il
fréquentait
le culte
de
de l'exotisme
Molière n'avaient pas encore
pleinement justice. La société précieuse, après avoir eu
le
fait
grand
mérite de civiliser et de polir la langue, s'abandonnait alors au
(t)
voyez
Sur
les
Théophile de
notamment
tesques.
le
Viaii,
charmant
les
Saint-Amant, les Gvraiio et autres,
volume de Th. Gautier les Gro-
et curieux
:
X
INTHODICTION
maniérisme à outrance
et allait liiiir
emprunte ses travers
Dès
d'esprit les
dans
le ridicule:
Noinlel
lui
moins excusables.
veut bien écrire et soigne ses rapports, un mauvais
qu'il
goût exorbitant, grandiose, s'épanouit sous sa plume, avec des
contournemenls dépensée
bles
II
et
des boursouflures de style iucrova-
joint à cela un étalage d'érudition, des citations à tout
propos, des rt'niiniscences classitjucs
stupéfiantes inventions
:
qui se mêlent aux plus
un pédanlisme
truculent.
Ses méta-
phores, ses hardiesses, eussent ravi d'aise les victimes de Boileau.
role
Il fait
parler les abstractions, prête le sentiment et la pa-
aux animaux, aux forces de
la nature,
aux objets inanimés;
certaines phrases de ses lettres au Roi, au secrétaire d'État,
rappellent les vers célèbres de Tliéopliilc
Ah!
voici ee poignard, qui
S'est souillé l;icheiiient;
ou
le
Les poissons ébahis
et rien n'est singulier
de
dans
Notre
<ju'il
homme
il
le
loin le goût, la
les
comme
:
regardent passer
(1),
cette invasion
du gongorisme
et
le style diplouiati(jue.
ne se bornait pas à décrire
put ramasser en
conques,
du sang de son maître
en rougit, le Irailro!
fameux de Saint-Amant
vers non moins
la préciosité
il
:
fait
la fureur
chassait sous ses formes
déclamer. (Juoi
de débris anciens et de raretés
(piel-
Nul n"a poussé plus
collectionnait avidement.
manie,
et à
du bibelot.
Il
l'aimait etle pour-
infiniment variées, depuis les plus
exquises jusqu'aux plus grossières. Epris de tout ce qui était
beau, amusant ou simplement étrange,
marbres, les tableaux,
les
armes de
il
adorait les statues, les
prix, les pierres gravées, les
médailles, les vieux livres, les fines enluminures, et aussi les
(1) Osons rapprocher de i-es chers-dVpuvrc de mauvais goût
étrangement vanté de Uacine, dans le récit de 'l'héramènc
:
Le
flot
qui l'apporta recule épouvanté.
le
veis
si
I.NTIiODICTION
ilo
iMiiiliquo ilc
brocanteur, les
animaux
empaillés —
les antiquités et
vieilleries informes, les foiuls
herbiers poudreux et les
les antiquailles.
rile,
XI
Sa friandise d'objets curieux
était
naïve, dépourvue de discernement; mais
moins, en matière
d'art, le
don de découverte
choses; plusieurs des morceaux
nelle valeur
:
([u'il
restés h la France,
il
n'en avait pas
et le llair des belles
rapporta sont
ils
souvent pué-
d'exi'e]ili()n-
nous constituèrent en ce
genre un premier trésor.
Ses explorations, ses captures, répondaient d'ailleurs à un
goût croissant du
siècle.
Dès
lors, la
fortement les esprits. L'empire de
magie de l'Urienl
Mahomet
restait
attirait
pour nous
un monde ennemi, encore redoutable, un peu diabolique,
de sortilèges, mais entouré du prcsiiuc de l'inconnu et de
cessible;
on
le
maudissait,
lors
même
bonnes grâces; mais on s'étonnait devant
décor, devant ses
mœurs,
qui nous
plein
l'inac-
qu'on recherchait ses
la
magnificence de son
restaient profondément
incompréhensibles. Puis, sous hi conquête musulmane, les vestiges grecs et
romains se laissaient entrevoir
étaient là, ces reliques (|uc
le
:
on savait
culte persistant des anciens et les
progrès de l'érudition nous rendaient plus chères
les
mieux
([u'elles
connaître, à s'en rapjirocher, et
;
on aspirait à
autant que possible à
en ravir une partie. Si lOrient apparaissait
comme
le
pays des
potentats fantasques et des pauvres captifs dolents, des esclaves
à délivrer, des tyrans à pourfendre, des corsaires, des eidève-
ments, des brillantes estocades, des aventures de terre
mer,
il
était aussi celui
à ce double
nesque
titre,
et classique
il
de
et
des belles ruines et des modèles à étudier;
passionnait l'imagination à la fois roma-
de l'époque.
Ainsi, la cour et le public prenaient plaisir, pendant toute imc
saison, aux excentricités d'un
Turc dépaysé parmi nous
;
le
théâtre, fidèle poursuivant de l'actualité, se les appropriait et en
faisait
son bien; mais
le
départ de nos ambassadeurs donnait
IMKODUCTION
XII
essor à
île
communication
artistique et scientifique avec le Levant.
ciers et poètes se renseignaient par
du
moyen de
plus hautes curiosités: c'était notre grand
eux sur
les
Roman-
drames intimes
Sérail et y cherchaient îles sujets d'une affriolante nouveauté.
De graves penseurs
sur
l'état et les
les interrogeaient sur les églises orientales,
croyances de cette chrétienté captive. Colhert,
âpre collectionneur, leur donnait commission d'acheter pour
son compte des médailles, des camées, des manuscrits,
incitait à «
orner notre France des dépouilles de l'Orient
et les
»
(1).
Sur leurs pas.
lettrés, érudits, peintres s'aventuraient:
protection,
accédaient aux ruines, dessinaient les monuments,
ils
recueillaient des récits
mains dans
le trésor
et des
sous leur
puisaient à pleines
traditions,
des légendes arabes ou persanes, et les tra-
vaux, les succès de ces investigateurs propageaient chez nous
le
goût de rorientalismc sous toutes ses formes.
A
cette époque,
chaque ambassade en Orient, chaque mission
qui en vient, laisse sa trace profolide ou légère, grave ou plaisante, dans notre histoire littéraire
Ce
artistiques de la France.
fut,
ou dans
celle des
conquêtes
dit-on, en écoutant les récits
d'un prédécesseur de Nointel, M. de Cézy, que Racine conçut
l'idée
première de son Bajazet. La venue parmi nous de lénig-
matiquc Suleiman-aga, qui donna lieu à lenvoi de Nointel, introduisit
une cérémonie turque dans ronnrc de
3Iolière. Enfin,
l'amliassade de Nointel lui-même, grande expédition politique
doublée d'un roman d'aventures, nous valut, avec
lement des Capitulations,
qui ont
commencé
manuscrits
dont
orientaux
Lellre du 10
du Parthénon,
le
renouvel-
les
marbres
notre collection d'antiques, le plus rare des
nationale, et les Mille
{[)
les dessins
et
novembre
s'enorgueillit
notre
Bibliothèque
une Nuits.
lOTi. Arcliives des Affaires étranséres.
LODYSSEE D'UN AMBASSADEUR
LES
VOYAGES DU MAROIIS DE NOINTEL
CHAPITRE PRELIMINAIRE
LOUIS XIV ET L'OKIEiNT
I
Les dix premières années du règne personnel de Louis XIV
virent se
marquer à
politique orientale.
l'état
11
y
aigu
le
désaccord de notre ancienne
avait en elle choc de
deux tendances
opposées, contradiction et dispute. Par honneur, par scrupule
religieux, par ostentation, nos rois ne renoneaient jamais
plètement à se poser en défenseurs de la chrétienté contre
lam; par intérêt,
eux-mêmes
Au
.
et leurs sujets liraient bénéfice.
la
politique égoïste
la politique d'idéal et
principe. Franrois I' et Henri
man
contre
l'Is-
cultivaient avec la Porte des relations dont
seizième siècle,
emporté sur
le
ils
com-
la
maison d'Anlriche,
sessions et pesait sur l'Europe
:
et
II
avaient
(jui
lié
partie avec Soli-
nous enlaçait de ses pos-
ce pacte avait valu à la France,
avec d'utiles diversions en Allemagne et dans
une situation hors de pair en Orient,
du commerce en ces contrées
pratique l'avait
de sentiment, Texpédienl sur
le
la
Méditerranée,
monopole presque absolu
et la faculté d'y
montrer seule son
pavillon, à côté de ^'enise en décadence. Cent ans apri'S.
si
le
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL
2
nom
et le
souvenir de l'ancienne amitié subsistaient,
si
on
les
invoquait encore^ la réalité ne répondait plus à ces apparences.
Nos
droits étaient
méconnus
les Capitulations, c'est-à-dire les
;
actes plusieurs fois renouvelés par lesquels les sultans avaient
dans leur empire
fixé
l'état et les
privilèges de nos nationaux,
semblaient périmées des concurrents récemment introduits dans
;
les Echelles, les
Anglais
et les
Hollandais, y trafi(|uaient à de meil-
leures conditions (|ue nous, les produits im])ortés par eux ne
payant aux douanes turques que
trois
pour cent
du cinq pour cent imposé aux nôtres,
lieu
tle
leur valeur, au
et notre
commerce
passait au troisième rang. Notre influence avait reculé en Orient
à
mesure
qu'elle s'étendait en
Europe,
et
Louis XIV, après
la
triomphante paix des Pyrénées, obtenait moins de considération
que François l' au lendemain de Pavie.
à Constantinople
Ce déclin s'expliquait par
D'abord, aux
différentes causes.
sultans politiques de l'autre siècle avaient succède des
monarques
délirants d'orgueil, des vizirs arrogants, dont h; mépris n'admettait
plus de distinction entre les Infidèles.
n'était plus
temps
une
sauvegarde contre
s'étaient appesanties
étrangers et avaient mis le
sous Louis XIII,
liaires prêts à
celle
la
France
Le nom de Français
les vexalions qui de tout
en pays
commerce
turc sur les
à la torlurc.
avait trouvé dans
marchands
De son
côté,
Nord des auxi-
le
remplir la tâche dévolue naguère à l'Etat ottoman,
de prendre l'Allemagne impériale à revei's et de la mettre
entre deux feux.
Pour nous,
l'alliance
des
hérétiques avait
suppléé à celle des Infidèles, Gustave-Adolplic avait remplacé
Soliman, et nos
rois,
forts de ces garanties nouvelles, avaient
négligé des relations dont
ils
rougissaient de\a:it l'Europe.
Nos
menées axcc moins de solla lége.
mal inspirés,
cdésord
ou
leur imprupar leurs
affaires à Constantinople avaient été
licitude
:
nos ambassadeurs, choisis à
s'étaient attiré plus d'une fois,
.
.
dence, de fâcheuses aventures, et avaient insufliNiinment
le crédit de leur maître
(1).
Voyez notamment le Mémoire sur l'ambassade de F
comte de S.m.nt-I'iuest, publié par M. Ch. Schefer
(1)
le
ménagé
-.un-e
,
en Turquie, par
221.
71, 82, 204,
LOI IS
\l\-
l.uUlKNT
l'.T
:j
Français et Turcs s'imputaient réciproquement
et
à bon droit
d'autres torts. Si les corsaires d'Alger, de Tunis et de Tripoli,
vassaux du Grand Seigneur, enlevaient nos navires, insultaient
nos côtes
ef
y moissonnaient des esclaves, la cin'étienté avait
Pour
aussi ses Barbaresques.
InfidMes, le
«
cours
»,
comme
elle, la
course aux dépens des
l'on disait alors, restait
nière forme et une prolongation de la croisade.
Les
une der-
ciievaliers
de Malle en faisaient leur unique occupation, leur raison d'être
le
:
glorieux ordre de Saint-Jean s'était transformé en une asso-
ciation
de pirates, qui écumait
chaque membre
les
mers du Levant
dont
et
se croyait autorisé, parce qu'il portait la croix
blanche sur la poitrine, à faire
le
diable dans l'Archipel. Or, le
royaume de France contribuait pour une large part au recrutement de Tordre
:
parmi
les chevaliers, les plus braves, les plus
entreprenants, grands ravisseurs de Turcs et fabricants d'esclaves, étaient sujets
A
du Roi
côté des ciievaliers,
il
(1).
y avait foule de corsaires opérant
individuellement, d'« armateurs particuliers
Ceux-là n'étaient
».
pas non plus de vulgaires foi'bans, mais des coureurs de mer
patentés, fort réputés et considérés en Europe. Gentilshommes
pour
organisaient leur guerre privée contre
la plupart, ils
(idèle,
allaient
acquéraient un navire, l'armaient en course,
parmi
les iles
l'In-
s'en
et
de doux climat et de facile surprise, au
pays des vins capiteux
et
des belles fdles,
çonner, brigander pour
le
bon motif,
piller,
ravir, ran-
faire leur fortune
en ce
monde, sans préjudice de leur salut dans l'autre. Parmi eux,
beaucoup étaient Français; pour les cadets de Provence, le
métier de corsaire, ennobli par
sité
le
mépris de
de se mesurer ciiaque jour avec
la
mort
et la néces-
elle, était
carrirre honorable
est vrai qu'afin de ne point troubler trop
profondément nos
et pleine d'attraits.
Il
Cf. L.w.vi.LKE, Relations de la
pendante de nowemhre
(t)
Vovez
Eugi'nc Sue.
France avec l'empire ottoman, dans ta Revue indé-
ISi'.i.
l'iiistoiro si
curieuse et documentée de ta Marine française,
[ku-
LKS VOYAGES D L .MAItuLlS DK NOl.NTEL
4
relations avec la Porte, on défendait à ces corsaires d'arborer
nos couleurs
ils
:
prenaient licence et empruntaient le pavillon
de l'un des Etats qui n'avaient jamais voulu s'accommoder avec
Turc, tels que la plupart des villes et gouvernements
le
d'Italie.
Toutefois, leur travestissement ne trompait personne; leur vail-
lance emportée eût sufli d'ailleurs à
On
taient.
sang d'où
traiiir le
ils
sor-
des corsaires pousser l'audace à l'extrême, poindre
vit
à l'entrée des Dardanelles, insulter le seuil de Constantinople
on en
vit
un canonner des
villes côtières et jeter
:
dans JafTa deux
cents bombes.
Le gouvernement
dations
les
«
:
il
en
royal ne se l)ornait pas à tolérer ces
Tous
profitait.
armateurs
les captifs
dont
désespéraient de tirer rançon,
»
ils
un
de bétail humaiii
trafic
Pour ramer sur
les galères
entraves aux pieds, sous
en
s'était établi, nii débit d'es-
du Roi,
le soleil
tête rase, le torse nu, les
dévorant ou
la bise meurtrière^
pourvoyeurs de notre marine recherchaient
de leur force
tirés
menaient
chiourme de Toulon s'appro\isionnait largement.
claves, oîi la
les
les
A Livourne,
à Malte ou à Livourne, pour les mettre à l'encan.
particulier,
di'pii'-
les chevaliers et
;
ils
appréciaient aussi certains
de contrées mal connues, capturés par
les
Turcs, à cause
hommes du Nord,
les
Ottomans dans
ieurs expéditions continentales et que les corsaires enlevaient
ensuite sur les bâtiments du Grand Seigneur, des Ronssiots, c'està-dire des
Russes
Sur
(1).
les
marchés où s'opérait
la traite
des
blancs, les Russes, après les Orientaux, faisaient prime. Ainsi,
en plein siècle de Pascal
pi'imitive, la
et
de Bossuet, l'esclavage sous sa fornu'
mise en servitude des
captifs
demeurait institution
d'État, publique, florissante, et le Roi Très Chrétien se montrait à
cet égard presque aussi
étaient
Turc que
vivement incriminés
aux ministres dusultan que
(1) Lellrci de Colherl,
le
Grand Turc. Ces procédés
à Constantinojile, et si l'on objectait
les
bagnes levantins regorgeaient de
publiées par Clk.me.nt, passiin. Louis
grand amiral de Erance
:
«
Vous pouvez encore examiner
XIV
s'il
lieu de faire quelques desLCnles en Afrique
MENT,
III.
:î
Cf. l'article
de Paris du lo
de M. L.wisse
novembre
1897.
:
écrivait au
n'v aurait pas
pour y faire des esclaves. » Ci.i':Sur les gidères du Roi dans la Rccw
,
\IV ET l/(llilENT
I.<U IS
pas
Fraiiriiis, leur loguiiu" n'allail
(le
reconnaître la justesse
jiis([a'k
cette réplique.
s'indignaient aussi de retrouver des Français servant contre
Ils
eux dans
armées de riimpereur, dans
les
et se plaignaient que. sur terre
ne
5
comme
celles de la
sur mer, ces faux amis
En
clicrcliassent qu'à leur porter des coups.
leur déclarait pas la guerre,
ses sujets de la leur faire.
En
il
Pologne,
effet, si le
Roi ne
permettait à toute une partie de
1645, les armées ottomanes avaient
envalii la Crète, encore possession vénitienne; en 1648, elles
avaient mis
le
siège devant Candie, ville principale de
l'île.
La
longue Crète, qui barre l'entrée de l'Archipel, formait de ce côté
boulevard à
la chrétienté.
Impuissants à
la
sauver avec leurs
seules ressources, les Vénitiens avaient invoqué l'aide des autres
nations de leur culte. Toutes répondirent à cet appel, mais nulle
n'v mit autant d'empressement et d'entrain que la France. Chez
elle
se recruta principalement cette milice de volontaires qui
entama sous Candie, contre les armées sans cesse renouvelées
de l'Islam, une lutte plus longue que la guerre de Troie, lutte
épique, où parut se concentrer et se mesurer sur un étroit espace,
A
comme en champ
clos, la vaillance de
deux races.
Candie, les Français se succédaient par centaines, par mil-
liers,
impatients de participer à des combats qui renouvelaient
les exploits
de l'antique chevalerie;
ils
venaient isolément ou par
bandes. Saint-André Montbrun prenait
le
commandement
de
la
La Feuillade amenait toute une petite armée de gentilshommes, hardis, fringants, rudes batailleurs sous leurs rubans
défense;
et leurs dentelles.
départs;
il
finit
Le ministère
français tolérait et favorisait ces
par aller plus loin
:
en 1600, s'autorisant du
principe alors admis et en \ertu duquel on pou\
ait
secourir mi-
litairement ses alliés sans rompre avec leurs ennemis, Alazarin
prêta une Hotte aux N'éniliens
;
notre escadre du Levant s'en fut
insulter les côtes de la Crèce et tenta de reprendre la Canée.
Comme
les
Turcs n'entraient pas dans
public européen et ne voyaient que
les avaient jetés à
le fait,
une exaspération qui
les subtiHtés
du droit
ces hostilités déguisées
(iiiif
par se traduire par
LES VOYAGES DU MARQUIS DE XOIXTEL
6
les pires sévices contre la
personne
Pour notre commerce, ce
fut l'époque des
classique des avanies
:
ces
et les biens de
amendes
nos nationaux.
grandes misères, l'âge
arbitraires, frappées à tout
propos dans cbaque Echelle par les autorités locales sur nos
marchands
ou en corps,
pris individuellement
s'accumulaient à
tel
point que
le
mot
est
notre langue de vexation et d'injure.
se multipliaient,
devenu synonyme dans
Le commerce en était
accablé; désorganisé en outre par la licence et l'anarchie, grevé
de dettes et rongé d'abus,
il
semblait près de s'anéantir
(1).
Nos consuls, nos ambassadeurs eux-mêmes, n'échappaient pas
à la brutalité musulmane. Humiliations, extorsions d'argent,
voies de
fait,
détentions, rien ne leur était épargné, et l'un des
premiers soins qui s'imposèrent à Louis XIY, lorsqu'il eut pris en
main, après
la
mort de Mazarin,
statuer sur le cas de son
la
conduite de son Etat, fut de
ambassadeur à Constantinople, M. de
Haye (2). Ce représentant
d'Jitat. Le grand vizir l'avait
la
lui écrivait
fait
du fond d'une prison
mettre au château des Sept-
Tours pour avoir refusé d'acquitter
le
montant de certaines mar-
chandises d'Egypte, réservées à l'usage du Sérail, chargées sur
bâtiments français
et
non parvenues à destination.
II
Cet outrage, succédant à tant d'autres
semblait inviter Louis
XIV
à une
et
comblant
la
mesure,
attitude désormais nette et
tranchée, à une rupture ouverte avec la Porte, peut-être à une
offensive retentissante. C'était la voie où la conscience et l'ima-
gination publiques cherchaient à
l'attirer.
Depuis ciiuiuante ans
(t) Archives des affaires étrangères, correspondances diplomatiques et
consulaires, tG(îO-t()70. Archives de la marine, même période. Inventaire des
archives historiiiues de la chambre de commerce de Marseille, l'aul M.\sson, His-
(2)
wW
commerce français dans le Levant au
siècle, p. -iS-lSS.
Archives des aU'aires étrangères, Constantinople, vol. VIII.
toire du
Loris XIV ET l'orii:nt
environ,
il
y avait un réveil de
survécu aux croisades
et n'avait
par intermittences. Des
de croisade, qui avait
l'esprit
jamais cessé de se manifester
des guerres
lors
siècle,
le xvi"
7
reli-
gieuses et du grand déchirement de la chrétienté, de multiples
pour amener
efforts avaient été tentés
différends et à
lutte, à ouhlicr leurs
les nations, les partis
en
marcher fraternellement
contre l'ennemi du Clirist, contre l'Islam représenté par la Tur-
première moitié du xvu'
quie.
Pendant
ne
que s'accentuer
fit
La guerre
la
siècle, ce
mouvement
et s'étendre.
sainte n'était plus seulement la chimère d'esprits
nombreux, mais éloignt's des affaires et négligés par les gouvernements; elle redevenait la pensée des souverains et des ministres, des capitaines célèbres,
des grands ambitieux. Plusieurs se
de la conduire un jour et la plaçaient au delà de leurs
flattaient
entreprises présentes,
comme
l'occupation et la gloire de l'ave-
nir. Sully en parlait dans ses Rheries: Wallcnstein y songeait
entre deux campagnes, dans son palais de Prague, et sentait
l'attraction
de Constantinople; Gonzague de Montferrat levait
ouvertement l'étendard de
la croisade et pensait ressusciter
defroi de Bouillon; le père Joseph l'on
l'a
Go-
démontré de nos jours
avec autorité) poui-suivait invariablement à travers ses roueries
de moine politique un but qui les excusait à ses yeux et suscitait
toutes les ardeurs de son
l'Europe contre
Pour prêcher
vrage fameux
s'offrait,
an
Turc
le
cette u'uvre,
:
pii.x
commandement
De
du
àme
franciscaine
et la délivrance
il
hcllo contra
ti(Uie
:
la
réunion de
de l'Orient chrétien
se faisait poète et rimait son ouTurcas. Plus tard, le grand
de Varsovie pour son
fils,
Condé
à prendre le
de la chevalerie polonaise et à jeter sur les pro-
vinces ottomanes cette tumtdtueuse avant-garde de l'Europe
A mesure
que
(1).
les
(2).
poignants problèmes soulevés au siècle précé-
dent trouvaient leur solution et qu'elles-mêmes les dissidences
religieuses faisaient trêve, à
mesure que de grandes transac-
tions organisaient l'équilibre des États et la paix des
(d)
G. Faomez./.c Ph-e Joseph
(2)
Duc
n'.\u.M.\i,E,
et
Richelieu,
H i:itoire des princes
chap
m,
[i
commu-
120, 126.
de Condé, t VII, p.
15.'j,
175, 220,
25.5.
LES VOYAGES DU MAKOLIS DE NOINTEI.
8
nions rivales,
ment
une
semblait que la chrétienté ressentît plus vive-
il
du contact avec
l'insulte
campé à
l'Infidèle,
altitude de défi et de combat.
ses côtés dans
Lorsque Louis
XIV
eut été
mis en tranquille possession de l'héritage de gloire et de puissance amassé par ses devanciers,
accomplis
sonne
que
et
dun
la
parut que les temps étaient
la per-
prince jeune, valeureux, avide de renommée,, dont
l'activité voulait d'éclatants
Par
il
croisade avait trouvé son chef dans
la
voix de
emplois.
poésie et des arts, l'opinion l'engageait à
la
essayer aux dépens de l'Infidèle son épée vierge encore et
lui
promettait au delà des mers des lauriers sans tache
De
(1).
toutes parts, des plans surgissaient pour l'attaque, la destruction
elle partage de la Turquie
taient vers Louis
du fond de
notre commerce avaient
et
siècle
nos
invasion de
(2).
Enfin, d'instantes prières
l'Orient.
Là,
périclité,
il
notre crédit politique
y avait depuis
missionnaires.
s'étaient glissés, par d'obscurs
si
mon-
Capucins
et
un demi-,
Jésuites
cheminements, en pleine société
orientale (3). Ils vantaient auprès des populations chrétiennes
l'invincible pouvoir
considéraient un peu
du Roi,
la force
de nos armées, dont
comme les éclaireurs. Convaincus
ils
se
par cette'
ardente parole, les chefs des églises orientales croyaient reconnaître en Louis
le
«
XIV
le
monarque prédestiné à
vengeur toujours attendu,
Nous
en
leur délivrance,
lui leur
réconfort
:
espérons, lui écrivait le patriarche grec d'Anlioche, de
voir un jour notre salut de
(1)
et plaçaient
BoiLEAV.
i'pitre
.le
IV
la
part de Dieu et de Votre Majesté »,
:
t'aUends dans deux ans aux bords de l'Hellespont.
Au bas de la statue de Louis XIII érigée en place Rovale, on avait inscrit
des vers où Ton faisait dire à ce roi, pour le cas oii Dieu lui aurait laissé
vie
:
.l'eusse attatiué r.\sie. et
d'un pieux eflort
le long servage.
J'eusse du saiut tomlieau vengé
(2)
xvn'
(3)
Drapeyro>
.
Un
projet
de conquête de l'empire ottoman au xvi'
Revue dea Den.r Mondes, l" novembre
Fag.mee. chap. vi, p. 312, 3G7.
siècle,
187(5.
et ati
I.nl IS
el le
NT
\1\ ET L'ORli:
9
patriarche arménien d'Alep, dans des supplications
tiques, citait
une
propiiétic
un
serait délivrée par
Un
aux termes de laquelle
roi très puissant des
«
Français
»
ne saurait douter que ce rôle de concjuérant
ilatteur
sentait
pour l'orgueil du Roi,
quelque penchant à se
près d'ahandonner une voie
n'ait
(
I
).
liiiéralcur,
tenté son imagination
:
tous ses prédécesseurs,
avec
plus ou moins de vigilance, avaient pris soin de se maintenir,
hésitait, attendait
un scrupule invincible
:
il
Cependant,
le laisser attrihuer.
oîi
empha-
l'Arménie
il
le retenait.
En politique extérieure, notre ancienne monarchie apparaît
comme un pouvoir absolu, tempéré par la tradition. Si jalou.x de
leur autorité que fussent nos rois,
ils
se croyaient tenus d'obéir
à certaines maximes, consacrées par le temps, qu'ils se trans-
mettaient l'un à l'autre
grandeur de
comme
secret
le
dr-
jamais rompre entièrement avec
la
Turquie une intelligence qui
nous avait permis, en des jours d'exlrème
le
sûreté et de la
la
Or, c'était l'un de ces axiomes que de ne
l'Etat.
choc de nos adversaires
Si la situation de l'Europe
et
péril,
de détourner
de tenir la fortune en suspens.
ne démontrait plus
la nécessité pré-
sente de ces relations, des crises nou\ elles pouvaient éclater,
le
concours de
Porte pouvait redevenir indispensable
la
:
la
prudence commandait de tenir en réserve cette suprême ressoui-ce.
Un
autre motif, immédiat,
pressant, détournait le Roi de
sures directement hostiles. Louis
genres de gloire
grand par
:
il
les arnies,
XIV
ambitionnait tous les
ne se contentait pas de gouverner un État
grand par
les négociations;
que cet Etat deviendrait puissance commerciale
de premier ordre,
l'activité
et
me-
que, dans
le
il
avait décidé
et industrielle
développement magnifique de
française, tout irait de pair. C'était l'époipie oii
il
se
passionnait pour les projets de Colbert tendant à ranimer parmi
nous
l'esprit d'entreprise et
par l'esprit d'association,
(1) .Vrctiives
de négoce, à
(tr. si
le
diriger,
aie
fortifier
Colbert rêvait de donner élan
des affaires étrangères. Constanlinople, vol Viii.
LKS VOYAGES DU MARQUIS DE XOINTEL
10
à notre
trafic
extérieur dans toutes les directions,
avant tout à raviver Fancienne source de sa prospérité.
merce avec
vinces.
le
réorganiser, aie
le
mieux protéger,
France méridionale
:
de sa détresse actuelle, à
tirer
L'Orient apparaissait toujours
il
reprendrait toute son
comme
le
le
utilité.
marché naturel de
la
avec ses populations apathiques, qui con-
ne travaillent pas,
et
Le com-
Levant avait enrichi jadis plusieurs de nos pro-
Qu'on parvint à
somment
tenait
il
il
semblait
offrir
aux produits de
notre industrie un débouché permanent, privilégié, et Colbert,
ayant entrepris de relever nos manufactures du Languedoc et de
la
le besoin de rendre à toute une partie de
un é-coulemenl certain en Turquie, un débit rému-
Provence, sentait
leurs articles
nérateur, en rétablissant nos facilités de traflc avec cet empire.
Pour
lui, les
deux entreprises étaient
corrélatives, inséparables,
également essentielles, subordonnées l'une à
l'autre.
Aussi
le
pratique ministre, sensible en tout aux avantages pouvant s'évaluer en chiffres, détestait-il l'idée d'une rupture avec la Porte,
qui eût achevé de nous fermer
le
Levant.
Au
une
contraire,
amélioration des rapports, un renouvellement des Capitulations,
même
qui viendrait remettre en vigueur, confirmer, accroître
nos prérogatives,
lui paraissait l'un
des premiers
moyens
à
em-
ployer pour refaire la grandeur commerciale de la France.
Il
portait plus loin
ses
vues.
Au
*
delà des contrées qui se
groupent autour du bassin oriental de
la 3Iédilerrariée.
il
en
apercevait d'autres, rayonnant au fond de l'horizon d'un merveilleux prestige; son regard plongeait dans les profondeurs de
l'Asie et perçait jusqu'aux Indes.
dait pas ces régions,
mais
il
Le Grand Seigneur ne
en détenait l'une des clefs
à travers ses États que Colbert comptait
:
nous frayer vers
posséc'était
l'Inde
ou plutôt nous rouvrir un passage.
Sa pensée à ce
sujet se retrouve tout entière
au conseil de commerce
moires, l'un présenté par
lui
dans sa correspondance
(1), l'autre conservé
(t) T. Il.p
n;:i et
suiv
dans deux méet publié
au dépôt des
af-
LOUIS XIV
I:T
L'OIUENT
dl
Le deuxième peut être considéré comme
donne niu' concomplément du premier, au(|U('l
faires étrangères (1).
la suite et le
il
clusion.
Colbert avait fortement médité sur
opérée au
xvr' siècle
dans
la
les habitudes
révolulion
s'était
(pii
du commerce, quand
les
Portugais, après avoir accompli autour de l'Afrique leur glopériple, avaient
rieux
pris
contact par
mer avec
les Indes.
soumis au conseil retrace l'historique de ce grand chan-
L'écrit
gement,
l'un des plus profonds qui se soient opérés
nomie de
l'ancien
quences. Depuis
monde,
dans l'éco-
en apprécie mûrement
et
les
consé-
les croisades, l'Europe s'était accoutumée à
recevoir de l'Inde toute une partie des objets nécessaires à sa
consommation
et à
son luxe
fums, les ess(^nces rares,
:
elle
en
étoffes diaprées, les inimitables
les
mousselines, ces tissus lumineux et pailletés
der entre leurs
plis
épiées, les par-
tirait les
un rayon de leur
cpii
soleil; elle
semblent garen
tirait
les lingots d'or et d'argent, les perles, les rubis, les
diamants
les
princesses.
fit
ijui
paraient l'épée de ses rois et le front de ses
Le commerce avec
les
Indes était
fortune des cités ou des nations;
la
aussi
saphirs,
par l'intermédiaire du
il
le seul
alors qui
se pratiquait tout entier
monde musulman. Les
produits de l'ex-
trême Orienta a])portés par des caravanes qui leur faisaient
tra-
verser l'Asie centrale ou les recueillaient sur les bords du golfe
Persi(|ne et de la
ottomanes d'Asie
mer Rouge,
perraient à travers les provinces
et d'Afrique
jusqu'aux lùdielles du Le\ant,
jusqu'aux places situées à proximité ou au bord de
ranée.
L.à.
les transmettre à la chrétienté.
ainsi,
en l"]gypte que s'opéraient les échanges.
Chaque année,
la flotte
du Soudan
trois mille voiles, s'avançait
d'l']gypte, forte
par la mer Rouge
de deux ou
et l'océan
Indien
.Nous l'avons public a la suite de notre mémoire sur Louis XIV et
lu en 1888 devant l'.Vcadémie des sciences inoraies, pul)lié en
On le retrouvera à l'appendice, sous le chiffre 1.
iÊijypte,
1889
L'empire des musulmans formait
pour l'Europe trafiquante, un immense entrepôt, mais
c'est surtout
(1)
la Aléditer-
des marchands européens venaient s'en saisir pour
LES VOYAGES DU MAKOIIS DE XOIXTEL
12
jusqu'il
Bomlla^
.
puis revenait à Suez chargée de trésors; à l'ar-
rivée de cette caravane de mer, le désert s'animait entre Suez et
Alexandrie, d'innomlirables convois
dans
née
la capitale
le
sillonnaient,
amenant
de l'Egypte et de là sur les rives de la Méditerra-
les produits indiens.
L'Egypte jouissait alors d'une prospérité
qu'elle n'a plus retrouvée: le Caire, la cité féerique des conteurs
immense et populeux bazar, et Alexandrie
surnom de « marché des deux mondes ». Parmi les
nations chrétiennes établies en Egypte et maîtresses de son commerce, Venise occupait le premier rang, Gênes venait ensuite,
arabes, n'était qu'un
méritait son
la
France se tenait loin derrière
elles,
mais cependant 3Iarseille
partageait avec les grandes républiques marchandes l'avantage
de fournir à l'Europe les cargaisons apportées d'Asie
La découverte du cap
l'Inde
le
(1).
de Bonne-Espérance, en ouvrant ^ers
une voie plus longue, mais directe, détourna de l'Egypte
courant commercial,
de richesses, qui s'y portait de-
le fleuve
puis des siècles; elle permit aux Européens de s'approvisionner
eux-mêmes, sans emprunter
cles indispensables.
secours des musulmans, d'arti-
le
Le Portugal
eut l'honneur d'accomplir cette
révolution; l'Angleterre et la Hollande en cueillirent
Aux
de Londres
ils
xv
hardis découvreurs du
et
d'Amsterdam
;
siècle succédèrent les
le
fruit.
marchands
formés en puissantes compagnies,
confisquèrent à leur profit toutes les relations maritimes entre
l'Europe et les Indes.
Cet accaparement eut des
ticulier et
effets funestes
produit de ses douanes;
il
plus fructueuses du
par la
Un
il
le
les
les
Français faisaient au Le-
continua quelque temps à se poursuivre
mer Rouge et par Suez, puis ce lîlct de commerce s'arrêta
la mer Rouge se ferma totalement vers 16.30, et
de couler;
l'Egypte devint une impasse.
(t)
diminuer
supprima l'une des branches
commerce que
faible transit
vit
porta à Venise un coup dont elle ne
sut point se relever: enlin,
vant.
pour l'Egypte en par-
pour l'empire ottoman en général, qui
IIeyd.
Commerce du Ltvanl,
t
11,
p
4-27,
436, 467. i!»7
.
LdllS \IV ET l/iililKM
Dans
même moment,
le
la
13
tyrannie des pachas envoyés par la
Porte, la férocité des milices turques et des beys
mamelouks
rendirent la \allée dn Xil prescjuc inhabitable aux Kuropéens.
Durant
la
première moitié du xvh'
siècle,
Venise se
retira de cette
terre inhospitalière; elle rappela son consul et ses nationaux.
Les Anglais
et les Hollandais, qui avaient
en l^sypte. n'y parurent
j)lus
récemment
pris pied
que par intermittences. Seuls, nos
marchands demeurèrent à poste
lixe
au Caire
et à
Alexandrie,
sans concurrents, mais troublés de toutes manières dans leurs
Soumis à des
opérations.
et qui
montaient jusqu'à
douane
droits de
vinjit
pour cent de
au pavs
particuliers
la
valeur des mar-
chandises, inquiétés dans leur sécurité, exposés à de continuelles
persécutions, traités en esclaves,
ils
menaient une existence
in-
fortunée et précaire, mais pourtant ne renonçaient pas à la lutte
et s'obstinaient à rester (1).
Colbert sentit quel avanlag:e résultait pour nous d'avoir con-
servé pied en Kgypte. à l'Iieure où les autres nations renonçaient
à nous y disputer
proposa de soutenir
le terrain. Il se
et
de dé-
gager notre établissement battu on brèche, puis de s'en servir
pour réaliser un projet plus vaste
repasser par l'Kgypte, et
but à atteindre
;
précurseur.
commerce de l'extrême
la .Méditerranée le
le
et
le
Ramener dans
Asie, eu le faisant
concentrer dans nos mains,
l'exposé des
moyens forme
l'objet
tel était
du secontl
mémoire.
Louis
XIV
venait de fonder la
comblait de privilèges,
une
flotte,
lui avait
Compagnie des Indes
:
il
la
assuré un fonds considérable,
des comptoirs dans l'Ilindoustan, un établissement à
Madagascar
(2).
Dans
l'esprit de. Colbert, à ces créations devait
répondre une entreprise corrélative à tenter du côté de r]"]gvpte
à préparer par les voies diplomatiques.
et
Que
le
sultan fût per-
suadé par nos ambassadeurs d'ouvrir à notre marine marchande
mer Rouge,
la
(
1
1
interdite jusqu'alors
aux chrétiens
ù
cause de la
Correspondances citées à la page 6. PauLM.tsso.N, p. 3!)7-i00.
de Collierl. t. Il, cLxn et suiv. Paui.iat. Luitis \IV et
(it Lettres
pagnie des Indes de KJGi,
p.
tj'i
à 133.
la
Com-
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOIMEl,
14
proximité de la Mecque.,
riiuniilianle servitude
(ju'il
où
ih'livràt les
Français d'Egypte de
étaient tenus, qu'il assurât la sécu-
ils
rité
du passage des marchandises par l'isthme
à la
France
monopole de leur transport,
le
Compagnie des Indes
et qu'il
les
accordât
vaisseaux de la
Bombay de
iraient chercher à Surate et à
riches cargaisons qu'ils apporteraient à Suez; dans cette ville,
les
Français auraient des magasins pour les recevoir;
con-
ils les
duiraient ensuite, partie par caravanes, partie par le Nil, jus-
qu'aux quais d'Alexandrie. Là, les vaisseaux d'une autre compagnie à fonder par
prendre pour
la
France, celle du Levant, viendraient
les
les porter à Marseille, puis les distribueraient à
l'Europe. Accomplissant leur trajet sans sortir des mains de la
France
et
ne payant
au.x
douanes turques qu'un droit de
transit
modéré, ces marchandises se débiteraient à meilleur compte que
celles
venues par de lointains détours
la préférence.
:
obtiendraient facilement
Cette contre-révolution commerciale annulerait
en grande partie
Espérance
et
les clfets de la
elle ferait
découverte du cap de Bonne-
de la France
la dispensatrice
permanente
des produits de Flnde et obligerait les autres nations à devenir
ses tributaires.
L'opération projetée ne pouvait, on
voit, s'accomplir
le
que
de concert et de compte à demi avec la Turquie. Quelque intéressé qu'y fût cet État, puisqu'il y trouverait son avantage, ses
résistances ou au moins ses hésitations étaient à prévoir.
rait à dissiper ses préjugés, à éclairer
son horreur des nouveautés
:
Il
y au-
son ignorance, à vaincre
raison de plus pour qu'on préparât
ce résultat diflicile par dinfinis
de moilération et de prudence.
ménagements, par un système
Il
fallait
donc, suivant Colbert,
sans se borner à une froide réconciliation avec
la
Porte, à une
simple rénovation de nos anciens rapports counnerciaux, re-
nouer autant que possible l'intimité, se mettre en étal de parler
aux Turcs amicalement, conlîdemment, de leur suggérer nos
idées et de les conqui'rir au grand dessein.
Ainsi, tandis que de fastueux conseils portaient Louis
entreprendre partout contre
l'Infidèle et s'efforçaient
XIV
à
de l'entrai-
1.(1
lier
IIS
.\I\
r.T
l/OlilKNT
^o
h des expéditions plus brillantes qu'utiles, à des guerres de
magnificence, d'autres avis
le
ramenaient aux errements sécu-
laires de nos rois, à ce système plus modeste par
lc(jucl
la
France, refusant de s'associer à des conquêtes collectives en
Orient, s'était bornée à s'y créer des intelligences utiles, à
chercher des avantages de connnerce,
et avait préféré,
y
dans ces
contrées lointaines, l'influence exclusive à la domination partagée.
Au lieu de ciioisir nettement entre ces deux politiques,
XIY s'imagina d'abord pouvoir les concilier sensible aux
Louis
:
séductions de lune et aux résultats pratiques de l'autre,
suivit tour à tour et
il
les
pensa combiner leurs avantages respectifs,
recueillir l'hoimeur de la
première avec
les profils
de la seconde.
Cette disposition d'esprit ne pouvait que l'enlrainer à un jeu
périlleux, oscillant, équivo(|ue, défavorable à tout effort suivi et
à toute négociation de longue haleine.
ni
C'est ainsi qu'en Uiiil
Roi proposait au Pape, à l'Empereur,
le
à Venise, de former avec
lui une ligue chrétienne contre le Turc
cependant au cours de cette négociation plus ou
moins sincère, qui ne devait pas aboutir, de déclarer la guerre au
et se gardait
sultan;
M. de
Haye ayant
la
été remis en liberté,
rentrer en France, mais demandait à envoyer
\v lils
il
le laissait
de l'ambassa-
deur insulté remplacer son père.
En
ce temps, à côté de la dynastie régnante à Conslanlinople,
une dynastie de ministres,
voir de père en
(ils
Kupruly étaient des
celle des
Kupruly, exerçait
de iiauts talents dans l'adminislralion et
Kupruly, premier du nom.
massacreur
;
il
le
pou-
nom de souverains dégénérés. Ces
hommes terribles, qui déployèrent parfois
au
s'était
la
guerre. Jlobarninèd-
montré justicier féroce
et
grand
ordonnait, disait-on, cinq cents supplices par
,
LES VûVAGKS DU
IG
mois,
double de ce qui
le
HE Xdl.NTEE
.AlAliUl'lS
légalement permis eu Turquie,
était
Ahmed-
d'après une tradition populaire. C'était avec son fds
Kupndv, vizir omnipotent de Mohannned IV, que nous avions à
traiter. Connue cet arrogant ministre condescendit à quelques
explications satisfaisantes, une délente parut s'opérer, mais la
Le
politique française n'était pas au bout de ses contradictions.
nouvel ambassadeur, M. de
Hayc-Vantelet, désigné en 16G1
la
agréé en 1602, n'était pas encore parti en lOiii
savoir auparavant
comment
la
:
importait de
il
Porte prendrait une démarcbe à
laquelle le Roi venait de se résoudre.
En
166H
,
la
guerre s'étant rallumée entre
Turquie
la
et
l'Em-
pereur, une énorme armée de janissaires et de spahis, sous
commandement du grand
A
autrichienne.
po]d I" avait
même
temps,
vue de ses Etats en proie aux Turcs, Léo-
la
fait
le
abattue sur la Hongrie
vizir, s'était
les
En
d'appels éperdus.
retentir la chrétienté
princes de la ligue du ]{bin,dont le con-
cours était requis pour défendre l'Empire, avaient réclamé de
Louis
XIV
contingent militaire
le
qu'il leur devait,
bre de l'alliance. Loin d'éluder ses engagements,
passa
il
:
devait 2,i00
régiments, plus une
hommes;
élite
il
en donna
comme memRoi
le
les dé-
beaux
(i.OOO, cinq
de volontaires recrutés parmi les pre-
mières familles du royaume;
ne fût pas en âge de porter
il
regrettait, disait-il,
armes
les
:
il
l'eùl
que son
mis à
la
fils
de
tète
l'expédition.
On
connaît dans ses principaux traits cette ébauciie de croi-
sade, page héroïque et charmante de notre histoire militaire
(l
On
une
sait
que nos Fiançais marchèrent au
coinliat
connue
à
traversèrent allègrement rAlIenuigne et rejoignirent lés
fête,
Impériaux en Hongrie, juste à temps pour prendre part à
bataille de Sainl-Gothard,
grand
où Louis
la chrétienté,
UoussKT,
françiiise
gagnée
le
l"aoùt
une part insigne. Ce qu'on
vizir,
l'instant
(1)
).
il
XIV
la
1(164 sur
l'armée du
moins,
c'est qu'à
sait
affichait ce zèle actif
pour
la
cause de
s'excusait auprès du sultan de lui faire la guerre.
llixtoiri'
Je Louvois,
eu Honyrie, Revue
ilex
t.
I,
p. :i5
à 57.
— L.^.ngsdouff,
Deux Mondes du 1" juin
ISUS.
Une armée
\1V
I.nl IS
En
avril de la
mémo
drogman Fontaine,
l'Orient;
il
aiiiu'-f,
l/iUUK.NT
T
IT
un émissaire de modeste
état, le
furtivement de Marseille pour
était parti
était dt'pèflié
ou au moins de
r.
au grand
avec mission de justilicr
vizir
pallier notre conduite
«
:
eu
C'était, disait-il,
vertu d'une stricte obligation que Sa Majesté avait dû laisser
aller
quelques-unes de ses troupes en Hongrie, sans
prétendu rien faire en cela
(|u'cll('
rien fait effectivement
ni
ait
(jui soit
contraire ni à l'amitié qu'elle veut toujours sincèrement entretenir avec la Porte, ni
tous fidèlement observer et
tement
(1). »
même
les faire
renouveler plus étroi-
Parce langage. Fontaine préparerait
l'ambassadeur en
Pourtant,
traités d'alliance qu'elle veut
aux anciens
ce
juillet
voies à
titre.
n'était
pas
Hongrie
la
seule
déployer en face du Croissant l'étendard aux
22
les
qui
voyait se
fleurs de
lis.
Le
1664, une escadre française avait paru devant la côte
d'Afrique, et 5,000 honnnes de troupes, débarqués sur le territoire d'Alger, s'étaient saisis de la petite ville de Gigeri (Djidjelli),
sans égard aux droits du sultan, suzerain des Régences
Toutefois, sur ce point
même,
la
(2).
France ne désespérait pas
d'apaiser les susceptibilités de la Porte.
Un second envoyé
avait
été cliargé de faire agréer au vizir les motifs qui avaient déter-
miné l'occupation de Gigeri
:
d'après nous, cette prise de posses-
aucune idée de conquête ultérieure en
sion
n'impliijuait
«lue,
mais simplement
\c
Afri-
désir de nous assurer, sur la côte, un
poste de surveillance et de police, destiné à intimider les Barba-
resques et à
faciliter la l'épression
de la course.
Les deux messagers rejoignirent
retour de sa
campagne de Hongrie
le
grand
vizir à
et firent leur
Belgrade au
commission.
Il
leur répondit assez sècliemenl que l'ambassadeur pouvait venir,
mais se montra intraitable sur
l'article
l'entendre, ne soull'rirait jamais que la
pouce du
territoire africain.
Iransmise, la question
(1)
(i)
(b-
de Gigeri
:
son maître, à
France possédât un seul
(Juand cette déclaration nous fut
(iigeri n'existait plus
.\rihives des affaires iHrangères. 9 avril \(i6i.
K(n s.'iKT. Ilistuirc de Lotivuis, t. i, p. 78 et suiv
:
la
France avait
.
LES VOYAGES DU MAUQUIS DE XOIXTE
-18
I.
senti l'impossiI)iliié de se maintenir dans cette place et l'avait
spontanément évacuée. D'autre part, une trêve conclue entre
l'Empereur etle grand vizir, neuf jours après la bataille de Saint-
XIV
Gothard, avait permis à Louis
Hongrie. Les occasions de
M. de
la
conllit
de rappeler ses troupes de
avec
Porte s'éloignaient
la
:
Have-Vantelet reçut ordre de rejoindre son poste.
L'occasion parut propice à Colbert pour essayer avec la cour
ottomane un sérieux rapprochement
commerce de
sur le
que
à indiquer
mer
et
de
cet écrit, Colbert ne se bornait pas
but de la négociation, mais la manière de l'enta-
le
conduire.
la
Dans
Il
fallait (juc 31.
comnumication dont
sentât la
son cher
«
il
de
la
et parfait
dont
Comme
l'entreprise projetée par
la
Turquie une source d'inépuisables
être
que
le jirix
Roi consentait
le
»
nous en Egypte devait rouvrir
du rétablissement de
même
non comme une
ami l'empereur des musulmans
pour
privilèges et
Haye-Vantelet pré-
était chargé,
comme un avantage
grâce sollicitée, mais
à faire jouir
deuxième mémoire
annexé aux instruc-
le
dont nous avons parlé fut rédigé, pour être
tions de l'ambassadeur.
de nos projets
et s'ouvrir
l'Inde. C'est alors
la
ne saurait
profils, elle
France dans ses anciens
de faveurs nouvelles, telles que la réduction
des droits de douane et l'exclusion de certains concurrents. Dans
une
et
i(
lettre
adressée au sultan, Louis
avant tout
le
XIV demandait en personne
renouvellement des Capitulations
:
il
y témoignait
de sa forte passion de maintenir cette ancienne et bonne cor-
respondance qui a
empires
M. de
été établie
il
y a
si
longtemps entre
les
(1) ».
la
Have-Vantelet arriva à Constanlinople
le
1" décem-
bre Kitio et tâcha d'entrer en matière. .Malheureusement,
vite
que
deux
si
Kupruly
l'avait laissé venir,
c'était
il
parut
pour se venger
sur lui de l'humiliation que la journée de Sainl-Gothard avait
iniligée à ses
(Ij
jours
armes. Les premières audiences accordées à notre
Xéaninoias
le cas où «
les iasiructions
les
à
.M.
de
lu llavo-N'anteiet réservaient tou-
mauvais traitements reçus par
lichelles ou
autres considérations plus importantes
rompre avec
la Porte.
merce.
»
les
Français dans les
obligeraient le Roi de
Archives de la marine, dépêches concernant
le
com-
LOUIS XIV
l.dlUKNT
1;T
1!»
ambassadeur furent l'occasion de scènes outrageantes
leuses. Plus tard,
se vit considéré par les
il
et scanda-
comme un
Turcs
otage de la chrétienté tout entière, placé entre leurs mains pour
répondre des donnnages quelle leur causait.
Si les corsaires d'Ita-
se saisissaient de leurs bàlimenls, on le fondait d'acquitter le
lie
montant des cargaisons. Des chevaliers de Malte enlovaicnl-ils
un vaisseau apportant d'Ale.xandrie douze eunuques noirs desau harem de Sa Hautesse.
tinés
telet s'en
procurât
fallail
il
même nombre et
que M. de
llayc-Van-
la
au rcMipIacement de
jionr\ ùt
marchandise humaine.
celte
Par compensation ou par
représailles, la
France fournissait de
plus en plus aux Turcs de justes sujets de reprociic et prêtait ses
soldats à tous leurs ennemis.
Le nombre des volontaires accourus
à Candie atteignait maintenant plusieurs milliers
prévoir l'instant où
mée
de Venise.
vement qui
En
il
Français dans
entraînait ses peuples vers la guerre
au secours de Candie
avait
il
(1),
avec
si.\
mille
l'cscadri'
envoyé à M. de
revenir et ne lui avait point
Il
(b-s
l'ar-
Roi lui-même parut céder au mou-
détacha de ses troupes un corps de
Auparavant,
que
n'y aurait plus
100!), le
on pouvait
:
nommé
hommes
sainte
(|u"il
:
il
envova
du duc de Beaufort.
la llaye-Vantelet l'ordre
de
de successeur.
semblait que la rupture fût comj)lète et que Louis \1\ n'eût
plus qu'un but, s'acquérir des droits à la reconnaissance de la
chrétienté. Cependant, certaines précautions atteslaienl de sa
part un reste d'incertitude.
Envoyant ses soldats à Candie,
il
leur défendait d'y paraître sous ses couleurs et leur faisait pren-
dre l'étendard du Pape. Rappelant son ambassadeur,
lui
il
enjoi-
gnait de désigner l'un des marchands pour veiller à la protection
du conmierce
et
de laisser ainsi un re[)résentant de
France à
la
Constantinople. Le maintien des relations ne tenait plus qu'à un
mais Louis
fil,
possibilité d'un
!)e
1
1
)
XIV
évitait de le
rompre
L'iiislorien turc Rascliid les appelle
'.
;i
ménager
la
rapprochement.
leur côté, les Turcs retrouvaient
lioniiés
et tenait
t
pai- instants le
sentiment
six mille pourceau-t
malinten-
LES VOYAGES
20
OU plutôt
l'instinct
1)1"
.AlAKQl'lS
DE NOINTEL
de leurs véritables intérêts: leur fanatisme
n'allait pas jusqu'à les aveugler sur
danger de jeter la première
le
puissance chrétienne, en quelque sorte malgré
elle,
dans
rangs de leurs ennemis. Le secours donné à Candie ne les
pas tant
les
irrita
ne les émut, et mettant à prolit l'absence du vio-
qu'il
commandement
lent Kupruly, qui avait été prendre en Crète le
du siège, les autres ministres adressèrent à notre ambassadeur
un appel
conciliant.
Le
sultan ne s'y opposait point
n'avait qu'une passion, la chasse;
maniaque,
il
:
ce prince
l'aimait frénétiquement, en
son temps se passait à organiser de colossales bat-
et
tues autour d'Andrinople, sa résidence favorite, ou à parcourir
ses États d'Europe en faisant partout
Actuellement,
général de ses chasses
invité assez
ment des
un carnage d'animaux.
avait établi à Larissa, en Thessalie, le quartier
il
doucement
:
que M. de
c'est là
la
Haye-Yantelct
à se rendre, pour parler
lut
du renouvelle-
Capitulations.
Ses instructions l'autorisaient à reprendre cette négociation
avant de partir,
à faire
on
le
lui dit
que
les
s'il
y trouvait (juelque moyen.
^ovage de Thessalie.
que
les
A
Il
Larissa, on
1
ne balança pas
accueillit bien;
nouvelles Capitulations seraient signées, dès
deux gouvernements seraient parfaitement d'accord sur
même, le sullfui en écrivit au Roi, et
les articles à y insérer;
dérogeant aux traditions hautaines de
ambassadeurs
la Porte, qui recevait
et n'en accréditait guère,
il
officiers pour porter sa lettre à destination.
des
désigna l'un de ses
Ce
«
parti
honnête
»
la Haye-Vaniclet, qui y vit une raison pour
nouveau son départ, et, au lieu de l'ambassadeur
rappelé, ce fut l'envoyé du Grand Seigneur ([ue l'un des vais-
plut fort à
M. de
différer de
seaux du Roi mouillés devant
bord.
Quand
la
la côte
thessaUenne reçut à son
nouvelle de ces événements parvint en France,
on y connaissait déjà l'insuccès de l'expédition de Crète, la
sortie infructueuse du 2'\ juin, la disparition du duc de Beaufort;
quelques semaines plus tard. Candie capitulait
(1).
Cette
(1) Voyez d;uis l;i Rei:ue d'histoire (liploiiiaticiiie du 1" avril 1S97
de M. Le Glay, L'expédition du duc de Beuuforten Crète.
leiital'article
I.OLIS \IV
tive avortée
ET l.tUilE.NT
acheva de dégoûter Louis
paix de Venise avec la Porte, conclue
le
mettre à
l'abri
Louis
6 septembre lfi69, allait
Coli)ert
:
pour
se résolut à tenter avec la Porte
tueuse réconciliation.
La venue d'une
aux
somlilait faciliter d'autre part le retour
purement pacifiques de
XIV
des croisades, et la
de sollicitations nouvelles.
ambassade ottomane
projets
le
XIV
21
une
la
première
fois,
définitive et fruc-
CHAPITRE PREMIER
DEUX MISSIONS
ENVOYK
I,
En
juillet
1669,
La
Ui:
GRAND SEIGNEUR
Fontaine, dans
la
chronique rimée
qu'il
adressait à la princesse de Bavière, lui mandait ainsi la nouvelle
du jour
:
Nous attendons du (Irand Seigneur
Un bel et bon ambassadeur
:
vient avec grande cohorte
Le nôtre est flatté par la Porte.
Il
;
Tout ceci la paix nous promet
Entre Saint-Marc et Mahomet.
Cette fois, l'auteur des tables faisait de l'histoire dijiloniatiquc
<'omme M. Jourdain
tard, sans le savoir.
allait faire
Il
de la prose quinze mois plus
se trouvait indiquer assez
exactement
le
tour imprévu et favorable que venaient de prendre nos affaires
à la Porte,
(ju'il
le
avec les conséquences qu'on en devait attendre, lors-
croyait simplement rapporter les bruits dont retentissaient
monde
et la
ville,
x^^ussi
bien,
un ambassadeur lurc à nos
portes, le fait était étrange, inattendu, l'événement assez gros
pour qu'on
France
le
mît en petits vers. Depuis nombre d'années, la
n'avait pas
vu de Turc
étonnante nou\ eaulé, en
la nation, pi(|uait
au
même
l'amionce d'une
si
qu'elle ilattait l'orgueil
de
officiel, et
temps
vif la curiosité
de Paris.
Suleiman-aga, envoyé du Craiid Seigneur, (h'-barqua à Toulon
DELX MISSIONS
le
4 août
son
avec une suite de vingt personnes. C'était, dans
l()tj9,
pay.s.
un
homme
longtemps parmi
il
de condition fort ordinaire.
les hostinidjis
étaient
est vrai,
23
ou jardiniers du
Il
avait figuré
Sérail. Ceux-ci,
moins des serviteurs proprement
que
dits
des officiers d'un rang inférieur, chargés de fonctions qui les
faisaient approcher de
Quand
frais
Sa Hautesse
la sultane-validé,
et
de
la famille impériale.
descendant du Sérail,
dans un kiosque sur
le
allait
Bosphore, c'étaient
qui écartaient à coups de pierres les caïques indiscrets.
visitait-il l'une
de ses maisons de campagne? les
goûter
le
les bostamijis
Le
sultan
bostandjis, «
dont
l'exercice le plus ordinaire, suivant l'expression de l'un de nos
ambassadeurs,
les outils
était île planter
des choux
de leur travail habituel contre sabres
(1) »,
et
échangeaient
mousquets,
«
des-
quels étant aussi bien armés qu'ornés de leurs bonnets gris et
blanc en pain de sucre
monarque.
Sorti de cette milice domestique,
élevé jusqu'à une charge de cour emportant le
raia, et
il
se présentait à
nous sous
du
haie sur le passage
», ils faisaient la
Suleiman
s'était
de mutafer-
titre
cette qualification barbare,
à laquelle les bouches françaises eurent peine à s'accoutumer.
Au
un vrai type d'Oriental, visage long
et
maigre, teint olivâtre, yeux ardents, barbe noire, corps sec
et
physique,
il
offrait
nerveux; au moral,
le
les traits
dominants de son caractère étaient
fanatisme religieux, un orgueil emporté, qui n'excluait point
l'esprit d'observation et
de repartie,
et,
par-dessus tout,
le
mé-
pris des Infidèles.
Dès son arrivée en France,
il
prouva sa hauteur en n'accor-
dant aucune attention aux honneurs extraordinaires qu'on
rendait;
les
villes
se
canons sur son passage,
des bals sans
1
lui
portaient à sa rencontre, tiraient leurs
lui
envoyaient des présents,
émouvoir. Aux portes de
lui
ilarseille,
il
doimaient
prétendit
recevoir le compliment des échevins sans descendre de cheval,
ce dont l'assistance fut scandalisée. Des traits analogues mar-
quèrent son passage dans d'autres
(1) .Noinlel
villes. Il
traversa
la
France
à Pomponne, 3 mai 1676. Archives des affaires étrangères.
LES VOYAGES Df MAKOllS DE
24
XolMEL
dédaigneux, impassible, affectant, au dire des personnes qui
une gravité insolente
», et inspirant
virent alors,
«
nement
ne paraissait en ressentir.
qu'il
Quand
talla
il
eut atteint Paris, au lieu de
aux environs, à
vinrent
le
une importance
entrer, on l'ins-
personnes qualifiées
Issv, oîi quantité de
présenter à la cour. C'est
commencer. A
laient
plus d'éton-
ou plutôt l'examiner. On s'occupait en
le visiter
temps de
l'y faire
que
ici
le
même
les difffcultés al-
la cour, les questions d'étiquette prenaient
qu'elles n'avaient point ailleurs, et le
France
nial à observer entre la
et la Porte,
cérémo-
en de semblables
occasions, n'avait jamais fait l'objet d'un règlement définitif.
D'ailleurs se trouvait-on en présence d'un
envoyé pourvu d'un
véritable caractère diplomatique ou d'un simple messager?
lettres d'introduction
dont Suleiman
égard quelque doute. Quoi
sujet de plainte et en
lège que l'orgueil
liant
pour
la
qu'il
en
était porteurlaissaient
fût. afin
même temps de
de
lui
Les
àcet
épargner tout
ne lui accorder aucun privi-
mahométan pût interpréter dans un sens humi-
France, on pritle parti de
lui
appliquer exactementle
traitement que nos envoyés recevaient du grand
vizir, lorsqu'ils
n'avaient pas rang d'ambassadeur, et cette préoccupation allait
inspirer
Il
la plus extraordinaire fantaisie.
appartenait à M. de Lyonne. en sa qualité de secrétaire d'État
ayant
<à
aux ministres du Roi
le
département des
affaires étrangères,
de donner audience
l'envoyé; en cette circonstance, on résolut de copier scrupu-
leusement chez
le
les usages de
Porte, sans omettre aucun détail, aucun acces-
la
ministre français, à sa maison de Suresnes,
soire, de tout disposer à l'orientale, et
afin
de recevoir plus convenablement
il
parut indispensable,
l'officier
de Sa Hautesse,
hommes d'État et ses gens se fissent Turcs pour un
Le cérémonial adopté par eux a fait l'objet d'une relation
qu'un de nos
instant.
répandue dans Paris
et
rendue récemment
à notre curiosité (1).
le comte Ed. de B.\RTHf:LEMY dans le Buldu bibliopkile, septembre-octobre 1881. Cf. \es Documents historiques
inédits, publiés parM, Ch.\mpoli.iox-Fige.\c, t IV, [i 892. et les Mémoires du
chevalier d'Arcieux, t. IV, p. t33 et suiv.
(t)
letin
Cette pièce a été publiée par
1
lî
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K
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'\-
ni
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ordonne de
Al
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tout,
Jt l.y.-nr,- u :\-/,rA^r. Mu^t-y'^rry^^ ,e-e^
r:>iinïi3Vor:«l
EPiOSJIOtniRIT
iCïEDIT
I
DR IX MISSIONS
Les documents
23
conservés au ministère des
officiels et secrets,
complètent ce récit qu'on eut pu croire
affaires étrangères,
forgé pour l'amusement du public et en certifient l'exactitude.
Nous savons
pouvoir douter, qu'un an avant
ainsi, à n'eu
— et nous
Bourgeois (jentilhomme
—
ne devait pas être entièrement fortuit
(runt'
Dans
le
la
cour eut
cérémonie turque, imaginée, préparée
des personnages
officiels,
et
le
spectacle
représentée par
avec un imperturbable sérieux.
cette scène à peindre,
M. de Lyonnc
fit
naturollomcnt
confia à
M. do Rives,
du Kiaya-Ben, qui
était le secré-
premier rùle, celui du grand
intendant de sa maison,
le
rôle
vizir.
Il
Le
taire et le lieutenant des principaux dignitaires de la Porte.
Kiajia-Beij, je
veux
dire M. de Rives, rerut
cente de carrosse et
lui servit le café,
le
le
verrons que ce rapprochement
Suleiman à sa des-
conduisit dans une première pièce où on
mais où
il
dut attendre huit heures (c'était
le
temps en moyenne que nos ambassadeurs passaient à se morfondre dans le palais du grand vizir, avant d'être admis à entretenir ce ministre).
Il
avait été convenu, afin de compléter la
ressemblance, que cette épreuve préparatoire précéderait pour
l'envoyé son introduction dans
triomphé
le
la salle
d'audience.
dans l'aménagement de cette pièce qu'avait
C'était surtout
génie imitatif des organisateurs de la réception.
Une
lieureuse disposition de meubles, d'étoffes et de coussins avait
permis de figurer
sofa du grand
le
\
izir.
On
sait
que ce trône des
ministres ottomans n'était pas, à proprement parler, un siège,
mais une estrade recouverte de tapis
un enfoncement de
la muraille.
et dressée d'ordinaire
Le grand
dans
vizir s'y installait à la
place d'honneur, dans l'un des angles du fond, assis à la turque,
le
corps appuyé à des coussins
de tontes parts, et
cpii
l'environnaient et l'étayaient
dans cette posture
il
accueillait les visiteurs
—
et
leur être prochainement disputé
—
de monter eux-mêmes sur l'estrade, de s'y faire apporter un
ta-
officiels.
Seuls, les ambassadeurs qualifiés obtenaient
encore ce privilège
allait-il
bouret et de parler ainsi au ministre de plain-pied; les résidents
et autres
envoyés demeuraient au bas du
sofa, et de là adres-
LES VOYAGES
26
DL"
MAUÙl.iS DE NOINTEL
saient k l'idole immobile qu'ils apercevaient au-dessus d'eux leurs
compliments
A
la
soie,
et leurs discours.
maison de Suresnes, un
tapis de Perse, tissé d'or et
posé sur une estrade, traçait dans la
enceinte réservée; on y avait dressé un
plendissant d'or, et c'était là que M. de
salle
lit
de
d'audience ime
de repos, tout res-
Lyonne
devait prendre
place pendant l'entretien, adossé à des coussins de brocart,
après s'être étudié à imiter les manières graves et la majes-
Un
tueuse impassibilité des vizirs siégeant dans leur divan.
drogman grec, assisté de quelques jeunes gens familiers avec
les
mœurs
langues de l'Orient, devait servir d'interprète.
et les
Des
de comparses
serviteurs convenablement stylés s'étaient réparti les rôles
de figurants. Quant au public,
et
par un groupe de seigneurs
spécial à s'assembler dans
rière des portes
et
il
une galerie voisine
en glaces tous
était
représenté
de dames, conviés par privilège
les détails
et à suivre der-
du spectacle
(1).
M. de Lyonne virent celui que l'on appelait
r«Excellence mahométane » entrer avec ses gens, puis, parvenu
au milieu de la pièce, s'incliner profondément par trois fois et,
Les
invités de
portant la main à son front, à sa bouche, à sa poitrine, faire le
M. de Lyonne répondit en soulevant légèrement son chapeau, s'assit ensuite sur le sofa de la manière con-
salut à l'orientale.
venue,
et
dans
le
même moment
l'on apportait
pour l'envoyé un
tabouret recouvert d'étoffe de Damas, garni de franges d'or, que
l'on eut soin
de placer en dehors
L'entretien
commença; autant
fut assez pénible et parut
et
au bas de l'estrade.
([u'en put
juger l'assistance,
l'étranger montrant plus de ténacité que de déférence.
de quelque temps, des serviteurs apportèrent
les
il
un instant dégénérer en discussion,
parfums fumant dans des cassolettes,
Au bout
le café, le sorbet,
et les offrirent à
genoux
au secrétaire d'État; puis se retournant vers son interlocuteur,
ils les lui présentèrent debout. C'était la façon dont le grand
vizir
le signal
du congé. Suleiman se re-
Arctiives des affaires étrangères, Constantinople. vol. IX. Arvievx,
133 Journal d'Ollivier Lefècre J'Ormessoii. t. Il, p. 370.
(1)
p.
donnait à ses visiteurs
t.
V,
DEtX
tira alors,
et
il
sans que M. de
dans
fut conduit
le
MISSIliNS
Lyonne
fît
27
un pas pour laccompagner,
compagnie
jardin, où la
lo
rejoignit
presque aussil<U. Lui, sans s'inquiéter de cette curiosité, continua sa promenade, puis, l'heure sacramentelle étant venue,
chercha quelque endroit convenable pour sa prière,
cunnuença
tapis, s agenouilla el
in\oqucr
tl
le
étendre un
fit
Très-Haut, a\ec les
inflexions de voix, les balancements de corps et toute la panto-
mime compliquée que
tails
de rentrcvue
:
il
du Prophète.
prescrit en pareil cas la loi
M. de Lyonne voulut
faire connaître
le
lit
dans une
lui-même au Roi
lettre
où
il
affirme
les dé«
s'être
parfaitement bien acquitté de la fonction que Sa Majesté
avait confiée pour
même
un quart d'heure de son grand
dépèche nous
échangées entre
jamais
lui
initie
vizir (1) ».
lui
La
au secret des paroles un peu vives
le secrétaire d'État et
l'envoyé
Je ne pus
«
:
persuader par aucune raison que je pusse dire, écrit
M. de Lyonne, de
me
Votre Majesté.
Le Turc
»
rendre la lettre du Grand Seigneur pour
répondu que ses instructions
avait
étaient formelles, qu'elles lui
recommandaient de ne
se dessaisir
à aucun prix de son précieux dépôt, et quil y allait de sa tête de
remettre la lettre de son maître
France
Ainsi
îi
d'autres qu'à
!'«
empereur de
»,
le conilit éclatait
France qui n'admettait à
bassadeurs proprement
entre l'étiquette hautaine de la cour de
la
présence du monarque que les am-
dits, et la
prétention de l'envoyé ottoman.
Convenait-il, par exception, d'accéder à cette dernière, et pouvait-
on
le faire
sans compromettre la dignité royale?
mis en discussion;
le
conseil en délibéra.
les précédents, c'est-à-dire ce qui
en pareille circonstance
Sa Hautesse envers
les
et
de
s'était
(|uelle
On
Le
point fut
voulut connaître
passé à Constantinople
manière
s'était
comportée
Français qui avaient rempli en Turquie
quelque conmiission diplomatique, sans y occuper l'ambassade
M. de Lyonne se chargea de prendre à cet égard les informations
:
convenables.
(t
)
Lettre du
tinople, vol
.
.3
I.X.
novembre
1669. Archives des affaires étrangères, Constan-
LES VOYAGES DU MARQUIS DE XOIXTEL
28
Tandis que
inquiétude
le
secrétaire d'Etat poursuivait cette enquête, une
sembla que Suleiman avait été par trop
lui vint. Il lui
complètement dupe de
la
comédie qu'on
de Suresnes avait été jouée avec une
avait pris tout de
vizir
telle
;
la
scène
perfection que le Turc
bon le personnage assis sur le sofa pour le grand
de France et avait témoigné reconnaître en
nom
ministre, exerçant le pouvoir au
Or, on sait que Louis
XIV
un premier
lui
d'un monarque inoccupé.
se montrait aussi soucieux de reven-
diquer toutes les prérogatives de
souveraineté que d'en rem-
la
tous les devoirs, et le prince qui avait déclaré son intention
plir
d'être à
plaisir
lui-même son premier ministre, apprendrait-il sans dé-
qu'un étranger, fût-ce
même un
Oriental, le soupçonnait
de déléguer la toute-puissance? Quelqu'un,
détromper Suleiman,
ne
donnée
lui avait
que partager avec
faisait
un pied de
de
s'était avisé
MM.
Colbert et de Louvois, sur
Turc, au lieu de ne prêter à Louis
le
vizir, lui
que M. de Lyonne
parfaite égalité, le poids des afl'aires;
maladroitement appliqué, avait produit des
mal, et
est vrai, afin de
il
lui dire
en attribuait maintenant
trois.
mais
le
remède,
effets pires
XIV
que
le
qu'un grand
Afin de détruire dans cet
esprit déconcerté des préventions de plus en plus offensantes
pour le souverain, Lyonne se crutobligé d'intervenir personnelle-
ment
il
se
vizir
:
dans une seconde audience accordée à
proposa de démontrer que
qu'en
effigie,
que
le
le
la
mission turque,
Roi n'avait institué un grand
monarque
français ne tenait auprès de
sa personne aucun ministre investi de prérogatives exceptionnelles, et
que la supériorité de son génie consistait précisément à
pouvoir se passer de
tels auxiliaires.
Ayant fait approcber Suleiman, sans rien changer au cérémonial
précédemment adopté, il lui tint, entre autres discours, le langage suivant
un grand
:
«
Je vous apprends
vizir, ni trois, ni
même, dont
(|u'il
n'y a dans cet empire ni
autre autorité que celle de l'empereur
tous les ministres ne sont que de simples exécuteurs
des ordres qui partent tous les jours et à tous
propre bouche en toutes sortes
empereur a eu
atteint l'âge de
moments de
d'affaires... Aussitôt
sa
que notre
gouverner par lui-même,
il
s'est
MISSIONS
I)E[ \
29
réservé à sa personne seule toute l'autorité, n'en
aucune portion à qui que ce
tout,
ordonne
soit, voit tout,
communique
entend tout, résout
tout, travaille sans discontinuation huit
heures
i.ar
jour à ses affaires et à rendre la justice à ses sujets, et s'est
rendu lui-même, par
et
l'étonnemcntet
que vous voyez
ici
1
celte conduite, les délices de son peuple
admiration de toute la chrétienté!
phicé
comme un grand
tantinople, je ne suis qu'un petit secrétaire de
que d'écrire
résolutions qu'elle prend dans les
ail
j'ai...
complète qu'elle
monarchie française
s'adressait
;
il
soir et
matin
fi'il,
les
aires qui regardent l'emploi
Ses autres secrétaires en usent de
chacun dans l'emploi dont l'Kmpereur
Si
Cons-
Sa Majesté Impé-
riale, qui n'ai d'autres fonctions
particulier que
Moi-même
vi/ir le serait à
les
honore
même
(1). »
cette leçon sur l'organisation de la
laissa
fort
indifférent
celui
auquel
elle
eût pu y découvrir des arguments en faveur de sa
monarque lui-même, jusqu'à
prétention d'arriver jusqu'au
cette
autorité (lu'on lui représentait partoutprésente et agissante, mais
ne daigna point
:
«
Je ne suis pas venu, seborna-t-il à répondre,
pour apprendre comment
France est gouvernée
la
nuant à s'appuyer uniquement sur
demanda avec
plus d insistance que jamais à remettre en
propres la lettre dont
il
Après beaucoup d'hésitations, cette grâce lui
rehgicux respect pour
apparaître au
Puisque
la
et
le
mains
<le
la lui
faisant
faste et de magnificence.
l'Infidèle prétendait fixer le soleil,
cette fois, les prévisions
fut enfin accordée,
pénétrer d'admiration
personne royale, en
miheu dune auréole de
que ses yeux ne pussent en supporter
pour
il
était chargé.
mais on voulut au moins qu'elleservflà
et d'un
», et, conti-
de son maître,
les ordres
l'éclat.
il
était à souhaiter
Malheureusement,
nos Français furent déjouées,
leur esprit inventif se trouva en défaut. L'appareil déplové
pour recevoir l'émissaire de
l'entrée
la
Porte, la maison du Roi rangée à
du château de Saint-Germain
et étalant ses plus brillants
uniformes,, la cour tout entière réunie dans
(l(
une galerie somp-
Relation confidentielle de l'audience du Roi. Arctiives des affaires étran-
gères. Conslaiilinople. vol
I\.
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOI.NTEL
30
tueusement
et
paré de tous les diaiuants de
vant l'expression de
monta hardiment
couronne
la
la Gazette,
«
le
et
il
avait
Roi se levât pour recevoir
se retira fort mécontent,
«
à ses gens de ne point
la lettre
été rejetée avec
en rechignant
oculaire, et haussant les épaules.
recommandé
l'Orient.
poussa l'irrévérence
du Grand Seigneur. Cette prétention ayant
un témoin
d'argent
semblaient, sui-
(lui
l'environner de lumière »,
degrés du trône
les
jusqu'à prétendre que
hauteur,
tiNuie
Turc habitué aux pompes de
n'éblouirent point le
Il
Roi lui-mt''me, assis sur un
décori'e, le
11
»,
nous
dit
avait affecté et
mémo jeter un
regard
sur les magnificences offertes à leurs yeux, et l'on assure qu'il ne
s'épargna pas les remarques désobligeantes. Connue on
nombre
tait le
et la
lui
van-
grosseur des pierreries dont rhabillement
royal était recouvert,
il
lui serait arrivé
de dire que
le
cheval de
son maître, aux jours de cérémonie, en portait bien davantage.
Ces
détails furent naturellement
omis dans
le l'écit
de l'audienc^e
que la Gazette présenta au public, mais la cour demeura confondue
de tant d'audace et crut avoir assisté à un sacrilège. Pour réduire
l'étranger à la raison, les officiers chargés de son entretien et de
mieux que de le garder en
Ce régime l'amena à de saludouleur d'avoir manqué à un grand prince,
sa surveillance ne trouvèrent rien de
chartre privée pour quelque temps.
taires réflexions, et la
.à
laquelle
il
faut joindre sans doute le déplaisir des traitements
destinés à lui mar(|ucr l'inconvenance de son ])rocédé,
dans une mélancolie qui
mettre sa
A
ce
lui fit
perdre
l'apjiétil
et
le
jetèrcnl
parut compro-
sant(''.
moment, un personnage de
lrou\a étendu sur son
lit.
l'air
la
cour, l'étant venu voir,
le
Connue
le
abattu et languissant.
visiteur lui offrait
un médecin,
son médecin
se plaignait surtout qu'on lui défendit toutes
relations
«.
Il
répondit que
«
Dieu seul serait
avec ceux de ses compatriotes qui iiabitaient Paris,
marchands grecs
pauvre état
et
arméniens. Turcs de rencontre, gens de
et de luétier incertain; il demandait à jouir de leur
employer leurs services, en protestant toutefois qu'il
tenait pour bieu et dûment esclaves du Roi, qu'il se garde-
société et à
les
il
DEUX MISSIONS
de les enrôler dans sa suite pour les ramener dans leur pays
rait
et les
ravira leur
n'y a rien de
« il
léuitiriic
si
Il
propriétaire; et pourtant, ajoutait-il,
naturel aux oiseaux et aux esclaves que de
chercher leur liberté
»
(1).
risquait aussi quelques observations sur l'étroite
on
oii
31
le
demandait qu'on
jetât sur lui
un regard de
pitié et adressait
cour de suppliantes requêtes pour obtenir à
son congé.
Comme
d'ailleurs
il
et
que sa mission avait par elle-même
cour résolut de
le
le
faisant
son pardon et
caractère d'une avance,
comme
considérer
telle
autrement des singularités de sa conduite
Constantinople, en
la fois
à la
n'avait pou\oir de rien conclure,
la
la
dépendance
clémence rovale,
tenait à tous égards, sollicitait la
sans s'inquiéter
de
et
le
renvoyer à
accompagner d'une personne auto-
risée qui exposerait nos griefs, nos
demandes,
et les conditions
auxquelles l'ancienne entente pourrait se renouer. Notre diplo-
matie prendrait ainsi à son compte, et dirigerait une négociation
que Suleiman paraissait avoir
été
chargé de provoquer plutôt
que d'entamer.
II
I.A
A
couder
(jui fallait-il
nople au
nom du
Roi
et
CKUKMOMK
TLItyi
la tàclie délicate
I-
de parler à Constanli-
de faire accepter nos exigences? M. de
Haye-Vantelet restait ambassadeur en exercice, mais l'adresse
la
ou
le
bonlieur
lui
avaient
fait
défaut dans ses opérations; son
retour fut irrévocablement décidé.
ambassadeur,
c"esl-cà-dirc
Le remplacerait-on par un
par un lionnne de qualité, chargé de
représenter la personne
même du
torité qui s'atlaciie à de
hautes fonctions?
le but princijial
(I) Arcliives
de
la
Roi
et
de s'exprimei' avec l'au-
Au
contraire,
connue
négociation était de procurer l'avantage
des affaires élrangèrcs. Constantinople, vol
t\.
LES VOYAGES
32
du commerce
de
et
MAKUUIS DE \OI.\TEL
D(
ouvrir de nouveaux débouchés, n'était-il
lui
homme spécial,
point préférable d'en remettre le soin à un
fami-
avec les besoins et les habitudes du négoce, instruit des
lier
conditions dans lesquelles
cet art
«le
traiter
avec
les
il
se pratique eu Orient, possédant aussi
puissances musulmanes qui exige des
aptitudes particulières, fortifiées d'un long apprentissage?
Les
Hollandais, nos principaux concurrents dans les Échelles, n'entretenaient à Constantinople qu'un simple résident et s'en trou-
Un
vaient bien.
agent de
même
sorte n'aurait pas à se faire
rendre les honneurs auxquels un ambassadeur devait nécessai-
rement prétendre,
de haute lutte à
et qu'il fallait arraclier
gueil méprisant des Turcs
;
il
l'or-
éviterait ainsi ces interminables
querelles d'étiquette qui devenaient la pierre d'achoppement de
toutes les négociations, et pourrait, sous un titre modeste, faire
prévaloir les intérêts de sa patrie.
Il
y avait alors à la cour un jeune Marseillais, d'esprit prompt
et délié, à qui sa
dans
Il
la
connaissance de l'Orient avait permis de jouer
réception faite
ii
Suleiman-aga
le r(jle
nommait Laurent d'Arvieux, plus
se
de metteur en scène.
tard chevalier de l'ordre
de Saint-Lazare et consul de France. Après plusieurs années
passées en Turquie à étudier spécialement la matière du com-
merce, un liasard heureux
^a^'ait
amené
à la cour, où la pro-
tection de la maréchale de la Motte, gouvernante des enfants
de France,
lui avait fait
avait senti
prendre pied. Sur ce terrain nou\eau,
promptement pousser des
ailes
à
il
son ambition.
Habile à se faire valoir, plein de confiance en lui-même,
il
rêvait
de négocier à Constantinople la signature de Capitulations nouvelles,
<!(•
confirmant et étendant nos privilèges, et se croyait sûr
ré'ussir
dans cette tache.
sur mémoires
lui
;
comme
Il
adressait aux ministres
permettaient point d'aspirer à un
la fois
que
de démontrer
lui seul
mémoires
sa jeunesse et son peu de naissance ne
l'inutilité
titre éclatant,
il
s'elforçait à
d'un ambassadeur et de prouver
pourrait remplir avec succès les fonctions de rési-
dent.
Telles n'étaient point les
seules voies
(ju'il
emitloyitt
pour
DEl'X MISSIONS
par\ enir à ses fins, rorl
pousser,
il
r(''paiulti
se faisait froûter
pays du Levant.
On
toute méridionale,
questions qu'on
monde
le
sy
cl sacliant
par de piquantes révélations sur les
aimait à l'écouter ([uand, avec une vivacité
il
lra(;aille
tableau de ce
monde encore presque
mystères attrayants, et
incoiuiu, fertile en
du merveilleux.
volontiers les airs
dans
33
prend
réel
le
oii
avait réponse à toutes les
Il
posait sur les habitudes de l'Orient.
lui
plaisantes reparties.
« le
Roi,
dit-il
dans ses Mémoires,
rément, ainsi que Mlle de La Vallière
»;
mais
il
riait
ajoute,
—
A
ses
modé-
et
nous
laissons l'entière responsabilité de ces renseignements à ce Pro-
veneal digne d'être Gascon,
.Aime de
Montespan
«
et
de
La
Reine, dont
il
D'autres fois,
».
pendant leur
Vallière,
tenant sur les costumes
la
que Monsieur, frère du Roi,
«
il
([u'ils
en
toilette,
lui arriva, s'il faut l'en croire,
«
Mmcs
amusait
des dames de Turquie
curiosité deux heures durant
Ouelque prisés
et
faisaient des éclats de rire qu'on aurait
enlenilus de deux cents pas
Montespan
—
les entre-
sans oublier
»,
de satisfaire la
sur bien des particularités
fussent à la cour,
de
» (l).
ces services d'un
geme
particuher ne parurent pas un
dès
présent à leur auteur un jioste diplomatique; lorsqu'il
il
titre suffisant
s'agissait de désigner nos représentants
et
pour valoir
au dehors. Louis
son ministère se décidaient par d'autres raisons.
XiV
Colbert
avait consulté les principaux négociants de Marseille sur la conve-
nance d'envoyer en Orient un ambassadeur ou un résident. Le
commerce se prononça pour le premier parti, le Roi se rangea ù
cet avis, et l'on apprit soudain
que son
clioix était
tombé sur
le
marquis de Noinlel, conseiller au Parlement de Paris. C'est à ce
dernier qu'incomberait le soin de rapatrier Suleiman et de négocier avec solennité le
mission modeste
renouvellement des Capitulations. A
et toute prati(|ue
la
que recommandait Arvieux
dans un l)ut intéressé, le gouvernement royal préféra une
grande expédition diplomatique, destinée à faire réapparaître
magnifiquement
la
France en Tunpiie.
{[)Mémoiresiluclf':'li.y,l- \nieu.r,
t.
IV, p
I.S5. :29i. 29.j
LES VOYAGES DU MARQUIS DE .\OINTEL
3i
Le dépit qu'en ressentit Arvieux se
Une anecdote (|u'il y a mise semble
réflexion qu'il a dû se faire
fallait
un
homme
qui l'obtint.
ambassadeur,
lement,
gens
:
commentaire de
pour remplir
:
d'affaires et
celui-ci le reçut
et (]ue le
pope grec
le
on
sait
que
les
mépris
place vacante,
il
allé visiter le
nouvel
en costume de conseiller au Par-
Turc, à l'aspect de
le plus parfait
la
cette
de nécoce; ce fut un magistrat
raconte que Suleiman étant
Il
dans ses Mémoires.
trahit
la loniiue robe, crut voir
un
Turcs témoignent pour cette sorte de
(1).
Ce fut pour Arvieux une petite consolation la cour lui en
ménagea une autre, plus importante. A défaut do l'emploi qu'il
convoitait, on lui découvrit une occupation plus conforme à ses
:
aptitudes, sinon à ses désirs. Tandis que Suleiman, dans l'été de
1670, après avoir
tés, la
la
fait
à travers Paris, ses
monuments
et
promenade ordinaire des étrangers, regagnait
ses rare-
le
midi de
France, Arvieux aidait à tirer une conséquence inattendue des
aventures de l'i'nigmatique personnage et à fournir l'épilogue de
sa mission.
Le Roi
avait décidé de passer à
Chambord
et l'un des divertissements destinés à
la fin
de
la
saison,
égayer ce séjour devait
être la représentation d'une comédie-ballet. Molière en écrivait
LuUi
les paroles et
mis l'Orient à
gage
fleuri,
la
la
musique. La
mode
;
visite
mœurs
les
de Suleiman-aga avait
de ses habitants, leur lan-
leur vanité imperturbable et naïve faisaient
le
sujet
ordinaire des conversations, et Louis XIV, voulant donner à la
commanda aux
pièce une saveur d'actualité,
auteurs d'y mettre
des Turcs. Peut-être aussi ne déplaisait-il point au monarque,
piqué des dédains de Suleiman et de ses compagnons, do punir
ces orgueilleux en faisant rire à leurs dépens
Ce
projet conçu, Arvieux
pour en
faciliter
roxécution
:
!
se trouva naturellement désigné
pourrait fournir dos détails
lui seul
typiques sur un peuple qu'il connaissait bien ot que
n'avail fait ([n'entrevoir.
(1)
Mémoires,
t.
l\, p. riU.
Par ordre,
il
la
cour
s'en fut trouver Molière à
nrrx missions
sa
maison d'Auleuil,
35
rencontra avec LuUy,
s'y
et affirme leur
avoir donné à tous deux d'assez nombreuses indications pour
scène
Il
qu'ils
composaient
reconnaît,
il
la
(1).
occupé des costumes
est vrai, s'être surtout
:
nous ne contesterons pas cet aveu peut-être irréfléchi, échappé
On peut
à une fatuité qui s'oublie.
croire cependant
que
le
futur
chevalier fui appelé à jeter sur l'ensemble de la cérémonie quel-
ques touclies de couleur locale. Grâce
lui, les
;i
liahillements e(
les coiffures, confectionnés par Baraillon, tailleur de la Iroupe,
avec lequel
il
eut des conférences, se Irouvèreiil et sont restés
depuis moins fantaisistes
(|u
on ne
j)ourrait se l'imaginer
:
à
Constanlinople, les turbans des hauts dignitaires avaient alors
deux pieds de diamètre
ceux delà Comédie dépassent-ils celte
:
mesure"? Ce fut aussi Arvieux qui mit dans la bmiclie des malio-
métans de Molière quelques mots de véritable turc
de ce jargon cosmopolite
entendu lui-même sur
qu'il avait
quais de Sniyrne et au bazar d Alep.
beaucoup
et
les initia
Il
également
tains g:esles consacrés, à certaines formalités bizarres,
dans
la
devenus
pièce l'occasion de jeux de scène burlescpies où l'on a
vu chez Molière une
tentative pour travestir nos rites chrétiens,
une intention d impiété,
et
(jui
apparaissent plutôt
comme
grossissement démesuré de quelques-unes des prati(]nes
gieuses de l'Islam
donnée
fut
Bourgeois (/entilliomme.
Elle
faveur, quoi qu'on en ait
le
fut
li octobre 1670
Mémoires,
Molièi-e. et
t
i\',
l'article
dans
le
p.
do
M
i^Ji
à
'2ol.
c'était le
de
public de cour auijuel elle
Aovcz
ipii lui
aussi,
I{erl)rui:v'er intitulé
Molie'ri.'ste l'article
:
avec beaucoup
ai;cueillie
dit, et le
s'adressait s'amusa fort d'un spectacb'
année I86N.
le
reli-
(2).
La comédie-ballet
(1)
les
à cer-
intitulé
:
:
retraçait sous
dans
la
une
Renie africaine,
l'ii
colhthorateiir inconnu de
La
note de l'arlmiUté dans
Molière.
(2) On sait la controverse soulevée à ce sujet et ù laiiiielle prirent part
avec éclat l'aul de Saint-\'ictor et J -.t. Weiss. Voyez aussi l'article de M de
Semallé dans le Moliériate, et l'e.xcellente notice mise par M. Alesnard en
tête du Bourijeois ijentilhnmme dans la collection des Grandx Écrivains de la
France. (ra\rcs de -Molière, t. \'lll. d'aprésles indications de .MM Cli.Sfhercr
et tJarîner de .Mevnard.
,
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEI.
36
forme plaisante des aventures de
d'un
Au
trait
la veille, et
comique se doublait d'une
dans lequel plus
allusion.
troisième acte, l'un des personnages de la pièce. Covielle,
avant lancé tout à coup la phrase suivante
« Il s'est fait
:
depuis
peu une certaine mascarade qui vient le mieux du monde ici »,
se trouva-t-il un des invités de M. de Lyonne, acteur ou spectateur des scènes de Suresnes, qui n'ait
impressions?
die. »
«
Tout
retour sur ses propres
cela, ajoutait Covielle, sent
un peu sa comé-
Yoilà assurément qui frappait juste et s'appliquait fort bien
à la turquerie ministérielle.
l'événement du jour,
tretient, la
le fils
fait
la
A l'acte
]\I.
Jourdain apprend
celle
dont chacun s'en-
suivant,
grande nouvelle,
venue d'un haut personnage d'Orient; Covielle en fait
du sultan
et le qualifie d'Altesse turque;
mais ce
autre chose que l'ingénieuse transposition de celui
mahométane
que nous avons vu appliquer
titre est-il
d' «
Excel-
à
Suleiman
pendant son séjour et que nous retrouvons jusque dans
les pièces
lence
diplomatiques"?
«
Il
»
a
un
train tout à fait magnifique, continue
l'acteur en parlant de l'étranger: tout le
été reçu
en ce pays
comme un
monde
le
va voir, et
seigneur d'importance.
lusion se mêlait encore d'ironie, et
le
il
a
» Ici l'al-
trait était à l'adresse
de
notre engouement irréfléchi pour les personnages exotiques
:
après avoir tout d'abord comblé Suleiman de procédés et d'égards,
on
s'était
aperçu, mais un peu tard, que ce Turc qui s'en faisait
accroire n'était que de troisième ou de quatrième rang, et qu'en
allant à lui, les
trompés
hommages
du public
curiosité
et la
s'étaient
d'objet.
Cependant
la pièce
continue, et l'entrée en scène des Turcs
s'annonce par des mots dont chacun porte
mettre à M. Jourdain la dignité de
défendu de penser à ce
visiteur d'arrogante
duction qu'en avait
titre
:
en entendant pro-
Mamamouchi,
de Mutaferraca dont
il
n'est point
s'était
paré le
mémoire et qui voulait dire, suivant la tradonnée Arvieux, « un homme distingué ».
Enfin la cérémonie déroule sa
pompe de
à ses bouffonneries énormes, et
gaieté avec d'autant
|ilus
la
d'aisi-
fait
applaudir
cour de se laisser
aller à sa
carnaval,
que cette
raillerie
pouvait
iJEI X
MISSIONS
passer pour It'gitimc cl de bonne guerre
37
:
tourner les Turcs en
une manière bien à nous de répondre à l'insolence
ridicule était
de cet envoyé qui avait mortifié notre orgueil, refusé d'admirer
la
France
manqué au grand
et
scène l'Orient travesti,
des hauteurs de
l'esprit
En mettant
Roi.
français
sur la
prenait sa revanche
diplomatie ottomane, el Molière vengeait
la
Louis XIV.
TU
I.K
MAIKJUIS DK NOINIEI.
En recevant son nouvel
lui avait dit
vous
Nointel s'y
s'était agi
eU'ef,
él ait
de
Je vous
«
:
En
(I). »
ai
aiiihassailonr à (jonstanlinople, le Roi
choisi sur le bien (|uo l'on m'a dit de
sans avoir jusqu'à préseni marqué à la cour,
ménagé de hauts et de multiples appuis. Lorsqu'il
nommer, des puissances diverses et souvent
le
opposées, des personnages que l'on voyait ramiicnl d'accord,
Colbert et Louvois, les amis de l'un et de l'autre, s'étaieni rt'unis
pour
le
recoiumander au choix royal
et
vanter ses mérites.
Charles-Marie-François Olier, marquis de Nointel etd'Angcrvilliers,
appartenait à une bonne famille de robe, originaire de
Picardie.
ler
Son père, Edouard
du Roi
Olier, secrétaire
et conseil-
au Parlement de Paris, avait obtenu l'érection en manjuisat
de sa terre de Nointel. près de Clermont en ReauNoisis
(2). Il
avait épousé, en 16.34, Catherine .Mallon, appartenant à la famille
des seigneurs de Bercy; c'était une
piété profonde,
(|ui
finirait ses
Roval des Champs, auprès des
(I)
.Vnhives
îles affaires étraiiff'res,
femme
jours dans
de haute vertu et de
la
solitaires de
Xointel
Port-
retraite, à
ipii elle
à l'oriipotine.
;i()
reçut tou-
mars
1677.
du mois do septembre l(i.")f. vériliéesau l'arleinent
en Chambre des eom|ites en septembre IC.'ib et le ±9 mai 163G. Areh. iiat.
Cabinet des titres. Ariiii's.
(i) l'ar
lettres palcriles
LKS \(IVAGES hV MAliljriS DE NOI.NTEL
38
jours appui
elle avait
direction.
et
eu ijuatre
toutes religieuses
le
sans compter trois
dcr«Abbaye aux Bois
futur ambassadeur, était l'aîné des
un Parisien du Marais, né sur
sien,
la
De son mariage avee Kdonartl
fils,
Charles-François,
un pur Pari-
c'était
:
Ûlier,
qui furent
la paroisse
Sainte-Croix de
Brelonncrie.
Elevé dans un milieu grave, austère
n'en manifesta pas moins très vite une
bonne heure, on
il
monde.
siens pour courir le
le voit quitter les
petit Coulanges» de
presque janséniste,
et
humeur aventureuse. De
sans nul doute, ce N'ointel que
(>'est lui
«
(1) ».
fils
filles,
jeune Coulanges,
le
Mme de Sévigné, emmena vers IGSTou
dans son grand voyage à travers l'Europe
dont
et
le
1(558
parle à cha-
il
que instant dans ses Mémoires. Ces gais compagnons assistèrent
d'abord à Francfort au couronnement d'un empereur allemand.
furent reçus chez plusieurs princes du Saint-Empire et v trou-
Ils
vèrent une hospitalité parfois redoutable
admit à sa table
les
et «
commença,
dit
à Stuttgard, le duc
:
Coulanges, par porter
la
santé du roi de France et ensuite de toutes les puissances de la
terre. Je
lisse,
il
demandai de
me
fut
répondu
l'eau, mais,
quelques instances que je
jamais dans
(|ue l'eau n'entrait
la salle
si grand piince que M. le duc de Wurtemberg (2). »
Nos voyageurs franchirent ensuite les Alpes, descendirent en
d'un
Italie,
admirèrent
la
cour de Turin.
«
lapins belle et la plus magni-
fique de toutes les cours après celle de
Venise, et arrivèrent linalement à Rome,
ments de
l'antiquité les retint
France
oîi
», s'en
l'étude des
longtemps. Ce fut
là
de Nointei senlil son goût pour les arts, déjà très
se développer,
devenir passion.
Il
paraît
attacher
à
l'ambassade en
aurait rendu quelcpies services.
avoir poussé
là,
(jualité d'auxiliaire
Où ne
monu-
que François
vif, s'affiner et
même
plus tard jusqu'en Orient et vu Constantinoj)!c;
fait
furent à
il
se serait
béné\ole
serail-il allé, s'il avait
et
pu
suivre jusqu'au bout la pente de son caractère?
Mais l'argent
(1)
(2)
est le nerf
des voyages,
comme celui de
Arch. nat. Cabinet des titres. Aniics. Dossier
île Coulanges, p. I ;ï (i2.
Mémoires
I2i)70,
la
guerre.
MISSIONS
l)i:r\
paraît avoir possède pou de
Son père
et Xointel eii niaiiquail.
39
bien et l'avoir mal géré. Pour vivre, Nointel dut rentrer dans la
tradition de sa faniillo, regagner Paris et s'y renfermer, recourir
aux
offices de judicature;
seiller
en 1G61,
une charge de con-
obtint
il
au Parlement; nomade par nature, force
réduire au plus sédentaire des métiers
lui était
de se
(1).
une provision de souvenirs
et de connaissances; il avait rapporté aussi de quoi se composer
une collection, « un cabinet », comme l'on disait alors. Dès que
De
ses vovages,
il
l'on entrait cliez lui,
a\ait rapporté
une quantité de choses plus rares que
belles,
mais disposées avec un goût ingénieux, des dessins, des tableaux,
des curiosités de toute sorte, étonnaient le regard, évoquaient la
vision do pavs étranges et transportaient
bords de
la
Seine
visiteur très loin des
lo
(2).
Cette originalité valut à Nointel un premier renom. Puis,
comme
il
était
d'humeur
fort sociable et
eut promptement accès dans des
famille,
tenait
il
de belles manières,
miheux
aux cercles jansénistes
très divers.
et
ne
il
Par sa
pas d'y
baissait
fréquenter. Arnauld, le grand Arnauld, et Nicole, appréciant
son savoir
ot la
sûreté de son commerce, le prirent en goût et
l'admirent dans leur intimité.
atteignit
aux Colbert, à
C'est par
eux sans doute
celte famille de ministres qui.
qu'il
pendant
un domi-siècle, se perpétua et se ramifia au pouvoir. Arnauld de
Pomponne, parent de
tous les Colbert et futur secrétaire d'État,
lavait en spéciale estime.
les accointances et
pas
la
:
démon
tions
les
beaucoup. En
littéraire qui
au beau
même
(1) .\rili. nat.
(i)
lui
dit,
manquaient
temps, la manie d'écrire
commençaient
commun
Cabinet des
conseiller le 21
un
homme
magnificence de ses
qui a vu des pays
des mortels, le firent
titres.
rechercher dans
Armes. D'après une autre pièce,
mars lOGS seulement,
Mémoires du cheralier d'Arrieux.
et
à le posséder, ses préten-
style, les grâces fleuries et la
inaccessibles au
rei.ii
grand monde proprement
parentés illustres ne
récits, le prestige s'attachant à
été
le
puissante maison de .Matignon tenait de près à sa famille
et le protégeait
le
mémo
Dans
il
aurait
NOIMEL
LES VOYAGES DU MAKOUIS DE
40
compagnies où
les
où
l'on se piquait de goûts raffinés,
l'on tenait
bureau desprit.
Une
la
foule de petites coteries se disputaient alors et émiettaient
succession de l'hôtel de Rambouillet. Nointel fut prompte-
ment
affilié
à l'une d'elles. Dans une de ses lettres (i),
comme faisant partie de
bet,
l'abbé
sa société habituelle, M. et
Mme
de Montrevel,
Mme
il
cite,
de Fieu-
MM. Gargan,
de Matignon,
Machault, Quentin et de Nogent. Plusieurs de ces personnages se
sont signalés àl'attcntion de ceux d'entre nos contemporains
vivent dans l'intimité du grand siècle
précieux et de précieuses
s'écrivait
le
beaucoup: on
madrigal y
gramme
on peut
se
communiquait des
ait
le
sonnet, l'épi-
en vers ou en prose.
Que François
accompli bon nombre de ces prouesses de plume,
présumer, à en juger par celles
le
qu'il se
permit plus
tard en situation d'ambassadeur et parmi le tracas des
Sans doute aussi
voyages
:
et gonflés
de
essais littéraires;
en honneur, non moins que
était
les cercles
on se voyait, on
tel qu'était celui-là,
et autres galanteries
de Nointel
Dans
(2).
([ui
fit-il
circuler des récits
assurément des
c'étaient
afl'aires.
ses aventures et
tie
écrits pailletés de clinquant
de métaphores, avec de l'entortillé
et
du précieux dans
les idées.
De
plus,
comme
enrichir l'esprit,
il
il
s'intéressait à tout ce (jui peut
charmer
et
attirait à lui savants, artistes, antiquaires, et
se montrait vis-à-vis d'eux affable h la fois et protecteur, se sen-
Mécène.
tant des instincts de
foule d'occupations
sances humaines,
S'il
se dispersait ainsi en
une
sans maîtriser aucune partie des connais-
s'il
restait
en toutes choses un amateur,
le
sérieux de sa tenue, ses belles relations et encore plus l'amitié
des hauts penseurs de Port-Royal couvraient ce
avoir en lui d'un peu fantaisiste.
même
(1)
des jaloux,
C'est la lettre
il
était
pai-liculière
fort
En somme,
bien posé
:
on
pouvait y
d'après l'aveu
(|u"il
le tenait
que nous donnons presque
in
pour
extenso un
chap. IV.
Ci)
Vo.yez spécialement les notes jointes par M. de Boislislc à sa
édition des Mémoire!! de Sainl-Sitmin.
grande
Itl'AX
liomiiie
M lionnt'ti'
homme
bien,
»
(
I
j
MISSIONS
dans toute
41
du tenue, lioinine de
la foi'co
de mérite, et de plus bel esprit, avec la spécialité
des bistoires de voyages et de l'exotisme.
Cette situation honorable et par certains côtés brillante ne suf-
pourtant pas à
fisait
le
La dignité un peu
contenter.
froide de son
extérieur, sa gravité judiciaire cachaient des aspirations tumul-
tueuses et romanesques.
rêvait de
Il
nouveaux vovages, d'entre-
prises héroïques, de décou\ertes retentissantes
rière était celle
du grandiose
et
sa vraie car-
:
de l'extraordinaire. Des goûts de
commençaient à percer en lui, ne demanexplosion. Déjà, au grand donnnage de sa for-
faste et d'ostentation
dant qu'à faire
tune,
ter;
se montrait généreux, prodigue; nul ne sut
il
pour
moins comp-
ne s'occupait jamais de l'avenir et n'aimait l'argent que
il
le
temps.
voir couler entre ses mains, en quoi
A
bien de son
('lait
il
époque, une cour jeune, galante,
celte
folle
de plaisirs,
faisant tout avec faste, y compris l'amour, étonnait Paris par le
empanaché, par
bruit de ses fêtes, par son luxe
d'une existence machinée
comme une
s'y associer; lui aussi eiU
splendeurs
succession do scènes
d'Opéra. Nointel admirait de loin cet entrain
aimé à
les
pompeux
et eut
voulu traiter somptueusement
ses amis, donner des collations, des régals en musi(|uc, organiser des divertissements et des fêles, participer à des carrousels.
Il
était las
(|ue la
de
«
se ruiner
obscurément
» (2), et
son chagrin était
modicité de son avoir, la pénurie croissante de ses res-
sources, l'embarras de ses affaires, vinssent à chaque instant
contrarier ses goûts et resserrer sa vie.
Lorsque l'ambassade de Constantinople se trouva
désirs, ses espoirs se réveillèrent;
tenir.
Assurément,
ses écueils,
ses
le
il
\
acante, ses
mit tout en œuvre; pour l'ob-
métier d'ambassadeur chez les Turcs avait
périls;
mais qu'imporlail,
à
nn
homme
de
sa trempe! Hardi, entreprenant, libre, célibataire, sans attaches
qui le retinssent à Paris, en pleine force de l'âge,
il
ne demandait
qu'à se risquer et à s'exposer au loin pour la gloire de son maître,
{\)
(2)
Mémoires du chevalier d'Arvieiir,
La Bruyère.
t.
IV, p. 243.
42
\0\\GK>
I.i;s
qu'il
MAKUl
DL
confondait avec la sienne.
On
1^^
L)!:)
.\
(UN TEL
représenta sans doute aux
ministres et au Roi qu'il s'était déjà familiarisé avec les choses
d'Orient, et qu'en ces difficultueusescontrées
autre
trouvant moins dépaysé.
s'y
,
emporté
le
succès,
il
vit
y
il
ferait
Quand
mieux qu'un
ses amis
eurent
un coup de fortune.
D'abord, Temploi était lucratif; aux émoluments fournis parla
cour, seize mille livres par an, s'ajoutait une pension servie par
la
«
chambre du commerce
mille francs (1).
»
de Marseille, une rente de huit
y avait aussi un casuel assez considérable,
Il
des allocations supplémentaires à espérer, et de plus certains
ou moins
profits jusqu'alors tolérés, des taxes plus
cevoir sur nos marchands des Echelles
:
licites à per-
les prédécesseurs de
Nointel ne s'étaient jamais privés de puiser à cette source de
revenus, ayant sur ce sujet des idées fort différentes des nôtres
on en
citait plusieurs, partis « fort
faits et enrichis là-bas.
On
gueux
» (2),
:
qui s'étaient re-
ignorait encore que Colbcrt s'était
juré de mettre ordre à tout cela. Puis, pour un connaisseur éméritc
en
fait
de curiosités et d'objets d'art, pour un chercheur de
trésors en ce genre, quelle
aubaine qu'un voyage
Grâce aux
rait
facilités
mine féconde que
officiel
que
Levant, quelle
le
en ces régions à peine exploitées!
lui procurerait
son
titre,
Nointel pour-
renouveler sa collection, y joindre des pièces excellentes,
peut-être uniques, et la mettre hors de pair, sans compter qu'il
trouverait certainement matière à de resplendissantes descrip-
même
tions, qui assureraient
du
tous les cas,
grandement aux
veilleux
pays
ambassade, ce
et
vivrait
il
coup sa gloire
littéraire.
Dans
frais du Roi en de mer-
s'y promener avec faste. Une telle
apparemment une série d'entrées à fracas
et pourrait
serait
de défilés, à travers des sites enchantés, des palais, des colon-
nades, des architectures nobles, peuplées de statues, au bord
d'une mer d'azur
et d'or;
dans ce cadre de
féerie,
une suc-
cession de difficultés vaincues, d'obstacles surmontés, d'aventures glorieuses
:
un roman de Scudéry mis en
(1) Bibl. n;it. .Ms.
Clairambaull.
(2)DANnK.u:,t.
p
1.
14G
!)8i;.
p. 557.
action,
oîi
.\oin-
DEIX MISSIONS
tel
se jugeait de taille à soutenir
superbement
faire
Au
43
personnage du héros
le
à
et
figure.
homme de
physique, c'était un
quarante ans. portant beau,
avantageux, au regard ferme, aux grands
traits
accentués.
Avec
son feutre à ondovant [jlumage, son ample chevelure lloconnant
sur ses épaules, son justaucorps à brandebourgs s'cvasant autour
de
en
la taille
apparaît bien
plis roides,
tel (ju'on
son luxe de rubans
se représente
et
avait
«
le teint
grands
la
torité et
de
brun,
il
un ambassadeur du grand
Roi. Selon le chevaUer d'Arvieux, peu enclin à
il
de dorures,
le poil noir,
le
le
voir eu beau,
nez aquilin, les yeux
voix grosse, rude et peu agréable »: un air d'au-
commandement
paraissait dans toute sa personne.
.Mais cette sévérité n'ét.ait qu'apparente; ces
couvraient une
àme
d'artiste, (|ui avait ses
imposants dehors
re-
fugues et ses caprices.
Peut-être aussi ce magistrat lettré, ce dévot de la beauté antique,
ce magniflque curieux man(|uait-il des qualités de finesse et de
dextérité nécessaires pour déjouer les ruses des Orientaux et
se mesurer avec leur redoutable diplomatie à forces égales.
Lvonne
et
Colbert rédigèrent ses instructions, chacun pour ce
concernait sa partie.
(]ui
Deux mémoires furent
ainsi rédigés,
purement commercial. Us ne
l'un politique et religieux, l'autre
contenaient ni l'un ni l'autre le texte tout préparé de Capitulations
nouvelles
:
on
ilemandes sous
laissait à
la
l'ambassadeur
le soin
de présenter nos
forme qu'il jugerait convenable
et
de les graduer
selon les circonstances; on lui indiquait pourtant certaines ba.ses
de négociation,
et
il
en
était
quelques-unes dont
il
ne devrait se
départir sous aucun prétexte. C'est ainsi qu'il aurait à exiger
péremptoirement
la
pour cent, taux
trois
réduction des droits de douane de cinq à
fixé
pour
cette condition seule, notre
que
la
France
ressaisît
les
Anglais et les Hollandais
commerce
peu à peu
pourrait se rétablir.
la supériorité
en Orient,
il
:
à
Pour
était
indispensable qu'elle obtînt tout d'abord l'égalité de traitement
avec ses rivaux, qu'elle fût mise,
sur
Il
le
pied de la nation
ne paraissait pas
la
comme Ion
dirait aujourd'hui,
plus favorisée.
moins nécessaire que notre protectorat
U
LES \OYAGES UU MAUQL'IS UE NOIXTEL
religieux fût expressément reconnu. (Jnel était au juste
i'olijel,
quelles devaient être les limites de ce jjrotectoraf? Quelle distinction convenait-il d'admettre en la matière?
Depuis
téressait
début de ses relations avec
le
la Porte, la
aux catholiques de l'empire ottoman
et
France
même
s'in-
à tous
les chrétiens d'Orient qui ii\\0(iuaient ses offices; elle tâchait
les protéger autant
cir leur sort.
Nos
que possible contre l'arbitraire turc
rois mettaient leur
trouvaient leur gloire
c'était l'un
parer;
ils
des
titres
honneur à
et
de
d'adou-
celte tache et y
protecteurs du christianisme oriental,
:
rim des
et
r('iles
dont
ils
aimaient à se
y voyaient l'excuse de leurs relations avec
l'Infidèle.
Toutefois, en ce qui concernait les chrétiens indigènes, sujets
du Grand
Seigneur, notre
patronage ne
pouvait
s'exercer
qu'à titre purement officieux, par voie de simple intercession
auprès de l'autorité territoriale.
faire figurer
dans un acte
trop le préciser,
tait
écrit,
Il
paraissait l)ien difficile de le
dans des Capitulations
on risquerait de
le
:
à vouloir
compromettre. Mais
il
d'autre part dans les États ottomans, surtout depuis le
mencement du
exis-
com-
un grand nombre de religieux venus de
l'étranger, des missionnaires latins, appartenant aux diverses
siècle,
nationalités catholiques de l'Europe occidentale, France, Italie,
Espagne, Portugal,
et
compris par
tion générique de religieux firmes.
les
Turcs sous
la
dénomina-
Ces ecclésiastiques
s'étaient
introduits en Orient pour subvenir aux besoins spirituels des
populations de leur culte, pour travailler à la conversion des
sciiismatiques et aussi pour représenter le catholicisme dans
certains sanctuaires vénérés* entre tous. Ils avaient fondé des
églises, des chapelles, des couvents, des hôpitaux, des écoles.
Presque tous ces établissements n'avaient pu se créer qu'à
faveur de permissions obtenues par nous de la Porte
spécialement chacun d'eux;
nos soins, grâce à nos
ment de
ils
se soutenaient
efl'orts; la
France
la
et visant
uniquement par
les couvrait officielle-
sa protection et prétendait la leur imposer.
Cependant, ce droit formellement revendiqué ne
jusqu'à présent
qu'en
s'était
vertu d'actes individuels et
exercé
toujours
MISSIONS
i)i:r.\
révocables, parfois rrudc
Sauf
les
.«
lolérance cl d'une tradition.
siiniilc
Lieux Saints de Palestine, visés par
de IGOi pour
les Capitulations
appartenant aux catholi(|ucs, les étahlis-
la partie
senionts latins n'étaient point mentionnés dans les artes d'enrégissaient nos rapports avec la Turquie.
senii)le qui
que cette lacune fût comblée;
tait
il
fallait
Il
impor-
que l'existence des
missions dans tout l'empire ottoman, sous notre sauvegarde,
pour
fût
normale
ou
la
la
première
rapacité des
pour
la Porte
comme un
défendre contre
les
le
fait
fanatisme
nmsulmans, nos agents pussent invoquer un
pcrmancnl. un
général et
titre
admise par
fois
et que,
et licite,
Turcs
serait vis-à-vis des
religieuse et écarterait en
article des Capitulations,
fondement
le
même
(jui
nos droits en matière
île
temps toute comj)élition de
la
part des autres puissances catboliques.
En
([ui
troisième lieu,
dans
grrée
il
était
à désirer que la France fût réinté-
droit d'imposer son pavillon à toutes les nations
le
conunerçaient en Turquie, sans avoir conclu par elles-mêmes
de traités avec la Porte. C'était jadis l'une de nos prérogatives essentielles, la plus caractéristique de tontes, celle dont la
bardiesse entreprenante des Anglais et des Hollandais avait mis
le
plus de soins et de patience à nous dépouiller.
Ce
privilcgi;
aujourd'imi partagé avec nos concurrents, on ne saurait
insister
sirait
pour
qu'il
nous
rendu tout entier
fût
monopole de
ainsi le
s'être fait conférer
la
ti'oji
France ressai-
piotection conunorciale. après
la
légalement
:
le
mono])oli' de la protection reli-
gieuse.
Quant à l'Egypte
et à la
jamais de ^ue. Tandis que
Suleiman-aga
mise en
la
ballet,
mer Rouge
pon\ail
et
«
la
cour
public s'amusaient de
lisait
commerce de
commerce
grands avantages (1) ». Dans ses
des mémoires sur
le
reconnaissait de plus en plus que ce
jiroduire de très
instructions pour M. de Nointel.
(I)
et le
les perdait
applaudissaient au spectacle de son ambassade
Colbert
et
mer Rouge, Colbert ne
UHresde OMerl.
t
III.
p.
207.
il
ré|)éta,
en termes plus pres-
LES VOYAGES DU M A lin LIS DE NO INTEL
46
sants, ce qu'il avait
ilit
à
.AI.
de la Haye-Vantclet.
Il
fut
convenu
en outre que l'emploi des moyens propres à rappeler en Egypte
et à
nous réserver
le
commerce des
plement recommandé aux Turcs, leur
comme une
Rouge,
serait
désormais présenté
mer
condition de notre amitié. L'ouverture de la
la faculté
tion des
Indes, au lieu d'être sim-
droits
de transit entre Suez et Alexandrie, la réduc-
de douane en Egypte au taux fixé pour les
autres parties de l'empire, durent figurer, sous forme d'articles
précis, dans le projet de Capitulations à soumettre
au
vizir.
La
négociation relative à l'Egypte, au lieu de se poursuivre séparé-
ment,
pour
allait
désormais se confondre avec
renouvellement des Capitulations
le
celle qui s'engagerait
(1).
Afin de donner plus de poids à la démarche de la France, on
résolut de l'entourer d'un éclat et d'un appareil inusités. IS'ointel
n'eut pas seulement à se former une suite de secrétaires et de
drogmans,
monter une maison fastueuse, un train princomme une expédition militaire.
D'ordinaire, un ou deux vaisseaux du Roi seulement conduisaient à Constantinople l'envoyé de Sa Majesté. Cette fois, une
cier:
à
se
son départ fut organisé
escadre entière dut appareiller pour lui servir d'escorte. Elle
comprit quatre de nos vaisseaux de ligne, choisis parmi
les
plus imposants. Leurs multiples étages de batteries, leur poupe
relevée en château, leur décor de balustres, de figures sculptées et de dorures, tout en en eu.x
respect.
Un détachement
ment des Vaisseaux
commandait l'admiration et le
et du régi-
des Gardes de la marine
vint prendre garnison
en ces citadelles
flottantes.
Il
parut non moins convenable, après que l'on aurait
primé
la
la terreur
avec les vaisseaux de Sa Majesté, de
magnificence des Français
(2)
».
Dans ce
but,
«
im-
faire voir
une troupe de
vingt-sept gentilshommes fut enrôlée, tous de bonne mine, alertes
(1)
Les
insiructiiiii?:
de Colhert à Nointel figurent à l'appendice, sous
la
lettre n.
(2) Noinicl àLvniine, (i novembre 1070 Tous les extraits cités des lettres
de l'ambassadeur au secrétaire d'iUat sont tirés des archives des affaires
étrangères.
DKIX MISSKINS
et fringants,
47
dcsircux de voir du paj's, ayant du bien et sachant
en faire montre, propres à présenter un
noblesse française.
de
joli échantillon
la
entourcraientrambassadcur lors de son
Ils
entrée dans Conslanlinople et seraient là pour l'ostentation; les
officiers
de l'escadre figureraient également dans
commandant du vaisseau
mis à
fut
Princesse,
/(/
de l'expédition.
la tète
devant Constantinople
Il
le cortège.
Le
M. Dumée d'Aplcmont,
aurait à présenter la flotte
longtemps que
et à l'y tenir aussi
le
mar-
quis de Nointel le jugerait opportun. L'arrivée de l'ambassadeur
devaitse doubler de ce qu'on appellerait de nos jours une démonstration navale.
En
tout, d'ailleurs,
il
était dit
que
la
mission de Nointel se dis-
tinguerait des précédenles et les surpasserait par son imjiortancc.
Destinée à faire prévaloir dans
nos intérêts politiques
le [..evant
commerciaux, à manifester
et
la
puissance et
la
majesté fran-
çaises, elle allait se conipli(iuer en dernier lieu d'une entreprise
de tout autre nature, d'une investigation théologique
repi'é-
:
sentant du Roi, Nointel se trouverait par surcroît ambassadeur
de Port-Royal.
Depuis quelques années,
les
controverses entre catholiques et
un instant suspendues, avaient repris de plus belle;
au fort de la querelle entre M. Arnauld et le pasteur
protestants,
on
était
Claude, champions des deux parlis
sion sur
Réforme
le
mystère
(I).
de l'Euchai-istie,
avait soutenu que
\u cours d'une
le
discus-
représentant de
les églises d'Orient
point la présence réelle et s'était fortifié de cette autorité
s'agissait jiour les
catholiques de convaincre
lein-
que Nointel
était
MM.
Arnauld
e(
Nicole, se sou\enant
de leurs amis, eurent l'idée de proposer à ses
prièrent d'interroger les chefs des diverses
(2)
spécialement
Rébklli.w,
p.
d'une
et
soins une enquête en bonne forme sur le point en litige
(1) Voyez
p. 19-68.'
(2). Il
adversaire
d'imposture ou d'erreur, à l'aide de documents positifs
vérification sur les lieux.
la
n'admettaient
;}1>,
33,
IlÉUELLiAC,
:i!>.
(38.
liosstiel
communaulés
liistorien
:
ils le
orien-
du piotcslanlisme,
LES VOYAGES
48
taies
dans
et.
.MAKQllS DE \OIXTEL
I)C
où leurs réponses
cas infiniment probable
le
seraient favorables à la doctrine catholique, de les leur faire
consigner par
écrit, d'obtenir
d'authentiques professions de
foi
:
ce serait merveille que d'enlever ainsi aux calvinistes leur argu-
ment
et
Ro\ al
fut d'ailleurs
de
le
retourner contre eux. L'initiative prise pai'Port-
approuvée en haut
lieu; à la cour, d'insignes
personnages, entre autres Turenne, s'intéressaient vivement à
controverse
parlèrent de leur côté à l'ambassadeur, et le
ils
:
la
Roi lui-même trouva fort bon que l'on s'en fût jusqu'au fond de
l'Orient chercher des
faite à Nointel
ciel
jirit
armes contre l'hérésie. La recommandation
ainsi
un caractère impératif
et
presque
offi-
.
Comme
curer
beaucoup de temps
cette partie de sa tache exigerait
et sortait de sa compétence ordinaire,
un
auxiliaire
spécial, versé
il
dans
parut
ullh;
de
lui
pro-
connaissance des
la
langues du Levant, apte à mener l'enquête sous ses ordres avec
toute la rigueur désirable et à en coordonner méthodiquement les
L'homme
résultats.
di'couvrir:
ils le
(pi'il
Arnauld
Nicole surent
et
le
trouvèrent en la personne du sage, habile et
judicieux Antoine (ialland
:
que
c'est ainsi
futur traducteur
le
une yuils fut adjoint à l'ambassade, en qualité tralla-
(h's Mille et
clié
fallait,
théologique.
Galland
était alors
un jeune
homme
de vingt-cinq ans, fort
pauvre, simple professeur au collège Mazarin. mais passionné
de science,
cherchant à se faire une spécialité de l'orienta-
lisme et montrant pour ce genre d'études une
(piaiile.
il
facilité
remar-
Suivant assidûment les cours du Collège de France,
possédait, outre
ments de l'hébreu
une excellente instruction
classique, les élé-
langues asiatiques
et d'autres
;
son ambition
était de cataloguer les manuscrits orientaux de la Sorbonne.
Arnauld
et Nicole l'enlevèrent à ce
rêve d'érudit et
le
donnèrent
à Nointel.
Le cadeau
était d'inestimable valeur.
land se dévouerait de tout son
rait le zèle, l'application, la
cœur
Fervent catholique,
à sa fonction;
conscience
il
Cral-
y apporte-
qu'il mettait
en toutes
DEUX MISSIONS
choses;
i!)
entendait toutefois, à côté de
il
prescrite,
làciie
la
s'en attribuer bien daulres. Cet érudit était doublé d'un lettré et
d'un artiste.
Maniant aisément
la jiluine.
extrêmement attentif,
il
tiendrait le
journal de l'ambassade pour la partie anecdotique et pittoresque,
et ce
nous
complète
un précieux document que cette chronique elle
permet de contrôler la correspondance de l'ambassa-
est
et
;
deur, dont elle forme en ([uelque sorte la contre-partie
les littératures orientales fourniraient à (jalland
champ
(1).
Puis,
un merveilleux
d'investigation. Compilateur de vieux livres, glaneur de
légendes, de traditions, de récits populaires,
il
par tirer
finirait
de ce chaos une fleur de poésie, cette série de contes ensoleillés
où
revit toute l'imagination de l'Orient et qui ont enchanté tant
de générations successives. Enfin, autant que Noinlel lui-même,
il
avait le goût
l'exhumer
:
et
la
passion de l'antique
de tout ce
:
il
savait
(|u'(int laissé les civilisations
flairer,
le
grecque et
romaine, monuments, statues, inscriptions, médailles, manuscrits, délicates figurines
ou frustes débris, rien n'échappait à ce
fureteur, à cet intrépide dénicheur d'objets d'art et de curiosité.
Pour
les
grandes campagnes d'exploration
ne pouvait désirer un compagnon plus
ipi'il
méditait, Nointel
utile, et ce collaborateui-
ne serait jamais un concurrent, car Calhuid ne cherchait qu'à se
faire le ser\iteur
modeste
classique, l'excellent
et infatigable
homme
de
la
science
:
sur
rt-ncontrerait la célébrité
le sol
en ne
cherchant que l'étude. Nointel comptait l'envoyer à la découverte,
le
détacher en éclaircur, employer son aventureuse curiosité,
consulter son goût, se servir de
à sonder, pour dresser
la carte
lui
pour reconnaître
les endroits
On
archéologique du Levant.
voit
que l'ambassade se destinait de plus en plus à nous révéler l'Orient
sous ses aspects nmlliples, autant qu'à y faire revivre
rir l'autorité
Dans
les
et refleu-
de la France.
premiers jours d'août 1070,
la petite colonie
en pai-
lance se réunit à Toulon. Chacun se casa tant bien (pie mal à
(1)
Le
rejîrellé
M. Sehefer a donné récemment une édition du .Journal de
Gulliind complète, très soignée et
savamment annotée.
i
LES VOYAGES DL MAKoLIS DE NO
50
Les personnages
])onl des vaisseaux.
doyaient
1
M EL
les plus divers s'y cou-
à côté des genlilshoniiiies d'escorte, à côté de cette
:
exubéranle
et
tapageuse jeunesse,
le pacifique
Antoine Galland,
rangeant soigneusement ses papiers et ses livres; un frère de
l'ambassadeur, qui avait obtenu permission de suivre sa fortune
chargé de traiter
mer
relali\es à la
(b's
arguments au
man-aga,
il
la
]{ougc, à l'Egypte,
clicf
allait
au besoin, de souffler
héros
d'une saison, bien oublié
rentrer à Constantinople confondu dans la
presque dans
suite et
et,
démission. Une place était réservée à Sulei-
d'hier,
célébrité
aujourd'hui;
;
Compagnie des Indes, le sieur Magy,
avec une compétence spéciale les questions
uu des directeurs de
les
bagages de l'ambassadeur. Pour
le
moment, on
le tenait à
en passant
ordre avait été doiuié pour qu'il n'arrivât à Toulon
:
Valence,
oii
M. de Nointel
le
prendrait
qu'avec notre ambassadeur et pour qu'il s'embarciuàl sur-le-
champ, sans jeter un regard indiscret sur
nombreux Turcs
à la chaîne aurait
matière à de fâcheux rapports
Mais l'ambassadeur se
(ii'part,
jtu
mille soins, mille
la
vue de
(1).
faisait attendre.
A
grand
le retenaient.
Puis,
en coûtait de s'arracher à ses
lui
il
si
d'un
la veille
mesures à prendre
malgré ses goûts nomades,
où
la Aille,
l'olfusquer et lui foui-nir
amis, à ses relations, à la vie de Paris, à ses chers objets d'art,
à son cabinet
si
joliment orné;
il
s'occupait pourtant à le
démé-
riager en partie et emporterait (]uelques-uns de ses tableaux,
nlin
lui,
de se
faii-e
j)arloul
où
il
résiderait une installation bien à
portant sa niar(|ue personnelle, un cachet d'art et d'élégance.
Colberl cepcMidant s'impatientait de ces retards
M. de Nointel de
Toulon
— mais
faire sortir \u)
le
je
pai'tir
\
—
«
:
écrivaiL-il à l'intendant
ous avoue que c'est une grande
homme
de Paris
(2). »
Peu
Je presse
de marine à
difficulté
de
après, appreiumt que
marcjuis sest décidé à se mettre en route, le rude ministre lui
envoie, on guise d'adieux, celle admonestation
ni'empèeher de aous diie que
(1)
l.rllrr.s tic
(2)
Ihid.
Culhcrl,
l,
IlL p
l'i.S
le
:
«
Je ne puis
retardemenl que vous avez
DEl'.X
appporté à partir
qu'il
peut
même
.MISSIONS
31
embarquement a fait peine au Roi, et
préjudiciable à son service. Je veux
et à votre
être fort
croire que la diligence que vous apporterez à présent à vous
rendre à Constantinople, et
ploierez pour parvenir à la
même
fin
([ue l'industrie
que Sa Majesté
que vous ems'est
proposée
dans votre envoi, contribuera en quelque sorte à réparer un
longtemps perdu
(1).
avait enfin fait liàte
cessr, et l'escadre
(1)
Lettre
du
2i)
:
»
Avant d'avoir
le
21 août 1G70,
si
senti cet aiguillon, Nointel
il
était à
mettait à la voile.
août 1670, archives de la marine.
bord de
la
Prin-
CHAPITRE
PKE
JI
I
KUEs NÉG
II
CIAT UN S
I
UKYANT CONSTANTINOPLE.
Contrariée
trois
mois
vers la
leinjuHcs de l'automne, la traversée dura
fin
d'octobre seulement, l'escadre parut à
du Bosphore. Nointel ne nous
l'entrée
quand
:
])ar les
il
dit
pas ses impressions
revit Constanlinople; c'était pourtant
un spectacle sans
pareil que la cité impériale se levant sur l'amphithéâtre de ses
coUines, avec l'entassement de ses maisons, ses
posés, ses gerbes de minarets.
Au
reste,
mencèrent immédiatement. Pour entrer dans
profond qui sert de port à
la ville, entre
Sérail
:
était
il
d'usage que leur
le golfe étroit et
Stamboul
ciirétiens, les vaisseau.x étrangers avaient à
dûmes supercom-
les difficultés
et les quartiers
doubler
la pointe
artillerie saluât ce lieu
du
auguste,
cette résidence des sultans, qui ne répondait point. Celte fois,
les circonstances
Le
parurent exiger de uotr(^ part plus de hauteur.
sultan n'iiabitant plus sa capitale et ayant transporté à
drinople
le ^•éritable
un palais vide, rendre
sentit
que
si
siège
An-
du gouvernement^ pourquoi saluer
hommage
à des nuu's? L'escadre n'y con-
les batteries placées autoin*
du
S(''rail hii
rendaient
la politesse.
Cette prétenlioii fut rejetée; alors, <'onune nos officiels sentaient en
eux quelque chose de
cette ardeur à tout braver qui
transportait les Français sous un prince entreprenant etheurcux,
les
vaisseaux passèrent devant
le Sérail
sans saluer, rasèrent
si-
PHKMILKKS
lencieuscnienl
le
M;(;()(;iATIt)NS
5:5
pied des murailles, les jardins où s'étagcaicnt de
blanches constructions
et
où pointaient des kiosques,
et,
toujours
muets, vinrent mouiller fièrement à l'entrée du port.
L'insolence de cette entrée
révolutionner la
faillit
musulmans furent indignés;
la
gers tremblèrent pour leur
sécurité
Les
ville.
populace s'attroupa; les étranet
nous blâmèrent. Le
scandale était grand, mais non moins grande la curiosité. Cha-
que jour, d'innond)rables caïques sortaient du port, venaient
tournoyer autour de nos gros bâtiments, immobiles sur leurs
ancres.
Peu
à peu, les caïques se iiasardaient d'accoster
Turcs de toute condition se présentaient
quelques-uns, car
la
était
il
bon de
à
boni
:
des
:
on en recevait
faire connaître la puissance et
perfection de nos engins de guerre. Les visiteurs parcouraient
les batteries, passaient
parts, entendaient le
pages
et les
devant les sentinelles apostécs de toutes
roulement des tambours, voyaient
troupes de marine faire
compte que nos vaisseau.v étaient
canons
et
d'hommes,
n'étaient pas pour
les équi-
manœuvre, se rendaient
abondamment pourvus de
la
et les récits qu'ils rapportaient
en
ville
encourager une attaque contre ces formi-
dables machines. Néanmoins, la situation restait sombre, menaçante, grosse d'orages, lorsqu'un hasard heureux
amena une
éclaircie.
Un
cortège parut au lnud de
Sérail
nople,
:
c'était celui
la
mer, tout près
et
en deiiors du
delà sultane Validé, qui, restée à Constanti-
venait visiter une
galiole
en construction.
D'origine
russe, celte princesse avait été enlevée naguère do son pays
natal,
emmenée
Grand Seigneur,
acquis
le
captive parles Turcs et placée dacisle iiarem du
où, devenant
mère de Mohammed IV, elle avait
fit demander en son nom
rang de Validé. Elle nous
le salut royal.
prière d'une
Aussitôt, la courtoisie de nos officiers céda à la
femme
ce que les grondements d'une jjopulation
n'avaient pu leur arracher.
En un
se transforme et se dt-ride.
Les vaisseaux se pavoisent
instant la
mine de l'escadre
vergues, leurs cordages se frangent de banderoles et de
:
leurs
llammes
multicolores, et les batteries du Séi'ail ayant connnencé de saluer
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL
54
sultane russe, notre artillerie suit l'exemple et couvre
la
tonnerre
La
le bruit
des canons turcs
girent.
(1).
momentanée
détente ne fut que
son
île
Après avoir reproché à notre
:
d'autres différends sur-
son silence,
artillerie
les
Turcs trouvaient maintenant qu'elle parlait trop. La supériorité
armement
de notre poudre et de notre
se manifestait hors de
propos. Des exercices à feu, des saluts rendus aux personnages
marquants de l'ambassade qui
naient,
se rendaient à terre
prolongeaient fort avant dans
se
la
ou en reve-
nuit, et
comme
voix de nos grosses pièces de marine avait de formidables
la
éclats,
détonations
les
maisonnettes
«
émoi toute
la
»
ébranlaient
«
le
bois,
les
rivage, mettaient en
population des harems et la faisaient tressauter
d'épouvante. Aigrement,
bassade que
de
palais
les
de plaisance semées sur
des
capitan-pacha envoyait dire à l'am-
le
femmes en avaient avorté
Autre cause de brouillerie
il
:
(2) ».
y avait à Constantinople des es-
claves français, pris à bord de bâtiments corsaires ou vendus
par les Barbaresques, enfermés au bagne ou employés à divers
travaux dans
turcs
:
la ville,
de miMue qu'il y avait à Toulon des forçats
c'étaient toujours
même parité de procédés injustes, même
deux Etats
réciprocité de torts, et cette étrange situation de
offi-
ciellement en paix, officiellement amis, se ravissant mutuelle-
ment
leurs sujets pour les mettre à la chaîne.
A
l'aspect de notre
escadre, un esj)oir de délivrance avait ressaisi les captifs français;
plusieurs de ces malheureux trouvèrent
gagner
les vaisseaux,
moyen de
où nos marins, nos
s'enfuir et de
officiers, les accueil-
laient à bras ouverts, après avoir favorisé leur évasion. Naturel-
lement
les
Turcs protestaient contre cette façon de soutirer au
GrandSeigneur ses esclaves
Ils
et
réclamaient en particulier
de marque, que
le
n'admellaient pas ce droit d'asile.
le
chevalier deBeaujeu, prisonnier
commandant de
M.
Nointel à Lvonne. (i novembre 1070.
Schefer en appendice au Jimrnal de
Cf.
L.\v.\LLÉE, lii'hUionx
(1)
tle
la
Cctt,(!
M. de Forbin,
dépèche a
été'
publiée par
Galland, l. I, p. 2.57 et suiv.
France, avec la Turquie. Reçue indépendante
de novembre 1843.
(2) .Nointel
la Princcsne,
à I^jonne, 10 décembre 1070.
l'RF.MIKHES XKGOC.I.VTIONS
aurait reçu et caché à son bord:
dieux
n'avait jamais
qu'il
haut avec les Turcs. De
allaient
s'envenimant
:
vu
le
M.
ile
55
Forbin jurait ses grands
chevalier et
prenait de très
le
d'âpres débats, des querelles qui
là,
entre la ville et la
chaque jour
flotte,
risquait de ranimer la dispute.
Malgré
les
dangers suscités par
la
présence des vaisseaux,
Nointel les retînt assez longtemps dans
le
Hospliorc
:
il
voulait
rehausser par leur pi-ésence léclal de lentrée solennelle qu'il
comptait faire à Constantinoplc, remettant en vigueur un usage
négligé par ses prédécesseurs immédiats. Après s'être rendu incognito h l'ambassade,
il
revint à bord et le
bruit de cent coups de canon,
fît
novembre, au
It)
son débarquement
otliciel
dans
monta vers Péra, vers le
somptueux appareil. Des trommarche, sonnant des fanfares. Des corps d'in-
l'anse de Fondoucli; c'est de là qu'il
palais de France, dans le plus
pettes ouvraient la
fanterie et de cavalerie turque, prêtés
les
pour
la
circonstance par
principaux officiers de Constantinoplc, précédaient ces digni-
taires
eux-mêmes, imperturbablement graves dans
leurs vastes
mode de
leur nation,
costumes. Les drogmans grecs, vêtus à la
robe longue
et
bonnet fourré,
«
faisaient
une agréable diversité
Puis, c'étaient la maison de l'ambassadeur, sa
vaux de main, lui-même
ses che-
enfin à cheval, entouré de six estafiers
qui soutenaient la housse de sa monture
feutre à plumes,
livréi',
».
un habit tout chamarré
;
il
portait le
d'or, et
son luxe
grand
écliji-
sait celui de son prédécesseur, M. de la Ilaye-Vantelet, qui
paraissait à sa droite, vêtu d'un justaucorps de velours noir agré-
menté de boutons
d'or.
A
leur suite venaient les gentilshommes
les officiers des
d'escorte,
vaisseaux; et celte noblesse
«
fort
leste », à l'air martial, gravissait d'un pas délibéré et semblait
prendre d'assaut
les iiauteurs
où s'élève
le (]uarlier
des ambas-
sades. Dès que l'on fut arrivé au palais de France, la poudre se
mit de
la partie, et
de bruyantes décharges, répondant aux salves
des janissaires, firent trembler tout
ill
au
Helation Je Tenlrée. .\rcliives
Joiiriiiil
(/('
(jiilliind. t.
I,
p.
2G0
le
«les affaires
et suiv.
quartier d'alentour (1).
étrangères
—
et
appendice
LES VOYAGES DU JMAKQl
56
cette orgueilleuse prise de possession,
Peu de jours après
Nointel fut averti que
le
DE NOIXTEE
IS
grand
Kupruly, revenu de son expé-
vizir
dition conquérante, ayant reçu la capitulation de
miné par ce coup
d'éclat
dans Andrinoplc.
11
et
renvova l'escadre.
Il
une guerre de vingt-six ans, l'attendait
rendre sans désemparer
:
demandes, ses discours,
avait préparé ses
de longues conversations avec
Compagnie
notamment de diverses
le direc-
des Indes, adjoint à la mission, l'avaient
teur de la
mer Rouge;
la
et ter-
prit le parti de s'y
médité ses arguments
instruit
Candie
sur tous les points,
discussion avec
s'était
il
formidable
le
particularités
mis en
concernant
la
d'affronter
état
vizir.
II
LE GRANII VIZIR Kl'PRlLV.
Le voyage vers Andrinople,
entrepris en plein hiver, fut pé-
Par des routes peu sûres, on cheminait en caravane, avec
nible.
une longue
avait été
file
«
de chariots, dont l'un, réservé à l'ambassadeur,
déguisé en carrosse
».
La
nuit,
il
fallait s'installer
khans ou caravansérails échelonnés de distance en distance à l'usage des vovageurs et ouverts à tout venant dans la
cour, sous les arcatures blanchies à la chaux, la maison de l'amdans
les
:
bassadeur, sa sommellerie, sa cuisine, qui devait pourvoir à un
repas de vingt-cinq couverts, s'entassait pèle-mélc avec
Levantins de toute espèce et leurs bètes
:
(k'S
un désordre aboniinaiile
en résultait.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Nointel conte assez
joliment, dans ime lettre iiarticuHère, ses embarras et ses misères
:
«
On
cherchait un cuisinier, on rencontrait un
en demandant un sommelier, on trouvait un mulet,
bêtes et la diversité
esprit l'arche de
Noé
chameau;
et le cri
des langues faisaient revivre dans
et la tour de Babel. Je crois
des
mon
néanmoins qu'on
l'
était
K
du
à côté
m'apportaient
mou
M
1
1-;
KKs N
la
première
la
37
quon
et
souffrait
seconde. J'avais ordinairement une petite
caravansc-rail, dont les fenêtres et les trous
le froid
de
asile^ j'aurais soulfert
fumée du voisinage,
l'air et la
de camp, dans lequel je
lit
c ociaïI o ns
1-:
commodément dans
plus
moins au temps de
chambre
!•:
me
renfermais
comme
et
sans
dans un
bien davantage. ^laljré ces incommodités
que nous tournions en plaisanterie, nous n'avons pas laissé
d'avoir le teint frais et de marcher avec ordre et gravité
A
petite distance d'Andrinople, la caravane
campagne,
chaque Français reprit
et
échangé pendant
commode
bonnet à
me
l'habit
européen
costume
(1). »
halle en rase
qu'il avait
oriental, jugé plus
robe et
J'étais couvert, continue Nointel, d'une
«
:
la
la route contre le
fit
grecque, fourrés de martre; mais étant nécessrté de
mettre à
la française, je le fis
élisent leur roi, c'est ce
de
la
façon que les Polonais
que nous appelons vulgairement à
la
ou en pleine campagne. Le grand froid nous servit
nous diUgenter, et je puis vous
belle étoile
tant à sécher nos chemises qu'à
assurer qu'en pareille occasion on n'a quasi pas besoin de valet
de chambre.
»
Cette métamorpiiose opérée, nos voyageurs virent passer
comme
devant eux,
n'était rien
en un tourbillon, une rapide chevauchée ce
:
moins que
le
sultan
Mohammed IV lui-même
en équi-
page négligé, revenant dune de ses parties de chasse
menait avec une ardeur infatigable
trevoir
:
«
Je vous dirai,
More, avant
les
yeux gros
moustache épaisse,
la
écrit-il.
visage roi.d
et large, la
barbe du menton peu garnie, et
;
la taille, je la
tenait derrière lui cent cavaliers environ,
des trois premiers rangs jouaient de la
crois
la tète
médiocre
mal montés
flûte, et
qu'il
put l'en-
comme un
quil m'a paru noir
et ouverts, le
foncée dans les é'paules quant à
Il
et fiévreuse. N'ointel
:
«
en-
(2). »
ceu.x
quelques-uns
battaient sur des tambours et des timbales; mais l'harmonie et
le
son en étaient
si
lugubres qu'on les aurait plutôt crus à
suite d'un enterrement que d'un empereur.
Ms. Collection Reriaudot,
Lettre citée à la page précédente
(1) Bibl. nat.
(2)
vi>l.
V.
»
la
Et tout ce monde,
LES VOYAGES DU MAIiOIIS DE XOINTEL
58
réglant son allure sur celle du maître, allait vite, se pressait
extrêmement vers la
de l'inquiet et éternel
ville, iialetait iila suite
chasseur.
Nos Français
dans Andrinople avec plus de
firent leur entrée
Au
solennité, mais là leurs désillusions s'accrurent.
capitale qu'ils avaient rêvée,
encombrée,
sale,
trouvèrent une
ils
lieu de la
ville
sous un ciel bas et gonflé de neige
;
étroite,
des neiges
fondues transformant les rues en cloaques; l'Orient sans
lumière qui en
fait la
:
un Orient terne
et laid.
Les auto-
turques eurent quelque difficulté à loger l'ambassadeur.
rités
Finalement, on
«
beauté
la
quartier infect
le conduisit à la Juiverie,
»
:
au
ghetto de l'endroit,
on chassa un Juif de sa demeure
sans
et,
plus de façon, on mil à sa place la mission française.
Le
logis ne ressemblait guère au palais de
tinople
:
« le
une chambre. La cour
et les offices
logé la plus grande partie de
j'ai
France à Constan-
plus bel appartement, dit Nointel, ne consiste qu'en
me
servent de passage, et
mes gens dans une maison
voisine. Imaginez-vous la puanteur et la vilenie d<'s Juifs causées
par
la
quantité de misérables familles qui logent ensemble, et
vous jugerez
(|u'on
préserver. J'en
ai
a besoin de bonnes cassolettes pour s'en
ma chambre
plusieurs dans
persuader qu'en considération
(hi
L'on veut
grand noinlire de gens qui rem-
plissent luie aussi petite ville que celle-ci. je dois
d'être aussi
me
mal logé; que l'ambassadeur de Venise ne
bien, et que j'aurais eu
si
me
grand sujet de
me
consoler
l'était
plaindre
si
pas
l'on
m'avait mis dans la première maison que l'on lu'avait arrêtée,
pnis(pie trois ])ersonnes
temps auparavant
Au bout
vait,
ii\
de
y étaient mortes do
la ville,
et
le tout
d'Andrinople,
Stamboul, approprié au goût
s'éle-
de jardins, avec des bras de
des ponts, des bois de exprès,
cr(''nelées. ("/était le sérail
(1) Slêrac letli-e.
peste peu de
un amas de constructions hybrides
un mélange de kiosques
ière,
la
(1). »
et à la
j)lus
cerné de miu'ailles
vieux que celui de
rudesse des anciens sultans
i'1îi;mii:i!Es
guerroyeurs.
Là
résidail
m-goci.vtions
Mohammed
39
IV, dans rinlcr\ aile de ses
chasses. Avant d'aborder ce lieu farouclie, Noinlel fut roiiduif
chez
grand
le
vizir.
avait cru imposer à ce ministre par le fracas de ses pre-
S'il
mières démarches à Constantinople
il
dominateur dont
et le faste
entouré, son espoir fut bien trompé. Ahmed-Kupruly
s'était
demeurait enivré de son récent triomphe.
retrouvé contre
lui
En
Crète,
iuait
il
des Français, partout des Français, combat-
ennemis; à ce grief renouvelé
tant au prfiiii(>r rang de ses
et
légitime s'ajoutait le dépit que lui avait causé la conduite de
notre escadre devant Constantinople, et
des vaisseaux
le délivrait
comme
l'éloignement
de toute crainte immédiate, rien ne
son
devait tempérer l'expression de
ressentiment. Voici en
quels termes Nointel décrit son attitude, lors de la première
audience
:
me
« Il
parut dans une gravité qu'il est
entièrement était posée sur ses genoux,
unies que je ne les
Du
seule fois...
tint ses
rel
d'exprimer
et elles étaient si
une
il
bien
reste, après m'avoir regardé attentivement,
tout son maintien était
ou composé qu'à grand'peine on vojait remuer un
il
:
l'autre
point vues ni remuer, ni se séparer qu'une
yeux à demi fermés. Enfin
barbe quand
et
ai
difficile
une de ses mains cachant
avait les pieds droits et joints,
parlait (I).
»
Un
si
il
natu-
poil de sa
turban enfoncé jusqu'aux yeux,
pelisse dont le col relevé encadrait le visage
du vizir d'une
épaisse fourrure, complétaient cet aspect rébarbatif.
Nointel
et ses
«
fit
à
lui
seul les frais de l'entretien
avances n'obtinrent que des réponses
Voilà qui est bien
que.
»
En
»,
ou
:
«
Il
;
ses
compliments
comme
celles-ci
:
faut que l'amitié soit récipro-
vain essaya-t-il de dérider son impassible interlo-
un
en risquant une
de contentement sur ce visage
cuteur, de faire passer
éclair
de statue,
allusion au plaisir favori de Sa
Hau-
tessc et en paraissant prendre intérêt au succès de ses chasses
:
(1) Nointel à Ljonne, 31 janvier 1671. Journal de La Croix, secrétaire k
l'ambassade de Constantinople, Bibl. nat., manuscrits français, 13. l'ne
partie seulement de ce Journal a été publiée sous le titre de Mémoires.
LES VOYAGES
60
«
Mon
maître, roi
surmonte
— répondit
rois
et tue les bétes les plus
de répandre leur
las
îles
MARQUIS DE XOIXTEL
1)1"
sang-,
il
«
farouches
le
—
poursuit,
mais quand
;
hommes
répandra celui des
L'entrevue se prolongeant,
gner quelque impatience,
Krupuly
il
sera
(1). »
ministre commençait à témoi-
avec modération cependant
», lors-
du congé. Pour abréger,
l'ambassadeur les parfums d'usage,
que parurent le café et le sorbet, signal
on négligera de présenter à
sous prétexte que
(jue
la
le
temps sacré du Ramadan
était
vapeur odorante, en pénétrant dans
les
commencé
et
marines des
musulmans présents, romprait le jeîine commandé par la loi.
Même, s'il faut en croire le voyageur Chardin, qui avait accompagné Nointel,
celui-ci aurait
dû omettre dans sa relation cer-
XIV. échappées
taines paroles malséantes à l'égard de Louis
Kuprulv.
Il
«
roi soit
est encore neuve.
monarque, mais son épée
exprimait l'importance que
commerce
que votre
se peut, aurait-il dit,
et à l'ouverture
le
Conmie on
»
à
un puissant
lui
Roi attachait à l'extension du
de la
mer Rouge
Comment un
«
:
aussi grand prince, aurait-il dit, s'intéresse-t-il autant à de vils
marchands
Quoi
lait,
tel
(2) ? »
qu'il
en
soit,
rebuté par l'accueil du vizir et ce qu'il appe-
par euphémisme,
«
la
sécheresse de sa conversation
»,
Noin-
conçut l'audacieux projet d'exposer au sultan en personne,
lorsqu'il serait
admis
à
lui
présenter ses lettres de créance, les
avantages d'une union solide avec le Roi. Introduit dans l'appartement impérial entre deux tchaoïuhs ou huissiers qui le soutenaient de chaque côté, et qui, pesant sur ses
geaient fréquemment
;i
travers un demi-jour respectueux, le sultan
forme en une immobile
épauh^s, l'obli-
de profondes révérences,
divinité,
il
aperçut, à
Mohammed
trans-
appuyée à des coussins, assise
sous un dais décoré de panaches et scintillant de pierreries.
Malgré
la
posture incomiiuiih- dans laquelle on
entama un discours où
il
touciiait
mot de
la
le
maintenait,
il
politique: mais
(1) Journal manuscrit de Nointel. IjiLil. de l'Institut. Ce journal ne se rapporte mallieureusenienl qir.-iux premiers mois de ram])assade.
f2) Chardin, Voyaijc en Pfrsr c-t autres lieux, Amsterdam, 1721.
M
rn K
au milieu
Louis
nourricier
m
s
i-;
:
( ;
(
i
(
:
i
a
i
i
ons
61
de son amitié, la voix du jxidischah s'éleva
et le prix
pour l'interrompre
vizir.
1; i!
sa liaranguc, tandis qu'il vantail la puissance de
d(^
XIV
1
»
(1)
Adressez-vous, disait-elle, à
«
:
père
IV" nommait son
demander si l'ambassadeur avait
en mêlant à son compliment l'éloge d'un mo-
que Moliainnied
c'est ainsi
;
mon
Après l'audience,
prétendu l'insulter
lit
il
narque étranger.
Réduit à laisser
tcl fit
négociation suivre son canal naturel, Noin-
la
passer au vizir un plan de (capitulations dressé confor-
mément aux
ordres du Roi,
et sollicita
une prompte décision
:
il
avait liàte de répondre à l'impatience de Colbert. Mallieureusenient,
il
compté sans ces lenteurs calculées
avait
inertie savante
cette
et
qui font partie de la politique des Orientaux
autant qu'elles répondent à leur caractère. Les réjouissances du
Baïram succédaient
alors au
Ramadan
:
en tout temps,
ont
elles
servi de prétexte aux Turcs pour se dérober aux revendications
européennes.
On
fit
dire à ISointel
ajournées, que la cour et
seule occupation
le
que toutes
gouvernement
les affaires étaient
se de\aienl à
une
célébrer par les fêtes et les observances
:
d'usage la rupture du jeûne.
En
effet,
le
canon tonnait
:
il
y
avait dans les rues jeux et divertissements, aflluence dans les
mosquées,
et l'unique consolation
de Nointel fut d'observer
passage du Grand Seigneur se rendant solennellement à
prière. Cette cérémonie,
à
lui
apparaître,
le
où
la
pompe ottomane conunence
le
la
enliu
frappe vivement, et pour faire prendre
patience à Louis XIV, à défaut de l'annonce d'un premier succès,
il
lui
C'était
envoie
orné
et
minutieux de ce
un étonnant spectacle. Par
les rues
mains levées
et la tète baissée,
dans une attitude d'adoration,
Grand Seigneur cbcvauchait lentement du
Il
avait pour l'escorter un peuple d'officiers et le
rain vassal,
I
a \u.
poudrées de sable
le
(
(]u"il
entre deux baies de janissaires sans armes, qui se tenaient
(in,
les
le récit
)
le
IJian
île
Journal de La Croix.
Crimée, pour
Sérail à la
pr<''céder
fils
mosquée.
d'un souve-
son cortège
iH lui
LES VOYAGES DU MAUQUIS DE AOI.XTEL
(i±
servir
En homme
courrier.
île
sensible
au
jjlaisir
des veux,
Noinlel noie et retient toutes les particularités de cette scène,
puis les décrit fort exactement.
de l'empire,
le
grand
saires, le reis-kitab
vizir,
Il
a vu passer tous les dignitaires
le mufti, le
ou secrétaire d'État,
Yoga des janis-
l.itiija.
le l,(tsnailiir
dant des linaiices, l'ancien mignon du Grand
ou surinten-
Seigneur
et le
favori en exercice, tous personnages lourds, barbus, d'aspect
mœurs
sévère, de
d'un groupe
souverain
infâmes, chacun d'eux à cheval, émergeant
d'hommes
et toutes les
leur grand
liàtoii
à pied;
a
il
maison du
défiler la
variétés de ses gardes, les tchaoutchs,
argenté à la main, les moutafemicas velus de
de velours,
satin, les tchorbadjis vêtus
taille
en robe de bro-
les capidjis
cart d'argent à fleurs d'or, les chatirs
gigantesque, la
vu
ou coureurs, de stature
serrée j)ar une ceinture de métal, marchant
deux à deux, ceux de droite
tout iiabillés de jaune,
ceux de gau-
che tout habillés de vert, les.solaliS au casque ombragé d'un large
panache,
les
pàUni dont toutes
armes étaient d'argent doré
les
et dii[it
qu(dques-uns portaient au dos de grandes ailes enpen-
nées;
a vu le sultan, avec le turban et la
il
la pelisse
de brocaii d'or
à
fond
trijilc
aigrette, avec
doublée de martre, sur son
vei't
che^al constellé d'émcraudcs.
Ce qui lui paraît particulièrement digne d'être signalé, c'est le
nombre et la grosseur des pierreries ce sont les diamants,
:
émeraudes.
l\H-(|uoises, topazes, rubis, saphirs, jetés à
profusion
sur les harnais, les selles, les housses, les têtières des chevaux,
sur
le
devant des robes, sur
tures et les coin'ures,
une pluie
comme
le
si
fourreau des sabres, sur les ceinsur
le
cortège entier était tombée
d fscarboucles.
Cependant, tandis
complaisaniment à retracer
qu'il s'attarde
XIV
ces somptuosités, un scrupule lui \ient. Louis
tentait i)as d'être le plus puissant
piquait d'eu être le plus fastueux.
monaripie de
.\
lui
il
se
déplaire! Et le narra-
teur d'ajouter- aussitôt des omlii-es au liiideau
Grand Seigneur
:
trop insister sur la magnifi-
cence d'aufrui, ne risque-t-on pas de
tout conipic fait, le
ne se con-
la terre
:
il
constate que,
n'a pas autour de lui plus de
PREMIÈRES NÉGOCIATIONS
03
quatre-vingts à cent personnes; Tensemble a beaucoup d'éclat,
mais
le détail laisse
à désirer. Si les bonnets d'argent et les
aigrettes étonnent d'abord par leur richesse extrême,
rappeler que, la
mode ne
ments servent pendant plusieurs règnes
dépense une
même
vent de
mont
fois faite.
il
faut se
variant point en Turquie, ces orneC'est
«
:
donc une
Je crois encore que les vestes se conser-
manière, car j'en
paru assez usées.
considéré quelques-unes qui
ai
Quant aux pierres précieuses,
»
elles
sont fort grosses, mais d'un éclat njédiocre, point taillées et
montées misérablement. Qu'est ce clinquant auprès du luxe solide,
imposant, irréprochable, soigné dans tous ses détails, que sait
déplover
le
plus grand des rois! Nointel ne
manque pas
ressortir la dillerence, et sa description de la cavalcade
h faire
ottomane
tourne brusquement au ditliyrambc en l'iionncur de Louis
le
Magnifique.
«
Si cette
cérémonie a quelque
Le
à n'en être pas ébloui
brillant,
véritable
et à la
la
maison du Roi, au
maïnilicence des différents officiers de cavalerie
qui en font partie, à l'infanterie
garde son corps et ses palais, h
si
la
leste
et si
nombreuse qui
naissance, au mérite et à la
commandent,
richesse de ceux qui les
tité
faut prendre garde
remède pour nélre point
prévenu, c'est de songer à la grandeur de
nombre
il
à cette innombrable quan-
de grands officiers qui, servant Sa Majesté par quartier ou
par année ou sans discontinuation dans leurs fonctions particulières, lui
servent encore de fidèles conseillers et ministres dans
ses desseins les plus importants et de
généraux d'armée dans
l'exécution.
«
Ce sont là
les véritables
moyens de
iiumaine qui est à son comble quand
aussi grand prince que
[irinces
le
faire paraître la
elle est
Roi, qui ilonne l'exemple à tous les
de son sang, et reconnaissant leurs mérites les rend aussi
considérables par les grandes actions dont
siiui.
grandeur
soutenue par un
qu
ils le
il
leur fournit l'occa-
peuvent être par leur naissance. Ainsi
l'on
con-
viendra que Sa Majesté, voulant faire une entrée, peut elfacer
sans peine ce que l'on
\
oit
de plus Iteau dans ces quartiers et
NOIMEL
LES VOYAGES DU MARQUIS DE
C4
•
dans
du Levant;
le reste
qu'elle seule peut ('galer les
des anciens Romains, et qu'elle brille bien plus par
le
triomphes
nombre
et
l'importance de ses victoires que par l'éclat et la quantité de ses
diamants
dont l'abondance
et autres pierreries toutes parfaites,
qu'elle en a surpasse celle de tous les princes de l'Europe et
même du
La
clôture du
si
l'on considère leur perfection (1). »
Baïram
Traiter avec
ciation.
dont
Levant,
guère
et des fêtes n'accéléra
la
négo-
Porte présentait alors des diflicultés
la
rapports actuels avec les plus altières puissances de l'Ex-
les
trême-Orient n'offrent (pi'une faible idée. Pour j>arlerau.\ Turcs,
il
fallait
enployer rcnlrcmise des Grecs; eux seuls servaient de
trucliemenls. Colbert,
est vrai, venait d'instituer à Constanti-
il
nople une école de drogmans nationaux
(2),
mais
les futurs
interprètes n'étaient encore que des enfants. ^'oU•e diplomatie
nombre
les noms
d'Orient était obligée de garder à son service un certain
de Grecs du Phanar, dont
elle se contentait
dans notre langue; elle
appelait des
liellénique
ciser leur
Fontaine
«
»
ou
Tiioindre pacha,
comme
s'ils
tranchant du glaive où
h;
versation,
ils
«
Dupressoir
cœur. Sujets du sultan,
si le
le
de traduire
drogmans de pure race
»,
ils
sans parvenir à fran-
tremblaient devant
le
eussent toujours senti sur leur col
frôlement du
Dans toute con-
lacet.
langage de notre envoyé devenail
\if et pressant,
hésitaient à le transmettre; leur visage rougissait et pâlissait
tour à tour, se couvrait de sueur, et
il
n'était pas rare
de les
voir, après avoir imparfaitement rempli leur connnission, s'a-
battre
aux genoux de l'interlocuteur nmsulman, en balbutiant
de suppliantes excuses. Parfois, au lieu de rapporter les paroles
prononcées de pari
façon,
deur
«
et d'autre, ils
faisaient les
arrangeaient un dialogue de leur
personnages du ministre
et
de l'andiassa-
(3). »
Par
le
moyen
(t) Nointol
Gulland, i. I,
;i
[I.
ilc
telles
l^jonne, 9
mai
gens, impossible de parler net, impos-
1<)7I. licliilioii
'idi et suiv.
(2)
Leltres do Colbert,
(3)
Noinlel juLyonne,
t.
\,
i,.\x.\v.
mai
lC7i.
imbliée
:ï
la suite
du Journal de
pREM
1 1: lî
s
!
N
!•:
or.w
r.
'i
i
o .\ s
sible de pai'lcr ferme. D'ailleurs, ce n'était pas
même
que Nointel avait à conférer par
la
cr;
avec
le
\
izir lui-
liouche des drop;mans,
mais ^'ec son hkiya ou Iionmie de confiance. Le Liaya alors en
exercice était un personnag^o fort entendu, bien qu'il ne sût ni
doué d'une mémoire prodij^ieuse,
lire ni écrire;
oUrait à son
il
maître un répertoire vivant de toutes les affaires. Par mallieur,
outrageusement rapace, affamé d'argent
était
il
On ne
plus que Turc.
il
empochait l'argent
et, à
cet égard,
pouvait l'aborder que le bahtrhicha
la
main;
ne s'en montrait pas plus favorable. En
et
particulier, lorsqu'on essaya de lui expliquer le profit ([ue reti-
commerce
reraient les douanes turques d'un
entre l'Inde et la Méditerranée,
il fit
Xointeise ciiercha d'autres voies.
avec des personnages haut placés,
intermédiaires.
Parmi eux, nul
mettre avec autorité que
rain de la loi
titre
:
oreille.
lâcha de lier connaissance
afin
de les employer
celui
qu'ils
si
souve-
que nous appelons aujourd'hui
à ce potentat
le cheih-iil-Isliim. l'ne visite
religieux était d'ailleurs dans le cérémonial d'usage
connaissaient
comme
pour s'entre-
n'était plus qualifié
le mufti, c'est-à-dire l'interprète
du Prophète,
de son \éritable
Il
direct par l'Egypte
sourde
la
:
nos rois
bien l'importance d'en faire un ami de la France
n'envoyaient jamais un ambassadeur en Turquie sans
l'accréditer, par lettre persoimelie, auprrs
du pontife maiiométan.
Re(;u par le mufti. Xointel trouva un vieillard qui affichait un
grand détachement des biens de ce monde
térité, (|uoiqu'il
passât pour fort
luxe, nul appareil
:
il
lui
ayant remis la
fa(;on.
lie
lettre
du Roi en
(
i) ».
lui,
point de
sur son sofa
L'ambassatleur
la l)aisant, «
il
la prit
sans
comme les autres, etquittantquelques papiersqu'il maniait
fois
à autre, et sur lesquels
il
traduction sans toucher à l'oriiiinal
gemment ens'interrompant
;i
mode du pays
était « assis à la
couvert d'une grosse cou\erture de laine
et
la
et faisait étalage d'aus-
Autour de
riciie.
lecture finie,
écrivait
». Il la
un mot,
il
ouvrit la
parcourut assez négli-
parfois pour parler d'autre chose, et,
sebornaà ce
seul
mot
:
«
(îiizcl ».
qui veut dire
:
(1) Cette citation et celles qui suivent sont exlrailes des lettres de Nointel
l.^onne en date du fl mai liiTI.
m: s VOVAliES
tiC
Voilà
Au
est beau.
(jui
M A KO ris
1)1"
reste,
paraissait un
il
que
tant la simplicité aussi bien
\ 01 -NT
IIK
bon homme,
pauvreté:
la
EL
il
affec-
se proclamait
incorruptible, mais sa casuistique subtile admettait des distinctions;
s'il
cadeaux de provenance orientale, sa cons-
refusait les
cience ne lui interdisait nullement d'accepter les
venant de
étoffes
Néanmoins, malgré beaucoup
de s'intéresser
d'efforts
pour
gagner,
le
il
refusa
négociation en cours. Auprès du caimaham
à la
ou gouverneur de
alla
horloges et
«
la clirétienté ».
la
ville,
Xoiutel ne
pas jdus heureux;
l'ut
il
sans succès jusqu'au favori du Grand Seigneur, iionnne de
basse extraction
nonuiie encore
:
« Il
lils
est
d'un janissaire, ce qui
fils
de l'esclave, et ce fui sa l)eauté, dont
plus aucun reste, qui fut cause de son élévation.
sonnages tremblaient devant l'omnipotenl
quils nommaient
alVaire, si bien
on
fait (ju
l'infaillible
:
ils
ne
\
»
vizir,
il
le
n'a
Tous ces perdevant celui
oulaient se mêler d'aucune
que .Nointel dut se morfondre deux mois dans
l'attente
d'une réponse à son mémoire. Pendant ce temps, sous
ses \enx
mêmes,
les
avanies continuaient, redoublaient; à Andri-
nople, un Français fuljeté brutalement en prison pour une dette
imaginaire
et
c'était Kiipru]\
ne lecouvra sa liberté qu'en vidant sa bourse
sentence inique, entre deux
nuits, car
à la loi
Il
il
passait [lour
du Pro|ibète
d(î
ces débauches où
adonné au vin
et
peu
il
consumait ses
fidèle en ce point
(1).
faudrait poui'lant se gai'der de croire ijue
de sa colère réglât sa conduite et
qu'il se
le
seul
mouvement
nul peu en peine d'une
rupture ouverte avec la France. Sa hauteur était voulue
l'orgueil et
s'il
employait l'arrogance
nxoyi'. c'est qu'elle lui paraissait le meilleur
avec
(I)
Im' et
«
Il
;
sous
remportenienl propres à son caractère, une finesse
lusée se cachait, et
(
:
en personne qui avait rendu dans sou divan celte
de
le
en rejelail
r(''duire
bi
à ses fins.
."Xu
fond,
à l'égard de notre
moyen de négocier
il
désirait
renouer
faute sur les chagrins que les P'rançais lui avaient
lui avant causé des insomnies terribles, ses
(iounés en (lanilic, les(|uels
mèck'cins lui couseill(wcnl, de boire du vin, qui était
dance
dan.s cette ilc
»
Jutinial de
La Croix.
Li'ès
bon
et
en abon-
i'iti:.\iii;nKs \i:{,(>(:i
avec
France, donl
la
il
vTKiNs
redoulail les armes; mais, partagé entre
ce sentiment et ses rancunes justiliées,
moindre prix possible.
vait
afin d'assurer la sécurité
en
il
entendait traiter au
bien persuadé du désir qu'éprou-
était si
11
Kraïue d'(d)lenir
la
6-
renouvellement des Capitulations,
le
de son conniierce, qu'il ne doutait point,
refusant tout avantage nouveau et en décourageant les
Ini
espérances quelle avait pu conce\oir d'un traitement particulièrement favorable, de lamener àse contentiu'dela cnnfiriiialion
ses anciens
lie
Lorsqu'il consentit à nim|)re son
privilèges.
dédaigneux silence, ce
fut poui- déclarer
France devait consentir à
que
gouvernement de
le
remise en vigueur pure
la
et
simple
des stipulations passées ou renoncer à tout renouvellement;
donnait six mois au Roi. sans un joiu'de
sur cette alternative, et en attendant conseillait k Noinlel
«
se reposer
Force
»
fut à
l'ambassadeur ('conduit de transmet Ire à sa cour
du
vizir. .Vu
dans l'audience de congé
rivaliser avec lui de
morgue
assis, écrivait-il. j'alfeclai
(|U
il
Mien monlroil
I
d'obscurité, en
me
lence allendoit des
su
([u'il
a\ oil p.is
(|u'il
se donna-l-il
la
satisfac-
de ce ministre, de
et d'itisolence. «
Lorsque nous fûmes
me
de
exemple.
tenir aussi fier et indillV'i'ent
.AIf>n
me
les
droginan. faisant une con-
expliqua avec beaucoup
disant (|ue dans le temps convenu
marques d amitié oud
inimitié
:
Son Excel-
et
cependant
avoit parlé plus formellement, jusiju'à dire<|u'il n'y
un plus long délai à
mois savoir
ajouté
moins
qu'il reçut
fusion des paroles du vizir,
j'ai
d'allei'
dans son palais de Constantinoi)le.
l'injonction hautaine
tion,
il
pour se prononcer
jilns,
si
espi'rer, qu'il falloit après les six
nous serions amis ou ennemis,
étoit inutile
et qu'il avoit
même
de tant balancer, et que les Français
n'avoient (|u'à se mettre en campagne. Si cette fierté étoit venue
à
ma
connaissance, je n'aurois pas nKui(|iié de
de déclarer à ce ministre que l'empereur
ipiand
il
(pi'il lui
comme
«
lui
plaisoit. qu'il
étoit aussi facile
vizir
repousser
de
faire paroftre sa
donna dès
le
et
maître rcpondoit
ne craignoit personne sur
d'aller de Paris à l'une
Le
mon
la
la terre, et
puissance partout
de ses maisons de
plaisir.
commencement des
ordres pour
LES VOYACKS
68
faire
venir
IIU
MAlinlIS HE XdlNTEL
sorl)el, l'eau
le café, le
de senteur et
le
parfum;
il
lémoignoit par là avoir envie de ni'expédier promptement, et je
jugeai encore mieux parce que, laissant toujours tomber la
le
conversation, c'étoit à moi de la reprendre, ce que je
ou
trois fois,
content
:
m'en
je
en
quand
et
me
il
(ju'il
me congédia point et que
me retirai en regardant
ne
Je
plut
avec gravité ce ministre superbe, et en
pour tout salut une inclination de
il
que jeu
ferois
davantage en
le
me voyant commencer,
salua sans toutefois bouger de son siège
En
avril 1671, Nointel rentrait à Péra, fort dépité, à
(1).
convaincu que l'obstination des Turcs ne céderait
de
la force,
à l'argument suprême, à ïiiltima ratio
écrivail-ilà
de la Porte et
le
Lyonne,pour vous
»
(|u'à
:
peu près
l'emploi
faudrait
« Il
expli(juer l'arrogance
peu de considération qu'on a aflecté d'y
paraître pour la France...
mais on s'imagine
qu'il
Ce
menaces demeureront sans
ne
n'est pas qu'ils
en sera
comme
effet
par
Il
peu
saluer; néanmoins,
me
un volume,
faisant
lui
tète imperceptible et si
considérable que c'étoit (]uasi ne point
soit qu'il crût
deux
(is
toujours connoître que je nélois pas
est vrai toutefois
il
allai
fixement
lui faisant
le
faire
la craignent,
passé, et que les
semble que
les
Turcs
veulent être contraints et ([uil ne puisse y a\oir de rétablisse-
ment pour
le
commerce sans un moyen
extraonlinaire.
»
III
LKS LOISIUS
11
IN
,VAII!.\SSA1)1'. Ult
.
Plusieurs mois devaient s'écouler avajil qu'une réponse put
arriver de France. Depuis le mois de
print('m|is
ipii
sans en remplir
suivit.
.Nointel
la cliarge
décembre 1671 jusqu'au
conserva
auprès de
la
le titre
d'ambassadeur
Sublime Porte.
Il
employa
ses loisirs forcés à rassasier sa curiosité, à satisfaire ses goûts
(t) iNoinlel à
Lvutme.
!t
mai
l')7l.
l' li F.
M
1
1':
«l'observateur et d'artiste.
N
s
I! i:
Au
!•
lieu
c,
o r; a T o N s
69
[
i
de se retirer en lui-mr-me et de
se donner dans sa résidence de Péra l'illusion de la patrie,
tout autour de lui ses regards
Au
il
porte
le spectacle en valait la peine.
:
bas de Péra et de Galata, sous les rampes hérissées de
cyprès et de pierres tombales, par delà
chrétiens,
le
;
chaos des quartiers
port miroilail, semblable à un bras de mer. s'allon-
gcant entre deux rangées de
sinuosités
le
perdant au loin en molles
villes et se
sur les eau.v dormantes,
y avait un fourmillement
il
de caï(|ues, des nn\ ires de tonte forme, et au lieu des steamers
embrument aujourd'Imi de
qui
le
des poupes liistoriées
d'élégantes carènes,
flancs sculptés, à la
fumée
leur
,
radieux horizon,
des galères aux
proue recourbée en col de cygne; au-dessus
de cette mouvante archilecluic.
le
demi-cercle de Stamboul dessi-
nait sur le ciel bleu sa blanche dentelure de toui's, de
créneaux
de coupoles.
et
Attentif à toutes les particularités. Noiiilel note h;
port, lorstpi'il aboutit à quel(|ue spectacle réjouissant
du
les
mouvement
veux
:
pour
par exemple, l'entrée ducapitan-pachaetde ses galères,
au retour de leur tournée amnielle
outre leurs
flammes
:
« Il
y en avait trois lesquelles,
et pavillons bariolés
de diverses couleurs à
tous les mâts, étaient encore ornées d'une bannière à chaque
banc; celle du capilan-pacba.
de
la
(|ues
même
la
de son heureux
et
sacrifice,
pour rendre grâces à Dieu
tiiomphant retour.
»
Un
tillerie,
accompagnés de
chargées de
riz,
muscades, séné,
tcsses pour les
saïqites
la file,
r.
bien munis d'ar-
ou longues barques égyptiennes,
café, dattes, safran, poivre, gingend)re, noix
gomme
dames du
une espèce de
bout des doigts et
(t)
autre jour, c'est l'ar-
annuel des marchan<lises d'Égyple, une caravane de
treize bateaux marchands se succédant à
et «
Bastarde, était parée
façon, et lorsqu'il en descendit, l'on égorgea quel-
moutons par forme de
rivasre
nommée
et
aromates d'Arabie, avec des dédica-
Sérail, telles
terre verte
les
cheveux
Noinlel à Lyonne. 24 juillet
dont
(1) ».
l<i"l
que sucre, sorbet, encens
les
feunnes se rougissent
le
l.KS
70
Dans
VOYAGES HT MAKOUIS DE NOINTEL
l'intervalle de ces spectacles, Xointcl considère ce qui
mœurs, ses habitants,
Ce qui frappe surtout
dans ses récits, dans la chronique que tient Galland des menus
faits quotidiens, c'est combien les choses d'Orient varient peu de
siècle à siècle, et se répètent avec une immuable monotonie.
La vie de Nointel et de ses compagnons est à peu près celle que
l'entoure de plus près
:
il
étudie Péra, ses
tous les détails de ce milieu cosmopolite.
mène aujourd'hui au
l'on
tions avec les
Turcs tour
gnifiants avec des
les
palais de
France
drogmans, discussions
communautés
à
à
longues conversa-
:
propos d'incidents
insi-
tour fiers et plats, rapports avec
religieuses, avec les églises rivales, avec les
collègues des autres ambassades, politesses rendues et reçues,
cérémonieuses de patriarches graves
visites très
Nointel observe les Grecs
églises;
assiste
il
tiiicalement
les
et les
aux pompes de leur
archimandrites
chasuble étoilée de pierreries,
à la main
culte:
il
mitres d'or
voit officier
pon-
ou d'argent, en
de rubis ou d'émeraude
la croix
mais chacune de ces
:
et fins.
Arméniens chez eux, dans leurs
visites se
double d'une série de
questions. L'ambassadeur n'a pas oublié qu'il doit vérifier en un
point essentiel la croyance
membres
ilu
des
églises
orientales.
Tous
les
clergé grec qu'il rencontre ou quil peut atteindre
par correspoiulance sont interrogés soigneusement, pressés de
s'expliquer, de consigner par écrit leur profession de foi concer-
nant
le
mystère de l'Eucharistie. Dans un touchant unisson, tous
ces prêtres, depuis les métropolites d'Atiiènes et d'Andrinople
jusqu'aux
la
liunililes
présence
dans
le
réelle,
popes de Alliage,
di'M-lanMit
([u'ils
admettent
que Jésus est pour eux présent sur
pain du sacrifice
;
si
naguère un de leurs
l'autel,
patriarciies,
Cyrille Leucar, s'est rapprociié
de l'hérésie occidentale, cette
défection unique a
Avec
forme
fait
qu'il recueille,
collige, Nointel
aura
scandale.
avec
les
bienti'it
les attestations
signatures et les parchemins qu'il
de quoi répondre victorieusement
aux assertions risquées des calvinistes
verse un
Au
en bonne
et jeter
dans
la
contro-
monceau d'arguments.
delà de Péra et de ses éfflises, Stamboul bientôt
l'ai tire, le
viinxs
ri!FMii;i!i:s \ ht, ri ci
fascine
tente, le
niondc inconnu
Stanilionl.
:
grande fournaise de fanatisme,
fois
71
et
redoutable,
diflicilenient accessible cl par-
dangereuse aux Européens. Peu
peu. Nointel s'enhardit
<"i
à
y pénétrer, s'y enfonce: (iallantiracconipagno et tient le joniiial
de ses découvertes. Grâce au consciencieu,\ historiograplic,
nous profitons à notre tour des
deur son
tilri'
officiel
:
facilités
nous pénétrons
que
<à
valait à l'ambassa-
sa suite dans
la vifille
métropole tnr(pie à une épocpic où aucun mélange avec
sation de l'Occident
Dans
nen
la civili-
a\ail altéré' l'aspect.
rues sordides et pittoresipies, dans les bazars aux
les
parfums violents
et aux senteurs poivrées, sous les berceaux de
pampres entrelacés, sur les vastes esplanades tour à tour
noyées de boue
et brûlées
de
soleil, c'était déjà,
connue
un rendez-vous de peuples, un bariolage de
d'bui,
un pèle-mèle de races
popes grecs
et
de costumes; des robes noires de
de blancs burnous d'Arabes, de longues
et
atijour-
((luleurs,
files
de
hanimals ou portefaix ariuéniens au torse cuivré, des Bulgares,
Arnautes,
des
des
des
Tartares,
des
Svriens,
Asiatiques
d'Extrême-Orient, chacun dans l'accoutrement de leur nation,
et
aussi de farouches figui'es de soldats l)i-igands, des irrégu-
appelés d'Anatolie pour une campagne
liers
les Polonais;
en
attendant les
grands
prochaine contre
pillages
promis,
dévastaient un peu les bouti(iues de Constantinople
ils
se fai-
main sur leur passage.
saient la
A
et
cette tourbe bigarrée se
superposait
la
Tur(|uie oITicielle
d'alors,
avec
(lelisses
à plis ondoyants, à bordure de martre et de zibeline,
à
la
fantaisie
exubérante
de
ses
cosl unies
:
les
manches évasées, pendant jus()u'<à terre; les cafetans à grands
les poignards à manche ciselé passés dans les cein-
ramages,
tures de cachemire; les turbans surtout,
forme
gants
et
:
les
uns tout en large,
s'aplatissant en
s'évasant en
plissés,
des turbans de toute
de toute dimension, singuliers, prodigieux, extravales autres tout
en hauteur;
les
uns
disques, les autres s'ainincissant en cônes ou
pyramides renversées; quehjues-uns côtelés
avec des renflements
et
des protubérances
;
et
d'autres
LKS VOVACES DU MAUOL'IS DE \ OINT EL
72
formés de
qui s'entri'-croisaienl inextrica-
lioiirrclels ciilrelacés
(lloment; la plupart loul blancs, certains traversés d'une bande
il'or,
insigne d'un rang' élevé. Ainsi affublés passent le vayvode
bc Galata,
clief
le
des tchaouchs,
dans Conslantinople,
civil à
Paris
(1) », \c
même
la
le Stcuithoiil-effendi, «
cuimakain ou gouverneur
lieux, des suivants,
des secrétaires,
meute des coureurs.
qui a,
charge que celle de lieutenant
autour decliacun
:
des domestiques, et la
^ oici les janissaires
qui s'en reviennent
de recevoir la paye sous la conduite de leur tchorbndgi ou capitaine, le
bonnet de cérémonie au front, avec
grande aigrette
la
qui se déploie en éventail.
A
travers toutes ces étrangetés, Nointel
mosquées, aux Djami célèbres;
rets, la
Si(li'liii(niié
d'oîi
l'on
«
[2) »;
il
port
le
visite les
comme un
sous
ttirbés pai-
ramure des platanes
la
des sycomores, peuplée de tourterelles. Sur la place de l'At-
mcidan. on
pa::
lui
montre, exposée en ce
cam-
lieu, la tente de
ne du sultan, édicule de soie, de velours et de bi'ocart,
d'habiles artistes ont mis
un an
et
demi
à orner.
colonne brûlée, vestige énigmalique de l'antiquité,
beau du premier Kupruly, père du
carré,
au dôme plaqué de faïences,
tout simple, couvert
dune étoile
sur un chandelier près de la tête
Dans
la
mosquée de
lui
sultan pour faire sa prière.
Il
clieur, les faïences (|ui
lleuris
Non
:
bleu,
un pavillon
«
un gros cierge
(3) ».
récemment
construite
l.
{t) Ibul ,\
p
(3) Ihid.
I,
I.p. 73.
78,
|)ar la
ouvre l'appartement réservé au
admire, dans leur primitive
en composent
le
doux décor,
jaune se fondent en dégradations
(I) (;ai.i.,kmi.
tom-
dessous, un catalfaque
d'arabesques et glacés de colorations exquises,
](•
que
loin de la
voit le
il
vizir actuel
et
blanche, avec
la ^'ali(lé,
mère de Mohammet IV, on
le
enviroimé de
lac
tondieaux des califes, les
sibles, à l'ombre des bois sacrés,
et
mina-
colonnes de granit, sise sur une place
et ses
découvre tout
montagnes
monte aux grandes
voit VAtiiiéidié et ses six
il
les
oîi le
fraî-
murs
vert,
infinies, aboutissent
l'KEMlKHKS .NKCOCIATIO.NS
73
La
à (les tons délicieuseinenl faux et à (riiiiinilal)Ies assonances.
(ioscriplioii (juc (lalland
:
de
encore ser-
|ioul"i'ait
les particularités sont indi-
œufs dautruche pendant des voûtes avec une
lampes, de houppes,
et
un plan On
relief
le
Mahomet
la chaire incrustée
Coran à un auditoire immobile,
enseignait
la faijon
iigé
par
atttMitif, sui\aiil inie
moitié du corps qui se mouvait sur
Depuis deu.v
».
la
maison
de nacre, un Turc apprenait
le
respect; un autre
coiilume usitée parmi
dans un j)erpéluel mouvemciil d'équilibre de
les Turcs, était
pivot (1)
Mecque,
à la
avant
\()il('
de psalmodier les versets à un jeune garçon,
qui «pourètre plus
répètent au
un
de la mosquée, patient travail d'ivoire,
servi à recouvrir la maison de
Dans
liautein-
faïences el de tapis; contre
enfermé dans une boîte de verre; un morceau du
sacro-sainte.
de
infinité
presque jusqu'à
ilescendanl
d'homme; murailles revêtues de
pilier,
mosquée
la
voyageur. Toutes
vir de guidi! au
quées
l'ait
même
avons retrouvt'
siècles, la
reste
le
la
connue sur un
leçon et la pantomime se
endroit, invariablement;
à leur jilace le maître
il
nous
y a dix ans,
et l'élève;
ils
v étaient
encore.
Au printemps comnienccnt
port
:
la visite
et (>ncore
les
promenades en
parées de banderoles:
peine une population d'esclaves,
Russes ont chacun
leui'
la visite
:
oii
les
la
(ri']ur(i])e.
ville
les
Latins, les
bas quartiers
la
et
vii
(îriîcs,
les
:
les
excursions
parcourus
l'un
des Arméniens, celle des Juifs, explorées
le
Phanar, centre de
nisme conslantinopolitain, où tout a une
les
l'hellé-
teinte grise et terne, y
demeures des personnages insignes
et
des chefs de
nation: palais peureux qui craignent d'attirer les regards
redoutent
la
confiscation,
(jui
(I)
au dedans.
l 1, p 79. Cl", la Jescrintiim de Ghklot,
à CoH.s(aH(i»o;*/e, p. 281, i^'2.
Oali.am).
et
se recouvrent de simples lattes à
l'extérieur, avec des magnificences
voijiige
le
chapelle, admise yiar la tolérance turque.
dans leurs profondeurs, ainsi que
compris
dans
au bagne, où
Puis, ce sont des pért'griiiatioiis j)lus lointaines
aux Eaux douces
après l'autre
caï(jue
à l'arsenal, au.x galiotes récemment mises à l'eau
dans sa Relation d'un
LES VOYAGES DE AEWiQEIS DE XOINTEL
74
Enfin, Nointel n'oubliait pas qu'à ih-faul de fonctions poli-
un
tiques,
autre rôle lui incombait, (juc l'ambassadeur du Roi
chargé d'affaires de
était aussi le
Galland à rechercher les livres
mœurs, les
arts de l'Orient.
Ravi d'une mission qui s'accommodait
parfaitement à ses goûts, (ialland
chasse
il
manuscrits anciens, tout ce
pouvait jeter quelque jour sur l'histoire, la civilisation, les
(]ui
si
encourageait
la science. Il
et les
parcourait
il
:
le
grand bazar,
il
mis en quête, eu
s'était
on explorait les détours;
pénétrait jusqu'en son cœur, jusqu'au Besestain. réduit mysté-
rieux que protègent des murailles et qu'il faut découvrir à travers
le
dédale des galeries marchandes, halle qui ressemble à
un sanctuaire, avec ses cases où se découvraient encore, dans
un entassement de ferrailles
et
du primitif Islam. En peu de
her de ces lieux
;
chands arméniens
il
le
fami-
par l'espoir du
et juifs, et ceux-ci, alléchés
palais de
d'bonmies à longue barbe, à
défilé
devenu
temj)S, (ialland est
connaît les bons coins, traite avec les mar-
eux-mêmes au
gain, affluent
de choses innomées, les reliques
France
l'œil
c'est
:
profond
et
un
tout
rusé, au
parler servile.
Ils
dont
apportent des bizarreries ou des merveilles
cœur
le
qui s'enchevêtrent en forme de branchages, ténus
cheveux
des agates
:
translucide laisse apercevoir de minces filaments
comme
des
des jeux d'éciiecs à la turque, des pièces délicatement
;
ouvrées, et des livres, des livres surtout, persans, turcs, arabes,
livres de prière, de poésie
subtilités, récits
«
ou d'amour, recueils de centons
épiques ou erotiques, traité de
livre des trophées (1) »; et voici les reliures
«
l'art
les
s
(2) »;
d'un travail persan, les feuillets de soie réglés d'or,
manuscrits
atteint
de
du dernier beau,
avec des compartiments très artificieusement couverts d'or
les vignettes
et
d'aimer et
oii l'art
de l'enluminure
ses dernières limites, où sur les
et
de
la
marges
calligraphie
à fond
d'or
épanouissent mille caprices d'ornementation, des enroulements
d'animaux
et
(l)GALLA>r).
(2i
Ibid
,
t.
1,
de plantes, une flore et une faune fantastiques.
t.
I.
p. 67.
p. ;W.
S
H
1'
A
!:
M
1
1: Il
Es NE
COCA \ T
I
il
N
T.')
palper, à manier, à coni|iaror ces clicts-d'œuvrc, Nointol
forme son
g-oni;
apprend à discerner
il
valeur et à découvrir
d'un ouvrage. Kntre les vendeurs et
les imperfections
sont d'interminables marchandaf>es
guement
la
déliattues
:
des
sommes
lui,
ce
offertes, lon-
vingt-cinq piastres pour les deux poèmes
:
de Saady. en très beau caractère persan,
de dorures, de
eru'iclii
couleurs et de vignettes; quarante-cinq piastres pour les.lmo«r.s
de Leilaet de Medjnoitn.
mande cent trente
non moins linemenl enluminées. On de-
piastres pour
un gros
in-folio persan,
«
cnricbi,
outre sa belle écriture et correcte, de cent vingt figures de
miniatures belles à
la
mode
de Perse et bien conservées
cinquante piastres pour luie histoire d'Ale.xandre,
ture peinte de
«
à la
plusieurs figures d'hommes, avec un
façon de travail de la Chine
cent piastres des deux.
{2) ».
(1) »;
couver\
ernis à
Nointel rabat de moitié et oflre
Le marchand
manque.
s'entête, laifau'e
Quel dépit pour notre avide ambassadeur de ne ])OUVoir
retenir tous les trésors qui passent sous ses
sinon pour lui-même, au moins pour
même
mit à
le
entières.
Il
le
yeux
II
les convoite,
Roi. et voudrait qu'on
d'acheter au compte de Sa Majesté des collections
écrit à Colhert
:
« Il
se trouve encore
li\Tes persans, turcs et arabes, écrits et reliés
arrive
1
ici
de beaux
admirablement. U
même que l'on \end des bibliothèques tout entières de
loi comme de muftis, cadis et autres, et qu'on les a ponv
gens de
un
pri.x
assez raisonnable. Si vous jugiez, Monsieui', que ce fut
une chose digne de
la curiosité
du Roi,
je prendrois l'occasion
d'en faire acheter queUiu'une des plus considérables,
livres seroient et des meilleurs et des
aurez la bonté de
me
Le
habituel, Nointel fait
:
de Sa Majesté
et le
»
li janvier Hi~'2. par lintermcdiaire de son découvreur
crit d'écriture très
tule
dont les
mieux conditionnés: vous
faire savoir la volonté
prix que j'y pourrois mettre.
et
M
une trouvaille
:
Les merveilles des créatures,
ri) fi.\Li.ANn.
(2)/6td..
l
I.
I.
I
p
p
u.
on
lui
présente m) manus-
ancienne et extraordinaire, que Galland
:i:t
inti-
écrites en vieux caractères
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL
76
kioufis
(1),
avec
soixante-six
cieuse doctrine,
enfers, etc. (2).
comme
»
Ce
représentant
figures
Mahomet pour
actions fabuleuses de
son élévation au
n'était autre
objet de longues controverses
diverses
l'établissement de sa perni-
que
le
ciel,
sa descente aux
célèbre Miradji-Nameh,
entre orientalistes
du dernier
demeuré
le type le plus ancien et l'un des plus parfaits que nous possédions de la calligraphie orientale. Nointel l'acheta pour vingt-cinq
siècle
:
reconnu aujourd'hui d'écriture
piastres et l'acquit ainsi à la
France
principal résultat de sa mission.
(1)
Ci)
Coufiques.
G.^LLAXD,
t.
I,
p. 29.
:
onïgoure,
c'était,
il
est
jusqu'à présent,
le
Il
K
O
3
<
w
g
-j
T!
*c
^
>
D
O
a.
P1]
nj
0)
S
^
H
fti
'•
o
CHAPITRE
III
KENOUVELLEMKXT DES
CA IMTE I.ATIONS
I
DE COLBERT
LK MÉMOIliK
Devant rallernative
impérieux,
à
tenir.
(|ue
du Roi
le conseil
El'
LE
Ku[)riily
axait
DE LEIIiMTZ.
PlîilJET
nous proposait en termes
mis en
délilii-i-ation la
conduite
Personne n'admettait un renouvellement des Capitula-
nouveaux
tions sans avantages
Ou
humiliation.
France d attendre
prendre
la
l'initiative,
voulu souscrire à cette
et n'eût
demandait seulement
se
rupture dont
de rompre
la
s'il
était
elle
convenait à
la
menacée ou d'en
première, de rompre instanta-
nément.
Colltert persistait à défendre les idées de
prudence.
Il
attribuait principalement notre insuccès au.x bra-
vades de notre Hotte, qui avait menacé
borner à
d'avoir
«
manqué au
il
il
de se
(1) ».
Sur
la
question en
provoqua une consultation en règle des autorités
compétentes
et
des principaux
intéresst'^s,
députés du conunercc
de Marseille, notables négociants de cette ville,
Levant, puis, dans un rapport, résuma
même
lieu
reprochait au chef
respect que les monarques se
rendent réciproquement en tous lieux
suspens,
Turcs au
les
les intimider par sa présence, et
d'escadre
modération et de
ses propositions.
les
Son mémoire, dont
compagnie du
réponses et
fit
lui-
les conclusions pré-
valurent, nous a été conservé (2); l'intérêt de celte pièce est de
(Il
Lettres
(i)
Il
(le Colberl. t
III. p :f(i:i.
est tiré ilns arcliives de la marine et a été publié par Dei'I'im;
rexiioniliince
mlministrative du régne de
Loiii.i
XIV,
t.
III, p.
107.
,
Cor-
LES
78
nous éclairer
\(iVA(,i;s
.NdlNTF.L
jiosilivcinent sur les dispositions
du jour où Louis XIV
royal, à la veille
du goiivernemenl
allait
recevoir de lieu
une proposition à jamais célèbre.
iiiallendu
En
MAKOriS DK
Itl
rapjiorteur impartial; Colberl expose les raisons présentées
à l'appui des diverses opinions émises
une précision tout adniinislralive,
il
:
pour plus de
classe les
clarté,
avec
arguments dans
des colonnes distinctes et juxtaposées, les mettant ainsi en
parallèle et en opposition.
Tiois systèmes se trouvaient en présence. Parmi
les
personnes
consultées, ((uelques-unes inclinaient à rapptder l'ambassadeur
et
tous nos nationaux, avec éclat, avec menaces, ce qui eût con-
sommé
rupture
la
d'acheminement à
et servi
la
guerre: d'autres
conseillaient de se borner à rappeler lambassadeur, en le
rem-
plaçant par un résident chargé de continuer les relations et de
protéger
commerce;
le
d'autres
enfin eussent préféré laisser
M. de Nointel à son poste.
Colbert reconnaissait que
haut
1),
mais
lui
le
premier parti
reprochait de conduire à
«
était le
«
plus
une rupture ouverte,
qui enti'aînerait de grandes suites et de grandes difficultés pour
renouer
Sans s'arrêter à discuter longuement
».
préparatoire de
le
la
guerre,
troisième parti, suggérait un
parut conciliei'
la
cette
l'écartait, puis, entre le
il
mesure
second et
moyen terme qui l'ut adopté et
ménagements que l'on
dignité du Roi avec les
entendait conserver.
A
mise en demeure de Kupruly,
la
France en opposa une autre
;
elle le
somma
la
de choisir entre la
concession des nouveaux ]iri\ilèges ré'claniés et la retraite de
l'andiassadcin-.
Une
lettre
de rappel
fut
expédiée à Nointel, mais
a\('c l'ordre
de ne s'en servir qu après axoir de nouveau talé
terrain et
Kupruly ne manifestait aucune
elle fut
si
vidléité conciliante;
accompagiu';e d'instructions dans lesquelles perçait
trème désir qu'éprouvaient
le
le
l'e.x-
Uoi et son ministère d'apprendre
à la fois le l'enouvellemeiit et l'extension des (japilulations.
Pour
port(îr
recourir à un
ce
suprèiue message,
il
parut m'-cessaire de
émissaire spécial. Arvieux se tenait toujours à
proximité, guettant une occasion de se remettre en lumière; on
Ki:.\nr\ Kl.l.KMr.NT
pensii tout nalurellemeul à
trouvait
le
Roi.
il
CAI'ITII, A IIO.NS
l)i:s
lui.
Appelé
70
Fontainebleau, où se
;i
y apprit la coniniission ilonl
il
t'Iait
iliarpé.
no.
s'arrêta qu'un instant h la cour, juste le leiups de voir les per-
sonnes
utiles à
seau de guerre
son avancement, et courut à Toulon, où
le
le vais-
Diamant avait reçu ordre d'appareiller pour
conduire à Constantinople
(1).
La
le
coiiliance qu'on lui ténioiiiuait
avait réveillé ses ambitieux espoirs.
pensait (|ue
11
ftl.
de Noin-
accablé de dégoûts, saisirait avec empressement l'occasion
tel,
qu'on
lui
oUrait
de rentrer en France
rester à sa place, en qualité de résident.
dre la négociation en sous-(iMivi'e:
assurer sa fortune par ce
simple courrier, prouver
il
et
complait
signale- service,
qu'il
désignerait pour
le
pourrait alors repren-
Il
aboutir,
la l'aire
et.
choisi
comme
possédait l'étoile d'un diplomate.
Le Diamant, portant Arvieux à son bord, mil à la voile le
6 octobre 1671. Moins de quatre mois après, avant cpi'aucune
comnumication
nouvelle
20 janvier 1072,
le
ait
pu arriver de Constantinople.
baron de lîoinebourg. ministre
de Mayence, écrivait au Roi pour
bonnne
(|ui,
île
le
l'électeur
recommander un jeune
lui
audacieusement. demandait à enti'ctenir Sa Majesté
Très Chrétienne d'un projet intéressant l'avenir
en Orient, en Asie, dans
ronne. Ce jeune
le
homme,
monde
île
sa puissance
entier, et la gloire de sa cou-
déjà célèbre.
s"a|)])(dail
LiMbnit/.
Il
avait joint à la lettre du nùnistre allemand une doidile série de
notes préparatoires.
Le plan conçu par
le
hauteur de son caractère
la
grand philosophe répondait bien à
et à la hardiesse
la
de son esprit. Voyant
France s'élever sans cesse, déborder sur
les
Flandres
et
menacer l'Allemagne, Leibnitz avait entrepris de la détourner
un autre objet
vers
l'elfort
par
la
il
de
lui
faire
reporter sur l'Orient tout
osait espérer ijue Louis XH', convaincu
puissance victorieuse de son raisonnement, renoncerait à
compléter
l'unilé territoriale
de magnifiques
lll
et
de spn activité;
Mémoiirx.
t.
du royaume pour chercher au
compensations,
IV. p
-JSlI-liÛl
et
il
se
llatinit
de
lui
loin
faire
LES VOYAGES DK MAIiOlIS DE .NOINTEL
80
oublier le Rhin en lui montrant l'Egypte.
s'inspirait
ne
pas exclusivement personnelle,
lui était
XIV comme un
ne s'élevait point vers Louis
mouvement
La pensée dont
et sa
il
voix
appel isolé.
Le
d'opinion qui crovait assurer le repos et la sécurité
de l'Europe en poussant la France aux entreprises d'outre-mer,
Allemagne. Avant de s'adresser indirec-
se concentrait alors en
tement au Roi, Leilinitz
allemands
et
semble
s'était
rencontré a^ec plusieurs princes
avec eux. Seulement,
s'être concerté
comptait traduire leurs aspirations sous
la
forme d'un projet
magnifiquement motivé, susceptible
précis, frappant,
il
d'éveiller
nos convoitises autant que d'émouvoir nos instincts généreux,
et
nous démontrer que
se proposait de
il
la
conquête de l'Egypte
serait la plus profitable des croisades.
Sa demande, transmise par
été
longtemps
courtoisie.
l'allié, le client
Le 12
ministre d'un prince qui avait
le
de la France, fut accueillie avec
février 1672.
Arnauld de Pomponne, secré-
taire d'État des affaires étrangères depuis la
mort prématurée
de M. de Lyonne, accusa réception à Boinebourg de son envoi
en termes obligeants,
plaisir l'auteur
jdume
On
fit
savoir que l'on entendrait avec
du projet annoncé.
Leibnitz partit pour
ses vues.
et
sait
la
A
la suite
de cette réponse,
France, avec l'intention de
faire connaître
que l'expression de sa pensée
des formes
multiples
et
très
sous sa
prit
depuis celle
diverses,
d'abrégés plus ou moins sonnnaires jusqu'à celle d'un ouvrage
imposant
et détaillé.
autour de ces
on
s'est
écrits,
De
délicats
problèmes se
demandé' dans lequel d'entre eux
naître le véritable Consilium
sérieux motifs, que
le
(i-yj/pliiicum;
il
ait été
soumis
convenait de recon-
on a pu douter,
à
Louis
seulement de convaincre
Xl\
le
,
(\)
de ses désirs
Vovcz
(1).
Roi, en préla réali-
Nous n'avons pas à renouveler ces
Iravaux dus
Guhraucr. .Michaud. Vallet de
rapport de .Mi^'tiet à r.Voadéniie des sciences morales
les j)uL]lications et
\ii'ivillé. Ilolïmaiis, le
de
et (|ue le
sence des obstacles que les circonstances opposaient à
sation
j)ar
mémoires de Leibnitz
plus important des
ou mi'Mne (pi'aiKun d'eux
piiilosoplie ait essayé
sont soulevés
rendus successivement à notre curiosité;
;'i
RENOUVEl.LE.MKM DKS
C
AI'ITCL ATIO.XS
Si
controverses épuisées; elles nous semblent d'ailleurs sans intérêt
pour
l'histoire
de notre politique tant orientale qu'européenne.
Aussi bien, en admettant qu'une proposition relative à l'attaque
et à la
conquête de l'Egypte
Leibnitz,
il
clairement formulée par
ait été
ne nous paraît point qu'elle
un seul instant
ait été
susceptible de fixer
pensée du gouvernement royal et de suspendre
la
ses résolutions.
derniers événements,
D'après l'aspect des
Leibnitz et les
princes allemands avaient pu croire que l'occasion était propice,
unique, pour diriger vers l'Egypte toutes nos ambitions. L'ac-
M. de Nointel avait
cueil insultant fait à
remarqué,
été fort
et
depuis lors l'Europe s'imaginait que Louis XIV, poussé à bout
par l'arrogance des Infidèles, agitait contre eux des résolutions
extrêmes. Le bruit
une
s'était
même
répandu que
France équipait
la
à Toulon, assemblait des troupes, préparait une expé-
flotte
dition au Levant, et cherchait sur (juel point des États ottomans
fait
Un auteur du temps, Chardin,
fondre l'orage.
elle ferait
l'écho de cette
rumeur
(1), et
s'est
plusieurs de nos contemporains
y ont vu l'expression de la vérité. Ils en ont conclu que la proposition allemande, venue à propos, aurait été loal d'abord prise
en particulière considération
(2).
Contrairement à cette opinion,
que
la
France écartait
complète avec
à ce
le
encore était-ce à
toute idée de rupture
de guerre en Orient,
la Porte,
mesure de représailles admise par
griefs,
mémoire de Colbert montre
moment même
titre
elle
el
que
la
seule
à raison de ses derniers
éventuel, consistait en un simple
rappel d'ambassadeur. Les correspondances d'Etat, durant cette
période, ne laissent percer aucune velléité d'action militaire dans
le
Levant. Une escadre,
et politiques (t8:i8), le
FoicHEU DK
\
t
il
est vrai, faisait voile
ilo l'édiliuii
des Œuvres, le Li-Uinilz, par
Carkii,, Ic résultat des savantes recherches de M.
consigné successivement dans une brochure spéciale
OEiiirea de Leibnitz, édition de Hanovre, 18(J4.
(1) Voyaije
{^)\o\07.
l'"oL<:nEii
DK
de ce côté, mais
en Perse
t.
cumlc
dans
le
t.
Il
des
autres lieux.
el
notamment
C.xnEii,,
et
le
Onno KIopp,
II.
Il,
Mauti.n. Histoire de Fratii'.
xxxviii et .\xxix.
I
W",
p.
278-283, et
LKS VOYAGES DU MAHQUIS DE NOINTEL
82
sa mission ne consistait qu'à courir sus
aux pirates
resques et à relever dans des parages éloignes
pavillon
:
il
l)arba-
le prestige
du
s'agissait de l'une de ces excursions périodiques qui
commençaient
à entrer dans les habitudes de la
marine fran-
çaise.
De
plus, à suivre de près les dernières évolutions de la poli-
tique générale de Louis
pu hésiter entre
est aisé de se convaincre
il
ne présentèrent jamais
les projets de Leibnitz
de l'opportunité. Si
XIV,
les expéditions lointaines et les
poursuivre
attentif à
influence en Orient,
il
conquêtes rap-
sommes parvenus, son choix
au moins pour de longues années,
Toujours
l'apparence
Roi. au début de son gouvernement, avait
le
prochées, à l'instant où nous
fait,
(|ue
que
le
était
et sa décision irrévocable.
nMablissement
de
notre
n'entendait plus atteindre ce résultat que
par des voies pacifiques ou au moins indirectes;
c'était
une
autre entreprise qui tentait son ardeur conquérante. L'attaque
de
la
Hollande
était résolue
:
Louis
cet État qui s'était fait en 16G!) le
XIV
avait décidé de briser
moteur de
la résistance
péenne contre nos projets d'agrandissement
du monde à
se posait d'un bout
euro-
territorial, et qui
l'autre en adversaire de notre
commerce et de notre expansion. Depuis deux ans, avec une
habileté consommée, notre poIiti(|U(" avait tra\ aillé à isoler la
IloUamle
fin
alin
de la livrer plus sûrement
.à
nos armes
(1).
Dès
la
de 1671, l'investissement diplomatique des Provinces-Unies
était fait
accompli, et nos alliés avaient reçu confidence de nos
desseins.
En même temps, des troupes
se levaient de
toutes
parts, des corps se massaient sur la frontière, Louvois dressait
son plan de campagne
(2); la
entier dans la direction
puissance française sébratdait en
du Nord,
et
désormais rien
n'cTil
été
capable de l'amener à un brusque changement de front, à une
volte-face inattendue, ni de lui faire
compromettre au delà des
mers une armée lentement préparée dans un but déterminé.
On
(1)
s'est
demandé,
il
est vrai, pourquoi
Louis
XIV
iwail coni-
VojC'Z Mui.N'KT, NégnciatiDus rclalivcx à lasucci'ssioii d'Espuyn)',
(2) \()^vez IloLssicT,
l.
I,
[1.
'.','>\,
;i57.
I.
III.
ï o
1
H
I-:
N a"
\
(
E 1.
1.
mencé par encourager
et
même
on
y a
M
E
i:
n t d i:
s
c.wn
1.
a
i
les tentatives de Leibnitz,
s
n
s3
en autorisant
en provoquant dans une certaine mesure son voyage
vu
preuve que
la
le
Roi n'aurait point rejeté a
;
priori la
proposition relative à l'Egypte. Cette objection ne résiste pas,
même
selon nous, à l'examen attentif du texte
tions échangées à ce propos entre
relire les notes
nues a\ec certitude à
on s'aperçoit que
elles
fois
Saint-Germain.
et
A
de Leibnitz transmises par Boinebourg avec sa
du 20 janvier 1672,
lettre
Mayence
des communica-
le
la
c'est-à-dire les seules qui soient parve-
connaissance du gouvernement français,
nom
de l'Egypte n'y est
même pas
prononcé
:
indiquent en termes très généraux, dans un langage à la
dun
solennel et mystérieux, les conséquences possibles
demande sim-
projet à présenter, et Boinebourg, dans sa lettre,
plement
la
permission de nous découvrir plus tard, par la bouche
de l'auteur, ce projet lui-même
réalité
de
et
nous proposait, en
offrant,
le
si
ce qu'il appelle
« la
véritable
en somme, une énigme que
l'affaire (1) ». C'était,
l'on
Roi y consentait, de nous en
fournir le mot.
Dans ces conditions,
la politesse
vivant en bonne intelligence exigeait
ne se retranchât pas derrière une
et
fin
d'usage entre deux cours
évidemment que la France
de non-recevoir préalable
ne rejetât point une proposition avant de
la connaître.
Elle
devait nécessairement répondre qu'elle accueillerait avec plaisir
une communication explicative,
et c'est,
d'éclaircissements que se réduit la lettre
du 12
février
:
«
J'ai
aune demande
de Pomponne en date
en
effet,
eu l'honneur, écrit ce ministre à Boine-
bourg, de rendre compte au Roi, non seulement de vos
lettres,
mais des mémoires que vous y avez joints, et qui portent en
général un avis très grand pour la gloire et l'avantage de Sa
Majesté, sans
Comme
qu'ils fassent voir
par quels moyens
il
peut s'exécuter.
l'auteur s'est réservé, ainsi que vous le marquez, de s'en
déclarer lui-même, Sa Majesté verra volontiers les ouvertures
qu'il auroit à faire, soit qu'il veuille
(1)
311.
Noies
et lettres ont été publiées
venir
ici
par Foccher de
pour
C.\iieii..
s'expliquer,
t
\
.
p
30i.
LES VOYAGES DU MAUQLIS DE NOINTEL
84
soit
qu
Ce
veuille le faire par telle autre voie
il
propos
(1).
fut sur cette invitation
pour Paris. Là,
partit
employé à
lut-il
le
vague que Leibnitz,le ISniars 1672,
suivant le terme
s'ejpliqua-t-il réellement,
par Boinebourg et par Pomponne, et que
la fois
répondu? Aucun document
mais
faire connaître,
avec
le
que vous jugerez à
»
début
même
il
venu jusqu'à présent nous
est certain
que son arrivée coïncida
Le
de la guerre en Hollande.
manifeste contre les États généraux est lancé;
Saint-Germain pour Cliarleroi;
(|uitte
lui
n'est
le 28,
les hostilités
G avril, le
Louis
dans
le
XIV
Nord
ne sont plus seulement décidées, mais entamées, et cette opération,
en absorbant toutes
France,
la
les forces et toutes les
pensées delà
détourne de plus en plus d'autres préoccupations.
Eulin, deu.v mois plus tard, le 21 juin, la France caractérise elle-
même, dans un document
de l'Orient.
Comme
ofliciel, sa politique
l'électeur de
Mayence,
présente à l'égard
sans faire d'allusion
directe à l'Egypte, continue d'exprimer devant notre
désir de voir Louis
armes invincibles,
vous
(|u'ils
ont cessé d'être à la
d'une guerre sainte; vous savez
mode depuis saint Louis
(2) »,
court ainsi à toute proposition particulière par une
il
ne
lit
si le
sous une forme quelconque, jusqu'à
jamais dans les conseils du Roi l'objet d'une
discussion sérieuse, et que,
curiosité littéraire plutôt
de l'entreprise qu'il
:
s'il
y fut remarqué, ce fut à
allemand se méprenait sur
recommandait. La Turquie
il
titre
de
que d'oeuvre politique.
D'ailleurs, le philosophe
obstacle à négliger
coupant
de non-
lin
nous sera donc permis de penser que,
Il
projet égyptien parvint,
Louis XIV,
le
:
dirai rien sur les projets
recevoir générale.
envoyé
XIV tourner un jour contre llnlidèle ses
Pomponne écrit à l'ambassadeur « Je ne
lui
la facilité
semblait un
proclamait sa faiblesse et annonçait sa
ruine, jirophélie incessanmient renouvelée et toujours démentie
par l'événement. C'est que les Ottomans présentèrent de bonne
heure
les signes
apparents
(1) FûiciiKii i)K (Iahkii..
(i)lbid.,
t.
V, p. 3j!)
I
\
,
pliit<il (jue
]i.
.ili.
les caractères réels
de la
UENOUVELLEME.NT DES CA
l'
lïl
LA T 10 NS
décadence. Dès l'époque qui nous occupe, les vices
tion
lie
ment
S5
et la
corrup-
leur gouvernement, leur incurie profonde, leur éloigne-
pour
farouciic
la
de l'Europe, jusqu'à ces
civilisation
périodes d'inunobilité sonuiolenle succédant chez eux à de brus-
ques sursauts, donnaient à leurs ennemis
déclin.
On
forment
l'illusion
d'un rapide
ignorait que la tyrannie en haut et l'anarchie en bas
l'état
normal des empires inorganiques de l'Orient
sans les détruire, sans les ébranler profondément,
ces
:
maux
peuvent s'élever chez eux à un degré que nos sociétés occidenne sauraient supporter.
tales
Au
dix-septième siècle,
la
Turquie,
déjà pleine d'excès et de désordres, n'en restait pas moins l'une
des grandes puissances militaires de l'Europe. Par un miracle
de la race, ses admirables soldats, ses colossales armées qui res-
semblaient à des migrations de peuples, pouvaient se rassembler, vivre, faire
sation régulière
toujours au
tait
;
campagne, combattre
la
et vaincre sans organi-
persistance de leurs vertus guerrières s'attes-
moment du
A
péril.
d'eux; vainqueurs dans
la seconde, ils avaient
mane,
et les rapports
Roi sur
le
les périls
la
et
devant
adversaires
dignes
Saint-Crothard
Candie, les Français avaient trouvé des
première rencontre, repoussés dans
connu à ce double contact la valeur musul-
de nos officiers avaient stiflisamment édifié
d'une campagne de longue haleine contre
les fanatiques soldats de l'Islam.
C'était aussi chez Leibnitz l'erreur d'un esprit
de croire à une trêve de Dieu entre
les
généreux que
puissances cin-étiennes,
tandis (pie la France j)Oursuivrait une lutte décorée du
guerre sainte, mais destinée en
la
réalitc' à lui
nom de
assurer l'empire de
Méditerranée et l'accès aux Indes. Les puissances maritimes,
Angleterre et Hollande, se seraient senties atteintes dans leurs
plus précieux intérêts. Eussent-elles hésité à s'unir avec l'ennemi
nom
(bi
chrétien, elles auraient trouvé des prétextes étrangers à
l'Orient pour
nos
les
flottes
rompre avec nous,
et
on
les aurait vues, atlacjuant
sur toutes les mers, réussir peut-être à emprisonner
Français dans leur conquête.
Ce
qui doit exciter une admiration sans réserve dans l'ouvrage
LES VOYAGES DU MAHQUIS DE
86
<le
NOIMEL
Leibnitz, c'est la justesse et la perspicacité îles vues sur la
situation géographique de l'Egypte, sur le rôle que cette contrée
était
appelée à reprendre dans les relations entre les différentes
du globe. Toutefois, ces aperçus propbétiques ne pou-
parties
vaient offrir au Roi et à ses ministres l'attrait d'une révélation
on
a
vu que Louis
XIV
l'observation
gnait dans l'isthme de Suez
le
Colbert avaient
et
ment de l'avenir, fondé sur
« le
rendez-vous commercial,
mun
le
le
même
avec l'Orient,
lien de l'Occident
point de contact, le marché
de l'Inde d'une part, de l'Europe de l'autre
littéraire
des instructions données à
Vantelet et de Nointel
y a plus
? Il
pressenti-
du passé. Leibnitz dési-
d'Ltat des affaires étrangères, du
:
MM.
au moment où
camp
com-
Ces paroles
».
sont-elles autre chose (jue le conunentaire éloquent,
phrase
:
la
para-
de la Hayele secrétaire
de Cliarleroi, écrivait
au
protecteur du jeune philosophe, avec une nuance d'ironie, que
le
Roi ne songeait guère à s'aventurer sur les traces de son
ancêtre, notre politique paraissait sur le point de réaliser la
seule
partie
véritablement pratique
des
j)lans
de
Leibnitz.
Nointel avisait la cour de la reprise des négociations à Andri-
nople;
il
fallait
espérer un renouvellement favorable des Capi-
à notre commerce du passage par
mer Rouge semblait devoir hgurcr au nombre des
tulations, et l'ouverture
Suez
et la
articles accordés.
II
LA SOmiF. Dr
GRAND SEIGNEUR.
Sous Louis XIV, nos diplomates possédaient sur tous autres
un incontestable avantage
:
sance militaire de l'Europe.
nement
fort,
ils
rej)résentaient la première puis-
Ils
parlaient au
avait su joindre à sa puissance réelle
Ciiaque
nom
d'un gouver-
maître de ses décisions, habitué à vaincre, et qui
mouvement de
la
Erance
un incomparable
prestige.
éveillait l'attention et l'inquié-
RENOUVELLEMENT DES CAPITULATIONS
tudc
87
autres peuples, et la terreur qu'elle inspirait prêtait
(les
souvent un appui décisif aux raisocis de ses envoyés.
Vers
la fin
de lt)72, les Turcs avaient appris que la France
armait forinidaldement;
l'Europe,
si
ils
se demandèrent,
comme
reste de
le
ces préparatifs, dirigés en fait contre la Hollande, ne
l'étaient point contre
eux;
le
souvenir de leurs mauvais procédés
entretenait leurs alarmes, et leur conscience troublée leur faisait
voir partout les apprêts du châtiment.
A
cet instant,
pavillon du Roi pour
suffit
il
montrer
l'apparition dans l'Archipel de l'escadre chargée de
de
le
semer l'épouvante à Constantinople. L'imale nombre de nos bâtiments,
gination des Orientaux multipliait
les apercevait sur tous les points à la fois, voyait déjà les fies
occupées,
le
drapeau lleurdelisé
flottant sur
Chypre ou sur
Rhodes. Contre ce pressant péril, on s'étonnait que
ment ne
prît point
le
des mesures de défense et de salut
disaitlc capitan-pacha, que
le vizir « fût ivre
gouverne:
il
fallait,
ou endormi, puisqu'il
ne mettait pas l'armée navale de Sa flautesse en état d'empêcher
les descentes
que
les
Français pourraient faire
(1) ».
La frayeur
se propagea jusque dans Andrinople; la Porte s'émut,
s'humanisa,
nant
le
manda
et
Kupruly
chevalier d'Arvieux avec une réponse de la cour,
L'ambassadeur se rapprocha pour la seconde
pléer en cette circonstance et
vizir (2) »
;
fois
d'Andrinople,
« aller
le
sup-
seul tàter le pouls au grand
mais Nointel n'entendait céder à personne l'honneur
chances d'un nouveau débat.
homme
il
Nointel en termes fort radoucis.
en mars 1673. L'entreprenant chevalier eût fort désiré
et les
ame-
dès qu'il eut appris l'arrivée du Diamant,
Il
permit seulement au jeune
de l'accompagner; celui-ci s'y résigna d'assez mauvaise
grâce, blâmant ce
qu'il
voyait faire et ne se privant pas, à l'occa-
sion, d'adresser à la cour des
remarques désobligeantes
(3).
Il
en fut pour ses petites intrigues. Finalement, renonçant à ses
rêves d'ambassade,
(1)
se rabattit sur un poste plus modeste, pos-
Nointel au secrétaire d'État, 9 février 1672.
au mémo, 2.'i mars d(!72. Archives des affaires étrangèi'es.
Archives des affaires étrangères Constantinople, t X.
(2) .\rvieux
(3)
il
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL
88
tula l'un des
beaux consulats du Levant,
celui d'Alep, l'obtint et
s'y terra.
Revenu
le 3 avril
que
accueilli
pagne, dans
la
1673 auprès de
première
le
et l'enlace
On le
Nointel fut mieux
la Porte,
logea hors de
village grec de Bosnakeui,
la Maritza, le fleuve
de
fois.
à la cam-
ville,
situé
sur une
île
sinueux qui coule autour d'Andrinople
de ses replis. De sa résidence, Nointel voyait la
farouche cité, enclose de murs, hérissée de minarets; mais
il
n'avait pas l'ennui d'y demeurer, plus favorisé en cela que son
collègue le baile de Venise, qu'étant allé voir un jour,
mal logé au pied d'un minaret, importuné nuit
fort
exaspérant du muezzin
cri
trouva
avait signifié ses conditions, en s'y
prenant toutefois de façon fort honnête
il
il
jour parle
(1).
Dès son arrivée, Nointel
et confidenliel,
et
:
par un message officieux
avait fait dire au vizir qu'il avait reçu
une
lettre
de rappel et se tenait prêt à la présenter, mais qu'il espérait que
en admettant ses justes demandes,
la Porte,
extrémité. Cette confiance,
fit
effet.
Kuprulv prévint
«
la
toute
lui
menaçante
épargnerait cette
qu'elle fût (2) »,
mesure annoncée en consentant en
principe à des Capitulations améliorées.
bien grand, s'écriait Nointel,
11 fallait
que
le
puisque l'ombre d'une
«
Roi fût
lettre et
d'un envové d'un ministre qui n'est plus (M. de Lyonne), et la
présence d'un de ses vaisseaux de guerre, changeaient entièrerendaient capable d'une justice que
ment
l'esprit
reste
du monde rend à Sa Majesté
Comme
du
vizir et le
le vizir paraissait
(3) ».
entrer dans la voie des concessions,
Nointel s'imagina ne pouvoir trop exiger.
Il
présenta jusqu'à
soixante articles nouveaux et s'expliqua sur chacun d'eux.
réduction des droits
de douane ne
cette ancienne et première
lité
avec l'Angleterre
le
ferait (jue replacer la
La
France,
amie des sultans, sur un pied d'éga-
et la Hollande.
Il
n'était pas
moins
indis-
pensable d'ôter, par des dispositions bien claires, tout prétexte
(1)
(^)
(3)
Gall.\nd, t. I, p. 106.
Nointel à Pomponne, 10 mai 1G72
Ibid 3 mars 1072
,
RENOUVELLEMENT DES CAPITULATIONS
89
aux avanies, d'imposer aux nations non pourvues de Capitula-
conformément à
tions l'usage de notre bannière,
tume. Quant à
les
la
mer Rouge
Français seraient autorisés à venir des Indes orientales à
Moka
Suez, en faisant escale à
et à Djcddaii; ils établiraient
dans ces ports des consuls, des magasins:
bien qu'au Caire et à Alexandrie, des
dans
Ce
ils
jouiraient, aussi
mêmes exemptions que
les autres Echelles.
fut surtout
que Nointel eut
trop préciser.
«
l'antique cou-
on spécifierait que
et à l'Egypte,
en ce qui concernait notre protectorat religieux
le tort
Les
d'exagérer ses prétentions et de vouloir
articles qu'il
proposa étaient ainsi conçus
premièrement, qu'en considération de l'ancienne amitié
:
de
et
ce que l'empereur de France est le protecteur du christianisme
auprès de Sa Hautesse,
la religion
chrétienne sera toujours
exercée dans les lieux de l'empire ottoman où
elle l'a été jusqu'<à
présent; que les évèques chrétiens romains sujets du Grand Sei-
gneur
et autres seront
en
la
même
considération maintenus et
gardés dans leurs dignités et exercice de leur religion,
On
voit
clauses.
Au
tout de suite quel eût été l'excessif
lieu
sivement sur
de faire porter notre protection
les religieux
etc. (1). »
effet
officielle
de ces
exclu-
venus d'Occident en Turquie
et
y
vivant en étrangers, elles l'eussent étendue aux catholiques
indigènes, sujets du Grand Seigneur, et
la chrétienté orientale.
Garante
et
même
à
l'ensemble de
gardienne des droits reconnus
aux chrétiens, notre diplomatie eût pu désormais, en vertu d'un
texte formel, s'immiscer dans les rapports du sultan avec toute
une partie de ses sujets
et
gêner gravement l'exercice de sa
souveraineté. Ce pouvoir exorbitant, c'est celui (jue
la
Russie
devait s'arroger un siècle plus tard, en interprétation de traités
arrachés à la Turquie vaincue et défaillante
Russes de celte arme redoutable,
péenne
(2).
En
il
:
pnur dépouiller
les
a fallu une coalition euro-
1672, encore imposante et forte, la Turquie n'eilt
(1) l'rojel de capitulation publié à la suite du Mémoire sur l'ambassade de
France en Turquie, par Saint-Puikst, p. iiC.
(2) Lors de la guerre de Crimée.
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL
90
jamais admis Je notre pari de
telles
exigences. Moire interces-
sion en faveur de ses sujets chrétiens et spécialement catholiques ne pouvait s'exercer qu'à titre
point délicat,
purement
officieux; sur ce
convenait de glisser, sans appuyer; Nointel
il
s'exposer à des résistances motivées, etlambas-
insistait. C'était
sadeur put mesurer promptement l'étendue de
commise en fournissant
la faute qu'il avait
à ses interlocuteurs l'occasion de rou-
vrir le débat.
La diplomatie ottomane possède
Kupruly n'avait point renoncé à
importunes de
la
le
génie de
la
une apparente condescendance
allait
les articuler
demandes
France. Seulement, sa tactique avait changé;
contraint de prendre une attitude moins haute,
Son plan
défensive, et
se débarrasser des
les
il
cachait sous
pièges qu'il nous tendait.
consister à nous payer de demi-concessions et à
on termes équivoques. Ce serait provoquer l'ambas-
sadeur à demander des éclaircissements, à formuler des critiques,
et à prolonger
de lui-même
la négociation
languirait.
Grand Seigneur annonçait
à cette époque,
la
controverse.
Menée de
la sorte,
Or, le printemps approchait, et
le
l'intention de conduire en personne,
l'expédition
contre les Polonais: l'instant du
départ arriverait ainsi sans qu'un accord positif
fùl
intervenu.
ÎSointel se verrait réduit alors à accepter des Capitulations écourtées, telles
ment,
et,
que
les voulait le vizir,
nu à subir un second ajourne-
dans ce dernier cas, Kupruly pourrait rejeter sur
les
exigences persistantes et minutieuses de notre envoyé la responsabilité
des nouveaux retards éprouvés par
tenait à ne pas
rompre, désirait renouer, mais
la
négociation.
n'était
Il
nullement
pressé de conclure.
L'instrument de cette politique fut
drogman
le
Grec Panaiotti, premier
un haut personnage; quand il venait
voir l'ambassadeur, on eût dit d'un pacha ou d'un bey, avec sa
suite nombreuse et le tapis de prière qu'il faisait porter derrière
lui
(h; la
Porte. C'était
sur un cheval
(1)
(1). Il était
de manières otictueuses et douces,
Sur Panaiotti, vov. ï Histoire des Grecs drogmans de
TiADÊs, Athènes, 1865.
hi
Porte, par
Stama-
KENOUVELLE.MENT DES CA l'ITU L ATIONS
amateur de beaux
fort érudil.
et de manuscrits,
livres, chorclieur
!•!
de vieux textes
possesseur d'une bibliollièque célèbre, très
préoccupé de répandre un peu d'instruction parmi ses compatriotes,
mais cauteleux, rusé,
de nos ambassadeurs,
Son parler
lait
«
conmie
et,
avait des souplesses, dos détours infinis
comme
tions, sans
un
le dirait plus tard
plus faux que ne le comporte le métier
:
».
nul n'excel-
lui à
soulever des incidents, à embrouiller les ques-
que
l'on pût s'en fâcher; sur sa diplomatie fluide,
mobile, ondoyante, on ne se trouvait pas de prise.
Pendant
trois
semaines,
il
entretint les espérances de l'ambas-
II n'était ferme qu'en un
Grand Seigneur, jaloux de sa puissance, ne
sadeur, sans les satisfaire entièrement.
point, à savoir que le
souffrirait
jamais qu'on attribuât à d'autres qu'à lui-même
la
protection de ses sujets chrétiens. Sur le reste, les concessions
et les refus variaient
que de réduire
L'ouverture de
les cinq
la
Un
continuellement.
par rapport au conmierce
:
le
lendemain,
jour, tout allait bien
n'était plus question
il
pour cent à quatre, au lieu de
mer Rouge
promise
était tour à tour
et
trois.
ajour-
née. Sur un ton d'amicale confidence, Panaiotti suppliait l'ambas-
sadeur de se modérer, d'abréger
et
de condenser ses demandes,
sans quoi, pour contenir l'acte nouveau,
d'une lieue de long
l'on finirait
(1).
»
Néanmoins,
par s'arranger, et que
il
«
il
faudrait
un papier
ajoutait toujours
l'affaire se
que
terminerait à la
satisfaction réciproque des parties.
Cependant certains préparatifs, indices d'une prochaine entrée
en campagne, n'échappaient pas à l'ambassadeur; des scènes
d'un pittoresque grandiose, en
aspect nouveau, celui d'un
lui
camp
défiances, mais aussi sa curiosité.
tableaux pleins d'animation
et
montrant
la
qui se lève, éveillaient ses
Il
se plaît à conlenipler ces
de couleur. Les différents corps
do milices qui se groupent autour d'Andrinople
matière à obsfMvation. .Vu milieu d'eux,
pavillons du
(1)
Turquie sous un
il
lui
donnent ample
voit se dresser les
Grand Seigneur, entourés d'une muraille de
Nointel à Pomponne, 10 mai Hi'i
toile
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOIXTEL
92
de créneaux.
et verte, dentelée
rouge
leurs quartiers, examine,
mécanisme d'une
Le
visite les janissaires
manie leurs armes,
arbalète; on lui
et le détail de leur
Il
aménagement
montre
dans
se fait expliquer le
l'intérieur des tentes
(1).
4 mai, c'est l'une des pratiques les plus bizarres
de guerre qui s'accomplit sous ses yeux
la sortie
:
du
rituel
en masse des
corps de métiers qui doivent suivre et servir l'armée, pourvoir
à sa subsistance, à son habillement, à ses consommations. Trois
mille artisans. Grecs et
vers
camp en tumulte,
le
Arméniens pour
et c'est
la plupart, s'écoulent
grande occasion de
liesse et
de
divertissements, où la joie populaire se débride, se lâche, déborde
en bouiTonneries énormes, en gaietés frénétiques, d'une fantaisie
barbare.
Des groupes d'hommes viennent dansant
et sautant,
dans
la
cacophonie des instruments nasillards, au bruit des salves de
mousqueterie
et
des assourdissantes décharges. Les corps de
métiers passent en une procession burlesque,
bouchers,
fruitiers,
nattiers,
les
boulangers,
cotonniers, fourbisseurs,
cor-
royeurs, cordonniers, drapiers, faiseurs de café, se suivant à
la
menés par leurs cliefs. avec leurs attributs et leurs outils, et
hommes, tout en marchant, simulent et miment l'exercice de
lîle,
les
On
leur profession.
en voit qui font semblant de polir des sabres,
qui étirent des bandes de cuir et frappent sur des enclumes 4
coups redoublés; on voit des travestissements appropriés aux
divers états et des costumes parlants
lassés d'herbes, les
:
les jardiniers tout
fourreurs dans des peau.x de bétes, un
vêtu de nattes, coiffé de nattes entortillées
:
en
mate-
homme
tête des confitu-
un des leurs enveloppé d'une longue chemise toute barbouillée de confitures, qu'il ramasse à pleines mains et jette à la
riers,
foule, avec des gestes ignobles.
Ce
flot
mêmes
et
humain
traîne avec soi des
peinturlurés
:
animaux déguisés eux-
des moutons teints, tatoués, plaqués de
couleurs criardes, des vaches enunaillotées dans des robes de
(I) (',\LL-\yi>.
t.
I,
p.
Hi>.
ll.î.
1
1
{.
H5
RENOUVELLEMENT DES CAPITULATIONS
brocart,
un chameau dont on ne
voit
que
93
la tète et les pieds, le
une carapace d'étodVs. Et connue il faut
populace pour la réjouir tout à fait et assaisonner
reste disparaissant sous
du sang à
la
ses plaisirs, des
honnnes s'avancent,
nu, le regard exta-
le torse
un canon de mousquet ou une hampe de drapeau
bout est passé dans leur flanc ou dans leur bras, s'enfonce
tique, portant
dont
le
dans leur chair et ressort rouge à travers leur peau trouée.
D'autres, montés sur des ânes, aflublés d'oripeaux, imitent les
grands pachas, leurs fa(;ons de chevaucher
jour, tout est toléré, tout est permis; ces
de saluer.
et
Arméniens
et ces
En
ce
Grecs
ont licence pour une fois de s'habiller en Turcs, de faire les
Turcs, de singer leurs maîtres; c'est
la re\ anciie
de cette popula-
tion de misérables contre l'oppresseur qui les foule,
d'esclaves en délire, une fêle des fous à l'orientale
Le lendemain,
pour
la soleniiité
s'établir
tout est rentré dans l'ordre
suprême
:
la sortie
un carnaval
(1).
tout se prépare
:
du Grand Seigneur
allant
au milieu de ses troupes avec son gouvernement,
avec ses multiples cortèges, avec une suite de douze ou quinze
mille
hoinmes
ce sera la mise au jour et le déversement de
;
magnificences que
toutes les
en ses profon-
le Sérail recèle
deurs.
Malgré ses inquiétudes, Nointel
miique.
Le
7 mai, dès l'aube, lui et les siens se
nnisulmanc, qui borde les rues
temps de gelée
(lu
tient à jouir
de ce spectacle
mêlent à
la foule
chemins; bientôt, par un
et les
un ciel limpide, les portes
commence. Voici les queues de
au bout de longues hampes bariolées, et les
(pii
durcit le sol, sous
palais s'ouvrent et le défilé
cheval,
flottant
étendards de satin vert, zébrés d'inscriptions.
roule, imposant, superbe, |)lus
beau que
Un
cintège se dé-
celui d'un roi
d'Europe;
un second ensuite, puis un troisième, un (juatrième, un cin(juième, six enlin,
principaux
exactement
pareils.
Ce sont ceux des
vizirs, les vizirs de la route, qui tiennent
voûte ou coupole attenant à l'appartement impérial
la
(1) Ci.xi.i.AXD,
Icl
1671
.suc
t.
une
\. p
117. [-20. Cf
sortie analoKUC.
une
letlie
six
séance sous
('t
dont
de Nointel en Jale Ju2i juil-
LES VOYAGES DU MAHQUIS DE XOIXTEL
94
Kupruly
sonne
est le plus élevé
en grade.
Ils
ne paraissent pas en per-
mais leur maison, leur cour, avec un
clans ces cortèges,
détachement des troupes diverses qui composent l'armée otto-
mane, avec un échantillon de tous ses types
Delis
:
à l'avant-garde les
ou fous, fous d'intrépidité, porteurs de lances au liout des-
quelles palpitent des flammes multicolores; après eux. les fantassins arnautes, bosniaques, esclavons. en fustanelle plissée,
en veste courte qui laisse passer
chemise bouffante
la
;
puis la
féodalité ottomane, les possesseurs de ziamets et de spahiliks, de
iiefs militaires
,
seigneurs bannerets de l'Orient. Ces cava-
les
avec leur cape de
liers,
fer. les tresses d'acier
qui pendent le
long de leurs joues, leurs brassards, leurs gantelets
arc, leur targe de cuivre,
,
évoquent des âges disparus
leur grand
et
des épo-
pées lointaines. Chacun mène à sa suite un groupe d'icoglans,
écuyers coquets, mignons armés en guerre, dont
berbe
«
la
et
Vénus sous
efféminée
grâce
les habits
le
visage im-
rappellent à l'honnête
de Mars
(1)
"
.
Galland
Et partout une étonnante
diversité d'armes, de harnachements, de costumes, d'ornements,
mille variétés de coupes et de nuances
;
des heurts de couleurs
crues et des liarmonies de tons clairs, des étendards couleur de
sang, des vestes de teinte jaune, incarnat, aurore, orange, bleu
de
ciel;
autour des bonnets de fer luisants et polis, des enroule-
ments de gaze jaune
et verte
:
des vestes de satin jetées en sautoir
sur les armures des masses d'armes pendues à larçon des selles,
;
des étriers triangulaires, des arcs et des carquois coloriés, vernissés, laqués, enfermés dans un
treillis d'or;
des houppes du
soie descendant des coiffures et floconnant entre les épaules, des
peaux de
tigre et de léopard faisant
poitrines des pattes griffues
«
manteau
et croisant sur les
en manière de ciiape
{2) »
;
des
écharpes de satin passées au cou des chevaux et fixées sur
devant par un
nœud
le
d'où descend sur le poitrail une queue de
clieval marin, et ftnis ces détails inattendus, fantasijues, extraor-
dinaires.
(|
ni su rpi-ennen ta
(1) T. I. p. 130.
(2)
GALLAXli,
t.
I,
p.
127.
chaque instant et déconcertent le regard
RENOUVELLEMENT DES CAPITULATIONS
95
des Européens, se fondent pourtant dans un lumineux ensemble.
Après
sixième cortège, une interruption se
le
de la marche
et l'éclat
:
fait
la science et la loi défilent
Le
équipage, d'une pauvreté voulue.
dans
luxe
le
en modeste
sandjak de la Mecque, les
émirs descendants du Prophète, reconnaissables à leur turbaii
vert,
un émir juché sur
une méchante mule galeuse
«
»,
les
grands Juges avec leurs monstrueux turbans, passent en désordre, figures bizarres ou grotesques. Cette
de
loi »,
comme
dit
Nointel
précède
(1),
racaille de
gens
hauts fonctionnaires
les
précèdent
les six vizirs, et ceux-ci
de rÉtat,
«
le
Coran, porté sur
un dromadaire conduit par un Arabe.
A
de cet appareil religieux,
la suite
prend avec plus de
faste, et tandis
la
pompe
qu'au loin
chameaux,
bales énormes, portées sur des
se
sourds du tamiiourct au concert des instruments,
pareille des
costumes
et d'argent, les
et
lui ce qu'il
dhommes
tiers et
croupe ondulant sous
dant une double
du cliemin,
et à
file
les
de leur habillement s'accroît
le
doux,
meutes frémissantes,
le poitrail étoile
semblent tout d'or de
:
'>
mai
deux côtés
somptuosité
devient inouïe, écrasante.
aux pieds,
partent tous ces rayons.
l'oiiiiioiiii<\
elle
les
jiassent, la
d'or, vêtus d'or, chaussés d'or
la tète
IG7(i
Les
de pier-
velours et sous la soie. Cepen-
iiommes
vante avenue, voici l'empereur,
Lettre à
les
de gardes à pied s'allonge sur
mesure que
Les derniers sont casqués
(1)
;
à cheval dont ciiacun porte en croupe
tigre appri\oisé, dressé à chasser le lièvre.
chevaux de main passent
reries, la
l'oiseau
de brocart et parés de colliers; les
aux longues lippes pendantes
une espèce de
sans
estime son principal trésor,
Les fauconniers s'avancent,
les lévriers vêtus
une bande
la richesse
roue, annoncent l'approche du maître.
la
ses équipages de chasse.
limiers
mêle aux coups
armes^ les dalmatiques roides d'or
et des
conduire devant
au poing;
de cvm-
casques de vermeil, les aigrettes arrondies en
queue de paon faisant
Il fait
guerrière re-
le fracas
le
et
:
ils
au fond de cette mou-
maitii', le
dieu, soleil d'où
.
LES VOYAGES UU MARQUIS DE .\OINTEL
96
Il
a échangé la lourde coili'ure de paix contre un casque arrondi
autour de ses tempes,
dème des
un léger turban vert s'enroule en
tresses d'acier encadrent son visage
;
un bouquet
d"aigrelles s'enlève frémissant.
;
dia-
sur son front,
:
Sa poitrine
et ses
épaules vêtues de fer se dégagent d'un manteau de brocart à fond
rouge, dont un esclave à pied soutient les
maître et
fait flotter
plis,
du
qu'il jdétache
sur la croupe de sa monture.
Le
basané
teint
du monarque, bruni encore par les longues courses à travers
bois, lui donne un air de martiale énergie. A ses côtés et derrière
lui,
on porte en cérémonie ses armes, cimeterre, arc,^carquois,
mousquets, targe, ses turbans de rechange, l'aiguière pour
les
ablutions; et tous ces ornements couverts de diamants et de
rubis ou
d'une prodigieuse quantité de perles
«
pourpre des
a
ètements, la juagnificence des caparaçons,
toiement des étoffes précieuses,
et la
,(1) », l'or
l'éclair multiplié
cha-
le
des métaux et
des pierreries, mettent autour du noir calife un épanouissement
de splendeurs.
Galland est en extase
nois, carrousels,
beau
;
il
:
il
a vu des
mascarades
songe que
«
et
«
jeux
entrées, triomphes, tour(2) », et n'a^rien
lui
si
Mlle de Scudérj' avait pu se forger
si
dans l'imagination quelque chose de semblable,
avoir représenté avec
vu de
et
qu'après
crayon de son élégante plume
le
,
l'y
elle
eût donné place dans quelque endroit de ses ouvrages, tous
ceux qui
y
prennent
plaisir à
cause du vraisemblable qu'elle a
toujours lâché d'y observer, n'en feraient plus la
même
estime
après avoir lu ce morceau, qui, bien loin deleur paraître vraisemblable à l'ordinaire, leur paraîtrait encore au-dessus des extra-
vagances des paladins et de nos Amadis de Gaule
Ses yeux, saturés de spectacles,
cerner la
fin
du cortège
glans, son bouffon qui
:
fait
lui
derrière le
(1) (jALLA.Mj, t.
(-2)
I.
|p
Kilt.
Ibid.. p. 122.
(A)lbid.,
\^.
\1t,
li':i
permettent encore de dis-
Grand Seigneur,
semblant de
son carrosse à six chevaux blancs, sa
(3j »
ses ico-
veiller à tout et s'affaire,
litière
de drap rouge sup-
Ki:.\(iuvF.i,i.KMi:.N
portée par quatre mulets;
caitii latihns
i)i;s
1
le daiulineinciit
<.n
de soixante chameaux
portant le trésor dans des coffres; enlin, pour fermer la marche,
une colonne de janissaires
de
et
tcliaouchs lente
cheminant longtemps, interminablement,
qu'en tout
le
défdé a duré
et
Galland s'aperçoit
heures. Près de
cin(j
prépare lui-même
à s'écouler,
Nointel par-
lui,
tage son enthousiasme
;
récit qui
au lecteur une impression
sement
doit
il
les
éléments
d'
un
d'éblouis-
pourtant, au plaisir d'artiste qu'il éprouve se mêle
(1);
une anxiété
:
en
échapper,
laisser
voit le liouvernement avec lequel
il
quelque sorte,
il
traite lui
dans cette
s'évanouir
et
apo-
théose.
Résolu de mettre à
avant la levée du camp,
mais au
reis-ldUtb
profit les
il
quelques jours
ne s'adresse plus seulement à Panaiotti,
ou ministre des
montre pressant, impérieux,
le soir,
Capitulations. Seul,
et arrache
un interprète grec gardait
:
il
se
une promesse
crut avoir cause
le
silence et ne
connaissait la politique des
Turcs et savait qu'elle ne cède jamais
Lorsque
enfin
t'ois, il
il
à sa table, on but au renouvellement des
partageait pas cette allégresse
la possibilité
étrangères;
affaires
formelle sur la plupart des points. Cette
gagnée, et
restent
(pii lui
le
terrain sans se
ménager
d'un retour offensif.
les
articles
des Capilulations eurent
étt-
dressés,
présentés à lambassadeiu- et traduits par ses drogmans,
trouva que les ministres de
la
il
se
Porte avaient su, mettant à profit
avec une habileté perfide les subtilités de leur langue, atténuer
leurs
engagements
l'article relatif
et réduire
aux religieux employait
celui de Francs, qui s'appli(jue
dentaux
:
nos avantages. C'est ainsi que
dans
c'était réduire la protection
le
le
mot de Français
Levant à tous
et
non
les Occi-
du Koi à ses seuls
sujets,
au lieu de l'étendre à l'ensemble des missions; la différence
était
essentielle.
L'article
concernant
la
mer Rouge
fîe:urait
Pomponne le complimenta ainsi sur sa relation « Le iloi a entendu
avec plaisir celle ([ue vous m'avez envoyée de la sortie du T.rand Scipncur i)our l'armée Difficilement peut-il y avoir rien de plus grand et de
plus mjiL'nifi(pic » Lcllrc du :>{ juillet lOTi. écrite de llollaiule
(1)
:
lire
7
!)S
LES VOYAGES DU MAHUUIS DE XOINTEL
bien dans
le
cette voie
aux marchandises venues des Indes, sans
texte nouveau, mais tronqué, ouvrant passage par
faire
mention
de celles qui seraient apportées de France. Pour les sujets des
États sans relations officielles avec la Porte,
non obligation de naviguer sous nos couleurs
ils
pourraient aussi bien arborer
v avait faculté et
il
:
en conséquence,
pavillon d'Angleterre ou de
le
Hollande, au détriment de notre antique monopole
Désolé
Il
et
(1).
furieux, Nointel réclame des additions, des retouches.
se rend au
camp,
du
se fait introduire sous la tente
bougera jusqu'à ce que
et déclare qu'il n'en
wis-kitiih
le vizir lui ait
donné
une réponse personnelle et directe. Mais le vizir, sous prétexte
de faire ses adieux à ses femmes, s'est enfermé dans son harem
:
c'est
un moyen de
ment
se rendre inabordable.
qu'il s'est choisi,
toires
:
d'abord
il
emportées
il
et
n'a (ju'à s'en aller (2).
(|ue différé; le
n'est
et contradic-
furibondes
ton change; ce sont des finesses et des ruses
ment des Capitulations
du retranche-
l'abri
rend des oracles ambigus
des paroles
l'ambassadeur n'est pas content,
le
A
:
le
«
:
»
Si
Puis
renouvelle-
Grand Seigneur
statuera sur les difficultés soulevées par la France; seulement,
en vertu du cérémonial musulman, dès que
le
commandement
de ses armées,
se trouvant toujours à cheval;
il
il
le
monarque a
doit être considéré
faut
pris
comme
donc (pe ses ministres
attendent une occasion favorable pour s'approciier de l'wétrier
impérial
«
et recueillir les arrêts infaillibles qui
»
tombent de ce
trône de campagne
».
Bientôt, la lourde
masse de l'armée s'ébranle, s'éloigne vers
le
Nord. Poussé à bout, Nointel envoie l'un de ses drogmans à
la
poursuite du
couchée, de
et
le
avec ordre de
vizir,
relancer;
il
fait dire
le
rejoindre à la première
que sa mission est terminée
réclame des passeports pour rentrer en France. Kupruly
consent à
lui laisser
reprendre
met pas de s'eml)ar(juer;
liiinans nécessaires;
(1)
Nointel
{±) Ibid.
:i
il
l'oiiipimiic,
il
le
cliemin dePéra. mais ne lui per-
lui
refuse les
autorisations,
les
ne désespère point de dompter sa résisI''
juin t67i.
tance
et,
N
K
Il
V
sans
\
ELLE
MEN
P
I )
i:
S
lui laisser la iilierlé
(
:
A
de
ULAT1
T
1' 1
retraite,
la
NS
!)9
veut
le
con-
traindre à capituler.
Nointel dut rentrer une seconde fois à Constantinople les mains
vides,
sans ces Capitulations qui eussent
surcroît d'infortinie.
avait à se
il
prisonnier des Turcs en
même
fait
demander
s'il
sa gloire; par
notait point
le
temps que leur dupe. Dans ses
dépêches, son dépit et sa colère s'exhalent en termes courroucés
contre ces mécréants, ces maudits, dont la mauvaise
apparaît insijine
termes fastueux
foi
lui
Qu'ils prennent tant qu'ils voudront des
«
:
Toutes ces choses sont des
et iiyperholiques
folies et des égarements prodigieux dans lesquels lorgueil les
précipite, et
qui ne nuisent qu'à
manquent de parole
à
eux-mêmes; mais
un ambassadeur,
lorsqu'ils
changent tous
qu'ils
les
jours de propositions, qu'ils retranchent celles qui sont accordées,
qu'ils font
donner des mémoires de temps à autre où
il
y a tou-
jours sujet de dispute et qu'ils font des incidents mal à propos,
l'on
peut croire ou que
le vizir n'a
point eu dès
de véritable dessein de conclure, ou
le
commencement
(jue l'intention
qu'il
en
avoit a été changée par l'avis qu'il a eu de la guerre ouverte du
Roi contre
les
Hollandais, qui
lui fait
croire
n'insistera pas davantage de ce cùté-ci (1).
que Sa Majesté
»
III
LES CAPITILATHINS
A
AND
II
1
Ml P L E.
Constantinople, Nointel s'interrogea sur
Auparavant,
il
la
conduite à tenir.
avait repris ses instructions, voulant obéir ponc-
tuellement au Roi
:
«
J'ai
écrivait-il, et quoiqu'ils
(1)
I)
consulté ses ordres tout de nouveau,
fussent bien gravés dans
Nointel à Pomponne, t" juin Hj'i.
ma mémoire,
LES VOYACRS Df "MAROtlS DE NO INTEL
100
je n'ai pas laissé de les relire plusieurs fois (1). »
Ces instruc-
lions lui prescrivaient forniellemenl de rentrer en
France
Porte n'accédait point à ses demandes;
en outre,
elles lui
Turcs faisaient mine de
si les
le
si la
commandaient
retenir après s'être
refusés à tout renouvellement favorable, de leur déclarer qu'il
ambassadeur
n'était plus
et
de ne laisser entre leurs mains qu'un
simple sujet du Koi.
Le cas ne
« la
lui
parut point assez désespéré pour qu'il accomplît
simagrée prescrite
tèi'e
dont
l'esprit
il
(2) »,
était glorieux.
pour
qu'il se dépouillât
Cependant,
il
d'un carac-
lui vint plusieurs fois à
de s'enfuir sulu'epticement à bord du Diionant. toujours
mouillé dans
le port; le
bâtiment appareillerait aussitôt
Mais ce départ
drait le large.
furlif. précipité,
et
pren-
prenant l'aspect
d'une évasion, serait promptement connu. Les Turcs tenteraient
probablement d'arrêter
il
le
vaisseau au passage des Dardanelles;
faudrait essuyer le feu de leurs batteries, engager
une action
de guerre qui j)0urait mal tourner, chose grave et d'incalculables
conséquences
à fond, un
:
«
un vaisseau de l'importance du Diamant coulé
ambassadeur perdu, sont des engagements dans
Sa Majesté ne veut point entrer
lesquels assurément
admettant que l'on pût forcer
Ainsi,
qu'il tenait
lui,
de tous côtés. Nointel se heurtait à des difficultés,
avec des dépèches éplorées où
ses perplexités,
sohil
pour
le
où
il
le
demandait appui
moment
initiative, àlaisserles
la
En
à é\ iter?
presque à des impossibilités. Finalement,
sans
».
chargé d'une mission de paix, d'avoir
à son ambassadeur,
ouvert des hostilités
(3)
passage, le Roi pardonnerait-il
le
à
il
il
renvoya
le
Diamant
peignait au ministre
et direction, et
il
se ré-
ne rien brusquer, à ne prendre aucune
événements décider de son
sort. Peut-être
Porte reviendrait-elle à de meilleures ilispositions: peut-être
Roi enverrait-il devant Constantinople une escadre qui
recueillerait et lui permettrait de se retirer
(\)
Nointel à l'om|iomie,
(2) Ihid.
(:{)
Ihul.
(i
juin Ki":*.
le
dignement. En attcn
REN
(laiil, il
K
IJ \
1 .
1 ,
1 :
M
!•;
NT
I
•
l'.
S C
AIM T T L A T IONS
temps entre Constantiuople
passait son
lui
de
et le village
Belgrade, résidence d'été des ambassadeurs, lieu verdoyant et
aux brises rafraîchissantes de
paisible, ouvert
il
des dames grecques, dans
de leurs danses
Noire. Là,
spectacle de leurs
le
l'objet principal de sa mission,
il
il
ne peut contenter
tâche de
lui
factions à côté; c'est l'instant qu'il choisit
avec une
lettre
pompeuse,
point de croyance
les résultats
svnode
et
Roi sur
lui
salis-
adresser,
de son investigation sur
et
A
de la Transsubstantiation.
s'est réuni,
le
ménager des
pour
charge d'éclaircir.
qu'il avait
désormais d'attestations isolées, précises
en faveur
amusements
(i).
Fidèle à sa coutume, connue
le
mer
la
trouvait quelque consolation h ses disgrâces dans la compaiinie
Il
s'agit plus
souvent indignées,
Constantinople,
composé de cinq patriarches
neuf métropolites. Cette assemblée a rendu
ne
et
un
de trente-
et
transmis
ofliciel-
lement à l'ambassade une décision doctrinale, portant que la foi
en la présence réelle est conforme à la tradition constante et
ininterrompue de l'éghse grecque.
En même temps,
ties
de l'empire;
oriental.
des
Après
îles, le
l'enquête s'est continuée dans toutes les par-
le
clergé de
lointain
«
ainsi
que
le
la
Grèce continentale, après
celui
patriarche général des Arméniens (2)
donné son adhésion;
même,
poussée jusqu'au.^ confins du monde
elle a été
le
patriarche grec d'Antioche a
fait
»
a
de
patriarche des Coptes, dont la religion est
A
aussi celle des Abyssins.
côté
plus hautes
des
autorités
ecclésiastiques, que de simples prêtres, que de groupes chrétiens,
ennemis des Latins, ont pourtant solennellement déclaré
(|u'ils
partageaient leurs croyances sur
«
(1)
I^'on s'y divorlil (n
le
grand objet en cause!
IJelgrade) assez bien, l'on
y
vit
avec plus de
plus fréquemment, et, chacun portant son
plat, l'on mange souvent ensemble auprès des ruisseaux et des fontaines.
Les femmes, lesquelles à (:onstanlino[)lc airectent beaucoup de retenue et de
modestie pour se conformer h l'usage du pavs, font voir dans ces lieux leur
iilierlé
qu'à la
ville, l'on se visite
enjouement el leur galanterie; elles emploient le jour et la nuit au divertissement des danses et <les promenades, pour se récompenser du [)eu de
liberté qu'elles ont à la ville • Mànoires de La Croix, t. I, p. I(i3
(2)
Celait vraisemblaliliMnciit
le
calhoUcos d'I'ltchmiadzin.
LES VOYAGES DU MAUQUIS DE NOINTEL
102
Ainsi l'unanimité est absolue;
pas une discordance ne s'est
produite, et c'est une gerbe d'attestations, c'est le fruit d'une
abondante
et
complète récolte,
pieds du Roi, en
dont
nom
le
qu'il est
permis de déposer aux
hommage au monarque protecteur des chrétiens,
masse des
seul a provoqué cette levée en
ments communiqués par Nointel furent publiés par
ment
même honneur
sa
la foi;
parut digne de clore victorieuse-
la controverse.
Au lendemain
de ce succès d'un genre particulier, les affaires
turques se rappelèrent à
jour,
et
de
les soins
Nicole et d'Arnauld dans les annales de la Perpétuité de
lettre eut le
églises
Les docu-
dissidentes en faveur du mystère de l'Eucharistie.
il
vit hisser
drapeau
«
lui
de façon pittoresque et bruyante.
au-dessus du Sérail, en signe de joie, un grand
bariolé de diverses couleurs ».
En même temps,
batteries de la Pointe annonçaient l'heureux début de la
pagne contre
les Polonais et la prise
rempart de
forte,
Un
la frontière
les
cam-
de Kaminietz, place très
ennemie. Ces triomphantes nou-
velles donnèrent lieu à des réjouissances dont l'éclat se manifesta
surtout après le couclier du soleil, suivant la
et Nointel,
l'affût
sion
coutume
orientale,
passant du grave au plaisant, se tenant toujours à
de ce qui pouvait distraire et amuser
bonne pour intercaler dans
le
Roi, trouva l'occa-
sa correspondance le tableau
d'une nuit de fête à Constantinople.
i
les
Le
soir sur les sept heures, raconte-t-il.
démonstrations de
deux jours
Sérail
la joie publique,
que
Ion a commencé
l'on a continuées les
et nuits suivantes: l'on n'a tiré <|ue la nuit, et le
connnençant par quelques décliarges de mousqueterie
et
de boîtes, et par trois autres de quatre canons chacune, l'Arsenal, Scutaret (Scutari), la lour de
Léandre,
mer Noire, Topana et les vaisseaux marchands
répondoient de leur
artillerie. Il n'y avoit
fenêtres des palais du
Grand Seigneur
les
la
des lumières (]u*aux
et des
Porte, et l'on tenoit en quelques endroits,
châteaux de
chrétiens et autres
principaux de la
comme
le
long de la
marine, auprès des murailles du Sérail, aux douanes et aux
remises des galères, de gros flambeaux allumés, dont
la
matière
KENOLVEM.EMr.NT DES CAPITIJLATIONS
est
composée de
ces lieux
il
tissoient à leur
sèche et bitumée,
toile
y avoit
103
dans quelques-uns de
et
beaucoup de canaille attroupée, qui
se diver-
manière sur des escarpolettes, ou bien en fumant
l'on vovoit aussi de
grandes estrades élevées,
et
avançant sur
:
la
mer, ornées de verdure, d'oripeaux, et éclairées par des lampes,
où plusieurs Turcs de quelque considération étoient
assis sur des
carreaux (coussins).
«
janissaires, qui consistent en
Les odas (casernes) des
une
grande galerie étroite et élevée, couverte d'un plafond doré en
plusieurs endroits, et d'un côté de laquelle incrusté poin- la plus
grande partie de carreaux de
chambres y avant des cours de
sont
faïence,
les
des
portes
l'autre côté, étoient d'un bout à
l'autre remplies de lampes, de verdure
et
de diverses représen-
tations de sièges de villes.
«
Le
quartier des selliers rendoit un fort bel aspect non seule-
ment par
la largeur,
la
longueur
et le
grand nombre de ses
rues, qui suffiroient pour une ville considérable, mais encore par
la disposition
de ses lumières, des selles de velours et de cuir
et des étuis et bouteilles
de la
même
matière,
qvii,
étant couverts
d'une belle broderie d'or, servoient de tapisserie aux boutiques;
elles sont h la
et l'on
hauteur d'appui de ceux
V voit
les
un
Le Besestain où
lieu
passent dans
marchands couchés sur de beaux
appuvés sur des carreaux de velours
«
(jui
se
vendent
voûté de pierres de
et
la rue,
tapis,
et
marchandises, qui
est
de brocart.
les riches
taille, fort élevé,
un peu
étroit
pour
son élévation, a une rue qui le traverse dans le milieu, et qui est
croisée par une autre, et elles aboulissenl toutes deux à une troi-
sième, qui règne tout autour
Les boutiques placées
le
long de
ces rues étoient tapissées de brocart, velours, damas, et de plusieurs sortes d'étoffes précieuses; quelques bijoux de grand prix
y rcstoient attachés, et quantité de gros flambeaux d'argent,
avec de grosses et grandes bougies, servoient à éclairer ce lieu.
Durant toutes
les nuits destinées à la joie
publique l'on y va
achète librement aussi bien que dans les autres endroits,
Besestain avant
le
privilège d'être alors ouvert et
même
et
le
tout le
LES VOYAGES DU MAHOIIS DK NdlXTKL
-lOi
jour, ce
«
un autre temps, pendant lequel on
deux ou trois heures cliaque journée.
libre dans les autres quartiers des marchands
n'arrive pas dans
(jui
n'y peut entrer que
L'on a l'entrée
tout le jour, et
non pas
faut
il
Les transports de
fort paisiblement.
lieu à
commerce nocturne
la nuit, ce
accordé qu'aux solennités, mais
aucun excès, parce que
le
avouer
n'étant
passe
qu'il se
ne donnent
joie publique
peuple, qui se trouve en foule
en certains lieux, ne songe qu'à se réjouir en chantant.
même
en a
déguisés
la
ainsi
:
tchorhadjis,
quelques-uns qui dansent,
les
compagnies
de
que l'on voit couler dans
et
Il
y
beaucoup qui sont
avec
janissaires
leurs
ne sont que pour
les rues,
forme.
«
Les moindres boutiques ont leurs ornements de verdure
de lampes, et
il
n'y a eu que la
paroitre durant les trois nuits,
mer sur
si
volantes qui étoient médiocres
et
laquelle on n'a rien fait
en excepte quelques fusées
l'on
(1). »
Nointel observait cette allégresse, mais ne s'y associait nulle-
ment.
Il
au contraire, prévoyant que
s'en aflligeait
Kaminietz grandirait encore l'orgueil de
rait
ses résistances. D'autre part,
France une
escatlre liliératrice.
point sa conduite
rester,
;
la
de
Porte et encourage-
ne vovait pas arriver de
savait que le Roi ne blâmait
des dépêches de la cour l'avaient autorisé à
mais sa situation mal
nait intolérable. Et
secours, pour
Il
il
la prise
il
définie,
en se prolongeant, deve-
se rongeait d'iii(|uii'tudc. apjielani à son
le tirer
de peine, quehpie cv(''iu'nient providen-
tiel.
Ce miracle, Louis XIV l'opéra. Le contre-coup de ses
toires en Europe se fit sentir jus([u'en Orient, \int assurer
fois la délivrance et le
succès de son envoyé.
droyante de ses premières entreprises contre
c'Oimue à Constantinople presipie en
Kaminietz
:
le
Grand Seigneur
avait pris (puu'anle-cinq.
(1)
même
une
à la
La
réussite fou-
la
Hollande fut
temps
avait pris
Les bulletins qui
vic-
(pie la
chute de
ville, le
Roi en
se succédaient appor-
Archives des affaires étrangères. Conslantinoplc.
l.
X,
1'"
l~[i.
UKNOrVELLEMENT DKS CA ITLLATIONS
105
l'
laient la nouvelle de faits de guerre sans précédents
grand fleuve,
le
Rhinherg, Arnheim, Doëshourg, toutes
lune après l'autre, et
aux coups du vainqueur (i).
ligne tombant
s'offrant
La république
c'était
:
un
Rhin, franchi sans coup férir; c'étaient Wesel,
première
les places de
Hollande démantelée
la
des Provinces-Unies jouissait alors d'un prestige
hors de proportion avec sa force réelle; par son énergie, son
activité, sa
hauteur insolente, sa persistance à se mêler de tout,
ce petit État s'était haussé dans l'opinion au niveau des plus
grands,
un rang que ne
ii
tion, ni l'étendue
de son domaine continental.
vu que depuis plusieurs années
la
première place
;
de sa popula-
justifiaient ni le chiU're
il
tenait
En
Orient, on a
ou au moins
disputait
frappés de ses progrès et prodigieusement
ignorants en géographie, les Turcs se figuraient la Hollande
comme un
vaste empire.
avait eu raison de cet Etat
La
«
facilité
avec laquelle Louis
qui s'en faisait accroire (2)
» et
XIV
con-
quis en quelques jours la plus grande partie de son territoire, les
jeta dans la stupeur.
Avec ce goût
et cette science
de la représentation
qu'il
possé-
dait extraordinairement, Nointel grossit encore l'effet de
victoires
bra.
la
manière dont
convoqua solennellement la«nation
Il
après
aux yeux des Orientaux par
le
chant du Te
Deiini,
il
»
«
On
tira
au palais de France;
et surtout
deux cent cinquante coups de canon,
leur bruit niclé avec celui de Vice
qu'il se
nos
les célé-
y eut banquet, illumination; les
témoignages de l'allégresse nationale furent publics
retentissants.
il
perpétuoit par le
le
et
Roi! ne linissoil pas, parce
moyen des échos de
la
mer et des mon-
tagnes, se faisant entendre à Constantinople, à Scularet, sur le
Rosphore
On
gneur.
(I)
(i)
et
dans
les îles à dix lieues
de
là (3) ».
peut dire qu'il se répercuta jusqu'au
A
ce
camp du
moment, Mohammed IV achevait
Grantl Sei-
assez péniblement
Vnvez RoissET, t. I, p. 357-37-1.
Nointel à l'omponne. I" octobre 1673.
(3) Nointel à Pomponne. 28 juillet l(J7:i. Celte dépèche a été publiée par
M. ScHEFER en appendice au t. I du Journal de Galtand, p. 271-273.
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOI.NTEL
lOG
campagne contre les Polonais,
ment n'avait pas eu de lendemain.
sa
son succès du commence-
et
avait trouvé des adversaires
Il
valeureux, des passages de rivières fortement disputés, un climat
affreux, des boues, des déserts
Quand
les
brusqua avec
il
où avait fondu sa grande armée.
maladies et les privations
les
eurent réduite de moitié,
1
Polonais une paix très favorable, mais
A
précaire, et repassa le Danube.
l'annonce de nos victoires,
ministres cherclièrent d'abord à leur opposer la prise de
ses
Kaminietz
et à leur
égaler cet unique avantage. Leur incom-
mensurable orgueil prétendit découvrir entre leur fortune
celle
de
la
France de mystérieuses
compliment,
fort expert
quelque constellation
pires (1)
».
:
et
par manière de
firent dire à Nointel que, d'après l'observation
ils
du Grand Seigneur,
«
affinités
Mais
la
en astrologie,
il
devait y avoir
également favorable aux deux em-
disproportion entre les résultats obtenus de
part et d'autre était trop flagrante pour qu'elle pût leur échapper; leur obstination en fut brisée, et leur soumission résulta
indirectement
la défaite
ib-
des Provinces-Unies. Lors(jue la cour
eut repris à Andrinople ses quartiers d'hiver,
disposés à entrer en
accommodement
toutefois de leurs formes superbes et de
et
en écritures
le
grand
«
se montrèrent
sans se départir
leur faste en paroles
».
Nointel avait
nople;
ils
définitif,
demandé
la
permission de retourner à Andri-
vizir répondit
par
la lettre
suivante
:
Le plus grand des seigneurs de la nation du Messie à présent
ambassadeur de l'empereur de France résidant à Constantinople,
«
le
seigneur de Nointel, que sa
«
Pour vous donner un
fin soit
sur la permission que vous avez
à la Porte,
dans
la
le
il
heureuse.
avis sincère, l'on
vous est libre de
vous
fait
savoir que
demandée de vous transporter
le faire
pourvu que vous y veniez
dessein de vous y conduire d'une manière convenable à
mutuelle correspondance, et qu'avec une ferme intention de
ne point blesser
(I)
la
grandeur de l'heureuse Domination, vous vous
Nointel à Pomponne, 15 novembre 1672.
RENOUVIU.LKMKNT DES CA
serviez de paroles et de
Capitulations. Ainsi
il
moyens
l'
lir
ATIONS
1.
107
suffisants au rtMiouvellement des
ne faut pas vous fatiguer en vain par des
prétentions inutiles et hors do propos, coiniue vous en avez usé
par
passé, vous étant conduit de
le
qu'après mille
ttdle laiton
contenus dans vos requêtes, ayant impétré de
efforts
la
faveur de
Sa Hautesse Impériale l'article de la douane, vous avez de nouveau par vos étranges demandes préjudicié à la conclusion.
«
Ce
que
n'est pas de la sorte
perfection, principalement
l'on conduit les alfaires à leur
quand ceux de qui
elle
dépend sont
résolus de l'accorder seulement pour donner un ti^noignage de
leur courtoisie, et c'est avec ces pensées que je salue celui qui
règle sa conduite sur cidle de Dieu
Cette autorisation
(1). »
conditionnelle,
s'était familiarisé à ses
dépens avec
le
mais Nointel, qui
ton et le style de la chan-
ottomane, ne s'en émut pas trop;
cellerie
d'admonester
cette façon
d'engageant:
l'ambassadeur, n'avait rien
connaissait par
il
d'autres avis que la Porte désirait en linir et que
1
on ne dispute-
rait plus sur certains articles.
Il reflt
On
1673.
il
pour
le
la
troisième fois
reconduisit dans
le
l'île
voyage d'Andrinople, en mai
où
il
avait
précédemment logé;
y eut un voisinage inattendu, celui de la sultane Validi', qui
s'était
décidée h rejoindre l'empereur son
fois à la cour, elle avait
amener avec
dont
la loi
aux sultans de
et lors
iiésité
fils.
Mandée
plusieurs
à venir, car elle devait
de Mourad IV,
elle les autres fds
elle avait la
homicide,
beaucoup
les derniers-nés,
garde, ft elle craignait pour eu.x la coutume
de sang, qui faisait prescpie une obligation
se débarrasser de leurs frères.
de larrivée,
elle avait
protection ombrageuse_;
qu'elle les sentait
le
d"l']tal
voyage
entouré les jeunes princes d'une
comme
menacés,
Pendant
elle les cliérissait d'autant plus
elle veillait sur
eux sans cesse
et les
couvait, ce qui n'empêchait point entre elle et le ]>adiscliah de
grandes démonstrations de tendresse.
Ils
(1)
se
visitaient
chaque jour. Nointel assista presque h ces
.\rchives des affaires étrangères. Constantiuople,
t.
.\.
.
LES VOYAGES DU MAHOl'IS DE NÔIXTEL
-108
effusions contraintes
:
«
J'en fus, écrivait-il.
car étant logé proche la rivière,
j'ai
\u
le
le
Grand Seigneur passer
l'eau dans
deux
avec
cinq ou six personnes autour d'eux...
lui et
petits
avec sa mère, et
Ce
le
fut ce jour-là
bateaux attachés ensemble ayant son
Il alloit
premier jour ïluissel.i sa favorite
s'y
prit le parti
trouva
(1)
qu'un de mes gens ayant rencontré la Validé
eunuques parce
de tourner
s'y vouloir jeter
:
la tète
qu'il étoit
du côté de
cette action attira la
au milieu d'un pont,
l'eau, faisant
vue de tourner la face de son
ne crains point
(jui
côté, car en lui disant
», elle lui jeta
mine de
compassion de cette prin-
cesse, laquelle ayant levé sa jalousie, obligea celui
«
fils
manger
trouvant dans l'impossibilité de gagner la campagne, et de
et se
fuir la colère des
il
témoin oculaire,
:
«
fuyoit sa
Garçon,
cent soixante-dix aspres qu'elle
de sa poche, et qui, ne faisant que (juatre livres cinq sols,
tira
doivent ser\ir de preu\e de la magnificence ottomane, qui consiste à se
tions
si
charger d'une monnoie
légères
Cependant,
la
cette fois outre
Toutefois, la
(2).
si
basse et à faire des distribu-
»
négociation avait repris;
mesure,
fierli'
et l'on se
elle
ne languit pas
mit assez facilement d'accord.
doublée d'atiresse des nmsulmans ne perdait
jamais entièrement ses droits. Obtempérant à plusieurs de nos
prétentions,
ture de la
ils
avertirent Nointel de ne plus insister sur l'ouver-
mer Rouge. Réduits
conserver les apparences de
à composition,
la liberti'
rement l'une de nos demandes,
celle
il
leur semblait se
en repoussant péremptoi-
et leur
choix
s'était porté
sur
qui leur permettait d'abriter leur résistance derrière les
commandements de leur religion.
Le nmfli lui jii'oduit en scène. On sait que ce chef
des musulmans était appelé à sanctionner chacun des
spirituel
actes de
Porte inté'ressant à un degrt' quelconque robser\ation de la
la
loi
du Pro]diète.
11
refusa la formule d'adjuiescement, le fetva
approbatif, aux articles
(-2)
eussent accordé à des chrétiens la
sultane favorite ou hasscki se iiomiii:iil alors Ilebiu-Gùliiiisli, ce qui
«
celle (jui a bu les roses du priuleinps »
Noinlel à l'omponne. Cf. Gallaxu, t. U. p. 71-72.
(I) i.a
veut
(|ui
(lire
:
HK.NOl'VEl.LEMENT DES
libre navigation
soit
par complaisance pour
la péninsule
fait
IMH
1.
ATI
NS
10!)
dans une mer voisine du tonil)eau du Propliète,
le
vizir, soit
quCj quasi moribond et sentant sa
emporter dans
A
i;
l'autre
Arabique
monde
(1). »
le
fin
par fanatisme et parce
procliaine,
«
il
voulait
prétendu mérite d'avoir protégé
Les longs atermoiements qu'on avait
subir à notre ambassadeur avaient épuisé
son énergie.
Il
n'insista plus sur la réouverture de l'ancienne route des Indes
€t sur la réduction des taxes supplémentaires qui
écrasaient
notre négoce en Egypte, se réservant de reprendre ultérieure-
ment
la question, si les circonstances s'y prêtaient, et d'en faire
accord séparé. Sur ce point spécial, mettant une
l'objet d'un
habileté supérieure
au service d'aveugles défiances,
les
Turcs
avaient réussi à écarter une proposition utile aux deux États et
sacrifié leur intérêt à leurs préjugés.
Sur
la plupart
des autres
points,, les articles
avaient été ajustés
dans une forme que Nointel jugeait acceptable. La réduction des
douane
droits de
à trois
pour cent dans toutes
l'empire, sauf l'Egypte, y figurait expressément.
les parties
Les
de
franciiises
de nos consuls, de nos nationaux, étaient amplifiées et mieu.x
précisées
on augmentait
;
les facilités
du négoce
et
on allégeait
ses charges. Sans astreindre positivement à l'usage exclusif de
notre pavillon les navires des
comme
non pourvus de Capitu-
Porte les admettait à l'arborer et à s'en couvrir
lations, la
«
Étals
ils
faisaient»
au temps passé
»,
ce qui était dans
une
certaine mesure confirmer et consacrer cette coutume.
le
commentaire des Capitulations envoyé en France,
la religion
trouve dans ce traité une protection aussi forte que
D'après
«
spéciale au
nom
de Sa Majesté, car non seulement tons les
reli-
gieux francs de Jérusîdem y sont maintenus dans la possession
de l'église du Saint-Sépulcre et de tous les Saints Lieux qu'ils
ont dedans
cvéques
et
deliors
et tous les
la ville (Jérusalem;,
mais encore
les
reUgieux qui sont dans l'empire ottoman
sont conservés dans la jouissance de leurs biens et l'exercice de
(I)
Nointel ù
Pomponne, 18
avril Ui7:i,
LES V0VA(;ES du marquis de NOIiNTEL
110
leurs cérémonies
imposé quelque
;
les églises sur lesquelles
Turcs avaient
les
pour en permettre l'entrée en sont déchar-
tribut
gées; le rélal)lissenient de celle de Saint-Georges en Galata est
permis, et la liberté accordée de dire la messe dans l'hôpital du
même
més,
et les
tort, et
Il
Capucins français y sont dénomautres en général, afin qu'il ne leur soit fait aucun
lieu; les Jésuites et les
qu'on ne puisse leur faire aucune avanie
(1) ».
est vrai qu'en ce qui concernait notre protectorat sur l'en-
semble des missions lalines, françaises ou étrangères,
des Capitulations,
tel qu'il fut d'aliord
et publié, présentait (|uelque ambiguïté.
Il
de ces termes plutôt
évèques
restrictifs
:
les
«
gieux de secte latine qui sont sujets de
sorte qu'ils puissent être
»
,
et
se servait tour à tour
la
et autres reli-
France, de quelque
de ces termes extensifs
Français et tous ceux qui sont sous leur protection
sorte qu'ils puissent être (2)
».
texte
le
traduit dans noire langue
,
:
«
île
tous les
(juelque
Toutefois, la Porte ayant eu plus
tard à donner elle-même l'interprétation des Capitulations de
1673,
l'a fait
de manière à prouver qu'elle avait reconnu alors
l'universalité de
venues d'Occident, quelle que
c'est-à-dire
religieux
:
notre protectorat sur les missions franques,
«
Le premier de
évêques dépandant de
la
fût la nationalité des
ces articles, a-t-elle dit, porte que les
France
et les autres religieux (jui
de quelque iiatimi ou
pro-
fessent la religion
franipie,
soient, loi'S(iu'ils se
tiendront dans les bornes de h'ur état, ne
espèce
seront jKiint trouljjés dans l'exercice de leurs fonctions
les endroits de notre
empire
oii ils
sont depuis longtemps
D'après cette déclaration positive,
l'acte
de
i(i73 ait
il
n'est
entendu transformer en
fait
qu'ils
,
dans
(3). »
pas douteux que
légal
une longue
tradition.
Il
ne restait plus
lations des
qu'il
mains du grand
recevoir
vizir.
solennellement les Capitu-
Cette formalité valut au marquis
|1| Doeumciil publié à la suite du Mémoire sur Vniiilinssmli' de France en
Turquie, par S.\ixt-I'riest. p. -43(5
(2| Arlicli's nouveaux, d'aiirés le texte publié par Tkst.\ et S.\im-1'rikst.
(3)
Capituldtiuus de iliO. Sainï-I'jukst,
p,
iW.
RENOL VELLEMKN
de nouveaux désagréments;
DES
r
CA
l'
IT T
I.
ATION S
Hl
semblait que Kupruly Uni jus-
il
qu'au bout à sauver sa vanité par sa mauvaise grâce. Par deux
fois,
il
fois, celui-ci
ne se contint plus;
il
éplorés
personnage de
le
den
savetier (1)
«
il
déclara n'en faire pas plus
le
S juin 1C73.
compagnons, Kupruly ne se
et ses
un instant de sa hauteur
on venait de
effet,
un
étui de velours
rées,
Grand Seigneur,
pas
;
manque
d'égards;
remettre au cours de la séance, dans
rouge, les Capitulations
longtemps attendues,
si
en lettres d'or,
lait,
lui
Recevant
départit
et de son impassibilité habituelles mais
Nointel ne jugea pas à propos de relever ce
en
ses drog-
».
grand jour arriva; ce fut
l'ambassadeur
comme
user moins rudement avec un
cette considération,
de casque d'un
Enfin
suppliaient
le
la
reçut fort mall'rt^a ou
ofOcier qui venait lui annoncer la remise, et
mans
A
promit une audien(;e. puis ajourna l'ambassadeur.
seconde
le chiffre
le toitijhra,
et sur le
si
ardemment
dési-
précieux parchemin
formé des
bril-
initiales entrelacées
du
l'estampille auguste, qui donnait à
l'acte sa pleine authenticité et constituait la signatui'e impériale.
Quelques semaines après, des crieurs se répandaient dans
Paris
les
:
c'était le
mode
alors en usage pour
nouvelles à sensation.
annoncer au public
proclamaient cette fois
Ils
vellement de l'alliance du Grand Seigneur avec
blissement de
ottoman
France
Roi
renou-
et le réta-
par M. de Xointel, dans l'empire
la foi caliiolique,
Dans ces termes,
(2).
le
le
et l'islamisme n'avaient
la
nouvelle était exagérée.
La
pas encore abjuré leurs préten-
tions réciproques et refait leur pacte d'alliance. Notre succès
était
cependant sérieux, moins par ses
ses conséquences possibles.
liti'
de traitement avec
En
effets
immédiats
([uc
par
obtenant pour ses produits l'éga-
les nations les plus favorisées,
en faisant
reconnaître son protectorat religieux, la France se donnait les
moyens de
ressaisir dans le
commerciale
(1) (;alla.M).
(i)
t.
II.
S.vixt-Phikst.
p. !m9-970,
Levant son ancienne suprématie
fondement de sa grandeur mo-
et y consolidait le
1144.
p
91
d';ipi-és
Arvieux,
p.
230. Cf.
la Gazette de
France, 1673,
112
raie.
LES VOYAGES DU MAKQUIS DE NOINTEL
La guerre de Louis XIV
économique autant que
contre les Hollandais, guerre
politique, dirigée à la fois contre la con-
currence universelle de ces hardis marchands
tention à borner dans le
avait
Nord
le
et
contre leur pré-
progrès territorial du rovaume,
pour conséquence indirecte de Jious rou\Tir l'Orient.
""1
\-l
--i.-.,
.
CHAPITRE
IV
VOYAGE DES ÉCHELLES
I,E
UKBIT ET CAKACTKrtF.
ItU
VOYAGE.
Nointel n'attendait pas sans quelque anxiété
le
jugement du
Roi et des ministres sur son œuvre. Les Capitulations paraîtraient-elles
suffisantes, et reconnaîtrait-on
impossible,
dans
qu'il lui avait été
circonstances présentes, d'en obtenir de
les
meilleures? Avec une modestie calculée,
il
écrivit
qu'on
les
devait uniquement à la puissance du Roi, à la terreur répandue
par ses armes, et
en renvoya la gloire.
lui
pour leur ménager bon accueil,
de
menus
s'amuser
«
il
leur expédition
présents, de quelques raretés, dont le Roi pourrait
:
cimeterre à
la tur(|ue, étoiles
brodées,
baume
lijaiic,
bouteilles decliagrin brodé dont le (îrand Seigneur se sert jinur
boire h la
Il
campagne
»
ajouta une vraie cui'iosité, les poi-lraits en couleur du sul-
tan et du grand vizir, pris d'après nature
la
En même temps,
accompagna
dérobée, contrairement à
(|u'il
avait découvert à Péra
son troisième voyage,
le
et
était
dont
fils
il
il
il
s'était
les avait fait tirer à
fait
suivre lors de
d'un sculpteur intime ami de
venu vraisemblablement
clier des sujets d'études et se faire
noplc,
;
musulmane, par un peintre
sieur Rondiaud-Faiilberbe, de .\Ialines.
Cet élève de l'école flamande,
Rubens,
la loi
avait saisi ses modèles
m
Orient pour
un genre original.
comme
il
A
\
cber-
Andri-
avait pu, sur leur pas-
sage, en se cachant derrière des baies, et [lourlanl les portraits,
8
LES VOYAGES
i\i
T)V
MARQUIS DE NOINTEL
à défaut d'autre mérite, avaient celui de la ressemblance
la
:
«
Je
puis assurer en être très grande aux originaux, écrivait Noin-
tel:
plusieurs Turcs,
même
de ceux qui ne voient pas souvent
ces puissances, ont reconnu leur simple visage, détaché de tout
ornement qui aurait pu
Azem
(1),
les aider. Ils
nommaient tous
le
lèvres pour s'empêcher de proférer son nom,
étant indignes,
marquaient assez ce
ils
c'a été avec peine que j'ai fait
uns.
vizir
quoique avec beaucoup de respect: mais, pour Sa
Hautesse, après une grande admiration, se mettant
les
le
doigt sur
comme
en
qu'ils voulaient dire, et
prononcer
Padiscliali à
quelques-
»
y eut aussi quelques galanteries pour
Il
la
Reine, entre autres
un costume complet de dame turque, avec des colifichets d'Orient pour Mgr le Dauphin et Monsieur. N'oubliant personne,
Nointel
M.
le
était
ofi'rit
au prince de Condé un beau saine, un autre à
duc d'Enghien, un troisième à M. de Louvois à ce dernier
;
jointe une
baume
blanc
écritoire,
avec une provision de sorbet et de
(2).
nom qu'on donnait en Turquie au principal ministre.
Voici les lettres de remerciement qu'écrivirent à Nointel le prince de
(1) C'est le
(2)
Condé, son fils le duc d'Enghien et Louvois On remarquera que celle du
vainqueur de Rocrov est la plus courtoise, celle de l'impérieux ministre la
plus brève.
« Monsieur, j'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite,
Le prince de Condé
eu bien de la joie d'apprendre le renouvellement des Capitulations de
la France avec la Porte et de voir par là le bon succès de vos négociations.
Je ne doute pas que toutes choses n'aillent toujours bien dans ce pa\s-là
étant entre d'aussi bonnes mains que les vôtres, et vous devez croire que je
m'intéresserai toujours à ce qui v pourra arriver, prenant autant de part
que je fais à tout ce qui vous regarde. S'il s'y passe encore quelque chose de
particulier, vous me ferez plaisir de me le faire aussi savoir. ,Ie vous
remercie du sabre que vous m'avez envoyé, et soyez, s'il vous plait, persuadé
que je souhaiterois qu'il se présentât quelque bonne occasion devons rendre
service en laquelle je puisse vous faire connaître combien je suis. Monsieur,
votre très affeclionné à vous servir.
:
et j'ai
e
« .\
Versailles, ce 4 février
Loris DE B0URB0-\.
167-i. »
Le duc d'Enrfhien
^ Monsieur, on ne peut faire un présent plus curieux
que celui du sabre que vous m'avez envoyé, mais on ne |>eul pas non plus
en avoir plus de reconnaissance que j'en ai, l'ayant reçu comme une marque
:
VOVACE
I.E
A
on
la cour,
Roi
lui
il
beurté
s'était
:
413
difficultés
sans
on se déclara content. Le
savoir, par lettre personnelle, qu'il ajtpréciait ses ser-
lit
Le remerciement
vices.
marquis
du
compte à l'ambassadeur des
tint
nombre auxquelles
KCnELLES
I)i:s
et
témoig:nages de
seiller d'Ktat
Avant de
lui
du meilleur augure pour
était
la
fortune
permettait d'espérer de plus substantiels
la satisfaction
royale, tels qu'une place de con-
ou une abbaye.
les avoir reçus,
se décerna à
il
lui-même une récom-
pense. Pouvail-il en désirer une plus belle, plus conforme à ses
g-oûts,
qu'un voyage en des régions à peine entrevues et vers
lesquelles le ramenait
nople,
des
vaporeu.x
moins
un invincible
attrait? Allant à Constanti-
avait aperçu au loin les caps
il
îles, le
belle et poétique
accompli,
il
de la Moréc,
le
proiil
rivage ionien, cette Grèce d'Asie, non
que
l'autre.
Son devoir d'ambassadeur
ne se jugea pas interdit, après deux ans de tribula-
tions et de labeur, de retourner vers ces contrées de révc, vers
les
mers bleues
annonça
le
et les îles roses, et
de les contempler à
loisir.
Il
projet de visiter quelques parties de l'Archipel, les
plus rapprochées de Constantinople, se
lit
délivrer
un firman
d'autorisation et obtint qu'un tcluiouch delà Porte lui servirait de
guide et de passeport vivant.
Après quoi, pour
grandeur de
et la
la
long du chemin le faste
composa plus qu'une suite
faire paraître tout le
France,
il
se
—
très agréable de voire amitié
dont je fais toute l'estime possiljle .le vous
prie de croire (|ue j'ai aussi i)our vous toute celle que vous méritez, et c|uc
j'aurois liien de la joie si je pouvois, comme je le souhaite, avoir occasion
de vous en donner des marques et vous faire conujiilrc que je suis, Monsieur,
votre très afl'ecliotmé à vous servir.
«
Paris, le 24 février 16T4.
»
Monsieur, j'ai reçu le sabre, l'étritoire, le baume blanc et le
sorbet qu'il vous a plu de m'envoyer avec la lettre que vous avez pris la peine
de m'ccrire le t[ septembi'e. Je vous remercie très humblement du présent
qu'il vous plait de m'en faire, et je vous supplie de croire que j'aurois beaucoup de joie si je pouvois vous faire connaitrc que je suis véritablement.
Monsieur, votre très humble et très affectionné serviteur.
Loitvois
:
«
« Vi'isailles,
ce 13 février 1674.
»
Archives des affaires étrangères. Constantinople,
t. .\l
LES VOYAGES HT MARQriS DE NOINTEE
116
H
une cour!
soin
Ce furent d'abord
»
le fidèle
:
Excellence,
le
Galland, décoré du
titre
compag-nons
triés
avec
de bibliothécaire de
Son
quel(|U('S
plus ambulant des bibliothécaires; le chapelain de
hommes
l'ambassade; plusieurs religieux,
de grand savoir; un
Cornelio Magni, natif de Parme, voyageur intrépide,
certain
déjà familiarisé avec l'Orient; un gentilhomme champenois du
nom
d'Antoine des Barres, qui avait la spécialité, en voyage, de
courir les aventures galantes et de se poser en héros d'invrai-
semblables bonnes fortunes. Cornelio Magni, Galland, Antoine
des Barres et Nointel lui-même se feraient, chacun à sa façon,
les historiographes
gné pour en être
du voyage
le
(1).
Rombaud-Faidherhe
peintre attitré.
Il
nature, tout ce (|ue l'on verrait d'intéressant, et
la
tâche serait lourde, Nointel
homme
peintre, jeune
mand
et
lui
fut dési-
aurait à dessiner, d'après
même, comme
donna pour aide un second
h'wn doué, compatriote de l'artiste
son ami intime.
Un
fla-
personnel de secrétaires et de sui-
un nomijreux domestique, furent adjoints, sans préju-
vants,
dice des
estaliers,
dans
différentes
les
coureurs, gens de livrée, qu'on louerait
villes,
afin
de rehausser
pompe des
la
entrées.
Le
23s('j)tendire 1673, tout ce
monde
s'cndiarqua à Thérapia
sur une galiote frétée pour la circonstance, lourd et lent bâti-
ment, animé par seize paires de rames, muni de six picrricrs.
garantie contre les mauvaises rencontres; l'équipage était moi-
L'ouvrage
curieux de Cornelio JL^cxi, écrit en italien, a ce titre
curio^o e vatjo liopotiito riir.citijlurc net primo hicnnio da
csxn nmsnmdln iii riiiiitii i-t diiiiure per ta Tiirchia ; Parme. iii~9 Seeondo bierinio
(1673-1()74), l'arme. H)!t:2. L'ouvrage d'Antoine des liarres est intitulé
État
présent de l'Archipid. (ialland n'a malheureusement raconté que les premières
scènes du voyage ii la suile de son Jouruat. Les volumineuses relations de
Nointel, pour la plupart inédites, sont écrites sous l'orme de lettres au Roi
et à M. de l'om|ionne.
Tous les extraits que ncjus ciluns dans ce chapitre, sans les accompagner
de références, sont tirés des lettres de iNointcd en date des 21 septend)re.
17 octobre, 10 décembre t07:i, lil février. It mars, 15 et 25 avril, 18 Juin,
10 août, 17 décembre 1074 Celles des 17 octobre et 10 décembre 1G7;{ et du
l!l lévrier iiili ont été pulilièes par M. Schefeu en appendice au Journal de
(1)
bizarre
:
l'orl
QiianU) dt
pii(
:
:
(Ialland,
I.
II.
p.
171, I8i.
LE YOVACI'
tic
KCHELLES
l)i:s
un
turc, moitié grec, comiiKiinli' jiur
reis
UT
ou capitaine
Le voyage débuta favorahlcment. Les châteaux
nelles traitèrent bien l'ambassadeur,
lurc.
des Darda-
saluèrent de leurs
iju'ils
gros canons, toujours chargés à boulets; et Noinlel, profondésensible aux
ment
indicible
et
projectiles bondir
les
rejaillir l'eau
manjues de considération,
».
11
y
qu'il traversa le détroit,
des passes, on vit en face de soi Ténédos,
(1) »
;
La nature
c'étaient déjà le ciel, l'air de la
et
comme
en faisant
avec un
Dès que
«
auti'C,
l'on fut sorti
avec son port décrié
sur la gauche, la Troade déployait sa cote
plate, ses sables inexplorés.
rences, la
«
en avait un de marbre,
et s'en alla se perdre sur la rive opposée.
par Virgile
avec un plaisir
sur les vagues
prodigieusement haut
puissamment lancé
si
vil
Grèce
soleil, et
chaque
qui se levait à l'horizon, é\0(]uait
terre,
:
admirables transpa-
mer d'un bleu opaque, moirée de
écrasée de
changé d'aspect
a\ ail
et ses
lumière, innnoi)iIc
chaque promontoire
un souvenir héroïque ou char-
mant.
La
troyeime. Noinlel se
d'ilion:
connue
de buissons
marcher
devant
le
Ténédos, tourna sa proue vers
galiole dépassa
»,
le
lirman
il
fit
la côte
mettre à terre et dicrcha les vestiges
ne trouva que de
«
grandes plaines remplies
de sable qui faisait qu'on avait de la jicine à y
revint à bord: après avoir louciié Mytilène, passé
et
il
beau golfe de Smyrne,
comme
le
point
le
il
atteignit Chio,
marqué dans
plus éloigné (ju'on eût permission
d'atteindre.
C'était
fertile,
un plaisant séjour que
bien cultivée,
cette
grande
la ville et les
riche aloi's,
relativement heureuse; l'homme
nature, qui depuis l'ont all'reusement traitée,
encore acharnés sur
île,
elle (2).
Le joug
et
la
ne s'étaient pas
turc n'y pesait pas trop
villages s'administraient
:
eux-mêmes, avec une
sorte d'autonomie.
(1) Slalio
muiefida carenis.
se rappelle l'elTrovalilc massacre accompli par les
d) Qui ne
«lanl la guerre do rindépeiulaiicc liellénii|ue, et le
venu
il
y a peu d'années
?
Turcs pen-
tremblement de
terre sur-
MiIMEL
LES VOYAGES DU MAUnUIS DE
H8
Le pays semblait moins grec que
les restes
En beaucoup
latin.
des colonies génoises et vénitiennes qui, au
âge, s'étaient partagé l'Archipel, formaient encore
d'îles,
moyen
l'élite
des
habitants et exerçaient une sorte de suprématie. Mais ces popu-
mœurs,
lations, italiennes d'origine, de langue, de
étaient deve-
nues ou se disaient françaises de cœur, depuis que
nous en Orient, leur
à la position prise par
était
le
Roi, grâce
apparu
comme
protecteur unique des chrétiens, des catholiques en parti-
le
que nos missionnaires travaillaient à ressaisir
culier, ot depuis
bourg de Gênes, tant
terrasses,
la
A
âmes.
la direction des
les
Chio, on se serait cru en quelque fau-
maisons peintes, leurs balcons
des femmes, les mantilles,
toilette
et leurs
jeu des
le
éventails, les œillades, rappelaient la côte ligure, et pourtant la
France
était
comme
reconnue
l'unique source de grâce et de
réconfort. Ses récentes victoires rehaussaient encore son prestige, et ce fut
un immense événement pour l'île que de posséder
son ambassadeur.
Il
lui
débarqua dans un fracas
rendant
La
le
même
d'artillerie, les
salut ([u'aux galères
Turcs du château
du Grand Seigneur.
population entière était sur pied; les ordres religieux qui
foisonnaient dans
l'île.
Jésuites,
Capucms, Dominicains, Obser-
vantins, l'évèque latin, son coadjuteur, leur clergé, les députés
de
la ville « et les particuliers les plus
rendre
hommage; dans
dépendait
de
missionnaires italiens,
pour Sa Majesté
iioster, etc..
on
et
l'accueillit
et l'oraison
chaque
considérables
»
vinrent
toutes les églises, y compris celle qui
on chanta des prières
en ces termes
:
i
t
Ludoiicus rex
fois que Xointel eut à paraître en public,
presque en vice-roi. Lui
ment aux honneurs, savourant
victorieux et de tenir la place
la joie
d'iiii
s'offrait
complaisam-
de représenter un État
monarque dont
le
nom
volait
dans toutes les bouches.
Avec
ses goûts d'ostentation,
il
s'en donnait à
d'étaler son faste et de parader. Lorsqu'il
son grand cortège,
afin
qu'on pût
le
il
faisait aller
contempler à
cœur
menait par
les
joie
rues
au pas, lentement, posément,
l'aise, afin
que
les habitants eus-
LE VOYAdE DES ECHELLES
sent
« le loisir île
d'y toucher
».
Il
remarquer
la
magnificence des habits, et
tueuse, et
der
yeux se
fixer sur lui
dames n'avoir de
les
«
même
aimait aussi les longues cérémonies d'église,
où, siégeant sur une sorte de trône, dans
voyait tous les
H9
un nuage d'encens,
il
avec une curiosité respec-
distraction
que pour
le regar-
».
Ayant appris que Maëstricht s'était rendu à nos armes, il
donna à cette occasion une grande fête la ville. Après le chant
du Te Dettm, il y eut repas dans la cour du monastère des Capucins; la table de Son Excellence et des principaux de la ville
<"i
dressée sur une estrade
était
«
en forme de demi-lune
»
;
au-
dessous, douze autres tables, pour les convives de moindre
importance. Les arcades de la cour étaient enguirlandées de
branches de citronniers
de
et
de myrtes, avec des festons de fleurs et
avec des inscriptions en français, en italien, en grec;
fruits,
rien ne
manqua aux réjouissances
pour
peuple, ni celle d'eau de fleur d'oranger pour les dames,
le
jaillissant
symbole
On
dans
la
les victoires
:
figure
d'un
resta trois semaines à Chio.
la côte,
de Louis
dont
de Gènes;
les
ils
XIV y
l'astre
par
dominateur.
Nos voyageurs parcoururent
courbes gracieuses leur rappelèrent
virent les
», ni le
trouvèrent
Hollandais consumé
pour avoir approché de trop près
le soleil,
fontaine de vin
d'un rocher de massepain et de confitures
«
feu d'artifice allégorique
leur
ofl"ertes, ni la
champs où
la rivière
se recueille le mastic, la
liqueur qui coule de certains arbustes en larmes parfumées et
fait la
principale richesse de
l'île; ils
en terrasses au flanc des collines,
se montraient; Galland
les
virent les vergers s'étageant
('.à
notait.
et là,
On
dos débris antiques
visita
aussi les
cou-
vents grecs, les caloyers ignares, les monastères de religieuses,
où
les nid'urs
n'offraient rien d'édifiant, et dont
servaient, suivant la
mode
les
parloirs
itahenne, aux rendez-vous galants.
Partout, en ce souriant pays, la vie était facile et molle, la population aimable, les
femmes
se servaient d'elles pour
s'enfuir
:
ils
belles et point farouches.
empêcher
laissaient ces
Les Turcs
les esclaves chrétiens de
captifs errer librement
dans
l'île;
LES VOYAGES UU MAHQUIS DE NOINTEL
120
femme
toujours une
pour
le retenir,
le
se trouvait
fixer
pour s'emparer de chacun d'eux,
c'était
:
un moyen doux de
mettre
les
à la chaîne.
Cependant
la curiosité
de Nointel, loin de s'apaiser,
en se satisfaisant. Son projet primitif
étroit et
borné
:
ne serait-ce point
lui
s'irritait
semblait maintenant
dommage que
de s'arrêter au
Grèce? C'était ce que lui répétait sans cesse un de
compagnons de route, ce Cornelio Magni dont l'humeur
vagabonde sympathisait avec la sienne. La communauté de leurs
seuil de la
ses
goûts les avait
liés d'amitié, et
à présent
lement, s'entraînaient l'un l'autre.
semble
les voir
pendant
A
ils
lire
s'excitaient mutuelle
récit
de Magni,
il
les haltes à l'ombre des platanes, après
leurs chevauchées sur de vagues sentiers, devisant longuement,
se confiant leurs rêves et faisant mille projets.
qu'ils visitaient, leur
l'île
delà des pays
imagination en découvrait d'autres, plus
beaux, plus captivants encore
Paros,
Au
:
Délos,
demeure d'Apollon;
de marbre; Naxos, Tino, Andros, tout
des Cyclades
;
plus loin, les grandes îles
le
cortège
grecques, lUiodes.
Candie, Chypre, s'offraient à les conduire, par un chemin bordé
d'intéressants aspects et de glorieux vestiges, jusqu'aux rivages
de Syrie. Plus loin encore,
ils
trouveraient la Palestine et les
lieux témoins de la Passion, l'Egypte et ses mystères, et lorsqu'ils
auraient atteint cette suprême étape, Athènes se placerait
sur
voie du retour pour clore magnifi(]uement le voyage.
A
la
la fin, Nointel n'y tint plus.
Les voies étaient ouvertes
pour un peu d'argent, son chaouch ne demandait qu'à éluder
termes du firman
réfléciiir
aux
l'entreprise,
et à le
mener
faire le tour des Echelles.
:
les
Sans
énormes de
aux
à l'inconvénient de déserter pour de longs mois
suites de sa détermination,
son poste diplomati(|ue.
il
frais
ne résista pas au désir de voir les
contrées les plus nobles, les plus illusties de l'univers, et s'en
confessa au ministre avec une naïve franchise.
m'a
pris, écrivait-il, et j'y ai
Rhodes
Egypte.
et
»
Chypre,
et
de
«
La
tentation
succombé, de passer en Candie,
pousser jusqu'en Jérusalem
et
en
LE
DES ÉCHELLES
VOYA(;i':
121
Cependant, tout en s'aceusant d'un peu trop de curiosité,
ne négligeait pas de faire valoir cerlaines raisons
aux yeux de ses supérieurs
le justifier
esprit
profit d'une
au
furieuse
et
fuir le lléau. Puis
récemment obtenues
tulations
il
le
que
dans son
peste sévissait
Roi n'interdisait pas à ses
importait que le texte des Capi-
fût porté
dans toutes
présenté, expliqué à nos consuls et aux
afin
La
il
pouvaient
et avaient plaidé
cause gagnée d'avance.
Conslantinople.
à
envoyés de
([ui
les Échelles,
commandants
turcs,
premiers eussent à s'en prévaloir, les seconds à s'y
les
soumettre;
c'était le
corollaire indispensable
dun
renouvelle-
ment. Nointel avait chargé de cette mission un de ses agents,
mais cet
homme
l'ambassadeur
le
était
mort en chemin, au début de sa tournée;
remplacerait avec avantage. Mieux que per-
sonne, paraissant dans toute sa grandeur,
vigueur des
en
Mineure
il
obtiendrait la mise
nouvelles dans
les ports d'Asie
de Syrie.
et
En Egypte,
sultats encore.
désolantes
stipulations
:
le
voyage semblait susceptible de plus beaux
ré-
Les nouvelles qui arrivaient de ce pays étaient
conmie
les Capitulations n'avaient rien spécifié
pour
l'Egypte, les chefs locaux, le pacha-gouverneur principalement,
se croyaient tout permis contre nos
marchands
:
sur ces mal-
heureux, insultes, exactions, prélèvements arbitraires pleu\aient
comme
grêle. L'arrivée de l'ambassadeur
doute à
«
»
et les tirerait de servitude. Enfin,
pas réussi à nous ouvrir risllime de Suez et
n'avoir
Rouge,
leur Pliaraon
en imposerait sans
il
était resté à
la
de
mer
Nointel un regret et un remords. Serait-il
impossible de reprendre sur les lieux
mêmes, au
Caire, la négo-
ciation qui avait éclioué à An(h-inople et de la faire aboutii- en la
déplaçant? Et Nointel se voyait déjà prenant langue avec les
puissances à demi indépendantes de l'Egypte, tentant leur cupidité
par
l'afqiàt
passage
si
ardemment
en présence d'un
commerce
moyens de nous assurer le
des profits que leur apporterait un
nouveau, concertant avec
fait
elles les
désiré, et plaçant ainsi la
accompli, pour lequel
il
d'obtenir sa ratification. Plein de cette idée,
Sublime Porte
serait plus facile
il
s'annonça au
LES VOYACES DU MARQUIS DE NOIXTEL
122
pacha du Caire par une
lettre
dans laquelle
il
le
sommait de
cesser ses vexations et promettait ensuite de l'entretenir d'un
projet qui rouvrirait pour l'Egypte la source des prospérités.
II
LES ILES.
En
attendant, nos Français ont quitté Chio dans les premiers
jours de décembre; les voici en plein groupe des Cyclades.
royaume des
entraient là dans le
sinueuses, brisées
;
corsaires
:
Ils
partout des côtes
des replis inattendus, propices aux embus-
cades; des canaux tortueux, des rades à double issue, favorisant
les surprises et les fuites.
Conquises depuis un peu plus d'un
siècle, les Cyclades étaient à peine turques
mane y demeurait
lourde
ilotte
:
:
prudemment dans
chaque année,
il
la
domination otto-
précaire, représentée par quelques agas et
cadis qui se tenaient
intermittente
:
venait
les lieux forts,
ou plutôt
capitan-pacha passait avec sa
le
accompagné
d'ofhciers, de scribes et de
bourreaux, environné de supplices, mettait les rayas sous le bâton,
extorquait
le tribut, le kharatch,
puis s'éloignait, et aussitôt les
corsaires ciirétiens d'accourir en maîtres.
Leurs voiles peuplaient
l'iiorizon
;
autour des
îles
rôdaient et
furetaient, à côté de la croix de Malte et des tlanunes rouges
ou
vertes des Barbaresques, des pavilloiis de toute couleur, des
navires sous bannière de Sardaigne, de Naples, deLivournc,
d'Ancône, de 3Iessine; à bord, de hardis capitaines, sans peur
et sans scrupules
;
sous leurs ordres, une foule de gens sans aveu,
recrutés dans toutes les parties de l'Orient, gaillards à la peau
tannée par
comme on
le
vent de
mer
et à la
moustache féroce, des Lemntis,
les appelait, et aussi
des aventuriers provençaux,
catalans, majorquins, corses, siciliens, maltais,
écume humaine
ranée.
qui traîne sur tous les rivages
un peu de
de
la
cette
Méditer-
VOYAGE DES ECDELLES
LE
Celte nuée
d'hommes de
1215
cains faisaient leur récolte d'esclaves chrétiens
d'Europe donnaient
Les
proie se mettait à l'œuvre.
:
Afri-
les corsaires
chasse aux Turcs et n'épargnaient pas
la
En vain, les villages
sommet des montagnes, pelotonnés dans
leurs propres coreligioimaires.
s'étaient
réfugiés au
le
des vallées;
«
ils
n'échappaient pas aux incursions périodiques.
Messieurs du cours
comme crime
saient
creux
devenaient seigneurs des
»
îles
et
punis-
de rébellion toute résistance à leurs ordres.
prélevaient partout un tribut de vivres, de fruits, de femmes.
Ils
En certaines îles, conmie Milo
et l'.Vi'gentière, la
population fémi-
nine était mise chaque année en réquisition par les chevaliers
îles
servaient aux corsaires de lieu d'hiver-
Ils s'établissaient
à terre, s'installaient pour de longs mois,
de Malte. D'autres
nage.
se partageaient les prises et faisaient
bombance. Au reste, dans
ces mers dOrient, mal gardées et ^ouvertes à tout ^enant, cha-
cun vivait aux dépens
vires naufragés.
La
pirates. Il n'était
d'autrui.
Les
insulaires pillaient les na-
côte méridionale de la Grèce fourmillait de
pas jusqu'aux moines de
dans leurs couvents, qui ne prissent
et
l'Atlios, retranchés
vendissent
comme
claves les marins que la tempête jetait au pied de leur
es-
promon-
toire (1).
Dans
ce pavs d'alarmes, de violences, de rapines, le
commerce
et la population n'avaient de recours qu'en l'autorité du Roi
:
c'était la
médiatrice universelle. Nos consuls, nombreu.x dans
les
protégeaient contre les Turcs les missions latines,
îles,
intercédaient en faveur des groupes catholiques qui se serraient
autour
d'elles.
D'autre
|)art,
sans interdire tout à
fait les
des corsaires, la France modérait leurs déprédations
Roi,
il
leur était fait défense de troubler le
les navires
permise, avait ses
(1)
de par
commerce, de
le
visiter
européens, de toucher aux biens des religieux, de
trop molester les habitants.
1G74, Louis
:
exploits
XIV
lois,
La
course, chose
licite
en
soi et
qu'on ne devait point transgresser.
délivrerait
aux Latins de l'Archipel des
Archives des affaires étrangères. Constantinoplc,
t.
X.
En
lettres
LES VOYAGES DU MARQUIS DE XOINTEL
124
de protection en bonne forme
,
pourraient opposer aux
qu'ils
comme une sauvegarde souvent violée,
corsaires
parfois efficace;
en somme, sur ces pays à situation étrange, mal définie, disputés entre l'Islam et
Aussi
protectorat.
,
la chrétienté, la
France exerçait un vague
lorsqu'un de ses ambassadeurs traversait
l'Archipel, son passage semblait
une bénédiction. On venait de
tous côtés lui demander des réparations d'injustices, soumettre
à son jugement des contestations privées, des différends entre
cultes rivaux.
Turcs
réclamaient de
lui
alternativement maltraités, se
et chrétiens,
contre leurs tyrans respectifs
à ces opprimés
:
divers, le pavillon blanc qui flottait à l'arrière de son bâtiment
apparaissait
comme un
Nointel en
sortir
une
fit
signe de salut.
l'expérience.
A
la
première
île qu'il
rencontra au
de Chio. celle de Micone, encore toute vénitienne d'aspect,
voile parut à l'entrée
du
port, piquant droit sur la galiote;
on reconnut un corsaire, sous pavillon de Livourne. Les Turcs
de la galiote se mirent aussitôt à trembler de tous leurs membres
ils
;
avaient déjà ôté et caché leur turban, renié leur nationalité,
lorsqu'on vit la frégate du corsaire changer
pirater en l'honneur qu'elle a
et à la
rendu à
personne de son ambassadeur
la
«
son dessein de
bannière de Sa Majesté
».
Rassurés, les Turcs descendirent à terre.
Ils
n'avaient pas
remarqué quelques hommes placés en sentinelles sur un escarpe-
ment
voisin, à raffûl d'une proie
:
ces guetteurs avaient été
apostés par un autre corsaire, un Français exerçant sous
jiavil-
lon sarde. Ses gens tombèrent sur les Turcs et voulurent les
prendre
:
une bagarre
instruit de ce
que
s'ensuivit, jusqu'à ce
([u'il allait
faire, vint
trouver
sadeur et s'excuser de la liberté grande.
appris que des corsaires avaient
le corsaire,
humblementrambas-
Un peu
condamné
plus loin, ayant
à mort, dans
un
simulacre de jugement, et décapité un pauvre chrétien de Candie,
pour
le
punir
«
d'avoir fait
admonesta sévèrement
mine de
et leur
fit
se défendre », Nointel les
promettre plus de modération
dans l'avenir.
Les éléments se montraient moins
dociles.
Par
le travers
de
\()VA(;k
i. r.
kchi: i.li:s
I)i:s
i->o
Délos, une bourrasque assaillit la galiote. Les gens de l'équi-
page
et
surtout les Grecs, solennisximacanaglia. au dire deMagni,
se croient perdus
monde
tout ce
:
aux commandements
s'effare, s'affole, n'obéit plus
augmente
et
manœuvres. Xointel, qui
péril
le
par d'incohérentes
campe
avait le courage théâtral, se
alors à la poupe, etlà d'une voix sonore, d'un
Quiconque fera
mutin,
beau geste, réprime
serajetéàlamer.
le
désordre
Il
ordonne ensuite de carguer les voiles, de lever les avirons, de
«
:
s'abandonner aux
l'épreuve.
En
Dans
le
»
une accalmie survint après quelques heures,
Naxos
voisine de
l'île
offrit
un refuge.
groupe de seigneuries vénitiennes qu'étaient naguère
les Cyclades.
Ancien
dil-il,
d'attendre avec confiance la fin de
flots,
effet,
lendemain
et le
le
fief
Naxos. centre de l'Archipel,
tenait le
premier rang.
des Sanudo, elle renfermait encore une population
presque exclusivement
A
latine.
l'arrivée de Nointel, les descen-
dants des Sanudo. rarchevéque, les religieux. lepeu|)le, descendirent en procession à la 3Iarine, avec la croi.x et la bannière,
pour saluer
//
signor ambasciator, qui put vérifier ce dire d'un de
ses prédécesseurs
le
même
«
:
La
fleur de lys et le
honneur à iNaxie que dans
monta jusqu'au sommet de
l'île,
semble régner sur l'Archipel;
le
groupe des Cvclades;
blocs de pierre variant à
nom du
Roi sont dans
propre France
(1). »
gravit le pic aigu qui la
et
il
la
domine
s'arrondir à ses pieds
là, il vit
put compter soixante îles ou
l'infini
Il
de dimensions
el
îlots,
de formes,
plongeant dans l'onde bleue.
Comme
il
se reposait
troupe de corsaires,
dans
l'île.
le
au château, entre deux excursions, une
croyant absent, eut l'audace de dt'barqucr
Et soudain, devant
atroces,
ils
emmener en
demandent qu'on leur
esclavage; sans quoi,
.Mais Nointel se
nés
(1)
t.
I.
si
Paroles de M. de
p
:i-2i).
cris furieux et des
livre Vaga, le cadi,
ils
montre sur une terrasse
qui les rend
:
forteresse vénitienne,
la vieille
imc bande de Levant is paraît; avec des
mettront
et
le
mines
pour
les
feu partout.
harangue ces force-
hardis de menacer un lieu que l'ambassa-
Céz.y, citées
par F.\(j.mez,
le
Père Joseph
et Riclielieit,
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL
126
(leur
(lu
Roi honore
et
couvre de sa présence? Devant cette
humain
apparition, l'orage
renoncent à
s'apaise, les assaillants
leur projet et s'en retournent au rivage.
Nointel ne traitait pas toujours les corsaires avec tant de
rigueur, lorsqu'ils montraient plus de retenue. Entre chrétiens,
était-il interdit
de fraterniser, de s'aider un peu?
convoyer son hàtiment, à
(juek|uefois leurs galiotes à
(juer mt-nie d'une île à l'autre. Plusieurs d'entre
comme,
sa suite, et
cortège,
eux
employa
le
renior-
se mirent à
d'autre part, les religieux latins lui faisaient
par traîner avec
finit
il
Il
lui
un monde étrange, des
Levantis à pliysionomie de brigands et de pieux missionnaires,
des coureurs de
mer
et
des Pères Jésuites, des Capucins et des
Turcs, tous vivant en passable intelligence, avec
la familiarité
méridionale.
Il
parcourut en cette compagnie la plupart des Cvclades^ sans
se presser et prenant son temps.
sein sur l'Egypte,
eût
il
l'-té
terme extrême du voyage
prolongée pouvait
un
rappel.
Pour accomplir
et d'agir
par surprise
grand des-
Mais Nointel, nous
une absence
savons, était surtout un obser-
le
hommes
:
Porte et motiver
é\ eiller les défiances de la
vateur passionné des
le
à propos d*aller tout de suite à ce
et
des choses, et dans les
îles,
mille objets captivaient son attention et le retenaient au pas-
sage.
Le
pittorescjue des sites ne le touchait pas autrement. L'àpre
beauté des
îles,
leur nudité sculpturale, leurs lianes à peine
tachetés de maigres broussailles, les jeux de la lumière sur leurs
formes hardies,
les
aubes vermeilles
et la
pourpre des couchants
ne paraissent point ra\oir émerveillé: en honmie de son temps,
il
aimait surtout
massifs,
l'attire
et
la
nature fastueuse, opulente, les ombrages
savamment
dans
taillés, et les
décors de verdure. Ce
les îles, c'est la prestigieuse
couronne de souv(inirs
de légendes qui plane au-dessus d'elles
le ravit, c'est la
quités.
Il
(jui
;
ce qui l'émeut et
recherche des trésors d'art, la chasse aux anti-
s'attardait à déchifl'rer
une inscription,
s'oubliait devant
un fragment de bas-relief ou de statue, ne savait refuser une
LK VOYAGE DKS KC
visite à
en
aucun de ces villages
dans
lettres d'or
Partout,
il
l'histoire
illustres,
ou dans
K I.LK S
II
dont
le
127
nom
s'est inscrit
la fable.
prendre des vues et dessiner des croquis.
faisait
Malheureusement, un de ses deux
peinlrirs, lîoiiihaud-Faidherbe,
attaqué do maladie, était mort à Naxos; mais l'autre lui restait
et faisait
Une
double besogne.
troupe d'ouvriers suivait l'ambas-
sadeur pour enlever les marbres
jetait sur le papier quantité
qu'il
désignerait; lui-même
de notes, destinées à se transformer
en de savants mémoires.
Le vent du
à Délos;
grande
la
piquante tramontane,
ne s'en plaignit point, bien que
il
d'habitants
nord,
«
:
ce désert
et la petite
était
»
Délos. les
le retini
fût
l'ile
peuplé d'antiquités.
îles
deux jouis
dépourvue
Il
visita la
jumelles; dans la grande,
dédiée tout entière au culte d'Apollon,
il
retrouva les restes du
temple, la statue colossale du dieu, mutilée et décapitée, mais
parfaitement reconnaissaWe; près d'elle, certains
di'tails
mentation alors subsistants, aujourd'hui détruits,
tion qu'en
et la descrip-
donne Cornelio Magni, avec un soin minutieux, peut
fournir quelques renseignements à l'archéologie
A
d'orne-
moderne
(1).
Paros, ^^ointel joint à son butin une cargaison de marbres.
Les habitants
lui
signalent dans
une autre statue colossale
:
il
un
îlot voisin, celui
s'y
d'Antiparos,
rend aussitôt. Le colosse,
situé à l'entrée d'une grotte qui s'ouvre au llaiic d'iuie
montagne,
n'est qu'un iiloc de stalactites, dans Iccpicl rimaginalion
laire a cru reconnaître
une figure humaine.
.Mais ce
popu-
mécompte
met Nointel sur le chemin d'une découverte. Il cheicliail une
œuvre d'art il va trouver une merveille de la nature.
Dans le sol de la grotte, une sorte de puits s'ouvre, une bouche
:
obscure, l'entrée d'un couloir qui plonge presque
rement dans
le
massif montagneux. De mémoire d'homme, per-
sonne n'a osé pénétrer dans ce conduit,
lacs souterrains.
s'y risque,
(1)
Voyez
fre IV.
pcriicniiiciiiai-
Emporté par son
un seul
l'cxlrail
homme
([iie
(jui
mène,
intrépirle
s'étant présenli''
dit-on. à des
curiosilt'-.
Magni
pour raccompagner.
nous reproduisons à ra|)pcndice. sous
le
cliit-
LES VOYAGES DU MARQUIS DE XOLNTEL
lâS
un
corsaire, habitue à faire métier de désespéré; ainsi aidé,
l'Italien s'enfonce, disparaît
enfin à
pendant plusieurs heures
surface, ébloui, stupéfait de ce qu'il a vu.
la
et
remonte
La montagne
tout entière est creuse, évidée à l'intérieur, et renferme
une
succession de cavernes, tapissées d'étonnantes stalactites.
A
et
son tour. Nointel veutjouir du coup dœil.
de cordes,
il
A l'aide d'échelles
descend périlleusement. suivi de quelques por-
teurs de torches;
il
se retient avec peine
aux parois suintantes,
franchit des éboulis, côtoie des abîmes, voit enfin l'excavation
s'éclairer de
s'élargir,
vagues lueurs qui
filtrent à travers les
fentes de la montagne, et arrive à des carrefours souterrains
où son regard embrasse un incomparable spectacle. De tous
côtés, de hautes nefs
s'ouvrent,
s'entrc-croisent,
prolongent
leurs travées, et sur leurs parois s'i'panouit une profusion d'efflo-
rescences cristallines. Les stalagmites jaillissent du
lactites se
suspendent aux voûtes
et
sol, les sta-
aux ner\ures en draperies
translucides, descendent en longues aiguilles pressées, mettent
au fond d'obscurs enfoncements des
reliefs
d'une blancheur
lai-
teuse, dessinent des formes de lustres et de girandoles, figurent
des piliers, des cannelures, des chaires à baldaquins, des arceau.x
festonnés, mille caprices
et
mille délicatesses d'architecture
Nointel restait suffoqué d'admiration.
remis,
il
continua son exploration,
et.
des choses plus surprenantes encore
Quand
il
se fut
(i.).
un peu
à mesure quil avançait,
le
tenaient tour à tour en
extase; c'étaient de longues colonnades, des orgues, avec leurs
tuyaux admirablement formés, éclatant d'une
«
argentine blan-
L'oxploralion de la grotte a été narrée par .Magni, dans son ouvrage,
par .M de Nointel lui-même, dans un récit extrêmement détaillé, très
orné, descriptif à outrance, que M. O.mo.nt a pul)lié dans le Bulletin de géoliraphie hixturiqite et descriptive, 1892-94, d'après le manuscrit de la liibliothéquc nationale. Plus tard, le vovageur Tournefort a raconté de seconde
main la même expédition. Nous avons aussi l'ait des emprunts à une lettre
de .M lilondelde Jnuvanrourt, chancelier de raml)assade de Constantinople
sous M de Fcrriol Passant en IGliit à -Vnliparos, cet agent v avait trouvé le
souvenirde .Nointel encore très vivant. Sa lettre, conservée aux archives de
noire aml)assade à Constantinople. nous a été gracieusement communiquée
par M tioppe.
(1)
et
LE VOYAi;E des échelles
clieur (1)
nait
»
abîmes au fond desquels se discer-
c'étaient des
;
129
un chaos de pointes aiguës, des lacs gelés, étalant leur nappe
des stalactites pareilles à des branchages et à des
glissante;
arbres, représentant des forêts
plus diverses.
du
clair,
les
formes de
«
pétrifiées,
et les
du vert de mousse, du blanc, du
du bleuâtre
nuances
les
noir, de l'obscur,
une variété d'aspects incroyable, toutes
»,
la création,
«
un abrégé du monde
(2) ».
L'ambassadeur ne peut plus se détacher de ces lieux d'enchantement
:
il
pompeux,
il
y prend domicile. Le reste de son escorte
maison, ses gens, son office, sa cuisine. Toujours
s'y établit,
est appelé, sa
il
soupe au son des violons:
des habitants de
jugeant que
s'être creusés
s'accommode de son mieux,
monde perd peu
peu
à
la
pour
Autour de
l'épaisseur des cristallisations.
une
écoule les doléances
venue, se retire dans des appartements
la nuit est
ou cabinets qui semblent
le
il
des environs, rend la justice, puis,
et
l'île
et,
lui,
chacun
A
la
lune? C'est
déjà revenu sur l'iiorizon terrestre; mais cet astre,
vengeant d'avoir été pris pour un autre
(3) », retire
aussitcM sa lumière, et les grottes retombent h
rité,
un moment,
par les fissures des voûtes et
s'épand dans les cavités. Sont-ce les rayons de
le soleil,
s'installe,
dans ce lieu souterrain, tout
notion de l'heure.
clarté assez vive s'insinue
recevoir dans
le
«
se
presque
une demi-obscu-
percée çà et là par l'ondoyante rougeur des tordies.
Cependant une idée
est
son goût pour les scènes à
venue à Nointel, idée bien digne de
effet.
lieu plus
propre à célél)rcr
prêterait
un
On
était à la veille
les offices?
Ce cadre
de Noël
:
quel
fantasticjue leur
éclat sans pareil. Aussitôt, missionnaires, mariniers,
corsaires, gens
du pays, d'apporter tout ce
et illuminer la grotte.
Un
qu'il faut
pour orner
bloc de stalactites servira d'autel
:
on
y place des tapis, les images saintes et les vases. Des hommes
le long des nmrailles; s'aidant de toutes les anfracluo-
grimpent
sités. ils
plantent de tous côtés des torches, des cierges allumés,
{\) Iteintion
(i) Ihid.
(3) Ihid.
publiée par
M
(tiiiunl
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL
130
frappées par ces feux, les pointes des stalactites s'endiaman-
et,
tent, les congélations s'éclairent, se renvoient et multiplient les
reflets
par d'infinies transparences
lumineuse. Au-dessus de
fait
:
toute cette végétation devient
dans une
l'autel,
stalactite creuse qui
penser à une urne d'albâtre, quelqu'un va enfermer une
flamme
et pique l'étoile
devant une
du berger. La messe de minuit commence,
foule de spectateurs
au Gloria
:
in fixcelsis,
des dé-
charges de pierriers et de boîtes retentissent, éveillant des échos
résonances, tandis que cinq cents
profonds, d'interminables
flambeaux de
cire,
une
infinité
de torches et de lampes inondent
de clarté la cathédrale improvisée et font ressortir les richesses
d'une décoration ciselée par la nature.
Nointel passa trois jours entiers dans la
Quand
veilles ».
il
il
se fut avancé aussi loin que possible,
eut tout examiné et rassasié ses yeux,
endroits des inscriptions,
oii il
diesse et sa découverte (1)
était
venu,
et,
grotte des mer-
«
bien
que
:
il
quand
placer à divers
fit
il
signalait à la postérité sa harreprit ensuite la mer. L'hiver
l'on eût
échangé
à
Naxos
contre une tartane provençale, tenant mieux la
mer
la galiote
et
finement
gréée, le voyage ne se poursuivait plus qu'avec une extrême
lenteur. Presque
chaque
soir
il
fallait relâcher,
et
souvent on
n'atteignait le port d'abri qu'au milieu des dangers (2).
On
quitta les Gyclades;
bordent
le littoral d'Asie.
on se rapprocha des Sporades, qui
Plus nombreuses encore étaient les
formes étranges, déchiquetées, qui parsemaient
(1) Voici,
la grotte
la
mer,
et
il
y
d'après Blondel de .louvaneourt, l'inscription mise à l'entrée de
:
Cédant tenehrœ
liiynini
Ficla nu-mina vcro l)eo
H(ic (intrimi
Nuctiirud crriitum Juvi
NuM'eiiti
Cliri>it()
dedictwit
Cnr. FritnC- OUer df Sinntel.
(2) Parfois le péril était si i,'iMiid i|u'au dire d'Antoine dos Barres « cli.iciiii
préparait ses petites affaires juiur l'autre monde. Un valet de chambre do
M de Nointel lui rendit dix pistoles(ni'il avoua luiavoir volées en idusieurs
fois. • Elat présent <((« l'A)xhipcl, p. I."i!l.
XdVACK
I.K
avait tout
l'ile
le
long de
IH:S KClIELLr: s
un
la côto
131
('rniettenient d'iles. Pallimos,
de l'Apocalypse, Cos. patrie d'Hippocrate, furent abordées
tour à tour: Rhodes enfin apparut, avec ses maisons à façade
gothique et à frontons armoriés, ses ogives, ses tourelles
ville française
du moyen âge,
Les Turcs gardaient jalousement
de sang, et en avaient
lartares, coupables de
de Crimée y
le
n'eût, disait-il,
le
le
un
lieu
méconnu son
droit,
la
son gré
dition: à défaut
On
il
en joignait une
satisfaire la première, deIl
magni-
avait des fleurs
avec amour, et montrait
visita aussi le
domaine d'un Turc de con-
du maître absent, Nointel
un tout jeune garçon,
Si l'on
sa main,
cultivait de
orgueilleusement.
«
voir
ce qui lui semblait
»,
cette passion
seconde sa consolation.
:
;illé
régnerait maintenant en
il
pou\ant
autre, celle des Heurs, et, ne
qu'il
qui leur avait coûté tant
marri de sa situation
fort
et ferait voler les tètes à
mandait à
l'ile
de déportation pour les princes
détenu. Cornelio Magni, étant
trouva
comble du bonlieur humain. A
fiques,
une
quelque man(|uement. Le fds d'un khan
était alors
jeune prince,
Crimée
fait
:
laissée prisonnière en Orient.
par
et
chef des eunuques,
le
un beau bouquet au nom de
fut reçu par son
la
(ils,
(pii lui ollVit
première épouse; dans
la salle
de réception, où s'échangèrent d'infinies politesses, on entendait
derrière une jalousie, qui |iermettait de voir
vu,
le gazouillis
Ainsi se continuait
mauvaises
le type, le
costunu; de
moins
original.
la
finit j)ar
et
A
chaque
île,
1
aspect,
population étaient autres, etcette amu-
suggérer au marquis un projet pour
Partout où
|)assait,
il
habillements |)ropres au pays
formes
côté sans être
voyage, avec ses fortunes bormes ou
le
changeantes rencontres.
et ses
sante diversité
il'à
des femmes.
:
et quelle
il
faisait
le
acheter des
amusante
variété de
de nuances, surtout dans l'ajustement des femmes!
Larges pantalons bouffants sous des casaques de velours, jupons
brodés, vestes à soutache
el
à [)assementeries, ceintures et cor-
sages plaqués de bijoux rustiijues, bonnets tissus d'or et bizarres
coiffures de linge, plissées, godronnées, ballonnées,
là
de
(|uoi satisfaire
tous les goûts
:
c'était
il y avait
une surprise conli-
LES VOYAGES DU MARUUIS DE XCUXTEL
1-32
nuelle pour;|les yeux. Nointel s'était mis en tète de rapporter
cette pacotille à Constanlinople. Là,
il
un Domilui commanderait
s'adresserait à
nicain de ses amis, habile à modeler la cire, et
une série de Ggures, que Ion vêtirait de ces oripeaux et que
Ton exposerait ensuite. Plus lard, tout cet Orient en efBgie pourrait être envoyé à Paris et former un musée public de ligures de
cire, qui attirerait la foule autant
grandeur naturelle
l'on voyait en
phin
et les
Au lieu
nomies,
quun
autre déjà ouvert,
Reine,
le Roi, la
premiers personnages de
la
son
récit,
avec des expressions d'une
bonhomie savoureuse, nous présente toute une
l'ail et
la ciboule, à tel point
est obligé de s'appliquer contre la figure
pour se prémunir contre
bien rafflnés
»,
même
et,
»,
galerie de vivants
prêtres grecs chevelus et barbus, moines cras-
:
seux, protopapas puant
fidie
Dau-
le
cour.
de collectionner des costumes, Magni notait les physio-
les caractères; et
personnages
«
Mgr
oii
les
conséquences de leur abord
Grecs d'esprit aigu,
çà et
là,
que Nointel
un gant odoriférant,
«
Juifs
:
plus perfides que la per-
des consuls de France échelonnés,
tous Méridionaux, natifs de Marseille ou de Toulouse, ?ens de
belle faconde et de verve hâbleuse, pénétrés de leur importance.
Devant Chypre,
dans
lit
et
la
consul vint reconnaître
le
chambrt> de poupe
— Je
profondes révérences,
honneurs de
l'ile,
:
«
Qui
le
»
navire
:
il
trouva
êtes-vous".' lui dit-il.
n'en ai que deux,
sadeur à Constanlinople.
le
principal messager, couché sur son
enveloppé de sa pelisse
Votre supérieur.
les
le
Nointel se
le
—
Roi et son ambas-
nomma;
alors,
consul le conduisit à terre, où
avec de
il
lui
fit
de ses jardins et de ses chasses.
Dans les derniers jours de février 1674, les cimes neigeuses
du Liban, paraissant à l'horizon, annoncèrent aux navigateurs
la côte
la terre
syrienne; on aperçut
de sang
et
le sol
toujours convoité et disputé,
de délices, qui vers la
fin
de l'hiver se signale
aux marins, à une grande distance en mer, par
amandiers
et de ses
voyageurs no
Echelles.
Ils
firent
le
parfum de ses
pêchers en Heur, embaunwuit
que longer
la côte,
la brise.
Nos
touchant aux principales
virent Tripoli de Syrie, centre
du commerce véni-
l.K
VOVACK DES KCHELLES
tien en ces parages,
avec
i:W
grosses tours carrées qui en
les sept
défendaient l'entrée; Seyde, l'ancienne Sidon. Echelle importante,
où
n'y avait que des
il
marchands
dans un seul hàtiment. dans un
comme un
détachait
«
vivant entassés
franç^'ais.
khan
dont la masse se
»,
cuhe hlanc parmi de laides masures; plus
loin Saint-Jean-d'Acre, clef de la Syrie au
maintenant par ses mines,
([ui
movcn
encombraient
âge, grande
port et attris-
le
taient la plage.
Dans tous ces
étudier sur
avec
trait
les
endroits. Noinle! profitait de son passage pour
le vif
des Turcs de prox ince, pour
pachas et les cadis,
de mœurs,
le
et n'omettait
propos caractéristique
geait désormais les
(1).
séjours et oiiservait
lier
connaissance
jamais de relever
Toutefois,
il
le
abré-
au vol. ayant hâte
d'arriver à Jérusalem pour les cérémonies de la semaine sainte.
Bientôt,
il
faisait saluer
d'une volée de son
du Carmel, entrevus au
loin
le 12,
:
il
artillerie les soirunets
prenait lerre
;i
.lail'a.
au
seuil de la Palestine.
III
LA
Entre Jalfa
et
rKKHI'.
Rama, on
ciievanclia en caravane armée, à cause
des Arabes qui infestaient
le
pays.
d'abord fertile et riante contrée.
(leurs; sur le sol.
au
lieu
nappe ininterrompue de
campagne
La Terre
Le printemps
Sainte apparut
couvrait de
la
du gazon de nos contrées,
tulipes et
c'était
une
d'anémones. A perle de vue,
la
s'argentait ilu feuillage des oliviers, et Antoine des
Barres ne se
lassait
pas d'admirer ces arbres vigourcu.x, prolon-
geant d'interminables allées
que
SAINTK.
celles de
France qu'on
«
en aussi bon ordre
tire
el
aussi droites
à la ligne et qu'on plante au
» l'ar manière d'ciitrcticii.
Il écrivait après sa visite au cadi de Seyde
s'informa de mon Ichtwuch si jetais marié, et il s'étonna fort que je ne le
fusse pas, insinuant néanmoins qu'il le soupçonnait, parce que je n'avais pas
assez caressé son fils. >
(1)
il
:
LKS V()YA(;ES dl .maiîul
134
cordeau
(1) ».
Lien que
Et toute cette végétation croissait spontanément.
pays fût mal aiTosé
le
is iie .\(iimi:i,
et
dépourvu de cours d'eau.
Nointel relève cette particularité en termes ampoulés, car
il
jugeait nécessaire d'enfler et de guinder son style à mesure qu'il
approcliait des lieux augustes
qui y coulaient en
si
«
:
de recouvi'ir et de ménager
salem
le
,
au sortir de
Larron; son
Arabes
Rama
nom
conserve
la
d'utilité,
il
»
montée vers Jéru-
décrit sa
l^tant parti de
grand matin, je
montagnes au
cliàteau
«
:
d'entrer dans les
avec tant
et
défaut oblige encore à présent
les sources.
termes non moins originaux,
commençai
rivières de la grâce, dit-il,
grande abondance
suppléaient aux naturelles, dont
En
Les
mémoire de
du Bon
sa pénitence, et les
son désordre. Et après m'étre reposé à Saint-
celle de
Jérémie, où ce prophète est né, je jetai des œillades en passant
sur la vallée de Térébinthe. sur le village de Saint-Jean-Uaptiste,
sur la maison de plaisir de Sainte Elisabeth, où
et
s'il
Vierge
la visita,
m'avait fallu m'arrèter à toutes les remarques que l'on
faisait, j'aurais
A
la
trouvé les portes de Jérusalem fermées.
Jérusalem, où
me
«
catholique ne se soutenait que par la
le culte
protection du Roi, les Turcs ne nous permettaient pas pourtant
d'avoir un consul, et nos représentants n'avaient que rarement
pénétré
:
raison de plus pour que Nointel crut ni'cessaire de
frapper les esprits en s'adressant aux yeux.
entrée dans
la ville sainte
11
voulut que son
dépassât en magnificence toutes celles
qu'il avait faites.
C'était le
15
nicirs
1674
:
l'ambassadeur s'avançait précédé
dofficiers turcs et de religieux latins,
annoncé par des fanfares,
monté sur un cheval richement harnaché;
seize estafiers et pale-
freniers l'environnaient; autour de lui on portait ses armes.
Un
large parasol, insigne de souveraineté dans tout l'Orient, ombrageait sa tète, et cinquante cavaliers le suivaient sur deux
files, le
mousquet haut. Cette pompe quasi guerrière passa sous
hautes portes farouches, s'engagea dans l'archaïque
(1)
Etal présent de
l'ArcInjii:!.
[)
:!UI.
cité,
les
crou-
LE VOYAGE DES ÉCHELLES
lanle de vétusté, plus sarrasine i|uc turque.
peuple s'écrasait pour voir
il
:
133
Dans
les rues, le
y avait foule sur les terrasses, des
spectateurs de race et de croyance ennemies, musulmans, grecs,
arméniens, coptes,
latins,
d'assister à quelque chose
la
France, en
juifs,
tous avaient l'impression
et
d'imprévu
et de
grand
;
il
semblait que
personne de son ambassadeur, reprenait posses-
la
sion de Jérusalem ou du moins venait la couvrir d'une protection
auguste.
L'ambassadeur descendit au couvent du Saint-Sauveur, chez
les Franciscains de
Terre Sainte qui, depuis des siècles, tiennent
garnison catholique autour des églises de Judée.
Il
se
leur
fit
hôte, s'associa à leurs exercices de dévotion, à leurs obser-
vances
trant
:
comme eux,
il
voulut jeûner, veiller, sliumiHer,
une ferveur exemplaire. En
comme
le
humble des
plus
sanctuaires, on
particulier,
se
mon-
comportait
pèlerins; en public, pour la visite
aux
communauté
et,
voyait s'entourer de toute
le
il
la
précédé de la croix et des cierges, escorté de ses gardes, faire
magnifiquement
honneur de soutenir
le
prestige
Ces dévotions solennelles ne plaisaient pas à tout
le
monde.
et l'autorité
figure, tenant à
de son maître.
Les Grecs, nos concurrents dans les Lieux Saints, poursuivaient
l'ambassadeur
et
«
leurs
et
sa suite d'un regard mauvais, chargé de venin,
yeux de
basilic » le fixaient
avec obstination. Ces
schismatiques enviaient à nos religieux l'honneur de posséder
un
tel
pèlerin,
s'alarmaient du lustre qui en rejaillissait sur
notre culte et craignaient que la position de l'orthodo.xie dans
les
Lieux Saints n'en reçût quelque
On
sait ce
atteinte.
que se disputent en Palestine les confessions rivales.
Ce n'est pas la propriété des Lieux
Grand Seigneur, souverain territorial
testations; ce n'est pas
même un
Saints, qui appartient au
et
juge suprême des con-
usufruit complet, une jouis-
sance exclusive, chaque culte officiant ù tour de rôle aux
cipaux autels.
Il
s'agit
de
certains
privilèges
priti-
honorifiques,
marques ostensibles de prééminence; par exemple,
le
droit
d'orner un sanctuaire, d'y placer des images et des tapis, d"y
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL
136
suspendre des lampes^ de garder
nas d'une serrure.
la clef
d'une église ou
cade-
le
Portant sur ces riens précieux, la lutte
s'étendait alors à tous les sanctuaires,
mais
la position
convoitée
et disputée entre toutes, plusieurs fois prise et reprise, était le
en forme
Saint-Sépulcre lui-même^ c'est-à-dire l'édicule
rotonde qui s'élève dans
l'église
du même nom
chapelle de marbre le roc sacré du
On
tage.
était arrivé
Aux
et
de
recouvre d'une
Tombeau.
pourtant à une sorte de compromis et de par-
jours de fête, les Grecs avaient
droit d'orner et
le
d'illuminer extérieurement la coupole de l'édicule; les Latins
murs jusqu'à
étaient en possession de décorer et de draper les
base de la coupole.
la
leurs plus
En l'honneur
de Nointel,
beaux ornements, un splendide
ils
sortirent
tapis de brocart,
don
de Philippe lY d'Espagne; cet étalage acheva d'exaspérer les
Grecs, dont le dépit se tourna en rage.
Pour mettre en place
la tenture, les religieux étaient
montés
sur la corniche, à l'aide d'une échelle servant aux deux cultes.
Méchamment,
les
Grecs retirèrent
bons Pères,
l'échelle, et les
leur travail achevé, se trouvèrent fort empêtrés pour descendre;
il
leur fallut sauter à terre, au milieu des huées de leurs adver-
On
saires.
se mit à s'invectiver; des
deux côtés, des renforts
arrivèrent, de gros bâtons parurent; des injures,
coups; les Latins rendirent
leur portait;
il
«
on en vint aux
avec quelque usure
»
ceux qu'on
y eut rixe, mêlée, bataille dans l'église et sur
la
place voisine, jusqu'à ce que des soldats Uwcs fussent arrivés
pour rétablir
l'ordre,
distribuant avec
aux deux
impartialité
partis horions et bourrades.
-
Mais
la
communauté grecque
tres, religieux, séculiers,
tribunal
du
cadi,
s'était
levée tout entière
femmes, enfants,
gesticulant,
criant,
:
prê-
se précipitèrent au
réclamant
vociférant,
secours contre ces Latins qui avaient voulu les assassiner. Ce
fut
un tumulte effroyable,
leur plainte,
Un
il
fallait
«
un enfer déchaîné
aux Grecs un cadavre
:
».
ils
Pour appuyer
le
trouvèrent.
de leurs caloyers, chargé d'ans et d'infirmités, venait de tré-
passer;
ils
prétendirent que
le
pauvre
homme
était
mort des
LE VOYAGE DES ÉCHELLES
coups reçus pendant
la bagarre. Ils exhibèrent
137
son corps, mon-
trèrent ses prétendues blessures et lui firent des funérailles ven-
avec de grandes démonstrations de douleur
geresses,
colère. Puis,
requête,
le cadi
se
de
pressait peu d'accueillir leur
députèrent à Constantinople leur patriarche, chargé
ils
d'évoquer
comme
et
l'afTaire
nos moines
au tribunal delà Sublime Porte. De leur côté,
Père procureur. Voilà l'élernel pro-
firent partir leur
cès renouvelé, à l'occasion du voj'age do l'ambassadeur.
Les cérémonies de
la
semaine sainte n'en furent pas moins
touchantes et belles. Pendant les derniers jours, Nointel vécut
dans
l'église
du Sépulcre.
Il
parcourut
le lahvriiillie
tuaires obscurs que renferme la vieille basilique
trementdes chapelles,
les étouffants réduits
où
:
se
il
vil
de sanc-
l'enclievê-
conservent les
reliques et, au fond de ces antres sacrés, h la lumière des lampes
éternelles, le ruissellement des ors et la splendeur des chasses.
Précédé de ses janissaires,
dolente;
il
allait
lamentation
les
mêmes
oîi
il
fendait le flot des pèlerins, la foule
de l'un à l'autre de ces lieux de prière et de
mêmes
depuis tant de siècles, avec les
souffrance divine, la grande détresse de l'humanité
il
(1).
Quand
eut suivi les offices au pied du Sépulcre et entendu les inter-
minables psalmodies,
Calvaire, à
la
soupirs,
sanglots, vient chercher secours, au contact de la
hi iiicrre
les
Pères
le
de l'Onction;
conduisirent en procession au
il
refit
toutes les stations de
voie douloureuse.
Ce
fut ensuite l'allégresse
série d'excursions
dans toutes
rampes pierreuses, par
liyènes,
triomphante de Pâques, puis une
les parties
de
les grises solitudes,
on descertdit jusqu'à
la
la
Judée. Par les
où fuyaient des
dépression où s'épanouit la
maigre oasis de Jéricho, en avant des montagnes moabites qui,
de leurs cimes cuivrées, barrent durement
Jamais ces
vu plus imposant pèlerinage. L'ambassadeur, ses compagnons, les religieux allaient à cheval, sur de
l'iiorizon.
lieux désolés n'avaient
hautes selles à la
(1)
Singulli
mode du pays, dans
c soxpiri, dit
Magni.
le
(lottement des tapis à
.
.
LES VOYAIiES
r.i8
l»U
MAHQriS DE NOINTEI.
longues franges et des verroteries. Des Maronites, clients traditionnels de la France, suivaient en longue
et quatre-vingts
commandés par
cavaliers en casque et cotte de mailles,
cipal officier turc de Jérusalem, le
file,
le prin-
mussdem, s'avançaient sur les
fiancs de la colonne. Ainsi protégé, Nointel put se recueillir
devant Jéricho, prier aux bords du Jourdain, contempler
la
mer
Morte.
Non
loin de la
grève sinistre,
pavillon, richement orné,
où
il
le
musselem avait
offrit
fait
dresser un
aux Français un
festin,
un
« grands, si Ion considère
nombre des plats, mais très méchants par la malpropreté ».
Dans le cercle des convives assis par terre à la mode turque, où
de ces repas que Nointel qualifiait
le
circulaient pieds nus les serviteurs, on vit paraître des jattes de
riz et
de
pilaf,
des mixtures de farine et de miel, des
monceaux
de viandes, des nourritures étranges, épouvantables,
poulets qui semblaient sortir delà cuisine de Phiton
à soulever
même
«
».
certains
des mets
l'estomac robuste d'un Français du dix-sep-
finir, un mouton entier, rôti, dégouttant de
un de ces moutons de Syrie à queue énorme. Le Turc
tième siècle; pour
graisse,
s'empara de cet appendice
et
y mordit à belles dents;
cha ensuite un gros patjuet de graisse
l'ambassadeur,
ses
comme morceau
et le porta à la
de choix. Nointel
compagnons un regard de détresse
;
mais
politesse orientale lui défendaient de refuser;
dégoûts
et absorlia le
morceau
ce fut un
:
il
en déta-
bouche de
pâlit, fixa
les règles
sur
de la
surmonta ses
il
de ses
traits
d'hé-
roïsme.
Dans
le
voisinage du lieu de
lialte,
des Bédouins pillards
erraient, rôdaient; on distinguait leurs tentes, leurs
nomades, que Nointel
nomme
«
des
\
illages
campements
ambulatoires
»
Toutefois, ces barbares, avec qui l'on avait eu la prudence de
passer un arrangement, se montrèrent sages
:
ils
laissèrent les
pèlerins continuer leur tournée, visiter le Cédron, les sépultures
des rois et des prophètes, et Bethléem, où les (Irecs dominaient
et
ne nous permirent d'accéder que par grâce à
Nativité.
la grotte
de la
LE VOYAGE DES ECHELLES
Parmi
tant de lieux vénérables,
fût fait scrupule de négliger
:
il
en
était
139
un que Nointel
son patriotisme, autant
Une
dévotion, lui commandait d'y aller.
se
(|ue sa
tradition voulait qu'a-
la prise de Jérusalem par les InlidMes et la destruction du
royaume latin, une poignée de Français, descendant des croisés,
se fût retirée et retranchée sur un mont proche de Bethléem; là,
près
retombés à
sauvage, vivant à
la vie
guerroyant
et
comme
la
façon des Arabes, pillant
eux, ces Français du désert se seraient
maintenus quarante ans,
et leur résistance n'eût fini que par la
mort du dernier d'entre eux. Leur prétendu repaire s'appelait
encore dans le pays la « montagne des Français ». Nointel y
mena un
pèlerinage
mal famé
et hanté, disait-on,
La colonne
chacun
on
particulièrement
de dangereux Arabes.
au poing. Le guide qui
mais se
fiait»
la
conduisaitne répon-
au courage français
».
A
mi-hauteur,
escarpements du sommet se hérisser de lances
vit les
burnous noirs, de grands arcs parurent,
dans
était
s'organisa militairement, l'ambassadeur au centre,
le pistolet
dait de rien,
armé, car l'endroit
l'air.
Mais
la petite
et
un vol de flèches
:
des
siffla
phalange va-t-elle s'arrêter devant
quelques pillards? Qu'on les disperse, qu'on les châtie
:
à l'as-
Chacun s'élance, escalade les pentes, faisant feu sur les
burnous. Le bruit de la poudre dispersa toute la bande. Les
vainqueurs arrivèrent sans difficulté au sommet, glorieusement
saut
!
reconquis
,
et
y cherchèrent
les traces, les
ossements de leurs
devanciers. Inutile de dire qu'on ne les trouva point; néanmoins,
comme
Nointel aimait à solenniser tous les épisodes de son
voyage,
il
fit
entonner un Dies irœ à l'intention de ces héros
problématiques.
Les Arabes, cependant,
s'étaient rapprochés,
maintenant des dispositions pacifiques
d'intelligence.
A
la fin, leur roi, le
otages et proposa un colloque;
noble de
fils
temps côte
sur
le
du
désert.
mais annonçaient
et faisaient des signes
chef de la tribu, envoya des
il
s'y
présenta avec sa grâce
Nointel et lui chevauchèrent quelque
à côte et se séparèrent
malenle[idu du matin
:
il
fut
amis, après s'être expliqué
reconnu que l'attaque avait
LES VOYAGES DU .MAUULIS DE NOINTEL
140
été
provoquée sous main par
les
moines grecs, qui avaient dépé-
ché au chef arabe des émissaires pour nous accuser d'intentions
spoliatrices et conquérantes.:
nouveau
de leur perfidie.
trait
Nointel rentra néanmoins à Jérusalem pour assister en cu-
rieux aux cérémonies de la Pàque grecque, qui retarde de
treize jours sur la nôtre.
miracle du feu sacré,
croient
Il
le
tenait surtout à observer le prétendu
samedi
saint.
fermement qu'un de leurs chefs
En
ce jour, les Grecs
spirituels,
enfermé dans
Saint-Sépulcre, voit s'allumer une flamme surnaturelle qu'il
le
recueille, qu'il transmet à tous les pèlerins, afin que ceux-ci la
propagent, jusqu'aux extrémités du
scène
,
monde orthodoxe.
lune des plus extraordinaires qui
Jérusalem,
était
se
Cette
puissent voir à
encore plus caractérisée en ce temps-là par de
scandaleuses pratiques, par un tumulte énorme, fou, monstrueux; c'était une véritable orgie sacrée. Afin de jouir
dément du
spectacle, Nointel se
nait sur l'église;
franciscains, ses
.
En
il
fit
commo-
ouvrir une galerie qui don-
plaça de bonne heure, avec les Pères
s'y
compagnons
et ses janissaires.
bas, dans l'église sans lumières, c'était
un grouillement
défoule, une multitude noire, dense, haletante. Depuis plusieurs
jours, d'innombrables pèlerins, des familles entières, vivaient
là,
dormant, mangeant, croupissant au
même
endroit, pour gar-
der leur place, et de ces groupes, se mouvant confusément dans
l'ombre, s'élevaient une
rumeur continue
et
une
fétidité.
A me-
sure que les heures s'écoulèrent, une impatience, une émotion,
un
vertige enfin
toutes ces
gagna ces masses,
ivres d'abstinence, et dans
âmes montées au comble de
l'exaltai ion,
il
se
un
lit
rappel soudain de paganisme, un retour aux idolâtries obscènes,
aux abominations pieuses. Des Grecs venaient maintenant
gner
et liurler contre les murailles
trépi-
du Sépulcre, réclamant
le
miracle. D'autres se prenaient par le bras, formaient des rondes,
des danses, menaient d'infernales sarabandes. Parfois, deux
d'entre eux fonçaient l'un sur l'autre et s'entre-choquaient fu-
rieusement du front, à
en
la
manière de taureaux qui
élevait d'autres sur les épaules de leurs
luttent.
On
compagnons, comme
LE VOVAiiE DES ECHELLES
des patriarches
menés, puis
([u'oii
intronise;
ils
i41
passaient ainsi portés, pro-
faisaient In'sser à coté d'eux de jeunes
appelaient leurs diacres, et prenaient alors des poses
qu'ils
immondes; on
appelant
et les
la
Le supérieur
des scènes de hideuse bestialité.
vit
des Franciscains s'enfuit de
la tribune et s'alla
mettre en prière,
miséricorde divine sur ces profanateurs du temple:
Turcs de l'escorte, écarquillant leurs veux
voir, se délectaient
Une fumée
miracle était
velait
sortit
pour recevoir
la foule, se
le
L'évéque chargé de l'opérer reparut tenant
fait.
on se l'arrache,
mieux
du Sépulcre,
enfin par les ouvertures
constamment. Des bras
pai' milliers,
[tour
du spectacle.
une gerbe de feux, un boucjuet de cierges allumés
dans
garçons
qu'il
renou-
se tendent vers lui par centaines,
l'étincelle sacrée.
elle se multiplie
en
On
se la dispute,
folles lueurs qui
courent
poursuivent, s'éteignent et se rallument, se dis-
persent dans toutes les parties de l'église et piquent de milliers
A mesure que la llanune erre
communique, la frénésie du peuple augmente. C'est maince sont des allégresses brutales, des fureurs.
tenant un délire
d'étoiles les obscures profondeurs.
et se
:
des extases, des défis fanatiques, des épreuves
se passent la
tir
flamme sur leur chair nue
aucune brûlure, qui
la
et
:
des
femmes
qui
prétendent ne ressen-
poussent au visage de leurs enfants;
des groupes qui roulent à terre et s'étreignent, et des clameurs
effrovables, des cris qui n'ont plus rien
ments. Vers
le soir,
d'immain
,
des rugisse-
nos Français se retirèrent étourdis de ce
tumulte, écoHirés par l'odeur fade des cierges se mêlant aux
senteurs d'IuMiianité, à
tel
point
rdmims,
iiarassés, brisés, (ju
leur fallut un jour de repos absolu pour se remettre
Cependant, h
la
il
(1).
\uo de lopprobre des Lieux Saints,
à l'aspect
de ces Grecs partout usurpateurs et sacrilèges, la piété de .\oinfel s'est
profondément émue
;
son cœur
s'afflige,
son indignation
.N'ointel et dont nous [)arloMs plus
qui appartient aujourd'hui à M. le duc d'xVudilîret-l'asiiuier,
reproduit toutes les scènes, tous les épisodes du spectacle. C'est un commentaire vivant et 1res exact du récit de Cornelio Masni.
(I)
loin,
L un des tableaux coinniandcs par
celui
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL
142
déborde
se croit obligé à d'éclatantes
il
:
démarcbes.
Il
n'écrit
pas seulement au Roi, mais au Pape, à
la reine
tous les potentats catlioliques;
d'abondantes aumônes
sollicite
il
d'Espagne, à
qui permettront d'aciieter la protection des pacbaset de déjouer
intrigues scbismatiques
les
,
dénonce
envahissements des
les
Grecs, fulmine contre cette engeance. Avec un zèle à fracas,
s'érige
en défenseur de Jérusalem opprimée, souillée,
du Saint-Sépulcre.
titue d'office l'avocat
En même temps, dans
d'autres
Mais
du
il
la description
,
veut cette
fois
C'est alors
sujet.
il
et s'ins-
sa lettre au Roi,
il
refait, après tant
de Jérusalem et des sites environnants.
que son style s'élève tout à
qu'il
sacrifie
fait
h hauteur
plus au faux goût de
le
l'époque, au genre ridiculement emphatique qui sévissait dans
toute une partie de la littérature
et
naturellement ce
ses périodes, et
qu'il a
vu,
:
au lieu de raconter simplement
arrondit, balance, surcharge
il
compose un morceau d'une éloquence
bouffie,
tout d'antithèses et de métaphores.
Sire, dit-il. la ville de Jérusalem,
«
où
j'ai
l'avantage de
me
trouver, n'est plus ce qu'elle a été dans l'antiquité; la grandeur
et la
les
magnificence de son temple consistent en de foibles restes
:
armées de ministres destinées au service de ses autels sont
changées en un
mosquée
;
petit
nombre de Turcs employés
à servir
une
l'abondance du peuple qu'elle contenoit a produit un
ilésert; la quantité d'argent qui s'y trouvoit
en sorte qu'étant
commun on
les pierres, a fait
ne l'estimoit pas davantage que
(\uk présent on se soumet à tout pour en avoir; les plus illustres
monuments
destinés pour servir de sépulture à tant de rois et
de grands personnages, lesquels v renfermoient aussi leurs trésors,
semblent n'avoir été
taillés
dans
le
roc par
un
travail incon-
cevable et séparés de la terre qui les a produits que pour y être
maintenant ensevelis en partie
prodigieuse
il
n'y a plus d'apparence de cette
fertilité, si elle n'étoit
miraculeuse, puistju'au milieu
:
des rocs et des montagnes dont le pavs est tout plein,
soit à tant
de millions de jjersonnes,
soutenir ce siège
si
les
elle sufli-
ayant longtemps aidées
fameux d'un des plus grands empereurs
LE
VOVACK
KCllELLES
ni:s
143
romains. Ces considérations, Sire, pourroicnt attirer l'admira-
changement
tion d'un
si
extraoniinaire
imprimer une
et
,
douleur à tout autre que Votre Majesté qui
des justes prophéties sur lesquelles
appuyé;
est
il
forte
est bien informée
elle
pénètre
indubitablement que tout se passoit en figure dans l'ancienne
Jérusalem
de sa
;
sa grandeur passée qui
s'anéantir,
comprend l'empire absolu
superbe de ses édifices, dévoient s'évanouir et
loi, et la
aûn que la véritable gloire,
qu'elle ne Cguroil qu'impar-
faitement, fût répandue avec profusion sur la grotte de Bethléem,
sur les montagnes de Sion, du Calvaire et des Oliviers, et sur
les fonds et plaines qui les
environnent, et les torrents qui les
arrosent, afin que par l'Évangile et la religion nous fussions
que nous eussions un
délivrés d'un joug intolérable, afin
fils
afné
de l'Église, qui renfermant dans sa personne sacrée toutes
les
qualités
rares
tant d'autres
de
monarques dont
Louis XIV, ce qui
Charlemagne,
Clovis,
suffit
il
pour en imprimer
les
langue ni la plume ne peuvent exprimer.
la
Suit le tableau de la
communauté
il
Grecs
et des
secours que
est tout-puissant,
tions. Ici,
le
Koi
magnanime
emporté par
le désir
en Terre Sainte, de
démêlés avec
portera certainement, car
et attaché à de glorieuses tradi-
de magnifier
le
Roi
et la
Nointel arrive à de véritables extravagances de style
lyrisme,
les
«
il
tombe dans
le
dil-il. (pii
et
invoquent
France,
visant au
:
comment
pathos: après avoir rappelé
Pères de Saint-François célèbrent
Quand ceux,
nomme
»
latine
lui
et
grandes idées que
l'accueil qu'elle a fait à notre représentant, do ses
les
Louis
saint
sa naissance, se
tire
la
France
:
ont l'avantage de vivre dans ces saints
Lieux ne tiendroient pas un langage
si
juste, les illustres morts
qui y sont ensevelis, et les instruments de leurs victoires qui s'v
gardent comnie des reliques, parlent assez par leur silence,
ils
et
continueront de parler français jusqu'à la consommation des
siècles,
malgré
la
malice des Grecs qui paraissent n'avoir usurpé
lessépulcresdeGodefrovde Bouillon, du
roi
Baudouin
enfants, que pour rayer et falsifier les titres de leur
leur artifice ne sauroit réussir, et
il
est si
et
de leurs
mémoire;
peu possible de ne pas
LES VOYA(iES DU MARQUIS DE
\U
rendre
ici
justice à la France, qu'en
NOIMEL
manquant de
le faire
on
s'expose à voir tomber les montagnes sur sa tête, y en ayant une
fort élevée sur laciuelle les
Français s'étant retirés après
la perte
de Jérusalem y ont demeuré quarante ans. attendant du secours;
pour mieux dire, ils y sont encore, puisque, par leur mort, ils en
ont
fait
un cimetière glorieux
Ce galimatias
»
sent d'autant plus la recherche,
que
l'effort,
l'enthousiasme de l'auteur était voulu et son admiration de com-
mande. Au fond,
la
Terre Sainte n'avait pas répondu à l'image
s'en était faite
qu'il
d'après les témoignages bibliques.
Il
ne
paraît pas a%oir senti l'austère beauté de cette contrée en ruine,
aux horizons convulsés, aux brisures étranges, au
Comme
le soleil d'Asie.
il
s'était
lité
sol
ravagé par
sa lellre au Roi semble déjà l'indiquer,
étonné de ne retrouver nulle part les traces, la possibi-
même
de ces grands déploiements de civilisation dont parle
rFcriture. Ces écroulements de rochers, ces passes à peine pra-
pour
ticables, ces vallées trop étroites
y placent dans
les livres sacrés
déconcertaient un peu.
et sa
le
les
passé ou dans l'avenir, le
déception perce surtout dans cer-
tains passages de ses lettres au ministre
«
la
Je puis vous assurer, Monsieur,
Providence
ait
scènes grandioses que
:
lui écrit-il, qu'il
semble que
autant pris de plaisir à enrichir ce pays par la
profusion de ses grâces spirituelles, en figure et en vérité,
paroît avoir été
situation et d'un terrain fertile.
l)elle
que
cette
les
11
grande abondance de peuples
suffisoit étoient
(ju'il
dépourvu de tout temps des avantages d'une
des miracles perpétuels
faut croire
néanmoins
et la fertilité
(jui
qui leur
faisoient produire
rochers et contenir dans de petits espaces des quantités
innombrables de monde qui, autrement, n'y auroient pu demeurer sans centupler leurs rangs les uns sur les autres.
réflexions qui
tombent dans
l'esprit fort
Ce sont des
naturellement, et qui,
étant établies sur la puissance divine, ne font point de tort à la
foi d(^s
la foi...
En
lù-ritures:
il
faul
donc juger de
la terre
où je suis par
)i
réalité, c'était
une autre
terre
(jui
le tentait
désormais
:
LE VOY.VOK DES
l'Keryptc telle
K
que ravaient décrite
DUE f.LK S
les
et verte, vivifiée par
fleuve, dressant entre des
bouquets de palmes ses
peu s'en
lui appariait,
de promission
« la véritable terre
Pour
<-ourte
s'y rendre,
le
el
la
lui calculé,
la voie la plus
ses couvents, effleurerait
se
fait
il
fin
de
l'été,
combiné, pour que cbaquc pays
voulait être en Egypte
apparût dans
lui
les fêtes
de
Nil, qui
population, longtemps
la
accablée sous les fureurs de l'été, renaissait à la vie
la
mer
car tout avait été
pourledébordementdu
en automne: à cette époque,
par mille réjouissances
la
route des Hébreux. Son désir était
sa saison caractéristique. .\près avoir vu à Jérusalem
Pâques,
elle célébrait
:
crue bienfaisante des eau.\, festoyait
pendantlesnuitssurle fleuve, dansdelongues barques ilhnninées
c'était l'instant qu'il fallait saisir
pour
animation pittoresque, pour passer
En Terre
la
:
surprendre dans son
revue de tous ses types.
la
Sainte. Nointel avait continué à se préparer les voies
Au moment
en Egypte.
;
par terre, visiterait (laza. se
d'atteindre l'Egypte seulement à la
par
de neige
».
irait
Il
Sinaï
rebours
et ferait à
cités
son
d'après son ])roprc aveu.
ne jugea pas néanmoins que
il
fût la meilleure.
détournerait vers
Rouge
ne
fallait qu'elle
poètes,
liistoriciis et les
grande oasis en longueur, fV'Conde
la
145
d'entrci- à
Jérusalem,
il
avait reçu de
nouvelles lettres de nos nationaux du Caire, se plaignant d'avanies
plus cruelles encore que les précédentes
l'appel
suprême
«
rance de quartier
».
s'ils
de
le
commerce
perdre les
comme
el
au
ciief
des milices, en les
persistaient dans leurs violences, de ne paraître
«n Egypte que pour en
qu'il fût, le
c'était
Nointel avait écrit alors au pacha gouver-
neur, k son principal lieutenant
menaçant,
:
d'assiégés réduits à l'extrémité et sans espé-
fit
retirer
nos marchands. Si chancelant
français profitait à ces tyrans; la crainte
rentrerdans
le
devoir
:
notre colonie; d'Egypte
éprouva qnehiue soulagement. Si l'approche seule de l'ambassadeur avait produit ce résultat,
doute,
il
l'isllimi'
suffirait
de Suez
(jue
ne
ferait sa
de sa venue pour que
el la
mer Rouge, pour
présence? Sans
s'établft
par
qu(> la route ilirocte
des
le transit
Indes se rouvrît devant nous.
10
VOYAGES
l.ES
d46
Parti de Jérusalem
iours.
Après
])l
MARUlIS DE
7 mai,
le
.NoiNTEI.
arriva à Gaza en quelques
il
de la Terre Sainte, ce
les aridités
lui fut
une joie,
un rafraîchissement, que de revoir des arbres, de la verdure, et
que d'entendre le murmure des sources. Les environs de Gaza
lui
parurent délicieux
frani,ais
oasis?
à la description qu'il
:
du dix-septième
Tout
«
siècle, qui
pays,
le
dit-il,
en
fait
dans son
ne reconnaîtrait une véritable
est
agréablement diversifié de
plaines et de collines, qui sont bornées par de grandes
mon-
tagnes. Les arbres fruitiers, tels que figuiers, grenadiers, abricotiers, figuiers de
miers
composent une
Pharaon
et
d'Adam, caroubiers,
oliviers, pal-
y sont dans une abondance à faire croire qu'ils
et autres,
Les ciiemins y étant larges, droits et unis,
le nom de royaux: (jnelques-uns sont
forêt.
méritent admirablement
bordés de haies. Les campagnes semblent
est cultivé, Fair
sur le chaud,
y
bon
est
et l'on
et
même
vu tomber,
y a
fertiles
il
ou
un grand avantage.
ménager
jusqu'à être réduit à
inconnnode de
demandent.
la
et
aux
puils.
et
est misérable
est aussi difficile
il
donner, par l'accablement de ceux qui
c'était
:
ciiefs se
la
l'irangler, (juand
turc, le pachalil; de
droits, à les appeler
ils
une de ces
Gaza
l'apanage d'une grande famille indigène
succédaient l'un à l'autre,
pour réserver ses
la
auprès
Porte se bornant,
d'elle
étales faire
avaient déplu. Quelle occasion pour ISointel
petites dynasties
sister en (|uelques coins de
Le
pour y sup-
»
était héréditaire
d'étudier
Le peuple
demander l'aumiuie,
Par une exception assez rare en pays
dont les
faut,
Il
les fontaines, qui sont rares, et avoir principale-
ment recours aux citernes
([U
assez
y avoit seulement quelque ruisseau
s'il
pléer,
tire
n'y a pas longtemps, une
grêle prodigieuse: enfin,
petite rivière, ce seroit
par ce qui en
tempéré, quoiqu'il
titulaire actuel
du
que
le
sultan laissait sub-
son empire!
jiaclialik était
un tout jeune homme,
placé sous la tutelle de son oncle, qui se pressait jjçu de l'initier
à l'exercice du pouvoir
l'ambassadeur,
abruti.
»
et
On
toujours tenu en
i)ride.
déclare
tellement qu'on peut dire qu'il en est
comme
:
"
Qu'^'it à l'oncle,
l'a
Nointel lui trouva
••
plus d'extérieur
I.K
(|iic
do
». et
soliiliti''
ments qui
VOYACK
il
en
marquoient
lui
CiHKLLKS
lii:s
doiiiie ainsi la
la
I
preuve
:
«
{7
Mes compli-
coasidération de sa personne, non
seulement par elle-même, mais par l'avantage
si
extraordinaire
dans l'empire ottoman de posséder un gouvernement par succession, n'ont point été reconnus par une autre réplique que de
inch'Allah, signifiant «
d'un rire innocent.
en
civilité
lui
lui
la
le
qu'il
»,
que
si
accompagnoit
je forliliai
ma
rare en Turquie,
seul se pouvoit vanter, étoit inséparable des
grandes vertus qui se rencontroient
par
Dieu
fut aussi inutilement
insinuant que la haute naissance,
dont quasi
et
plaît à
s'il
Ce
si
rarement dans ceux élevés
hasard, lui ajoutant (juc son gouvernement en établissoil
preuve,
et
encore plus celui du grand vizir qui avoit succédé
à son père, car toute sa réponse consista dans
un souhait
réitère
d'une longue vie et de toute sorte de prospérités à ce premier
ministre.
La
»
parole du roitelet
mahométan ne s'anima qu'un
instant
:
ce fut à propos de ces uns chevaux du désert, orgueil et trésor
de l'Arabe, dont son État
vage.
ne
Il
connaissait par
était
cœur
un des principaux lieux
la généalogie de
tarissait pas en détails sur leur valeur
dit
:
«
d'éle-
chacun d'eux
Sur
et
cette matière,
Nointel, je le trouvai
autant habile qu'incrovable. Les
animaux à faire des courses de plusieurs jours
sans manger ni boire ne me parurent pas tenir si fort
fatigues de ces
et nuits
ilu prodige, (juc le prix d'une cavale dont il me lit l'éloge, en
m'assurant que pour un quart de cette béte l'on avoit donné
cinq cents
chameaux qui pouvoient
valoir dix mille piastres, et
que lui-même avoit acheté une (|uatriènie partie d'une autre
deux mille
cintj
cents écus, et
il
me
jura qu'il n'v avoit que les
bêtes de certaines races arabes qui se vendissent
que
même
ventre.
on achetoit
très
chèrement
les poulains
cher, et
dans leur
»
La conversation tomba (inalement sur
Sinaï.
si
Les
difficultés et les périls
le
vovage projeté au
de ce détour furent
si
bien
remontrés à Noinlel
qu'il y renonça. Il passerait directement en
Egypte. Douze journées de marche seulement l'en séparaient il
:
LES VOYAIJKS
148
1)1"
s'apprêtait à franchir cette
mais d'arriver au but
gnant
et
final
MAROLIS
l>E
suprême étape,
NOINTEL
se croyait sûr désor-
de son voyage, se voyait déjà attei-
étonnant l'Egypte; mais
est-il,
hélas! projet
si
solide-
ment conçu que ne puissent rompre la fatalité des événements
et la malice des hommes! Au dernier moment, les cliameaux
étant chargés, la caravane eu ortlre de marche, prête à s'éhran-
un fâcheux message que Nointel
prévoir, le surprit en si heau chemin
1er.
Comme
il
dû
eût
l'appareil dont
il
avait eu le tort de ne point
et l'arrêta court.
attendre, la longueur de sa tournée,
s"v
s'entourait, le ton d'autorité
(pi'il
ce
affectait,
vovage de souverain accompli par un ambassadeur, avaient fini
par indisposer la Porte ce pouvoir ombrageux s'était ému.
:
Peut-être aussi le grand vizir Kupruly avait-il deviné nos pro-
voulu
jets sur l'Égvpte et
s'y opposer.
de rappel courait après
lettre
le
marquis
Quoi
;
qu'il
en
fût,
même, pour
une
plus de
sûreté, Kupruly venait de mander au cadi de Jérusalem de
ne point permettre que le magnifique ambassadeur dépassât
la Palestine
:
ce fut de cette défense que Nointel reçut avis à
Gaza.
Une désobéissance eût courroucé le vizir. D'ailleurs, les
moyens matériels eussent manqué pour continuer son voyage
;
il
dut se résigner.
11
rebroussa chemin vers Jaffa pour y reprendre
sa tartane et se remlianiuer. mais
Son
dépit, son chagrin, étaient
il
s'en revenait le
cœur
près à l'Égvpte et ne pouvoir l'atteindre, quelle disgrâce!
tant ainu- à observer
arcanes! Puis, dans
tout
!
(]u"il ei'it
si
Il
eût
cet éuiginati(|ue pays, à en scnilcr
les
les bazars
du Caire,
un monde, que d'emplettes
perbes
gros.
extrêmes. Avoir touché de
à
([ui
faire,
étaient à
eux seuls
que d'occasions su-
D'après des renseignements déjà pris, Nointel savait
trouvé
là
un
las de
choses hétéroclites et précieuses,
des produits de l'Afrique et de ses fabuleux royaumes, des restes
d'animaux inconnus, des pierres douées de vertus magiques,
et
aussi des camées, des bijoux, des médailles à l'effigie des Ptolé-
méeset des Césars, toutes ces friandises dont il était gourmand.
Au moins voulul-il que i|ueli|u"un se chargeât pour lui d'explorer
LE VOVAGK DES ECU KL Li: S
marchands du Caire
les quartiers
sités. Il
oii
il
«
rafle
de curio-
tout ce que l'on voudrait vendre
aussi de recueillir des renseignements
», et
sur IKgypte ancienne et moderne
instruction pareille,
minutieuse, avide, qui
envoya au consul du Caire
cette lettre détaillée,
peint tout entier
le
par mes instructions
il
:
accompagnée de
Accordez-moi tous
M
une
et d'y faire
dépêcha dans ce hut un agent spécial, avec un mémoire
recommandait d'acheter
à prix raisonnable
une
li!»
:
les éclaircissements (pie je
et rendez-les tous les plus
demande
exacts et les
plus étendus (juil se pourra: ajoutez-y le plaisir que je souhaite
ardemment de
toutes les curiosités qui se pourront amasser,
d'oiseaux morts et vivants, de serpents, de
coquilles de la
rocodrilles, gazelle^,
mer Rouge, nacre de perle, champignons, conambre gris^ musc, bézoards, étoffes
gélations, corail, médailles,
des Indes, porcelaines, plantes, singes,
même
des petits mus-
qués d'.\byssinie. N'oubliez pas, je vous conjure, des médailles
et pierres
gravées,
même
des naturelles
Il
y a un marchand
vénitien au Caire qui a bien des médailles, et entre autres
grande d'or frappée en l'honneur d'Alexandre pour
tion d'Alexandrie. J'aurais bien de la joie si
ménager. J'attends de votre courtoisie,
et
me
exactitude, ces petites satisfactions,
Il
me
la
et
tenant bien assuré des
grandes qui peuvent concerner l'avantage
et le
progrès du com-
(1). »
ajoutait
dinaire
vous pouviez
de celle de vos dépu-
marchands, oonuiie aussi de votre diligence
tés et autres
merce
une
la construc-
».
—
un vœu qu
«
il
qualifiait
C'est, disail-il,
à relâcher à Rosette, afin
Si cela arrivait,
comme
il
que
que
lui-même d'«assez extraor-
le
me
gros temps
je puisse faire
contraigne
un tour au Caire.
pourrait bien être, vous entendriez
incontinent parler de moi et aussitôt que la diligence d'un
exprès
le pourrait
permettre.
»
Etrange, en
eff'et,
ce souhait
d'un voyageur aspirant aux infortunes de mer. invoquant
tempête, parce que ce bienheureux accident pourrait
(I) .Vrrhives
des affaires étrangères. Constantinople, XII.
le
la
pousser
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL
150
vers la contrée de ses rêves
moyen
d'atteindre
au besoin, à défaut de tout autre
:
côte d'Egypte,
la
eût consenti à v faire
il
naufrage.
IV
l'eiPHRATE.
ALF.P ET
Il
ne fut point donné à Nointel de relâcher en Egypte, quelle
qu'en fût son envie: au sortir de Jaffa. la
rablement belle
et
mer
se
montra inexo-
ne fournit aucun prétexte pour s'écarter de
direction prescrite
:
la
force fut à l'ambassadeur de se laisser por-
ter vers le .Nord. Toutefois, si la Porte lui avait enjoint de reve-
ne
nir, elle
libre
lui avait
pas indiqué la route à suivre;
il
se jugea
de prendre celle de ses préférences, choisit naturellement
la plus
longue, et se mit à faire par quatre ou cinq cents lieues
de pays l'école buissonnière.
D'abord, remontant
le
long de
la côte
syrienne
.
il
s'arrêta de
nouveau aux principales Échelles, Saint-Jean-d'Acre, Seyde,
Tripoli, et, cette fois, les
1674. L'intérêt du
examina longuement, de mai
commerce
parmi
avait à remettre la discipline
leurs opérations. Puis
il
justifiait ces retards.
les
marchands
fallait batailler
à juillet
Partout,
et l'ordre
il
y
dans
avec les pachas, lutter
contre leur rapacité, leur mauvaise foi. pour réduire au droit
unique de
trois
pour cent
grevaient le négoce.
à toute réquisition,
les mille taxes arbitraires
A Seyde,
il
le
Nointel dut recourir aux arands moyens.
»,
ses pouvoirs discrétionnaires
tout acte de
ville et
commerce
à nos
,
il
«
:
:
cette bête
En
vertu de
interdit jusqu'à nouvel ordre
marchands. Or.
les habitants de la
des environs vivaient en grande partie de leur
avec eux
ils
séchappait en faux-fuyants ou répondait
par des mots inintellisibles. Pour avoir raison de
brute
dont
pacha ne voulait rien entendre
privés de leur gagne-pain,
ils
se soulevèrent.
Il
trafic
y eut
VOYAGE DES ÉCHELLES
Li;
au
émeute de femmes,
i)azar
et
131
devant celle effervescence
le
pacha dut céder.
Nointcl soccupait aussi, dans les lieux où
d'étudier les besoins et les produits
tirer et
ceux
à v importer, les
faisait escale,
il
du pays,
les articles à
moyens d'augmenter
eu
uns
les
et
les autres. Toujours empressé de donner à son voyaj^c une couleur d'utilité pratitpe, il se plongeait dans ces matières, appro-
fondissait les usages et s'appropriait la langue du
dans ses copieux rapports au ministre,
maintenant ques-
était
il
commerce;
tion de quintaux, piastres, couffes, avec cliillVes et calculs
à
l'appui.
Mais toujours son hesoin de narrer reprend
mêmes
statistiques
se
A
dessus
mêle un grain de pittoresque. Au
poser sèchement les résultats du connnerce,
action.
le
travers ses
il
le
lieu d'ex-
nous voyons des caravanes de
récits,
qui servent à confectionner
»,
à ses
montre en
quatre à cinq cents chameaux apporter au rivage les
de Svrie
:
le cristal
«
cendres
de Venise. Ces
cendres proviennent de certaines herbes, que l'on brûle au prin-
temps dans des trous creusés en
dont
elles sont
imprégnées,
les
terre
par suite de l'humidité
:
herbes ne se consument pas
entièrement: leurs débris s'agglutinent en résidus solides, en
espèces de cristallisations, que l'on charge dans des sacs cl que
l'on dirige vers les ports
Tripoli
diaire
;
elles y sont
(le
de
la cùte.
embarquées
marchands vénitiens
l'Adriatique, passent
Les plus
liaes s'en vont à
et parviennent, par l'intermé-
et hollandais,
jusqu'au fond de
aux mains des ouvriers de Murano qui en
font ces inimitables verreries, ces fragiles chefs-d'œuvre
lumière se joue et
s'irise.
La vente de
la
oii la
matière première pro-
duit de tels bénélices que le pacha de Tripoli s'en est réservé
monopole
la
:
c'est lui l'unique débitant. Il sait
concurrence entre
de l'achat
les
acquéreurs et
«
le
à merveille activer
exciter en eux la chaleur
».
D'autres cendres, de qualité inférieure, viennent à Seyde, à
Bevrouth, à Rama. Là, ce sont nos Provençaux qui s'en emparent
et
en
finit le lent
de leurs bâtiments, car on s'en sert aussi pour
LFiS
io-2
VOYAGES DU MARQUIS DE AOINTEU
fabriquer le savon de Marseille. Notre principal article d'expor-
marchands rapportaient
tation consiste en draps. Autrefois, nos
eu retour de beaux charg-ements de coton
et
de soie, et
il
serait
à désirer que l'on pût revivifier cette brandie de négoce, car les
pavsans de Syrie excellent à
à préparer la soie; et sur le
filer et
tour de main de ces artisans, sur les miracles de finesse et de
ténuité que réalise leur habileté, i\ointel abonde en détails pré-
curieux, anecdotiques
cis,
Dans chaque
charge,
port,
(Ij.
quand
montait à cheval
il
vant les alentours de la
il
avait rempli les devoirs de sa
de ses peines en obser-
et se payait
ville. Parfois,
s'aventurait assez loin
il
:
plusieurs Échelles lui servirent de point de départ pour des
excursions dans l'intérieur.
visita ainsi, à six
Il
heures de Saint-Jean-d'Acre,
Nazareth. Gethsemani.
liibliques;
le
Tiiabor,
le
lac
pays de
Tibériade et d'autres sites
de
im violent
dans sa correspondance par un
en particulier,
enthousiasme, qui se traduit
le
lui
inspira
redoulilcinent de traits. hyperboliques et par de surprenantes
métaphores
Son
«
:
élévation,
à propos de
dit-il
agréable figure, sa séparation qui
grand tour,
le
la quantité
nombre de
la légèreté
la
montagne
le détaciic
sainte, son
quasi de tout, son
de ses arbres, leurs dilTérentcs espèces,
ses plantes, la bonté de son terroir, la fraîcheur et
de son eau,
et
l'abondance du gibier,
lui
conservent
autant de gloire dans la nature qu'elle en a eu dans la grâce par
hi
transfiguration de son Créateur; elle
en découvre les provinces qui
l'on
la
Samaric
et la
Judée;
lui
et enfin elle
commande
la Galilée
:
sont voisines et entre autres
peut servir en quelque sorte
«
(I
L'on m'jissure qu'une Indienne à Acre en travaillait (des cotons filés)
d'une finesse surprenante. Pour ce sujet, elle tenait l'ongle du pouce gauche
long |irodigieusement, et un trou presque imperceptible fait dans cette longueur lui servait à jiasser la laine du coton qui était dans sa main gauche
de la grosseur d'un œuf, et si bien battu ijuc les fils en paraissaient aussi
déliés que des atonies. Son iiiéine ongle était percé en deux autres endroits:
mais les ouvertures en étant un peu plus grandes, le coton qui y passait et
qu'elle filait de l'autre main ne produisait pas un fil si fin. o Lettre du fSjuin
:
1074
voya(;e des échelles
Lt;
\b3
d'un rifKjuit'me livre de l'^vangilo, imprimé par Jésus-Christ
lui-même
a été
et par
Jésus glorieux,
communiquée, sa hauteur
naturelle fait voir au-dessous
principaux lieux où ce Sauveur des âmes a
d'elle les
samment
si
puis-
travaillt'. »
Plus loin, en partant de Tripoli,
jours dans
la
outre la gloire qui lui
puis(|U(',
le
Liban
nature des Alpes
et s'étonna
il
s'enfonça pour quelques
de retrouver, sous
le ciel
d'Orient,
des monts grandioses, poussant vers
:
leurs cimes tourmentées, des torrents
écumeux
le ciel
se tordant
au
fond des ravins, des vallons retentissant du bruit des cascades.
A
mi-côte se dessinait une dentelure de donjons et de castels;
des villages blancs s'entouraient
vivaient ces Maronites
de
du Liban que
naguère sous sa spéciale sauvegarde
adoptés pour
fils.
Les chefs de
murailles cri'nelées; là
saint Louis
([ue la
et
avait pris
France avait
tribu, le clergé surtout accueil-
ne se
lirent à bras ouverts leurs frères d'Occident, et ceu.\-ci
lassaient point d'admirer la candeur de ce
simples et douces
quand
;
ils
se virent à la table
entouré de ses principaux prêtres,
un cénacle d'apôtres
bon peuple, ses mœurs
ils
«
dans
».
Continuant à gravir,
ils
fond d'un cirque bordé
île
atteignirent la région des cèdres.
Au
cimes ardues et de neiges éternelles,
géants déployaient leurs ramures
les arbres
du patriarche,
crurent se trouver
:
leurs branches
noueuses s'étendaient en tous sens, se tordaient, s'entrelaçaient
et faisaient
une succession de dômes. Lo
sissant, empreint d'une gravité
lement
Dans
lit
:
il
portait au recueil-
et à la piière.
ce
grand temple vert aux rugueuses colonnes,
dresser un autel et ciianter la messe, variant ainsi
nature
lui
.Nointel
le théâtre
où se complaisait son imagination et dont
fournissait le cadre incessamment renouvelé. Le
de ces scènes à
la
mystique
lieu était d'aspect sai-
effet
patriarche des Maronites, qui l'avait accompagné, admirait sa
piété et exaltait la France.
Ce
sainte pauvreté,
il
prélat chef de peuple eût voulu se
mémoire de Louis XIV dans sa
ne trouva rien de mieux à oflrir qu'un mor-
rappeler par un présent à la
:
LES VOYAGES DU MAUOUIS DE NOINTEL
154
ceau
(le
bois de cèdre, pris en plein
cœur de
cette matière dure, vénérable, incorruptible,
larlire, afin qu'en
on pût sculpter un
buste du Roi Très Chrétien.
Rentré à Tripoli, Nointel s'apprêtait à reprendre
des députés de
sollicitant
la
la
mer, quand
colonie française d'Alep se présentèrent à lui,
pour leur
l'honneur d'une
ville
douze journées de marche dans
visite.
Alep n'était qu'à
l'intérieur, Alep. l'un des
grands
carrefours du Levant, où tous les ans des caravanes interminables, qui mettaient
liuit
jours à défder, apportaient les pro-
duits de la Perse et de la haute Asie. Notre
un de ses principaux comptoirs, mais
les
commerce
tenait là
Anglais et les Hollan-
dais nous y faisaient rude concurrence. Nointel se pardonneraitil
de négliger ce poste important? Laissant sa tartane pousser
sans lui jusqu'au bout de
golfe d'Alexandrette,
avoir
fait
il
syrienne
la côte
décida de
un grand tour dans
la
l'y
et l'attendre
dans
le
rejoindre par terre, après
région d'Alep et de la haute
Syrie.
Vers Alep,
le
danger du voyage venait de certains postes de
soldats turcs échelonnés sur les routes avec mission d'en assu-
rer la sécurité,
vanes.
La
moyennant une taxe à prélever sur
sions et à pilleries;
dévalisaient les voyageurs, quand
ils
les assassinaient pas
le
:
de tous
les
leurs
ils
ne
brigands dont fourmillait
pays, ces gendarmes à la turcjue étaient
Une de
les cara-
perception do ce péage leur était prétexte à extor-
le
plus à craindre.
bandes, sortant inopinément d'une caverne,
essaya d'exercer son industrie aux dépens de l'ambassadeur
de ses gens. Une décharge d'armes à feu eut heureusement
son de cette canaille
:
on
les poursuivit
même
et
rai-
dans leur tanière,
accompagné de drôles à mine de démons,
demander grâce à Nointel et baiser le bas de sa robe. On
et leur chef,
vint
leur
jeta alors quelques sequins. Plus loin, la rencontre de Turco-
mans nomades annonça
s'élargissait,
la
proximité
du
désert.
L'horizon
devenait immense, éclatant à la fois et morne.
L'air s'embrasait; le soleil dardait des flammes; la violence de
la
lumière brûlait
les
veux;
il
fallait faire
route
la
nuit et se
vnvACK m:s
i.K
reposer
le
jour,
quand ou
i5S
i:(:iii:i.i.i:s
avait découvert queUjue asile de ver-
dure et d'ombre.
A
lée,
une demi-journée d'Alep, une
venant vers
le
camp
:
brillante cavalcade fut signa-
rencontre de l'ambassadeur.
çais, la nation, qui se portait à la
Celui-ci reçut les
corps des marchands fran-
c'était le
marchands sous sa
tente et les accueillit roya-
lement, siégeant sur un
lit
Les Anglais aussi
Hollandais étaient venus. Les premiers
et les
de repos couvert de velours cramoisi.
superbement montés, vêtus avec un
étaient gens de belle mine,
luxe étoffé et cossu.
habitudes,
leur pays
une
:
Ils
avaient importé au fond de l'Orient les
train de vie confortable et
le
jusqu'aux plaisirs de
temps se passait à oi'ganiser des
partie de leur
chasses à courre, parfaitement réglées sous un maître
nommé
à l'élection. Parmi eux,
cadets de grande famille,
exilés
ment
«
des
au loin pour apprendre
le
d'équipai/e,
Magni s'étonna de trouver des
fils
de milords
commerce
». (]ui s'étaient
et faire personnelle-
fortune.
Anglais et Hollandais eussent voulu s'adjoindre au cortège de
l'ambassadeur
pour l'entrée en
n'avaient pas jugé
repoussa un
à
hommage
propos
ville;
de
les
comme
leurs
consuls
accompagner,
iN'ointel
qui n'était point dans les formes.
Les
étrangers ne purent qu'assister à la mise en ordre et au départ
du
cortège,
qui était réellement
imposant
:
des trompettes
d'abord, huit janissaires, huit drogmans, dix valets de livrée,
plusieurs chevaux de main, un coureur tout habillé de rouge et
d'autres vêtus à la grecque, entourant la personne de l'ambas-
sadeur,
la nation
derrière
;
en tout, sans compter les piétons,
cent cinquante cavaliers, parmi les(|uels
se faisait
remarquer par
la
le
tchaouch de la Porte
longue penne dont
il
décorait son
turban aux jours de cérémonie.
•Vprès quelques
heures de marche, un vieux château
fort
parut, debout sur une hius(|ue saillie de rochers, et tout autour
la
blanche Alep, enlacée de verdure, noyée de linnière, iiérissée
de minarets et de cyprès, s'épandaitdans
le
nombre,
la
la plaine.
A
l'intérieur,
beauté des mosquées, excitèrent l'admiration.
LES VOYAGES DU MAKOIIS DE NOINTEL
136
ainsi
que l'immensité du bazar, qui formait un dédale de galeries
Dans Alep
couvertes.
et
peuples et de cultes
aux environs,
c'était
une confusion de
des musulmans, des chrétiens de tous
:
genres. Maronites, Arméniens, Arabes, Clialdéens, Syriens, et
parmi ces derniers groupes un mélange de catholiques
dissidents
à côté des
:
musulmans
et des chrétiens, des
et
de
gens qui
n'étaient ni l'un ni l'autre, d'étranges sectaires, des Ye-idiiis
ou
adorateurs du diable. Nointel croit que leur culte se rattachait
primitivement à l'hérésie d'Origène,
«
mais, selon
en reste aucune teinture que de reconnaître
le
lui,
ne leur
il
diable pour leur
dieu ou du moins de ne pas vouloir qu'on en dise du mal,
crainte de s'attirer sa puissance (1)
jtartie
».
Ces peuplades vivaient en
près d'Alep, retranchées dans la montagne, mais
de la France était venu jusqu'à
elles.
Une
le
nom
nuit, leur chef se
glissa dans la ville, visita très secrètement l'ambassadeur et lui
dit qu'il s'offrait
le
monarque d'Occident
puissant
armes
la
Alep
au Roi, avec trente mille lances, pour
le
se déciderait à tàter par les
un grand centre de missions. Franciscains de Terre
était
retenir dans le giron de l'Église. Point n'était besoin de
stimuler
le
zèle des trois ordres principaux,
mauté
exhibant des
:
titres
anciens ou récents, aspirait à la pri-
se disputaient aussi les conversions avec
ils
d'àpreté (jii'eussent pu le faire des
denrées.
.Nointel,
elle qui
«
La
fit
et
même
au
nom
des Svriens par
le
cins, celui des Jésuites se présenta avec
exj)liqua le discoui's arabe.
;i
«'crit
judicieusement
ne suspend pas l'ambition
:
c'est
essuyer deux compliments, car, après un en fran-
çais, pron()nc{'
Nointel
autant
marchands pour de lucratives
de missionnaire,
(|ualit(''
ne détruit
me
mais plutôt de calmer
modérer leur concurrence. Chacun
leurs ardentes rivalités, de
d'eux;,
(t)
Carmes
conquérir les dissidents, à les ramener,
italiens, tra\"aillaienl à
il
oîi
Syrie et la Palestine.
Sainte, Capucins et Jésuites, sans compter quelques
à les
cas
l'omiionne, i»m;ii
»
l(i73.
supérieur des Capu-
un jeune
homme
dont
i.K
Assumant
vôv ai;k
de pacificateur
le rôle
ijii i:i.m;s
I)i;s
157
Nointel réunit les
et d'arbitre,
relig^ieux en assemblée plénière, et ce ne fut pas l'une des moin-
dres singularités de son voyage que de le voir jjrésidcr une
manière de concile. Dans cette fonction,
il
fut
imposant
digne;
et
après avoir donné successivement la parole aux
oliefs
rents ordres, après a\oir écouté leurs requêtes,
rendit, au
du Roi, des ordonnances qui
domaines respectifs
il
des diiïé-
que mal
di'dimitaient tant bien
ménagèrent une paix, une trè\e
et
nom
les
plutôt,
promptcment dénoncée.
Vis-à-vis des cbréliens indigènes,
car, tout schismali(iues et
lité,
il
se
montra
hétérodoxes
idein d'affabi-
qu'ils fussent
pour
la
plupart, leur vénération pour la France témoignait en leur faveur.
11
re<;ut leurs patriarcbes, visita leui's églises, et ce soin lui valut
d'assister à
une
toute sa pompe.
cérémonie,
fort belle
s'y était
Il
rendu
trompettes et des tambourins...
Les Syriens,
«
».
raconte-t-il, remplissaient par leur
Le
leur église, leur cour et les toits
venu recevoir
in pontifkalihus
ma
compliments,
m'informa de ce
du Roi
et sur le sujet de
du
la
monie au
un
et
(|iii'
([ui
Sa Majesté. Tous
les
de.
(ju'à
je leur ai
:
donner des preuves de
(|u'ils
\n
tirent par
l'aire
laite
de prosternations à terre qui
me
juirnrent
expresses, suivant l'observation (jue j'en
assurances qui m'en ont été données.
«
ai
et
croyance
(pji
a\ait (Hé
en grande
c(''r(''-
mes trompettes,
musical formé tout d'un coup par
femmes sans aucune prononciation de paroles;
les
la
des actes positifs
de l'Hostie
son élévation fut
comme
nom-
ténmignèrent pas moins de zèle
bruit des sonnettes, des timbales, de
cri clair et
des
des prières solennelles
prospérité
Transsubstantiation, ce
consaci'ée en pain levé
et à
ma venue
\w
d'union en ce rencontre
lie la
et
y prêcha à la louange
qu'il
rite syrien, tant schismatiques en très grand
bre fjue catholiques,
de l'adoration
patriarciic ([ui m'était
gauciie, j'entendis sa messe, j'y reçus ses
y furent cbantces pour
assistants
abondance
avec son clergé, des cierges
encensoirs, étant à
l'on
syriaque déploya
oij le rite
avec sa maison, au bruit des
«
ce
(pii
les
fut siii\i
générales et bien
pu
faire et suivant
LES
158
DU MAKuriS DE XOIXTEL
V(lVA(;i:S
Après plusieurs semaines passées entre
De
Nointel continue sa pointe vers l'Est.
tant ni comptoirs
murs d'Alep,
les
ce côté,
il
n'existe pour-
à restaurer, ni missions à inspecter
ruines, ses solituiles sans
le dé-
:
monotones, ses horizons coupés de
sert déroule ses ondulations
tombeau
fin,
mortes. Mais c'est précisément
gisent les civilisations
oti
l'attrait
de ces grands souvenirs
qui captive notre ambassadeur et l'entraîne encore une fois à
En septembre, malgré
de lointaines pérégrinations.
torride,
il
s'avance jusquà lEuphrate, où
demi morte de chaleur
et
de
soif.
la saison
caravane arrive à
la
De longues barques errant
sur les eaux permettent d'accéder à la rive opposée. Là, sur la
grève brûlante, Nointel
le
fait
dresser sa tente et contemple à loisir
Babylone. Mais
fleuve qui baigna
recueillir et à s'absorber
dans ses pensées. La mise en scène
est nécessaire, indispensable
tion.
:
il
la lui faut
lui
pour aidera son émo-
on célèbre un service solennel sous sa
Par ses ordres,
grand silence
tente; puis, dans le
ne se borne pas à se
il
grave, profond, scandé par
le
ilu
un chant
désert,
bruit des fanfares
vane tout entière qui entonne à pleine voix
:
le
s'élève,
c'est la cara-
cantique des
FTébreux.
Le
signal de revenir en arrière fut enlin donné, et Nointel se
rapprocha d'Alep, mais celle
ville.
Sa
suite était plus
fois
ne
lit
guère que traverser
nombreuse que jamais,
extraordinaire de peuple pour
le
la
et quelle affluence
contempler!
(
Je puis vous
assurer, écrit-il au ministre dans un accès de naïf orgueil, que
j'avais peine àpasser dans les rues.
côte,
il
prit
augmentant
un
»
Pour retourner d'Alep
de celui par lequel
il
était
à la
venu,
somme
de ses impressions et de ses sou-
avoir cherché
sur les lieux les traces de saint
ainsi la
venirs. .\près
Siméon
cliiMiiin dilférenl
Stylite,
mains, traversé
«
visité plusieurs sépultures
la célèlire
\
ilh'
d'Anlioilie
cl
des anciens Ro-
lOronte
».
après
avoir parcouru de grands espaces calcinés, franchi des défilés,
contonriu> des montagnes, nos voyageurs
au bout de lliorizon, l'innuensité bleue.
lancre dans un
\tin{
La
retrouvèrent enfin,
tartane se tenait à
du uolfc d'AlexiindrelIc. exacte an
leiidez-
LE VOVACi:
VOUS
la
le 3
:
KCllK
lll'S
I.I.ES
15!)
rembarqua pour
octobre. Nointel s'y
se diriger vers
Grèce.
Voir Athènes avait été de tout temps l'un des rêves de sa
Pi'ès lie le réaliser,
son impatience ilarriver au but ne
oublier ses habitudes de voyageur consciencieux,
aux bons endroits,
attentif
soient révélateurs et,
tifs
«
:
aux minimes
comme nous
détails,
lui
vie.
pas
s'attardant
pourvu
(piils
dirions aujourd'hui, sugges-
exprime dans ce passage d'une
c'est bien ce qu'il
lit
lettre
:
Je tâche de m'instruire de toutes les particularités, profitant de
ce que je vois et que j'entends, et de ce qui s'est présenté géné-
ralement dans
le
cours de
mon
voyage, ne laissant rien échapper
des moindres choses qui m'en font conclure de plus grandes.
Repassant par (Ihyprc.
par
il
fût reteim dix jours,
»
non seulement
besoin de tout voir, mais aussi par un de ces incidents qui
le
prennent, en pays levantin, les proportions d'un événement.
s'agissait d'une rpierelle de préséance.
A Larnaca,
Venise, se figurant peut-être que sa république
tresse de
l'île,
avait osé contester la
agents dans tout l'empire turc
personnage avait
chétif
fait
:
le
était
Il
consul de
encore mai-
prééminence reconnue à nos
en pleine église paroissiale, ce
déplacer et jeter de côté la chaise de
notre consul, liien qu'elle portât les armes de France, pour v
substituer la sienne. Cet outrage aux
pour
le
lis
met Nointel hors de
venger, pour obtenir réparation,
il
écrit h la
Porte, à la Seigneurie de Venise, à la cour de France. Mais
tenu auparavant à foudroyer
il
le
coupable d'une
lettre
lui
:
Sublime
il
a
dans laquelle
a déployé' toute sa puissance d'in\eclive. Qnelqiies passages
de celte extraordinaire missive montrent
alors
un ambassadeur du Roi
nos prérogatives
«
ton (jue se permettait
:
Monsieur, je vous
(|ueje
le
vis-à-vis de (juiconque attentait à
veux bien vous
fais
riioniu'ur
faire connaître
sur votre conduite, plutôt afin
(pic
i.lc
\ous écrire, parce
moi-uième mes sentiments
vous n'en puissiez doulcr que
par aucune envie que vous y apportiez remède, sachant bien
moyen de le procurer d'oîi
avez commis une insolence
le
donc que vous
il
doit venir. Sachez
et
une témérité dont j'aurai
la
répa-
LES VOYAIiES
160
ration, n'appartenant pas à
aucune d'avoir
si
MAROIIS
D T
1)K
XOIXTEL
nne personne de votre estoc
ni
peu d'égard à la signification dans laquelle
fi
mon
consul vous énonce les ordres qu'il a reçus de moi que de la
traiter
de
di vnnità c di lixggie (1)
jiieiia
;
c'est
Soyez certain
de l'une et de l'autre
vous
qu'il est
êtes rempli
(]ui
faux que l'église
des PP. observantins de Larnaca soit votre chapelle, que celui
qui en a la direction soit votre gardien, ni (ju'elle ait été établie
de vos deniers, puisque c'est de ceux de la Terre Sainte.
vrai que c'est
([u'elle est
une paroisse,
commune
Il
est
en a pas d'autre à Larnaca,
qu'il n'y
à tous les Francs, et
que ceux d'entre eux
à qui la préséance appartient en doivent jouir dans ce lieu sacré
avec les marques d'honneur qui en sont inséparables
:
ayez-y
dix chapelains et autant d'aumôniers, vous n'en aurez pas pour
cela plus de droit de
les
armes de
vous y
que par un emportement de
de
fixer
une prééminence
et d'abattre
France. Voilà votre crime qui ne peut être excusé
la
la raison, et je crois
que
folie qui
vous aurait privé de l'usage
auquel vous pou-
c'est le seul parti
vez vous réduire. L'avis que je vous en donne est aussi le plus
doux traitement que vous méritiez,
et afin
que vous ayez l'avan-
tage qu'il soit public et certain qu'un ambassadeur de France,
tel
que je
suis,
vous
ait si
bien traité que de vous écrire, j'envoie
copie de celte lettre en France, à Venise et à Constantinople,
car autrement,
que je vous
naire
si
vous vouliez donner de simples assurances
ai écrit,
on pourrait l'imputer
à votre
superbe ordi-
(2). »
Toujours à Chypre, Nointel
liantes
autorités
lia
ecclésiastiques
connaissance avec l'une des
de
l'Orient.
L'île
possédait
depuis des siècles et a toujours consei-vé une Eglise grecque
autonome, autocéphale, suivant l'expression moderne,
et tpii
ne
reconnaît au siège patriarcal de Constantinople qu'une supré-
matie d'iionneur. Le chef de cette Eglise, rarclievéque Cicala,
vint présenter ses devoirs
à
l'ambassadeur
in pontificalibus,
et
tout de suite, en quelques traits de jiluine, Nointel nous rend
(1)
(2)
Pleine fie vanité et de mensonges.
Arcliives (les .VITaires étrangères. ConslaïUinoplc, Xll.
VOYAGE UKS ECHELLES
Li:
Taspect extérieur
ilu
personnage, avec ses attributs caractéris-
tiques, et le pose en pied
le
haut
était
ICI
:
couvert d'un manteau dont
« Il était
autre couleur, le reste étant plein en noir
à la main, qui est plus haut que
;
son bâton
lequel se voyait sa croix.
C'était
un habile
qu'il tenait
orné de nacre de perles
lui, était
surmonté d'un globe en argent représentant
et
le
monde, sur
»
homme
que cet archevêque, possédant à fond
langues orientales et les canons des conciles, ayant
les
étudié à
dune
partagé en bandes de satin bleu, rouge et
Rome
et parlant latin, ce qui
même
ne lempèchait point de
nourrir les plus mauvais sentiments contre la véritable Éghse
reste, prélat usurpateur et simoniaque.
La conversation
:
au
s'en-
gagea, et l'on se mit facilement d'accord aux dépens de l'en-
nemi commun
:
on dauba sur Calvin
et sa secte. Toutefois, cette
rencontre avec l'un des docteurs de
montra hypocrite
et
de Nointel contre les Grecs
tire
de
1
leur clergé
et
entretien, c'est « que le
ner les Grecs,
et qu'il n'y a
puissent mettre à
la
raison
Quittant enfin Chypre,
y atterrir
:
il
Cyclades, mais
la loi
ortiiodose, qui se
cauteleux, ne dissipa point les préventions
:
la conclusion qu'il
Turc a trouvé
que
le
le
secret de domi-
bâton et l'esclavage qui les
».
il
laissa
Candie sur sa gauche, sans
ne pénétra pas à nouveau dans le groupe des
le
contourna, frôlant les
quefois. Alors les ovations de Cliio. de
arrêtant quel-
îles et s'y
Naxos recommençaient
;
c'étaient des chants d'allégresse, des harangues, des décharges
de boites; la consonuuation de poudre qui se
voyage
du trésor que cet
l'ile
fit
durant tout
le
fut effrayante. Xointel visita ainsi Milo. sans se douter
ilôt
recelait
dans son sein.
Il
visita Sanloriu,
brûlante, fumante, gonllée de lave en fusion et trouée d'in-
candescents cratères, agitée de continuels remous, l'étrange
mouvant
terroir
où semble se poursuivre
le travail
primitif
et
du
globe.
Cependant, à mesure que l'on avançait vers
le
nord, la mer
se nettoyait d'îles. L'une après l'autre, les dernières Cvclades
s'enfuirent
à
l'horizon.
Vers
l'est,
la
côte
du Péloponèse
11
LES VOV.\r, ES nu MA ROUIS DE NOIXTEL
-162
allongea ses arêtes dénudées et la dentelure de ses cimes
devant
lumière;
;
d'Égine s'ouvrit, éblouissant de
golfe
tartane, le
la
14 décembre, les voyageurs débarquaient sur la
le
plage du Pirée.
ATHENES.
Désert
plus que
et ruiné,
ayant perdu jusqu'à son nom,
port Lion;
le
on dut coucher sous
il
la
n'offrit
même
le
Pirée n'était
pas un abri pour
la nuit;
tente. Le lendemain, de bonne heure,
Nointel se mit en marche vers Athènes et se prépara à faire dans
cette ville sainte
de
l'art
une entrée moins pompeuse qu'à Jéru-
salem.
Grâce à
scène.
la
minutie de son
La garnison
récit,
turque, avec
est facile de
il
['(irja
recomposer
la
ou gouverneur, s'avançait
premièrement; l'andjassadeur venait ensuite, entouré de ses
estafiers et de sa livrée; après lui, les consuls de France et
d'Angleterre, suivis d'une
lile
de marchands et de curieux. Les
trompettes turques mêlaient leur son lugubre, leur note stridente
et
prolongée, aux fanfares de nos pays;
Anglais
flottait
nuancée de
auprès du drapeau
brillanls
la
bannière rouge des
fleurdelisé.
La colonne,
costumes, s'allongeait dans cette phiine
mon-
d'Attique, qui se déploie, poussiéreuse et nue, entre des
tagnes aux tons clairs, aux cimes rosées, appliquant sur
d'azur leurs lignes sèches et hues,
la
le
ciel
amoureusement modelées par
nature; au loin s'élevait Athènes, signalée parle roclier de
l'Acropole, dominée parles lianes déchirés du Lycahèle et le
Pentélique aux masses sombres.
Dès que
voit encore
1'
on eut dépassé
le bois
aux portes d'Athènes
et
d'oliviers
que
le
voyageur
dont Nointel a soin de noter
l'existence, les vestiges de la cité antique s'offrirent à sa
à
chaque ruine, à chaque éminence couronnée
de débris,
vue
:
la Ira-
LK
(lition,
au milieu de ces souvenirs qui se levaient
et ce fut
toutes parts,
Tenvironnaient, renivraicnt, qu'il
(]ui
Athènes une arrivée de triomphateur. Au
de palais, qui
produit;
il
lui
103
un graïul nom ou une scène
vraie ou fausse, raUachail
fameuse,
(le
\(>VA(.I-: l)i;s liCHF.I.I.KS
logis^
commencé, tourne
court, avec cette naïveté
Je ne pus rien manger,
été préparé
il
;
me
emphatiquement
(pii
qu'il suffit d'en
goût
dit-il,
dénonce une
si
et vulgaire
:
d'un dîner à la turcpic qui m'avait
fut aussi impossible de boire
tellement aromatique et
le
nom
a été réservé, l'illusion cesse, la déception se
impression vraie, et s'acheAc sur un détail typi([ue
num,
dans
se retrouve en pays barhare, chez les Turcs, loin de
toute civilisation, et c'est ainsi que son récit,
«
lit
décoré du
mêlé de poix
demeurer
et
du vin du pays,
de l'odeur du lauda-
à l'odorat sans en
incommoder
(1). »
Les principaux habitants de
la ville, les anciens,
vinrent lui
porter leur compliment: mais ces Athéniens ne rappelaient eu
rien, par leur aspect, h-urs ancêtres
un
aréopage de mendiants
«
devant les ruines, les
fameux
:
Nointel crut voir
Son enthousiasme
se
ranima
sites antiques, et surtout à la
vue de
».
l'Acropole.
Cette forteresse naturelle, dédiée par Athènes au culte de la
patrie
du beau, servait aux Osmanlis d'arsenal
(?t
d'armes.
y tenaient garnison;
Ils
ils
lavaient enclose de
railles, ils
y avaient accumulé des batteries
tructions,
ils
en avaient obstrué
et les ordres
En
lUU!),
les accès,
;
loin,
mu-
par de laides cons-
encombré
sonmiet,
le
de l'aya en interdisaient rigoureusement l'entrée.
deux Français, Monceau.x
et Laine, visitant
avaient dû se retirer sans pénétrer dans l'Acropole, et
en
de place
et
quelque voyageur parvenait à
s'y glisser,
il
Athènes,
si,
de loin
devait se
contenter d'y jeter un furtif coup d'œil. Grâce à sa qualité,
Nointel fut plus heureux;
officielle
(i) i'nc granité paitie
|iar le
et
il
obtint les honneurs d'une entrée
dans l'Acropole, au bruit du canon; faveur plus préde salettre, datée du 17 décemljre ICTi. a été puljlice
lomte de Laliorde dans son
XVII" xièclcs,
t.
111, p.
\U
à IGO.
savutit
ouvrage sur
Alliéiies
aux
w,
xvr'
l.KS \()VA(.i:S
ici
cieusc,
il
Dr MARUI
IS
DK
.NOi.NTi:
I.
obtint licence d'y retourner cl d'y passer de longues
monuments de
heures, d'étudier ù loisir les
l'art
grec qui s'y
([ui
se creusent
trouvaient prisonniers.
Sur l'Acropole, au
liord de pentes
fait
abruptes
Les Atiiéniens en avaient
en précipice, le Parlhénon s'élève.
l'enveloppe et l'écrin de leur plus vénéré joyau, de la statue
de la grande déesse d'or et d'ivoire qui
protectrice,
sur
la
belle
Aujourd'hui,
ville.
des ruines
:
à
Parlhénon
le
que
n'est
la
l'époque de Nointel, le temple
debout, dans sa mâle structure
régnait
plus
restait
l'incomparable harmonie de
et
ses formes.
Les
une
une
église grecque, les Croisés
ger de trop
renversé.
chis à la
Une mosquée
s'était
Mais
les quatre faces,
la
église latine, sans lui inlli-
logée à l'intérieur
non
ses mui's blan-
:
chau\ se montraient dans l'intervalle des colonnes
l'édifice.
nance,
avait fait
L'Islam l'avait profané,
sensibles atteintes.
dori(pies, hàlées par le soleil, et
ment
Le Bas-Empire en
siècles l'avaient respecté.
et la
la
un minaret
coill'ait
scandaleuse-
colonnade continuait à se déployer sur
sans qu'aucun vide en rompît
la
superbe ordon-
décoration extérieure subsistait. Le temple conservait
couronne de sculptures que
lui avaient tressée
Phidias et ses
Les Turcs avaient frappé les marbres à coups de marteau
et de sabre; ils avaient décapité ou défiguré beaucoup de statues,
mais ne s'étaient pas donné la peine de détruire l'ensenible.
élèves.
Au-dessus des colonnes, sur tout
relief,
le
pourtour, des groupes en
des combats de Centaures, de Lapithcs, d'Amazones, de
géants, de guerriers, continuaient à orner les métopes, dans
leurs cadres inviolés; le fronton de l'est, déjà mutilé, montrait
la
naissance de Minerve, avec l'admirable groupe des Parques;
celui de l'ouest, à
et
peu près
inlact.
montrait
de .Neptune se disputant l'empire de
s'allongeait,
dans un déroulement
la
liille
l'Atticine, et
de Minerve
sur la frise
de comj)osilions parfaites, la
procession des Panathénées.
Dès que Noint(d ml
v[r
mis en présence du Parllié'uon, ce
furent ces chel's-d'd'uvre qui
le
saisirent aussitôt et le jetèrent
l.K
VOVACIC
ItF.S
littéralement en extase. Sans
cette
ignorance ajoute à
sens esthétique
Rome, où
grecque
en
lui
romaine,
il
n'avait vu
très
le récit oîi
nous axons
qu'à tra\ers la
l'antiquité
privée de retoucher les marbres
.\
le
présent, c'est l'art grec intact,
d'un coup
premier
le
:
choc
en
cpi'il
de son admiration,
jet
ces miracles
«
«
qu'elles
surmontent ce
de [{omi;
les reliefs et les statues
écrivain
A
»
;
appelle l'Acro-
il
trésor où sont renfermées ces merveilles », et afiirme
« le
justement
dans
de son impression,
et
émotion profonde.
parle avec ravissement de
pole
—
— son
auteurs
les
discerner la beauté sans égale.
fit
et divin, qui se révèle à lui tout
Dans
.
la sincérité
s'était point
ressentit fut A'iolent, son
il
en connût
i[u"il
de les approprier à son style.
nu
163
Cil 1:1.1,1; S
avait cru se familiariser naguère avec la sculpture
il
et
Renaissance, qui ne
et
i;
ampoulé qui
fleurit
son style
».
de plus beau
qu'il v a
Et
ici
ce n'est plus un
et fait ronfler ses
périodes
:
c'est un adorateur sincère de l'antiquité, un amant du beau, dont
la
ferveur déborde.
lui.
Il
reste tellement ('bloui. fasciné, hors do
mots inaïupicnt
(pic les
impuissant à donner
ilès
à son entiiousiasme
k pressent
il
:
une description
suivie de ce qu'il a vu et ren\ oie ce soin à plus tard
:
se déclare
détaillée et
m'était
k S'il
possible d'exprimer maintenant la riche confusion (|u'un
ordre et une disposition
si
bel
si
vivante, et une expression de tant de
passions différentes, ont laissée dans
mon
esprit, je reiitrc]jreii-
drais avec plaisir; mais ayant besoin d'y méditer de nouveau,
vous
me
permettrez. Monsieur, d'en renietti^e l'enlrcpiisc à un
autre temps.
En
lui,
»
cependant, un sentiment de convoitise
réveillé, l'avidité
du collectionneur
session des marbres, non pour
lui.
s'est
cl
ranimée.
11
d'ernie s'est
rcve
mais pour son maître
la
:
posil
les
voit déjà ciiez le Roi, entourés de soins et d'honneurs, soustraits
aux barbares
galeries de
:
« Ils
mériteroient d'être placés dans les cabinets ou
Sa Majesté,
oii ils
grand monar(|ue donne aux
duits;
ils
jouiroient de la proledioii que ce
ails et
aux sciences qui
les
ont pro-
y seroient mis à l'abri de l'injure du temps
alfronls qui leur sont faits par les Turcs, qui,
et
des
pour éviter une
LES VOVA(iES DU M.VRUUIS DE XOIXTEL
166
une œuvre méritoire en leur
idolâtrie imaginaire, croient faire
nez ou quelque autre partie.
On
arrachant
le
courut
première pensée du rapt accompli plus tard par un
la
»
peut dire
qu'il
autre ambassadeur, pour le compte d'une nation rivale, et qu'il
le
commit en
A
intention.
voulut du moins rapportei-
des
dut à cette inspiration de rendre à l'histoire de
l'art
défaut des originaux,
copies^ et
il
un signalé
il
service, sufflsant à lui seul
imagina de
faire
mener avec
Ini,
pour honorer son nom.
dessiner, par le peintre
la série
qu'il
continuait
Il
à
des sculptures du Parthénon, et de
rendre ainsi à l'admiration des connaisseurs ces magnificences
oubliées.
C'était là
une entreprise vraiment
de fécondes consé-
utile et
quences, mais d'une exécution singulièrement malaisée. Sans
parler de la hauteur où se trouvaient placés les modèles, quel-
que
conflit était à craindre
avec les Turcs
sacre de statues qu'ils avaient
il
à l'aspect du mas-
:
en tous lieux, Nointel n'avait-
fait
pas acquis mille preuves de leur horreur pour la représentation
de la figure humaine? En cette occurrence,
qu'il était
négociateur par
l'ami des arts
moment
:
état, et le
se souvint à propos
il
diplomate vint en aide à
à la suite de pourparlers habiles^ appuyés au l)on
par un cadeau consistant en étoffes, en café, et en une
demi-douzaine d'oies de première grosseur, Vaga promit non
seulement de tout tolérer, mais de tout
protection de ses soldats que
Quel tableau!
l'artiste, ses
le tra\ ail
faciliter, et ce fut
sous
la
commença.
crayons à la main, établi au pied
du Parthénon, tâchant de démêler
et
de reproduire la disposition
des groupes, le jeu des draperies, l'altitude et
le
mouvement des
corps; à ses côtés, deux janissaires montant la garde, afin que
nul ne songeât à
le
molester; puis l'ambassadeur, revenu
l'Acropole incognito, se penchant sur le dessin
sant à voir paraître sur le papier
et des victoires
que
et le pressant,
la patience des
<à
se plai-
des centaures, des combats
de ceux-ci, des triomphes, des sacrifices
rageant son peintre ordinaire
faire vite et
«
commencé,
Turcs ne
car
fùl
il
»,
encou-
importait de
pas mise
à trop
i.i:
voVAci;
ni-s
16"
i:(;iii:i.i,r.s
longue l'prcuve. Sous cet aiguillon.
le.
travail,
quoique exécuté
avec i)çaucoup de soin, fut lestement enlevé. En quinze jours,
Nointel obtint une suite de dessins représentant deux cents
figures des frontons, des métopes et des frises, dont
pleinement
se déclara
il
satisfait (1).
Depuis, de bons juges ont apprécié l'œuvre avec moins de
partialité. Ils
y ont signalé, à coté de
fections, des faiblesses, surtout
la
qualité.s réelles,
des imper-
méconnaissance du
style
antique, défaut ordinaire aux artistes du dix-septième siècle.
Mais
les
événements devaient doimer
incontestable valeur
et
en
faire
à ce travail bàtif une
un document de première impor-
tance.
Le Parthénon
eut jjIus
Treize ans après
mée
le
entre Venise
la
bre
soud'rir des civilisés (pie des barliares.
passage de Nointel,
cl la
vint assiéger Atiiènes.
de
;i
la
guerre s'étant rallu-
Porte, Tarméc du provéditeur Morosini
Les Turcs
firent de
lAcropole
résistance et du Partlu'iKMi leur poudrière.
bombe
1786, une
détermina une explosion qui
tre s'écroula,
Après
la
creva
^•('•nitienlle
le
une partie des sculptures
prise
deux
:
dental, pour la
latérales vola en éclats.
de l'Acropole, les Vénitiens aggravèrent leur
transporter dans leur
ville.
Sous
se pulvérisèrent. Plus tai'd. en 1787,
Clioiseul-Gouffier. aidé du
quel(|ucs morceaux.
sait
le
sol et
un ambassadeur de France,
savant Fanxcl,
Une suprême
comment de
occi-
main de
la
ces spoliateurs maladroits, les statues toml)èrent sur
monument. On
et
tout le cen-
en essayant d'eidever la décoration du fronton
forfait
centre
de l'édifice
la loilnie
coujia en
le
Le 28 septem-
(i(
main
l)asse sur
injure était réservée au noble
18(11
h
18(K5
raml)assa(leur
(1) C'est une Iradilion ofliciellement admise que cl'attril)iier les dessins du
i'arlhénon à un peintre français, Jacques Carrey, natif de Troyes et élève de
Le Brun c'est lui qui aurait accompagné l'ambassadeur pendant le voyage
en Grèce et travaillé sous sa direction. Nous estimons que celte altriliution
est erronée, et que les dessins sont l'œuvre du peintre flamand qui resta
auprès de Nointel après la mort de Romliaud-Faidherbe. Voyez à lappendiee, sous le chiffre III. l'exposé détaillé des motifs qui ont fait notre con:
viction.
AOYAGES DU
I.ES
1C8
M
AUnlIS DE
MUNTEL
anglais Elgin, abusant d'une permission surprise
nement
turc,
cher, emballer,
la
au gouver-
procéda à une dévastation métiiodiquc,
fit
arra-
embarquer un grand noudire de métopes
majeure partie de
la frise,
échappée à
Ces dépouilles exquises passèrent dans
à l'exception d'un certain
nombre
la destruction
le
et
de 1786.
musée de Londres,
d'entre elles, qui se perdirent
en mer.
Trente an» plus lard, après
la
guerre d'indépendance, où
les
restes du Parthénon eurent à soufl'rir des boulets de Reschid-
Pacha,
Dans
les
Turcs étaient définitivement expulsés
Grèce libérée,
la
l'Acropole.
On
l'y vit
moderne
la science
apporter son ardeur de reciierches, ses
procédés rigoureux d'investigation
vérité. Elle
d'Athènes.
possession de
prit
ne rabaissait plus
les
et
de critique, sa passion de
monuments
antiques à l'état
de mines fécondes en marbres sculptés et en beaux fragments,
bonnes à exploiter pour
le
cabinet des curieux
la vie civile et religieuse
temples grecs,
elle
Quand
des anciens
:
l'art, les
en présence des
demeure des dieux,
s'appliquait à
par la pensée.
elle
entreprit pour le Parthénon cette reconstruction
idéale, elle fut naturellement
ration
y vovait un
cherchait à se les figurer dans leur état pri-
mitif et, loin de dépouiller la
la relever
elle
mieux connaître
objet d'études, destiné à nous faire
mœurs,
:
extérieure
:
elle
amenée à
se préoccuper delà déco-
voulut en déterminer les
différentes
parties, leur emplacement, leur sujet, leur sens, rétablir leur
relation et leur enchaînement.
Pour
cette tâche, elle eut recours
aux originaux transportés à Londres, aux fragments recueillis
au Louvre ou dispersés dans d'autres musées; mais comment
suppléer à l'absence de tant de morceaux disparus pendant les
désastres successifs du
anciens, Pausanias;
Parthénon
On
avail
mais quelle description
pris sur nature? L'o'uvre
combler une lacune
.'
(|ui
commandée
sans
elle eût
i)ien
les
textes
vaut un dessin
par .Xointel vint alors
été irrépai'able.
Tous
les
explorateurs, tous les historiens du Partiiénon, y compris les
jdus célèbres, rmit apjicléf à leur aide et ont témoigné de son
I.K
utilité
VOV ACi:
C'est donc
(1).
tièiiic siècle
ItKS
CllKl.LES
!
au
l'artiste et
;i
Uiil
du
(liploniatc
Ne
de restitution intégrale et précise.
leur disputons pas une
part de notre reconnaissance, quand, parvenus au
l'Acropole, en face des ruines du
teni})l('.
d'éxoquer, dans une nette
et
sommet de
nous goûtons
la piu'e
monument
jouissance de recomposer en esprit l'ensemble du
table
dix-seji-
que notre époque à dû de mener à bien son œuvre
et
sublime vision, ce tvpe d'inimi-
ordonnance, d'élégance roi)usle
où revit
et de perfection,
tout le génie d'Athènes.
Dans
le reste
do
la ville.
Noinlel
lumc, en quête de sculplures, de
mis. suiv;mt sa cou-
s'était
de bas-reliefs.
stèles,
Il
v a\ait
jjeaucoup à récidler, car partout lantiquc Athènes perçait encore
sous la grande bourgade
à terre
pas,
avait succédé.
lui
(|ui
autour des principales ruines,
c'était
dans une poussière de marbre; dans
un
fût de
coloime
au.\
.\
chaque pas,
un tronçon de statue gisant
chaque
les rues, à
moulures délicates, un chapiteau
finement sculpté, un débris de temple, encastrés dans d'iiifor/nes
bâtisses! Nointel convoitait toutes ces [iroies
cl Iniilail
emparer. Pour l'aider dans sa tache de ravisseur,
à la vérité, son au.xiliaire habituel
tine, (lalland lui avait faussé
:
tement en France, voulant peut-être
premières découvertes;
il
après
compagnie
\
le
rap|iorler
(
retourné direcle
les
emporté,
vestiges d'Athènes tout ce
lui
(|ui
fruit
à l)atincr, et
pou\ait être détaché,
semblait de bonne prise. Entre autrrs objets,
s'appropria une longue table de marbre décou\ erte dans
lage d'une église; elle porte gravés les
niens de
de ses
(rient ([iie plus tard.
Mais Nointel n'en contiimait pas moins à glaner,
daus
de s'en
n'avait plus,
séjour en Pales-
et était
ne re\iendiait en
il
la tribu
noms des
il
le tlal-
guerriers athé-
Erechtéide qui périrent à la guerre en
l'an
i'ifi.
(1) Voyez nolamment Ueci.k, l'Aci-opole: .Michaki.is. Der Piirllicnon : Coi.Licxox, Wistoiic lie la sculpture [jrerque. Rien n'est plus inslruclif et probant
que l'étude approfondie de M CoIlii;non, laite d'ai)rés les dernières données
de la science française et allemande à chaque instant, notamment aux
p. 6. 7, 10. 19, :M. 34, 35. ;!8. il, iS, 38 et 04, t. I", le savant auteur
recourt, pour expliquer et reconi; oser la décoration, aux dessins exécutes
par ordre de Nointel.
:
NOIMEL
LES VdYAGES DU ^lAROlIS DK
170
commencé
Cette inscription est restée à la France et a
notre
collection de textes épigraphiques.
Ce
siner.
qu'il
ne pouvait emporter, notre ambassadeur le faisait des-
Son peintre
était toujours là, prêt à saisir,
d'un crajon
rapide, le fragment remarqué, le motif de décoration qui avait
plu. Parfois,
on reproduisait un
édifice entier.
vues dAthènes, différents aspects de
la
On
Ce
ville.
prit aussi des
fut à l'aide
de
ces esquisses, de ces matériaux, que Nointel put faire exécuter,
après son retour à Constantinople, une grande peinture d'en-
semble.
Lui-même
paraît au premier plan et se distingue tout d'abord,
en costume mi-parti européen,
drap rouge s'ouvrant sur
mentée; a\ec
mi-parti oriental
la poitrine,
pelisse de
:
robe verte à ceinture orne-
cela, le feutre à larges l)ords, l'ample
perruque
sans poudre ondoyant sur les épaules et encadrant le visage, où
se dessine le trait fin de la
moustache
:
une
dix-septième siècle sur un corps de paclia.
la
main appuyée sur une canne,
marcher
A
à la coïKjuéte
il
tête de
Le bras
Français du
droit déployé,
s'avance d'un pas fierel semble
des trésors de l'Orient.
sa droite, des gens du pays à figure de magots pratiquent
des fouilles et exhument de vagues débris
rappeler
et
:
c'est
une façon de
de glorifier les entreprises artistiques de l'ambassa-
deur. Autour de lui, sous le grêle feuillage des oliviers, une suite
nombreuse s'empresse de superbes eslafiers, en costume mili:
taire français; le
consul en sa robe fourrée d'hermine, insigne
de sa charge; les compagnons du voyage, parmi lesquels on peut
reconnaître, avec- quelque bonne volonté'. Cornelio
robes brunes et des têtes rasées de Capucins.
A
arrière, les janissaires d'escorte figurent à pied
Magni
;
des
quelques pas en
ou à cheval; non
loin d'eux, le tchcioach de la Porte se signale par son haut bâton
et sa ('oiffure caractéristique.
Un groupe
de
femmes
indigènes,
voilées jusqu'aux yeux, re|)résenle le public admirateur de cette
scène.
Au second
ment de
plan,
Athènes
di'ploie
sur la hauteur l'entasse-
ses maisons rouges, cerné de remparts anguleux, et
VOVACK DES
I.r:
emmurée
l'Acropole
kciiki.i.ks
se détaelie en avant
iti
panorama de
d'un
ruines, de golfes azurés et do montagnes. Sur cette vaste toile,
retrouvée par hasard
y a quelques années, les tons ont poussé
au noir, beaucoup de contours se sont brouillés; une brunie
il
enfume l'ensemble. Mais
affligeante ternit et
topographie des
la
lieux et les ruines aujourd'hui subsistantes sont
reproduites qu'il est permis d'ajouter
semblance de l'œuvre
entière.
Malgré
si
fidèlement
à la véracité, à la res-
foi
médiocrité de l'exé-
la
cution, c'est la meilleure représentation figurée qui nous reste
d'Alliènes à ce
moment
de son histoire
(1).
L'exploration de la ville et de ses en\irons avait pris tout un
mois;
ne resta que ([uinze jours à Nointel pour faire une fugue
il
dans l'intérieur du pays. Rapidement,
lileusis
Platée, le pays
,
Lépante, revint par
Au
la
parcourut
il
des Doriens,
l'Atticiue, vit
considéra
le
golfe de
Béotie et poussa jusqu'en Eubée.
retour de cette e.\cursion, une voile française lui fut sis'ua-
lée dans le port duPirée,
vençale
c'était la
:
Alep, de
un na\ireen partance pour la côte pro-
première occasion qui
communiquer avec son
pays.
Il
s'ofTrail à lui,
depuis
en profita pour expédier
à la cour ses relations de Chypre et d'Athènes;
il
voulut aussi se
rappeler à ses amis de Paris, au cénacle de beaux esprits qui for-
maient sa société habituelle. Ecrivant longuement
il
ajouta un
mot de souvenir
et
d'affection
à l'un d'eux,
pour chacun. Mais sa
on s'assemblera
lettre
va certainement circuler
et faire
pour
la lire; aussi tient-il à
tourner galaimncnt les choses, à
prouver qu'en ses courses lointaines
gage à
la
littéraire.
raffine et
mode,
Il
il
sensation
:
n'a point désappris le lan-
peut encore servir à ses amis un régal
qu'il
sème donc
à profusion les pointes, les coiicetti;
symbolise au point d'en devenir quasiment
il
inintelli-
Ce tableau. ex|iosé aujourd'hui au musée de Ciiartres, a été excellemdécrit et apprécié par M. Ilomolle, membre de l'Institut, directeur de
riCcole française d'.Vlhénes Bulletin de correspondance hellénuiuc, novembredécembre i8!)4. Nous ne différons d'avis avec lui que sur rideiUificalion de
certains per.sonnages. Le tableau est d'une reproduction très difficile:
M. Homolle et M. Oinont, dans sa belle publicationsur.l(/i<'iiM(iH xvii'si'ré/t',
(^li
ment
:
l'ont tentée l'un et l'autre.
\(iVA(ii:s
I.l-S
172
l)i;
MAKullS
DF,
NdlNTEL
jible, et voilà toute l'antiquité asiatique et grecque, sacrée et
profane, mise en jeux d'esprit.
La
lettre roule
en entier sur
les
tés à la nature, à l'histoire, à la
moyens
fantastiques
emprun-
mythologie, que Nointel aurait
voulu employer pour correspondre plus tôt avec ses amis
me
persuade,
été possible
dit-il,
:
Je
«
que vous êtes en peine de moi, n'ayant pas
que vous ayez reçu de mes nouvelles depuis Alep.
Quelque poisson de l'Euphrate ou de l'Oronte, où
me
je
suis bai-
gné, aurait pu, par les mers de l'Océan et de la Méditerranée,
vous informer de mes courses: mais, faute de possibilité de
ni(>
faire
entendre deux,
et je
doute que leurs échos soient parvenus jusqu'à vous. Les
eu recours au Liban et à l'Anti-Liban,
j'ai
cèdres de cette montagne portent les impressions des caractères
que
dévoués à notre amitié,
j'ai
me
persuadant que ces arbres
consacrés par l'amour divin pourraient vous rendre témoignage
de
la fidélité
France,
et
que je vous garde: mais leur éloignement de
la difliculti' et l'impossildlité
d'en élever dans
leur unique situation dans un désert, leur font
correspondants dans
le
ailleurs, et tout .Syrien,
pour ne pas dire
je suis, ce
(|ui
reste
du monde.
Il
m'a
fallu
ceroyaume,
manquer de
en chercher
Syrophénicien, Ionien, Philistin, Judéen,
Juif. Galiléen,
comprend
Comagénois, Antiocliénois,
d'abréger, autant que je
le
mon
me
sance de Vénus, à qui cette
n'y règne j)lus; les
portais
mon
faii'e
volontiers
ii
celle
de Paniphilie,
donnait de l'espérance par
fie était si
Vénitiens ont
donner atteinte à son
traverser les
moments reposer sur vous.
mers dans ce dessein;
en abordant en Clnjire,
couverte
facilité à faire
amitié pour s'en aller en ces
J'ai traAcrsé les
moyen
souhaitais, la grande distance qui
nous sépare; j'aurais voulu quelriue
«
{|ue
l'origine, la pureté et la subtilité des
sciences, des arts et des inventions, je n'ai pas trouxé de
airs à
la
commencé
eMi]Mi-e, et les
la puis-
chère; mais cette divinité
les
premiers de
Turcs ont achevé. Je
me
consulter la sagesse aussi profonde que
et énigmati(|ue
des Egyptiens, lorsqu'un recpiin ari'èlant
vaisseau, je n'ai pu m'en déli\rer que sous la promesse de
\
(lilc
du côté de
la (îrèce.
VdVAci:
i.K
lie
« Il
m'a
r-lr
permis de
i)i"s ij
me
111:1,1. i:s
cliaiiiïer
173
aux feux
de
iiit'eniaux
Santorin qu'en passant, elj'en aide la joie, car, pour peu que
j'y fusse
demeuré davantage,
je courais risque d'aller trouver
un fond que les vaisseaux ne trouvent point. Milo ne
ma
pas
arrêté, et c'a été le port Pirée oii j'ai mouillé, espérant (|ue les
Athéniens, ces maîtres dépositaires des sciences, des arts et des
me
lois,
me
suggéreraient quelque secret. Leur conmierce dans
du monde m'en
reste
commandant de
persuadait, le
le
l'avait |)ronns
était caution, leur ci\
enseignes déployées,
innombrable qui
et
à
fameux
leur
en m'introduisant dans
iliti'
la ville,
me
le
recevoir
cliàleau
tambour
me
battant,
au bruit du l'anon, à travers une foule
me regardait bien etricbement monté, environné
d'un grand nond)rc de valets à pied, suivi de quarante cavaliers
et
précédé de mes trompettes,
de plusieurs
«
dune compagnie
d'infanlerie et
officiers turcs.
Les beaux restes de
rantii|uité
du palais de Périclès, du
tombeau ou chapelle de Socrate, lanterne ou temple de Démostliène,
du jiortique
Zenon, de
tie
des temples de .Minerve
et
celui
d'.Vdrien,
de Thésée, m'ont servi
de triomphe et de perspectives, et lisant dans ces
force
l'intégrité
comme
d'arcs
monuments
du génie de leurs auteurs, JQ ne doutais point de
la
la
ertu
\
de leurs successeurs et de leur passion à se connnuni(iuei- dans
les autres parties
volé
si
du monde. La réputation de l'.Vréopage, qui a
diligenniient par toute la terre,
nonobstant sa réduction
me
faisait bien
aune masure; mais voyant
espérer
tous les
jours des remises à m'approndre cette voie courte de vous parler
de loin,
j(^
montai
;i
clieval, je traversai I'Alli(iue, je
courus
trois heures dans la plaine d'I'ileusis à étripe-cheval, lesquels
étant pris sur les masures des temples de Vénus, Cérès etPluton,
renouvelèrent mes souhaits pour
qu'elle soit pareille à celle de
mes
la
vitesse de
mes
letllres, afin
lé\riers athéniens, platéens et
doriens; j'entrai dans les montagnes de la Phocide, je
tentai de voir les pieds et la cime
me
con-
du Parnasse, couverte de
neige, je ne poussai pas jusqu'au tem|)le d".\pollon, et prenant
le
chemin de retour
]iar
les jihunes. j'arri\ai à
Tlièbes en
si.x
LES VdVACES DU MARullS
17i
NdlMEL
1)K
heures. Je \oulais aussi en passant à Marathon pren(h'e
le
l'ersan
Ton me montra
le
marais
qui
où
il
plus diligenimenl
hi tuile le
jifit
:
s'embourba avec ses compagnons,
à présent entendre toute les nuits
chevaux
et le lieu
où
l'on prétend
hennissement de leurs
le
et les cris des cavaliers. J'étais résolu de
m'y pourvoir
d'un courrier: mais une députation des Athéniens m'ayant prié
pour y avoir satisfaction, je ne fus
employèrent toute l'éloquence de Démosthène
de retourner dans leur
pas sitôt qu'ils
ville
à témoigner leur joie. Ils s'applaudissaient du grand secret qu'ils
m'allaient découvrir,
et
renfermé dans l'arrivée d'une
fut
il
barque de France, qui, étant venue pour cliarger de
retournerait dans une vingtaine de jours
lettres.
Xe vous étonnez donc pas
pas que
ma
gloire aille
trafic
de
s'en
pourrait porter
mes
sent l'huile, ne croyez
au reproche qui se
loin de prétendre
si
maître de l'éloquence, et ne soyez pas surpris que
faisait à ce
l'ancien
et
si celle-ci
l'iuiile.
commerce
l'huile
;
le
et si florissant des sciences soit réduit
grand empereur Adrien
par un édit sur ce sujet, qui se
lit
l'a
ennobli
autorisé
et
encore aujourd'hui
d'une pierre plus hante (ju'un grand lionnne
et
au
le
long
large à propor-
tion (i). »
Après avoir
fit
poli et
ornementé ce beau chef-d'œuvre, Jointe!
ses adieux à la Grèce et se reiuit en mer.
Constantinople,
il
Avant de rentrer à
voulut, par un de ces zigzags qui lui étaient
familiers, se reporter encore
(•(Me d'Asie. Il lui restait
une
à visiter
fois
du
litloral
européen sur
la
Smyrne, l'une des quatre grandes
Kchelles du Levant, les trois autres étant Constantinople, Alep
et le Caire.
j)ar
Poui'quoi
fallut-il
que cette
fin
de voyage fût gâtée
une mésaventure?
Comme
l'ambassadeur avait de nouveau
fait
se reposait tranquillement dans la capitale de
escale à Chio et
l'île,
de corsaires tripolilains, les plus redoutés de tous,
dans
le port.
Apercevant
sacripants grimpèrent
(1)
Nous devons
l;i
regretté marquis de
à
la
une
fit
(lottille
irrujition
tartane à l'ancre et sans défense, ces
bord;
ils
arrachèrent
communication de cette
Queux de .Sainl-Ililaire.
le
lettre privée à
pavillon do
robligoance du
VdVACK m:
i.K
Franco,
en lambeaux, el
qu'ils niirciit
ne s'en tinrent pas
Ils
du juns,
là
:
l'oniiniiciit iraiilres
débarquèrent
ils
dégàls.
avec certain malandrin
liant partie
terrorisait la ville,
(|ui
175
S i;(;iii:i,i.i:s
poussèrent
et
droit au logis de l'ambassadeur, alléchés par l'espoir d'une telle
armés de yata-
proie. Ils se précipitaient, enragés de convoitise,
gans
et
de coutelas, tenant à la main des grenades, qu'ils s'ap-
Ileureuscment, l'ambassadeur
prélaient à lancer.
On
étaient sur leurs gardes.
quand
ils
laissa
approcher
el ses
gens
les assaillants
:
furent à bonne portée, un feu roulant de mous([ueteric
en coucha pliisieurs sur
carreau et rejeta les autres à distance
le
respectueuse.
Après une nuit passée en alarme, carie siège
en blocus,
les
tection de
la
périlleu.v
Français purent se retirer au château sous
garnison turque. Encore ce déplacement
La
de leur pousser au corps
garnison
assez
vaisseau du Roi dans
Une
Heureusement
le
voisinage de
pointe de leur
la
à traiter avec ces bandits
ciiei-chait d'ailleurs
plutôt qu'à les châtier.
dants.
la pro-
fut-il
entre les soldats qui enveloppaient nos voyageurs,
:
les Africains tâchaient
sabre.
transformé
s'était
présence signalée d'un
la
l'île
acconnuo-
les rendit
sorte d'accord intervint: Nointel pul reprendre sa
tartane, oii ses collections, ses papiers ne se trouvèrent pas trop
endommagés,
et
laissé toutefois
il
atteignit
dans
la
Smyrne
sain et sauf,
non sans avoir
bagarre de Chio quelque
j)eu
de son
prestige.
A
Suiyrnc,
il
se retrouva en lieu sûr, et la description qu'il
donne de son arrivée évoque l'image d'un Orient apaisé, souriant
et gracieux, la
molle
descendant
cité
et des verdures, el le golfe
animé par
le
la
meurs, au nombre de
secondées de
du vaisseau
mer
peuplé
dis
cuire des jardins
navires pavoises,
flottille
d'embarcations
rencontre de lamljassadeur
dans une, couverte
les trompclles à la
tùt
fêle,
la
glissement des caiques. Une
élégantes était venue à
dit-il,
en
à
il'un tendelet
seize, avoient des
:
«J'entrai,
de Danuis, dont
jupons de
même
les ra('toffe
proue jonoient des fanfares, qui furent
trois
décharges de mousqueterie,
et de deu.x
et
:
l)ien-
du canon
bâtiments marchands, et encore d'un
LKs
iTti
préjudice de la
Snivrnc fui
X(iimei.
dv.
anjilais (|ui ait
gardé
dernière étape du vovage.
Le 20
UN' a\ant
v(''iiilii'n,
ne maiwjiis
V(iv.\(;i':s
l'ii
(lu'uii
silence au
le
civilité. »
la
février 1673,
Nointel rentrait à Conslantinople, après dix-scpl mois d'absence.
Cette
promenade d'un an
et
demi avait
laissé les affaires d'État
en souffrance, mécontenté la Porte, étonné, sinon indisposé, les
ministres
et
le
Roi
;
accompagnée d'un di'ploiement inouï de
faste et de hauteur, elle avait surexcité les jalousies
de nos con-
currents religieux et commerciaux, ranime d'irritantes questions,
exas|i(''ré
nos marchands en
voyageur des réceptions
les ohliçeanl de faire
au solennel
fort chères; surtout, elle avait épuisé
ses ressources, dérangé ses finances, et l'avait entraîné à de pre-
miers expédients,
tels
qu'un emprunt forcé sur nos nationaux de
Snni'ne, qui se plaignaient amèrement de
née à leur Echelle
».
«
cette estocade don-
Mais Nointel méprisait ces obscurs contemp-
teurs, ces « cabalistes
»
et
«
leur fausse rhétori(jue
».
Pouvait-il
penser qu en accomplissant son glorieux pèlerinage aux plus
sanctuaires du christianisme et de
\(''nérés
premier pas
ri%ypte
ilans
il
il
avait fait le
une voie de [icrdilion? Sauf de n'avoir pas vu
et d'avoir
terre promise,
l'art,
dû
s'arrêter,
nouveau Josué, au
ne regrettait rien;
les
seuil de cette
nuages qui s'élevaient
sur l'horizon, son regard ne les distinguait point, car
les
yeux
tion
élilouis, l'esprit
possédé de ce
(|u'il
musées
revenait
avait vu, l'imagina-
en travail de grands projets artistiques
descrijitions à écrire et de
il
et littéraires,
de
à former. Trente inscriptions,
quatre cents dessins de bas-reliefs, d'édifices et de paysages, un
ciioi.x
de sculptui'es antiques, un
fissortiment
de costumes et
d'accessoires divers, une collection de renseignements innom-
brables
voyage.
et
de mi'moires, (juels résidtats
(|uels
trophées
!
Et
il
magnifiques de son
restait tout entier
au bonheur
d'avoir sauve ses prises, amassé un trésor de souvenirs, réalisé
le ré\('
de sa vie
et men('' à bien,
niunbre. sa mirin(|ue
étiuiiM'e,
au lra\ers de vicissitudes sans
CilAl'ITRL: V
i.A
IMI
A
MTIc.il K
Constantinople, Nointel
politiiiuc
Louis
l't
XIV
les aiïaires
:
iHsr.KAci-;
KT C ASriS
TIOL' K.
lui imiiii'>iliatcnieiit ressaisi
[mv
la
d'imporlanh-s iiislruclioiis raltcndaienl.
avaiL besoin de lui pour a^ir sur divers lùats. sur
divers peuples, et pour tendre tout autour des frontières orientales
de l'Allemagne une chaîne
Comblé par
d'hostilités.
Roi avait compromis ses succès par
sa persistance à en abuser. Prétendant imposer aux Hollandais
la fortune, le
des conditions de paix desiructives de leur indépendance,
avait jetés dans
un désespoir
qui les sauva
:
ils
il
les
inondèrent
les
parties principales de leur pays et les mirent ainsi à l'abri de nos
atteintes, puis firent
une révolution qui leur donna un chef
et
nous suscita en Guillaume dûrange un adversaire redoutable.
En même
temps, l'Europe se soulevait contre les ambitions fran-
çaises. Fait remarquable, ce fut l'éleclenr de lîrandeboura', le
Grand Électeur, Frédéric-Guillaume,
prussien.
(|ui
donna
le
vrai fondateur de l'État
signal de la résistance, en s'alliant le pre-
mier aux Provinces-Unies, à ses coreligionnaires de Hollande.
L'Empereur
suivit, puis l'Empire, toute la
masse germanique.
L'Espagne, tremblant pour ses possessions des Pays-Bas, ouvrit
à son tour les hostilités. L'Angleterre,
la
France, où
.\yant
la
commencé
nation
la
s'était
où
le roi s'était
vendu à
refusée, préparait sa défection.
guerre contre une république de marchands,
12
LES VOYAGES DU MARQUIS DE
178
Louis
XIV
NnlMEL
avait à la continuer contre les principales puissances
de TEurope.
Il
est vrai
que
la
France, fortement gouvernée, rassemblée
sous des chefs merveilleusement habiles à discipliner et à organiser ses énergies, demeurait plus forte à elle seule que tout
l'Occident en armes; mais cette supériorité, maintenue au prix
d'un épuisant effort, combien de temps durerait-elle
Turenne
1672,
avait
visTOureuse offensive en AUemaofne.
En
1G73,
il
aux positions prises en Hollande, évacuer toutes
montant de nos adversaires. De ce
qu'un prodige de défensive
Comté, Louis
les
XIV
un retour
côté, la
:
fin
de
par une
renoncer
les places, sauf
le Rliin le flot
campagne de 1674 ne
conquérant de
la
Franche-
eut à craindre pour l'Alsace, contre laquelle
généraux de l'Empereur
sirent
A la
fallut
Maëstricht, se borner à contenir en Flandre et sur
fut
?
déconcerté d'abord la coalition
et surtout le
HohenzoUern condui-
offensif de l'Allemagne; sans
Turenne, l'œuvre
de Richelieu et de Mazarin eût été compromise. Assaillie et
pressée de plusieurs cotés, la France sentait
sions qui la
le
besoin de diver-
dégageraient; revenant au système inauguré par les
Valois, repris pendant la guerre de Trente ans^ elle se cherchait
par delà nos ennemis de l'Europe centrale, dans
le
Nord
et
en
Orient, au fond de l'Europe, des auxiliaires qui prendraient l'Al-
lemagne
à revers et aideraient, par
un ensemble de contre-
attaques, à la défense de nos frontières.
La
tâche de notre diplomatie était malaisée, car dans la moitié
orientale de l'Europe, dans la zone longitudinale comprise entre
l'extrême Nord et les rivages du Bosphore et de la
monde
étrange et discordant s'agitait
religions, de fanatismes divers,
:
un
conllil
mer Noire, un
de races, de
un tumulte d'États bizarrement
enchevêtrés, mal conformés ou déformés, trop jeunes ou trop
vieux, à peine ébauchés ou déjà caducs, cl la complexité des
intérêts, des passions, des
menten
A
ambitions, se résolvait péi'iodique-
furieuses et confuses tueries.
l'extrémité septentrionale de cette zone, la maigre Suède,
fanatiquement lutliériennc, tient encore les deux rives de
la Bal-
I.A
ti(|Uf: conservaiil
ics prises
gar('
likl^i('lll•s
que
KISCUACl':
17!»
poinls du lillural germanique, elle
le traité
de Westphalie lui a données sur
l'Allemagne; mais ses victoires l'ont exténuée, ses gains l'ont
ad'aiblie; cette nation
émaciée
plie
sous
portionné â ses forces. Au-dessous
le
dun
poids
d'elle, la
rôle dispro-
Pologne étend son
grand corps inconsistant, de configuration indéterminée
frontières,, flottant entre la Baltique et l'Euxin.
vagues
et
de
La Po-
logne, c'est une anarchie de nobles superposée à une population
de serfs
:
les nobles sont ardents, mobiles, avides, fastueux et
besogneux
beaucoup
;
ils
ont des
d'élan,
point de fonds,
brillantes et
cjualités
peu d'haleine; un penchant irrémédiable aux
discordes et à l'intrigue, avec des contradictions, des incohérences.
Violemment
catholicjues,
la chrétienté contre l'Islam, et
se posent en défenseurs de
empruntent pourtant à Conslanti-
nople une partie de leurs usages.
]iublics et
ils
Ils
parlent latin dans les actes
ressemblent à des Turcs, avec leurs sabres recourbés,
leur luxe de fourrures et d'aigrettes;
ils
habillent en janissaires et en peikhs (1),
ont des gardes qu'ils
car le contact de l'empire
ottoman a orientalisé d'aspect toute une partie de l'Europe.
Cependant, nos agents, nos voyageurs, surtout
amenées naguère par
la reine
pandent notre influence
et
nos
les
fennnes
Louise-Marie de Gonzague, ré^
mœurs
à la cour du roi, à celle
des principaux seigneurs, domaine de barbarie colonisé par des
Frani;aises.
En sa partie sud-occidentale, la Pologne touchait aux Magyars.
Au lieu d'une Hongrie, y en avait alors trois Hongrie turque,
il
(pi^un
:
pacha gouvernait du haut des remparts de Bude; Hongrie
autrichienne, tenue en bride par Koinorn cl Presbourg; Hongrie
indépendante ou plutôt insurgée. Celle-là n'avait point de frontières, point de capitale, point de
domaine
lixe
:
elle se
compo-
de seigneurs et de partisans révoltés contre le despotisme
sait
de N'ienne, réfugiés dans les Carpathes ou lancés à travers
Ptizta en guerroyantes chevauchées. Pourtant, Tekeli, le
(1
)
l/une des variétés de gardes du Grand Seigneur.
la
grand
I.KS \OVA<;i'S
180
Tekeli
un
allaitdoiincr
,
troisième Iloni;rie
Un
MAH
1)1
uns
une direction, une àine, à
clief,
[lonxail
même
Hongrie extérieure,
<|uatrième, une
Magyars régnaient sur
le
celte
y en avait une
Trans3lvanie, où des
liiie (juil
la
trois portions de
Le prince de Transylvanie,
DE NO INTEL
peuple et trois religions.
Transylvain, ainsi que rappellent
nos vieux documents, est protestant de cullc. magyar de race,
oriental par le
costume
lextcrieur;
et
est vassal et tributaire
il
du sultan. Son Etat minuscule, enclos de montagnes,
maison d'Autriche, en s'adossant à
fortifié
par
notre instigation contre
la nature, s'est plusieurs fois levé à
la
la
grosse masse de l'empire
ottoman.
La Turquie d'alors,
c'est l'Asie
mordant sur un quart au moins
l'Europe, couvrant la pc'uinsule des Balkans et y opprimant
<le
un amas de peuples,
si^
Danube, englobant
cours
le
projetant en tous sens au delà du
moyen du
lleuve,
englobant les
pays roumains, ^Moldavie, Valacliie, IJukovine, Bessarabie,
et
faisant pointe très loin dans le Nord-Est, en de vagues contrées;
elle
le
dispute au Polonais
Grand Seigneur
Pologne
,
dans
Podoiie, l'Ukraine; jusipi'à ^Yilna,
la
se jirétend chez lui. Entre la Tm'(|uie et
les l'égions
oti
frontières,
un nuage de cavalerie
de lances,
d(^
plumets échevelés
Cosaques de l'Ukraine,
('lalilis
et redoutent le
le
un tourbillonnenuuit
de manteaux écarlates les
et
s'élève,
:
sur les ih'ux rixes du Dnieper en
colonies guerrières. l'elils-Kusses
gion, les Cosaques haïssent
la
s'entrechoquent leurs mobiles
tle
race, orthodox(\s de reli-
Craïul Seigneur
catholicisme de la Pologne;
comme
ils
«
païen
»
reconnaissent
d'ordinaire la souveraineté de son roi. mais repoussent la tyrannie des seigneurs,
se servent des Juifs ])0ur exploiter et
<pii
ronger l'Ukraine. In instant
réunissant
la
rouge cavalerie
le
Cosacpie Bogdan Klicdumilski.
et soulevant les serfs, a
une Petite-Kussie indépendante. Depuis,
celle tour à tour et se
créer
équestre se mor-
recompose, s'élance vers Varsovie ou se
laisse rejeter au.\ liords
empire
l'état
failli
du Dnieper
:
c'est
un Etat xagaboml,
\\i\
inlei'mitlenl.
Plus bas sur
le
Dnieper,
les
Zaporogues forment nue étrange
république; derrière eux errent les Cosacjues du Don. qui ont
tout bouleversé
d'Astrakan
récemment dans
la région
entre les Cosaques et la
:
dernier débris des bordes mongoles
de la basse Volga et
mer Noire
(|ui
,
les Tartares,
ont naguère entamé
l'Europe. Les Tartares, sous leur klian. occupent la Crimée
au Grand Seigneur
les côtes avoisinantes; ils obéissent
de l'Euxin nu lac
Cosaques,
lanliit
alliés,
tantôt
ennemis des
secourent ou les traliissent suivant qu'ils v
les
ils
oUoman:
e(
et font
trouvent leur compte. Enfin, par delà celle boule de peuples,
l'infini
ti(|ue
des steppes se prolonge et
Moscovie, byzantine
la
Russie commence, l'énigma-
et tartare,
érigeant
la croi.x
greccpu'
au-dessus de coupoles multicolores et d'églises à forme de mosquées, la Russie se dégageant à peine de l'Asie, chercbant par-
rapprocber de l'Europe, s'enl'ermant plus souvent dans
fois à se
un isolement faroucbe.
La France
n'avait d'ambassade qu'en Suède, en Pologne, en
Turquie. Dans
le
Nord
et l'Orient, ces trois Etals formaient,
en
temps de
crise europc'cnne, les points d'appui ordinaires de sa
politique.
Son
différents,
itut était
alors de s'en ser\
ir,
quoique à des degrés
pour organiser un s\stème de diversions. L'obstacle,
c'étaient les rivalités séculaires, les guerres fréquentes qui met-
taient les trois Etals au.x prises et les immobilisaient l'un jiar
l'autre.
On ne
pouvait les lancer contre notre ennemi qu'après
les avoir réconciliés; c'est
pourquoi notre action vis-à-vis
était double, pacifiante h la fois et excitatrice.
la
Pologne
et la
permanente
:
Tunpiie,
elle travaille
la
France joue
le
Entre
d'eu.x
la Suèd»-,
rôle de médialiici'
a régler leurs différends, à rétablir
l;i
tranquillité de leurs rapports, puis à faire sortir de cette paix
une guerre, une
dès que
le
triple
guerre contre l'-AUemagne. Cette politique,
besoin s'en
fait sentir, se
reproduit et se poursuit à
travers les âges avec une fixité étonnante, avec la force d une
tradition
(1)
immuable
Sur cette
(1).
vnvez spécialement, dans le lieeueit des iiiitructions
et minixtres de France, la partie Pologne, publiée
inlroductioQ et p. 119-l."Jo.
polilii|ue.
données aux ambussadeiirs
par M. Farces,
t.
1.
LES VOYAGES DU MARULIS DE NiilMEE
182
En
1
GCO, la paix d'Oliva, conclue sous la médiation de 3Iaza-
avait accordé la Suède et la Pologne.
rin,
écart
momentané,
s'attaquait
La Suède,
après un
rentrait aujourd'Iuii dans notre système et
A
au Brandebourg.
côté de cette diversion, Louis
moyen
prétendait en provoquer une par le
comptait d'autant plus que
le roi
de la Pologne.
nouvellement élu par
XIV
Il
y
la Diète,
Jean Sohieski, avait épousé une Française, Marie d'Arquien,
et
que ce héros à la fois violent et tendre, amant passionné de sa
femme, passait pour subir docilement le pouvoir de cette charmeuse (1). Par la reine. Louis XIV espérait tenir, conduire le
roi et le
royaume. Malheureusement,
lumées entre
la
d'exécuter
traité
le
Turquie
et les
les hostilités s'étaient ral-
Polonais, ceux-ci ayant refusé
ignominieux qu'en 1672
s'étaient laissé
ils
surprendre; cette guerre, où Sobieski avait débuté par un coup
d'éclat, la victoire de
et les retenait loin
Choczim, l'occupait depuis plusieurs années
du grand
conllil d'Occident.
accommodement
importait donc de ménager avant tout un
Il
entre Turcs et Polonais
l'habileté de Nointel.
:
c'était le
Débarrassé de
premier objet proposé à
la
guerre turque, Sobieski
pourrait opérer un changement de front vers l'Ouest et se laisserait
le
probablement tourner contre l'Autriche; nos ambassadeurs,
marquis de Béthune
seille,
et
négociaient avec
M. de Forltin-Janson. évèque de Mar-
lui
un
traité
de subsides
et
de coopéra-
tion.
Quant
;i
la
Turquie,
de SCS forces
:
elle
retrouverait également la disposition
qu'eu' ferait-elle? Certes, Louis
d'adresser aux mécréants un recours direct
:
XIV
eût rougi
rien n'était plus
éloigné de sa pensée que d'attirer sur l'Autriche et l'Allemagne,
par des sollicitations scandaleuses,
le fléau
de l'invasion nuisul-
niane. Toutefois, l'intervention turque ne pouvait-elle résulter
(1) Le livre récent de M. W.m.iszkwski, Marysienha, tend à prouver que la
reine exerçait sur son mari moins d'ascendant qu'on ne l'a cru. D'ailleurs,
Marie n'était pas plus Française que Polonaise de ca-ur: elle ne cherchait
que
la salisfactioii
de ses ambitions rapaces et de ses vanités mesquines.
Wai.is?.f.wski, p. 2(18-301.
LA niSGRACH
indirectement
que
circonstances
ilc
183
diplomatie
notre
aurait
ménagées?
De
plus en plus, la politique orientale de Louis
XIV
tendait à
devenir un compromis entre sa conscience et son intérêt, une
tentative
pour
imposer à
satisfaire l'un sans
pénibles froissements; c'est ce qui en
pi(|uant. Voici le
fait
de trop
l'aulrc
c(Mé original et
le
raisonnement que suggérait au Roi
ministres une suldile casuistique
:
ses
et à
la Tur(|uie. pnissanc(> L'uer-
à de
rière et envahissante par nature, par nécessité, obligée
continuelles expéditions pour occuper les milices et les tenir en
une proie
haleine, n'abandonnait
autre
;
ipie
pour s'en choisir une
endigué d'un côté, ce torrent se déversait
ailleurs. Aj)rès
avoir conclu la paix avec Venise, la Turquie avait envahi la
Pologne; qu'on
l'écartàt
de cet adversaire nouveau,
bable qu'elle se rejetterait contre lAutriche, d'un
il
était
pro-
mouvement
naturel et spontané, et tomberait sur elle de tout son poids.
Toutefois, parce qu'une opération
en
soi,
comme
paix avec rinfidèle,
nir"?
Louis
l']tat
notre ad\ersaire, était-ce une raison de s'en al)ste-
XIV
dévoilait
la
chrétien, qui se trouvait en
ne
le
pensait point, et
Pomponne, son
en recommandant à Noihlel de travailler à
lui
Pologne
pour conséquence d'exposer aux
iiurail
incursions turques un autre
même temps
mémerecommandable
licite et
celle qui procurerait à la callioli(jue
franchement
médiation heureuse
:
«
En
le
la
double résultat
l'état
d'un intérêt extrême à Sa Majesté;
faveur deux puissances
si
<"i
attendre
où sont aujourdliui
générales, cette paix, bien que dans des pays
elle
nn'iiistre,
paix de Pologne,
si
d'une
les all'aires
éloignés, serait
pourrait tourner en sa
considérables
:
la
Pologne, par
les
assistances qu'(dle serait capable de donner à Sa Majesté; la
Porte, par la guerre qu'elle pourrait porter en Hongrie
;
c'en est
trop pour vous inviter à continuer les soins que vous avez déjà
donnés sur cette
Dès à présent,
(I)
Pomponne
affaire (I).
la
»
France pouvait réclamer des Turcs un
à Nointcl, 3 février I67fi
ser-
LES YOYAGKS
184
vice en toute sécurité
l)L'
MARQUIS UK AOl.NTEL
conscience, à condition de s'y prendre
«le
convenablement, de pralicjuer cet
art des réticences et des dis-
tinctions contre lequel Pascal a\ait
la
Turquie prise en corps
fort exerce sa verve.
si
de lier partie: elle n'existait plus,
une
l'on s'adressait à
si
La Transylvanie,
tion chrétienne de cet empire.
offrait à
notre action de grandes coninioilités. Avec la Transylvanie
p(''clié
l'émouvoir
et
même
à passer des traités;
frac-
celte principauté
que l'empire ottoman portait suspendue à son flanc,
avait point
Avec
en masse, l'indécence eût été grande
et
était-il
il
n'v
permis de
de la pousser contre l'Autriche en persuadant seu-
lement au sultan de ne point
la retenir et
de
lui délier les
mains
:
on ne denianderaiL pas aux Turcs d'agir par eux-mêmes, mais
de laisser agir leur vassal.
S'il arrivait
probable — que l'impulsion donnée à
niquât à l'empire ottoman,
suite
l'astre
pour
la
prince de Transyh anie,
commu-
satellite entraînait à sa
France, sans que
reproche de compromission avec
Le
et le fait était
Transylvanie se
de première grandeur auquel
serait tout prolit
le
la
l'humble
si
—
pourtant
le
il
était
Roi
ait
attaché, ce
à s'adresser
l'Infidèle.
.Aliclud Apal'y,
passait malheureu-
sement pour faible, indolent, asservi aux influences autrichiennes.
Mais ne pourrait-on l'arracher à cette mollesse,
le
rappeler aux
traditions de son État et lui persuader son devoir? S'il se récusait définitivement, la
le
Hongrie révoltée serait toujours
là
pour
remplacer dans nos combinaisons.
Dès
le
début. Louis
s\irrection. Il avait
lïu'diaires
avec
XIV
obtenu
elle;
avait favorise'', nourri, sustenté l'iu-
(pie les
par eux,
il
Polonais
faisait
compagnons des encouragements, des
iinmmes.
Il
projetait
sances de
la
Porte.
grie
»
m
servissent d'inter-
passer à Tekeli et à ses
avis, de l'argent et des
outre d'assurer à ce parti les complai-
Ceux qu'on
appelait les
«
mécontents de Hon-
ayant envoyé des di'putés auprès du Grand Seigneur,
Nointel reçut ordre de leur
Icureusemeiil leur cause;
mans
lui
ménager bon
il
accueil, de plaider cha-
devait faire en sorte ([ue les Otto-
fournissent au développement de l'insurrection toutes les
facilités dépiMidanl de Iciu' \oisinage.
Cette aide indirecte servi-
i)IS(,li
I.A
rait
à
fortifier, à
ACK
185
prolonger une divorsioii
iitili'
de plus, elle aurait
;
l'avantage de créer entre l'Empereur et la Porte un état de suspicion et d'iiostilité latente, de provoquer des difficultés, des dis-
cussions d'où sortirait
tôt
ou tard
la
guerre
c'était
:
encore pour
France un moyen détourné d'engager la Turquie dans sa querelle, en ne paraissant s'intéresser qu'au sort d'une nation oppri-
la
mée et chrétienne.
On voit que de pièces
soin
diverses embrassait notre jeu. avec
calculait, mesurait,
il
Suède détournait
JNord la
sur
l'attirant
elle,
(lucl
combinait leur marclie. Tandis qu'au
Hoiienzollern de nos frontières en
le
Pologne recevait pour première mission
la
d'épauler les Hongrois sur leur droite
:
son intervention en leur
faveur deviendrait plus active à mesure que son propre différend
avec
deux
la
Porte
afl'aires
l'autre.
irait s'aplanissani,
et ('(•lail
en ce point que
les
remises aux soins de Nointcl se liaient l'une à
Derrière la Hongrie,
la
derrière elle, la Turquie, lourde
Transylvanie apparaissait,
machine de
cl
guei're qui devait se
mettre en branle par contre-coup, par action réih'xe. au besoin
sous une pression légère et inaperçue, sans que
l'air d'y
loucher.
Pour
la
eût
{-"raiicc
concorder tous ces mou\enients,
faire
postes diplomatiques échelonnés par nous depuis SlocUiiolni
les
ju.<-
qu'à Constanlinople, ambassade en Suède, and)assadc en Po-
logne, agence de Transylvanie, missions très secrètes étabhes
auprès de Tekeli et de ses partisans, ambassade en Orient,
auraient à se soutenir nmtuellenient. à s'avertir, à se concerter
chacun d'eux avait sa consigne spéciale, sa lâche nettement
mitée; mais leurs efforts individuels devaient converger au
commun,
et si la
rement entre
gi'ois, le
Dans
Comme
:
déliInit
trame de nos entreprises se resserrait particuliè-
la résidence
de Sobieski
et les
campeiuents hon-
mai'quis de Xointel en tenait l'un des l)Ouls.
la fonction ([ui lui était assignée,
la
il
déploya luut son
cour ottomane résidait toujours à Andrinople,
mil en correspondance avec
mémoires, nourris de
le
faits et
vizii'.
auquel
il
zèle.
il
de déductions, remontrant tous
avantages d'une réconciliation avec
la
se
adressa d'amples
Pologne
les
Les députés
18(1
LES VOYAGES DU
hongrois
trouvt'renl en lui
,M
ARijUIS
Di;
XiiI.NTEE
un introducteur
pendant leur passage à Constantinople,
il
et
un répondant;
les aida
de sa bourse,
de son crédit, de ses avis. 3Iéme, dépassant ses instructions,
mais
il
avait soin de faire connaître au Roi que cette
pouvait se justifier aux yeux de la morale
Son argument
et le sultan
il
Turcs à se déclarer d'emblée contre l'Empereur;
incitait les
était celui-ci
:
la plus
démarche
orthodoxe.
conclue entre l'Empereur
la trêve
après la bataille de Saint-Gothard expirait dans quel-
ques années; selon toute vraisemblance,
elle
ne serait point
renouvelée par les Turcs; en poussant ceux-ci à une prise
d'armes immédiate, on ne
table, et Nointel concluait
ferait
:
«
qu'avancer une rupture
ini'vi-
Je suis convaincu qu'en conscience
on peut susciter à l'Empereur une guerre
(ju'il
doit avoir (1).
»
Enfin, pour abréger les lenteurs qu'entraîne toujours
une négo-
ciation par écrit,
vizir et lui
jugea expédient de
il
faire parler
au
dépêcha un secrétaire de conliance, M. de La Croix, avec une
longue instruction, où tous
les points à traiter étaient
fortement
indiqués.
La Croix courut diligemment
à Andrinople et y arriva sans
autre accident qu'un coup de lance à l'i'paule, porté par des bri-
gands
mune
qu'il avait
rencontrés en roule; c'était aventure com-
en Orient. Le
vizir
ayant consenti à formuler des propo-
sitions de paix, notre émissaire les recueillit et
les poricr
lui-même en Pologne. 5lalgré
travers les frimas et les boues,
la saison
(hï
le
Danube,
Dniester
le
camp
SobiesUi, où toute la Pologne paraissait rassemblée. Les
manières rustiques de cette cour tumultueuse
un
mauvaise, à
se risfjua au del.à du
une pointe en Transylvanie etatteignitsur
fit
«
il
ne balança pas à
j)eu.
Il
(2) »
l'étonnèrent
rapporta au vizir des contre-propositions, retourna
ensuite auprès de son chef et fut encore réexpédié deux fois à
Andrinople; l'ambassadeur et son agent ne perdaient aucune
occasion pour ressaisir et renouer
le
négociation.
(i) -Ndintel à
(2) Juiii-.idl
l'omponnc, Hijanvicr 1G70.
</(- Lu Croix.
manuscrit
fil
sans cesse
rompu de
la
\.\
DISCKACK
1N7
C'est qu'en vérité les Polonais étaient pour nous d'incom-
modes
clients. Ils
montraient à
la fois
de la précipitation
de
et
la
démarches peu mesurées, leurs fausses manœuvres contrariaient nos efforts. Les ministres de la Porte res-
roideur
:
leurs
taient superlativement orgueilleux, tenaces, pleins de mépris
pour leurs adversaires. Puis, leur manière de
tout.
Comme
s'ils
envoyé qu'en
caclielte,
ils
ne recevaient notre
dans des jardins écartés, sans autres
des valets sourds et muets
«
compliquait
eussent craint qu'on les accusât d'obéir aux
suggestions d'une puissance infidèle,
témoins que
traiter
(1) ». S'ils se laissaient
approcher parfois en quehjue endroit retiré de leur
c'était
il
sérail »,
«
avec des précautions extraordinaires. Pour arriver à
fallait se glisser
eu.x,
par d'obscurs et tortueux couloirs, traverser
un labyrinthe.
Dans ces régions étranges, machinées comme un
palais de
La Croix
avait pour
féerie, pleines d'apparitions et de surprises,
lil
conducteur
médecin grec Mavrocordato, premier drogman
le
de la Porte, successeur
mandé chez
le
liioya
:
chambre Mavrocordato,
Un jour
de Panaiotti.
«
qu'il avait été
Je trouvai, écrivait-il, dans
leipiel,
l'anti-
an lieu de m'introduire dans
la
chambre des audiences publiques, frappa aux guichets d'une
armoire qui s'ouvrirent par dedans,
et
il
s'apparut à nous un
spectre vivant et affreux (c'étoit un eunuque noir j)arce ([u'on
nous introduisoit dans un appartement secret)
([ui
nous conduisit,
par une galerie éclairée seulement d'une petite lampe, à une
porte fermée de plusieurs serrures, qu'il ouviût a\ ec autant de
tintamarre qu'un geôlier
—
et
mena, suivi de Mavrocordato qui
passage
si
étroit, long,
nous avions
chambre en
été
jusques au dedans
porcelaine de
(\i
la
prenant par
la
main me
lenoit de l'autre, par
un
sans lumière, et avec autant de silence que
dans
dùnie
me
me
l'antre de
très superbe,
et
au foyer de
quelque oracle, à une petite
dorée
la
et
Chine de toutes couleurs,
Journal nidnnxfrit (h La Croix.
incrustée
partout
cheminée de carreaux
et
île
magiiifîquement
LES VOYAGES
ISS
meublée de
MARlJllS
l)V
NuIMKI.
llK
lapis de Perse à fond d'or et de eoussins de riiérne
semés de perles;
elle étoit éclairée d
un gros flambeau de
cire
blanche, posé au milieu du sofa dans un chandelier d'argent fort
Le
massif
leva et
me
genoux,
et
Liaija.
qui étoit assis dans un coin de son sofa, se
mit à sa droite, et Mavrocordalo en face sur ses
lit
eunuque, qui nous enferma
retirer cet
(1). »
L'entretien roula d'abord sur des généralités. Finalement
l.iayd,
dont La Croix avait eu soin de se
et d"« eau-de-vie raffinée (2) »,
numir, abonda dans notre sens.
pour
le
A
1
entendre,
il
n'était
que temps
suidime empereur des Ottomans d'embrasser notre cause,
de terminer au plus vite avec
contre le
la
César d'Allemagne
«
elles les intentions véritables
Pologne
«
;
temps de mûrir
patienter
à la
«
du vizir? Celui-ci, lorsqu on parve-
recommandait
et
fait, Kup.uiy avait
royaume très chrétien
affaires le
point s'im-
(3) ».
trop de llair pour ne pas sentir qu'entre
et la
térêts existait, fondée sur
rivale des
aux grandes
La Croix de ne
;t
mode des Français
En
de se mettre en guerre
et
mais ces paroles exprimaient-
nait à l'aborder, disait qu'il fallait laisser
le
un
Subhnie Porte une solidarité
péril
commun;
la
maison
d'Autriclie,
de la Turijuie'? Seulement, sa linesse perçait notre jeu
la
les traitant à la
suspects que l'on recherche dans les
il
tel rôle
:
il
fierté
en sentait d'ailleurs
après a\oir mis
avoii- utilisé ses services,
bi
coup d'atermoiements,
il
le
rnr(|uic on
ne signât
la
exposée à de redoutables atteintes,
crise, quitte à
repoussait pour son
danger
et craignait
mouxcment, après
paix sans elle et ne
.\ussi. lorsque,
consentit à parler net,
la lais-
après beauce fut pour
mettre en avant la question des garanties; offrant plus
il)
Journal inaïui.vrit
(2) Ibid.
(3) Ibid.
com-
façon de ces auxiliaiies
moments de
répudier ensuite. Sa
les renier et h les
cpu' le Roi,
:
France voulait se servir des Turcs sans se com-
promettre avec eux. en
pays un
d'in-
Bourbons, ne demeurait-elle pas l'ennemi principal
prenait tpie
sât
le
mis en coniiance par quelques bouteilles de vin d'Espagne
île
l.a
Croix
que
I.
lions
lie
tions,
demandions,
lui
nous adressa
il
cord formel
jiuissamment
(|uel
la
il
DlSilUACI':
IS!)
mémo
du
et posant
coup ses condi-
brùlo-ponrpoini une proposition d'ac-
à
Gi'and Seigneur attaquerait iuimédiatemenl et
le
:
\
mais
l'Autriclie.
Roi signerait un acte par
le
Turquie
(1).
Cette avance déconcertante, cette hiusque mi
ne faisaient nullement
le
pudiques réserves. Louis
il
Ic-
s'engagerait à ne point faire la paix sans l'assenliment de
•e
en demeure
compte de notre poliliiue
XIV
de ses
et
craignit le cri de sa conscience;
craignit encore plus les clameurs de lEurojje, qui l'eût accusé,
s'il
un pacte l'associant
promptemcnt répandu, de
signait
fut
;i
dont
l'Inlidèlc et
liirbaiiiser
proposition d'alliance, remise à La Croi.x et portée
sailles,
fut
accrut,
et
laissée
sans
réponse;
suggestions
les
plus écoutées (jne
dune
de
oreille
notre
La
(2).
à Ver-
jiar lui
méfiance du
la
bruit se
le
France
la
s'en
vizir
ambassadeur ne furent
La
prévenue.
di'marche de Ku-
pruly devait d'ailleurs faire tradition et règle pour ses succes-
Désormais, pendant près d'un
seurs.
mandes de concours,
positive,
un
traité
ils
Kupruly
fit
répondront en réclamant une alliance
empécber ou retarder
Le
la
paix avec
traité fut
En Pologne,
attendus.
la di-
Pologne, mais Xointel n'\
la
conclu à Juravno. en
conditions modérées, et la France n'en
tats
toutes nos de-
(3).
pourtant
eut aucune part.
à
en boime forme, et nos liésitations en face de
cette exigence vicndi'out toujours
version ottomane
siècle,
.Marie
i-ecueillit
d'Arquien
KiTIJ,
à des
point les résulbrouillée
s'était
avec son pays d'origine par dépit de vanité blessée, parce que
Roi refusait le
titre
de duc à son père. D'ailleurs, Sobieski ne
du
sentait pas encore le péril allemand et se préoccupait
turc
;
craignait, en
il
le
péril
frappant r.VutricIic, d'affaiblir la résistance
européenne aux irruptions ninsidmanes
et
de manquer à sa
\
o-
Cf. le Journal île [m Croix.
d'un pamphlet qui lui répandu à
l'ompoane. 27 janvier KiOC.
(tl
.\oinlel à
(i)
La France
turbanisée.
i-'esl le
litre
années plus tard en Kui'Ope.
Voyez nos ouvrages Lu mission iltt iiiinjitis
prol'usion quelques
(3)
et Louis
:
XV et Elisabeth
île rtiissic,
p
iM 1-210.
'''
Vill'ii"in-,',
p
201-2IJT.
LES VOYAGES DU MAROUIS DE XOINTEL
190
cation de grand soldat chrétien
profitèrent fjour le
arrachèrent
(1).
Les agents de l'Empereur en
circonvenir, pour l'éloigner de nous, et lui
le traité qui
devait l'amener en 1083 au secours de
Vienne.
De son côté, la Turquie, tout en accordant aux Hongrois de
menues faveurs, ne se déclara pas immédiatement contre l'Auun autre adversaire s'était désigné à elle. La paix de
triche
:
Juravno avait partagé
les
Cosaques de
l'L'kraine occidentale et la suzeraineté sur
cette région entre la Porte et la
Pologne; repous-
sant deux dominations également ennemies de leur culte, les
Cosaques
leur foi
se placèrent
spontanément sous une autre. Résignés à
de leur indépendance,
la perte
;
ils
voulurent au moins sauver
plusieurs de leurs chefs se tournèrent vers Moscou, se
donnèrent au tsar orthodoxe, Alexis Mikha'ilovitch, déjà suzerain
de l'Ukraine orientale, et provoquèrent son intervention
guerre s'ensuivit entre les Moscovites
et la Porte.
Au
:
une
lieu de se
reporter vers l'Europe centrale, vers les contrées où nous voulions l'amener, la puissance
ottomane ohHqua vers
l'Est, s'y
en-
fonça, parut un instant s'y perdre.
Sur cette guerre au bout du monde, Nointel ne se trouvait pas
de prise
offices
:
il
ne pouvait faire agréer ni
aux deux
Moscou de
parties, car la
relations suivies.
même
proposer ses bons
France n'entretenait pas avec
Au moins
voulut-il se tenir
rant des opérations, observer de loin les événements
:
il
au couse pro-
cura au camp ottoman des intelligences, des correspondants,
son zèle informateur
lui
et
permit de faire passer au Roi quelques
notions sur l'obscure et brumeuse Russie. Ce qui frappe dans
ces renseignements, c'est que les Turcs, quoiqu'ils eussent rem-
porte quelques avantages, s'étaient sentis en face d'un adversaire d'autant plus redoutable qu'il leur opposait leurs qualités
propres, endurance, ténacité, opiniâtre vertu de résistance.
plusieurs rencontres,
hérissé
(1)
tle
ils
s'étaient heurtés à
longues piques
Vovez W.VLtszEWSKi,
;
on j)Ouvail
p. 299-:500
En
un mur d'hommes,
entailler ce
mur
à coups
I.
de lance
La
et
prime
de sabre, l'ahaltre avec
d'un officier turc à son
lettre
dans
IHSCIi
\
ainsi
«
:
les autres
L'infidèle est
armes que,
avec l'autre main, de sorte
le
fils,
191
canon, non
constant dans
si
qu'il
le faire
ne
reculer.
transmise par Nointel, s'ex-
abattant un
lui
qui résistent tant au combat.
\i:l'
s'est
l)ras,
feu
comme
prend
la piipic
le
il
jamais vu des infidèles
»
U
OCCUP.\TIO\S AliTISTIQL'i:S Kï
L
ITT K
A UE
II
I
S
.
Nointel s'était donné une autre mission, celle de faire connaître au lloi, à la cour, à la France, au
parcourus
aA'ait
et
ceux où
mémoires une description complète du
passé et
le
monde,
les
pavs
([u'il
Ecrire en une suite de
résidait.
il
Liîvant, endirassant le
présent de ces siu'prenantcs régions, énumérant les
ruines grecques et romaines qu'elles conservaient, dressant
l'in-
ventaire de leurs ricliesses d'art, puis, à ces renseignements d'un
si
haut
pi'ix
civilisation
pour
la science, ajoutant
un tableau
brillant de la
maliométane ou plutôt de cette barbarie somptueuse.,
de ses splendeurs, de ses didormités,
caressait de longue date
et
dont
il
tel
était le pi'ojet qu'il
se plaisait à entretenir le
ministre.
Son vovage
son
sier
travail.
lui avait
Dans
mis en main
cette tourm-e,
s'était
principaux (déments de
formé un immense dos-
de notes et de do(;unients. Depuis,
manqué pour démêler
en amasser d'autres.
et ajuster ces
Il s'était
poussait des pointes dans
îles
il
les
le
si
le
temps
matériaux,
il
lui
avait
continuait à
remis à observer Constantinople,
voisinage, étudiait nolannnent les
des Princes et leurs curieux monastères.
Le
tableau de la
capitale et des lieu.x en\ironnanls devait précéder sous sa
plume
celui des provinces.
De
plus,
connue
il
n'avail pu.
au cours de son voyage, tout
LES VOYAGES
|'.)i>
Iil
\oir et tout approi'omlir par hii-mèmo,
son enquête par procuration
oii
il
n'avait point pénétré.
de
entendait poursuivie
niènio à des contrées
Les consuls de France,
:
à tous,
les mission-
mandé
avait
il
adresser des mémoires sur les lieux de leur ressort, des
topographiques,
notices
(|ues,
il
et l'étendre
naires latins seraient ses coopérateurs
lui
NULMEE
HE
MAlîijL IS
géographiques, historiques, pittores-
des détails sur les productions du pavs, sur les hahitants,
sur le gouvernement, sur l'état des antiquités;
nos agents se transformassent, pour son bon
il
prétendait que
en peintres
plaisir,
de mo'urs, en explorateurs, en archéologues, et répartissait
entre eux la besogne. Grâce à cette division du travail, on aurait,
sur toutes les parties de l'empire, le témoignage des
plus informés
:
hommes
les
chacun d'eux apporterait sa pierre au grand
monument.
Ainsi compris, l'ouvrage aurait la valeur et l'attrait d'une révélation.
Sans doute, des cette époque,
abondaient
:
les descriptions
du Levant
point de voyageur qui ne se crût obligi' de consi-
gner ses impressions par
écrit et
Mais pourrait-on comparer ces
de les comnmnii|uer au public.
récits superficiels et
souxent sus-
pects à l'œuvre longuement méditée d'un ambassadeur,
dire d'un
c est-à-
voyageur mieux placé qu aucun autre pour bien
pour observer à
loisir,
pour j)énétrerle secret des
lieux, et qui se serait fait assister
hommes
dans sa lâche par tout
voir,
et des
le
per-
sonnel des consulats et des missions?
Une
et
relation de
vovaae s'acconipasne nécessairement d'inumcs
de figures. Nointel n'entendait pas dérogera celte règle, mais
nous savons
rêvait-il
qu'il avait
en (oui la passion de faire grand. Aussi
pour son oHivre une
illustration hors
cédent, digne à la fois du sujet et de l'auteur.
et
pair, sans pré-
lieu
d'estampes
de vianeltcs. ce ne serait rien moins (lu'une ualerie de tableaux.
Exécutées à Constantinople par d'habiles
seraient envoyées en France au fur et
ment;
olfertes au Roi,
;i
récit
artistes, ces peintures
mesure de leur achève-
proposées dans ses châteaux
tion des siècles futurs, elles fourniraient
du
dt>
Au
à l'admira-
aux pi-incipaux passages
un commentaire prcs(pie vivant.
LA DISiiHACE
193
Noinlel s'avisa donc d'installer à lambassade un véritable ate-
de peinture. Dès son retour,
lier
Ronibaud-Faidiierbe
seul peintre que la
le
mort de
eût laissé, l'artiste liamand qui l'avait
lui
accompagné pendant tout le voyase et (|ui avait dessiné notamment les marbres d'Athènes, s'était occupé à mettre au net les
innombrables croquis rapportés, à en
tâche était lourde, écrasante: un seul
à tout pri.x.
il
vrir encore
homme
du renfort. Xointel eut
fallait
un peintre à Constantinople
c'était le troisième qu'il
de se l'adjoindre
Jacques Carrev
été
a de nos jours attribué par erreur les dessins
Natif de Troyes en
Grand maître des
pait alors à
mense
sources de
Champagne, Carrev
l'art
il
:
:
(1),
auquel
du Parthénon.
était élève
de
Le Urun.
cour de Louis XIV, Le Brun s'occu-
arts à la
orner et à peindre
entreprise,
la
chance de décou-
la
et
Mais
y succomberait
employait depuis deux ans.
Ce dernier semble bien avoir
on
tirer des tableaux.
les palais
royaux
:
pour
cette im-
sentait le besoin de recourir à toutes les
décoratif. Carrey paraît avoir été
envové par
lui
à Constantinople pour y relever des motifs d'ornementation,
pour rapporter des dessins
répandre sur
les
des
el
«
calques
»
qui serviraient à
grandes compositions en cours quelques touches
de couleur orientale.
A
Constantinople, Carrey fut lieureux
d'accepter les propositions de l'ambassadeur, qui consentait à le
défrayer pendant son séjour, à
lui
servir des émolumeiifs. et ne
demandait qu'un travail parfaitement compatible avec
lui
l'objet
de sa mission. Nointel eut donc de nouveau deu.x peintres à ses
ordres;
il
les installa
au palais, leur fournit
le vivre, le
couvert,
avec cinq cents écus par an à i-hacun. en payement d'une besogne
(|ui
ne chômait guère.
Déjà, huit tableaux étaient
tous au voyage, et
Ps'ointel
.sur
chevalet. Ils se rapportaient
en énumère ainsi
les sujets
:
«
le
sépulcre d'Absalon et son paysage, une cascade admirable dans
le
fond du Liban sous Canobin, une grotte qui en est proche,
lanterne de Démosthène
(!)
à
Allièiies.
Voyez sur ce point l'appendice,
chilTi-elil
les
eaux de Damas,
la
la
LES VOYAGES
19i
lU"
M AU
01
S
I
DE NOINTEL
du Jourdain, un nain dune figure extraordinaire
rencontrai à Antab et un derviche que je vis à Gaza (1).
<|ue je
rivière
» Mais
demi content de ces morceaux. Il comptait
retoucher, perfectionner, recommencer au besoin. Dès
Nointel n'était
les faire
à présent,
il
qu'.à
faisait
mettre
la
main
à d'autres peintures,
dimensions colossales. Dans l'une des
un
salles
du
palais, sur tout
côté de la muraille, une vaste toile se déploie
paraître
«
de
:
on y voit
le Saint-Sépulcre, la moitié des galeries qui l'envi-
ronnent, les spectateurs qui y sont placés et le spectacle du feu
sacré qui se joue en bas par les Grecs, dont la variété et
tiplicité
des figures
s'y distingue
et
la singularité
La
ville sainte et l'aspect
série des villes et des
tantinople et ses entours.
monde,
s'écriait Nointel
(2)
Son Excellence
senterait aussi en grand l'entrée de
mul-
de l'action universelle qui
peut donner quelque satisfaction
l'ensemble de la
la
».
On
repré-
à Jérusalem,
général d'Athènes.
paysages se continuerait par Cons«
Les plus beaux points de vue du
avec enthousiasme, nous environnent
encore de trois côtés; ainsi voilà une abondance qui demande
du temps pour être épuisée
Enfin,
comme
(3). »
l'Orient possède le privilège de prêter
resque au.x scènes ordinairement les plus froides,
du
pitto-
comme
la
diplomatie elle-même peut y donner matière à peinture, Xointel
s'était
imaginé de
faire
mettre en tableau
le
dénouement do sa
plus importante négociation. Sur une toile presque aussi grande
(]uo celle
où
figurait le Saint-Sépulcre,
une esquisse largement
charbonnée commençait à montrer un groupement de figures
géantes et d'attitudes solennelles
dans laquelle
le vizir avait
renouvelées. C'était un
:
procédé à
moyen de
on reconnaissait l'audience
la
ques parties de la cour ottomane, sous
donner pour cadre au succès de
notre ambassadeur.
(1)
Nointel à Pomponne, 6 juin 1675.
(2) Ibid.
(3) Ibid.
remise des Capitulations
représenter au naturel quel-
la
Mohamed
IV, et de les
France, aux hauts
faits
de
LA DISGRACE
Dans ce tableau
de mœurs,
il
que tout
dique, réel, pris sur
«
môme temps
d'histoire qui serait on
fallait
crayons
Rombaud-Faidherbc
ils
devait iMn' un portrait.
faire ressemblant, Nointel leur avait
rapidement
»
:
peinture
scrupuleusement exact, véri-
fût
le vif; clia(|ue fiiruro
Pour aider ses peintres à
remis les
193
tirés
à Andrinople par feu
reproduisaient les principaux person-
nagfes de l'État et avaient servi à confectionner les portraits
envoyés en France. Mais Faidherbe,
le
dessin plus que par la couleur
chauds des visages
et
:
fds de sculpteur, brillait par
il
n'avait su rendre les tons
des costumes levantins,
ardentes et superbes décidément, son coloris
:
Devant
cette
teintes
ne valait rien
(1) »
une seconde étude d'après nature
insuffisance,
paraît indispensable.
«
leurs
Qu'à cela ne tienne, l'un des peintres
actuellement en service partira pour Andrinople et s'en ira sur
place observer les modèles.
L'époque sembla propice au printemps de lG7o. Le sultau
allait
célébrer publiquement les noces de sa
avec
six ans,
le
fille,
âgée de cinq à
favori toujours en exercice, et à ce mariage
révoltant selon nos
mœurs
joindrait la circoncision de son
fils.
Ce serait occasion de réjouissances énormes, (jui mettraient en
émoi tout l'empire. Six mille jeunes garçons, appelés des provinces, seraient circoncis avec le prince, ainsi (|ue deux mille
icoglans appartenant à Sa Hautesse. Les fonctionnaires,
corporations contribueraient par des présents obliga-
villes, les
toires.
D'un bout à
l'autre de la Turquie,
on recrutait des bala-
dins, bouffons, faiseurs de tours, machinistes et autres
Comme
les
amuseurs.
y aurait à servir des repas pantagruéliques, on prélevait sur les Grecs des environs d.Vndrinople un Irdjut de victuailles
il
:
«
Le
miel, le beurre puant, le sucre, l'amidon et autres
ingrédients infernaux,
comme une
espèce de véritable colle en
guise de gelée, remplissaient des réservoirs
tagnes de
riz. »
Fnfin, par
un
reste
:
il
y avait des
mon-
d'habitudes nomades et
guerrières, la cour et le peuple, pour tout le temps des fêtes,
(
1
1
Nointel à
Pomponne,
fi
juin 1073.
LES VOYACES
196
de
MAR(JLIS DE AOINTEE
camp ou
cette cour qui
va
Pour bien
(1).
dans l'abandon du
s'étaler ainsi
une
plutôt dans
improvisée aux porlcs d'Andrinople
toile,
examiner
L
sous la tente, dans un
s'établiraient
ville
l)
plai-
Xointel organise aussitôt une mission spéciale.
sir,
Son
La Croix
secrétaire
un drogiiian
à Andrinople. a\ ec
l'effet
dans
retournait alors pour la troisième fois
de conférer d'affaires;
le style, ce serait lui
et
une suite de domestiques, à
comme
il
qui tiendrait la
L'un des deux pemtres
les <lescriptions.
ment Carrey) dut l'accompagner
;
avait quelque
plume
(ce fut
brillant
composerait
et
vraisemblable-
aurait à se poster sur le
il
[)assage des cortèges, à ol)server les personnages, les groupes,
et reviendrait
abondamment pourvu d'impressions
Quant à Nointel, retenu à Péra par
sister
aux
fêtes,
il
s'altacbe au
transmettre les écbos
menus
des
faits
:
il
moins
nomel dans
directes.
sa grandeur, privé d'ash
en recueillir
et à
sa correspondance
en
aucun
que sa curiosité parvient à découvrir, aucune
de ces anecdotes qui circulent autour de tout événement public.
En
attendant les éléments d'une narration d'ensemble,
une série de nouvelles à
A
la
présents offerts par
le
chaque pièce
envoie
main.
certain joui', une gra\e dépécbe a pour
cet état,
il
nouvel époux à
annexe
des
la liste
la famille impériale.
Sur
est portée avec l'esLimation de sa valeur
:
on y voit figurer «... une couronne de diamants et de rubis, de
valeur (le trente bourses; mais celte couronne est proprement
la
un bonnet de velours cbamarré en rond de ces pierres précieuses
—
([uatre ceintures
et la
pour
la
Validé, l'Ilasseki (favorite), l'épouse
nouvelle llasscki, valant dix bourses l'une portant l'autre
— quatre aigrettes avec leurs enseignes de
—
•
diamants
et rubis...
quatre tours de pierres précieuses, iliamants et rubis,
mettent sur
couverlures
le tarbouch et le turban...
sont
semées de
— deux alcorans
diamants
et
rubis,
(|ui
se
dont les
l'un
pour
Cet usage s'est pci'iitHuc jusque dans noire siôcle. Voyez dans l'ouvratre
M. TnovvKXEL, Trois années île la question iVUriont. p. :278-:28(>, la desci'iplion de la l'été dite des tentes, donnée en 1858 pour la lii'concision des lils
d'Abdul-Medjid.
(1)
(le
lépouse, l'autre pour
D'autres
Grainl
«lu
lils
Les travaux
«
:
en cire
le
1!I7
Seigneur...
l'ambassadeur glisse dans ses
fois,
de ce genre
sistent
DISfillACK
A
I.
et
(1).
»
lettres des traits
provisions qui se font con-
et les
sucreries, et en certaines machines à la turque
de peu de considération, et je ne crois pas qu'elles deviennent
meilleures par un confiseur qui a été appelé de Venise.
Le
vizir
dessein d'en faire venir des comédiens pour dos
avoit aussi
opéras, ce qui l'avoit obligé dinterposer à ce sujet le baile de
celte république;
comme
mais
ce premier ministre s'imaginoit
que ces comédiens, ayant
l'art
servir pour voler durant
chemin,
le
des macliines, s'en pourroienî
il
vouloit qu'ils fussent
quinze jours, ce qui n'a pas été possible
Lorsque
la
plaisance sur
politique
«
chôme. Nointel s'étend avec plus de com-
pompe
la
en
ici
(2). »
toute luxurieuse
»
prépare a
qui se
Andrinople, rapporte les détails scabreux ou burlps(iues qui se
murmurent
tout bas
«
:
Les danseuses que
Constantinople tiendront
le
de
l'on a eidcvées
premier rang, aussi
iiien
par leurs
postures et danses extraordinaires (jue par leur jeunesse
ci
beauté, jointes à la prétention qu'elles soient vierges: mais
au moins à l'égard de cette dernière
un bon nombre. La femme du caiiKil.vm de
qualité,
faut,
du
Si'-rail,
menant
en excepter
cette \iile. (|ui a
à la Porte ce qui en étoit de plus ex((uis.
quarantaine de voleurs en ont
fait l'essai,
et
que leur maîtresse n'a pas été exempte de
il
est
il
éli'
une
grand brui
cette atlaiiuc. Klle v
a perdu de plus vingt mille écus et les pierreries. Je voudrois.
Sire, avoir des matières à
proposer à Votre
plus dignes de son application
Les
rités.
tion
fêtes terminées,
D'après ces
«
(3).
qni fussent
»
La Croix en
mémoires
.Alajest»'
écrivit toutes les particula-
Xointel composa une descrip-
»,
précise jusqu'à la minutie, ampoub'o par endroits et en
d'autres effroyablement réaliste,
de détails orduriers.
Le
fait
(1)
.\rcliivesdes affaires étrangères,
(2)
Nointel à
(:ii
Ibid
.
Pomponne. 9 mai
(ijuin HmIj
semée de
traits
prétentieux et
que ces révélations par trop crues
107.J.
t.
.\II.
p. 180.
LES VU VA (il'
198
mœurs
sur les
S
M A KO 11 S DE NOI.MEL
1) L'
de l'Orient aient pu être envoyées au
et les joies
Roi en hommage, avec épître dédicatoire, prouve
ou
la liberté
plutôt la grossièreté de ton admises encore à la cour de France,
la
mieux
policée et la plus majestueusement ordonnée de l'Eu-
rope.
A
suivre en ce récit la série des réjouissances, on croit voir,
dans une orgie de couleurs, une immense
amusements d'une
les
Au
cour.
que
fête foraine plutôt
débul, le sultan, son
ses
fils,
ministres, ses officiers, viennent se placer sous des pavillons
ouverts, merveilleusement ornés.
Tous
ces grands porte-turban,
entourés de leurs gardes, se tiennent dans une immobilité majestueuse. Soudain, devant eux, devant les sultanes dissimulées,
derrière
un léger
tume des deux
treillis, c'est
une irruption de baladins en cos-
sexes, de danseuses à robe flottante et à tournure
équivoque, qui semblent mettre en action
et I'Ahc
(/'or
d'Apulée
fait place à la série
tants,
}•
compris
cessivement
le
de l'Arétin
Puis, le jour baissant, cette
(1).
des gestes rituels
Grand Seigneur
les sept
les contes
poses de
mimique
tous les acteurs et assis-
:
et ses vizirs,
la prière, et
prennent suc-
aussi loin que la vue
peut s'étendre, ce ne sont plus que génuflexions et prosternations,
«
des
est tout à fait
fusées décbire
que
l'air
:
:
« Il
«
sifflement
semblait par la chute des
commencent
enveloppés de pièces
et qui leur font
le
par milliers, elles s'élancent, s'épa-
c'étaient les naturelles qui tombaient.
tissements [io[iulaires
et d'ours
«.
tombé. Le camp s'illumine,
nouissent en pluie d'étoiles
ficielles
en Fair
tètes à terre et culs
Le jour
:
»
arti-
Les diver-
courses de chiens, d'ànes
d'artifice
auxquelles on met
le
feu
des habillements en flannnes »; ombres chi-
noises, exercices d'acrobates et d'histrions, mâts de cocagne,
simulacres de combats sur terre et sur mer. Et cela continue
(i) l'arlantde l'impression faite sur les sultanes par ce spectacle, Nointel
« Les sultanes demeurèrent sur leur appétit, ce qui
ajoute
ne serait pas
arrivé si des cavaliers l'ranfais. sans peur en cette occasion comme dans
les plus chaudes rencontres de la guerre, eussent pu .. aborder ces prin;
cesses.
»
Certains passages du récit sont impossibles à citer,
même en
extraits.
LA lilSiiUAi
pendaut quinze jours
ainsi
199
i:
quinze nuils, a\ec cavalcades
et
solennelles, défilés burlesques, exhibitions
Ces
ou sous des
d'emblèmes obscènes.
de manireries énormes
plaisirs s'entremêlent
:
en plein
air
tentes, des entassements de nourriture s'étalent, et
successivement ciiaque catégorie de
curée, depuis les janissaires, qui
population vient à la
la
se jettent sur quatre
nomme
mille
1
em-
pire », c'est-à-dire les derviches, santons, imans, gens de
loi,
plats, jusqu'à
«
ceux que Xointel
qui, nonobstant
«
les Tartufes
lincommodité de leurs turbans
cl
de
leur gravité
insupportable, faisaient trêve avec leur extérieur refrogné afin de
s'occuper à mieux vider les plats: après avoir empli leur ventre
et
leur
pour
manche en manière de besace,
de l'empereur
la prospérité
Le dixième
le
ou prière
firent le iloma
jour, par manière de jeu, le sultan fait semblant
de céder par anticipation à son
ronne
ils
»
On envicomme pri-
toute-puissance.
fils la
pompe impénale
prince enfant de toute la
:
vilège suprême, on fait tenir la bride de son cheval par le bour-
reau, indispensable accompagnateur de l'autorité souveraine.
Cette bizarre cérémonie prélude à
circoncision. Auparavant,
la
les corps d'état, les nations diverses ont apporté leur ofl"rande,
et
parmi
les
cadeaux présentés figurent d'étranges chefs-d'œuvre.
des prodiges de confiserie, une fiore et une faune en sucre,
un jardin
dont
de quinze pieds carrés tout en
artificiel
les arbres se
courbent
«
sous
le
emùpéen
mal du
ment ne
poires,
et occidental,
s'exclame sur ces puérihtés,
résultat par les apprêts,
faisait
pommes,
Et Noinlel, jugeant tout du
succédant à des spectacles bas ou infâmes.
démonstrations de
avec allées
».
cerises, prune.*; et abricots confits
point de vue
poids des
cire,
la joie
il
D
augurant
ailleurs
avait prédit d'avance
impériale
«
feraient pitié
»
;
que
les
l'événe-
que conlirruer sa déception.
Les études que
lui
présenta
le
peintre en mission le satisfi-
rent davantage. L'artiste voyageur avait croqué en route plusieurs scènes caractéristiques
:
au camp,
d'ensemble et dessiné quantité de détails
de portraits
:
enfin,
il
:
il
il
avait pris
une vue
rapportait beaucoup
avait assisté à la réception d'un
ambassa-
LES VOYAGES
200
(leur d'Angleterre et noté
de circonstance, ce qui
matiques.
Il
se remettre
Dl
M AHnl
IS
DE MUN'TEE
en ses différentes phases
lui
le
cérémonial
donnerait matière à tableaux diplo-
dut aussitôt, sans laisser refroidir ses impressions,
avec ses compagnons aux
On
commandées.
cinc]
grandes machines
on en commença d'autres;
acheva,
les
convenait d'employer l'aptitude
Carrey avait acquise de Le Brun,
au.x vastes
son nouveau patron
et
il
compositions que
le faisait
peindre à la toise.
De
plus en plus, le palais s'encombrait d'un matériel inattendu
en ces lieux. Sans cesse, on broyait, on délayait des couleurs;
on
dressait,
on déplaçait des écliafamlages pour peinlres. Et au
milieu de toute cette activité voici Noinlel lui-même
montre en ses dépèches, infatigable, important,
qu'il voit faire
-\utour de
ou sur
de ce
artistes et leurs aides, stimulant toute cette équipe.
lui, les
la toile
satisfait
se
trouvant que l'ouvrage vient bien, animant
et
néanmoins ses
tel qu'il
:
formes
ici, le
les plus diverses se fixent sur le pa[)ier
fronton du Parlliénon, destiné à être offert
au Roi, avec somptueuse dédicace
aspects de nature.
A
(1): là,
terre et sur les
des turqueries ou des
meubles traînent des
étoffes
chatoyantes, toute sorte dbahillements, de coiffures et d'armes,
pelisses lourdes d'or et d'argent, caftans brodés de fleurs, turl)ans,
babouches, casques crètés d'un rouge plumage, longs
mousquets
tait
à crosse incrustée d'ivoire; car Xointel
ne se conten-
pas d'approuver ou d'imliquer les sujets des tableaux:
il
chargé de fournir les accessoires.
s'était
Indépendamment des costumes
cbipel,
il
s'(''lait
|iopulaires rapportés de
l'.Xr-
procuré un échantillon de tous les uniformes,
cour et dans
sarde du (liand
armes, oiiicmeuts usités à
la
Seigneur:
pu former ce qu'on appelle aujour-
d'hui
(1)
à lui
le nnisri'
seul,
(Irs
il
eTil
jaiilusaircs [2).
11
iixr.iit
L'original de ce dessin, dont une copie ligure
nale, appartient à M. Clernionl-lianneau,
membre
la
à ses [leintres cette
i"!
la liiMiotliri|ue natio-
de l'Institut. Original et
copie ont été reproduits dans ro:'uvre toute récente de .M. O.vont, Atlihws
au xvn' siirle.
(-2) C'est un musée ([ui fut fondé
à Constantinople après la réforme do
Matimoud 11 et où l'on voit exposés sur îles mannequins les c-ostumcs ofliciels
LA lUSGRAi:!-:
iOl
luxuriante défroque, et aidant leur ménioire par ses souvenirs,
ravivant, rectifiant leurs impressions, guidant leur inspiration,
guidant leur main,
il
présidait en personne à la grande entreprise
d'art.
A
côté d'une officine de tableaux,
palais avait maintenant
le
son musée d'antiques. Les trente marbres à inscription rapportés d'Athènes et des
Tles étaient
exposés en lieu spécial, bien
rangés, soigneusement dassr'S, entourés d'honneurs
il
:
près d'eux
nombre de camées,
Dans tout Constanti-
y avait quantité de médailles, un très grand
des fragments de bas-reliefs et de statues.
nople, dans tout l'Orient, on eût vainement ciierciié alors une
collection de ce genre.
Ce
fut la
première que l'on
ait
eu idée de
former, et Nointel s'appliquait constannnent à la grossir, don-
nant ce but aux promenades archéologiques quil menait autour
de la
ville.
Chez
lui.
il
contemplait avec béatitude ses chères
reliques et les montrait aux étrangers
(]u'il
accueillait libéralement
à son fover. Sil rencontrait dans le visiteur quelque confrère en
érudition et en bonnes lettres, son plaisir devenait ravissement;
il
entrait alors dans des discussions, dans des conjectures, dis-
sertait sur le sens des inscriptions;
copier
11
et
anciens ne
il
raine et
permettait au besoin de les
ne se montrait jamais avare de son trésor
offrait à ses
nople,
il
(1).
hôtes dautres distractions. Son culte pour les
lui faisait
pas dédaigner les modernes
:
à Constanti-
restait fort au courant de notre littérature
contempo-
de ses chefs-d'œuvre, grand amateur de livres
et
de
théâtre. Corneille, Molière, faisaient ses délices, sans parler de
moindres génies
risé
:
Racine ne paraît pas avoir été également favo-
de ses suffrages. Se rappelant avec quel
plaudi les dernières pièces en vogue,
recevoir par
aimé à
la
il
plaisir
lecture qu'une impression affaiblie
les retrouver sur la scène!
Pour
il
avait ap-
regrettait de n'en plus
satisfaire
;
qu'il eut
ou tromper son
de l'ancienne Turquie, '^es oiificaux apparaissent aujourd'hui lamentablement défraie liis et maniiês aux vers.
(I) Spox, Voyage d' Italie. Je Daiwa'ie. de Grèce et du Letant, fait au.r années 1673 et 1G76, t. I. p. tSO. l.j". :: '>. 3ti3.
LES VOYAGES
202
1)1'
MARQUIS DE NOI.XTEL
envie, pour égayer aussi les longues soirée de Péra,
il
eut l'idée
d'organiser chez lui quelques représentations théâtrales.
La
tentative était osée, dans
rionnette ohscène, cet
infâme
«
un pays
»,
Karatjlwuz, cette ma-
oîi
comme
l'appelle le docte
Sevin dans ses Lettres sur Constant impie, est
de
l'art
abhé
le seul interprète
dramatique. Le marquis arriverait-il à recruter une
troupe d'amateurs dans
le
secrétaires, ses suivants,
personnel de l'amhassade, parmi ses
ses luHes d'habitude ou d'occasion?
Les coméiliens trouvés, où découvrir des comédiennes? Les
essais avaient
commencé pourtant
voyage. Antoine Galland, qui
difficultés
était
dès l'hiver de 1673, avant
encore
là,
le
avait levé bien des
par sa bonne volonté toujours prête, par son esprit
inventif, et
payé bravement de sa personne. Lui-même nous a
plaisamment conté comment
il fit
conlidente de Cliimène, sous
condition, et
comment,
du public
On
(Ij.
le
ses débuts dans le rôle d'Elvire,
costume d'une jeune Grecque de
ainsi attifé,
il
se concilia les sufi'rages
put donner, outre la grande tragi-comédie de
Corneille, V Ecole des maris, le Déjiit amoureux, le Cocu imaginaire.
On
fit
même
quelques emprunts au répertoire de
la
comédie ou
plutôt de la farce italienne; à la fois auteur et acteur, Galland
abrégeait, condensait, arrangeait ces bouffonneries et les adap-
à notre goût
tait
(2).
Cornelio 3Iagni, que sa qualité d'Italien
désignait au rôle d'imprésario, avait improvisé habilement une
manière de théâtre.
D'abord, les choses se passèrent dans
closes. Puis, quelques initiés furent
gers, invités en voisins; les
Un
des Arméniens.
été
le
gouvfineur
;i
admis
rinliinili'.
:
h
]jortes
des ministres étran-
drogmans et leurs familles, des Grecs,
jour, certain
Mossoul ou à
'i'urc
de condition, qui avait
Diai'bekir,
fut introduit.
Avant
lever du rideau, son attention fut attirée par la loge assez bien
dames
éclairée où les
des jalousies:
il
invité'es se laissaient
annoncée. Pendant toute
(1)
JoiinmI.
(-2)
Ibid.,
t.
t. II.
|i.
IL p. o,
entrevoir derrière
s'imagina aussitôt que c'était là
la représentation,
t.")-lG.
>J,
11, 3i,
36
il
l'e-vliibilion
tourna conslam-
LA lllSCHACK
meut
lui
dos à la scène pour regarder
le
persuader que
comme
203
la loge, ol
on ne pul jamais
A
spectacle n'était pas dans la salle.
le
la fln,
fumée de sa pipe incommodait tout le monde, on mit
dehors ce Turc malappris, et l'expérience ne fut point renouvelée
la
(1).
Après
le
mieux
soignées,
bientôt
retour du voyage, les représentations reprirent, plus
un
tacles s'ouvre
la
réglées,
suivies
très
éclat extraordinaire.
En
:
prendre
elles allaient
effet, voici
un cadre nouveau, spacieux
et
qu'à ces spec-
même
grandiose
:
résidence de l'ambassadeur se transforme, sembellit, élargit
ses appartements, se dispose pour la réception et les fêtes: l'an-
maison du Roi devient véritablement
tique
Depuis de longues années,
la
le palais
de France.
France possédait, sur
le flanc
oriental de la colline de Péra, en face du Bospliore, le vaste do-
maine
qu'elle conserve de nos jours.
du
partie la plus élevée
il
reconnut que,
terrain
;
était antique et délabrée
:
tant,
fit
ellclui parut disgracieuse,
qu'il apportait
la
demeure
inconunode,
partout avec
entreprendre d'urgence quelques travaux en les exécu;
on s'aperçut que
presque
occupait alors la
était à souhait,
mal appropriée aux besoins de luxe
lui. Il
palais
lorsque Nointel vint s'y établir,
l'emplacement
si
Le
totale.
Sans doute,
Au
l'édifice se trouverait
lieu de réparer,
les frais seraient
point que l'influence fran(;aise,
différentes parties
du monde,
manifestes, imposants"?
bien d'une réfection
on se mit à reconstruire.
énormes: mais ne convenait-il
(jui
prenait pied alors dans les
s'aflirmàt par des signes visibles,
D'ailleurs,
l'exemple de verser
l'or
à
pleines mains, dès que la dignité et l'éclat de la couronne se
trouvaient en jeu, venait de haut; le mot d'ordre
cour
senil)]ail
être de
paraître et d'éblouir;
l'Europe entière
s'entretenait de la résidence sans rivale que Louis
nait
aux environs de Paris, dans un
violence à
la
la passion
de bâtir
(i)
nature.
CoRXELio .Magm,
:
t
Comme
il
II,
émané delà
site créé tout
XIV
se don-
exprès et par
tous les prodigues, Nointel avait
se crut autorisé à lui céder, puisqu'il la
p.
11-18.
LES VOYAGES DU MARQriS DE NOINTEL
204
partageait avec son maître; sur les rives du Bosphore,
il
voulut
avoir son Versailles.
Dans
Une
de 167(!, les travaux étaient achevés.
l'été
du Roi
latine en Flionneur
inscription
de son représentant, composée
et
d'avance par Galland, dominait
le portail
du domaine, tout répondait à
celte
d'entrée.
A
l'intérieur
majestueuse annonce. Les
jardins étaient heaux, les parterres remarquahles, car Nointel
collectionnait jusqu'à des Heurs rares, lorqu'il en trouvait l'occa-
sion (1).
Le
au dedans
palais était orné' de galeries saillantes et déterrasses;
marquis avait voulu
le
mettre
le
«
dans un état qui
le
rende digne de loger un ambassadeur de Sa Majesté, d'exciter
l'envie des autres représentants, d'y attirer les
Turcs
(2) », et
il
pensait avoir atteint ce multiple but.
Dans une
lettre
au ministre,
il
donne sur sa nouvelle demeure
les détails à la fois les plus précis et les plus
véritable
promenade
qu'il fait faire à
pompeux
son lecteur
:
c'est
une
à travers les
pièces d'habitation et les salles d'apparat. Voici l'appartement
d'hiver, exposé au midi, et l'appartement d'été,
portiques, ouvert au soufllc irais de
trois
la
grandes
«
donnant sur des
tramontane. Entre eux,
La première, occupant
toute
largeur du palais, est percée par les deux bouts; la seconde,
(|ui la
et
salles se succèdent.
la
traverse en long, est éclairée par ses portes loulcs de verre
par un enfoncement tout ouvert élevé d'un demi-pied,
derrière la
chambre
d'été
ses garde-robes...
et
de cet enfoncement se \oit
la
ménagées dans
pratique''
l'un des
crili's
place du buffet, enfoncé et oiué
d une bacclianale peinte au-dessus des crédences
petites voûtes
A
;
il
v a aussi de
les coins, et vis-à-vis est
un tableau
« L'on
(1) Témoin cet entretien qn'il ent avec l'un des agents de la l'orte
parla des curiosités telles que de fleurs et de fruits... 11 nie témoigna aussi
qu'en visitant mon palais à fera pendant mon absence, il s'y' était tort
;
trouvant très beau, et qu'il v avait été bien régalé, et me faisant
souvenir de certaines jonquilles simples qui lui avaient été promises, je lui
assurai qu'il les aurait. Je le priai de me faire voir une fleur qui représente
fort au naturel des mouches à miel, et il me promit de me l'envoyer avec sa
racine, ce qu'il a depuis exécuté » Archives des affaires étrangères, Consdiverti, le
lantinople.
(2)
t.
XV.
f°
<J(j
Nointcl à Pomponne, (ijuin 1675.
LA
205
I)IS(.1;A(:K
d'une chasse de lions, accompagnée d'ariiioircs garnies de
et
de mousquetons
(1). »
s'y arrête
leflet
pour se
livrer
que produisent
Mais rien n'égale
pu nommer sa
celle ([ue Noinlcl aurait
une
;i
à
la
d"audience,
la salle
galerie des glaces
n'-llexion d'artiste,
lumière de
la
«
fusils
»
:
il
pour signaler
lune, sous la splendide
pâleur des nuits, les miroirs dont la pièce est tapissée; on \oit
en images nacrées,
s'y refléter alors,
environnent
les
merveilleux
sites
(|ui
embellissent ses abords.
le palais et
C'est à présent surtout que Xointcl jouit de ces beauti's naturelles et s'attaclie à les décrire.
cotte époqui'. un dense
.\
de constructions vulgaires n'avait pas encore envahi
les
de Péra. De toutes parts, la nature enlaçait et péiu'trait la
Autour de l'ambassade, ce n'étaiimt que jardins
et
amas
hauteurs
ville.
sérails »,
«
c'est-à-dire palais à la lin(|ue, cy|)rès dressant leurs cônes aigus,
bouquets d'arbres parmi lesquels
tisses dispersées
douce jusqu'à
Puis,
le
mer de
la rive, et la
formait perspective
de la lumière,
«
on décou\
:
.Alai-mara, le
rail
au
loin,
et celle
du port
grand
le
sérail de
:
le
Désormais, Nointel pouvait appeler
«
moyen de
l'attirer,
de
à lui toute la société policée
palais
vraie salle de spectacle, construite et
lieu des
primitifs acteurs, de
la
Nointel
;i
l'oniponnc,
.5
aménagée
tout exprès;
une scène
on
parfaiteles
habits de théâtre
On
«
comédie,
septeinhre I6"()
Mémoire de lionnae. publié par
.M.
(•"])
la tragédie, le ballet;
(2) /6i</.
(•i)
le
de multiplier les
des entrées, des chœurs, des changements à vue.
(Il
parut (|ue
oripeaux dont s'étaient alluhlés
véritables
aborda successivement
lui
Il
renouxelé contenait une
avait maintenant des (h'cors, des coulisses,
ment machinée; au
plus près, le
du Bosphore
(2). «
la retenir, était
Le
;
l'entrée
de Péra, la recevoir et la traiter digtiemcnt.
repré'sentations théâtrales.
»
lac d'a/ur.
]ioudroiement
l'empereur des Ottomans
commencement de Constantinople
meilleur
grand
dans
ses pointes, ses caps et ses iles
tableau enchanteur qui n'a pas changé'
et le
blancheur des bâ-
éclatait la
terrain découvert s'abaissait en [)ente
ScLefer.
p.
-l'.i.
».
on eut
I.KS
20G
Cos
VOYAGES DU MARQUIS DE NOIM'EL
(livertissenients, par leiu'
nouveauté dans
une curiosité universelle;
qu'ils
en étaient sevrés depuis longtemps,
En
avaient jamais joui.
n'en
qu'ils
les
le
pays, exci-
Européens y venaient parce
taient
Orientaux parce
les
on
carnaval,
donnait
des représentations extraordinaires. Nointel multipliait alors les
invitations et constatait chez les personnages qualifiés un
pressement presque général
à
en profiter
ceux-là
:
em-
mêmes
ijui
eussent dû s'abstenir se laissaient ébranler. Parmi les ministres
des puissances en guerre avec
de savoir
si
l'on pouvait
le
Roi, ce fut
décemment venir
all'aire d'I^tat (jue
à la comédie chez
l'ambassadeur de France. Le Hollandais se sentait une furieuse
démangeaison d'y
qu'en
et à la
les
rire
aller
:
son collègue autrichien ne l'en détourna
menaçant de dénoncer son crime aux Etats généraux
le
cour de Vienne
:
on ne put empêcher sa femme, sa famille,
marchands hollandais, de
aux pièces de Molière
neille (1). Il leur faHut
entendre
«
le
juste récit d'une partie des
grandes qualités de Sa Majesté, contenu dans
Fâcheux...
ennemi, pour
se risquer en pays
et s'émouvoir du pathétique de Cor-
Prologue des
le
».
Nointel était satisfait, mais rêvait de faire mieux encore et plus
grand. Ses fêtes ne s'étaient adressées jusqu'alors
restreint, à
une
élite
il
:
présentations en plein
peuple.
Le
air,
le
offertes à tout le
Bosphore, sur
pul)lic
monde, grands
et
La mode
mei% sur Stamboul
la
décor, un décor inconiparal)le et
était alors
aux carrousels, à ces triomphants
spectacles qui tenaient à la fois du tournoi et du ballet.
rousel donné par Louis
Tuileries, avait fait
et
le
mosquées, formeraient
tout posé.
un
soleil d'Orientles illuminerait de sa splendeur, et les
échappées de vue sur
ses
(|u';i
songeait maintenant à d'étonnantes re-
XIV
en
lG(i:2.
devant
événement en Europe
:
le
Le
car-
château des
la j)einture et la
gra-
vure en avaient poj)ularisé les scènes. Nointel jugea (ju'on ne
lui
saurait.pas mauvais gré de donner à l'Orient, toutes proportions
gardé'es,
une idée des divertissements où se
(1) .Noiiilel
à l'omponiie. 20 janvier t(>77.
plaisait
un monarque
DISl.liACK
L.\
-iOI
conquérant, lorsqu'il se dôlassail des combats par leur image.
Justement, l'occasion
s'offrait
de réjouissances
exception-
nelles. Seule contre une coalition d'cimeniis, la France reprenait
l'avantage et ne cessait plus de vaincre
:
y avait une succession
il
de beaux combats à célébrer, llessusciter h ce propos l'Europe
féodale en pleine Turquie, avec sa chevalerie, ses jeux guerriers,
ses passes d'armes, semblait une entreprise singulièrement ha-
sardée; mais Nointel, en
sait
l'ait
de faste et de plaisirs, ne connais-
pas l'impossible et savait réaliser l'invraisemblable.
Dans
le
domaine de France, sur une esplanade située au
devant du palais, une
lice est tracée
:
on l'entoure de balustres
monumentaux, avec arc de triomphe à l'entrée. Une nombreuse
cavalerie est recrutée une armée de figurants se distribue les
;
rôles et se confectionne des costumes. Nointel est
préparatifs, mais
il
s'est
V;\\i\e
de ces
réservé plus particulièrement d'orga-
niser la partie littéraire et artistique de la fête, c'est-à-dire de
composer
les devises et
doivent
riques qui
XIV
Louis
de faire exécuter les peintures allégo-
rappeler,
sous une
forme
se livre ardennnent à cette tâche et
Il
délicate,
que
est le héros de cette solennité et le dieu qu'on honore.
moyens pour réussir;
appel h tous ses
fait
à lui les mille ressources de son ingéniosité,
de son goût audacieux
!
Il
aboutit ainsi aux inventions les plus
extraordinaires, disons les plus bouffonnes. Près de la lice, une
haute pyramide s'élève, peinte sur toutes ses faces, et chacune
fie
ces peintures va contenir une allusion voilée et d'autant plus
piquante aux gloires de
nos hauts
|)ar
faits
la
France. Nointel imagine de mettre
en énigmes, en rébus,
explique ensuite
qu'il
des inscriptions latines ou franraises destinées à tirer d'em-
barras
spectateur et à porter
le
la
dans son esprit
lumière
intrigué.
Ce
qu'il
faut
darmes dont
coimnénmrer d'abord,
rencontrant dans les eaux de
Hollandais etdes Espagnols,
vaincue.
Au
c'est
une série de
l'a
la Sicile
la flotte
combattue
faits
Notre escadre,
loute la .Ah'dilcrranée a retenti.
combinée des
trois fois et trois fois
cours de ces luttes a péri Uuyter,
le
grand Ruyter,
VOVAiiKS
l.KS
20.S
lioniKur
et
force
île
la
MAliul IS
l»l
marine néerlandaise. Pour associer
(T Irépas à celle de notre multiple
(le
elfVontéiiienl
La
les
murs
et le
insuffisante
aient
mots
écrit-il,
canon d'une
paru ne repi'ésenter qu une victoire au
(|ui
latin, (ju'il ajoute
première,
qui mar-
combat naval avec l'embrasement de plusieurs
ou galères, sous
scau.x
«
:
liilée
exploit, Nointel risque
un calembour, un calembour en
à la première des peintures
quait un
NulNTKL
\)K
marquer
;i
ville (1), aurait
de trois et eut été
lieu
d'un des plus grands bonunes
la perte
commamb'' sur mer depuis plusieurs
latins
vais-
n eussent été ses interprètes
deux
siècles, si
:
Riiil ter. »
«
(La puissance ennemie s'écroule trois
Non moins digne
fois
—
et
Ruvter.j
de figurer en symi)ole, un exploit personnel
de Louis XI Y, la prise sous ses yeux de Boucbain, défendu par
l'armée du prince d'Orange.
trion]plianti'
du
soleil
mettre en peinture
et
en vers!
«
La
peinture explique ces pen-
par une place dont les remparts sont pleins d'orangers, et
s(''es
une armt'c qui semble prête
|)ar
mêmes
cher
pu s'en servir
prise de la ville,
la
poui' battre leurs
lui
lignes
prince
par son
en\iroimée de ces
fruils (|ue les soldats
emiemis
rayons du
les
si
cd'urs, ne les eussent amollis.
et à
à la dt'lendrc,
arbi'cs tellement rcuijilis de leurs
auroi(Mit
«
tache était plus facile: l'action
Ici. la
sur l'orange, quelle admirable matière à
Ces allusions au Roi par
nom
Bourhdin à
soleil les a mit
cU" la
pu
se di'fcndn',
atnoUies (2).
pyramide,
»
la victoire se
son attitude ordinaire, assise sur des trophées
lanriei's,
(le\i.scsà
des captifs enchaînés et tournant
ra\enanl: mais cet enscndilc
par une [ihrase rappelani
)
leui's
le soleil
sont contenues dans ces deux
cohjis (forKiiiio aurait
Sur une autre face
(I
empê-
:
Mais l'ardcar dn
{i}
et leur
pénétrant
soleil,
Svnieii.si'
Annexe
il
ou
lit
qu'il
lui
s'agissait
le
peu
du
'.>
près d'elle, des
dos au public, des
lianal
d'une
l'alcriniv
lettre précitéo
:
se|itonilii'c lG7fi.
montrait dans
«''lait
ndcNé'
\ict()ire
sans
LA DISIIUACI':
par cette effroyaljle
égralc et maîtrisaiil toutes les autres,
(lancc
:iO!)
reili)n-
:
Vicloriarum vktoria victrix.
Et un
le tout,
avec
soleil,
surmontant
devise
la
le i^IoIk-
met de la pyramide.
Le jour choisi pour
:
AVr
du monde
impur, doiniiiait
jtinrilins
et
resplendissant au som-
étaler ces merveilles fut la Saint-Louis,
cest-à-dire le 23 août de lan 107(j.
fut sanctifiée d'abord par des
Comme
il
convenait,
la l"(He
cérémonies religieuses. Pour
la
circonstance, l'église servant de chapelle à l'ambassade avait été
tendue do tapisseries et d'étoiles. Une foule de toute race
remplissait. Nointel vint y trôner en lien érninent,
«
comme
la
avant
riioimcur de représenter le plus grand monarque de la terre (1)
»
;
à ses côtés prit place le baile de \'enisc, le seigneur Morosini,
(|ui"\"oulait l)ien
tant
jeunes de langue,
des
la
gentilshommes
les
;
pour toute
journée
d liomieur.
servir de premier assis-
deux Excellences
et
groupèrent autour
formèrent leur cour.
ii
drogmans,
secrétaires,
les colonies eni-opt-emies se
cérémonies conduisait chacun
avaient été
lui
Un
maître des
sa place, et toutes les mesures
bien prises qu'aucun désordre ne résultait de cet
si
entassement de monde.
Le matin, il y eut messe soleimelle, chantée par l'évèque de
Calamine, vicaire patriarcal, assisté du haut clergé latin. Le
début de laprès-dîner fut réservé à l'éloquence sacrée,
honneur à
entendre
cette
un
le
on se retrouva dans
Grand
:
parmi
discernemeid. qui
l'avait
en
pour
Louis
saint
les qualités insignes
mérites du marquis de Nointel et à
fort
l'église
souverain actuel des Français, chez
pareil, figurait le
les
:
Père jésuite associer à l'éloge de
celui de Louis le
clama chez
époque
(|u'il
pro-
le roi
sans
conduit à reconnaître
le
mettre en
si
liant
rang.
Comme
cette péroraison \eiiait de transporter rauditoirc,
un
subit éclat de fanfares retentit, et l'on vit s'avancer dans l'église,
(1)
Nointel k
Pomponne,
jusiiu';! In p. iV-i
.5 septciiiltri' lii"(i. Toutes les citations qui suivent
inclusivement sont tirées Je cette lettre.
U
LES VOYAGES DU MAROUIS DE NOINTEL
210
marchant au pas, deux compajinies (riiommes superbement costumés et armés, destinées à figurer dans le carrousel en manière
de double quadrille. Ces deux cohortes symbolisaient l'Europe
et l'Asie,
chacune avec ses attributs caractéristiques. Deux chefs
ou capitaines
premier
les conduisaient; le
plumes, broderies
et pierreries
»
le
:
second
vêtu en
était
d'opéra, avec casque, cuirasse, cnémitles,
«
Romain
relevé de
le tout
en guer-
était habillé
rier turc: ils avaient l'un et l'autre leurs estafiers. portant leurs
couleurs et tenant des cierges allumés; sur les boucliers de leurs
hommes
se voyaient des peintures
«
représentant pour la plupart
des matières en l'honneur de Sa Majesté, à l'exception de quel-
ques-unes qui concernaient son ambassadeur
expliquaient assez nettement et avec esprit
les devises les
:
».
Arrivés devant la balustrade qui fermait le chœur, les capitaines et leurs suivants plièrent le
la pointe
de leur épée,
genou baissant jusqu'à
;
rendirent
ils
hommage au
après quoi, ayant salué les ambassadeurs,
ils
terre
Très-Haut;
se rangèrent en
bel ordre, et debout, l'é^pée haute, assistèrent au chant du 7V
Deum.
Cette entrée était une façon de préluder au carrousel.
voir,
tre,
on s'en revint au
ne
palais, et Nointel,
manque pas d'abord
à
«
situer
dans son
»
la
récit
scène,
Pour
le
au minis-
comme
l'on
couleur et de
dirait aujourd'hui, à décrire les aspects pleins de
vie qui s'étageaient autour de la lice et devaient servir de cadre
au spectacle
:
«
Le
palais de France, oîi
n'avait point encore paru
si
digne du
nom
nous retournâmes,
qu'il porte
:
ses places,
ses terrasses, ses galeries, ses balcons et ses fenêtres en
nombre
et à différents
tateurs de toute nation
:
si
grand
étages contenaient des milliers de specl'on
en voyait d'autres dans
les jardins
du
voisinage, sur les arbres, sur les montagnes, sur les toits. Plusieurs pavillons régnaient sur des cminences,
où des dames
et
des princes étaient à l'ombre, et un des sérails du Grand Seigneur
ser\ait à cet usage
si
universel
:
c'est la perspective
jouissait de la galerie principale au milieu de laquelle
dont l'on
nous étant
placés sur des chaises de velours et appuyés sur un tapis de
LA
Perse, inonsiour
nous révèque
Calamine,
île
211
moi, el ayant à nos cùlés et derrière
l);ulc el
li'
lil.S(,KA(,E
gardien de Jérusalem,
le
la
no-
blesse, tous les religieux et toutes les nations chrétiennes qui
sont
nous découvrions facilement toute l'étendue de
ici,
place à laquelle ce que je viens de
théàlre.
décrire servait
la
d'ampiii-
»
Les quadrilles entrèrent
au pas
et, faisant
ambassadeurs. L"
alors dans la lice, à cheval cette fois,
tour de l'enceinte, vinrent défder devant les
le
Europe
«
»
chevauchait
tume mi-parti romain, mi-parti
la priMuièrc,
on cos-
féodal, et tous les accessoires
ordinaires d'un carrousel s'avançaient avec
panaches, les aigrettes, les dragons volants,
elle,
«
les
grands
mufles de lion,
les
les têtes d'Hercule, les pierreries, les fleurs de lys, les corselets,
les
lambrequins, les lances et les boucliers ornés de devises
pompe aussi martiale que galante ». L'Asie
champions portant des cottes de mailles traversées
d'écharpes multicolores; ils avaient des armes damasquinées,
contribuant à une
suivait, ses
des aigrettes endiamantées, des turbans
du chef
se rapportant à celle
par avance.
»
européennes
Sauf
«
du
les
«
La couleur de
», tout était oriental
écus usurpés sur
les
modes
chez ces paladins, et rien ne
deux
aj)parcils guerriers,
des profondeurs du ]jassé
et l'autre
celui
laurier semblait le couronner
les lances et les
frappait autant que cette opposition de
évoqués l'un
:
:
il
semblait que
compagnons de Saladin revinssent combattre à armes cour-
toises la chevalerie
européenne, ressuscitéc en ses plus brillants
atours.
Les exercices commencèrent. On
marches,
«
tation; les
des passades, caracoles
deux quadrilles
vit
», et
des marclios el contreautres prouesses d'équi-
se mêlant tour à tour et se séparant;
des figures correctement exécutées, se succédant sans interruption ni saccade
;
une cadence de mouvements
nieux, bien ordonnés
:
triple galop,
Il
d'adresse, course de lances,
course de bagues, course de tètes, où
au
harmo-
un carrousel réglé comme un menuet.
y eut aussi des jeux de force et
lanc(''
justes,
il
s'agissait, sur
un cheval
d'enlever à la pointe de l'épée ou de la
LES VOV A(;RS HT MAROI'IS
212
liK
Nd INTEL
lance une léte de 31écluse, posée près de terre. Et le son des
trompettes, s'élevant
pai' intervalles,
annonçait
le
passage d'un
exercice à l'autre.
A
la fin, le ja^elot à la tiirqne
deux quadrilles
sans
;
il
iljcriil
chef des Asiatiques s'en
fer, le
l'Europe
ou
se mil de la partie.
s'élant rangés face à face,
vint,
Les
armés du long javelot,
reconnaître
et
défier
caracolait autour d'elle, mancBuvrait ('légamment son
cheval, dont
il
faisait valoir l'adresse et la heatité.
Comme
il
s'en
retournait vers les siens, le chef de l'Europe partit au galop à sa
poursuite et
riposta
lança fort dextrement
lui
manqua pas
sa civilité ne
«
;
Européen
deux
», et les
le
dard; un Asiatique
d'être réciproquée par
ce ne fut plus ([iiune confusion ravissante de couleurs et de
vements, des envoli'es d'étoiles soyeuses, un
res,
«
clif|uelis
un tourhillonnement de cirevaux; au-dessus, les
en vert ou en rose chair
d'armu-
traits peints
volaient, et lancés, évités, saisis,
des éclairs colorés.
Quand
honmies
l'ardeur des
prolongea en une
lutte se
et des hétes fut à
folle fantasia,
où
son comble, la
l'on vit d'extraordi-
naires tours d'adresse, où des cavaliers, pour esquiver le
u
mou-
une piesligieuse vitesse, sillonnaient l'espace
renvoyés avec
comme
»
un
peu à peu s'aniiiiant,s'échaulfant,
partis
rcnversoient
le
quitter l'étrier ni la course
».
Et Xointel gravait dans sa mémoire
toutes ces particularilt^s. alin d'en orner son récit;
moindres
:
incidents et
les
dt'tails,
s'égarait parfois
trait,
corps entièrement hors du cheval, mais sans
«
une
feniiiii'
les
accidents.
il
notait les
Le jaxelot
qui regardoit en fut toucliée
si
vivement qu'elle s'en évaiuuiit, quoique attaquée par un endroit
à causer plutôt la vie (jne la mort ou son image. D'autres inter-
mèdes de deux
faisant ses
têtières et turbans par terre, et d'un cheval qui,
ligures
sa
à
mode, vouloit encore franchir une
harrière pour montrer qu'il étoit maître de son
comme
les
ombres à
la
homme,
ont servi
peinture à relever davantage l'adresse
des autres cavaliers, et n'ont pas contrii)ué médiocrement à la
risée
du
jiuldic,
Il
rioil
gues fussent aussi
d'imc
même
iliverses (pic
la
manière, encoreque ses lan(irècc, la TiiiMpiie, la Perse,
LA
rAiiiii'iiie.
rArabie,
la
d'idioincs différents.
l'Ili'hraïsmc produisent
'rurcoiiiaiiif cl
»
Le tournoi dura autant
rassemblée
213
l)IS(.HA(;l':
(|ue le jour.
dans
d'élite (|uisiéi;eait
Quand
tombée,
la nuit fut
la galerie se réjiandil à l'inté-
rieur du jialais, et chacun d'admirer la spiendide
métamorphose
de cette demeure, dont ce jour marquait l'inauguration solennelle.
Un
entre
(|uatre tables
Son Excellence,
régal fut offert aux iin ités de
abondamment
répai'tis
servies et parées de
tubé-
reuses. L'ambassadeur présidait la plus élevée, et s'épanouissant
dans sa gloire, majestueux, olympien,
sous de
lui plus
tance se fut lentement retirée,
plus flatteurs témoignages
pée
«
avec une satisfaction singulière de
une
se sentait encore
l'ain et
s'était oH'ert le
Quand
l'assis-
constatait i[ue la foule s'était dissi-
il
;
réussie de tous points avait obtenu
il
jouissait de \oir an-des-
se décerna dans sa relation les
il
verselle », qu'elle avait produit
et
il
de soixante convives festoyer.
fois
«
une approbation
un
«
heureux
éclat très
:
il
fort
uni-
avantageux
»,
avait joué au souve-
di\ertissement quasi royal:
luxe d'un
pour mieux célébrer son maitre,
curiosité- », ([ue sa fête
il
lavait imité, au ris(|uc de
h'
parodier.
il
I>
H K JI
I
KHs
M
r.
lî
AURAS.
Ce beau jour eut un cruel lendemain. Depuis
six ans, Nointel
dépensait sans compter, voyageant, collectionnant, dormant des
fêtes,
mangeant son fonds
une égale
pour se
facilité;
tirer
qui sont le
il
et dissipant ses
jouissait
d'embarras,
il
du
appointements avec
pi'ésent, sans sorrci de l'averrir
;
comptait sur l'une de ces chances
suprême espoir des prodigues, sur un miracle de
la
munificence royale. Or, ce secours désiré, attendu, provoqui'.
n'arrivait point, et
dans
le terrrps (jrre la \ille s'entretenait
encore
LES VOYAfiES DU MARQUIS DE NOINTEL
214
des merveilles admirées au palais de France,
le
marquis
se
décou-
vrait à bout de ressources, hors d'état de faire face à des obliga-
tions de plus en plus onéreuses et pressantes.
On
demandera peut-être comment
se
avait osé, sans permis-
il
sion du Roi, entrer dans de tels engagements.
Il
faut considérer
qu'à cette époque nos ambassadeurs prenaient en quelque manière leur charge à forfait
octroyé,
:
moyennant
qui leur était
le salaire
devaient subvenir à tous les frais d'une mission diplo-
ils
matique, représentation, déplacements, largesses
officielles et
cadeaux secrets; sui\ant que leur gestion
économe ou
imprévoyante,
la
ils
('tait
en recueillaient les bénéhces ou en portaient
peine, se ruinaient ou faisaient fortune. Assurément, en cas
de nécessités extraordinaires,
il
ne leur
était
pas interdit d'aspirer
à des gratifications supplémentaires, conférées à
mais encore
titre
bénévole;
que leurs dépenses fussent reconnues d'un
fallait-il
avantage évident pour le bien du service; en un mot,
pas à faire autoriser ces dépenses, mais
ils
ils
n'avaient
n'en étaient couverts
qu'à condition de les justifier. Or, pouvait-on attribuer un caractère d'utilité publique
Nointel? Sa visite
pour
la
aux dernières
au.x
Echelles,
et
ruineuses entreprises de
quelque soin
qu'il
eût pris
rendre profitable au commerce, avait toujours été consi-
dérée à la cour
comme voyage
difficilement pron\é
monter un
que
d'agrément. D'autre part,
il
eût
l'un des attributs de sa charge était de
tlicàtre français
à Constantinople, de
donner des
carrousels et de mettre toute la population sur pied pour admirer
ces divertissements équestres.
On ne
Louis XIV, sourd à ses raisons,
demandes de remboursement.
Toutefois,
séquence
et
si
M. de Nointel
de la prodigalité,
ail
s'étonnera donc pas que
laissé sans
réponse ses
avait dépassé les limilcsde l'inconil
faut convenir que certaines de
ses réclamations étaient fondées, et que les habitudes financières
de
la
monarcliif
hii
infligèrenl il'injustes
ses appoiiiteiiients. au
Mais
le
moins
eùt-il
dû
mécomptes. Réduit à
les louclier
exactement.
trésor royal, obligé de pourvoir à des dépenses
chaque
jour croissantes, se montrait débiteur singulièrement inattentif;
LA DISCKACK
SOUS
Mo
plus fastueux des monarques, nos ambassadeurs n'étaient
le
payés qu'à dates fort incertaines.
Faut-il croire qu'à ces causes générales de retard s'ajouta pour
Nointel une cause particulière, qu'il fui
toute-puissante ? Entre Colbert et lui
par une passion
il
\
d'une inimitié
icliine
y aurait eu brouille, causée
commune. Fort avide lui-même
Colbert avait dans
d'objets d'art,
Levant ses agents personnels,
le
qu'il lançait
manuscrits anciens, des médailles, surtout
à la recherche des
des pierres gravées, ce genre de curiosité faisant alors
de tout bon cabinet d'amateur.
l'existence à
envoyé l'empreinte. A
Sur ces
de ces agents
lui aurait
fort précieux et lui
cette vue, le ministre
toute beauté, s'en éprend et
l'achat.
Un
Chypre d'un camée
juge
mande au consul de
entrefaites, Nointel, passant
le
lui
signalé
en aurait
la pii'ce
de
en ménager
lui-même à Chvpre
au cours de son voyage, s'amourache à son tour du délicat
et se le fait
fonds
profil
céder d'autoi-ité pour l'envoyer à M. de Pomponne,
ministre des affaires étrangères, son supérieur direct. Outré de
cette préférence, Colbert aurait
(pii lui
avait subtilisé sajjroie. etconimeles haines de collection-
neurs sont féroces,
fait
\oué un amer ressentiment à
le
vindicatif surintendant des finances eût
en sorte que tout envoi de fonds à l'ambassadeur fût désor-
mais suspendu
(i).
Quoi
qu'il
en soit de cet incident, dont les
correspondances diploiualif|ues
trace,
il
est certain
pension que
lui
et
consulaires n'ont gardé nulle
que Nointel avait alors à se contenter de
servait le
commerce de
moitié de ses appointements, celle dont
Marseille.
le
Pour
la
l'autre
payement incombait
à la cour, l'arriéré demeurait considérable. Cette irrégularité, en
le
privant de
sommes
qui lui revenaient légitimement, avait fort
aggravé sa situation. Ainsi
et par celle de
s'était creus('', à la fois
par sa faute
son gouvernement, l'abîme où menaçaient de
s'engloutir, avec les dernières parcelles de son avoir, sa fortune
pohtique et sa considération.
11
(1)
lutta d'abord, cherchant à
S.^ixt-I'hiest. p. -i'M
:
Iîon.nac. p
gagner du temps, escomptant
29.
LES YOVAI.KS
•2U>
MAl;nl
1)1"
l'avenir. esptTant toujours (jue le
son soulagement
eflicacïe à
gardait bonne contenance;
IS
Roi
«
ferait
». Il s'efforrait
s'il
MUMEL
|)i:
quelque réflexion
encore de paraître
diminué son train
avait
son luxe, son extérieur demeurait décent. Lrillanl
indigence dorée.
Dès
les Juifs
même,
et
son
n'en était pas moins réduit aux expédients.
Il
la fin de l(i76,
et
modéré
et
d'emprunts usuraires,
vivait
il
avec
traitait
de Constantinople, mettait en gage ses fourrures, ses
comme
étolfes précieuses, et
les
subsides auxquels
avait droit
il
ne s'annonçaient nullement, ces misérables compromissions ne
pouvaient relarder longtemps sa déconfiture.
Dans
celte
dangereuse
et
une ressource
douloureuse,
passe
condamnable
;
restait,
lui
d'imposer aux marcbands
c'était
français du Levant des avances obligatoires et de taxer leurs
donné
bénéfices. Certains de ses prédécesseurs lui en a\aient
l'exemple;
on
lui-même,
s'en
souvient,
avait
argent des marchands de Smyrne, vers la
fin
quelque
tiré
de son \ovage.
Mais ce procédé, nuisible en tout temps, ne pouvait trouver
d'excuse
que dans un
inlt'rèt
exceptionnel et public.
D'ail-
leurs, le Roi, par lettre personnelle au marquis, venait d'en
interdire
expressément l'usage, sauf en des formes rigoureu-
sement déterminées
és (Ij.
De
après consultation préalable des intéres-
et
plus en plus. Louis
XIV
\oulait que son and)assa-
jcur, loin de pressurer nos nationaux, leur servît
atlcntif, dili(jent, désintéressé, et
se
fît le
protecteur
di>
premier serviteur du
commerce.
Avant de contrevenir
à lies intenlions aussi formelles,
croire (jue Nointel hésita: cependant, la nécessité
mis
était trop forte,
laissait lui
et le
pas fut franchi
la
pénurie
on
il
|ieul
s'était
oîi
on
le
parut constituer un cas de force majeure, qui l'auto-
risait à se faire
avancer d'autorité par
son traitement. En février KiTT.
il
;
oîi
dix-huit mille piastres et lui assigna
sor royal, dont
il
les
laxa
il
marchands
la «
(H Vojez, notamment,
la lettre publiée
Louis AVI",
t
Smjrne
remboursement sur
demeurait créancier pour une
viljiiinistratire sous le réijne de
l'arriéré de
nation de
somme
»
le tré-
au moins
par G. Depping, Correspondance
lit, p.
533-534.
DISi.l!
I.A
égale. Fait encore plus grave,
pour vaincre
ACK
217
cul rei-ours à l'autorilé turque
il
résistance des Français,
la
ment,
et les contraindre à
payer
les frais de leur
(jui
On
débourser.
se débattirent vive-
alla jusqu'à leur faire
propre exécution,
le
voyage du tchaouch
euvové à Smyrne pour procétler conire eux. Lambassadeur du
Roi s'assimilait ainsi aux paclias qui prélevaient sur
la
dîme de leur a\arice
:
de mettre
ciiargi'-
(in au.v
commerce
le
avanies,
il
en
suscitait une.
Son acte
était
d'autant
s était
\ ('•lii''m('nle
imprudent
plus
déjà formée contre
opposition
(|u"une
parmi
lui
la p()[)ulatioii
fiamaise des Echelles. De]uiis son voyai:e. depuis ce dispendieux parcours dont
marchands
eut été de
lui
ils
nouveau
e(
sentirent menacées,
avec
pi'oleslèrent
a\ aient
en partie supporté les
gardaient rancune. Dès
vioh'mmcnl
et leurs
luitioii
nos
frais,
Smyrne
de
alleinle. toutes les autres se
membres
se levèrent en
tumulte,
grand tapage, en bons
indignation, tirent
Méridionaux. Ces Marseillais avaient
le
(jiie la
la
langue prompte et
affilée,
parler haut, sonore, pressant: leurs claiiauileries pou\aient
aller loin, et .\ointel reconnaîtrait
commise en
se mettant à dos la
l*our détoiM'uer
plaidoyer supj)liant
cour
(1); ce
le ]iéiil (ju
cl
il
ne se
conséquences de sa déterminail
dans
senlail
chargea La (^roix
secnUaire tracerait de
la
il
laii",
de
situation
l'ambassadeur un tableau attentlrissant;
tifier et
lard la faute qu'il avait
Provence. Dès à présent,
sentait nullement rassuré sur les
ti<ni.
un peu
le
où
il
écrivit
porter
s'était
,i
un
la
trouvé
tacherait ainsi de jus-
de faire absoudre son maître.
Par malheur,
les
nouvelles du Levant, quelles qu'elles fussent,
n'étaient pas ]iour impressionner favorablement
gion ne se plaignait pas moins que
le
la
cour.
La
reli-
négoce. Lalfaire des
Lieux Saints, récemment ressuscitée, tournait mal, et
que le splendide et malencontreux \ oyage fut encore à
il
fallait
l'origine
de cette déconvenue.
On
n'a pas oublié (|u"après la bagarre suscitée à
H) Lettre au
lUii, '20
mars 1677
Jérusalem par
la
XOUMEL
LES V0YA(;ES DU MARQUIS DE
218
présence de rambassadeiir, les religieux grecs avaient député
de leurs patriarches auprès de la Porte
l'un
renouvelé devant
:
litige s'était
le
Divan, qui statue en dernier ressort dans
le
ces matières, qui fait le juge entre les parties, juge vénal et
facile à prévenir.
droit
rité
ils
:
Les Latins,
est vrai, étaient forts de leur
il
pouvaient invo(|uer des
litres
vénérables et lantério-
de leur possession, les enipiélements de leurs
aux n"ayant
ri\
guère commencé que depuis un demi-siècle. Par contre, les Grecs
trouvèrent à la cour ottomane de puissants appuis
de
la
:
drogman
le
Porte, ce premier de leurs coreligionnaires, se considérait
comme
leur protecteur naturel. Panaiotti les avait assistés tant
qu'il avait
vécu; on assurait
même
qu'avant de mourir
ohlenu en leur faveur des promesses
il
avait
et des garanties secrètes.
Son successeur Mavrocordato ne montra pas moins de
zèle.
Ainsi encovu'agés, soutenus, les Grecs manceuxrèrent audacieu-
sement tous
rompirent,
les ressorts
dont
disposaient, intriguèrent, cor-
ils
marchèrent avec plus d'insolence à l'assaut du
Saint-Sépulcre.
Finalement,
position fut emportée. Par sentence souve-
la
Kupiuly remit exclusivement aux Grecs, sans
raine, le vizir
égard au droit des Latins,
les privilèges
douleur pour
sants offices;
"estitution
du Roi s'en
tement
^ ait
honorifiques
il
écrivit
comportait
un
affligea,
alIVoiil
(1).
Ce
pour
une
fut
la
France.
en personne au sultan pour demander la
du sanctuaire; aucune
dcMiiarciie
son orgueil s'en
ressentii' (|uelque
tout, d'ailleurs,
il
t'inut.
ne réussit.
humeur
lui
semltlait
La
picHé
Sans connaître exac-
causes premières du conflit,
valu ou du moins n'avait su
En
(ju'elle
aussitôt à son représentant les plus pres-
les (h'tails et les
que
garde du Saint-Sépulcre, avec tous
la catholicité entière et
XIV ordonna
Louis
la
il
contre l'euNoyé qui
ne poului
avait
épargner cette mortihcation.
que Nointel eut lassé
la
fortune
:
les circonstances les plus diverses conspiraient |ioui- le jjcrdre.
Le Grand Seigneur
(t) .Nuinlt'l
annoni;ail rintention de rétablir le siège
à l'omponiic, G noveiiiljre
t(i75.
du
I.
liISCRACE
\
219
gouvernement à Constantinople, cédant aux instances menaçantes du peuple et des janissaires, qui redemandaient pour leur
ville le
rang de capitale, avec
avantages en résultant. Cette
les
rentrée allait remettre Nointel en contact avec des ministres
pleins de superbe; à propos de
leurs
renaître ces querelles d'étiquette
si
Eu
entre la France et la Porte.
audiences, on verrait
fatales
aux bons rapports
face d'accidents
non prévus
et
de brusques exigences, lambassadenr aurait à se faire, en
matière infiniment délicate,
de son maître. Obligé de
cessions,
du Roi ou
il
dans
se trouverait
l'intérêt
juge de
le
la dignité et
clioisir entre
de llioinieur
une rupture
et des
con-
cas de sacrifier lamour-propre
le
de la France; quelque parti cpiil adoptât,
risquerait de déplaire et s'exposerait à
un
il
lunniliant désaveu,
prélude (l'une disgrâce.
IV
.\FFAIHE
I.
lir
SOF.\.
Le 20 avril KiTG, .Aloiiammed IV arriva
Daoud pacba, qui s'élèvent à l'extrémité de
rière Constantinople, et
où
sui- les
bauteurs de
Corne d'Or, der-
la
ses tentes furent posées.
L'armée de
ses gardes et de ses suivants se déployait autour de lui;
à sa suite
la
sultane favorite dans
il
tenait
un cbar couvert de drap
rouge, fermé de jalousies et accompagné de cinquante carrosses.
Il vil
alors à ses pieds
un entassement de
villes
boul épandu sur tout l'espace compris entre
lide; à
gaucbe, Galata, Péra, San Dmilri,
le
:
à droite,
Stam-
port et la Propon-
les quartiers ciu-étiens,
bauteurs ou épars sur les pentes.
les
faubourgs couronnant
les
De
toutes ces villes, un
peuple immense sortait, pour voir et
saluer le maître, et ce
Cependant
flot
Mohammed
et défait tant
de multitude montait
comme une mer.
eut peur de la grande cité qui avait fait
d'empereurs
;
il
n'osa y entrer
et se
mit à errer
LES VOVACKS
220
autour d'elle, parcouraut
semées dans
retraite
MA
IH
li
OT S
I
voisinage, allant de lune à l'autre sans
le
coucher deux nuits de suite sous
le
même
toujours dressé, conmie lieu de sûreté
«
de plaisance ou de
Irihitalions
les
.NnLNTEL
l)i:
Ce séjour ambulant
toit,
camp
tenant son
de refuge.
Xointel mille facilités
olïrait à
»
(1)
et
d'observation. Jusque-là, la cour ne s'était montrée à lui qu'en
de rares apparitions, à l'instant des audiences solennelles ou
tles
sorties publiques. Maintenant, en ses continuels déplacements,
elle se laissait voir et
contempler à
loisir.
Comme
Molianuned
craignait surtout Stamboul, la turbulence de sa plèbe et l'humeur
mobile de ses milices,
cbi-éliens, rôdait
jour devant
se rajiprorliait \olonticrs des quartiers
il
autour d'eux par terre ou par eau;
le palais
De
de France.
cette
il
passa un
comme
demeure,
d'un
observatoire, Noinlel peut suivre ses mouvements, ses occupations;
met
se
il
à les noter jour par juin-,
presque lieure par
heure, et les descriptions qu'il en trace, vé-ritables tableaux de
genre, pomraient s'intituler
Le
lendriiiain de rarri\ée,
La semaine
:
il
a \\i le
d'un sultan.
monar(|ue voguer
sui- le
port, en galiote. et aussitôt, grâce à la inimitié tlu récit, la sci'ne
s'évoque à nos yeux avec une netteté singulière, dans
sion de ses couleurs et de ses détails
en gouvernant elle-même
:
«
Sa Hautesse conduisoit
timon; son habit
le
la préci-
éloil
couleur de
cendre^ celui de son gendre le favori, assis un peu au-dessous
d elle, étoit l'ouleur de \in, et son autre gendre, étant
même
bleue
jeune
dans
la
posture et vis-à-vis de son beau-frère, avoil une veste
l'on
:
\
oyoit dans le plus bas et au-dessus des
homme
bien
qui
fait,
('-toit
rameurs un
encore assis, que l'on estime
être le si'lirtar (porte-épée); à son opposite, paraissoitleios^a^t/y'îhaclii.
(|ui
tenant une main
siu' le
lionl
dr
la gaiiote.
voguoient étoienl en chemise Idanche
et
Les
caleçon
hoslmuljis
rouge
iiuatorze caïques, portant le reste de la cour, les suivoient [2).
Les jours d'après se passent en excursions
Le matin, Mohammed descend à la mos(|ur'e
(1)
Noinlel h l'oinpomic.
3 mai 1G7G
(2) Ibid
,
(i
iii.ii
lOTG
et
d
et
»
en pèlerinages.
Evoub. hors des
LA
murs: s'enfoitcanl sous
ce lieu (roinlire
et
un
et reçu
•2->[
udirc rainure des cèdres,
de inysière, en ce
ceiiiuant le sahre d'Ollinian
mon
Ai.K
Le
placet.
on apprend
:
soir,
(ju'i!
leur pouvoir en
a onleudu un ser-
la
du vendredi,
prière
l'usage l'oblige h se rendre à l'une des grandes mosqut'cs
de la capitale,
port
vient en
va admirer des fleurs rares
il
chez un Turc amateur de jardins. Pcuu'
comme
il
sacro-saint, où les
lieu
leur avènerneul, légitiiucnl
lors de
sultans,
la
l)|S(,l!
« et la
il
choisit celle de la Validé, la plus rapprn liée
moins engagée dans
la ville (1) », et
jus(|u'à Sainte-Sophie, c'est avec
cachette. Ses devoirs de calife aeconijilis.
divertissements vagahonds. loui;e
d'Europe, regarde son
en
fait servir
de cent
tils
prendre
(|uel(|ue erulroil
il
et
du
ris(jue
connue en
retourne \ite à ses
des l^aux douces
la
i-ivière
le
plaisir de la
pèche ou se
des repas de (|uatre-viugts plats,
mange goulûment,
plats,
s'il
peu d'apparat
.'
s'attarde
des pa\ liions au hord de l'eau, eonune
s'il
pour
la sieste
dans
voulait se reposer par
cette mollesse de la violence ordinaire de ses occupations.
Pendant ce temps,
mal grave,
il
le vizir
tient le conseil,
traste entre ses travaux et
lement
:
Le
«
30,
sérail des Miroirs
la
:
habile
exerce
la ville:
le
les
t'av(U'ite
a pris son logement au
charges du pouvoir.
et la
Mohammed
jiompe, pourvu
avec sa sécurité. Lu jour
»
(|n'il lui
n'en dédaignait
(|u'ils
il
met eu mouvement
la
Hotte
pussent se con-
prend fantaisie de par-
courir le port dans toute sa longueur, de pousser
Asie,
con-
Sa Ifautesse a passe (pielqnes heures avec
point l'éclat extérieur
cilier
et le
ceux de son maître s'accuse jourmd-
sultane
elle, et le gi'auil \izir a visité l'arsenal i2).
Fuyant
(pioique atteint d'un
gouxcrnenient.
mémo jusqu'en
du capilan-jiacba
et
monte
sur l'une de ces galères monumentales que les sultans appelaient
leur
«
teau de poupe
la
mer
trône de
poupe
:
«
». Il
Nointel à Pom|ionne.
(2)/6i</..
:j
mai
le
châ-
L'on vovoit en bas, dans l'espace qui est entre
et la chiournie. le
des côtés de la galère,
(1)
occupait une estrade élevée sur
Ki'tl
le
capitan-pacha debout, adossé à
grand turban en
juin i(j"0
tète et la
1
baguette à
ini
la
LES VOYACES DU MARQUIS DE .NOIXTEL
22-2
main, faisant figure d'amiral, car étant tout à
fonction de sa charge, dont
payoit que
il
d'apparence. Et
d'ext(''rieur et
en répétant ce qui
noit, c'étoit
fait
inhabile à la
aucune connaissance,
n'a
lui étoit
quelquefois
si
lui.
l'artillerie jaillissaient et la
nuages lents
:
autour
la flotte avançait,
»
d'elle, les éclairs
de
fumée des salves s'arrondissait en
les navires mouillés
toutes leurs pièces.
ordon-
lesquels fai-
soient effectivement la charge de capilan-pacha (t).
que
ne
suggéré par quelqu'un
des dix capitaines qui se trouvoient auprès de
A mesure
il
il
dans
le
port faisaient feu de
y en avoit d'Angleterre, de Venise et de
« Il
Barbarie, et lorsque Sa Hautesse s'aperçut que les Anglais lui
un salut
faisoient
demanda
elle
en se découvrant
signifier
trompettes;
à
chapeau à la main, au bruit des trompettes,
ingénument au timonier ce qu'ils vouloient
le
fort
il
Sa Majesté,
lui
répondit qu'ils vouloient marquer leur respect
et
qu'avec ces instruments les bâtiments s'appe-
loient réciproquement en
«
et se baissant, et à quoi servoient ces
mer.
Cet empereur étant descendu à son kiosque qui est sur
bord de
la
marine dehors
attendu par
pas
Les
mangé
sit()t
palais,
et
éclaté
feu
ils
le
grand
Sérail,
où
quantité de jardiniers,
l'artillerie
il
y avoit eu de bons canonniers; mais des jardi-
avoient arrosé
la
il
y a apparence qu'avant de mettre
poudre, s'imaginant que c'étoit la terre
d'autres manquoient d'amorce, que l'on
semer comme
salut plus
La
dans
si
mal exécuté
c'eût été de la graine;
et qui mérite
NointuI à
(2) Ibid.
il
;i
3
mai
KiTO.
raillé (2). »
Scutari, une halle
promenade.
s'en retournait vers le fond du porl.
l'uni|)Oiiiie.
et
n'y eut jamais
davantage d'être
les jardins d'alentour terminèi'ent la
tirer,
avoit peut-être prise
traversée du canal, un débarcpiement
Grand Seigneur
(1)
étoit
continuoit ses décliarges
de leur jardin, car plusieurs canons prirent feu sans
])our
il
n'v eut
du Sérail qui défendent l'entrée du port auroient
s'il
niers faisant cette fonction,
le
proche
en sortit pour rentrer dans son grand
qu'il
cependant
batteries
mieux
et
le boxldiidji hachi et
le
Comme
il
le
disiribua
1»1S(.U.\(;E
I.A
pour
22:^
rameurs quelques poignées de sequins. qui naturelle-
les
ment n'arrivèrent pas
à ces misérablt>s et s'égarèrent
aux mains
des officiers.
D'autres
fois,
montre. Sur
à
il
s'aventure sur
Rosphore, et Xoiutol
le
l'v
double rive qui ondule avec tant de grâce, variant
la
chaque instant
les aspects et
découvrant des replis inattendus,
des empereurs et des grands avait déjà égrené les
la fantaisie
résidences d'été. Entre les villages turcs, arnautes, arméniens ou
grecs, elles apparaissaient de toutes parts, au seuil des vallons,
au fond des baies charmantes, sur
ronnent les grands pins parasols
les
promontoires
que
et
(|ue
cou-
les lauriers-roses
em-
pourprent d'un coloris ardent.
A l'exception
de quelques kiosques
impériaux, contruits en pierre
et incrustés
de faïence, c'étaient
de grises bâtisses de bois à galeries saillantes, sans apparence,
sans architecture, fragiles et éphémères demeures, posées aux
endroits
oii la
nomades,
\
semblait que
ue était étendue et
verdure abondante. Fils de
la
Turcs n'édifiaient guère de palais
les
le logis
:
pour eux,
il
préféré fût un pavillon largement aéré dans
de frais jardins, parmi beaucoup de fleurs, près d'ombrages
égayés parle bruissement des eaux
— un
lien de halte
dans une
oasis.
Sur
le
détroit ainsi pan'',
sur ses bords riants, animés, où
accostaient sans cesse des caïques dorés, l'arrivée du maître sus-
pendait brusquement la vie.
A
l'annonce de sa venue, loin de
s'embellir et de s'orner, les maisons se fermaient, s'obscurcissaient, se renfrognaient, se faisaient tristes, alfectaient
d'abandon
et
les regards
de délabrement;
du maître
et
ils
s'agissait
d'échapper à sa
Tur(|uie ne possédait que par grâce
sultan, qui en abandonnait
sance.
dont
Dans
le
dabord
de linge
site
SCS
fin,
\isite.
En
un
air
elles d'éviter
clïet,
nul en
toute terre appartenait au
ou en reprenait à son gré
la jouis-
promenades, remarquait-il quelque domaine
ou l'aspect
traiter
;
pour
lui
plaisaient,
il
y entrait, s'y faisait
royalement, servir à manger, présenter un cadeau
de fourrures ou d'argent; puis,
impression persistait,
il
récomj)ensait cette
si
son heureuse
iiospitalilé'
en s'em-
m
I.F.S
VOVACES
M AKijriS
1)1
nombre
parant de la maison et en la mettant au
impériales
eommandant en
entra de la sorte chez Yikjh ou
des janissaires. Cet honneur coûta au propriétaire un fes-
elief
de quinze mille écus
;
mais
le
prince se montra
magnanime
domaine^ sous condition d'un nouveau régal
Il
laissa à Yaga son
«
Je ne prends pas ton jardin,
cerises tout seul (2).
«
ri'sidences
îles
(1).
Mohammed
tin
VdlNTKL
Di:
mais ne mange pas
lui dit-il,
Sa Ilautesse adorait ce
»
un empressement enfantin
à s'en soûler
les
montrait
fruit et
Apprenant que
».
:
les
meilleures cerises du Bosphore se cueillaient à Bou\ ouk-Dére,
près de la
mer
Noire,
ri'colte entière
avait
il
poussa jusque-là ses pérégrinations.
étc'
retenue à son usage
«
:
porté à mi-ciHe. dans un cabinet ou échauguctte
demi-douzaine de planciies
{[ue
par un trou à chats,
ger de ce
et
couvert de
\
demeura
il
fruit, et l'arbre (|u"il
apparemment de même de
qu'il tiroit
Dans une autre
Constantinople,
il
ses
voulait
ravant,
comme
prié:
il
vit
un cortège approciier du sien
quaml
il
et
de
en sera
(3). »
le
:
grand
se traînant à peine, soutenu par deu.x
La guerre,
les excès l'achevaient.
('tait allé
Il
mangeoit encore des
loiu'd, boufli, hiileux d'enflure, le
;
sacré.
des paniers qu'on avoit mis à ses côtés
une dernière
il
ou sept heures à man-
si.\
ce beau lieu de sa retraite que je viens
paupières loinbaiiles.
l'avaient épuisé
jour n'entre
e.xcursion, se trouvant à (|uel(|uc distance de
vizir s'avança vers lui,
hommes,
le
honora de son attouchement
d'expliquer. S'en retournant par mer,
guignes
composé d'une
même, où
ses peines a été enfermé dais et réputé
La
sétant trans-
fois saluer
le
Il
\il
le
se sentait
poux oir
mourir
et
son maître. Peu de jours aupa-
au tond)eau de son père
se releva, on
regard éteint sous
tra>ail.
i|uc
et
avait
longuement
des larmes ruisselaient sur
sa face de cadavre tnmélié.
Nointel jouissait de voir
vait
avec impatience
les
II) Niiiiilei à l'ompdiiiic.
<1
le
lier vizir
juillet KiTi,
ii) Ihid.
(3)
Noinicl
i\
l'(jm]>onnc.
(1
en cet abattement et sui-
progrès de sa maladie; quand
juillel KiTll.
serait-il
LA
225
DISliliACl':
du ministre qui ra\ ail plusieurs fois lierné et dupé,
tenu longtemps sa diplomatie en échec et rompu son
(lébarrassé
qui avait
J'appréhende,
voyage d'Égvptc?
«
sa faveur, mais je
me
mal
(I). »
écrivait-il,
L'espoir de l'ambassadeur ne fut pas déçu
vembre 1676, Kupruly mourait. On
délaissa son cercueil
si
quelque miracle en
songeant à l'extrémité de son
rall'ermis en
:
«
l'avait
La pompe funèbre de
le 3
:
no-
adulé vivant, on
ce ministre d'un
haut éclat a été réduite à un coche couvert de drap rouge,
tiré
par {juatre haridelles, et accompagné de ([uatre eunuques... et
la prière
par laquelle, en levant les mains au
paix à l'àme du défunt fut imû\ erselle (2).
Nointel s'était
Une
son erreur.
félicité trop tôt
il
:
interruption se
fit
ciel,
on souiiaita
la
»
ne tarderait pas à connaître,
alors dans le règne des
Ku-
pruly; on ne reviendrait aux descendants de cette famille qu'a-
près des épreuves et des désastres sans nombre. Pour succéder
au
nomma
vizir défunt, le sultan
Constantinople, auquel
il
présentement
le
gouverneur de
remit le sceau de l'Etat
c'était ce
:
Kara-Mustapha, despote de basse espèce, barbare corrompu, qui
devait finir supplicié à lielgrade, après avoir essuyé en 1683
sous Vienne une défaite retentissante,
et
et précipité
par son
inei)tie
ses égarements le déclin de l'empire.
Tombé
de Kupruly en Kara-Musta[)ha, l'ambassadeur eut à
regretter le premier. D'aboid, connaissant mal le second,
borne à envoyer des détails
maisoji; bientôt,
il
le jug(î
siu<c
il
se
son extérieur, sur son train de
un diable incarné
».
C'était plulé)t
un alcoolique omnipotent. De tout temps, orgueilleux et rapace
Kara-Mustapha avait mêlé à l'étalage d'un luxe insensé
de basses mesquineries et des goûts crapuleux. Lorsque le
à l'excès,
caprice du maître l'eut élevé au ministère suprême,
il
ne garda
de ses vices et de ses haines.
plus de mesure dans
la satisfaction
Sa violence
pas raisonnée conmie celle de Kupruly;
n'était
surexcitée par l'abus continuel des boissons fortes,
incohérente et déréglée.
(1) -Nointet
i'2)
Ibid., G
Il
passait
elle était
une partie de son temps
à l'ompoimo, 21 octobre liiTG
novembre 1070.
15
à cu-
LES VOYAGES DU MAUUUIS DE NOINTEL
226
ver son vin, à dormir au pouvoir; mais ses réveils étaient mauvais, terriiiles, délirants
:
il
y avait chez lui des alternatives de
torpeur et de frénésie.
Alors
commençale
Pour conserver
avantages du commerce^
supplice des ambassadeurs.
à leur nation le bienfait de la paix ou les
durent se résigner à une existence tissue de tribulations.
ils
Aucune
ne se terminant que par ordre direct de
affaire
par lirman ou commandement,
ils
quemment au
voir,
Pour
vizir.
le
la Porte,
étaient obligés de recourir fréil
leur fallait s'astreindre à
des démarches réitérées et humiliantes, parler aux subalternes,
payer leur appui; une audience
les flatter,
était
une
affaire qui
se négociait et se marchandait longuement. Après avoir essuyé
dégoûts, l'étranger obtenait la promesse d'être reçu;
mille
on
la tradition.
la
Au
barquait dans
il
une
lui assignait
cessives dont
date. Alors
conmiençaient ces remises suc-
diplomatie ottomane n"a pas entièrement perdu
jour
le
dit,
l'ambassadeur se mettait en route, s'em-
caïque qui devait
le
conduire à Stamboul, où
monterait à cheval pour se i-endre chez
près de la
le \izir,
Suleimanié; soudain, un contre-onlre arrivait. Force
était
au visi-
teur éconduit de rebrousser chemin, de ramener tristement son
cortège, de rentrer tout confus au logis, de faire revenir son
cheval
déj.à
passé à Stamboul et
l'audience, s'écrie Nointel dans
ministre qui traite
si
«
qu'il aurait fallu
bestialement les personnes qualifiées ne
mérite point d'autre conversation que celle des bêtes
Après une série d'ajournements,
laisser approcher,
vides
:
il
fallait,
envoyer à
un élan d'indignation, puisqu'un
le vizir
(1) ».
consentait enfin à se
mais on ne pouvait guère l'aborder
les
mains
à cha(|ue audience, présenter des curiosités d'Eu-
rope, des choses précieuses ou rares, que les Turcs acceptaient
comme un
tribut et
une marque d'hommage. Le
vizir daignait à
peine y jeter les yeux et s'empressait de les convertir en argent.
cet elfet, il avait passé contrat avec le chef des marchands, qui
A
s'engageait à reprendre les objets donnés, et l'ambassadeur
(1)
ris-
Noinlol à l'ompoiiue, rai)ports annexés ;i la lettre; au lloi ilu i" mai
et extraits ijui suivent sont tirés des mêmes rapports.
1679. Les détails
LA liISCiRACE
-2-n
quait de retrouver ses cadeaux au bazar, exposés parmi
le bric-
à-brac oriental.
Pendant l'audience,
la
conversation était des plus pénibles,
car on trouvait gi-néralement
lait
le vizir
entre deux iAresses.
Il
par-
par monosyllabes, répétait les derniers mots de son interlo-
cuteur
comme un
«
écho ou un enfant
»,
ou bien
lui
adressait à
brûle-pourpoint des questions baroques, dénotant une ignorance
à toute t'preuve. Par exemple,
généraux
si
demandait à l'agent des États
il
ses maîtres possédaient toujours Naples et la Sicile.
L'entretien se terminait rarement sans qu'il s'emportât en apos-
trophes violentes ou en sorties furibondes.
Selon
le
rang
vais traitements
particulières.
:
à chacun d'eux étaient réservées des injures
Lorsque
arrivait
un ambassadeur de
Bretagne, par mer, on obligemt
exécuter des
Seigneur:
envoyés, on variait les mau-
et la nationalité des
manœuvres
le
la
Grande-
vaisseau qui l'avait
amené à
et à courir
c'était le plaisir
lutter contre les courants
des bordées devant le Grand
de Sa Hautesse que de voirie hdlimcnt
du Bosphore. L'Anglais s'étant
conduire en chaise à porteurs chez
le
grand
vizir, ce
trouva son procédé trop libre, son véhicule
honmie
», et
parla de, lui faire
«
rompre
«
ministre
indigne d'un
cette cage sur la tète ».
L'insolence du maître se comnmni(iuait aux valets
audience donnée au baile de Venise,
le fciaya lui
:
pendant une
demandait bru
talement, en le voyant perclus de goutte et marchant avec
culié
:
«
D'oîi vient
des gens estropiés?
donc que votre république n'envoie
»
Le
fait
diffi
ici
que
résident de Hollande n'éprouvait que
mortifications. Introduit devant le vizir,
il
devait se courber pro-
fondément, jusqu'à ce que son ample perruque se renversât pardessus sa tète et touchât presque la terre, débiter dans cette
postare d'humbles discours et attendre patiemment que l'Altesse
mahomélane
lui
eût
fait
approcher un siège. Quant aux envoyés
des États inférieurs ou vassaux,
tyrannie.
ils
étaient soumis à
une véritable
Deu.x députés de Raguse furent emprisonnés, sous
prétexte que leur république n'aurait pas acquitté intégralement
le tribut qu'elle devait
au Grand Seigneur: un troisième étant
LES VOYAGES D
228
L'
MAKULIS DE NÛIMEL
venu réclamer ses collègues, on l'envoya les rejoindre au château
des Sept tours; peu s'en fallut que tous trois ne fussent mis à
la torture.
Vis-à-vis
même
des puissances avec lesquelles
compter, les Turcs violaient outrageusement
et les
immunités partout reconnues
ils
:
avaient à
ils
le droit
des gens
ne se privaient point
d'attenter à la liberté des représentants. Ils tenaient alors entre
leurs mains
le tsar
un Russe, porteur d'une
lettre écrite
au sultan par
de Aloscovie, avec qui on négociait la paix.
eussent pressenti
mal que leur
le
en suspect
traitaient son émissaire
Comme
s'ils
ferait plus tard la Russie, ils
en prisonnier; ce coreli-
et
gionnaire de leurs sujets grecs leur semblait à surveiller rigou-
reusement. Vingt janissaires
le
gardaient à
observant
vue,
tous ses mou\ ements et rempèchant de sortir. C'était au reste
un demi-barbare, vêtu à l'orientale plut(">t qu'à l'européeime,
fruste d'aspect et de manières, effroyable buveur. Deux Fran-
dont l'un disait quelques mots de russe, étant par\enus à
çais,
le trouvèrent en compagnie d'un muid de vin qu'il
demeure dans sa chambre et auquel il les invita à puiser
largement. Il témoigna d'ailleurs d'une particulière sympathie
pour la France et exprima le désir de voir son ambassadeur, mais
l'approcher,
tenait à
revenait toujours
versation
».
On
«
à la lioisson
arriva
même
comme
à griser
ses côtés en sentinelles; néanmoins,
intermédiaire de la con-
deux janissaires placés à
il
n'osa en profiter pour
accentuer ses déclarations et se contenta de boire encore, avec
intrépidité, à la santé
du Roi, de
la famille royale et
de
l'illustre
marquis.
Il
est à
remarquer que
les
Turcs, au plus fort de leurs excès,
n'inlervertissaient jamais les rangs attribués
gers;
ils
aux ministres étran-
avaient le respect de la tradition, et pour eux les pré-
cédents faisaient
loi.
En
vertu de notre anticpe prést'ance, l'am-
bassadeur français restait à leurs yeux
le
premier.
Il
obtenait
audience avant tous autres, mais n'en devait pas moins éprouver
l'arrogance du vizir. Ayant témoigné
le
désir de présenter son
complimenl au ministre nouvelleineiit entré en charge, Nointel
I.A
fut averti i[ue le
voir.
2 mai 1(177
au
se rendit
Il
lllSdUACH
229
date désignée pour le rece-
l'Iait la
manière dont
lieu indiqué, et la
il
eut à se
frayer passage jusqu'à la salle d'audience donne une idée singulière de l'aménité et des égards réciproques qui marquaient
ces cérémonies.
Je suis monté, écrivait-il, dans l'appartement du vizir, et
«
pour
v
sai des
aniver passant dans des galeries assez
me
Turcs qui sendiloient ne pas
dempressement
à entrer dans la
retenus,
ce
reçurent,
qu'ils
comme
repous-
j(!
chambre d'audience,
tomber
écartai d'une façon à les faire
étroites,
connaître ou a\oirlrop
si la
ils
le
et je les
muraille ne les eût
dévoient, a\ec une
grande patience. Et parce que Mavrocordato vouloit en (|U(dquc
façon modérer
pour
tiné
mon
juste ressentiment, je l'arrêtai par îe bras et
aussi reculer, et j'entrai de cette manière dans
le lis
Le
me
recevoir
ne se trouvait pas encore dans
vizir
le lieu
des-
(I). »
la salle':
attendait
il
l'ambassadeur eût été introduit, pour paraître lui-même
(pie
dans toute sa majesté
et venir siéger sur le sofa.
(jue cette estrade recouverte d'un tapis, dressée
cement de
la muraille, jouait
ottoman.
Il
un graml
d'usage que
était
prissent place l'un et l'autre, le
rr)lc
On
se souvient
dans un enfon-
dans
le
cérémonial
ministre et rand)assadeur y
premier au fond ou dans l"im des
le
angles, le second assez près de lui, tous deux sur dos taboirrels
de
même
hauteur. Les drogmans chargés d'inliTpnlcr leurs
paroles se tenaient debout contre
le
bord du sofa,
autres
les
assistants derrière eux.
.Nointel connaissait tous les détails
de cette ordonnance et
s'attendait à la voir observer. Quelles ne furent pas sa surprise,
sa colère, ipiand
préparé pour
le
il
reiiiar(]ua (|ue.
par extraordinaire,
le
siège
recevoir se trouvait en bas et en deiiors de
l'es-
trade! L'innovation était injurieuse, contraire à la tradition, cal
culée pour établir entre les deux interlocuteurs
quante inégalité
(I)
Nointel
i'i
:
Nointel se refusa à
t*om[ioiin(\
.j
tii.ii
IU77
la
la
tolérer.
plus
Il
cho-
saisit le
LES VOYAGES DU MAROIHS DE NOINTEL
230
tabouret et
éclats
lie
posa d'autorité sur
le
le sofa;
en
même temp^
les
sa voix courroucée retentissaient jusque dans la pièce
moment
voisine, où se tenait le vizir, attendant le
de faire son
entrée.
Cependant
de la Porte et surtout le drogman
officiers
les
Mavrocordato s'étaient entremis: avec des paroles amollissantes,
par toute sorte de raisonnements captieux,
ils
tâchaient de fléchir
l'ambassadeur: rien ne put vaincre son obstination
reux
fière.
A
la
Grec, voyant sa rhétorique inutile, quitta son ton douce-
fin, le
et signifia la volonté
de son maître
:
«
Le suprême
vizir,
—
commande de mettre la chaise en bas.
Ce
seigneur peut commander à la chaise, reprit Nointel, je la laisse
libre d'obéir; il n'a point d'ordres à me donner (I). »
dit-il
en italien,
A la
suite de cette réponse,
certains bruits qui coururent,
tel,
l'auraient précipité
avec son siège.
dans son palais,
deux
du sofa
et
passa-t-il'? S'il faut
qu'il quitta
la position
dont
en croire
sur Noin-
tchaottchs, se jetant
envoyé rouler jusqu'à terre
contraire, le marquis affirme
croyable —
est plus
il
Au
que se
—
et
son récit
de plein gré, pour se retirer
il
s'était si
vivement emparé;
aurait déclaré son intention de renoncer à l'audience, plutôt
que de
la
recevoir dans des conditions indignes, et serait sorti
la tête haute,
emmenant
de son attitude
çais (2)
Quoi
«
l'élonnement des Turcs et
la joie
des Fran-
»
(ju'il
en fût des incidents qui avaient marqué
cette scène, la situation
vizir et
tout son cortège, excitant par la fermeté
la fin
de
demeurait grave. Les prétentions du
de l'ambassadeur, tant que l'un ou l'autre n'y aurait pas
renoncé, s'opposaient désormais à toute entrevue; une querelle
d'étiquette entraînait la rupture totale de leurs relations.
doute,
(1)
il
était loisible à Nointel de
Sans
s'enfermer dans son palais,
Nointel à Pomponne, 5 mai 1677.
Sur l'affaire du sofa, qui fit grand bruit en Europe, voyez aussi
Abraham Du Qnesne, t. II, p, 20, .37. Cet auteur se trompe toutefois en
(2) Ibid.
Jal,
croyant que Nointel n'avait point obtenu les honneurs du sofa lors de ses
Toyages à Andrinople et do ses audiences dans celle ville. Cf. le Mémoire de
Bonnac, p :^()-3:2.
i.A iiis(;ka(.i;
â3i
d'y braver la colÎTC du vizir, de sisoicr de tout contact officiel
patiemment que
et d'attendre
commandé
eut
lui
Porte;
il
Roi
de céder ou de se retirer. Mais ce parti privait
au ressentiinenl d'un
les livrait
aux mauvais traitements qui
risquait de
que
le
envoyé des ordres,
lui eût
du Levant de leur défenseur naturel auprès de
les Frani^ais
et
le
compromettre ces
se déchaîneraient sur eux:
la
dont
et
il
commerciaux
intérêts religieux et
Roi entendait préserver à tout prix
sément commis
la
aux avanies
furieu.x,
il
avait expres-
garde à son ambassadeur. Lorsque
la réflexion
mouvement de la colère,
De plus, par ses
eut succédé chez Nointel au premier
ces considérations le frappèrent fortement.
embarras d'argent, dont
mis en fausse
et
le bruit
commençait
désagréable posture
:
à percer,
il'
s'était
son autorité, sa force de
résistance s'en trouvaient diminuées: déjà, sans oser encore
s'attaquer directement à lui, on mettait on cause ses secrétaires,
ses suivants
laquelle
;
il
craignait une prise à partie personnelle contre
se sentait sans défense.
il
furent sans doute au
Les suites de sou désordre
nombre des raisons qui l'amenèrent
à
faiblir.
Comme
avec
ne se refusait plus à obercber un accommodement
il
le N-izir,
négocier.
On
des médiateurs intéressés se trouvèrent pour
convint que
serait renouvelée,
de l'estrade
(1).
mais que l'ambassadeur
Cette capitulation
un accueil passable ne
du Roi, plus redontai)le
;
Pour
se justifier,
il
lui
le
que l'audience
le passé serait oublié,
la recevrait
au bas
valut de la part du ministre
risquait-elle point de lui attirer la colère
à ses
yeux qu'aucune
autre'?
pouvait invoquer re.xemple de la chrétienté
tout entière. Les puissances qui devaient lui reprocher plus tard
d'avoir créé
un
fàciieu.v
précédent, lavaient devancé dans la
voie des concessions. Les nations les plus civilisées,
comme
les
plus barbares, s'inclinaient à l'envi devant cette Turquie dont
elles craignaient les
armes ou recherchaient
les
bonnes grâces
Constantinople, redevenue la capitale de l'Orient, assistait à un
(t) Nointel à Pomponne, 13 août et 12 septembre 1677.
porls joints ;i la lettre au Hoi du l" mai lt)79
Cf. l'un
des
i-ao-
LES \(IV.\GES DU MAH(JL
232
défilé
d'ambassadeurs
du trône ottoman,
IS
DE NOINTEL
de suppliants illustres
liant titrés,
:
autour
y avait un concours de prosternations.
il
Tandis que l'émir de Boukliara envoyait saluer le
des croyants du plus loin de
commandeur
profonde Asie, des envoyés
la
extraordinaires de rEnipereur et de la Polog'nc s'approchaient
en grande pompe. Le Polonais, arrivé aux portes delà
une armée de seigneurs,
starostcs,
île
de
rasti'll((iis.
avec
xille
trompettes
sonnantes, enseignes d(''ployées, ordonnait, avant qu'il franchit
de replier ses (Hendards
le seuil,
afin
la
de ménager
le
oii figurait
l'image delà Vierge^
fanatisme des musulmans et de leur épargner
vue d'un signe proscrit
(1
L'internonce impérial avait pour
).
se guider l'exemple d'un de ses prédécesseurs
«
qui baisa la
veste du vizir défunt et ensanglanta le tapis du Grand Seigneur
à force d'y frotter la face [2)
par sa hauteur.
\izir,
il
Comme
Seul, le Moscovite
».
on ne
aperçut, au-dessus de ce ministre, inie
rière laquelle le sultan, disait-on, assistait
la tète,
ment
il
exception
iiaic grillée
le
der-
aux audiences; levant
monarque
s'adressa à l'invisible
fit
accordé de voir que
lui avait
et lui cria
son compli-
(3).
V
LA
Ce ne
COI, F.
fut point lallaire
Il F.
Il (I
Y Al,
F..
du sofa qui détermina,
comme
on lu
pensé, la disgrâce de Nointel. Par une circonstance fortuite,
perte
<le
])lusienrs
incom|dèten)ent
lettres,
le parti
T{oi
le
auquel
ne connut
s'était réduit
(pie
fort
la
lard et
son ambassadeur;
son mécontentement s'en accrut sans doute, mais déjà Nointel
était
(t)
perdu dans son
esprit.
Nointel à l'dMiiioinie.
janvier Hi7!l
I.'!
La mésaventure du marquis
aoùl iij'l
(2) Ibid., 10
(3)
Rapports joints
à lu Icltre
du
1''
ni.-ii
tC79.
eut
I,
itlSIlHACE
V
23:{
pour cause preuiière, décisive, Texacliou dont
il
rendu
s'était
marchands de Smyrne.
coupable envers les
Jamais Louis XIV, spontanément ou sous l'impulsion de
Colbert, ne montra
sionné
il
mieux qu'en
au relèvement
portait
merce. D'obscurs marchands
courtauds
et le
humbles
Il
laissa entendre
que
veux démérité. Puis, sans
ses
s'expliquer encore sur
qu'on
loir
lettres
A
conservation du com-
et à la
demandaient justice; entre ces
lui
noble ambassadeur qui les avait molestés,
niiésila pas, prit le parti des
tilhomme.
cette occasion (juel intérêt pas-
l'avertît,
il
le
et
prononça contre
le
il
gen-
marquis de Nointel avait à
le
rappeler immédiatement, sans
le
traitement qu'il lui réservait, san.s vou-
cessa de
lui écrire,
sans réponse et de rompre avec
ordonna de
lui
ce silence menaçant, Xointel tremble
plus funeste augure. Cependant,
cherche à se faire écouler;
il
il
écrit
laisser ses
toute communication.
:
il
un signe du
y voit
tente encore de se défendre,
au ministre
lettres sur lettres,
réitère ses explications, s'adresse au Roi lui-même et l'accable
de
flatteries;
il
vante la valeur de Sa Majesté,
«
sa prudence,
son application par elle-même et en personne, son ardeur aussi
prudente qu'infatigable
et ([ui
plus rudes, ses armées
si
méritent d'être
d'officiers
est à l'épreuve des
nombreuses dont
officiers, ses légions
généraux^
Par ce pathos,
de maréchaux de France et
ses victoires incroyables (li
espère apaiser
il
En nu^me temps,
saisons les
les simples soldats
s'il
a\ait
le
dieu et délournerla foudre.
rogné iléfinitixcnienl sa dépense,
congédié ses peintres, interrompu tous travaux d
soumettait en son particulier à mille privations,
pas complètement à faire figure; ce qui
indûment perçus,
il
il
».
le gardait
lui
il
art,
s'il
se
ne renonçait
restait des
fonds
pour des débours d'ostentation;
ne se résignait pas à des sacrifices qui eussent trop notoirement
attesté sa détresse.
En
Mais
(1)
1677, on célébra encore
([u'il
Lettre
y a\ait Inin
ilu
2G mai
li;77
.le
la
Saint-Louis au palais de France.
cette fête
tout intime
aux pompes
LES VOYAGES DU MARQTIS
23-i
NOINTEL
Y)K
déployées en des tempsplus heureux! Plus de brillants tournois,
plus de représentations à ijrand spectacle
:
simplement
la
:
dîner, écrivait Nointel, se passera au divertissement de la
par
die,
du prologue de
récit
le
Médecin malgré
Circé,
de Y Amphitryon
grand monarque du monde. De plus grands
permis à ma foiblesse
A
il
une
(1).
portait la peine,
lettre, ni
sement qui
un
la gloire
du
efforts
du plus
ne sont pas
»
il
durant cette période
et
il
a\is, ni le plus léger secours.
l'accable,
colère royale;
ne peut plus \oir que
il
comprend que, devant
connaître la sentence. Quel sera
n'avait re(;u
Dans
l'efl'et
ce délais-
voulu de
l'arbitre d'où
son sort, sa cause est entendue, jugée, perdue.
drait-il
et
de 1677, onze mois s'étaient écoulés depuis l'acte fatal
la fin
dont
comé-
entremêlés de quelques entrées qui seront
lui,
représentées sur un théâtre orné de trophées à
ni
comé-
entourée d'un peu plus d'apparat qu'à l'ordinaire «L'après-
die,
le
la
dépend
Au moins vou-
coup dont
il
se sent
menacé"? Subira-t-il seulement une épreuve temporaire"? Perdrat-il
sa charge et devra-t-il, revenu dans sa patrie, traîner une
existence humihée et misérable? Est-ce
l'exil qu'il lui
faut crain-
dre, est-ce
un
le torturer
aux souffrances de l'heure présente. Tandis que ses
pire traitement? Cet effroi del'avenirs'ajoute
ultimes ressources s'épuisent,
il
pour
attend, éperdu, que le Roi
ait
statué sur la peine à lui infliger.
En
janvier 1678, on lui présenta enfin une lettre de M. de
Pomponne. Le Roi
tentement, sans
suites.
avait permis qu'on lui signifiât son
lais.ser
mécon-
encore apercevoir quelles en seraient les
Le ministre employait un langage
courtois, prenait un
ton de condoléance, mais ne cherchait pas à dissimuler la gravité
du cas;
«
il
s'exprimait ainsi
Monsieur,
apportées par
que
de
j'ai
répondre à toutes vos
sieur de
La
lettres qui
m'ont été
Croix, votre secrétaire, et à celles
reçues depuis son arrivée, qui sont des 1", 7% 12' et 18*
juillet.
(i)
j'ai à
le
:
Je suis fâché de vous dire que leRoin'apoint approuvé
Lettre à
l'iuiipoiiiie,
t'"'
septembre 167".
LA DISCRACE
233
payement de vos appointements que vous vous êtes fait faire
le commerce de Marseille, et moins encore que vous ayez
employé Tautorilé du Grand Seigneur pour v forcer les mar-
le
par
chands. Quelque soin qu'ait pris
sieur de
le
La Croix
de faire
voir la nécessité à laquelle vous étiez réduit, et quoique aous en
ayez rendu un compte bien exact particulièrement dans votre
dernière lettre dudit jour
tout entière à
lire
vous
fissiez souffrir
18' juillet
que
j'ai t^u
l'honneur de
Sa Majesté, elle n'a pas trouvé juste que
les marchands de vos besoins, et elle a jugé
que vous pouviez attendre
qu'elle
tements qui vous étoient dus.
vous eût fait payer des appoin-
Pour moi. Monsieur,
vous
je
assure que je compatis fort à la peine dans laquelle je juge aisé-
ment que vous vous
trouviez, accablé de dettes dans
un pays
étranger lors principalement quil vous étoit dû de plus grandes
sommes par
en ont
fait
la ruine
le
Roi mais
;
a été fort grand,
rois
(1)
pour
les
marchands de Marseille
ont représenté qu'il y
les
les chargiez
de
alloit
de
solliciter leur
sommes que vous vous
étiez
donner. Soyez bien persuadé, Monsieur, du désir que jau-
eu de vous rendre plus de
je n'ai rien oublié
En même temps
sonne
lui
pour le
ser%-ices
en cette rencontre
et
que
faire (2). »
parvenaient à Nointel, par lettre d'une per-
portant intérêt et bien placée pour savoir, quelques
détails sur son infortune. «
fait
et ils
que
du commerce lorsque vous
payement à l'épargne
fait
le bruit
Tous
ses amis, lui disait-on, avaient
leur devoir pour adoucir les choses (3) », mais leurs efforts
avaient été vains; les ministres s'étaient rangés dans
ses adversaires, et le iu?e souverain lui avait
donné
le parti
de
tort: le bruit
de son rappel avait aussitôt couru; on en avait parlé pubUquement. Cependant, répandue depuis plusieurs mois,
ne
s'était
point vérifiée jusqu'à présent.
Il
la
nouvelle
paraissait que la réso-
lution fût en suspens, et le Roi ne s'était point déclaré.
(1) C'est-à-dire
(2)
Lettre du s'
Constantinople. t.
(3)
au trésor royal.
Pomponne ù
Nointel, 2 octobre d07T.
l'acli.ui,
XL
2 octobre 1677, archives des affaires étrangères,
LES VOYAGES DU MAROIIS DE .XOINTEL
236
En
XIV
Louis
réalité,
jugeait Nointel indigne de
plus longtemps et avait décidé de
tenait à reculer la
Un
nomination
remplacer; seulement,
le
et l'envoi
rappel immédiat lui semblait pour
doux
servir
le
il
d'un autre ambassadeur.
coupable un sort trop
le
à ses yeux, la faute réclamait un châtiment plus sévère et
:
plus raffiné.
A cet
instant où les puissances coalisées contrenous
posaient les armes, où la paix de
Nimègue consacrait
matie française en Europe,
des affaires générales ne nous
l'état
la
obligeait plus à d'activés négociations avec la Porte, et
il
supré-
n'était
pas indispensable que notre représentant auprès d'elle fût tenu
au courant de
la
XIY
pensée royale. Louis
pensa donc
pouvait maintenir Nointel à Constantinople sans
en transformant pour
lui ce
chez les Turcs;
l'exile
il
sans ordres, sans instructions, sans nou-
oublie, le laisse
l'abandonne aux poursuites de ses créan-
velles, sans argent,
ciers,
marquis dans ses
lieu d'exiler le
lorres (hélas! Nointel n'en avait plus),
il l'y
qu'il
employé)',
poste diplomatique en lieu de péni-
Au
tence et de bannissement.
l'y
aux tracasseries des
Infidèles,
aux haines qui vont s'achar-
ner sur l'ambassadeur disgracié et ruiné. Le ressentiment du
monarque va jusqu'à
la cruauté. Il
ne
lui déplaît
point que Noin-
souffre et pâtisse, qu'il endure de longs tourments pour défaut
tel
d'obéissance, pour crime de lèse-commerce, et que son supplice
serve d'exemple à ses successeurs.
Nointel n'apprit cette suprême rigueur que par ses effets. Si
la
lui
de
lettre
Pomponne
de son correspondant officieux
et celle
avaient laissé quelque espoir de pardon,
ilétromper.
De
toutes parts, ce n'étaientque
il
dut bientôt se
svmptômcs
funestes.
D'abord, la rage de ses ennemis, préjugeant sa décliéance, se
donnait carrière; on eût
Des
libelles
Echelles.
A
ilit
contre lui tout devenait permis.
(|ue
outrageants pour son caractère circulaient dans les
marchands auxquels
Marseille, sur la plainte des
avait fait tort,
on instrumentait dans
justice
pleuvaient sur sa tète
assailli
de requêtes et de
sur ces grimoires,
il
«
;
il
les
formes;
était
mémoriaux
s'y voyait traité
«,
les
il
papiers de
harcelé de citations,
et
avec
s'il
la
jetait les
plus
yeux
insultante
DISCKACi:
237
auiliussaileur,
mais en débiteur récal-
I.A
dt'-si
non plus en
voiture,
II
non moins grave, des honmies de sa
citrant. Indice
des collègues, s'éloignaient de
merce; Tambassadeur
renonçaient à son
lui et
com-
à Venise, l'abbé d'Estrades, ne répondait
La défaveur
plus à ses lettres.
condition,
tiu
Roi l'avait mis en quarantaine;
son amitié devenait compromettante et son contact suspect.
tant d'infortunes,
détournée de
(]u'il
sent que la face du maître s'est délinitivcment
il
lui
.l'appréliende,
"
:
n'y ait plus de soleil
Certain de son rappel,
son malbeur;
espère,
il
A
successeur; ce sera pour
pour moi
il
il
douloureusement,
é^crit-il
(li. »
ne connaît encore que
attend à
lui la
moitié de
la
venue de son
liref délai la
confirmation ofdcielle de sa dis-
grâce, mais aussi la délivrance. Tout navire français qui toucbe
à Constantinople lui paraît devoir apporter
teur. l'avis que le nouvel
quer: cliaque
semaines,
ment
les
:
le
est
message
le
libt'ra-
nommé et va s'embar-
son espoir succède une déception. Les
mois s'écoulent sans
qu'il sollicite
toire. El,
à
fois,
ambassadeur
lui
apporter
Roi ne se décide pas à
le triste
le tirei-
soulage-
du purga-
cbaque jour, sa position devient plus affreuse. L'am-
bassadeur de France
diaires véreux:
est la proie d'usin'iers infâmes,
<l'inlermé-
subit leur avilissant contact, se débat entre
il
leurs mains crocbues, doit implorer leui- secours, éjjrouNcr leur
insolence, leur jeter en pâture les derniers
de son opu-
(b'-bris
lence. .Via lin, les restes de son crédit s'épuisent
:
il
ne trouve
plus que prêteurs sans confiance et créanciers sans pitié.
peut
même
faire
Il
ne
argent de ses collections; en vain, avec un
inexprimable décliirement de cœur,
sacrilierait-il ce trésor, objet
de toute sa tendresse: ses marbres, ses précieux dessins, ses
tableaux ne possèdent aucune valeur marcbande en Turquie et
ne trouveraient pas acquéreur en ce grossier pays.
Alors,
comme
la
pension
(|u'il
reçoit de Marseille se trouve
engagée par avance dans sa plus grande
continue à
(1) .Nointcl
le
partie,
comme
priver de ses appointements, l'argent lui
à l'omponne, 29 juin lOTS
le
Roi
manque
LES VOYAGES DU MARnUIS DE NOIX TEL
238
pour
litléralfiiieiit
nourrir,
besoins de
les
Pour avoir de quoi se
la vie.
en est réduit à mendier auprès de subalternes quelques
il
centaines de piastres. Sa détresse paraît, éclate, s'étale à tous
même,
des poursuites s'entament contre
créanciers, l'autorité turque
parle de
sursis,
«
A
veux, provoque une rumeur générale.
les
s'est
A
mesures d'exécution.
émue,
lui
Constantinople
au
:
et voici
tout prix,
il
cri
que
de ses
le vayvode
faut arracher
mais rien ne s'obtient en Turquie que par présents
quelques vestes
(1
».
)
un
avec
échappées au naufrage, Nointel parvient
à acheter la patience des officiers de justice.
prolonger son agonie, et
salut lui fera défaut.
:
Ce
jour approche
le
La banqueroute
lui
répit
oii
ne sert qu'à
tout
moyen de
apparaît inévitable,
instante, et derrière elle s'avancent la misère et le déshonneur.
Demain, sa demeure sera
violée, ses créanciers se partageront
ses dépouilles, et la ville, après s'être ébahie de son faste, se
racontera avidement les détails de son désastre.
le
A
cette pensée,
désespoir l'envahit, sa tète se perd, son esprit s'affole; sous
prétexte de peste,
il
Constantinople
fuit
aux envi-
et se retire
rons, dans le village de Belgrade; c'est de là qu'il adresse
ministre cette lettre
(jui
n'est qu'un long cri d'angoisse
Je ne sais plus où j'en suis.
«
heures de Constantinople;
la
me marquer
qui puisse
me
retient à quatre
faim, faute d'avoir de quoi subsis-
avec une autorité suffisante quand je
serai secouru efficacement.
mon malheur que
je vive,
leur subsistance, c'est ce
comment
ma
une disgrâce
guerre,
mon
Lettre
;i
l'autel
y a de plus sacré
me
mon
famine
faut
il
pour
y trouvent
Je ne sais
délivre,
mais que
mieux, mais, par
et la peste sont fortifiées
par la
par la domestique. Je ne puis point chasser la
plus grande partie de
(1)
ceux qui servent
([u'il
chute; j'y ferai tout de
terrible, la
même
payer;
Cependant, Monsieur,
y aura moyen, non pas que je
il
suspende
les
peste
m'attaque à chaque moment; je ne reçois aucune nouvelle
ter,
je
La
au
:
mes
valets, parce
que je
n'ai pas de quoi
écurie est renversée. Je n'ai plus que trois ou
l'oinponne, 29 juin 1078,
LA DISC
quatre chi-vaux
une partie de leurs
j'ai tloniié
:
239
\(:E
II
iiariiois
à des
Juifs marcliaiuls de tlraps et de satins, et parce que cela contribue
légèrement à partie de leur acquittement; c'a été principalement
afln de suspendre leur poursuite. Je suis dans l'impossibilité
d'aucune réjouissance pour
serai bien aise
que
mon
le
jour de Saint-Louis, et ainsi je
absence de Constanlinople continue
jusqu'après ce lemps-là, et je tâcherai de la continuer en rôdant
de côté et d'autre.
La guerre
étrangère ne
par tant de créanciers, dont
fliger
manque pas
semble que
il
de in'af-
les six
mois
expirent tous les jours, et certainement. Monsieur, quand l'on
est éloigné de huit cents lieues, les
comme
des jours, mais
comme
En
réponses
(l). »
butte à de tels assauts,
royale.
des instants, et les six mois de
années avant que les
terme deviennent plusieurs
arrivent
mois passent non seulement
Pour
se l'attirer,
il
n'espère
rappelle,
il
jjIus
qu'en la miséricorde
énumère
ses services
:
les
Capitulations renouvelées^ les droits de douane diminués, les
avantages procurés au commerce
et
aux missions. Puisse ce
fruit
de ses travaux être mis en compensation avec sa faute,
dans
la balance
où
le
Roi pèse impartialement
quiconque a l'honneur de
le servir!
les actions
de
Cette suprême invocation,
il
la formule en termes pathétiques et originaux, avec des compa-
raisons empruntées aux usages de l'Orient; dans ce qu'il écrit,
il
continue k mettre du
et,
trait,
du pittoresque, de
la
couleur locale,
tout exténué et désespéré qu'il soit, fait encore delà littérature.
M
Je
fais
en ce rencontre,
dit-il,
dans cet empire. Lorsqu'un
ce qui se pratiquoit autrefois
vizir,
mufti ou autre grand étoit
décédé, l'on mettoil à ses mains dans son tombeau tous les
hodgets
ou sentences de ceux
rigoureusement, afin
s'étoil
qu'il
qu'il avoit fait
mourir ou châtiés
pût justifier en l'autre
conduit en cela avec justice, et
il
monde
se servoit encore de ses
actions justes pour conlrepeser ce que d'ailleurs
il
auroit
de mal. J'apprtliende, Monsieur, d'être mort dans
(1)
Lettre à
Pomponne, 29 juin
1G78.
qu'il
pu
faire
l'esprit
du
LES VOVAtlES DU MAR(jriS DE NOI.NTEL
1>{0
vous
(le
\ois fondre sur
J'oii
l{oi.
Monsieur,
comme
mon
à
a\is de
les
mains toutes
metti'e entre les
de vous toucher
moi
tout
côté.
Ainsi,
puissant intercesseur, je prens la liberté
le détail.
dont je viens
les actions
Je \ous supplie très instamment de les
présenter à Sa Majesté, et de
ma confiance qu'elles serma conduite. J'en aurai,
possible, comme je Tai déjà
lui ollVir
viront à effacer ce qui lui a déplu dans
Monsieur, toute
la
reconnaissance
de tant de liontés que vous avez eues pour moi, et particulière-
ment de
la
me
dernière en
me
Marseille de
continuer
le
procurant l'ordre aux éclievins de
payement
ma
tle
pension. Je vous
en remercie. Monsieur, très iiumblement; mais osant vousre présenter que ce
quune
n'est
goutte d'eau très
me
éteindre tant de chaleur qui
pourroit conclure ([ue je suis thuis un plus
inau\ais
riclie. ]iuis(|ue
uTen donnei'
les
mes
arri\ cr
à
s'en
f:'icheu.\ (Hat (jue le
si
me
à plaindre,
ti'ouvant dans l'es-
Sa Majesté de
dettes par la bonté qu'aura
moyens,
à Paris, ce n'est pas
il
une seule goutte deau lanroit soulagé.
Je ue suis pas néanmoins
jiérance de payer
insuffisante
me consume,
brûle et
et si
un grand
grand que
soit
l'éloignement
d'ici
cluios impénétrable, et j'espère
y
après que j'aurai re(;u les ordres de Sa Majesté de m'v
transporter. Je les attends avec respect et impatience,
je
ne
demande aucun moyeu de détourner mon successeur de venir
ici,
et
quoi
(ju
il
ma destinée et
me voyant sans un
arri\e de
jtaroisse dès à présent,
dans
ma
patrie, je
m'en consolerai.
pre>sion orientale, que la tète de
mon
Il
me
la
ou son
fâcheuse qu'elle
sol
pour subsister
suffit,
suivant
l'e.x-
maître soit saine, qu'elle
continue de gduxernerles ([uatre parties du
rihi
si
monde par son
e.xenqjle, (|u'elle triomplie toujours, faisant
poussière à celle de ses ennemis, et que Dieu
lui
auto-
mordre
ayant renou-
\elé les années de nos premiers pères veuille lui conserver son
empire jns(|u'au jour du Jugement. Je
la
fais
encore des
conservation de ces intelligences sublimes
choisir, de ses
(I)
I.cUro
il
honorés
l'omiKinne,
et glorifiés
;i9
juin 1078,
\
vœux pour
(ju'elle a
izirs (I). »
su
si
bien
iu
DiscK Ai;i:
i.A
VT
SPECTACLE
LE
Le Roi ilemeura
encore avant (|ue
I)
CONST AM
E
I
Nd
I'
L E
.
inexorable, et une année devait s'écouler
le
nouvel ainliassadeur eût ordre de partir.
Pendant ce temps, Nointel n'évita une catastrophe toujours
iinniiiicate
qn'h.
force d'expédients. Des capilaiiies de navires
marchands, moitié par contrainte, moitié par complaisance,
avancèrent quelques fonds sur
la
marchands de Constantinople, énms de
les
lui
vente de leurs chargements;
prêtèrent
pitié, lui
un peu dargent, par petites sommes, à raison de cinquante écus
par semaine. C'est à l'aide de ces misérables ressources qu'il
un
vécut, pensionnaire de ses administrés, humilié sous
litre
glorieux, pauvre dans un palais, entouré de richesses artistiques
et
mantiuant de bois pour se chaulïer. obligé de se prêter aux
perquisitions des tcliaouchs envoyés par ses créanciers, relancé
et
persécuté par ces recors en turban
tachait pourtant de continuer ses
11
correspondre régulièrement avec
dans ses dépêches, puisque
all'aire?
avec
il
(1).
Roi ne
le
Réduit au rùle de nouvelliste,
zèle.
A
s'y livre
ce
moment même,
fondions
la cour.
le
il
et persistait à
Mais que
niettra-t-il
charge phis d'aucune
s'en acquitte
du moins
sa curiosité ne l'abandonne pas;
au contraire sans remords. Lorsqu'il s'arrache à ses
chagrins, h ses angoisses, c'est pour scruter de plus en plus
détail cl le
mystère de
Grand Seigneur,
les
mœurs
elles
Les révélations sur
le
la famille impériale, la cour, le peuple, l'armée,
publiques
autrefois ses
la vie orientale.
le
récits,
en deviennent
et
les
le
|iri\ées,
au lieu d'émailler
comme
remplissent presque exclusivement;
fond
verve ou une lourde emjthase,
(1) .Nointel à l'diiijioiine, ±'J juin,
et
il
la
substance. Avec une grosse
décrit à outrance, conte intaris-
Si septembre et 1" ûclobre IC78.
16
242
voyages du makoiis de noimel
Lr:;«
sablemenl; par chaque courrier,
il
envoie au Roi
journal de
le
Constantinople.
Le
soin qu'il apporte à ce travail, ses eftorts pour composer de
morceaux, pour développer
véritables
les grâces pesantes et les
bizarres prestiges de son style, ne dénotent pas seulement chez
lui d'incorrigibles prétentions
On
s'y trahit.
il
sent que,
s'il
au moins à se faire
tient
captiver, retenir l'attention
fléchir le maître
XIV
Louis
au bel esprit
une arrière-pensée
;
n'attend plus de réponse à ses lettres,
lire
à toute force,
;
du Roi
en l'intéressant
et
veut piquer,
il
des ministres.
et nourrit
Il
essaye de
vague espoir que
le
fera grâce au diplomate coupable en faveur de l'ob-
servateur spirituel et bien informé.
Ce
n'est plus
décor ottoman
seulement l'aspect extérieur des choses
qu'il
considère;
il
s'efforce à pénétrer le
et
le
fond
des âmes, le jeu des caractères, des passions et des intrigues.
Là-bas, derrière les murs du grand Sérail, où
enfin résigné
le
sultan s'est
à demeurer dans l'intervalle de ses chasses et
de ses guerres, un drame domestique se poursuit, celui qui
remplira toute la durée du règne. Dans l'entourage du
narque,
frères.
le
la
grande question est de savoir
Beaucoup de
du trône
mo-
tuera ou non ses
ses conseillers le rappellent à la tradition et
poussent au fratricide,
lité
s'il
qu'ils
et à la perpétuité
jugent indispensable à
la stabi-
de leur pouvoir. D'autre part, ce
sont les principaux chefs des milices qui ont confié naguère à la
"Validé le dépôt des jeunes princes, afin de s'assurer contre les
entreprises du despote régnant et de le tenir j)ar
possibles
pétiteurs
Tout
garantie.
;
ils
n'entendent
la
peur de com-
pas qu'on détruise leur
est à craindre d'eux si l'on
ne
met brusquement en présence du
difficile
en é\
cil
fait
par sur-
sait agir
prise, à l'iiuproviste, en choisissant l'instant propice,
si
on ne
les
accompli, et c'est une tâche
que de dérouter leurs sou})çons; leur vigilance toujours
aide la sultane à sauvegarder ou du
la vie des
moins à prolonger
jeunes princes.
Mais comment expliquer cet intérêt passionné que témoigne
une Lelle-mère aux enfants du premier
lit?
D'après un
iiruit
LA DISGRACE
243
un
lépaiulu, la Validé éprouverait pour laîné des princes
ment plus
vif
senti-
qu'une sollicitude quasi maternelle. Les mille
soins dont elle l'environne ressemblent fort à une tendresse
d'amoureuso sur
quant
celle
le
retour
de Bajazet
(1).
:
c'est
l'intrigue de
Phèdre compli-
Et la lutte continue entre
mère, lutte sournoise, patiente,
faite
le fils et la
de ruse et d'obstination
muette.
L'art de la sultane consiste à résider avec les princes là où
nest pas
Grand Seigneur,
le
probablement mortel. Tant que
elle n'y
de leur éviter un contact
alin
le
sultan vivait à Andrinople,
venait qu'à de rares intervalles, en tremblant. Aujour-
d'hui qu'il s'est refait
«
bourgeois de Constantinople
trouve mille attraits au séjour d'Andrinople
et
déclare
(2) », elle
le
préférer
à tout autre. Forcée d'obéir à un ordre positif de retour, elle
prend ses précautions pour
le
sûrs, exige à Constantinople
une résidence
voyage, se
fait
escorter de gens
spéciale, en dehors
Sérail. Plusieurs fois, la catastrophe est prédite,
du
annoncée, tenue
pour prociiaiue; toujours l'habileté delà sultane mère
l'évite et,
dénouement de la « tragédie ottomane (3) », prolonge l'émotion du spectateur.
A côté du drame,, il y avait la comédie. On la trouvait dans le
eu ajournant
manège de
le
la sultane favorite, ÏH(issel.i,
reuses rivalités.
Comme
le Padischalt
ne faut à certaine odalisque, l'Ilasseki
un eunuque
:
le sultan
pour écarter de dange-
paraît s'attaclier plus qu'il
la fait
ordonne de panser
rouer de coups par
la victime et la visite
quatre ou cinq fois par jour. L'Ilasseki recourt alors au.\ sortilèges,
aux recettes
et
aux formules magiques, pour empèclier
l'amoureux monarque de consommer son
lices
plaisir (4).
Ses malé-
n'opèrent qu'imparfaitement, car au bout de quelque temps
l'odalisque
met au monde un enfant, ce qui
lui
assure aussiteît
au Roi, 2ij mars 1G77.
au Roi, 13 avril lliT".
Lettre au Roi. 26 mars 1077.
(Il .\ointeI
(i) -Noiiitel
(3)
i nouer l'aiguillette.
• Mme de Sévi(4) C'était ce qu'on appelait alors
gné ne se prive pas plus que Nointel d'emplover cette expression.
:
LES VOYAGES
244
rang
au harem
ofliciel
La première
MAHOllS DE NOINTEL
1)1'
à
et l'élève
la
dignité de seconde favorite.
doit se résigner à l'honorarial;
mais de système,
elle
en protégeant ses passagers caprices
se fait conteur lihre et hardi,
ou burlesques. Amuser,
son
etïort;
si le
Roi
changeant désor-
cherche à se garder la confiance du maître
(1).
A
il
gaillardes
que se réduit surtout
divertir, c'est à cela
rit,
ce propos, Nointel
prompt aux anecdotes
un sourire amené sur
sera désarmé;
ses lèvres peut apaiser sa colère.
Cependant, dans les
un mot
écrits de l'ambassadeur,
jeté de
temps à autre, une phrase dolente, une supplication plaintive
annoncent un amer retour sur lui-même, marquent
de sa souffrance, et une plus grande
pauvre
homme
Après
gaieté et de
la
désespoir dans
l'ànie.
donné beaucoup de mal pour
qu'il s'est
le
le
maître,
il
ajoute
«
:
progrès
le
nous prend pour ce
aux abois, obligé de contrefaire
s'évertuer à de plaisants propos,
informer
pitié
distraire et
Je suis toujours. Sire, dans la
perplexité et la désolation de ne recevoir aucun ordre de 'S'olrc
Majesté. Je
me
trouve sans secours ni argent que celui qu'il
faut mendier des bâtiments qui viennent à
rien
me
Smyrne, n'en pouvant
donner à mes créanciers, à cause que
ma
subsistance est
y en a plusieurs ([ui me tourmentent. Je suis
exposé à ces souffrances depuis longtemps, mais je les rei;ois
privilégiée.
Il
avec une entière soumission, puisque
Majesté, dont j'espè're bienliU
(le
mon
successeur
n'est plus
(2).
»
l']l
la lin
il
de
c'est la volonté
ma pénitence
implore ainsi
que l'ombre de l'ambassade qui
diminue à chaque instant
moi de m'écrier par
cette prière
et ainsi.
:
A
porta
me
le
de Votre
par la venue
ministre
:
«
Ce
soutient, mais elle
Monsieur, permettez-
iiifvri
mie
me. Domine...
Je vous supplie, Monsieur, d'avoir égard à la résignation avec
laquelle je supporte
une longue
et sensible pénitence, et
ne jugez pas raisonnable d'en jtrocurer
la
lin,
si
vous
l'intercédant de la
(I) Lettre de .Nointel au UdI et à l'om|ionne en IG78 et Ki"!), paudm. Le
duplicata des lettres écrites au Koi durant cette période existe à la biblio-
Ihéiiue de l'Institut,
(2j
Lettre au Uoi, l"
mai
d(i7'.>.
LA DISGR
245
VCi:
le
changement
n'arrivait, et Nointel revenait à
son rôle de
bonté de Sa Majesté, faites-moi la s^race d'obtenir
lieu oîi j'en suis exercé (1).
du
Aucune réponse
»
bien fait qu'il ne reconnaissait pas
e azette vivante. Il s'v était si
le droit à certains gazelicrs de Paris de lui faire concurrence,
en donnant des détails sur Constantinople, et
aigrement leurs bévues.
N'est-il pas
mieux à
qu'il
reprenait
même que personne,
par sa longue fréquentation du monile oriental, par les relations
y a nouées, par son information universelle, de soulever
tous les voiles? C'est lui seul qu'on doit croire quand il prend la
qu'il
liberté de présenter
au Roi
le
Grand Seigneur en son
non plus dans ses déplacements
mais au plus profond de ses
et
particulier,
ses occupations extérieures,
retraites,
parmi ses eunuques, ses
muets, ses favoris, ses astrologues, ses histrions, qui
amusent
son désœuvrement à de vaines curiosités ou à de grossiers
plaisirs.
Des bandes de danseurs qui font
«
pilié
contribuent encore
au divertissement de cet empereur qui leur ordonne souvent de
s'émanciper à des postures honteuses, quoiqu'en présence des
sultanes cachées derrière les jalousies.
Il
s'est
aussi
diverti
d'entendre un Franc jouer de l'épinette. Voilà, Sire, les occupations les plus connues et les plus ootilinuelles de
Sa Hautesse.
car pour l'application qu'elle vient de donner sérieusement à
faire placer des sentinelles et dresser des lignes de circonvalla-
tion autour de certains postes, cette action martiale etprintanière
ne durera pas plus que
dont
est
il
si
les roses et les cerises qui
en sont l'objet,
jaloux que, les traitant comme ses femmes,
il
établit
des noirs à leur garde.
«
Il
sur
relève quelquefois ses divertissements par des disputes
la religion qu'il fait naître
motif
il
entre les plus savants que par ce
appelle en sa présence, et passant encore de la puérilité
de l'astrologie à ce qui en est de plus noble, on
le
voit quitter les
vaines prédictions de cette science pour regarder la lune. Cet
1
1
1
Lettre du 20 février 1C7!).
LES AOYAGES hV MARnllS
240
astre par letiuel
il
compte les
NdlMEL
I)K
victoires et les conquêtes de ses an-
cêtres et les siennes, et qui préside à plusieurs préceptes de sa
secte, excite son étonnenient
quand
le
il
voit avec
des lunettes
d'approche, et croyant qu'il peut y en avoir de meilleures qui le
donne des commandements ou
pour en rechercher; on est venu en demander aux
feront découvrir davantage,
fuitticherif
ambassadeurs,
drogmans
;
lentie, et je
il
et à ce sujet le hiai/a
du
appelé tous leurs
vizir a
mais à présent cette curiosité lunatique paraît rane pense pas que Sa Hautesse,
soit, veuille s'élever
jusqu'à pénétrer dans
si
puissante qu'elle
le soleil
;
elle seroit
éblouie de ses rayons, et par ce principe et autres elle se contente
de
la lune, et c'est
apparemment en
toute sa lumière du soleil
réfléchissant qu'elle tient
privera quand
(|ui l'en
Le Grand Seigneur, estimant l)ien moins ces
«
que
les matériels,
pièces d'or, et
il
y
il \
oudra
(1).
trésors spirituels
voudroit que l'on trouvât tous les jours des
est
amorcé par une quarantaine qui
se sont
trouvées en faisant des réparations et augmentations de peu de
conséquence au
sérail
de Cicala. Sa Hautesse
ou huit cents ouvriers tant h
fait travailler
sept
maison de cet amiral qu'aux
la
autres endroits, mais sans aucune peine ni dispute d'architecture ou du choix des marbres.
très
est apparent qu'elle se fatigue
Il
peu du gouvernement de son
grand
vizir,
mais
rité;
État, s'en déchargeant sur son
qui semble toujours augmenter en crédit et en auto-
s'il
est si puissant, c'est
même, dont
Au reste, ce
il
pour
être craint de son maître
sait bien intéresser l'avarice et les puérilités
(2). »
maître, qu'on appelle l'ombre de Dieu sur la terre,
passe sa vie dans les transes. Craignant ses ministres, sa mère,
ses frères, son
dais:
il
fils, il
redoute aussi
le
peuple et surtout les
refuse toujours de s'exliilicr en public, fuit
le
des janissaires, se soustrait à leurs regards et n'aime à
der en personne que l'armée de ses concubines,
les victoires consistent à
Allusion à Louis \1\'.
nu lioi. 2.^ juin
(2) Lettre
comman-
armée dont
se soumettre et dont les soldats se
tiennent bien hciu'cux ipiand
(1)
«
sol-
contact
ils
rei;oivenl en leur particulier et
le lini-Sdleil,
KhO
LA DISGRACE
à leur tour la loi de la soumission, car
renverser tous en
même
"247
il
seroit impossible de les
temps, puisqu'ils reconnaissent
la
domi-
nation d'un seul.
«
Leurs remparts
retranchements ne sont que des
et
l'on n'oseroit en approcher.
Leurs sentinelles
toiles, et
et gardes avancées
consistent en certaines apparences d'hommes, les plus laides et
l'on j)uisse
imaginer, et ses troupes, au
lieu de contribuer à la destruction
du genre humain, servent à
que
diaholi(|ues figures
campements
sa propagation. Leurs
nommant Harem,
putés des lieux sacrés se
oii
et quartiers d'hiver
l'abstinence de certains
légumes
«[ui
et autres
\eut dire rluftre,
denrées s'observe
plutôt par la raison de la figure que par la qualité.
grilles d"où ces milices participent
sont ré-
Il
y a des
aux divertissements qui se
re-
présentent devant elles et qui souvent sont des plus luxurieux,
par ordre de leur général.
Il
est alors
coudes appuyés sur un carreau,
couché sur
le vt'utre, les
et derrière lui sont
rangés de-
bout au-dessous des jalousies ces maudits gardes en suite
leur chef, le grand turban en tète, le sabre
nu à une main
Av.
et la
baguette de l'autre, et c'est avec celle-ci que, les soldats enfermés
se mettant trop à rire,
davantage
respect;
le
ils
ils
en recevoir des millions
les avertissent
en frappant de garder
en reçoivent mille injures
si
et poui'roient
tout le corps d'armée étoit assemblé,
car on compte qu'au premier Baïram le Grand Seigneur a fourni
à ces esclaves femelles trois mille vestes de drap, brocart ou satin.
Elles sont
du reste
très bien entretenues
;
Sa Hautesse
cupe plusxolontiers à prouver sa bravoure avec
ses
ennemis
;
si
cet
empereur
<à
la
elles
dernière campagne demeura
au Danube sans approcher de plus près des Moscovites,
un régiment de femmes pour
litaire, et
maintenant
il
avoit
seroit bien content de n'être point inquiété
la part
des Moscovites
(1). »
ces bouffonnes et licencieuses peintures, Nointelniéle étran-
gement des
{{)
il
se tenir en haleine de l'exercice mi-
dans ses délices par aucun chagrin de
A
s'oc-
que contre
Suite
réflexions d'un autre ordre, de hautes considér.i-
«Je la
lettre
au Hoi précédemment
citée.
LES VU YACK S DL M A ROUI
248
lions;
prétend qu'un enseignement ressorte de
il
scandaleuse où
piiie.
De
Quand
il
se complaît, et
il
cherche à en
chronique
la
tirer la philoso-
cesse de décrire, c'est pour disserter ou vaticiner.
il
tout ce qu'il voit et sait, une conclusion lui parait se dégager;
à l'aide
des mille traits de
prouver
—
la
NolMEl.
S \)K
et
mœurs
l'événement devait
qu'il recueille,
bienti")t lui
s'attache à
il
donner raison
— que
Turquie n'est plus guère qu'un fanlùme de puissance. Une
dynastie abâtardie, des ministres exécrables, ont laissé se fausser et se di'monter tous les ressorts du pouvoir. Point de branche
de l'administration qui ne soit attaquée de corruption
et
de gan-
grène; tout y est vénalité, volerie. relâchement, mépris del'intélèt public, infatuation stupide: tout y est
et
cause de décomposition
de ruine. Les puissances chrétiennes ne redouteraient plus le
colosse ottoman,
si
cette formidable
l'envers de
craintes chimériques,
monstre qui leur
La
fait
nation turque,
ment:
elle
apparence; pour renoncer à des
qu'a considérer de près ce
n'ont
elles
peur.
il
mieux que son gouverne-
est vrai, \aut
trouve dans sa ferveur religieuse
lités fortes,
maximes
ajoutaient foi à qui peut ol)server
elles
et
et
Nointel en convient
:
«
Il
le
y
principe de quaa.
certaines
Sire,
des usages qui, bons ou mauvais, régnent également
dans toutes
bonne ou
les religions, soit la
les fausses, d'autant
plus que celles-ci proviennent de l'invention du singe de Dieu,
qui est
le
diable, lequel,
(hins le bien
pour s'accréditer, veut imiter
de son essence,
de ses ministres.
Il
se voit
comme
dans
les
la prière,
le
mal de quelques-uns
Mahométans des jeûnes, des
mortifications, de grandes charités,
presque incroyables à
dans
la vérité
un
une attention
et
zèle inexplicable
exactitude
pour leur
fausse religion, une soumission sans réserve à leur prince et
une haine
si
invétérée et originelle contre les chrétiens que les
enfants enrploient
usage à
le
ilénouement de leur langue
et
son premier
les injurier (1). »
Même,
cliez
(1) Nniiilcl
certains
au Roi.
2.")
aoiU
Turcs de condition, éloignés des
KIT!»
af-
LA
faires,
il
y a du talent et
sciences (1)
»
Disr, ItACE
la capacité,
île
le flétrir et
à
la
dégradation de leur gou-
eondanmei-. Nointel sest
le
l'un d'eux, qu'il voit et entretient souvent;
produit dans ses récils, à
il
teinture des
([iiel(|iie
«
une sorte d admiration pour l'Europe; mais
et
ceux-là sont les premiers à gémir sur
vernement, à
->i!>
mène: notant, transcrivant
«
pour \arier ses
il
avec
elTets,
de curiosité, ce rare phéno-
les confidences qu'il tire de ce
clairvoyant et mélancolique^
Assurément, ce Turc
titre
lié
les fait
homme
Turc
tourner au profit de sathèse.
d'esprit (2)
autrement façonné que celui d'un Européen:
a le cerveau
»
ne raisonne pas
il
connue nous: pour goûter ses raisonneinenls.
faut s'initier
il
d'ahord aux subtilités de sa dialectique, dont voici un exemple
parloit
« Il
il
piqué de l'ambition du martyre, venoit de s'en procurer
en professant au
la di\
\ i/.ir
iiiit(''
faux propiiète.
que ce
juipas ('toit bien fou. puis(|ue. injuriant le
met,
ne pouvoit manquer de
il
auroit été
en domioit
contre
exempt
la
s'il
s'attirer la
il
mort, dont peut-être
si
emporli' (|ue
avouer
falloit
qu'il
\
prophète, à la réputation du(]uel se pouvant
lionime pût être
1
fairi;
préjudice dans l'esprit du peuple, et tioubleniit
religion,
il
étoit
de
d'un scandale de
M
la justice
même
le |iunir et
fit
préparer à sa défense,
et
il
le
lui
imputât, mais
sur lequel on
(Il
il
le
Nointrl nu Uoi.
(2) lliid
police et la
de purger
le
monde
traitoit
jirit:
2:{
(pii
moyen dm-ant un an de
s'employoit entièrement à éluder
preuves de blasphèmes conti'e Dieu
que mal à propos
la
souvenir d un personnage
étant mis à rin(piisition eul
pas qu'on
d'un
qu'il porteroit
grande conséquence.
si
Ce raisonnement me
Rome
de
Il
a\oil impossibilité à
porter aucun tort, mais qu'il n'en étoit pas de
lui
disoit
11
prophète Maho-
se fût contenté de parler mal de Dieu.
raison, disant que
la Divinité,
l'elfet.
de Ji'sus-Cbrist, et en l'exhor-
Mahomet comme un
tant d'abandonner
il
:
y a quelques semaines d'un prêtre grec qui, s'étant
il
et la
Vierge
ne songeoit pas
à
qu'il
le
les
ne doutoil
une autre
de peccadille, et ce fut
à
se
all'aire
seul point
on l'accusa d'avoir mai parb' de saint
noiU
Ki"!».
LES VdVAr.ES DU MAROLIS DE XOI.NTEL
250
Ignace, et
Mêlé de
et
en
il
snbit
interlocuteur
son
Le Turc,
politique.
une sévère
et
exemplaire punition
telles dicressions et arguties, le
musulman
(1).
roulait principalement sur la
rjuoiquese plaçant à un point de vue différent
du nôtre, indiquait alors parfaitement
faible de la
le fort et le
puissance ottomane, qui ne vivait plus que sur sa réputation;
finissait
qu'à
»
dialogue entre Nointel
par reconnaître que
la
grandeur de sa race
un insolent bonheur. Ses ennemis
n'était
il
due
naturels, disait-il, c'est-
à-dire ses voisins, se bornent toujours à la défensive;
ils
n'osent
jamais attaquer et profiter de leurs avantages; de plus, les
États sont trop divisés d'intérêts et de vues pour les
autres
secourir avec efficacité, pour opérer des diversions
raient infailliblement. Et Nointel s'empare de ces
faire la leijon
aux puissances
et leur tracer le
(|ui
réussi-
aveux pour
plan d'une politique
nouvelle.
11
le
voudrait que les adversaires actuels do
Polonais et
en esprit
»
;
le
ils
auraient vite
fait
Tnr(|uio, surtout
la
Moscovite, s'unissent contre
elle
«
en corps et
de rejeter llnfidèle au delà de
ses frontières et de lui infliger de sensibles atteintes. C'est toutefois
qu"il
aux puissances maritimes
appartient de
consommer
et
en particulier h
la
France
sa perte, déporter le coup décisif,
d'achever la libération du christianisme. Les Turcs n'ont point
de marine;
en conviennent d'ailleurs
ils
et
ne prétendent pas
disputer aux chrétiens la suprématie sur les mers. D'autre part,
leur nionarchio, par l'étendue de ses côtes, par le déploiement
de ses possessions autour du bassin oriental de la Méditerranée,
offre
aux
flottes
dans
ennemies mille points vulnérables. L'annonce
semblant d'une guerre maritime
seule et le
le devoir,
mendier.
une entreprise hardie, mettrait à néant leur domination
et la ferait
voudra
commerUne guerre véri-
arracheraient facilement les concessions
ciales ([ue l'on s'abaisse aujourd'hui à
table,
les feraient rentrer
le
tomber en poussière; l'empire de l'Orient
(!st
à qui
prendre.
(1) Noiiiti.'l au Kdi, 23 août 1()79. \ ce Irait dirigé contre saint Ignace, on
reconnaît l'ami des jansénistes.
DISCKACE
I.A
iVinsi,
âol
l'ambassadeur auprès de la Porte désire, espère, pro-
voque, appelle
la croisade
:
elle serait sa
autant que la revanche de la chrétienté.
Turcs
qu'il
destin.
vengeance personnelle
Il
a tant souffert par les
souhaite mal de mort à cette race, et
Sa rancune contre eux va jusqu'à
la
voue au pire
lui faire voir
en laid
ce qui avait d'abord excité son enthousiasme, la magnificence et
l'éclat
de leur vie publique. Cette miroitante Constantinople,
comme une
tant admirée naguère, ne lui apparaît plus que
tine
sen-
de vices et d'horreurs. Ces éternels défilés, ce papillotage
de couleurs, cet étalage de teintes criardes, ce foisonnement de
formes anguleuses
et heurtées, lui
semblent à
la
longue
dune
insup[)ortahle monotonie, l'énervent et l'exaspèrent. D'ailleurs,
déployé par les Turcs en ces occasions
le faste
est-il
autre chose
qu'un luxe de pacotille, faux, frelaté, qu'on ne doit pas regarder
de trop près? Pour grossir les cortèges,
ramassent dans
la
rue des figurants, qu'ils affublent d'armures et de costumes, et
ils
ils
arrivent ainsi à organiser de solennelles mascarades. Nointel
pousse au noir les descriptions
détail misérable
ou grotesque,
qu'il
en
fait,
le grossit, le
relève partout le
met en
relief;
après
avoir passé neuf ans à peindre dans sa vérité le spectacle de
l'Orient,
il
en trace aujourd'hui
Au printemps
la caricature.
de 1079, quand
le
Grand Seigneur revient d'une
nouvelle campagne contre les Moscovites et se
par
le vizir et le
Xointel lient
civil et
récit
;i
voir passer
de la religion
de cette pompe
l'artillerie
avec
fait
représenter
nmfti pour l'entrée publique à Constantinople,
le
(1) »;
:
«
Il
«
ces deux ministres souverains du
mais
il
sème des
s'y voyoit
traits
suivants
le
encore treize
officiers
de
bonnet de cérémonie, huit prédicateurs et
soixante-quatorze personnes de la Loi, bien moins chargés du
fardeau de leur turban que du poids de leurs iniquités. Six-vingts
émirs, parents du faux Prophète, étoient plus aisés à compter
(|ue
les
tchaouclis
(1)
faux témoignages qui leur servent de revenu. Cent
montés sur des haridelles
Lettre au Moi, du 1"
mai
les précédoieni. et les janis-
IG79. Toutes les citations qui suivent, jusqu'à
la p. 253, sont tirées de cette lettre.
LES
2S2
V(lYA(;i:s
1)1'
MAROnS
armés du mousquet
saires, tous
et
DE N'OINTEL
du sabre, accompagnoient
leurs principaux officiers.
L'on voyoit ensuite
«
le
triomphe du diable, consistant
en deux chameaux ornés; l'un portoit
Coran
le
et l'autre la veste
de 3Iahoniet. enfermée dans une cassette à peu près semblable
à celle
où
garde
l'on
Luxembourg. Le
manteau du bienheureux Pierre de
le
tchaouch-bachi se tenoit auprès de ces reliques
diaboliques avec quelques ayalars (gardes du corps), neuf grands
drapeaux portés
à
cheval, la musique guerrière de tambours,
timbales sur des chameaux, ilùtes et autres instruments
deux
bannières vertes tenues par deux cavaliers émirs et accompa-
gnées de deux
queton, crioit
t7/('//i-.<
liou.
ou jjn'dicateurs. dont
hou, qui veut dire Dieu,
Le
quantité de spahis
djcheiljibiu'hi,
Dieu
et
un mous-
une grande
chef de la milice destinée
marche
à nettoyer les armes, achevoit la
l'un, tenant
à la tête de vicigl por-
teurs d'eau à cheval avec trente-deux enseignes et vingt-sept
ca]iilaines de ce corps, luie
grande l)annière
dats dont h\s derniers éloieiit
le
pot en tèle
et la
hache
à la
laire
et la
plupart se connaissoieat
et différents endroits
de Cons-
I)
Lorsque toute
lorsque
quantité de sol-
armés de jaques de mailles, avec
main,
pour être empruntés des boutiques
taiitiiiople.
et
le vizir
cette figuration s'est engouffrée
dans
le Sérail,
y a déposé l'étendard du Prophète, la fêle popu-
commence;
elle
va se prolonger pendant
trois nuits, qu'elle
doit emplir de clarté'.
Malheureusement,
si
les
Turcs ont
le
illuminations, l'art leur en est inconnu.
mer\eilleux, car
la fête
se
goût
et la
Le cadre
manie des
jiourtaut est
donne sur toute l'étendue du port:
les
collines qui entourent ce golfe profond abaissent jusqu'à la rive
leurs pentes chargées de niiiisoiis et d'arbres, et quel ravisscnii'ut
pour
les
yeux
si
ce long amphithéâtre s'embrasait,
si
les
hau-
teurs sortaient de l'obscurité étincelanlcs de feux, sertissant de
lumière
le
médiocre;
enllamme
miroir des eaux! Mais l'éclairage des maisons est
il
cl
consisti;
(|iii
en boules de poix et de goudron que l'on
jelleiit
une
lucui-
fumeuse. Le
sérail des Miroirs,
LA II1S(;RA(:K
donnant sur
port et faisant face à Stamboul, est
le
rillumination
»
mais ce pnHendu
;
cabaret de Saint-Cloud
étonne vraiment,
»,
palais, ([ui ne
le
le «
centre de
vaut pas
n'en apparaît point embelli.
Ce
«
un
qui
lincroyablc quantité de navires ornés,
c'est
mats
enjolivés, portant des feux à leurs
couvrent
253
et
à leurs vergues, qui
port, circulent adroitement, se
mêlent, se frôlent
sans se heurter; et font tournoyer sur les eaux des milKcrs d'errantes étoiles.
Une rumeur de
foule, avec
un bruit de lambou-
A
rins et de flûtes, s'élève de cette
immense
navires, on
guirlandes de lanternes, des
distingue, sous les
llotlillc.
hommes
formes qui s'agitent, des danses, des
neuses qui semblent surgir des
elles,
mesure
abondamment
mousqueteric font rage
suppléer à l'imperfection des
une espèce de fontaine
«
:
s'élargissant à
faut-il (pie tout cet éclat soit
En
intermittent et ne dure qu'un instant'?
tillerie, la
on voit encore,
des pyramides lumi-
fort haut, et
et
Pourquoi
qu'elle s'élevoit ».
;
certaines formes d'édifices
flots,
d'où s'élancent des jets de flamme, et
de feu s'élevant
des
qui se balancent
sur des escarpolettes ou s'exercent à divers jeux
au-dessus de barques reliées entre
Itord
ce
artifices.
«
vain de tous côtés
tintamarre
l'ar-
ne saurait
»
L'ambassadeur de France,
posté dans une maison ayant vue sur le port et proche de celle
d'admiration
vizir « s'ébattoit
oii le
»,
n'aperçoit,
décrire que l'ébauche d'un grand spectacle, et
ment que tout
touchait à la
il
nommé
lui paraît finale-
cet appareil pyrotechnique fait long feu.
Ces descriptions bizarres furent
verve;
il
ne trouve à
fin
de
le
dernier effort imposé à sa
son supplice.
Son successeur,
depuis un an, arriva dans l'automne de 1079 à bord d'un
vaisseau de guerre (1); c'était ce comte de (luilleragues, ainsi
défini
parBoileau, qui
lui
adressa sa septième épîlre
:
Esprit né pour la cour et maitrc en l'art de plaire,
Guilleragues, qui sais et parler et te taire!
Comme
Nointel, le nou\eaii représentant avait passé par la
magistrature. Possesseur
(I)
Les ordres du
1679. Jal,
Du
Itoi
Quesne,i.
pour
II.
ii
le
p. £i.
Bordeaux d'une charge honorable
à
départ de ce vaisseau sont datés du i juin
la
cour des aides,
était tant plu
il
NOIMEL
LES VOYAGES DU MARQUIS DE
254
([u'il
il
avait fait
de
réputation
s'acquit la
un voyage dans
la capitale et s'y
ne retourna jamais dans sa province.
«
l'homme
le
A
Paris,
du
plus agréable
royaume (1) » et réussit à tel point que Louis XIV voulut le connaître. Les grâces et le piquant de son esprit furent appréciés
du monarque, qui s'en amusa (juelque temps; finalement, quoique Guilleragues n'eût à son
protection
que des services de cour,
actif
d'amis haut placés lui
fit
Constantinople. Cousu de dettes lui-même,
et faire des
économies.
On
il
avait ambitionné
comme
ce poste non pour en contracter d'autres,
pour se libérer
assure
Nointel, mais
même
l'ambassade au rabais, consentant à vivre d'abord sur
que
lui servirait le
commerce de
la
obtenir l'ambassade de
3Iarseille, tandis
qu'il prit
la
que
pension
la
cour
emploierait l'autre moitié de ses appointements à liquider sa
situation et à désintéresser ses créanciers.
Un
article
de ses ins-
tructions lui enjoignait formellement de reprendre l'alTaire
sofa, de la
mener haut
main
la
et d'exiger la
du
remise en usage de
l'ancien cérémonial; l'envoi dans l'Archipel d'une escadre sous
les
ordres de
Du Quesne
appuierait ses revendications.
Au mo-
ment de son départ, le Roi lui ayant dit
Je compte que vous
vous conduirez mieux en Turquie que voti'e prédécesseur », il
:
répondit spirituellement
pas autant à
(1)
BoxxAc,
mon
«
J'espère que Votre Majesté n'en dira
successeur
p. 33.
(2) S.\I.NT-I^RIEST,
:
p 233.
«
(2). »
CONCLUSION
Nointel retoui-na en France sur
son successeur.
Il
le
vaisseau qui avait amené
rapportait une cargaison
de marbres, une
de toiles roulées, de médailliers, des manuscrits sans
série
nombre, une bibliothèque de
lant (1).
livres rares,
et
pas un sou vail-
Un auteur raconte que le Roi avait poussé la
qu'à défendre qu'on
cruauté jus-
à bord en ambassadeur
le traitât
certains le voj'aient déjà mis à la Bastille (2).
:
à Paris,
Ce qui démontre
l'erreur de ces récits et de ces bruits, c'est ([ue Nointel, rentré à
Paris en 1680, eut permission de se présenter à la cour et
instant
le
Roi.
Même, Sa Majesté
audience, dans laquelle
sion.
gère
Malheureusement,
pitié,
il
lui
fit
Il
il
un
espérer une plus longue
un compte verbal de sa mispromesse, surprise à une passa-
rendrait
cette
ne fut pas tenue; l'audience justificatrice qui termi-
nerait ses malheurs, Nointel l'attendait à bref délai
après,
vil
:
cinq ans
attendait encoi'e.
vivait alors à Paris, dans le ({uartier Saint-Rocli; c'était
assurément en ([uelque
logis
médiocre, obscur, sentant
vrelé et abritant pourtant des restes d'opulence,
d'œuvres
d'art et
la j)au-
un désordre
un péle-mèle de choses étranges. Sans doute
Nointel faisait argent de tout cela, lorsqu'il en trouvait l'occasion;
mais celte ressource ne
suffit
pas à le sauver d'un dénuement
extrême. Les détails de son infortune sont na\rants. Pourpren-
(1)
Une
Iradilion conservée à Constantinople veut qu'eu
l'ait
de marbres,
il
emporté certains blocs recueillis par lui seraient aujourd'hui
encastrés dans les gradins qui soutiennent les rues montantes de l'éra.
n'ait pas tout
(2j
:
Sai.nt-Pmiest, p. 232. Bo.vnac, p. 32.
LKs V(tVAC.i:s uv mahoi
->m
dre soin de
n'avait plus sa
de muntki.
is
mère,
celle-ci étant
morte en
1676 à Port-Royal, après avoir espéré jusqu'au boutque
la fortune
lui,
brillante de son
frère qu'il avait
un autre
il
fils
la
consolerait de ses propres disgrâces
emmené
téraux s'émurent de pitié:
compris, Nointel
la
maréchale de Matignon
un jour en consolateur
A
écrit
débute ainsi
:
continuait à regarder du côté de la cour,
l'attention
apparu
(|ni lui (tait
du Roi,
il
remet
la
son compte reudu.
«
défrayer
et qui depuis se voilait obstinément.
pour forcer
la lin,
envoyer par
et
il
Tout
Et toujours chimérique, se
(2).
Roi, de l'astre majestueux
tlu
:
une pen-
par avoir, pour vivre et se
finit
entièrement, trente sols par jour
attendant tout
lit
d'autres ajoutèrent quelque ciiose.
nourrissant d'illusions,
Le
de Malte et courait les mers. Des colla-
était ciicvalier
sion très modique;
(1).
en pays turc était mort à Constantinople
Sire, la bonté
si
Il
imagina de
main
à la
lui
plume
naturelle à Votre Majesté et
qui s'accorde parfaitement avec les qualités les plus excellentes
m'a donné
m'écouter
de croire que Votre Majesté voudrait
recevoir favorablement
le
mon
retour,
et
bien
compte de mon ambas-
m'en donna l'espérance quand
sade. Elle
saluer à
lieu
et
j
eus riioiiiieur de la
quoique j'en attende
la
grâce avec
impatience depuis cinq années, je ne laisse de ressentir une
grande consolation de son retardement. Tout
la
le
monde
connaît
difficulté de soutenir la présence auguste et les pénétrations
d'un monar(iue à
(jui
rien n'éciiappe, et dont
nous ailmirons
le
génie infiniment au-dessus de sa dignité, la plus éle\ ée que l'on
puisse révérer sur la terre: c'est ce qui
à
me fait craindre de
parler
Votre Majesté. Je ne trouve pas moins de peine à exposer
au.x
mêmes
lumières une relation par
écrit,
mais je n'hésite plus
d'en prendre le parti, y étant attiré par la clémence' de Votre
Majesté, par la raison de souhaiter et de craindre son audience,
par le soulagement de ne point l'obtenir à cause de sa grande
(Il
Coite pspéraiipe est mentionnée dans une épitaphe dont
le
texte figure
à la Bibliothèque nalionalc, caliiuel des titres.
ii)
Xous devons c-esrcnscigueiueuls,
geance de
.Al.
de Boislisle.
tirés des .Vrcliives nationales,
;i
l'obli-
cn.\r;i.usi(i\
257
occupation que l'on ne doit pas interrompre,
mon
nécessité de macquitter de
que
devoir de
la
et
enfin par la
meilleure manière
je puis (1). »
Après cet exorde,
il
entre en matière
ses prédécesseurs et de
tique,
:
comme
au lieu de faire
composer un mémoire purement
poli-
se lance très vite dans des descriptions pittores(jues,
il
trace des portraits, et voici que
Mohammed IV nous
apparaît en
chasseur forcené, tâchant de distraire par des exercices effrénés
son obsédante mélancolie, menant campagne contre
guerroyant contre tout
les fauves,
à poil et à plume de son empire,
le gibier
levantdes armées de rabatteurs
«
:
L'on a vu quelquefois jus(|u"ii
vingt et trente mille liommes distribués en différents pelotons
enfermer une grande étendue de pays. On leur assigne
à
chacun
leur route qu'ils doivent tenir fort serrée, en sorte qu'en tant
de jours
ils
puissent arriver à l'endroit qui leur est marqu(',
chassant devant eux fout
ment
le
gibier qu'ils trouvent, particulièie-
le
fauve, les lapins, les bétes puantes et autres espèces.
campé au rendez-vous sur
sultan, qui cependant est
élévations, dans une plaine au milieu des bois
Le
([uel([ues
ou en dehors, voit
venir à lui tous les animaux sauvages d'une grande province;
il
s'avance quelquefois pour anticiper cette décou\erte, et enfin
tout cet
amas de bêtes que
amène de
l'on lui
si
loin pourroit
renouveler la mémoire de celles qui parurent en présence d'Adam
pour recevoir leur nom,
honorablement
et
que Sa Hautesse
ses
armes
ce n'étoit que, bien loin de les
si
d'en conserver au moins l'espèce,
la veuille détruire.
Suivent des réflexions justes
semblent
le
du
(|ui
et
toujours vraies sur l'esprit
aiment
à
régner sur des déserts
volontairement les ressources de leur empire.
mémoire reprend
l'élévation
(1)
tarir
ses ciiiens,
»
destructeur des Ottomans^
Puis,
ti'ailer
semble
en fieu de temps l'on voit
et sa suite, court après, et
un grand carnage.
et
Ce prince avec
il
vizir Ahmed
le
règne actuel à ses débuts, rappelle
Kupruly
bibliotlièque de l'Institut,
ms
et
comment
ce ministre vou-
'U.
17
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOIXTEL
258
montrer en Crète
lut se
qu'
tel
Candie ne pourrait résister
».
court au milieu d'une ligne
le
mort a passé
et
plume entre
Et soudain
bas de
manuscrit s'arrête
le
pour ainsi dire; on l'inhuma
public parisien
conquête de
la
la
la
il
Franche-Comté:
le
lende-
avait entretenu
signalé les étapes
elle avait
:
ds son grand vovage. raconté comment
lem
;
main de l'écrivain. Miné par le cliamourut d'apoplexie le 31 mars 1G85,
les doigts,
lui le
en blanc
la pag'e reste
main ou le surlendemain à Saint-Roch.
Au temps de sa splendeur, la Gazette de France
souvent de
de
la ville
glacé la
grin, usé, vieilli, Nointel
la
;
un foudre auquel
«
avait célébré à Jérusa-
mot de
ses
c'était alors
un
elle avait dit
négociations avec le Turc, avec
le
Polonais
personnage considérable, dont
la
réputation volait au loin.
Quand
il
fut
mort pauvre
et délais.sé, la
souvenir pour ce disparu, cet oublié
:
:
Gazette eut à peine un
trois lignes
:
«
Charles-
François Olier de Nointel, ci-devant conseiller du Roi en sa cour
du parlement
mourut en
La
et
ambassadeur de France
Gazette de Leijde
mentionna
termes. Dans son journal,
bref
été
:
«
M. de Nointel,
(1). »
c'est tout.
sec Dangeau n'est guère moins
mourut à Paris subitement; il avait
le
dil-il,
Il
y
alla ruiné;
Le Roi de temps en temps
quelques petites choses
Et
décès à peu près en mêmei>
le
ambassadeur à Constantinople.
core plus gueux.
à la Porte ottomane,
du mois dernier
cette ville le 31
il
revint en-
lui faisait
donner
(2). »
Nointel méritait nneux que cette dédaigneuse notice.
exagérer
il
la
valeur de son œuvre politique, œuvre très imparfaite,
faut reconnaître que les conséquences en furent grandes et
portèrent loin dans l'avenir.
En prévenant
liens traditionnels avec la Porte,
il
la
Sans
empêcha
la
stabilité,
furent précisément ce qui
assura près des Turcs, jusqu'à
Gazette
(2) T.
].
p.
rupture de nos
toute solution de continuité dans des rapports dont
permanence,
(1)
la
en évitant ce grand brisement,
du 7 aoiU 1G85.
lifi.
la
nous
Révolution, une position
^^^^^ADÏWA^^^^f^^R^^^^^^^^^^^^^^'-
-r.p
£ PLO» nOffRIUT
aC^EDIT
.
Ddtoas
''6r:e(
CU.NCLI'SIO.N
exceptionnelle et privilégiée. Après
vinrent pas iinniédiateinent
bombardement de
259
lui,
faciles
et
Cliio par l'escadre
do
relations ne rede-
les
paisibles. En i6S2, le
Du Qucsne, cpii s'en fut
traquer dans ce port une poignée de corsaires tripolitains, jeta
une grande colère à Constantinoplc; laffaire du sofa en
aggravée. Plus tard, notre ambassadeur Ferriol
de matamore, brava tous les usages de
façons
fut
diplomate k
,
Porto ense
la
présentant à i'audienco du (Irand Seigneur avec son épéo. avec
une longue rapière de brottcur; une furieuse altercation en
résulta.
Néanmoins, à Constantinople comme à Versailles
il
n'y
de rompre. D'autre pari, les Capitulations de
avait plus envie
1673 avaient sauvé notre connnerce. Ce commerce ne reprit pas
élan tout d'abord
;
il
se borna quelque
temps
à se soutenir,
à se
défendre; s'étant ainsi conservé, ayant reçu d'ailleurs une organisation meilleure et une règle stricte,
il
se lrou\ a ou
mesure de
devaient bientôt favoriser son
profiter des circonstances qui
essor.
Ces circonstances se produisirent avant
s'être
heurtée en 1683 contre Vienne;
la lin
la
du
siècle.
Après
puissance ottomane
recula sous la poussée d'une ligue formée entre l'Empereur, le
Pape,
république de Venise,
la
le roi
de Pologne
et le Isar
de
Moscovie. Une succession de désastres, la chute de Budo, la
perte de la Hongrie entière et de la Transylvanie, les victoires
de Sobieski, celles du prince de Lorraine, l'ébranlèrent jus(]u'eu
ses
fondements
L'Europe
et pai'urent la
empire sembla commencé;
malade
mettre k deu.x doigts de sa ruine.
sentit la faiblesse des
»,
l'éternel
le
(1).
le
partage do leur
Turc devint désormais
moribond dont l'agonie
travers les siècles et qui sui\
adversaires
Osmanlis;
i\
«
l'homme
se prolongerait à
rait d'ailleurs k
beaucoup de ses
Frappi's et menacés de toutes parts, les Olto-
(I
Sur Jes almanaelis à vigneltes pour HISO et 1687. on voit une imago où
Allemand, le .Moscovite, le Vénitien. eU-.. se partagent le gâteau ottoman,
qui a l'orme de croissant. Une autre imago représente le Turc sous la ligure
d'un malade, entouré de médecins dont chacun propose sa recette et formule
son ordonnance. Ce sont ces vigneltes que nous reproduisons on voit qu'il
n'y a rien de nouveau sous le soleil, surtout sous le soleil d'Orient.
)
I
:
LES VOYAGES Ul MAKnUlS DE
'2t;0
NOIMEL
mieux en cette crise le prix de notre amitié, la
nécessité de se ménager la grande puissance d'Occident qui
n'avait point pris parti contre eux et dont les guerres en Alleinaiis sentirent
magne, en
Italie, faisaient
diversion en leur faveur.
Leur orgueil
s'humilia: pendant toute la guerre de la ligue d'Augsbourg, de
1089 à 1098,
ment
il
n'ait usé
n'est sorte de concessions dont leur
pour amener Louis
ne point signer
hostilités, à
la
XIV
gouverne-
à prolonger lui-même les
paix sans eux, à lier dans une
certaine mesure leur fortune à la sienne. L'ati'aire du sofa fut
réglée à notre avaiitage, notre ambassadeur remis en possession
de toutes ses prérogatives, écouté, cajolé,
En même
Divan.
temps,
la
initié
aux secrets du
Porte se montrait prête à non»
accorder, en matière de commerce, des privilèges considérables
et exclusifs.
Seignelay,
fils
et
successeur de Colbert. profita de ces dispo-
sitions; son attention se porta notamment sur l'Egypte, sur cette
terre
où
le
arand dessein paternel n'avait pas
même reçu un com-
d'exécution. Notre ambassadeur Girardin eut ordre
mencement
de reprendre les pourparlers au sujet de la mer Rouge.
les pièces
la négociation,
de
mûri;
tive a
les conditions
il
nettement indiquées; même,
dans un document
fois
lité
.sépare les
(|ui
d'étabhr
ranée
Le
«
que
A
lire
l'idée primi-
dans lesquelles pourra s'opérer
marchandises de Suez à
transfert des
naturelle
est facile de voir
la
la
pensée de rompre
deux mers apparaît pour
français;
la barrière
la
une dépêche signale
un canal de jonction de
la
le
Méditerranée sont plus
première
la possibi-
mer Rouge à la Méditer-
(1) ».
projet de faire repasser par l'isthme de Suez la route des
Indes échoua pourtant contre la mauvaise volonté des beys
mamelouks
et des
milices effrénées qui dominaient l'Egypte;
l'ancienne monarchie s'y obstinerait en vain jusqu'à son dernier
jour et ne pourrait qu indiquer les voies où s'orienterait l'avenir.
(1)
.j
octobre IG80. lîibliothèque nationale,
J/i'Hioices
swle de M. Girardin, fds français, n" 71 6â et
Louis
XIV
et
l
Egypte, p. 38-31».
siiiv.
manuscrits de l'ambasnotre Mémoire sur
Cf.
CONCM'SION
-2M
Elle fut plus heureuse dans ses tentatives pour fortitier notre
position en Egypte
reparu. Dès 1()H3,
la
douane de vingt à
aux seuls
même,
oîi les
autres nations n'avaient point
Porte consentit à
la
réduction des droits de
trois
pour cent, en restreignant ce privilcge
Frani^'ais: ce
succès capital fut accompagné de beau-
coup d'autres. Notre ambassadeur obtenait en un jour
dix firmans au profit de nos
et
jusqu'<à
marchands du Caire ou d'Alexandrie,
l'ensemble de ces actes compose ce qu'on pourrait appeler
la
charte d'allVanchissement de nos nationaux dÉgvpte; c'est à
partir de ce
moment que
l'Egypte devient pour notre influence
un terrain privilégié, un foyer d'expansion (1).
Dans les autres Échelles, où nous avions eu moins à souffrir,
la situation de nos nationaux s'améhora également. Les avanies
s'espacèrent, les Capitulations furent plus fidèlement observées.
Le nombre de nos comptoirs put
se multiplier;
de nouveaux
débouchés s'ouvrirent. Les mesures prises par Colbert. Seignelay, Pontchartrain.
mencent
alors
il
pour ranimer notre négoce du Levant, com-
porter leurs fruits, et les vingt-cinq dernières
années du règne de Louis
d'un progrès décisif
essor,
i2).
marquent pour nous l'époque
Au coins du dix-huilième siècle, cet
malgré des interruptions
néanmoins, s'accentue
nouissement.
A
et finit
durera jusqu'à
s'effacent
:
la
et
des épreuves,
se [loursuit
par aboutir à un spiendide épa-
partir de 17iO, notre primauté redevient abso-
lue; elle
n'est
WY
la
Révolution
(8).
Nos concurrents
Hollande en décadence renonce à
plus que l'ombre d'elle-même;
les
la lutte;
Anglais
se
Venise
laissent
repousser au second rang, loin derrière nous. Le connnerce avec
la
Turquie enrichit
les
pro\inies méridionales du royaume,
assure aux produits de plusieui's industries françaises un débit
(1) Archives des alTaires étrangères correspondance des consuls au Caire,
rapports des agents rliargés de la visite des Echelles en 168.5-80-87, 170C.
1719-17:20. 17;ii; dépêches de la diamhre du commerce de Marseille au
ministre de la marine, vol III à XIV.
(•2) Voyez notainiueiit .Masson, llistnire du commerce français dans le Levant
au xvu'siVc/p, p. 21C-."}0(i
(:i( Voyez notamment noire ouvriitre
l'ne ambassade française en Orient
;
:
sous
Loiii'i
XV.
la
mission du
(H(ir./iii.ç
de Villeneuve, p
•i27-f3I.
LKS VOYAGES
262
permanent
l)f
et rcininiérateur;
propriétés de la monarchie
M AROTIS DE
constitue l'une des plus belles
«
il
»
(1)
XniMEL
;
en
fait
pécuniaires, nos comptoirs du Levant,
de profits matériels et
en pays où la
situés
France ne possède pas en propre un pouce du
portent autant que
de
colonies
véritables
possessions, autant que nos
florissantes
que nos établissements de l'Inde
d'empire colonial qui n'exige
ni
:
c'est
sol,
nous rap-
autant
,
Iles
que
de
d'Amérique ou
pour nous une sorte
occupation militaire
ni
coûteux
entretien de gouverneurs et d'agents, un empire colonial à
bon
marché.
Les Capitulations de 1673
parement pacifique; ce
le
se retrouvent à l'origine de cet acca-
fut l'un des actes qui le préparèrent et
rendirent possible à longue échéance. Dans l'histoire de la
économique du Levant par
pént'tration
la
France,
elles relient
l'œuvre restauratrice des trois derniers Bourbons à l'ceuvre
presque anéantie des Valois, servent de transition entre deux
périodes distinctes. Pendant
i535 à 1670,
la
première, celle qui s'étend de
la
France exerce d'abord un véritable monopole,
qu'elle se voit disputer bientôt et qu'elle perd finalement;
dant la seconde période,
celle qui
va de 1670 à 1780,
la
ne prétend plus à un monopole, accepte la concurrence
pen-
France
et,
sans
chercher à exclure ses rivaux, s'attache et parvient à les distancer.
L'ambassade de Nointel marque
nouvelle
et
de ce relèvement;
elle
le
début de cette politique
permit à notre commerce, qui
touchait alors au fond de son déclin, de reprendre sa lente ascension vers de glorieu.x sommets.
La France
reçut de Nointel un autre legs.
nement de réunir son immense
Il
collection en
avait rêvé certai-
un
lieu spécial et
unique, aménagé avec luxe, et de former ce qu'on eût appelé de
nos jours
le
musée Nointel. Hélas! les destins en décidèrent autre-
ment. La dispersion de son butin avait commencé vraisembla-
blement de son vivant; après sa mort,
rable.
(1)
Le résultat final de l'ambassade
Paroles de
Voyez
elle fut
fut de
complète, irrépa-
mettre en circulation
Cluiiseul-Goiif'liei', ledci-iiierainbassaiieur
l^iMG.vru. Iai France en Orient sous IjOiiis
XIV.
do
la
monarchie.
CO.NCl.rslON
un nombre incalculable de débris
263
de raretés orientales,
anti([ues,
de manuscrits, liasses, papiers; quelle aubaine pour
en main;
En
aux quatre coins de
se disséminèrent
ils
eux aussi eurent leur odyssée,
oii la
l'oubli; déjà
on a vu reparaître
principales pièces de la collection,
mar-
comme
les
France;
la
légende se mêle à
notre temps très attentif aux vestiges du passé,
peu à peu de
les
Ces objets passèrent de main
ciiands, les curieux, les amateurs!
l'histoire.
ils
sortent
surnager
et
les
épaves d'un grand
naufrage.
Les papiers d'abord;
Comme
divers.
très
comme
tons,
il
a laissi'
il
en est de toute sorte, dans des lieux
Nointel avait
la
encombrer des bibliothèques, ou retrouve un peu partout de
sa longue et caractéristique écriture
le
rage, la manie d'écrire,
de quoi composer des volumes, gonfler des car-
:
aux Affaires étrangères,
gros de la correspondance, avec d'innombrables annexes; aux
Archives nationales, une série de pièces
de l'Institut,
1()79,
avec
le
le
(1); à la
bibliothèque
duplicata des lettres adressées au Roi de 1677 à
mémoire
final
dont nous avons parlé
et d'autres
encore; à la Bibliothèque nationale, les lettres adressées au
grand Arnauld pendant toute
la
durée de l'ambassade, témoi-
gnage d'une amitié dontNointel pouvait justement s'honorer
(2).
Certains papiers ont émigré en pays étranger et trouvé refuge à
la bibliothèque royale
aux
de Munich. Les attestations demandées
églises d'Orient sont partagées entre
Rouen
et la
la
bibhothèque de
Hibliothèque nationale. Celle-ci conserve en outre,
éparse entre divers fonds, une quantité de notes et d'ébauches,
éléments du grand ouvrage descriptif toujours rêvé, jamais écrit
Un
\oluine en est presque rempli (3): là,
il
y a de tout
mémoire demandé par l'ambassadeur sur
l'Altique et ses
ments, avec cro(]uisà l'appui, de rapides
mémi'iito,
(1) K. I3.V;3.
1348.
Collectioa Hcnaudol.
(3) Suppl. grec,|>. 301.
(2)
littéraire,
un
des question-
ou moins
scienti-
un opuscule
bizarre,
naires, et voici qu'au milieu de ce fatras plus
Gque émerge un essai purement
:
monu-
LES VUVAGES
264
MAUQL
Di;
IS IIK
MUNTKL
autograpiie, raturé à outrance, portant ce titre
qui s'est passé dans
med quatrième,
les
Dialogue de ce
:
enfers entre les deux grands vizirs de
soit entre les
deux Kupruly,
Moham-
premier
le
et le
deuxième du nom, le père et le fils.
C'est une manière d'oraison funèbre, burlesque et engeresse,
que Nointel a dû composer après la mort d'Abiiied Kupruh'. Il
\
montre
de son trépas, descendant droit aux
le vizir, à l'instant
enfers. Là, cet incorrigible
cber sa
soif.
buveur demande tout d'abord
Supplice liorrible pour un ivrogne, on
au lieu de vin, l'eau du Létlié. Kupruly se
fait tant (|u"on le
mène au grand
ce vice-roi des enfers,
il
rebiffe, s'indigne et
surprise! en
de Pluton.
vizir
reconnaît son propre père,
de premier ministre dans
le
à étan-
présente,
lui
ténébreux empire
:
promu au lang
«
Ce lieutenant
général de Pluton avait un turban noir d'une bauteur prodigieuse; sa barbe supérieure et inférieure et le poil de ses sourcils et celui
de ses narines se mêlaient;
ils ('-taient
cause que l'on
entrevoyait seulement de grands yeux à ilemi ou\ erts d'où sortaient des rayons de rage et de mépris
Le père
et le fils se
accusé d'avoir
grâce et
donnée
la, je
fait
reprocbent mutuellement leuis
périr
un innocent,
même de justice, confondez
ma sûreté et surtout à celle
Abmed
la
<à
vous
prie,
avec
la
(|uf
pliilosopliie et
jjar s'apaiseï' et
mon maître,
:
Eb! de
goutte de sang que
»
Les deux
j'ai
confondez-
(uiilires
iinis-
continuent leur controverse sur
elles di'battent les j)kis liantes (|ueslions
et leurs
de
discours deviennent de plus en plus
abstrus et pesants, bien dignes de licn'mir
dreux grimoires
La
«
de religion, h grand renfort d'arguments, à coups
de syllogismes,
(1)
forfaits
:
par votre autorité ont coulé de
tous les endroits de l'empire ottoman.
un mode plus doux;
de
réplique
mer Rouge que vous avez formée de
toutes ces rivières de sang
sent poui'tant
»
."i
jamais p;u'mi
ib'
jiou-
(Ij.
liil]liiithèc|Lie
de
riiislihil iiossèdi'
un
essai de Noinlel dans le genre
historique, un apcrfu sur les Ueiiiii-res récolutions de Hongriv : on v trouve
nolamiuenl des aspeils de nature rendus sous une l'orme assez vive et pillo-
resque.
C(iM:i.rsiii.\
L'ambassade ont
pourtaiil
iiii
^65
n'sultat littéraire, inattendu et
charmant. Après ses séjours en Orient, Galland
s'était
mis à en
produire les résultats scientifiques. Toujours simple et modeste,
quoique fortement protégée, membre de l'Académie des inscriptions et presque célèbre,
il
travaillait
sans relâche, accumulait de
doctes mémoires et se délassait en traduisant les contes arabes
naguère sous des cicux ardents,
recueillis là-bas, ces contes éclos
autour de
la
prodigieuse Bagdad, au pays des sables et des
mirages. Galland les écrivait d'un style doux et coulant, avec un
naturel parfait
goût pudibond:
une Nuits
La
les
il
;
(-"est
expurgeait aussi
sous cette forme
et les appropriait à
(pi'il
nous
son
livra les Mille
cl
(1).
publication
huitième siècle:
commença dans
les
premières années du dix-
succès en fut innnense, et depuis lors ces
le
faciles histoires, sans cesse
les langues, transportées
réimprimées, traduites dans toutes
dans
le
roman
et
sur la scène, rema-
niées et démarquées de mille façons, ont ouvert aux peuples
d'Occident les sources d'un merveilleux nouveau ou du moins
transformé
(2); elles ont enrichi le
fonds
commun
nation européenne. Les personnages des Mille
omnipotents
et
vase en colomie de fumée
et
fripons, génies qui sortent d'un
premient tout à coup grimaçante
figure, Haaroun-al-Raschid. Ctiafai-. Mesroui-.
Aladin. Sindbad
fictifs
une Xuit.s, califes
débonnaires, sultanes adroites et bien disantes,
marchands aventureux, esclaves
ou
et
de l'imagi-
le
Zobéide, Aminé,
marin, les trois ("alenders, tous ces êtres réels
sont devenus aussi populaires parmi nous que les héros
de nos vieilles et nationales légendes. Mieux que d'austères tra-
vaux, les aventures de Schéhérazade nous ont familiarisés avec
la
comédie
àme.
(1)
A
On
et la
Galland
sait
tragédie de l'Orient, avec ses
revieiil
que M.
le
mœurs, sa
vie,
son
l'honneur d'avoir glané ces récits impré-
[)' .1.-'!
.M.vnuRrs publie en ce
H
moment une traduo
une .\uits. Le texte arabe, édulcnré
par Galland, y est rendu dans toute son originale saveur
(2) t On y trouve aussi beaucoup do traditions antiques, que plusieurs
nations ont rapportées à leur manière I/liistoire de Phèdre et celle de
Circé y sont très aisées à recoiinailre
'La IIahpe. Disse) tulion sur les romans.
tion complète et littérale des Mille
.
LES VOYAGES
266
MARQUIS DE NOIXTEL
Di:
gnés d'un parfum lointain
et ('"vocateur,
présentés avec grâce; mais Nointel
et
champs où s'épanouissent
les
nant à Constantinople, en
lui faisant
de
la Palestine,
:
lui avait
ouvert
ouvrant l'accès du
lui
il
premier
le
ces fleurs fantasques; en l'ame-
monde levantin,
lentement parcourir les rivages de Syrie
en
trouver
de les avoir liés en gerbe
et les villes
donné tous moyens de chercher
lui avait
et
de
pour ce génie découvreur, impatient de se manifester,
ce fut l'occasion, l'impulsion.
Que devinrent
les tableaux, dessins, esquisses, figures, cro-
quis, destinés par Nointel à illustrer les récits de ses
Les dessins,
feuilles volantes, se dispersèrent h tous les vents.
Sauf ceux du Parthénon.
jusqu'à nous.
en 1871,
dans
le
La
il
feules détruisit.
Il suffit
n'en est guère qui soient parvenus
bibliothèque du Louvre en conservait une série
la collection
Nointel.
voyages?
Au
Hennin un dessin
d'examiner
le
;
cabinet des estampes, on trouve
intitulé
L'niiilieiice
;
cérémonial et
de
M.
de
costumes pour
les
se convaincre qu'il ne s'agit nullement do notre ambassadeur,
mais d'un simple agent, un de ceux probablement qui furent
envoyés pendant
la
période antérieure.
La
série
Topoijiajiliie
possède une grande Vue de Damas, tracée aux crayons rouge
comme
noir,
les dessins
d'Athènes, avec lesquels
une certaine analogie de facture
voyage. Nointel,
Damas, mais
s'y
il
fit
;
ne
est vrai,
on peut donc
fut
elle
et
présente
la rattacher
au
jamais de sa personne à
représenter par son dessinateur
(1).
Les tableaux, grâce à leurs dimensions, s'égarèrent moins
facilement que les dessins. Pourtant, la grande toile qui repré-
demeura
sente Athènes fut longtemps plus qu'oubliée; elle
qu'à ces derniers temps inconnue, ignorée.
on
Il
y a
jus-
peu d'années,
trouva chez un marchand de la Cité, au cœur du \ii'ux
la
Paris.
Sa provenance ayant
été reconnue, le
musée de Chartres
l'acquit parce qu'on croyait Nointel originaire des environs de
cette ville.
Heureuse méprise
!
elle est
cause que l'œuvre réside
aujourd'hui en heu public et en bonne compagnie.
(1)
Voyez en
Damas parmi
comment il range le tableau des Eaux de
exécutés d'après les croquis iiris en route.
effet à la p. 1!I3
cevix qui furent
CONFUSION
2ii7
D'autres grands taltleaux, VAudieiicfi du vizir, l'Arrivée devant
Jérusalem, la Cérémonie du feu sacré, furent très longtemps con-
servés aux portes de Paris, dans
Le
célèbre et splcndide.
de Bercy avaient un
était assez vaste
fait
le
rhàteau de Bercy, demeure
s'explique aisément
lien de parenté avec Nointcl
pour donner
l'iiospitaliti''
les seigneurs
:
(1)
;
leur château
à d'inunenses toiles qui
eussent difficilement trouvé à se loger en dehors d'une résidence
princière;
de les
ils
rendirent au malheureux ambassadeur
le
service
acheter et de l'en débarrasser, à moins qu'ils ne les
lui
aient reçues de lui en donation ou en legs.
A
Bercy, les tableaux étaient vraiment à leur place, en de
hauts appartements dorés, près des jardins dessinés par Lenô-
dans un merveilleux ensemble décoratif.
tre,
on
Au
siècle dernier,
encore parmi les curiosités du château
les citait
(2).
Sur-
vinrent les révolutions, les vicissitudes publiques et privées;
le
château de Bercy fut négligé par ses propriétaires, laissé à l'aban-
don; finalement, en 1861,
merveille.
On
la spéculation l'acquit et détruisit cette
mit le mobilier à l'encan: les tableaux reparurent
alors, noircis, détériorés, lamentables.
Un
enduit de poussière
de moisissure les recouvrait; les toiles gondolées se fendil-
et
laient; la peinture s'écaillait et tombait par endroits.
chand de Paris acheta ces restes
et les
fit
réparer; un
Cn marama-
rich(^
teur, .M. 3Ioselmann, les acquit plus tard. Depuis, le hasard des
héritages et des convenances particulières
Pour
les reli'ouver,
il
actuels,
là
La
fallu d'assez
leur dispersion.
longues recherches
et
bonne grâce des propriétaires
laquelle nous devons un juste honmiage, nous a permis
d'heureuses fortunes.
de
nous a
amena
les étudier
parfaite
de près et d'en faire exécuter (pielques reproduc-
tions.
Sa mère était sœur de Charles-Henri I" rie Malon. seigneur de Bercy.
famille actuelle de Nicolav est héritière des Malon de Bercy et a longtemps possédé leur château. Voyez Botsusi.F.. avant-propos de la Topugrapliie
hisloriqup de la seigneiiii'e de Bi'vrij, dans les Mémoires de la Société de l'Iii.sloire
de Paris Cf. S.\b.\tieh, l.e château de UerciJ
CI)
La
(2)
Bhick, Description de Paris,
rique de
lu ville
de Paris.
ITii").
p
t.
lis.
IV, p. 358.
Pi(;.\.\ior.
.
Description histo-
LES VOYAGES
208
1)1'
MAROIIS DE NOINTEL
h'ÀiiiIieiu-e du ijranil vizir nous est apparue au cliàteau d'Araman, près de Verberie-sur-Oise (1). La Cérinnonie du feu sacfé est
au château de Sassy
examinée dans
passé
s'allie
(2),
en Normandie; nous l'avons longuement
demeure seigneuriale,
cette belle
dignement
oîi le
culte
à l'intelligence la plus large de la société
moderne. Le tableau représentant ï Arrivée devant Jérusalem
resté en plein Paris, dans
en ignorait absolument
quand
mois,
le
«
du
le
une maison particulière
sujet et la provenance.
César d'Allemagne
»,
(3);
y a
Il
comme
était
mais on
quelques
disaient les
Turcs contemporains de Nointel, sapprocbait impérialement de
Jérusalem, nul ne se doutait
même
une scène de
ordre,
([ue Paris "couservait
en peinture
plus de deux fois centenaire: un
ambassadeur du Roi s'acheminant vers Jérusalem, en pèlerin
et
en paladin, pour ressusciter
et
conquérir
Au
les
imaginations
vieux prestige de
le
la
France
(4i.
jiremier [ilan de ce tableau, à droite, Noinlel s'avance en
monte une grande bête fougueuse, qui
jambes de derrière et s'enlè\e frémissante,
triompliateur équestre.
se dresse sur ses
Il
secouant une bride superbement ornée
PSoiutel parle
dans sa dépèche
(pif l'on
m'amena
la partie
gauche,
:
«
jiour ciiangerle
le
;
c'est bien le
cheval dont
un cheval richement harnaché
mien un peu fatigué
(5). »
Sur
consul de Seyde, qui accompagnait l'ambas-
sadeur, paraît également monté, mais en moins fière posture;
ils
sont suivis l'un et l'autre de cavaliers vêtus à l'européenne ou à
lu Itu'ijue.
Des gens du pays, des gens à turban,
s'agitent en tous
,ip|i:irtieiit jnijcnird hiii
M de Maindrcville.
duc d'AiidillVi't-l'asquier.
(:i) -\u luiinéro i de la rue de .Mariirnan. dans une maison ap|iarten.int à
Mme la niar(|uise de Chasseloup-Lauliat
l) Nous nous sommes demandé si le tableau
en question représentait
l'an-ivée devant .lérusalcm ou devant .\lep
l'aspect des lieux el surtout
l'alisence de la forteresse ([ui domine Alep nous ont fait penclier pour la
ville sainte. Cf. ;i la liibliothéque uatiotiale. série tdpofiraphie, les anciens
dessins et estampes qui représentent .lérusalem et Alep
Les auteurs ne sont pas d"accord sur le nombre des tableaux cjui étaient
conservés à Bercv: les uns disent trois, les autres ipialre; nous n'en avons
retrouvé (pie trois.
(.j) Lettre au lini. 10 avril Kwi.
fil l.e
i'I)
cliàteau (l'Ar.iinaii
A|ipartenant
;i
;i
.M. le
(
:
SKIN
CO.NCI.l
sens
269
paraissent en jjtoie à un violent enthousiasme. Los deux
l'L
groupes de cavaliers s'écartent suffisamment pour laisser \oir
dans
lointain Jérusalem, avec son enceinte quadrangulaire,
le
ses toits pressés, ses coupoles trapues, posée
carré blanc sur de rocheuses collines. Et ce
comme dans
tableau,
semblent
vir de cadre et de perspective
dirait d'un
aux
album gigantesque
grand
frappe dans ce
Athènes, c'est que les
lelui représentanl
villes et sites les plus célèbres
comme un
(|ui
uni(|uemcnt pour ser-
là
exploits de l'ambassadeur.
oli
il
grandioses de sa vie, la série de ses actions insignes. C'est
toujours
tableau
lui.
:
(|ni
c'est
parait au |irêmier plan <[
Xointel
On
a fait se dérouler les pages
fait le
\
rai siijcl
lui,
du
J('TUsalem. N'oiutel explorant
visitant
Athènes, Nointel atteignant les contrées
sant superbe, in)périeux. dominateur,
et
les plus reculées, pas-
s'épanouissant dans sa
vanité énorme.
deux tableaux d'un genre parlond)és plus tard aux mains del'Ktat et envoyés en 1803
Faut-il rattacher à sa collection
ticulier
au nmsée de Bordeaux, qui
les
possède encore?
une audience du Grand Seigneur
l'on olfrait à
toul
el
le
représentent
Ils
repas à
la
lnr(]ne (|ue
aMd)assadeur, avant de i'inlroduire chez Sa
Hautessc. .Mais l'ambassadeur fêté n'est pas cette fois Nointel;
un de ses successeurs, à moins que ce ne soit son collègue
d'Angleterre. On se souvient en effet que le peintre envoyé par
c'est
Nointel en
KiTo à Andrinople, pour y cherclierdes snjels de
tableaux, vit de près la réception d'un envoyé brilanni(jue; la
dépéciie du 6 juin KiT.j ajoute que cet artiste, Carrey selon toute
vraisemblance, dessina notannnent la scène du repas; cette coïncidence est à noter, sans
i|u'e!le
tude et de dater les tableaux
permette d
idi>ntilier
avec certi-
(1;.
(Il .M de l;i Ville de Mirmont, qui prépare un ouvi-age sur le musée de
Uoi-deaux, a bien voulu nous lonununiipier des renseignements précis sur
1. 'auteur du catalogue
la controverse à laquelle ont donné lieu ces tableaux.
de 185.5 y a vu la réception do (luilleragucs; Clément de His v a vu la réception de Nointel lui-même. Celte seconde tivpolhése doit être ab%olumenl
écartée d'après l'examen des figures, des costumes, et leur comparaison
avec
les
documonis
on ne prèle
Comme
ipi'aux riches,
deux tableaux à sujets turcs récem-
LES VOYAGES
270
llU
MARIJUIS UE NOINTEL
Les peintures commandées indubitablement par
dues à
mand
la
de Carrey avec
la collaboration
ont toutes
mêmes
qualités,
mêmes
N'ointel et
second peintre
le
marque d'une époque qui voyait grand
et visait
aux
effets
magnificence, mais la facture est lourde, molle, empâtée,
donnance
artificielle et
monotone. Les
bablement de couleurs mauvaises,
morts; seuls, les rouges
curités
vaguement
et les
colorées.
fla-
défauts. Elles portent
de
l'or-
artistes s'étant servis proles Ions
aujourd'bui sont
blancs éclatent eu milieu dobs-
Les personnages de second plan
se
distinguent à peine, nébuleux. Ces tableaux sont restés intéressants;
ils
ne furent jamais beaux; leur valeur artistique est loin
d'égaler leur importance documentaire.
Les véritables joyaux de
dans nos dépôts publics
Nameh
a la
était
la collection finirent
et
par trouver asile
nos musées. Dès 1739,
bibliothèque du Roi
:
le Miriidji-
tour à tour impériale,
royale, nationale, cette première bibliothèque de France con-
serve encore
le
miration
d'étude.
et
vieux manuscrit et l'expose
Le grand marbre
à
comme
objet
dad-
inscription enlevé
d'Athènes paraît avoir apjiartenu successivement à Thévenot,
garde de
tiable
la
bibliothèque royale, à Baudelot de Dairval, insa-
collectionneur;
il
fut
donné ensite à l'Académie des
criptions et placé dans une salle proche de celle où la
tenait ses séances (1).
au musée
îles
Après avoir émigré pendant
inonunteiits français,
il
est
la
bres de Nointel
nom
de celui qui
», tel est le tilre.sous
Révolution
maintenant au Lou\re,
avec un autre provenant également de l'ambassade;
tuent le souvenir et le
ins-
compagnie
les
lequel
rapporta.
ils
ils
«
y perpéLes mar-
sont officiellement
désignés, catalogués, présentés au public. Effrités et fendus,
figurent,
parmi tant d'acquisitions plus récentes
ment acquis par
ils
et plus belles,
à
le musée de Versailles parurent aussi se rapporter à l'ambassade de Nointel, à cette mission essentiellement artistique et féconde.
.\prés avoir minutieusement examiné ces deux toiles avec .M. de Noltiac,
l'éminent conservateur du musée, nous avons acquis la conviction qu'elles
sont d'une date bien postérieure.
(i) Voyez Froh.xer, Les inscriptiom grecques du musée du Louvre, t. V à X,
Cf. Lauorde, Athènes aux x\', xvr. \vn' siècles, t. III, p. 89, 144, 160.
SKlX
Cli.M.I.I
l'état
(le
vénérables ancêtres. Mais
271
le ilociinient
resté par excel-
lence vivant et en usage, celui dont les années n'ont
menter
qu'aug-
fait
la valeur, celui qui doit au progrès des éludes archéo-
logiques une illustration croissante, c'est la série des dessins
représentant les frises du Parthénon, les métopes, les frontons,
tout ce merveilleux décor.
Ils
eurent des fortunes diverses.
On
les ajjerçoit,
pendant
le
dix-huitième siècle, aux mains d'un amateur célèbre, l'intendant
Michel Bégon, type curieux de collectioiuieur d'autan
Montfaucon
étaient alors connus, appréciés.
s'en ser\ait
pour
reproduire deux des métopes, dans son Antiquité expliquée.
1770,
ils
arrivèrent à la bibliothèque royale, avec
d'estampes formée par Bégon
;
ils
la
Us
(1).
En
collection
y furent victimes d'abord d'une
négligence coupable. Relégué au fond d'un rayon, caché derrière d'autres
volumes,
poussière et roul)li; on
le
précieux cahier s'ensevelit dans la
le crut
lus déplorait sa disparition.
perdu.
En
1764, le comte de Cay-
Plus tard, l'académicien Grosley
le
croyait passé en Angleterre et adjurait le possesseur inconnu de
se révéler.
Un
hasard
Bibliothèque. Sous
le
fit
retrouver
le
cahier en 17117 ou 1798 à la
règne de Napoléon, lors du rangement gé-
néral qui suivit la confusion révolutionnaire,
belle couverture de
riales, et le voici
c'est
il
d'une
fut revêtu
maroquin rouge, timbrée aux armes impé-
déruiilivemenl installé au cabinet des estampes;
aussi en 1811
que
le
nom
de Carrey
lui fui
accolé par
erreur.
Bientôt, les meilleurs érudits, Qiuitremère de Quincv, BriJndsted,
Raoul Rochette, signalent son existence. En 1834,
de Laborde l'exhume de
l'oiiilire
ouvrage sur Athènes aux xv% xvr
En même temps,
son ouvrage sur
le
Mais l'impulsion
est
il
tente
comte
des bibliotiièqucs. Dans son
et
pas à parler longuement des dessins,
uns.
le
xvn' siècles,
en
il
fait
il
ne se borne
graver quelques-
une reproduction générale dans
Parthénon, resté malheureusement inachevé.
donnée,
et cette tentative
d'un grand ami de
Un curieux du xvni'
(1) Voyez le livre du regrellê M. Dli'I.kssis
Michel Béijon, inleudant de la Rochelle, p. 140-141.
:
siècle,
LKS
±-i
des arts va trouver de
la science el
ne citer que
MAKOl
V(iV.\(ii:s DL'
XUINTICL
IS l)K
nombreux
l'atlas joint à son u'uvrc capitale,
M. Onionl. menait
techniques a permis de
en lumière
la
le
à
final
Pendant notre
une publica-
fin
et
scrupuleusement
de l'ûnnre entreprise au dix-
pauvre ambassadeur
artiste
chef-d'œuvre culminant de
le
fort
un de nos érudits
bonne
rendre élégante
complément
septième siècle par
dans
Le perfectionnemcnl des procédés
intégrale et précise.
fidèle: c'est le
Pour
Plus lard, un
ih-r Paitlicnoii.
satisfaisante des frontons. Enlin. l'an dernier,
les plus distingués,
t'ac-siniili'
allemand donne une reproduction
recueil archéologique
tion
imitateurs.
principaux, Michaëlis insère un
les
la
pour remettre
sculpure antique.
siècle, les liisloriens de l'art grec n'ont
négligé de recourir aux originaux;
ils les
jamais
ont consultés, exami-
nés à la loupe, patiemment scrutés; c'est grâce à ces dessins
(ju'il
a fallu passer par Paris, autant que
retrouver Athènes,
hommage
lit
Londres, pour
pai-
tous les auteurs, sans exception, ont lendu
à Noinlel, publié l'utilité de son (tuvi-c,
reconnu que
nul plus que lui n'avait identifié en Orient la cause de la France
et celle
des nobles études. Avant
déciùre sa vie
nime témoignage
nom
même
qu'on eut entrepris
el (ré'vO(pn'r s(in ('Irange pli\
lui
avail
sionumie. cet una-
v.du une célébritt' posthume.
est aujourd'inii insi'parable
du Parthénon
;
Son
est à jamais
il
incrilsurle mai-bre |ienléli(|ue, celle chair innuortelle des dieux,
cette incorrn]jlil)lc
matière dont est
fait
le
temple qui surgit
radieux au sommet de r.\cni])(de. Tanl d'eiroils
et
de tra\aux
mérilaienl bien celte justice tardive, car Nointcl se dévoua et se
sacrifia
(ît
vraimenl au culte du beau, à ses ambitions de cherchem-
d'artiste.
jiéi'ils,
Pour
les
satisfaire,
les fléaux, les sables brûlants
on
on
l'avait
vu affronter mille
liraverles brigands de Icrrr el de mer. les intempéries et
l'avait
de Syrie elles
vu se dresser superbe contre
fiè^•res
la colère
de rAtli(]ue;
des
Ilots. Il
sur-
monta ces épreuves, mais succomba aux vulgaires embarras
d'argenl (pic
lui
ce fut elle, en
occasionna sa
somme.
(]ui.
linsllraie el
fructueuse tournée;
ruinant ses finances,
cas d'outrepasser ses droits d'amijassadcur.
le
mil dans
le
de recourir à de
Cd.Nci.rsid.N
'•ontlamnablcs cxpodicnts
mort
civile
et
Je
s'al tirer la
27:i
disgrâce royale, cette
des gentilshommes d'autrefois.
passion l'avait conduit à de beaux trioinplies
à cause d'elle,
iiéros
de
mais
la curiosité;
;
Son aventureuse
plus tard,
souiirit aussi cruellement.
il
en fut
le
11
il
pécha
avait été le
martyr.
18
APPENDICE
I
ARCHIVES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ConstantiiKiple, vol. 7,
f"
202
22 aoust 1663
Second Mémoire du
telet n'en al faut
vers
le
Roi/
pour srrrird'inalntrt'ion au sieur de
à Coiixtantimp/e. eu
rj
la
Haije-Van-
un/ /té d'ambassadeur de Sa Majesté
Grand Seigneur.
II est certain que les Anglois et les liollaiidois ont un grand commerce estably dans les Indes Orientalles, d'où ils tirent une si grande
quantité de marchandises de toutes sortes qui leur eoustent si peu
qu'elles leur donnent un profit de 12 ou 15 millions de livres tous les
ans, ce qui est
Il
est certain
dune
notoriété publique incontestable.
de plus qu'ils remplissent toute l'Europe depuis
le
nord
jusques au sud, de toutes marcliandises venant des Indes, niesme
France,
l'Italie et
la
l'Espagne;
Qu'on peut encore advancer avec la mesme certitude (pie les mêmes
marchandises venant à présent des Indes par le cap de Bonne-Espérance, avant que les Anglois et les llollandois eussent doublé ce cap et
porté leur commerce par mer jusque dans les Indes, venoient parles
caravannes au travers les Estais du (jrand Seigneur dans les eschelles
du Levant où elles estoient acheptées par les François et ensuite distribuées tant en France que dans toute l'Italie. Allemagne et autres pays
de l'Europe;
Que
ces
mesmes marchandises venant pai'
les
caravannes sont beau-
AI'I'E.NDICK
coup [)lii# chùres ijug
mer, que les Anglois
mer
275-
viennent directement des Indes par
Hollandois nont aucune place dans toute la
Méditerrannée et qu'ainsi ils sont oiiiigés de porter esgallement'
en Angleterre
et
celles qui
et
en Hollande
les
marchandises
(pii
leur viennent des
eschelles de Levant et des Indes, et celles-cy venant avec une prodi-
gieuse abondance à un prix fort modique, celles-là sont beaucoup plus
chères, et par conséquent ou ils y perdent ou ils y gagnent beaucoup
moins, et sur la difficulté quipourroit naistre de ce discours que s'ils
perdentou gagnent moins surcelles venant des eschelles que sur celles
des Indes, ils no devraient point prendre celles-là. il est facile d'y
répondre, veu que le commerce ne consiste pas seulement à avoir avec
abondance les marchandises nécessaires, mais mesme d'empescher
que les autres n'en puissent avoir, parce qu'alors ceux qui se sont pu
rendre maîtres du commerce jusques à ce point mettent tel prix qu'ils
veulent aux marchandises, et c'est ce qui fait le prodigieux gain que'
Hollandois et Anglois font sur le commerce, lequel a augmenté considérablement de])uis qu'ils l'ont estably dans les Estats du (irand Seigneur, parce qu'auparavant les mesmes marchandises qu'ils tiroient
des Indes estoient aussy tirées par les François des eschelles et
estoientpar eux distribuées en France, Allemagne et Italie, à un prix'
esgal mesme plus advantageux que celles qui pouvoient venir dans les
mesmes pays par la Hollande en Angleterre à cause du peu de trajet
des eschelles dans les ports de France, et de la facilité des rivières.
au lieu que ces deux nations sont obligées de traverser toute la Médi,
terrannée. faire
marchandises
et
le trajet
parterre
de l'Océan
et
et
ensuite porter ces
par rivières par tous
lesil.
mesmes
pays. Mais dès
pu parvenir à l'establissement de leur commerce dans
du Levant, et ensuitteà ruiner presque entièrement celuy
des Français tant par les mauvais traitements qu'ils ont reçu des Bâchas et autres ofTicicrs du (irand Seigneur, que parles grandes yuerres
que nos roys ont soutenues qui ne leur a pas permis de s'appliquer à
ce qui pouvoit regarder le commerce, ils se sont rendus maislres de
toutes les mai'chandises, y ont mis tel prix que bon leur a semblé, et
ne se sont point souciez, et au contraire ont esté bien aise de n'en
tirer des Estats du Grand Seigneur qu'autant qu'il en falloil pour
empescherles Français d'en prendre et tenir tousjours le commerce de'
ceux-cy dans le mauvais estât auquel il est réduit.
En sorte que toute cette conduitte a attiré en même temps la ruine
du commerce des François et la diminution des douannes du Grand
Seigneur. Et au cas queled. .Vmb' ayt la preuve de la diminution de;
ces douannes ainsy qu'il est dit cy-dessus, on ne doute pas (ju'il ne
lors (lu'ils ont
les eschelles
LES VOYAGES DT MAROIIS DK N<lINTEL
276
persuade facilement au Grand Vizir cetti' vcriti'. et quand mesme il
n'auroit pas la preuve entière de cette diminution, il faut tousjours
que par le raisonnement cy-dessus il tache de luv persuader lad. diminution, ce qui luysera d'autant plus aysé(]ue bien souvent les ministres du (irand Seigneur ne sont pas informez de ce destail.
11
est bien nécessaire
que
parfaitement cette matière,
Vizir, et en
moyens
mesme temps
Amb'
s'applique à posséder
puisse en bien persuader
qu'il lui fasse naislre l'envie
d'y remédier; pour peu qu'il
pourra luy dire que
il
led. sieur
qu'il
si le
le
le
si
Grand
de trouver
les
trouve dans celte disposition,
Grand Seigneur veut
faciliter le
commerce
des François, ce qui attirera indubitablement l'augmentation desd.
douannes. Sa Majesté peut
choses qui seront d'un très con-
faire des
sidérable advantage pour ses Estats.
La première est qu'elle formera une grande compagnie des principaux marchands de son royaume pour faire le commerce entier du
Levant, et cette compagnie aura le nombre de vaisseaux nécessaires
pour enlever toutes marchandises qui viendront dans leseschelles.
Et
seconde, qui est encore inliniment [dus considérable, consiste
la
en ce que Sa Majesté ayant estably dans son royaume une puissante
compagnie pour
desjà occupé
faire le
l'isle
liberté nécessaire
la
au fond de
les
la
commerce des Indes Orientalles, laquelle a
si le Grand Seigneur veut donner
de Madagascar,
pour
mer Rouge,
marchandises,
soit
de Suez jusques sur
establir des
et la seureté
par voitures,
la
magasins à Suez en Egypte,
pour le transport de toutes
soit sur le Nil,
depuis lad. Ville
mer .Méditerrannée où on pourroit
establir
d'autres magasins à condition d'accorder la descharge de toutes impositions à la réserve d'un
fait
de
la valleur
demy pour
cent suivant un tariffe qui seroit
de toutes lesd. marchandises.
ces deux moyens le Grand Seigneur restabliroit
revenus de ses douannes, d'autant que les marchandises seroient
attirées en abondance par les caravanes, par le moyen de la grande
compagnie françoise qui seroit formée pour cet effet, mais mesme il
attireroit encore par succession de temps au dedans de ses États
Non seulement par
les
toutes les marchandises qui passent à présent par
mer
à droiture
des
Indes dans l'Europe, en tournant à l'entour de l'.Vfrique, ce qui luy produiroit un revenu fort considérable par la prodigieuse quantité de ces
marchandises qui sont nécessaires à la consommation de l'Europe.
Mais pour parvenir à une fin si grande et si advantageuse il seroit
nécessaire cjue le Grand Seigneur de sa part exécutast ce qui s'ensuit
:
(Ju'il
donne aux François des grâces pour leur commerce plus
AI'I'KMXCK
"277
grandes qu'à toutes les autres nations comme par exemple de ne
payer que deux pour cent au lieu de trois quelles payent.
Le Roj- demandant au Grand Seigneur lexécution de la capitulation de 1604 en conséquence de laquelle les Ilollandois, comme les
autres nations, doivent naviguer sous lu iiaïuiiére de France, la
liberté qui leur a estée accordé depuis led. temps estant directement
contraire à lad. capitulation, le Grand Seigneur pourroit leur oster
cette liberté.
\
l'esgard des Anglois
quoyque
la liberté
qui leur a esté donnée de
naviguer>sous leur bannière soit directement contraire à
la
capitula-
que le Grand
Seigneur mortifiast l'ambassadeur en le taisant trouver dans toutes
les cérémonies publiijues pour le faire tousjours précéder par l'ambassadeur de France, joint que Sa Hautesse pourroit donner ordre à
ses officiers de troubler par toutes les voyes le commerce de cette
tion de 1.580.
ci'lle
de IfiOi
les
ayant excejjtés.
il
suffiroil
nation et faciliter celuy des François.
Il
faudroit de plus que
ciers intelligents
le
dans toutes
Grand Seigneur envoyast un de ses
les
offi-
eschelles avec ordre de travailler avec
un François nommé par l'ambassadeur pour liquider toutes les debtes,
punir tous ceux qui auroient fait des avanies aux François, annuller
toutes les promesses faites aux Maures et aux Juifs pour des intérêts
ou usures, et commencer cette recherche et cette liquidation par
l'échelle d'Alexandrie afin qu'elle put servir de magazin général pour
toutes les marchandises qui viendroient des Indes par la mer Rouge.
En exécutant toutes ces choses, le Grand Seigneur auroit advantage
de voir en peu de temps ses douannes restablies et en môme temps
le
passage de toutes
Pour réduire
les
marchandises des Indes dans ses Estats.
ce discours en peu de parolles.
.\vant que les .Vnglois et les Ilollandois eussent passé le cap de
Bonne-Espérance;
Toutes les man'handises des Indes nésessaires pour la consomma-
par les caravannes, passoient par
du Grand Seigneur, et estoient enlevées par les François.
Depuis que ces deux nations «mt passé le cap elles ont diverty le
tours ordinaire de toutes ces marchandises, et les ont enlevées directement par la mer des Indes dans leurs Estats, et les ont ensuite distribuées dans toute l'Europe.
.Après ce passage, les François s'estant maintenus dans le comtion de l'Europe estoient apportées
les Estats
merce de Levant, ils ont continué de tirer une grande quantité de
marchandises et s'estant contentez de peu de gain n'ont pas laissé de
les distribuer aux pays ([ui estoient plus proches d'eux, et plus esloi-
LES VOYAGES DU MAROLIS DE .NOINTEL
278
gnés des deux nations, en sorte que le commerce de Levant sest
maintenu en quelque façon: depuis que les deux nations ont eu la
liberté
commune
avec
les
François d'establir leur commerce dans
les
Estats du Grand Seigneur, elles ont travaillé avec une jurande application à ruiner
le
commerce des François en Levant,
afin
de se ren-
marchandises venant du Levant tant
par la grande mer océanne que par les Estats du Grand Seigneur; et
à mesure qu'ils ont advancé dans la ruine du commerce des François
ils ont diminué la traite des marchandises par led. Estats parce que
ayant du côté de la nier, à beaucoup meilleur prix, toute la quantité
qui leur estoit nécessaire, ils n'avaient aucune nécessité d'en tirer,
et ainsy les douannes du Grand Seigneur ont diminué considérablement en sorte qu'il est certain qu'ils ont travaillé en niesnie temps à
dre maistresses de toutes
les
commerce des François
diminuer
le
gneur, et
c'est ce qui a obligé
et les
douannes du Grand
Sa Majesté de chercher
les
Sei-
expédients
nécessaires non seulement pour rétablir l'un et l'autre, mais mesnie
pour
augmenter considérablement, en
les
Estats
le
mesme commerce
attirant
au dedans desdits
qui y estoit autrefois, ensemble une
bonne partie qui se fait par mer directement des Indes en Europe.
Et d'autant que Sa Majesté est persuadée que le Grand Vizir connoistra parfaitement la vérité de tout ce qui est dit cy-dessus, elle ne
doute pas
ment
les
qu'il
n'exécute les
moyens proposez
ordres nécessaires pour cet
effet
et
dont
ne donne prompteil
doit revenir de si
grands avantages au Grand Seigneur.
«
Fait à Paris, le 22' jour d'aoust t(j65.
II
ARCHIVES DE LA MARINE
Volume
B, 7, 51
Roi en qualité de son am-
Instruction pour
le
sieur de Nointel, envoyé par
le
bassadeur vers
le
Grand
les
Seigneur, concernant
affaires du commerce.
Ledit sieur de Nointel doit être informé que tout le commerce des
Indes orientales se faisoit autrefois par deux voies différentes au travers des Élats du Grand Seigneur; la première par les caravanes qui
AlM'EMiICE
ilit
viennent par terre des Indes de Perse, la seconde, beaucoup plus
abondante, se faisoitpar les vaisseaux quivenoient de toutes les parties
la mer Rouge, venoient débarquer à
marchandises étoient portées à dos de mulets sur
descendoient au Caire et à Alexendrie et de là appor-
des Indes, entroient dans
Suez. Ensuite
le Nil
les
d"où elles
dans toute l'Europe. Ces deux voies faisoient
tées et distribuées
la
richesse de l'Egypte, apportoient de prodigieux droits de douane au
commerce que les .Marseillais, les Vénitiens et les (iénois faisoient alors. La première voie des caravanes
subsiste encore faiblement et produit le commerce qui se fait dans
Grand Seigneur
et
les échelles, la
seconde voie a été entièrement abolie, en voici
causoient
le
la
raison.
Lorsque
les
Portugais eurent trouvé
Espérance, en 1420,
Indes par
les
le
passage du cap do Bonnepuissament dans les
et qu'ils se furent établis
conquêtes,
ils
s'appliquèrent à se rendre maîtres de
toutes les marchandises qui venoient de ces grandes et riches provinces. Et, pour cet
effet,
ils
se rendirent maîtres
du détroit de
Bab-el-Mandeb à l'embouchure de la mer Rouge, y tinrent toujours des
vaisseaux, et. dans le cours de vingt années de temps, ils détruisirent
et ruinèrent toutes les forces maritimes que les seigneurs tenoient
mer Rouge,
dans
la
mer
à tous les vaisseaux des Indes, et par ce
et enfin interdirent
entièrement l'entrée de cette
moyen
se rendirent
marchandises i[ui entroient par cette mer et
passoient ensuite par la Méditerrannée dans toutes les parties de
l'Europe, et s'approprioient par ce moyen à eux seuls ce grand commerce qui a été la cause de tonte leur puissance et de toutes les
grandes conquêtes qu'ils ont faites dans toutes les parties du monde.
maîtres de toutes
les
Sadile Majesté veut que ledit sieur de JNointel. après avoir bien
examiné ce point sur les cartes et dans les conférences qu'il aura
avec le Grand Vizir sur le renouvellement des capitulations, il lui
fasse connaître l'avantage qui reviendroit à l'Egypte et aux autres
États du Grand Seigneur de rappeler ce commerce par la mer Rouge
et la facilité que Sa Majesté aurait de le faire si le Grand Seigneur
vouloit donner quelques préférences dans le commerce aux Français
et les décharger de tout droit pour toutes les marchandises qu'ils
transporteroient par cette voie, leur donnant la facilité de faire ce
commerce à l'exclusion de tous autres. Et pour lui faire connaître la
facilité de cet établissement il pourra lui donner part de la grande et
puissante Compagnie que Sa Majesté a formée pour porter le commerce de ses sujets dans les Indes, des établissements qui y sont
déjà faits, des forces maritimes au nombre de quinze grands vais-
LKS
280
\(n.\(,K.s
MAIiOl
L)l
IS
UE NOl.MKL
seaux de guerre ijui y sont à présent et ijue Sa Majesté y entretiendra
toujours pour jjrotéger ce commerce, et de la facilité qui se trouve
par l'avantageuse situation de son royaume pour transporter toutes
les marchandises qui seront apportées à Alexandrie d'Egypte dans
son royaume et de là dans toutes les provinces et États de l'Europe.
Et cette proposition est fondée sur des raisons
ne peut pas douter que
cantes, qu'elle
Grand
réussisse à les faire accepter par ledit
si
claires et si convain-
de Nointel ne
ledit sieur
Vizir.
Et en cas qu'il la goûte et qu'il dise seulement que l'exclusion do
toutes les autres nations et la franchise de tous droits ôteroient tous
avantages que
les
Nointel
commerce
le
Grand Seigneur en pourroit
pourra faire connaître
lui
et les
tii'er.
ledit sieur
de
([ue l'abondance qui viendra de ce
grands passages dans toute l'Egypte y attireront une
inlinitéde commodités et de richesses qui viendront indirectement au
inolil du Grand Seigneur, d'autant que les peuples sont plus en état
do payer leurs impositions. Et en cas qu'il insiste et que ledit sieur
de Nointel ne puisse lui faii'e goûter la grandeur de cette proposition
sans y faire trouver quelque avantage au Grand Seigneur, après
(ju'il aura employé toutes les raisons qu'il pourra facilement tirer de
Sa Majesté lui permet d'accorder un pour cent de toutes
marchandises (jui passeront par cette voie, à condition que le
Grand Seigneur donne l'exclusion à toutes les autres nations et qu'il
cette matière.
les
chemins depuis Suez jusqu'à Alexandrie.
[lourvoie aussi à la sûreté des
III
LES DKSSIXs
Dans
|ias
par qui.
Il
comment
Il
maitre
lîombaud-Eaidherbe.
mais donne sur
jiarl.
cliagrin après la
exécuter
les
les dessins à
les
i\n[ élait
et (jui
lui
:
d'in'itel.
fit
mon
celle
les
du
peintre,
décembre
17
dessins:
il
1()73,
ne nous apprend
comme
il
eût dit
:
mon
Son compagnon Cornelio Magni est
dessins sont de la main d'un jeune
resté avec Nointel après la mort de
tout
quelques
le
voyage.
Il
détails, parle
ne
le
nomme
nulle
notamment de son
mort de liombaud-Faidberbe, son compatriote et
par deux fois sa nationalité flamande.
auteurs modernes, se copiant l'un l'autre, ont attriun peintre fran(;ais, Jacques Carrey. Ce Carrey était
aflii'me
Cependant,
l)iié
lit
rapporte que
flamand, celui
son ami, et
il
se borne à dire
mon
plus précis.
[ii'intre
SONT-II.S DE C.\KHEV?
l'\l!Tlli:X(iN
grande dépêche d'.Vthènes.
sa
Nointel raconte
secrétaire,
Dl
281
Al'l'IN IlICK
Champagne, où l'on conserve tjueiqiies-uns de
accompagné Nointel lors de son pastravaillé sous ses ordres. La tradition le veut ainsi,
originaire de Troyos en
ses tableaux; c'est lui qui aurait
sage en Grèce
mais
et
cette tradition n'est-elle pas
une légende?
qu'à une époque relativedu voyage et même postérieurs, Galland, Antoine des Barres, Montfaucon, pas plus que Magni.
ne disent mot de Carrey. En 1799. Barbier de Meynard parle encore
du maître flamand. Pourtant, dès lT.")y,une notice insérée dans le dic-
U'abord,
ment
elle
ne
s'est fixée officiellement
récente. Les auteurs contemporains
tionnaire de Moreri avait
fait
honneur des dessins à Jacques Carrey.
Cinquante-deux ans plus tard, en LSH. l'album conservé à
thèque ayant été plus ricliemenl relii' et mis en bonne place,
vateur d'alors, M. Joly
la Bibliole
inscrivit >lu' la feuille d'en-téte le
lils.
conser-
nom
di-
Carrey, avec quelques indications sur sa personne.
Cette mention, ainsi que le démontre la similitude des renseignements donnés, est empruntée aux l'crits de l'académicien Grosley.
originaire lui-même de la ville de Ti-oyes et fort jaloux des gloires de
sa ville natale. C'est lui qui avait fait insérer la note dans le dictionil la réédita, avec quelques modifications, dans ses
naire de Moreri
:
Troni'ns célèbrrs et
dans ses
Mi'innin'ii.
Grosley, dont
la famille était liée
depuis plusieurs générations avec celle de Carrey, fournit dans ses
ouvrages quelques détails sur le voyage de ce dernier en Orient il
:
dit
le
notamment avoir vu une
tète
de Diane recueillie par
l'artiste
sur
rivage d'.Vthènes.
Ce témoignage a sa valeur. Toutefois,
il
est facile de
relever chez
Grosley des inexactitudes tlagrantes qui ne permettent pas d'ajouter
à tous ses
dires, .\insi. d'après lui
rey) travailla
:
«
Spon nous apprend
deux mois entiers à copier
loi
qu'il (Car-
façades, les bas-reliefs et
les
toutes les sculptures de r.\cropole d'.Vthènes
»
;
or.
Spon ne prononce
pas dans sa relation de voyage lenom<le Carrey la citation est fausse.
De même, lirosley dit i|ue Nointel emnuîna Carrey avec lui lorsqu'on
IGTT il partit de France; Nointel partit en KiTO et ne fut alors accom:
témoignage précis
pagné d'aucun peintre; en
ellet,
téré de Galland. lors(|uo
marquis, pendant
le
d'après
le
la
et réi-
])remière partie de son
ambassade, voulut faire tirer les portraits du sultan et du grand vizir,
il dut recourir à un peintre établi sur les lieux, Rombaud-Faidherbe.
ce qui ne serait pas arrivé s'il en avait amené un. Grosley émet donc
des assertions sans se donner
Il
la
peine de
les
contntler et de les vérifier.
est permis d'en inférer que, connaissant l'existence des dessins, sa-
chant que Carrey avait séjourné en Orient, ignorant enfin que Nointel
eût employé d'autres peintres,
il
a établi entre les
deux premiersfaits
LKS V0YA(;ES DU MAROUIS DE .NOINÏEL
282
une concordance
(^ui lui
moins que
a paru naturelle et qui n'est rien
rigoureuse.
(Jue
Carrey
soit allé
en Orient, nul ne
conteste. Qu'il ait séjourné
le
pendant une partie de l'ambassade, qu'il y ait été
employé par Nointel, nous l'admettons sans hésiter. Mais remarquons
l'ambassadeur, dans sa dépêche du 6 juin 1675, écrit qu'après
ceci
son retour à Constantinople il adjoignit au peintre qui lui restait et
que nous considérons comme l'auteur des dessins, un autre artiste,
pour remplacer celui (|u'il avait perdu à Naxos. le premier en date,
à Constantinople
:
Rombaud-l''aidherbe.
Il
en employa ainsi trois;
le
dernier, le troisième
en date, celui qui n'arriva en Orient qu'après le voyage, nous paraît
avoir été Carrey. Le fait est d'autant plus vraisemblable (jue ce fut
Carrey, d'après les indices que nous avons relevés (1), qui assista en
aux fêtes de la circoncision: on trouve alors sa trace, on ne la
trouve jamais auparavant. Ainsi fut-il amené à collaborer aux grandes
compositions picturales qui s'exécutèrent à Constantinople d'après
des études faites antérieurement par Rombaud-Faidherbe et l'autre
Flamand, sans qu'il ait particiiié au voyage ni dessiné en conséquence les marbres d'Athènes.
Ajoutons un détail qui a son importance. On remarque sur plusieurs
des dessins une mention manuscrite en cinq lettres, dontil n'a pasété
Ki".")
possible de reconstituer
est tracée
Devant
le
sens,
mais qui, au dire de bons
en caractères flamands du xvu»
cet
ensemble de particularités
linguistes,
siècle.
et
d'indices,
il
nous paraît
impossible de faire prévaloir les assertions ultérieures de Grosley, assertions qui ne sont
apparemment que des inductions, sur
gnage de Cornelio Magni, témoin oculaire
voyage.
Au
reste, en ce qui concerne
le
et
extrêmement
bien fondé de
le
témoi-
attentif
du
la tradition éta-
Omont s'est rangé aux raisons
nous avons indiquées dans l'étude publiée par le Con-rspondani le
2.'i avril
1897. .AI. .Maxime CoUignon, dans son Hisloin' ilr la sculpture
grecrjuc, au début du deuxième volume, suit d'abord la tradition et
parle uniquement de Carrey; plus loin, il paraît faire une distinction
entre les dessins de Carrey et ceux dus à « l'anonyme de Nointel ».
blie,
Michaëlis a exprimé un doute. M.
(|ue
(1) La bibliothèque du Louvie conservait une série de dessins exécutés par
Carrey et représentant le supplice ihi pal. Or, le seerét.-ure envoyé à .\ndrinople avec l'un des peintres. La Ooix, raconte qu'il vit en route des voleurs
lie grand cliemin empalés et insiste longuement sur cette scène d'horreur.
11 est frcs vraisenililable qu'elle fut alors dessinée par son compagnon de
voyage, ce qui indique la provenance des dessins du Louvre et signale la
présence de Carrey dans la mission.
Al'l'KMiICE
En
réalité,
il
283
n'y a pas de dessins attribuabies à Carrey; tous sont
l'œuvre d'un jeune peintre flamand qui travailla sous
Nointel, sous ses yeux, et dont
le
nom
EXTRAIT DE LOUVHAGE DE COK.NELIO
ï.
p. 108.
II,
la direction
de
ne nous est pas parvenu.
MAGM
Hà condolto Sua Eccellenzanel suoseguito due
(iaminghi, giovani di buoni coslunuet di passabile sufficienza:
pittori
si
sono
questi dati a viaggi per vedcre di perfezionarsi nella loro professione.
Uno
di
questo infermatosi a morte è passato
ch'ha dis-
all'altra vita.
posto di certi zecchini, che trovavasi, parte in sullraggi per l'anima
sua, e parte per sovvenire i poveri (ici se trouvent des caractères effacés dans l'exemplaire de la Bibliothèque nationale) dell'isola. L'altro è resto (un
0.
per
la
quale
mot
si
effacé
afïlito
i
per
la
mot
perdita del (autre
effacé)
rende inconsolabile.
303. Lettre écrite d'Athènes...
11
signor ambasciatore, invaghito di
gran rarità, conducendo seco un pittorc fiainingo,giovane assaiben
versato, face pratica col Castellano per concertar seco il commoflo di
si
poter inviare quello alla cittadella. per copiare a chiaro
bei conibattimenti
me
da
di
et
scuro
ipie'
sopra nominati.
IV
DESCRIPTION DE DÉLOS
pur
COR.NELIO
T.
Ci
fermmamo
famose
in
II,
Lettera seconda, p.
questa(Micone) ad oggetto
nominale
esse avanzano.
isole di Delos, oggi
raosa antichità, che in
Furono già queste da'Greci
anche a loro nemiche.
sito.
le
délie più
M.\i:M
scielte
sdi/i-.
103.
di
dare una scorsa
e visitare
il
per fido Sncrario à tutte
cosi in esso custodivansi,
come
le
nazioni,
in sicuro
depo-
richezze più celebri délie parti non solo circonvicine,
remote ancora, custodendovisi
i
aile
resto délia fa-
preziosi arredi
non
ma
solo di
LES VOVA(ii:s DU MAUUIIS DE .NOI.NTEL
284
ma anche de'Fenici e Medi e anche degli Egizii e
Vennero questi dal cieco (îentilesmo dedicare ad Apollo noi
coniinciammo a scorrere la più grande, in oui non trovammo che tre
o quatro are rotonde, e una triangolare ben 'incise, comme due
grandali di marmo, che sembravano aver servito a qualche simulacro,
cosi in esse Greci,
Persiani.
;
corne délia Fortuna, délia Victoria, o altre simile. Spiccati da questa ci
portavamoalla picciola separata délia prima da poco canale; resi à
quella ci demnio ad esaminarla. e la trovammo piena di moite reliquie
di sontuose fabriche osservammoper primo l'avanzo del famoso tempio d'Apollo, tutto abbatluto.costrutto di marmo bianco. Noi ci confon;
demmo
nel grande
amasso
di
colonne, di basi, piedestalli, capitclli in
varii ordini. archilravi. fregi lavorati. c distinct! in
il
métope,
tutto eseguito in rigorosa e gastigatissima architettura.
un fregio
a
inci^i
grandi ceratteri greci
Pliilippos
Vusi/iv:^,
additarono fosse concorso anchegli a ijueslo magniTico
Inconlrammo
ignudo
il
di
petto e
che
ci
edilicio.
nel residuo d'una statua procera e quasi gigantesca
marmo
il
e triglifi;
\uh sopra
l'ario
:
di questa
non appajono che
le
coscie, e ventre,
dorso, sopra di cui restano incise ciocche di capcUi in
ci credenimo il simulacro d'Apollo nume tutelare
capo intieramente manca. esportato. per quanti dicesi. da certiletterati Ingicsi, non s5 se dal conte di Arundel che fece per tutto l'Archipelago di uiùlti marmi Tacquisto. come puù d'accogiiarsi dal libro da
guisa radiale. (Juesta
;
il
esso
palesato,
intitolato
Manmini Aiwidcliana. Osservammo
certe
paneggiamenti eseguiti con finissima esquiinsitezza. Incontrammo una rotonda piscina, che conteneva acqua
torno a questa stavano dispositi leoni di marmo laceri e storpiati;
poi scorrendo d'ogni intorno scorgemmo quantité grande di confusa
materia che ci additava che tutto fosse fabricalo, comprendendo il
celebi'e Ginnasio. ô fosse Academia. Spicca in mezzo a queste un
massiccio muro fabricato dipietre quadre di notabile grossezza. chelo
altre statue involte in
;
credemmo
lo
salii
il
palazio de'Tesori.
con un pitlore fiamingo un monte ben'erto e rigoroso.
detto il monte Cinlio. creduto voli;ariiiente già dedicato alla dea C/n/in.
benchè venga riferto che in Delo ad .\|iollo solo il sagrificasse, che
pure Cintio fu detto. Giunto con stenlo alla sommité, trovai uno
spazio piano diligentemente lastricalo di marmo, apparendo che intorno avesse risaltato qualche notabile fabbrica, non sô si tempio ù
altro. Golà portomi a riposare. mi diedi a ricercare coll' occhio l'isole
e mari circonvicine, che reso fuor di modo procelloso viatocci per
qualche giorno il potere restituirci a Micone. Il maie si era il vitto,
stringevasi alla corte non essendovi provisi, che per due giorni di
Al'PK.M)H:i':
:28a
provianda. La caccia de' conigli, che
quenlissimi,
ci
una spiraglia
in quelTisola abbondono frequando a Dio piacque, coniparve
ajulù mullo: pure,
di
bonnaccia,
ci
restiluimmo a Micone, coll'aver sodis-
fatto a curiosità e erudizione in Delos.
V
LETTRES ÉCRITES DE l'ALESTlNE DE SYRIE ET DE
M.
de yointi'l à
M.
GR:.
:E.
de Pomponne.
A Lernica, ce 13 février 1074.
MOXSIEUB,
mon départ. C'est de
second jour de cette année en
mouillant quasi tous les soirs à cause de la fascheuse saison, j'ay visité
les escûeils dHeraclia et Denussa et les isles de Fatmos. Lero. StanJ'ay eu l'honneur de vous escrire de Naxis à
là
qu'ayant continué
mon voyage
le
chioï et Rhodes; et c'a esté dans ces deux dernières où
Turcs
et
des forteresses que l'on m'a
lait le
il
y a des
mesme honneur qu'au
me saluant comme on le saliie; le canal qu'il m'a
pour arriver icy n'a esté traversé que par la nécessité
de relascher dans legolphe de Satiliepour y chercher un port, d'où
après quelque séjour je me trouve heureusement arrivé en cette ville
de Lernica. Le sieur Sauvent m'y a reçu avec touttes les démonstrations de joye que j'en pouvois attendre, m'asseurant de l'avantage
notable qu'il recevoit du renouvellement des capitulations, et qui est
si considérable que l'on paj-e maintenant pour le cotlon deux tiers
moins que les .\nglois: il vous a rendu compte de la bonne disposition qu'ont tesmoigné les pui>sances du pais à exécuter les ordres de
la Porte, et de la forte manière dont r.\ga que j'avois depesché leur
a parlé. Ainsy je ne vous en feray aucune répétition, et je me contenteray de' vous assurer que selon touttes les apparences le commerce
de cette eschelle se restablira. ce qui est fondé, non seulement sur la
diminution des droits, mais encore sur la bonne conduite de son Consul qui me paroist telle que je la puis désirer.
Je fais estât de m'embarquer demain pour Seyde, d'où je visiteray
la Terre Sainte, et touttes les autres eschelles. Garce >]ui tenoit peut
estrc d'un peu trop de curiosité me paroissant indispensable par la
mort de Borris. je ne doutle point que ma présence ne soit nécessaire
dans tous ces lieux pour réparer suffisamment cette perte arrivée
Capitan-Paclia. en
fallu traverser
LES VOYA(;i:s
286
MAROlIS DE NOl.MEL
Dl'
de Chippres à huit lieues d"icy. Je feray, Monsieur, tous
pour en venir à bout; et c'est pour cette raison que je
fais venir d'Alep à Seyde mon drogmaii et l'aga qui estoient avec le
deffunt. Je vous informeray exactement du succès de mon voyage, et
dans cette
mes
de
isie
efforts
mon
entreprise en ce qui peut concerner
le
dant que je puisse vous envoyer une relation
sera possible de tant d'isles où
crire à
dans
passé
j'ai
Seyde une description que
l'isle
d'Antiparos qui
me
vous
la faire tenir, et je
que je suis inviolablement.
et
et
en atten-
me
séjourné, je feray trans-
dressée d'une grotte
située
paroist un prodige, et digne d'avoir
rencontré une personne qui eut pu
liberté de
j'ai
et
négoce:
la plus juste qu'il
la
bien descrire. Je prendray
continueray
celle
la
de vous protester
avec un très grand respect, Monsieur,
votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur.
M.
ilf Xoiiili'l
il
M.
de Pomiiomw.
A
Sevde. ce 9 mars 1674.
Monsieur.
le vingt-un février dans la pensée que ie
lendemain du matin à Seyde, mais il m'a fallu
Je suis party de Chypres
pourrois arriver
le
auparavant relascher à Tripoly de Sirie, quoyque l'en fusse alors
beaucoup plus esloigné, et i'y suis arrivé au bruit du canon que Ton
tiroit de la ville et des tours de la rade pour la continuation du
Pacha. J'ay trouvé cette eschelle, qui dépend d'Alep, composée d'un
seul
marchand
françois qui a très peu d'affaires quoy'qu'il n'ait point
de concurrens; c'est ce qui m'a obligé encore que
soyes soit
difficile
à restablir par
le
France, de faire connoistre au Pacha dont
Constantinople, tout ce qui
raison.
G'estoit
me
le
peu de débit que
le
commerce des
l'on
trouve en
père a esté douanier de
paroistroit capable de le réduire à la
principallement pour la suppression
de plusieurs
que
doûanne ont aussy contribué à l'aniieantissement du trafiic.
Ce ministre m'ayant envoyé ses chevaux me donna audiance dans
son divan, où après le compliment sur sa confirmation dans son gouvernement, je luy fis dire que mon projet n'estant de venir qu'une seule
fois à Tripoly, ilmeresiouissaisquele venten eut disposé autrement,
et de me trouver dans la nécessité d'y retourner pour l'enregistrement
des capitulations nouvelles, que l'on devoit m'apporter d'Alep à Ilieru'
droits, qui se lèvent iniustement. et qui estant plus considérables
la
salem, parce que
moyen de
le
devant voir plus souvent j'aurois aussy plus de
le commerce de son au-
luy expliquer les besoins qu'avoit
AIM'F.NDICE
287
torité, il me tesmoigna qu'il ne pouvoit pas manquer d'estre confirmé
dans son Paehalik puisqu'il l'avoit souhaitté. et il se loua de la fortune, qui luy avanyoit l'occasion de me gouverner, et de m'asseurer
qu'on ne pouvoit avoir de meilleures dispositions que luy pour le
soulagement des négotiants, adioustant que sy ses prédécesseurs ne
luy en avoit pas montré l'exemple, il estoit tout prcst à restablir leur
fautte jusques là qu'il avoit vingt mil escus à prester sans interest au
marchand
français, et
pour
tel
temps
qu'il
me
plairoit. Je ioignis à la
que nostre commerce estoit
bien basse trouvant réduit à une seule personne pour le faire, au lieu
qu'auparavant plusieurs en estoient occupés, et n'y pouvoient pas
suffire, et que le consul qui les protegoit avoit esté obligé d'abbandonner. mais que le plus fascheux consistoit dans la destruction
reconnoissance de cet offre
totalle
du trafficparla
la reflexion
retraitte. à laquelle celuy-la seul, ijuilasouste-
noit, seroit encorre contraint. Je luy en insinuay les principalles rai-
sons
les
renfermant dans
les droils
du bul
de poids que l'on levoit
et
injustement, et luy remontrant par plusieurs répétitions, affin qu'il
n'en doutta pas, qu'il n'y avoit point d'autre remède à ce mal qu'une
fidelle
exécution des volontés du Grand Seigneur, qui se trouveroient
exactement accomplies, lorsqu'on ne prendroit que les trois pour
cent, ainsy qu'il est porté par les nouvelles capitulations. Le Pacha
m'ayant tesmoigné qu'il \' obéiroit punctuellement. je ne m'oubliay
pas de in'estendre sur
religion et au
et
géminée des
les articles,
les
commerce,
avantages quelles dévoient procurer à
et
la
après une recommandation très expresse
Jésuites. Capucins, et autres
qui les concernent
comme
par
la
discussion de tous
aussj' de
ceux du négoce,
j'adjoutay qu'on ne pouvoit traitterles religieux et les négociants trop
favorablement, puisqu'outre l'obéissance qu'on
rendoit par là au
Grand Seigneur, et l'utilité qui lui en revenoil lorsqu'un bon nombre
de marchands faisoit valoir ses doùannes, l'on rendoit l'antienne
amitié des deux Empereurs plus forte et plus inviolable. Je m'estendis sur la considération de Sa Ilaulesse pour Sa Majesté, sur les
preuves qu'il y en avoit par un traittement si favorable aux François
dont le nouveau traitté, qui donnoit bien de l'envie aux autres
nations, mais sans sujet, puisque
plus puissant
monarque de
la
mon
niaistre estoit le premier, et le
Chrestienté, et que les empereurs
otthonians l'avoient tousiours reconnu en cette qualité
lui seul le tiltre, qu'ils
qu'ils
ne traitent
les
donnant
à
autres que de Kiral. Le Pacha n'ayant asseuré,
informé de cette préférence
manqueroit jamais en rien de ce qui pouvoit
qu'il estoit bien
luj'
se réservent, qui est celui de Padicha, lors-
si
légitime,
l'établir
et
qu'il
ne
plus fortement
i.Ks V(iv.\(ii:s
288
1)1
muntel
M Aitnris m;
en favorisant de tout son pouvoir
les sujets
d'un
si
p:rand
Empereur
Sa Majesté, ce fust pour le fortifier d'avantage que ie luy
pxpliquay la manière en laquelle s'estoit fait Tenvoy des capitulations,
luy disant que par oidre du Visir, j'avois despesché un gentilhomme
pour les porter dans toutles les eschelles, et que ce ministre ayant
voulu qu'il fust accompagné d'un Capidgi avoit aussi souhailté (juc
cet envoyé à son retour l'informa par mon moyen de la récejition des
ordres de la Porte, et de la soumission qu'on leur auroit rendu, mais
tel
que
que
l'est
mort arrivée dans
sa
si
Tisle de
Chippres
l'en enipeschoit. la l'or-
tune m'avoit conduit heureusement d'isle en
jusques icy pour
isle
supleer à cette perte, qui m'engageoit principallement à faire un
grand voyage,
et à le
mes marchands, que
continuer par tous
j'informerois
qui s'y passera, en attendant que
le
ie
les lieux
Grand Yisirpar
le
si
des résidences de
escrit de tout ce
pusse faire de vive voix, ne
doutant point de rencontrer partout des sujets de
luj'
tesmoigner
ma
Le Pacha me certilia son
impatience de connoistre tout ce que rEm|>ereur son niaistre avoit
accordé à ma nation affin que donnant des preuves de son ohéissance
par une exacte observation de tout ce qu'il y trouveroit, il peut aussy
me tesmoigner le cas qu'il faisoit de ma recommendation. et lorsque
satisfaction, puisque je
commançois
si
bien.
je l'eus asseuré de la confiance ([uejeprenois en ces parolles luy répé-
tant que leur véritable exécution consistoit à ne prendre aucun autre
droit que la doiianne.
il
nie protesla d'avoir lousiours favorisé les ne-
goliants jusques à changer leurs piastres en celles que l'on
coureiiles afiin de faciliter leur
commerce,
le
nomme
peuple ne voulant rece-
voir i]ue de cette dernierre espèce, et luy estant bien aise de préférer
l'avantage public au sien particulier.
Je luy tesmoignay
préférence a une
mon
monnoye
estonnenient de l'opiniastreté de donner
la
quasi toutte fausse en excluant enlierre-
temps que cette ignorance
l'étendiie de l'Empire du
(irand Seigneur, quiostoitun monde, des provinces, et des royaumes,
où non seullement l'on excluoit les alsanis, mais où l'on estimoit si
nient la lionne, et
ie
luy insinuay en mesnie
n'estant pas universelle
il
se trouvoit
dans
bien les piastres sivillannes, qu'on n'hezitoit pas de les acheter, et
j'adioutay que
le
sçachant du bon goiU,
ie
ne voulois pas luy donner
des alsanis en payement de touttes ses honnestetéz, et des bonnes paroles
que
poids,
ie
ie
recevois de luy, mais que pour
payer en piastres de
quand les effets y corresne manquerois pas non plus d'en informer ce mi-
positions qu'il m'avoit fait paroistre. et
pondroient que
nistre.
le
l'asseurois de bien tesmoigner au Visir les favorables dis-
ie
289
AI'l'E.NDlCI';
me
Il
remercia de ces offres m'asseurant
qu'il leur
donneruit un
véritable fondement, et m'ayant prié de l'employer en tout ce que ie
jugerois nécessaire', raesme pour
mon
plaisir,
il
m'ofl'rit ses
ses faucons, lévriers et autres esquipages de chasse,
m'accompagneroit dans tous
les lieux,
quiseroient
les
me
chevaux,
disant qu'il
plus propres à
cet exercice, qu'il faisoit très souvent.
Appres
ma
reconnoissance de cette manniere
si
obligeante, que j'ac-
ceptay pour mon retour, luy tesmoignant que ie de vois partir au premier
bon vent
affin d'estre
a Hierusalem à Pasques, l'on apporta les régals
ordinaires, des boissons, et parfums, et ce fust lorsque iepris la tasse
Pacha prononcea, hazret lez, qui est une manniere de
me fesoit pour la santé, et autre prospérité.
La conversation ayant esté rcnoiiée fust renfermée de ma part dans
une dernière instance de tout ce qui pouvoit concerner la religion,
ses ministres et le commerce, en remontrant que si depuis plus de
du sorbet que
le
souhait heureux, qu'il
cent ans les religieux subsistoient dans l'Empire
Othoman sous
la
protection des empereurs de France, l'on devoit à présent se conduire
en leur faveur bien
dune
autre manniere,
la
considération de Sa Ma-
jesté leur ayant fait obtenir des avantages, dont
ple
ny dans
les
il
n'j-
a point d'exem-
antiennes capitulations, ny dans celles accordées aux
mesme du négoce, et qu'enfin
Ton vouloit voir à Tripoly un Consul et un grand nombre de marchands il falloit executter ce qu'ils doivent attendre de la bonne foy d'un
traitlc si solennel. Le Pacha m'ayant renouvelé touttes ses protestations, tant sur le dernier point, que sur le premier, et dit à lesgard
de cecy qu'on traittoit si bien les Chrestiens francs que les (îrecs s'en
autres nations; qu'il en estoit quasi de
si
plaignoient, je pris congé de luy
me
retirant chez
moy dans le mesme
ordre que j'en estoisparty accompagné d'environ quarante personnes,
.le
jugeay à propos de parler aussi au Cadis, mais en
sous prétexte de voire sa maison, parceque
passer par ses mains,
i'estois
passant et
les capitulations
devant
bien aise de Tinfornier des chefs prin-
cipaux, qui regardoient l'eschelle de Tri|)oly, luy insinuant
la
jilus
grande partie de tout ce que i'avois observé au pacha, et particulièrement qu'il empescheroit que l'on ne porteroit pas au Visir les difficultez. qu'on pourroit apporter à ce nouveau traitté, puisqu'il n'hésiteroit pas par son autorité de Juge de prévenir les ronipements de
teste qu'on causeroit au premier ministre, il me iura que lorsqu'il
assembleroit les puissences du pays
il
pour leur marquer leur conduitte touchant les volontés du Grand Seigneur et que si on y apportoit la moindre résistence. il m'en délivreroit des actes authentiques pour les faire valoir; tout le reste consista
auroit leu les capitulations
19
LES VOYAGES DU MAROL'IS DE XOLNTEL
290
en beaucoup d'honnestetés,
la
main,
temps
il
lui
me
dit
que
le
il
fit
venir un de ses enfants qui
me
baisa
Cadilik de Seyde qu'il avoit reniply bien du
appartenoit maintenant pour sa vie par rescompense de
P<;irte. et qu'il le faisoit
exercer par son aisné, pour lequel
il
la
me promit
une lettre de recommendation. et ce fust après touttes ces marques
de bonne volonté, et les répliques convenables que ie le quittay.
Je lui envoyay le lendemain un commandement obtenu par M' de la
Haye en faveur des Capucins, mais dont ils n'avaient pu obtenir ny l'enregistrement ny l'exécution depuis vingt ans, et ainsy Ton ne cessoit
pas de les contraindre à une espèce de caratche pour leur maison, il le
fit registrer au mesme moment promettant qu'on l'executeroit à l'avenir, et par mannière d'entretien il s'informa de mon chiaoux si i'estois
marié, et il s'estonna fort que ie ne le fusse pas. insinuant néanmoins
qu'il le soupçonnoit parce que ie n'avois pas assez caressé son fils.
Le temps s'estant rendu favorable, je me transportay à la marinne
le vingt cinq février accompagné des Consuls d'Angleterre et de Venise, et d'une trentaine de cavaliers, et ayant mis à la voile la nuit
c'a esté par la faute du vent, qui me manqua, que ie ne peus arriver
à Seyde devant le 27, je moûillay dans le port à la pointe du jour, et
une demie heure après le sieur de Seglas me vint trouver avec toutte
sa nation au bruit du salut d'une polacre françoise qui fust bientost
secondée de celuy du chasteau. dont les descharges se firent entendre
à mon débarquement. Il avoit procuré cette démonstration de joye
publique pour fortifier d'avantage celle qu'il me tesmoigna de ressentir en son particulier, et qu'il m'asseura estre esgalle dans tous
qu'il me présenta me les certiffiant aussy bien unis en
que dans le reste de leur conduitte, l'on chanta mesme le Te
Deum dans sa chapelle, où le j>ere Capucin son chaspelain qui m'estoit
venu recevoir avec la croix, et ses religieux m'ayant complimenté à
la gloire du Roy ie me retiray dans l'appartement que ce Consul s'est
aiusté avec beaucoup de propreté, ne voulant manquer à rien de ce
qui peut relever avec prudence l'employ que Sa Majesté luy a confié;
plusieurs conférences que j'ay eu avec luy m'ont aussy confirmé dans
la bonne opinion que l'on m'avoit donnée de sa personne, et comme
ie ne m'arreste pas seullement aux personnes, ie luy ay tesmoigné
ma satisfaction de la mannière dont il en avoit usé envers son pacha
en deux rencontres importants. Il a vaincu par une vigoureuse et
iudicieuse résistance l'oppiniastreté de ce gouverneur, qui se voyant
sur la fin de son authorité, et dans l'impuissance d'en obtenir la continuation, vouloit faire sa main avant son départ, et ne demandoit pas
moins d'un costc que diz mil escus pour un esclave, qui s'estoit sauvé,
les
François
cela,
Al'l'E.NDlCK
et soùaittoit encorre
une
somme
291
plus considérable pour des religieux
espagnols, qu'il retenoit en prison:
de tentative
et
il luy a fallu
après quatre mois
de ruse réduire sa première prétention a des caresses
extraordinaires qu"il
s'estoit passé, et
list
au Sieur Seglas
ayant veu
les capitulations
le
priant d'oublier ce qui
touchant
estrangers que Ton envoya quérir à Ilierusalem
prisonniers témoignant bien de
la
il
la
donna
protection des
la lijjerté à
colère de ce que les Maltois
ces
mesme
pouvoient venir dans le Levant soubs la protection de Sa Majesté.
On ne peut pas luy mieux parler qu"a fait ce Consul, qui adioutant
Taddresse a ses raisons empescha qu'aucun de la nation ne se présenta
dans les bazars pour achelter. et il n'en fallut pas davantage pour
exciter une espèce de sédition de la part des vendeurs, qui parloient
autrement contre le pacha l'accusant de les priver de leur subsistance,
uniquement du commerce des François n'y ayant point
Il y a donc lieu d'espérer par deux
exemples si considérables et dans un temps que les Anglois viennent
de souffrir à Alep une avanie furieuse pour un mesme prétexte de la
fuitte d'un esclave, il y a, dis-je, lieu d'espérer, que le commerce de
celte eschelle de Seyde se rétablira. La douanne y est dilïerente se
trouvant des marchandises qui payent trois pour cent, d'autres moins,
et quelques unes jusques à quinze, l'on exige encorre un droit de
poids et de meselerie, qui va bien plus loing, et l'on prend chaque
année trois cent piastres pour barut, cinq cent pour la permission des
églises, et cinquante pour l'encorage, ce dernier est réduit par les capitulations a quatre ou cinq cent aspres, elles suppriment aussy le
penulliesme, et celuy qui le précède, lequel est de plus aboiy par un
commandement particulier, et l'on ne pourra plus prendre dis pour
cent des sommes ausquelles monte la douanne. Je pretens encorre
que tout autre droit que celuy de la douanne ne se doit point lever et
qu'ainsj' en vertu des capitulations, qui ordonnent que l'on prendra
trois pour cent, et qui ne parlent point touchant Seyde de poids ny
qu'ils tiroient
d'autres estrangers résidans icy.
de meseterie, on ne peut rien exiger soubs ce prétexte, d'autant plus
qu'a lesgard de Constantinople où l'on exige ce dernier,
il
en a fallut
mention pour l'authoriser, nous avons donc résolu de ne point
nousrelascher de cette prétention, et de la pousser tellement qu'encorre qu'on ne l'ait pas fait valoir du temps des antiennes capitulations
nous puissions en éluder l'obieclion par deux raisons, la première
que ce traitté estoit si anlien cju'il avoit perdu toute sa vigueur, et la
seconde que les droits y estoient spécifiés indéfiniment sans détermination de la quotité au lieu que dans celuy d'à présent ils sont réduits
à trois pour cent. Enfin le sieur Consul et les députés sont bien déterfaire
)>ES
292
VOYAGES DU MARQUIS DE XOIMEL
minés dans touttes les occasions mesme en mon absence a ne plus rien
payer de ces exactions, jusques à tenir mine de cesser le commerce,
et lorsqu'on proposera au premier de me députer pour la décision de
Porte sur ce différent il répliquera que ie luy ay deffendu de me faire
des deputations sans des suiets bien pressants, à cause des grands
frais, et non point pour un comme celuy-cy, qui est clair, et ne mérite
la
point de contestation, et cependant je ne laisseray pas d'obtenir des
commandemens particuliers pour en coupper toutte la difficulté.
Le soulagement que
cette eschelle
va recevoir consiste donc dans
l'exemption de huit cent piastres par an pour
les esglises
de plus de deux cent par année pour lencorage, de (1)
pour l'extinction de dix pour cent qui se payent des
quelles
montent
la cochenille,
les droits, et
de deux et
dans
demy
sur
les
le
et
barut.
sommes
aus-
diminutions d'un pour cent
papier, et d'un sur
le
sur-
bresil,
campech, tartre, jerophe, poivre, corail, et amandes qui sont touttes
marchandises d'entrée, et desquelles il y a beaucoup plus de débit que
des draps et estoffes de soyes dont il faudroit payer un pour cent
plus que l'on ne paye, supposé que l'on ne puisse pasparaddresse en
demeurer à l'accord fait à leur égard, l'on verra ce que les Turcs diront sur ce suiet et l'on taschera de soustenir que ce qui se lève de
doûanne monte à trois pour cent ou peu s'en manque, et qu'ainsy il
n'y faut rien chan,i;er. d'autant plus que les draps et estoffes de soyes
sont tantost plus et tantost moins chères, et qu'il y aurait tousjours
de
la ilisjjutte
quand
enfin
il
à s'exposer à la nécessité d'une nouvelle estimation,
faudroit les augmenter,
compenseroit cette perte.
L'avantage, que l'on recevra à
le
guain sur
la sortie, sera
les
autres denrées
encorre plus considé-
rable, puisque sur les cottons en laine, flUets ordinaires et cendres,
il se fait le plus grand négoce, il faudra diminuer savoir sur les
premiers sept pour cent, sur les autres douze, et sur les derniers un
demi, l'on gasgnera encorre sur les filets moyens deux pour cent,
dont
senne trois, sur le salmoniac trois et un quart, sur le cassis
deux et un quart, et sur touttes sortes de toiles trois, ainsy la perte
de deux tiers pour cent sur les filets fins, d'un demy pour cent sur les
sur
le
il se transporte bien moins
que des autres ne devra pas entrer en considération, supposé qu'il
faille augmenter leur fixation.
Le desavantage que l'on recevra sur la soye, dont il ne se prend
qu'un et demi, qu'il faudi-a doubler, ne portera jjoint non plus du
galles et d'autant sur la cire desquelles
(t)
Espace
(^n
lilanr
Jnns
l'orii-'inal
293
AI'l'KNDICE
préjudice parce que premièrement
il
ne s'en
fait
plus aucun com-
que j'obticndray
du droit de son poids, qui est de vingt-cinq piastres par quintal,
recompenscroit bien au delà l'augmentation de la doûanne, enfin (juand
ie ne Tobtiendrois pas non plus (jue de la piastre et un quart par
quintal de touttes les marchandises, qui se vendent à un certain
merce,
et
que supposé
qu'il se restablist, l'extinction
demi pour cent de tout ce qui s'achette
poids, et d'un et
qui est une espèce de meseterie. ce que
ie
ne puis croire
et se vent,
me
faisant
fort de l'obtenir, les capitulations ne laisseroient pas de iirocurer
encorre à l'eschelle un guain notable, et qui fortifira entierremenl
celuy quelle commençoil de gouster par la cessation des usures de
le commandement que l'en obtins il y a deux ans.
par conséquent très évident, que les négotiants d'icy aussy
bien que de Constantinople. Smirne. Satalie. la Morée. Candie. Chippres et Alep seront soulagés considérablement, ce que ie me promets
ses debtes suivant
Il
est
devoir estre d'autant plus stable, que
ie
m'informeray exactement
partout des moindres besoins, que l'on y ]>eut avoir, et que j'y feray
paroistre l'authorité du Roy. et celle de la Porte dune manniere à faire
craindre d'y donner atteinte en quoy que ce
soit, j'y
reussiray d'autant
mieux suivant mon espérance que ie parleray a tous les Pachas. Cadis
et niesme au doiiannier et que mon Capidji me secondera fortement
se servant de la mesme rigueur qu'il a monstre à Cliip|)res, soit pour
l'exlinclic n des abus, sott pour accréditer les Consuls, et la nation, il
pourra peut estre arriver que le nouveau pacha n'arrivant pas icy do
longtemiis
agi auprès
sieur
Seiglas
cette année,
me
ne pourois pas l'attendre, mais en ce cas après avoir
ie
du Cadi
,
me
ie
reposeray bien seurement du reste sur le
satisfait des députés de
qui m'a témoigné estre
lesquels aussy m'ont paru fort honnesti's gens, enfin io
liaison de tous les marchands de
de leur Consul, queiout réussira à
la gloire du Hoy et à l'avantage de ses sujets, ie souhaitteroiscn pouvoir dire autant d'Alep, et ie ne laisse pas d'espérer que le voyage,
persuade aisément,
cette eschelle. et
par
et
par
la
la conduitte
que iy feray. y sera très utile, celuy du Caire ne le sera pas moins,
parce que le sieur de Tîonnecorse avoit témoigné son impatience
d'avoir le Cajiidji fondée sur des injustices que le pacha luy vuuloit
faire, j'ai escrit a l'un et a l'autre et les lettres, dont ie vous envoyé
les coppies. ont esté portées par un exprès, que le premier avoit despesché au sieur Seiglas. .Je croy qu'elles suspendront le mal jusques
à ce que i'y apporte le remède et i'espère me mettre en chemin pour
et
celte entreprise à
la
Semaine Sainte
mon
retour de Hierusalem, ou
et les festes
ie fais estât
de passer
de Pasques ayant dessein de partir au
LES VOYAGES DV MARQUIS DE NOINTEL
294
premier bon vent pour Jaffa.
les terres du pacha de Gaza,
Comme
dans
y a des marchands
françois résidants à Rama, qui est de son pachalik, vous verres ce
que ie luy mande au suiet de ces derniers touchant sa protection, ne
luy parlant que par occasion de mon passage en la Terre Sainte, affln
que de luy mesme et par la médiation du sieur Seiglas. qui est bien
avec luy. il m'offre toute la commodité et l'honneur qui peut dépendre
que
et
ie
suis obligé de traverser
d'ailleurs
de son pouvoir, et de son interest.
Voilà. Monsieur, le compte le plus exact
rendre. Je vous supplie très
réception, et de
me
il
qu'il m'est possible
de vous
humblement de l'honnorer d'une favorable
continuer la liberté de vous protester que
ie suis
d'une manière aussy respectueuse que soumise, Monsieur, vostre très
humble,
très obéissant et très obligé serviteur,
NniXTEL.
M.
de Nointcl au Roi.
A
Ilierusalem. ce 15 avril lG7-i
SiBE.
La
ville
de Hierusalem ou j'ay l'avantage de
me
trouver n'est plus
ce qu'elle a été dans l'antiquité, la grandeur et la magnificence de son
temple consiste en de foibles restes. Les armées des Ministres destinés
au service de ses hautels sont changées en un petit nombres de Turcs
employez
une mosquée. L'abondance du peuple qu'elle conun désert. La quantité d'argent qui s'y trouvoit, en
sorte qu'estant commun on ne l'estimoitpas davantage que les pierres,
a fait qu'a présent on se soumet à tout pour en avoir. Les plus illustres monuments, destinés à servir de sépultures à tant de Roys. et de
grands personnages, lesquels y enfermoient aussy leurs trésors, semblent n'avoir esté taillés dans le roc par un travail inconcevable, et
séparés de la terre qui les avoit produit, que pour y estre maintenant
a servir
tenoit a produit
ensevelis en partie.
fertilité, si elle
n'y a plus d'apparence de cette
Il
prodigieuse
n'estoit miraculeuse, puisqu'au milieu des
des montagnes dont
le pa'is est
lions de personnes,
les
roches
et
tout plein, elle suffisoit à tant de mil-
ayant longtemps aydé à soustenir ce siège
si
fameux d'un des plus grands Empereurs Romains. Ces considérations,
Sire, pouroient attirer l'admiration d'un changement si extraordinaire
et en imprimer une forte douleur à tout autre que Vostre Majesté, qui
est bien
informée des justes profeties sur lesquelles
il
est appuie. Elle
penettre indubitablement, que tout se passoit en figurre dans l'an-
sienne Hierusalem
:
sa
grandeur passée qui comprend l'empire absolu
Ml ICI-:
AI' ri;
de sa loix.
295
la superbe de ses édifices devoit s'évasnouïr, et s'anque la véritable gloire qu'elle ne figuroit qu'imparfaitrespandue avec profusion sur la grotte de Betleem, sur les
et
neantir. affin
tement
fut
montagnes de Sion, du Calvaire, etd'Olivel,
et
sur les fonds et pleines
qui les environnent, et les torrents qui les arrosent, affin que par
nous fussions délivrés d"un joug intolérable,
que nous eussions un fils aisné de l'Église, qui renfermant
dans sa personne sacrée toutes les rares qualités des Clovis. Charlemagnes. Saint Louis, et de tant d'autres monarques dont il tire sa
l'évangile et la religion
affin
nomme Louis quatorze, ce qui suffit pour en imprimer
grandes idées que la langue ny la plume ne peuvent ex]iriiner.
J'ose espérer. Sire, que ce nom sacré qui est la terreur des hérétiques
naissance, se
les
estant souscrit à une lettre pour le Grand Seigneur, dépossédera les
Grecs schisniatiques de leurs usurpations du Calvaire, de la pierre
de l'onction et de Betleem, et nous en avons desjà un présage heureux,
car son autorité nous ayant
de
la nativité
fait
de Saint Jean, et
obtenir
la
le
restablissement de l'église
possession de son désert,
l'effet
qui
doit suivre naturellement l'honneur qui se va rendre au précurseur, est
de rentrer dans
moyens
dissipé, le
légitimes d'adorer celuy à qui
il a servy de
malice des Grecs y a voulu porter s'est
cadenas par lequel ils vouloient s'attribuer un nouveau
les
précurseur. Le trouble que
la
droit dans le Saint-Sépulcre a esté arraché, et l'un et l'autre s'est fait
par la considération deue à V. M. sa puissance punira la perfidie des
Grecs dedans et dehors de son Royanme, lesquels n'y éprouvent les
;
charités qu'ils y amassent sous de vains et faux prétextes, que pour
venir dans l'Empire Otthoman et particulièrement dans les Saints Lieux
y maintenir leur possession criminelle, et y exercer leur furie contre
les religieux lattins. J'ay esté tesmoin à Constantinople de leur ingratitude par la méconnaissance des bons traittemens qu'ils ont receu de
moy;
leur égarrement paroist manifestement dans
de leurs patriarclies, dont il \- en a sept de vivanSj
pour
l'Eglise
qu'ils ont de
Romaine de ceux de
science dans
reste de la crestienté.
attestations
que
i'ay
le
les
et
changemens
par l'aversion
leurs docteurs qui ont puisé ce
du
collège romain, et les universités
Par ces raisons.
Sire,
on peut conclure que
obtenues de b'urs patriarches touchant
les
la trans-
substantiation, et autres points, n'ont esté par eux accordées (ju'à
force de la vérité, et a ce que i'avois
yeux,
et
que
le
retardement a
me
regret du triomphe que l'Eglise
puis asseurer V. M. que
la
la
moy-mesme veu de mes propres
les
consigner a esté fondé sur
le
Romaine en devoit remporter. Je
sommission de leurs esprits à
la justice est
attachée nécessairement à la domination de l'esclavage sous laquelle
LES VOYAGES DU MAROIIS DE NOINTEL
296
faut auparavant soumettre leurs corps
c'est la conduite efficace de
puissance que Dieu a envoyé pour leur châtiment, et ils reconnoissent eux-mesme ce moyen si indubitable, qu'entre eux ils se battent
il
:
la
très
souvent jusques à l'excès, et à la mort mesme ; ils ont eu depuis
cette naturre dans le Saint Sépulcre et le cou-
peu icy des desmelez de
vent de Saint Hélie. qui ont esté les suittes des batailles qu'ils ont
aux religieux latins, en ayant blessé plusieurs, et ils les ont
comblés de la fauce accusastion de la mort d'un de leurs caloyers,
livrées
arrivée naturellement.
Ils
n'ont pas jugé. Sire, l'ambassadeurde V. M.
digne de leurs respects, et ils ont fait tout leur possible pour diminuer par leurs calomnies l'esclat de son entrée en Hierusalem. Elle
estoit relevée par cinquante cavalliers qui me suivoient deux à deux,
parle consul de Seydequi m'accompagnoit. par un cheval richement
harnaché que l'on m'amena pour changer le mien un peu fatigué,
l'on menoit en main, par six palefreniers vestus à
grecque, et dix valiets de livrée qui m'environnoient, par mes
par d'autres que
la
ma marche, par les officiers que le Cadis
Mousselim qui tient la |ilace du Pacha qui est
à la Mecque avoient envoyé au devant de moy, et par mes armes que
mes gens portoient en toulte liberté. Voila, Sire, l'esclat avec lequel
trompettes qui annonroient
qui a esté Moufty, et
ie Suis entré,
le
taschant de
le
soustenir avec toutte la fierté possible et
raisonable, en présence d'un très grand nombre de Turcs, d'.\rabes
et de Chrestiens de tous les sexes, qui bordoient les chemins, les
fenestres, et remplissoient les terrasses.
Les religieux avec
la
croix
et les cierges, leur gardien à la teste, m'aj^ant receu à la porte de leur
maison, me conduisirent en chantant le Te Deum à l'église. Cette
prière fut suivie de celle pour V. M., et ils n'ont point cessé depuis
de
me
faire tous les
Leur gardien qui
bons traittements qui ont pu dépendre d'eux.
dans lequel la force de la science et
est Italien, et
de la piété suppléent à la foiblesse d'un grand aage, qui néanmoins
ne l'empesche pas d'agir, me paroist bien résolu d'effacer par la raison et son autorité tous les restes de différences inutilles par lesquelles
on vouloit autant distinguer qu'abbaisser les religieux fran(,-ois. Ainsy
vicaire qui occupe le second rang qui doit estre de nostre nation,
sera maintenu dans touttes les fonctions, prérogatives et prééminances
le
qui appartiennent à son employ, sans qu'il soit renvoyé à l'appas
d'une récompense postérieure, lors de son retour en sa patrie, et
sans la restriction à une maison particulierre, l'étendue de son vicariat ne devant point avoir d'autres bornes que celles de la Terre
Sainte. C'est une justice
temps que
ipii
les Italiens estoient
mesme
dans
a toujours esté prattiquée
cette
charge
du
et lorsqu'elle a esté
AlM'i:
remplie parle premier François,
NDICE
et
297
quand
une grâce, ce qui
ce seroit
n'est jias. ie suis persuadé qu'on la devroit à celuy qui est mainte-
nant vicaire par reconnoissance de son méritte
avec plus de solidité que je ne puis jamais
neur de luy rendre cette
des pressans besoins de
cureur, dont
le
lettre et qu'il
la
;
dont V. M. iugera
aura l'hon-
faire, lorsqu'il
prendra
la liberté
Terre Sainte. Le troisième
de l'informer
officier, le
pro-
ministère est très considérable parce que la dépence
il faut qu'il agisse continuellement auprès des Turcs, et
mains ouvertes pour arrêter leur avarice qui pourroit
causer de grands maux, il pourvoye d'un autre costé a touttes les
églises, et aux hospices de la Terre Sainte; il seroit bien heureux
si ces infidèles se vouloient contenter de partager égallement, mais il
leur faut pour l'ordinaire les deux tiers du total, et par conséquent il
est nécessaire qu'il aitune grande économie pour respondreaux autres
besoins qui vont bien loing. Celuy qui est à présent chargé d'un
employ si délicat, est Espagnol, et il s'en acquitte avec toutte l'intégrité et l'adresse que l'on peut désirer, ne donnant rien inutilement,
prenant sur les Turcs tout l'empire que l'on y jieut prendre, et pourvoyant a soustenir le reste avec l'honneur et la bienséance requise; il
travaille depuis dix-huit ans fort utilement, et néanmoins il y auroit
lieu (le craindre qu'il ne put pas réussir toujours si les renforts
d'aumosnes que l'on espère de laChrestienté manquoient de venir.
le
regardant,
qu'ayant
les
Le reste de
la
communauté,
Sire, est
composé d'un prédicateur,
d'un maistre des cérémonies et de plusieurs prestres qui vivans tous
exemplairement,
signalez
aux
majesté et
le
et
ayant beaucoup d'érudition
offices
bel ordre
de
la
dont
Semaine Sainte
le
et
et
de
de piété, se sont
Parques, par
la
service a esté conduit. L'on n'a pas
oublié dans les prédications italiennes et espagnoles, qui ont esté pro-
noncées aux stations du
S. Sépulcre, du Calvaire et autres, d'y parler
du dépos prelieux qui en a esté confié aux religieux de S. François,
c'est qui ne s'est pii faire, Sire, sans tomber naturellement dans
l'exaltation de la singulière piété de vos prédécesseurs qui les on ont
rendu dépositaires, et sans tesmoigner une gratitude aussy expresse
que publique de la protection puissante qu'ils reçoivent de Votre
Majesté. Quand ceux qui ont l'avantage de vivre dans ces Saints
Lieux ne tiendroient pas un langage si juste, les illustres morts qui
y sont ensevelis, et les instruments de leurs victoires qui s'y gardent
comme des reliques, parlent assez par leur silence, et ils continueront de parler françois jusques à la consommation des siècles malgré
la malice des Grecs, qui paroissent n'avoir usurpé les sépulcres de
Godefl"roy de Bouillon, du Hoy Baudouin, et de leurs enfans, (pie pour
LES VOYAGES
298
^lAROLIS DE .\OINTEE
\)V
Leur artifice ne scauroit
peu possible de ne pas rendre icy justice à la
France, qu'en manquant de le faire on s'expose à voir tomber les
montagnes sur sa teste, y en ayant une fort eslevée sur laquelle les
François s'estant retiré après la perte de Hierusalem y ont demeuré
quarante ans attendans du secours, pour mieux dire ils y sont encore,
puisque par leur mort ils en ont fait un cimetière glorieux.
Si Tassistance qu'ils attendoient leurs a manqué, si la domination
françoise avoit cessé auparavant. Ton peut croire, Sire, que ce sont
des efîects de la Providence qui veut combler les grandes conquestes
rayer, et falsifier les tiltres de leur mémoire.
réussir, et
il
est
si
de V. M. par
la deslivrance de la Terre Sainte, et qui n'a permis cette
seconde captivité que pour vous en rendre le libérateur, les pretieux
et sacrés
monumens que nous y possédons
François rendent à V. M.
encorre. où les religieux
premiers devoirs qui appartiennent, non seullement à un fondateur, mais au fils aisné de l'Eglise, ou
les traverses des Grecs estant dissipées il- pourront prier Dieu sans
de
S.
les
tumulte, et sans confusion, pour \. M. qui est
si
une preeminance légitime, establie mesme par
ces pretieux
que
le ciel
monumens,
dis-je, sont
veut acheter de
Y
une
si
grande entreprise. Je
cœur pénétré de
la
il
achèvera de luy fournir
force qui luy est nécessaire
de tout
le souaitte
de respect
zèle,
des arres des grandes victoires
M., et dont
prix par l'abondance de toutte
bien distinguée par
l'autorité des papes,
et
mon
cœur, mais d'un
me fait sou-
de soumission, qui
pirer après les occasions de prouver a toutte la terre
inviolablement,
et
que
ie
le
pour
que
ie suis
seray iusques qu'au dernier soupire
et
au
delà, Sire, etc.
NOINTBL.
M.
(Ir
Noiiitcl
<'(
.1/.
//('
A
Pomponne.
.lerusalfim. ce i3 avril 167-4.
Mo.NSIF.UR,
Mon passage de Seyde à Jafl'a ayant duré trois jours, je me débarquay à ce port fameux de la Palestine, j'y fus salué de quelques
boettes à mon débarquement, et deux heures après le vicaire et le
procureur de Terre Sainte me firent les complimens de leurs supérieurs, et communauté. Un envoyé du Pacha de Gaza m'ayant aussy
asseuré de l'amitié de son maistre. et de sa joye de me scavoir dans
son gouvernement, me tesmoigna i[u'il avoit des ordres pour m'y
faire passer avec cinquante personnes sans paier aucun droicts. J'ay
veu Rama, j'y ay mesme séjourné ce qui m'a donné occasion d'une
AI'l'KMHCE
promenade iusques à Lida,
et le
299
moyen de considérer
beau par ses plaines cultivées, ses costeaux, ses
pais qui est
le
oliviers, mûriers,
ses vignes, ses villages et ses raines. Les rivierres de la grâce qui
y
grande abondance et avec tant d'utilité suppléeoient aux naturelles, dont le deffaut oblige encorre à présent de
couloient autrefois en
si
recourir et de mesnager les sources.
Estant parti de grand matin, je
tagnes au chasteau du bon Larron
commencay
;
son
nom
monmémoire de
d'entrer dans les
conserve
la
sa pénitence, et les Arabes celle de son désordre; et après m'estre
reposé à
S.
Hiérémie. ou ce profette est né, je jettay des œillades en
passant sur
la vallée
deTerebinte, sur
de St Jean Baptiste,
le village
maison déplaisir de Ste Helisabet, ou la Vierge la visistat, et
sur les lieux delà victoire de David contre Goliat; et s'il m'avoit fallu
m'arresler à touttes les remarques que l'on me faisoit, j'aurois trouvé
les portes de Hierusalem fermées. J'y entray le quinsiesme mars a
travers quantité de peuple, bien monté, environné de seise estafiers et
sur
la
suivy de cinquantes cavalliers
palefreniers, et
Les
officiers
de la ville ayant
fus aussj- bien receu que je
la
pluspart armés.
mesme envoyé au devant de moy,
pouvois espérer dans
et je
couvent de
St Sauveur, appartenant aux religieux de St François. Les visittes
des sanctuaires enfermés dans cette ville, ou qui sont à ses environs,
mesme des plus éloignez, tels que le Jourdain et St Sabba, m'ont fort
le
occupé, ayant employé plusieurs semaines à
les
le
honnorer de
la
véné-
ration qui leur est deue; et je puis vous asseurer. Monsieur, qu'il
semble que la Providence ait autant pris de plaisir a enrichir ce pais
par la profusion de ses grâces spirituelles, en figurre. et en vérité,
qu'il paroist avoir esté dépourveu de tout temps des avantages d'une
belle situation et d'un terrain fertil. Il faut croire nécessairement que
cette
grande abondance de peuple,
et la fertilité
qui leurs suffisoit
estoient des miracles perpétuels qui faisoient produire les roches et
contenir
monde
rangs
dans
des
petits
espaces des quantités
innombrables de
qui autrement n'y auroient pu demeurer sans centupler leurs
les
uns sur
les autres; ce
sont des reQexions qui tombent dans
l'esprit fort naturellement, et qui estant establies
sur
divinne ne font point de tort à la foy des escriturres,
ia
puissance
il
faut donc
ou je suis par la foy, et croire que sans elle on estade promission dans l'Egypte; je fais estât
d'y passer dans quinse jours ou trois semaines pour la stabilité et
l'achèvement des heureuses impressions que mes lettres y ont fait
juger de
la terre
bliroit plustost la terre
les puissances qui la gouvernent. La force dont je m'estois
exprimé avoit son fondement sur les nouveaux secours que me deman-
sur
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL
300
doient
le
consul
et les
vay des instances
à
depputés de
Rama,
la
nation du Caire, et dont je trou-
escrittes d"une
manière qui pouvoit con-
venir a des assiégés réduits à l'extrémité, et sans espérance de quar-
triomphent maintenant, et ils ne m'attribuent pas moins.
fait trembler avec trois feuilles de papier le
cousin germain du G. S., et la milice d'un grand royaume en la personne d'un de ses chefs les plus accrédités; ils respirent avec d'autant
tier,
ils
Monsieur, que d'avoir
plus d'asseurance, i[ue l'honneur et
la tranquillité
leur estant rendues,
que ma présence fixera entièrement leur bonheur, et
affin. Monsieur, que vous connoissiez bien mieux ce qui s'est passé,
je prens la liberté de vous envoyer les coppies principalles de ce qui
a esté escrit respectivement: elles seroient suffisantes pour vous
prouver l'utilité de mon voyage, si d'ailleurs, sans avoir besoin des
événemens. vous n'en estiés pas persuadé par vostre pénétration et
par la justice que vousscavés si bien rendre, c'est sur elle que jestails
se promettent
ma confiance contre les calomnies outrageantes de certains marchans de Smirne dont je ne scais pas encorre les noms, mais qui peuvent estre légitimement qualifiés de cabalistes je ne suis party de
Constantinople suivant leur langage que dans le dessein de donner
blis
;
une estocade a leur eschelle,
et ils
ne sont par
lions à l'abri des avanies des Turcs
les
nouvelles capitula-
que pour en souffrir de
ma
part;
leur consul, leurs depputés, et leurs affidés. disent-ils, réduisent le
commerce
qu'ils
me veuUent recevoir avec esclat,
moy dans un bel ordie, qu'ils
des logis pour ma suitte, et que je
à l'extrémité, parce qu'ils
souaittentde venir au devant de
m'ont préparé un appartement, et
suis seullement un ambassadeur: je ne doute pas qu'ils ne soient
bien faschez que dans mes ordonnances pour la levée de quelques
sommes, j'aye promis de les rendre sur ma pension de Marseille; car
c'eut été une belle matierre à leur fauce rhétorique. Ce sont là. Monsieur, des crimes tout nouveaux, mais pour en avoir la conviction il
faut peneti'er dans des intentions que je n'ay point, et inventer des
faits qui ne furent jamais, et à la preuve desquels je les deffie
il faut
montrer par quelles loix nouvelles des sujets sont criminels pour
honnorer le représentant de leur Roy, lors principalement qu'ils le
:
doivent à la face de plusieurs nations estrangères,
.\nglois. Vénitiens,
Mamans
fairre par bienséance ce
et
telles
que
les
Gennois, qui ne manqueront pas de
que les autres sont obligés par devoir. .le
que des impostures si grossières ne feront
point d'impressions sur vous à mon préjudice, et que vous prendrez
volontiers la peinne d'en découvrir la fauceté à S. M. qui ne desaprouvera pas qu'estant à Smirne je procède à la punition d'une
suis persuadé, .Monsieur,
A
KM) le
ri'
aOl
F,
grande insolonce, après neantmoins que je seray bien informé de
ceux qui l'on commise. Cet excès d'emportement ne refroidira point mon zèle pour le reste de l'entreprise
([ue je continueray avec toutte l'exactitude possible, poussant le bénéfice de ma présence dans tous les endrois aussy loin que je pourray,
par la crainte que je donneray d'un costé aux ministres, et par l'ordre i[ue je mettray de l'autre entre les marchans; prenant connoissance de leurs demeslez et pénétrant dans les debtes autant qu'il me
sera possible. J'avois toujours ou'i dire qu'il eut esté avantageux
qu'un ambassadeur qui sembloit n'estre que pour Constantinople et
.Smirne put faire un tour dans les autres lieux, et qu'il suffisoit mesme
(]uil y montra son visage. Cette bonne fortunne est arrivée, mais
n'estant telle qu'en idée, c'est un crime dans l'exocutiim; mais un
crime nouveau qui consiste à faire un voyage de cette naturre a mes
despens, hors le deffray des eschelles pendant que j'y séjourne, un
crime dont la nouveauté est singulierre, puisqu'elle consiste dans
l'exposition de ma personne aux périls de la mer et de la terre. Cet
engagement pourtant dans lequel je suis entré, si criminel qu'il soit,
si
touttes les circonstances et de
peu de curiosité qui
que de prouver mon zèle pour le restablissement
de procurer parce moyen la continuation de votre
n'a point d'autre fondement, à l'exception d'un
s'y trouve meslée,
du commerce
et
protection à celuy qui est très respectueusenuMil, Monsieur, etc.
NolNTEL.
Ayant sceu, Monsieur, depuis
refusé l'acquittement d'une
qu'un Turc m'avoit prestée
que
ma lettre
lettre
a
mon
escritle qu'à
Smirne on avoit
de change de seize cent piastres
départ de Naxis.
et ipii fait
j'ay pris sur cette eschelle, sous la déclaration de
huit mil trois cent livres, je
de ce
lieu, cl
aurez
la
me
le
avec ce
rendre, dix-
suis cvù engagi' d'escrire au consul
de luy envoyer une ordonnance dont j'espère que vous
bonté de
lire les
M.
coppies.
de yoinle/ à
M.
dr l'ompoiinr.
A Jérusalem,
le
2.'j
avril 10"}.
Monsieur,
Le mesme devoir
iiui
m'a engagé jusques à présent
avec exactitude des bonstraittemenls que
le»
di;
vous informer
Grecs ont reçeu de
mon
honestelé, fondez sur l'espérance de les reduirre à une secrette union,
m'oblige indispensablement à vous asseurer que
l'instabilité, l'ambi-
VOYAGES DU MARQUIS DE NUINTEL
302
I.ES
tion, et la
vengeance qui règne absolument entre eux, sont autant
d'oppositions invincibles à l'adresse humaine. Tous les restes de leur
domination passée consistent dans des artiûces criminelles, et l'usage
qu'ils en font est la seulle consolation qu'ils rencontrent dans leur
esclavage. C'est, Monsieur, sur ce principe qu"il y a sept Patriarches de
Constantinople vivans, et que celuy qui est maintenant réfugié dans
mon
pallais à
Pera n'oubliera rien pour remonter sur
le
trosne ima-
ginaire de son faste. J'ay desjà eu l'honneur de vous faire part d'une
et je puis vous asseurer, qu'ils en commettent tous
grandes pour se renverser réciproquement, qu'ils sont
indignes de toutte protection. C'est la force de la vérité qui arrache
de leurs perfidies,
les
jours de
si
aveu à l'envie que j'ay toujours eu de les adoucir. Les passe-ports
recommandations que je leur ay donné ont servy à leurs procurer des passages en Chrestienté, et des aumosnes pour venir dans
la Terre Sainte y battre nos religieux à la face des plus sacrez monumens, poussant leurs excès jusques à l'effusion du sang, et à imputer
cet
et les
aux autres
la
mort d'un de
leurs caloyers arrivée naturellement. Ils
font icy touttes choses tellement dans la confusion, qu'au lieu de la
décence qu'ils guardent encore à Constantinople
le
service divin, on les voit ne garder presque
Saint Sépulcre, où
cessions urlans
ils
et aux environs dans
aucunne mesurre au
permettent que les séculiers suivent leurs prodes chiens. Ils conservent leur usurpation du
comme
Calvaire, de la pierre de l'onction, et de Betleem, par les secours qu'ils
vont mandier en Chrestienté; et leur aveuglement a esté^ si grand,
que non contens de ne m'avoir rendu aucun honneur ils ont fait leur
possible pour obscurcir celuy que j'ay receu des Turcs. Enfin, Mon-
que la confirmation de touttes les attestations qu'ils m'ont données sur la transsubstantiation du pain et du vin dans le mystère de l'Eucharistie. Mais
s'ils font en ce rencontre ce qu'ils doivent, ils ne jouiront pas de l'impunité dans le reste, et je suis, Monsieur, si fort convaincu de vostre
justice, qu'assurément vous comtribuerés auprès du Roy au chastiment de ces ingrats, par la privation des aumosnes qu'ils voslent en
France, et en procurant que Sa Majesté escrive au Grand Seigneur
pour la restitution du Calvaire, de la pierre de l'onction, et de Betleem.
C'est l'espérance que j'ay insinuée au Père Vicaire de Terre Sainte qui
aura l'honneur de vous rendre cette lettre et qui certainement raeritte
vostre protection par luj' mesme quand il ne seroit pas chargé des
besoins généraux dont j'ay pris la liberté de vous parler, et quand il
sieur, je n'ay rien veil de louable dans leur conduitte
n'auroit pas à soustenir ceux de la Nation. Je me persuade que vous
voudrés bien adjouter à tant de grâces celle de me croire très invio-
Al'l'KNDICli
lablement. et avec tout
le
respect et
la
303
soumission possibles, Monsieur,
vostre très humble, très obéissant et très obligé serviteur
teur.
NOIXTEL.
.1/.
de Sointel à
M.
de Pompon»!-.
A
Seide, ce 28 juin 167i,
Monsieur,
Mon despart de Uierusalem, qui fut le septiesme may, ayant esté
suivy d'une réception honorable a deux lieux de Kama par le moyen
de deux compagnies de cavallerie que
noit depuis
le Pacha de daze qui y seiourpeu avoit envoyé au-devant de moy et qui se disposèrent
en plusieurs plottons. je receus
la
confirmation de cette civilité
et les
compliments de ce ministre par son Chiaia et les principaux officiers de
sa maison qui me conduisirent à l'hospice des religieux de Terre Sainte.
Les chiaoux qui les précédoient avec leurs bastons d'argent faisant
paroistre beaucoup de peine pour obliger l'abondance de monde qui
me laisser le passage
un peu plus libre, le Pacha qui me vit passer de sa fenestre ne manqua pas à ma descente de cheval de me resgaller des presens accoustumez de victuailles, ce qui fut soustenu de beaucoup d'honestetés
qu'il confirma pleinement lors démon compliment par mon secrétaire
et. dans les deux visittes que je lui fis. la première à Rama, et l'autre
à Gaza sa capitalle, où il m'avoit fait conduire avec une bannière,
ayant désiré que je passasse la nuit dans sa maison de campagne qui
en est esloignée d'une demy-heure, et ou il me fist trouver toutte sorte
remplissoitla plaine de s'eslargir suffisament à
de provisions.
Il
me
regalla encore a la ville dans un des pavillons
de ses jardins, d'un grand repas
si
l'on
considère
le
nombre des
plats,
mais très meschant par la malpropreté, et l'impossibilité de rien
manger, ce qui seroit arrivé sans la preccaution de faire venir trois
ou quatre mets de ma cuisinne à l'invitation qu'il m'en fit que je ne
manquay pas de prendre au mot. Son accueil ouvert par un visage
riant, par la manière de s'avancer à mon abord et par l'embrassade
et le baiser qui
chrestiens
si
ne se prattiquent pas ordinairement a
qualifiés qu'ils soient, furent des
l'esgard des
tesmoignages d'amitié
par tous les autres qu'il put s'imaginer, et particulièrement
par des expressions très fortes d'une obéissance aveugle aux ordres
qu'il fortifia
du G.
S.
touchant
exécuter à
Rama
les
nouvelles Capitulations qu'il
avec toutte
cette généralité je passay
la
me
promit défaire
punctualité que je pouvois désirer. De
au particulier,
et
après plusieurs esclaircis-
LES VOYAGES Dl MAKlJl
304
IS
DE NOINTEL
il fut convenu que Ton prendroit seuUement trois pour cent,
douane d'or qui monte à dix pour cent du prix de la doùanne
ne se leveroit plus, que l'ancorage seroit réduit do ;{3 piastres à cinq,
et qu'on cesseroit la levée d'une piastre pour balle qui se prenoit à
Jaffa qui est leschelle de Rama. 11 se prend encore en ce lieu-cy un
droit exhorbitant. qui de très leuer dans son origine monte k présent à huit pour cent ou environ. Il a esté estably pour la récompense du peseur. et affin peut-estre qu'il fit un meilleur poids au
préjudice du vendeur, mais maintenant les acheteurs le payent bien
par son augmentation, n'ayant pas esté possible d'obliger le Pacha à
gemens,
que
la
s'en désister
par touttes
les raisons
dont j'ay desja eu l'honneur de
.vous informer touchant Seyde. L'on a convenu d'attendre les ordres
plus précis de
la
Porte que j'espère obtenir facilemment
et
qui seront
exécutés aussy bien que tout ce qui a esté arresté, pourvu qu'on y
tienne la main, ainsy que le sieur de Seiglas Consul est résolu de l'y
La vigueur est nécessaire, et l'on ne doit pas s'en désister, en
croyant trop aux douceurs apparentes de ce Ministre, qui est intéressé
par nécessité, à cause du remboursement qu'il est obligé de se procurer des grandes depences aux(juelles il est sujet. Tous les officiers
du Caire depuis le Vice-Roy jusques au moindre passant chés luy en
tenir.
allant et retournant, et outre la nourriturre qu'il leur fournit, etgene-
rallement à tout leur train dans l'estendiie de son Pachalic,
sens qu'il est tenu
tous
les
courriers,
rie
leurs faire
montent bien haut.
Il
les
pre-
regale encorre
qui estant ordinairement des gens qualifiés du
serrail selon les causes de leur expédition,
ils
ne courrent pas à moins
qu'à quinse ouseise chevaux, ce que j'ay veu en
personne de celuy
n'a pas hésité de
m'insinuer que celte année luy a esté très difficile jjar le grand nombre de ceux (juc Sa Ilautesse a despeché au Caire. Son grand escuyer
a esté un de ceux-là, beaucoup d'autres l'ont suivis, et il en passe
continuellement, ce que l'on peut imputter au grand besoin qu'on a
de tirer des trouppes de ce Royaume, affin de suppléer aux défailles
par les Polonnois. Le passage de Champlan Pacha lui a cousté beaucoup, ce qui le desgousta lorsque j'estois à Gaza de rien donner au
Courier qui portoit à ce Seigneur la nouvelle de sa confirmation
annuelle dans le Pachalic d'Egypte, cette grande dignité se vendant
tous les ans comme les moindres. Il a essuyé de grands frais pour le
retour d'Ibraim Pacha du Caire s'en allant à Damas y estre Pacha
dont il estmaintenantparty pour l'armée, parce qu'en qualité de Pacha
de Gaza il en despend. La politique des Turcs a introduit celte dépendance, affin d'alfaiblir le pouvoir du pacha de Gaze qui est héréditaire,
qui est a présent jannissaire aga d'Egypte. Et
la
il
•
ai'I'i;m)1i.i-:
305
el qui estant esloigné de la Porte ptiuroit devenir trop absolue.
dernier avoit donné une
Celuj
grande jalousie par Texcès
de sa puissance, et peut estre encorre parla considération qu'il faisoit
des cliresliens et le <-ommerce qu'il avoit avec eux, que le deffunt
Kiupruly premier Visier, n"ayant pas trouvé Toccasion de se deffaire
de lu\-. luy fit l'honneur de le comprendre dans son testament de
mort que son fils religieux observateur de ses volontés n'a pas manqué
d'accomplir. Car ce malheureux estant venu à Constantinople sous
de vains appas fut estranglé à une journée de cette ville. Il estoit
qui l'estoit
le
aussy Pacha de Ifierusalem
et
si
de N'aplouse,
([ue
son frère qui est l'un
des cent vingt et un voudroit bien avoir pour quitter
le
Paclialic de
Gaze à son neveu fils de Testranglé qui en est l'héritier légitime. Geluycy estoit jeune à la mort de son père, et l'on l'a toujours tenu en bride, et
tellement, qu'on peut dire qu'il en est abbruly.
il
peut avoir [un mot omis] ans,
et
il
Il
est
néantmoins marié,
a tesmoigné qu'il auroit bien
me voir et de me régaller à la campagne sans la crainte
de son oncle dont je viens de parler qui gouverne à présent, et qui a
plus d'exlérieurque de solidité dont voicy la preuve. Mes complimens
souhaitlé de
qui luy marquoient la considération de sa personne, non seullement
elle mesme. mais par l'avantage si extraordinaire dans l'Empire
Otthoman de posséder un gouvernement par succession, n'ont point
par
reconnus par autre réplique que de Inchalla, signifiant S'il plaist
accompagnoit d'un rire innocent.
Ce fut aussy inutilement que je fortifiay ma civilité en luy insinuant
que sa haute naissance si rare en Turchie et dont quasi luy seul se pouvoit vanter estoit inséparable des grande? vertus qui se rencontroient
si rarement dans ceux eslevés par le hasard, lui adjoutt,ant que son gouesté
à Dieu, qu'il
vernement en
du Grand
establissoit la preuve, et encorre plus celuy
Vizir qui avoit succédé à son père, car toutte sa response consista enu
souait réitéré d'une longue vie et de toutte sorte de prospérités
premier ministre. Lorsque j'y estois disposé et que les préparatifs s'en
avançaient fort, le Cadi de Hierusalem m'escrivit l'ordre qu'il avoit
receu du Vizir de me faire voir tous les Lieux Saints et de procurer
que sans en visittcr aucuns autres je retournasse à Constantinople:
qu'ainsy il me conseilloit de laisser le voyage d'Egypte, et pour m'y
m'envoya coppie de
la lettre do ce premier ministre. Je
prendre ce conseil, mais auparavant
de l'exi'cuter, j'expediay le capidjy et mon drogman au Caire, donnant
à celuy-cy des lettres pour le Pacha, son Chiaia, le Jannissaire Agaet
son Chiaia et pour le sieur de Bonnecorse et les députés de la nation,
engager
il
n'hésitay jias à
dont je prens
me déterminer
la liberté
à
de vous envoyer coppie affin que
si
vous avez
20
LES VOYAGES OU MARQUIS DE NOINTEL
306
la
bonté de
soustenir
le
les lire,
vous jugiès de ce que j'aurois
tout par
ma présence.
pu
fait si j'avois
Pacha de Gaze, après avoir
grande, double dont l'une haute,
Cette expédition faitte je pris congé du
bien considéré sa capitalle
et l'autre basse;
elle est
:
elle est
sans murailles, ses maisons sont pour
pluspart de terre. Dans la première on voit
chasteau, sans
le
la
fortifi-
mais assez bien basty et fermé, sa construction estant de
delà seconde est une montagne ou l'on
prétend que le fort Samson ait transporté les portes de la ville, et
l'on croit que leur situation est marquée par deux colonnes qui sont
au bas dans un esloignement considérable l'une de l'autre. Il y a quatre
mosquées qui paroissent assez belles; tout le pais est agréablement
diversifié de plaines et de collines, qui sont bornées par de grandes
montagnes, les arbres fruittiers tels que figuiers, grenadiers, abricottiers, figuiers de Pharaon, et d'.Vdam. caroubiers, oliviers, palmiers
et autres y sont dans une abondance à faire croire qu'ils composent
une forêt.
Les chemins y estant larges, droit> et unis merittent véritablement
le nom de Itoyaux, quelques-uns sont bordés de hayes. Les campagnes semblent fertiles par ce qui en est cultivé, l'air y est bon, et
mesme tempéré quoy qu'il tire assez sur le chaux, et l'on y a veu
tomber il n'y a pas longtemps une gresle prodigieuse. Enfin s'il y
avoit seullement quelque ruisseau ou petitte rivière, ce seroit un
grand avantage. Il faut pour y suppléer mesnager les fontaines qui
sont rares, et avoir principalement recours aux cisternes et aux
puids. Le peuple est misérable jusques à estre réduit à demander
l'aumosne. et il est aussy difficille (juincoramode de la donner par
l'accablement de ceux qui la demandent. Le nombre des villages du
cations,
belles pierres; et àrextréniité
Pachalic de Gaza est assez considérable, ce que j'entens et de ceux
qui sont fixes, et des ambulatoires. Ceux-ci appartiennent aux Arabes
qui logent sous leurs tentes, et les autres font voir les misérables
restes de ces anciennes villes des Philistins
si
renommées dans
l'his-
peuvent passer tout au plus pour des hameaux;
distance qu'il y a de douze lieues de Gaza à Rama, jay veu
toire qui a présent
dans
la
Jebna, .\ssotto, et Magdalon en plaine terre,
bord de la mer. et il reste en ce lieu-cy de grandes
ruines qui prouvent la beauté et la longueur du mosie qu'on y avoit
eslevé afTin de se mesnager un port sur une coste si difficille.
Celuy de Jafïa ou je me rendis après avoir demeuré deux jours à
lUma estoit assez remplis, mais seulement de barques et saiques du
en venant,
et
et retournant,
Ascalona sur
le
pais destinées tant poui- l'enlèvemenl des cotions laine, et
filés
que
AI'l'KNDlCi:
;w7
de la casse et gomme thurique, du savon, et des toisles de cotton de
Lida et de Hierusalem, du senne et des cendres. La première mar-
chandise paye onze pour cent de douanne. la seconde douze, la Iroisiesnie cinq, la quatriesnie vingt-deux, lacinquiesmesept, lasixiesme
deux
et
droit
le
demy,
la
septiesme un,
la
huitiesnie n'est sujette à aucun
l'acha de Gaze la vendant: et
il
en est de
mesme
de
la
neu-
viesme quand ce seigneur en est le vendeur, mais lorsqu'elle vient de
Naplouse on paye vingt-deux pour cent; le matasson dont je vous ay
desja parlé, est d'autant plus rude qu'il se prend pour la mesme marchandise en plusieurs lieux, car les marchans se pourvoyant à Lida
despendant d'un moutevely ou à Naplouse l'ancienne Samarie jointe
au Pachalic de Hierusalem, ils y payent ce droit, et on les contraint
de
le
payer une autre
fois à leur
retour à
qui despend de Gaze, aussy bien que
Rama lieu de
.Jaffa.
Le
traffic
leur résidence.
qui s'y
fait tant
par eux, que par les Ho^landois et gens du pais, peut monter environ
à cent quarente huit mil trois cent escus par an: cinquante mil se consomment en cottons fllés, dix mile en lainne, autant en cendres de
Gaze, huit mille en celles de Naplouse, 500 en casse, sept à huit cent
en gomme thurique, trois mile en senne, quarente mil en savon,
quatorse mil en toisle de cotton de Lida.
et
douze mille en
celles
de
cotton de Hierusalem; de ces deux dernières denrées les François
prennent environ pour quatre mil piastres qu'ils envoyent en France,
le surplus du desbit qui s'en fait montant a plus de vingt-deux mille
escus est pour le Caire les cendres, la casse, le senne, et la gomme
thurique, et le cotton filé se consomment aussy par les Francs, mais
je ne scais pas au juste ce que nostre nation en retire.
Quand aux cottons en laine, elle n'en acheptepointen cette eschelle:
la, si
ce n'est fort rarement, les despences estant excessives, ce qui
pour la
pour
le débitter dans le pais, la distribution s'en faisant en Egypte, à
Seyde. en Cbippres, à Satalie. Smirne. Constantinople. et dans l'Arfait
qu'on
les
transporte à .\cre, et au Caire, et qu'on
plus grande partie: elle ne prend pas aussy de savon
les fille
si
ce n'est
chipel.
Les marchandises d'entrée consistent en draps dontilen vient pour
pour mil cinq cent, en amandes pour neuf
six mil piastres, en papier
pour cinq cent, et en plomb pour mile. La première
paye deux pour cent de douanne, la seconde et la quatriesme quatre
pour cent, la troisiesme neuf, et la cinquiesme quinse; je ne pense
pas que nous ayons part au plomb et à l'estain, quant aux autres
denrées, je ne scay pas encorre quelle est celle que nous y avons.
Cette instruction si généralle ne m'a contenté que dans l'espérance
cent, en estain
LES VOV AilES
308
d'une pins
pour
partii-iiliere
\)V
M AliOTIS nr
NOIMK
I.
plus en destnil que l'on lu'a ]iromise, et
et
mémoires contenant mes demandes, qui
le commerce de Rama et de JafTa
laquelle j'ay laissé des
mesclairciront exactement de tout
son eschelle. C'est en cette dernière, qu'ayant
recommandé au douan-
desmarchans, je ni'embarquay après luy avoir laissé deux boujourdis du Pacha de Gaza contenans l'extinction de la douanne d'or et de l'escu pour balle, et la
desfence de ])rendre plus d'une seulle douanne sur le pied de trois
pour cent, qu'il me promit d'exécuter, aussy bien que le surplus des
nier qui m'ofTroit son service les interests
lendemain à Saint Jean d'Acre j'en
partis à cheval pour le voyage de Nazareth, ou six heures me conduisirent par un pais fort uny. partie en plaine, partie couvert entre des
Capitulations.
Estant arrivé
le
costeaux qui dura quatre lieues etdemy. Le reste depuis Safoura, qui
est la patrie de Saint Joachim. et de Sainte Anne, estant presque
montueux, Nazareth qui consiste en queèques maisons sur pied
beaucoup de ruinées est situé sur une eminence qui commence à
une petite vallée environnée de grandes montagnes dont la (ialilée
est assez remplie. J'en ay monté ti'ois, la première a esté celle des
tout
et
béatitudes, la seconde
le
Tabor, et
la
troisiesme
le
précipice d'où les
Nazaréens vouloient précipiter le (ils di' Dieu; si la jiremiere et la
dernière sont avantagées de la perspective de plusieurs plaines, collines, de la mei- Tibcriade ou lac de (iennezaret, et de beaucoup d'endroits ou la puissance divinne s'est signalé tant dans l'ancien ijuc le
nouveau Testament, cumme Cafarnaum. Betsaide, Safet Corrosaim,
(ielhoi'. Ilermon, llermonium, Esdrelon. le Jourdain. Nain et Indor,
l'autre
montagne qui
tages autour
d'elle,
est
que
le
les
Tabor voit non seulement tous ces avanautres ne peuvent avoir que par parties,
mais encorre son eslevation. son agréable figure, sa séparation qui
la destache quasi de tout, son grand tour, la quantité de ses arbres,
leurs différentes espèces, le nombre de ses plantes, la bonté de son
terroir, la fraischeur et la légèreté de son eau, et l'abondance du gibier luy conservent autant de gloire dans la naturre (ju'elle en a eu
dans
la
grâce par
la (ialilée, l'on
la
transfiguration de son Créateur, elle
en descouvre
les
commande
provinces qui luy sont voisines,
et
peut servir en quelque sorte d'un cinquiesme livre de l'Evangile imprimé par Jésus
entre autres laSamarie et
Christ
la
mesme. par Jésus
Judée, et enfin
(îlorieux.
puis qu'outre la gloire qui luy
a esté communiquée, sa hauteur naturelle
les
fait
voir audessous d'elle
principaux lieux ou ce Sauveur des âmes a
vaillé. Je
du
elle
(i.
^..
la
si
puissamment
tra-
quittay jiour retourner à Nazaret. ou je receus une lettre
me tesmoignant
son désir que je retournasse à C.onstanti-
AI'I'KNDICE
30!)
nople. Elle estoit apparaniment antérieure à celle qu'il avoit escritte
au cadis de Uierusalem
;
quoy
c|u'il
en soit ayant jugé à propos de
luy faire responce en la manière que vous aurés la bonté de voir par
sa coppie, j'expédiaj' le messager que mes droguemansm'avoient envoyé de Constantinople à ce sujet et je me mis en chemin pour Acre.
J'examinay le commerce qui s'y fait en cottons en laine et Olés,
en galle, et cendre qui peut monter pour le total chaque année à cinquante-deux ou cinquante-cinq mil piastres qui passent par les mains
des Franeois. Ils tirent de la première marchandise huit cent balles
qui peuvent valloir 18 mil escus, et de la seconde cinq à six cent de
valeur de seise mile piastres, à raison de vingt piastres
pour
le
le
quintal
cotton en laine, qui monte quelquefois à 27 ou 28 escus.
meilleur, celuy qui est
le
le
plus bas n'en dépassant pas quinse ou
sur le pied de :î5 à 38, de 40 à 45 piastres le quintal ]iour
deux sortes de cottons filés. Les frais de la douanne de ces denrées
sont de dis et seise pour cent, et de six un tiers, et de cinq et plus.
ce qui se connoit par rapport au prix de l'achapt, la douanne estant
fixée ci-devant pour les cottons en laine a deux piastres dereaux le
quintal, et pour les autres à deux piastres et demye.
Le pais ne fournit des galles que deux ans en deux ans, ce qui se
seise. et
les
quelque fois Jusques à trois années, et la quantité qu'on en tire
ne passe pas ordinairement deux cent ou trois cent quintaux qui a
difTère
vingt-deux piastres
le quintal montent à 4. .500 escus.
Les cendres qui sont la pierre d'aymant du négoce de Seyde a
cause du grand jirolTit que l'on en tire, et très facilement puisqu'elles
servent de lest aux bastimens, se négotient touttes à Acre, et
quoyqu'elles soient du second rang, celles de Tripoly que
les
tiens enlèvent estant les premières, on ne laisse pas d'avoir un
Véni-
grand
empressement pour leur recherche. La plante ou herbe nommée
roquette qui les produit se brusle à
la lin
de juin en sorte qu'estant
posée en monceaux dans des trous en terre on y met le feu
duquel estant consommée, les cendres qui en sont sorties ne se trouvent pas entièrement reduittes au moyen.de la plus grande humidité
arrachée
et
de quelques unes des plantes, d'où vient que se calcinant ensemble
demeurent attachées en forme de rocher. L'année passée on en
elles
lit
trois mil quatre cent quintaux,
pied de cinq piastres
le
quintal,
faisant seise mil piastres sur le
non compris un
tiers
de piastre qui
paye à un Lmir par quintal de ce qui en passe dans son pais,
qui peut monter a deux mil deux cent quintaux.
se
Cette denrée s'apporte sur des
chameaux au nombre de
cent de 300 et de moins chasque fois, dans
le
mois de
et
sept et huit
juillet,
aouf»
310
et
LES VOYAGES DL MARQUIS DE NOINTEL
septembre;
et elle est si
estimée que l'on a
fait
des loix pour sa
distribution qui s'observent exactement.
Les seulles voisles françoises qui se trouvent dans le port d'Acre
emportent la moitié, soit qu'il n'y en ait qu'une
ou plusieurs, ce qui se distribue esgallement entre elles au dernier
cas, et elles ne prennent rien à ce qui estoit desja receu lorsqu'elles
lorsqu'elle arrive, en
ont mouillé, l'autre moitié appartient aux marchans résidens actuel-
lement dans l'eschelle d'Acre lorsque cette marchandise est venue, et
elle se divise entre eux par égalité sur des billets qui ne sont que
pour l'ordre de la recevoir, chacun en prenant le poids qui a esté
assigné suivant le nombre de chameaux, ce qui s'execulte en présence
en reste de plus que ce qui a été preveu, il
s'en fait un autre partage a tous, et tout de mesme, s'il se trouvoit
que la moitié de la charge des chameaux appartenante aux bastimens
fut plus pesante que l'autre ils en tiendroient compte; on fait aussy
d'un
controlleur; et
s'il
raison du moins qui se pouroit rencontrer, et l'on va jusques a cette
exactitude, qu'entre les négotians les deux frères n'ont qu'une part
douanne que l'on paye qui
reaux pour quintal, va a quinse
pour cent. Les François emportent presque tout, tant pour la raison
que leurs seuls bastimens y ont droit, (jue pour n'y avoir a Acre
aussy bien que
le
père et
le flls;
enfin la
est de trois quarts de piastres de
qu'un agent vénitien et un hollandois.
Ces cendres servent à faire le savon de Marseille, et le guain
qu'elles produisent suivant l'asseurance qu'on m'en a donnée, en cas
de desbit n'est pas moins de 30. 00,
ions
en laines, et sur
les filés
et
75 pour cent; celuy sur
les cot-
de quinse a seise; l'on gagne 16 a 18
le jus de scamonée; c'est une
que
les
recueillie
herbe
Arabes ayant
sur le mont Carmel pressent
dans leurs mains et en font couler le suc dans une petite vessie de
cuir ou estant comme congelé, et assez espois. ils le vendent en
mesme temps parce qu'il est plus pesant; on l'achepte cinq ou six
escus larotte, qui fait cinq livres à 16 onces, mais il ne s'en vend que
60 ou 70 rottes tous les ans.
Il
faut remarquer que cent de ces rottes font le quintal le plus
generallcment receu de cette coste de Sirie et pais voisins, et que pour
sur les galles, et cent pour cent sur
ce suiect il se nomes damasquin, l'on n'en connoit point d'autre à
Seyde pour toutte sorte de marchandise, ny dans Acre à l'esgard du
cotton filé; pour celuy en laine, les cendres et les galles, on les règle
sur le quintal alebi pesant aussy cent rottes. mais chasque rotte est
de cinq livres et trois quarts.
Il
est aisé
de voir que
la
douanne d'Acre diminuera notablement;
3H
AI'PE.NDICE
mesme
l'on fait
nier retiroit,
Outre
que de
estât en général,
six mil piastres
que
le
douan-
faudra qu'il se réduise à douze cent.
il
douanne dor qui ne
prendra plus, et la réduction de
matassou; et ainsy. si le négoce
plus
grand
on
trouver
pourroit
quelqu'avantage considéestoit
y
y
rable. Les marchandises d'entrée consistent seullement en soixante ou
septante pièces de gros drap rouge de France, qui se vend une piastre
un quart le pic, faisant un peu plus d'une demye haune. et que l'on
fait entrer en payement du coton filé quelquefois pour moitié, et aussy
pour les deux tiers, les niarchans de Naplouse seuls vendeurs de
celuy-cy estant bien aise de se pourvoir de cette estolTe. car il en font
des bonnets et des bas aux Arabes dont la plupart néantmoins tient
les jambes nues. Voilà ce que j'ay pu démêler de l'interest de nostre
nation à St-Jean d'Acre, ou les estrangers prennent peu de part aux
la
Tancorage,
l'on n"v a
se
jamais levé
le
cendres; l'agent vénitien qui reconnoist en ce qui est de l'honneur
vice-consul françois, et
le
consul de Seyde son supérieur,
le
qui pour
it
soumis au consul de la République à Tripoly. exjtédiera peut
deux ou trois voisles de Venise par année, les chargeant de quatre
l'utile est
estre
à cinq et jusques six cent balles de cotton en laine en tout.
Leur
leste se
quintal, dont
Marseille,
prend des cendres de Tripoly, qui valent dix escus
le
poids de cent rottes
chaque
fait
le
huit cent trente livres de
un
rotte pesant huit livres et
tiers.
C'est de cette niatierre que l'on luit le christail de Venise, et par
conséquent l'empressement pour en avoir,
et l'adresse
du Pacha à
l'enchérir ne doivent point surprendre. Juste Vanec, grand négociant
natif d'Envers, et estably à Venise, est quasi le maistre de ce
tasche de s'attribuer entièrement parle
moyen de
négoce
ou quatre
gros vaisseaux qui lui appartiennent, et (jui viennent à Tripoly. Acre
et Jafîa. Le consul de Venise de ce premier lieu despend de luy et
est Hollandois de naissance, et Simon Thimermam (jui réside au dernier pour les Hollandois est son correspondant. Ccluy-cy qui est associé avec Martin Meyere Consul de France, d'Angleterre et d'Hollande
à Tripoly, et qui en despend, est un homme d'intelligence, ce fpii luy
a attiré beaucoup (leprattir[ue; et il n'en faut pas une meilleure preuve,
qu'il
trois
que d'avoir gagné en quatre ans, quarante, ou cinquante mil livres en
commissions, sans comprendre son négoce particulier qui est grand,
puisqu'il
traffique
Ligourne, ou
il
en son
nom
à
Marseille,
Venise,
et
mesme
expédia l'année passée un vaisseau anglais après
à
avoii'
chargé dessus à .\cre deux cent sacs de cendres, cent balles de cotton
et pris le reste du chargement à Tripoly.
n
est
celuy des marchans de Hania ou
il
réside ordinairement qui
LES VOYACES
:Ui
fait le
1)1
M ABOLIS DK
.\0 INTEL
plus grand négoce des cendres de Gaza, qui sont au troisiesme
rang, principalement par la raison qu'elles sont sallées^ l'herbe dont
on les fait croissant sur le bord de la mer. Il les achette du Pacha, et
il en a provision dans son magasin de cinq mil quintaux.
Ce seigneur qui les lui a vendues en desbitte tous les ans deux mil
quintaux et plus, à sept, huit et quelquefois dix piastres le quintal,
a présent
qui
fait
onces
ment
et
cent rottes dont chacune pesé sept livres et demy, à seize
quoy
qu'il
ne soit pas payé tout en argent, une partie du paye-
se faisant en londrine, et (luinquaillerie, les negotians ne laissent
pas d'eslre quasi toujours en avance auprès de luy d'assez grandes
sommes. Il doit à un Franrois mil six cent escus et à Timermam trois
mil.
Comme
est le maistre de la
il
cendres, mais aussy
il
doûanne
en tire davantage.
Il
il
ne
la
en est de
prend point des
mesme du Pacha
de Tripoly. lequel en vend tous les ans pour vingt cinq, vingt sept,
jusques à trente mil piastres. Il a l'avantage de la concurrence des
acheteurs qui s'eschauffent d'eux-mesmes quand il nauroit pas
eux
chaleur de l'achapt. Ce qui
s'est veu
Conty simple marchand
vénitien, qui eut la hardiesse, affîn de satisfaire sa passion, de prendre
dix sept cent quintaux de cendres dont il fit le payement en deniers
et denrées. L'on tient néantmoins pour certain que ce party estant
l'adresse d'exciter en
la
l'année passée en la personne d'un
au-dessus de ses forces
timent françois
l'eut
nommé
ruiné sans
commandé par Biaise
la
conjoncturre d'un grand bas-
-Marin qui s'estant chargé de ces
dix sept cent quintaux de cendres, prolïitta tellement de
guerre d'Espagne contre
la
déclaration
France qui faisoit cesser le transport
de celles d'Alicante à Marseille, que les y ayant portées, il s'y est fait
)Q guain considérable. Le capitaine Serry Franfois y en transporta
encorre cinq cents quintaux qu'il avoit eu de Martin Meyerre, et ainsi
il ne resta
de marchandises pour Venise que cinq cent quintaux qui
furent chargés par le Consul Vénitien à Tripoly sur la Sainte Justine
de Juste A'anec. Ce commerce en France de cette sorte de cendres qui
i\e
la
la
sont les meilleures, et qui pouvoient par leur grande quantité suppléer
et
au-delà à celles d'Alicante que l'on a coustume de mesler à celles
d'.\cre, a esté
cause que nos marchans hésitèrent l'année passée de
pourvoir de tout ce qui se présenta de
infi'rieures
aux autres de n'en pas trouver
celles-cj',
le
craignant
débit à Marseille. Et ainsi
outre les trois mil trois cent quintaux que ceux d'Acre achetèrent,
l'U
refusèrent mil autres.
On
les
se
comme
ils
transporta à Jafra, où quatre cent
ayant été pris pour le savon du pais un marchand françois de Rama
se pourveut des six cent restans, espérant d'y trouver son compte
selon l'occasion.
On
se
persuade néantmoins que Biaise .Marin retour-
AI'l'KMiICK
313
nera encore à Tripoly où Conty luy preparre des cendres estant attiré
par le dernier iruain, et encorre pur le désir de nuire au ronsul vénitien, et à Jlartin Meyere qui a les consulas de France, d'Angleterre,
et d'Hollande, qu'il tient des consuls d'Alep, et (|ui pourra bien tous
les ans trafliquer au prollit des Anglois pour douse, ou quinse mil
piastres de soyes, qu'il envoyé de Tripol}- en Alep parterre, encorre
qu'il put les faire passer par mer en Alexandrette.
Ily aencorre dautres cendres reputtées les moindres, qui viennent
des villages aux environs de Damas; elles appartiennent à des Sorbagis et spahis pour leurs Tliiinar, et ils en l'ont le débit cliaque
année par le moyen du marché qu'en fait avec eux un marchant vénitien résident à Barrut. ou ils sont obligés de les envoyer sur des bouriques ou mulets à cause de la diiliculté des chemins et non sur des
chameaux comme touttes les autres. II s'en |)cut charger environ tous
les ans se|it à huit cent sacs. i|ueIi|ui'l'ois |iltis. i|ut'lquefois moins, ce
qui se fait sur un ou deux vaisseaux vénitiens (jui abordent à cette
eschelle; mais lors<iuMl n'y en vient point, l'on est obligé de les
envoyer a Chyppres sur de petites barques ou elles servent de leste
aux bastimens de Venise, car on ne les achette que pour eux, en sorte
qu'estant venu eux mesmes les charger, ils nHournent en cette
isle y achever leur chargement. Elles se vendent trois ou quatie
quintal de cent rottes. ainsy que tous les autres, mais
piastres
le
chasque
rolte est de cinq livres et clemy à Ki onces, la dilTerence de la
valleur plus ou moins peut venir non seullement de l'encherre des
marchans. mais encorre de la plus grande ou moindre quantitT' d'argent qui entre dans le prix, en sorte que l'acheteur y faisant entrer
plus de marchandises comme draps, satins et quinijuaille il les
achepte plus chèrement; ce qui s'entend de la première main, car la
revente est toujours en deniers coniptans. Ces cendres ayant passé à
Marseille y ont esté rebuttées pour estre très mauvaises, ainsy les
Vénitiens en profittent entièrement, payant un quart de piastre de
la Doûanne et de plus une piastre de Matassou
monte bien haut. Ce que j'ay touché du commerce des estrangers n'estant que par occasion, et à cause de la relation que nous
y avons et qu'ils ont avec nous, il faut scavoir pour achever ce
qui nous concerne, que l'eschelle de Rame qui est située entre Jafl'a
reaux par quintal pour
qui
Hierusalem estant esloignée di> ceile-cy de dix liei'ies, et
la matière de son tralhc dans la Palestine,
la Samarie et la Judée, et elle s'en descharge, ou par les bastimens
qui viennent rarement à .lafTa ou ils ne peuvent demeurer qu'en certains mois de l'esté, ou par île petittes barques qu'elle envoyé droit à
son port,
et
de l'autre de trois prend
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL
3a
que de six vingt mile. Acre qui est dans le
le bord de la mer contient un nombre
plus cosidérable de marchans, et un Vice consul suivant que je
l'ay remarqué, et ils tirent leurs négoce de la plaine d'Acre, et de la
Galilée et tant ceux d'Acre que de Rame reçoivent leurs commissions par les bastimens chargés pour Seyde. soit directement des marchands de Marseille, ou de Seyde; ce qui ne les empesche pas de négotier aussy mais rarement sur les voisles des autres nations, suivant
Seyde dont
trajet n'est
le
milieu, à dix mil près, et sur
l'occasion favorable qu'ils en trouvent: tout de
mesme que
les étran-
gers négotient sur les nostres.
n'y a proprement que les Vénitiens que l'on puisse designer sous
nom, puisque les Ilollandois qui se meslent de ce tralTic sont establis
à Venise, ce qui n'empesche pas qu'il n'y ait à Acre deux agents pour
les deux. Quant aux Anglois. il n'y en vient plus depuis que quelquesIl
ce
uns s'y estant establis s'y sont endebtez. et ont esté contraints d'abandonner. A Rama il n'y a que Thimermam. C'est là toute la connoissance que j'ay pu tirer des eschelles de Rama,
et d'Acre,
dont
la
discussion peut faire connoistre la plus grande partie du négoce de
Seyde; cette eschelle
commande aux deux
pour
le
elle
presque tout
le
mil balles.
y en a de trois façons,
en
tire
Il
chargement,
cotton
cent dix piastres
en
et
la leur,
plus
le
fin.
dill'erend
les fins
première sorte sont de
le
le
moyen
mais de
telle
de celuy qui
si
qui est
la
on
la troi-
quintal. Celuy-cy se
met
trouve, les deux autres se mettent aussy cha-
manière que
le tiers
de l'ouverture est
milieu un peu plus gros, et au fond est
coltons n'estant pas
voisles
ordinaires de TU et de ceux
on l'achepte 50 piastres
cun dans
peu
le quintal, les fins
tel qu'il se
mesme aux
qui peut monter chasque année à deux
plus grossier que l'on joint avec
tire le
sième sorte,
dans la balle
le
filé
autres, et outre ce qu'elle
fournit d'elle
le
le
dernier tiers
précède; chaque naturre de ces deux
egalle en soy qu'il ne s'y trouve toujours ces
trois différences, et la distinction s'en faisant
seulement pour
la satis-
commodité du marchand acheteur, quant au poids des
y en a de cini|uante rottes, pesantes deux cent cinquante
faction et
balles,
il
livres, les autres sont
de soixante,
et les
derniers de soixante et dix,
pour la commodité du transport ou par mer, ou par
terre de Marseille d'où l'on fait passer cette marchandise en Guienne,
Piémont. Lion, et Suisse. Il se i)eut dépencer pour son achapt à Seyde
ce qui se pratique
tous les ans environ soixante et quinse mil piastres. Enfin le total
de son commerce et de ses dépendances Acre et Rama, poura con-
sommer
cent cinquante mil escus tous les ans argent comptant, outre
seise mil en dras de
Languedoc,
et
de Marseille,
et six mil
en papier
APPENDICE
servant seuUement aux droguistes de
Ma
Damas
d"ou l'on tire environ
quatre cent pièces de toiles de cotton blanciies, et
d'Amant, à cause que
la
blei'ies.
appellées
fabrique est venue de la ville de ce nom,
esloignée de Tripoly de Sirie de deux journées.
Elles ont de large
quatre pans, et cinquante six de long, et sont de difTerentes finesses,
ce qui en rend le prix différend, en sorte que les
quatre piastres
moindres sont de
pièce, et les plus chères de cinq a six. ce qui s'en
la
monte à environ deux mil. ou deux mil cinq cent
passe à Marseille et aux principalles villes et villages
Provence, ou Ton l'employé en draps de lit, chemises et tabliers,
achette tous les ans
escus
de
la
et le tout
:
ne se fait point de mariage sans en mettre parmy les meubles une
ou deux pièces.
Le commerce de Seyde estoit autrefois très considérable par ses
soyes, pour lesquelles on dépencoit jusques à cinq, et six cent mil
et
il
y apportant au nombre de deux, ou trois, soixante,
le mois de juin, parce que
l'ouverture du poids de cette marchandise se fait huit jours après la
piastres, les voisles
soixante et dix. et six vingt mil escus. dans
Saint Jean.
11
venoit encorre des bastiuiens en octobre,
aussy dans
la
mesme
mil piastres chacun, et qui se chargoient de
qui se
nommoit de
et
novembre
quantité, qui pouvoient avoir trente à quarente
l'arriére saison
:
récolte de cette denrée
la
a présent
il
m- s'en
deijitte
pas une
once. Le traffic de la cendre et des cottons qui lors de celuy des
soyes estoit peu de chose luy a succédé, mais l'un et l'autre sont
infiniment au dessous, et c'est ce qui a diminué le nombre des marchans, car au lieu de trente qu'il y en avait à Seyde, il n'y en a maintenant que treise ou quatorse, et encorre les voisles ne sont adressées
qu'à trois ou quatre,
en est de
le
reste chargeant à son compte, ou par
mesme
de Rama,
nombre de
commis-
sept ou huit qui
y résiaugmenté de sept ou
huit qui y residoient, seulement jusques à dix ou douse. mais lors de
la récolte des cendres il augmante jusques a vingt six. Ceux de Seyde
y venant, ou y envoyant àce sujetce qui n'est pas une augmentation du
gênerai, les voisles qui suffisent à tout ce négoce sont au nombre
sion.
Il
le
doient estant réduit à trois. Quant à Acre,
de
il
est
dix ou douse vaisseaux polacres, et barques, qui arrivent dans
tous les mois de l'année. Les premiers chargent ordinairement de
quatre à cinq, et six cent sacs de cendres, et de cent vingt cinq et cent
trente balles de cotton en laine, chasque balle de six cent livres de Pro-
vence; et de (juatre cent à quatre cent cinquante balles de
deux quintaux de casse, et dé cjuatre ou cin(| de senne.
fliii',
et
de
La charge des secondes peut esfre de deux cent, à deux cent
cinquante sacs de cendres, de quarante huit ou cinquante balles de
LES V0VA(;ES
316
m
MAHOTIS de XOINTEL
cottons en laine, et de trois cent ou trois cent vingt balles de fille, et
quelquefois de deux quintaux de casse, et de senne, ce qui -^'entend
despolacres ordinaires, y en avant qui prennent autant de
cotton fillé que les vaisseaux.
leste et
de
Les barques peuvent emporter deux cent trente à quarante, et cinquante sacs de cendres, vingt balles de cottons en laines, et deux cent
quatre vingt ou trois cent balles de filé.
Moins ces bastimens ont de leste en cendres, plus ils peuvent enlever de marchandises, et ordinairement des douze cy-dessus, il yen
aura sept à huit vaisseaux, deux ou trois polacres, et deux barques,
et presque toujours il s'en trouve deux des premiers à Acre, lors de
des Cendres.
Les voisles qui viendront a présent trouveront dans Acre environ
300 sacs de cendres vieilles. 4oO balles de cotton en laine, 80 de filé,
la récolte
et a
Il
en
Seyde mil autre balles de cotton aiissy filé.
faut remarquer à l'esgard de cette dernière marchandise
de
Uama
qu'il
vendu jusques a 250 piastres
le quintal, et il y en a de Damas qui monte jusques à trois cent et
mesme à cinq cent escus. mais il ne s'en débitte que par curios
fait
si
lins,
qu'à
il
en
a esté
sité.
L on m'a asseuré qu'une Indienne à.\cre en travailloitd'une finesse
surprenante; pour ce sujet elle tenoit l'ongle du pouce gauche long
prodigieusement et un trou presquimperceptible fait dans cette longueur luy servûit à passer la laine du cotton qui estoit dans sa main
gauche d.; la grosseur d'un œuf, et si bien battu, que les filainmens
en paroissoient aussy déliés que des atomes; son mesme ongle estoit
percé en deux autres endroits, mais les ouvertures en estant un peu
plus grandes, le cotton qui
y passoit et qu'elle filoit de l'autre main
ne produisoit pas un
ler, elle
estroit,
fil
si fin;
quand
l'on desiroit
de
la faire travail-
montroit ces trous, et suivant la volonté de se servir du plus
ou des plus larges, il la falloit payer plus ou moins chère-
ment.
Je crois, .Monsieur, vous avoir expliqué
qui se
fait
sur les costes de Sirie.
et
le
principal du
commerce
de Palestine, dans l'étendue de
200 mil depuis Tripoly jusques à Jafia. ce qui comprend Testât présent de l'eschelle de Seyde, sans néanmoins que j'aye rien touché des
droits que cette ville paye en son particulier, ayant desja eu l'honneur de vous en informer. Vous aurés veu le grand soulagement
quelle peut espérer des nouvelles cai)itiilations que je n'ay pas manqué de porter à son nouveau l'acha diMix jciurs après mon retour.
Elles ont esté lues en ]ilain Divan, aussy bien
que
le
commandement
ai'I'i;mii(;i:
pour
317
cassation des trois cent piastres qui se prenoienl lous les ans
la
la permission tle se pourvoir du Glu de li.irrut. quoy
qu"on eut eessé d'en prendre, et encorre qu'en |>renant de cette marchandise on ne fui obligé qu'au payement de son prix ordinaire. Le
cadis a assisté à cette lecturre avec les principaux de la loy, et on la
au subject de
mon compliment,
par lequel je congralulay le l'aclia sur sa
que j'allois luy donner de prouver
''efTerence, et sa soumission aux ordres de la Porte.
Lorsqu'on eut liny de lire, je repris la paroUe, affin d'insinuer à ce
Ministre la forte considération de Sa Hautesse pour Sa Majesté, luy en
parlant comme d'une chose qui luy estoit très conniie par la pratique
du serrait, et qui devoit estre plus publique que jamais, par le renouvellement de l'alliance, dans lequel outre la qualité de Padicha qui se
fit
après
dignité, et sur l'occasion
s.-.
continuoit quoyque les autres Princes ne fussent traités que deKral.
on forlifioit l'ancienne amitié par la justice que Sa Hautesse y rendoit
aux negotians françois; il voulut inutilement répliquer que c'estoit
une grâce très dommageable à son Empereur, puisqu'elle apportoit à
ses finances une diminution de deux mil bourses, car sans convenir
d'une telle exagération, j'insistay en luy prouvant qu'il viendroit
doresnavant beaucoup plus de bastimens, au lieu que sans ce secours
si
légitime,
Seyde.
.l'en
le
commerce
estoit
pris occasion de
perdu,
et
particulièrement celuy de
luy dire que les avanies, et mauvais
traillemens desPaclias ses prédécesseurs, et
le grand et injuste droit
du poids de la soye avoit fait périr le tralfic de cette marchandise
pour laquelle on apportoit autrefois jus([ues à cin(j, et six cent mil
piastres, et que certainement le négoce des autres denrées auroit
aussy manqué,
s'il n'y eut esté pourveu; et qu'enfin la volonté du
Grand Seigneur estant exécutée, je prevoyois un restablissement
solide, et mesme que l'ancien commerce retourneroit. Il me tesmoigna que ce grand avantage n'arriveroit pas de son temps; et quoyqu'il fit son possible pour changer la niattiere de l'entretien, je la
conlinuay l'asseurant des parolles que le Grand Vizir m'avoit données
au
nom
de Sa Hautesse, de trouver partout de
la
part de tous les
ministres une prompte obéissance à ses ordres impériaux, ou que la
punition exemplaire de ceux qui y contreviendroient seroit iiifallible,
et j'adjoutay que je ne manquerois pas d'informer la Porte de ce qui
que m'en avoit faitte le Vizir. Le Pacha
m'ayant promis plus tost pour rompre cette conversation qu'autrement, qu'on obéiroit exactement, je Uiy representay qu'estant bien
instruit du contenu des capitulations dont je traittois la conclusion
se passeroit suivant la prière
depuis trois ans, je pouvois luy certifier qu'à l'esgart de Seyde les
LES VOYAGES DU MAliOlIS DE
318
principaux articles consistoient dans
NdlMEL
réduction de
la
doûanne
la
à
dans la confirmation du point qui defTend d'en
prendre plu< d'une dans TEnipire Ottliouian. dans la suppression de
celle d'or, dans la nécessité de prendre des niarchans les monoyes
trois
pour
cent,
le Grand Seigneur les reçoit, sans
augmenter, ou diminuer ce qui appartenoit spécialement à Sa Hautesse dans l'obligation de reduirre l'ancorage à
quatre escus. dans la cessation d'exiger cinq cent piastres par an
pour les esglises, et trois cent pour Barrut, et dans l'extinction du
droit de Matassou. Que la discution de cette mattiere s'estant passée
avec le Grand Visir qui estoit au dessus de la surprise, je ne douttois
pas qu'il ne contribuast à la satisfaction que je me promettois. Sa
responce fut que ce grand Ministre ne s'estoit pas amusé sur un chef
tel que celuy des cinq cent piastres des esglises, touchant lesquelles
on avoit seulement permis les anciennes. Ma réplique ayant esté qu'il
y avoit plusieurs articles sur ce suject dont l'un concernoit les églises
d'antiquité, et l'autre celles de chasque eschelle pour les négotians,
et que le A'izir qui avoit traitté et conclu le tout en scauroit bien pro-
courrantes
et
qu'il fut libre
au mesnie pied que
de
les
;
curer l'exécution,
le
Pacha demanda
Barrut et tesmoignant apiirouver
le
l'explication de ce qui regardoit
juste
remède que
l'autorité de la
Porte y apportoit, il promit d'un visage rechigné, d'un ton chagrin,
et d'un geste de tout son corps entièrement composé, qu'il liroit les
capitulations, affin de
mieux connoistre
les intentions
Impériales. Je
luy dit qu'elles estoient clairement expliquées, en faveur de nostre
Religion,
qu'il
et
eut à
du négoce,
les
et je
les
mis entre
termes généraux sur
mon
pellerinagede llierusalem et dans
des boissons, et parfuns, après lesquels je
cette beste brutte,
ipi'il
me
mains du Cadi,
les
que
s'il
me
les régals
retiray faisant avertir
manquoit une autre
fois à
me
rendre ce
devoit je scaurois bien quel party prendre.
Les autres conférences tenues avec luy ont
humeur
affin
enregistrer. Le reste de la conversation se passa en
fait
connoistre son
peu d'asseurance à
prendre en ce qu'il avanceoit, puisque s'estant engagé de se lever
lorsque le Sieur Consul se leveroit, et n'en faisant rien, il l'obligea de
se rasseoir, et de luy parler si fortement, et mesme avec menaces,
que corrigeant ses fautes passées il se leva en mesme temps que
l'autre se levoit pour la seconde fois.
Son instabilité a encore parru sur le fait de Barrut qu'il s'est ranoire, et difficille. et particulièrement le
visé depuis la première visitte de révoquer en doutte, insinuant qu'il
feroit la grâce d'en surseoir la levée
quels on pouroit obtenir un
durant deux mois, pendant
commandement, comme
si
les-
celuy desja
.VIM'E.NDICE
319
obtenu, niesmo par exuperance, ne suffisoit pas;
mesme
suspension touchant
les églises, el
il
il
vouloil user de la
a prétendu recevoir les
le pied desaslanis quoy (piMl doive par les caTune et l'autre espèce, et telle autre qui court de
la mesme façon qu'il les donne au Grand Seigneur, c'est à dire la première à dix pour cent plus que la seconde. Il s"est aussy montré inflexible à la suppression du droit de matassou, qui emporte un et demy
pour cent de tout ce qui s'achette, ou se vend, et de celuy du poids
qui consomme une piastre et demy par quintal de ce qui se pesé,
sans voulloir entrer en considération qu'on ne peut prendre que trois
pour cent par les capitulations, que l'exaction dont est question
ayant lieu, on en preiulroit plu? de onze, et que tel autre droit qu'on
piastres sevillanes sur
pitulations admettre
a voulu autlioriserest restraint à Constantinople et à (îalata,qu'ainsy
pour Seyde, on ne peut
songer aux moyens d'acheminer l'exécution des capitulations sans neantmoins blesser les avantages quelles nous donnent, on a proposé de tenir la levée du matasn'estant fait mention d'aucun extraordinaire
en exiger. Son opiniaslreté m'ayant
fait
sou en surseance ou que le Pacha donneroit un bouourdy, ordonnant
que ce qui en reviendroit seroit desduit sur les premières Douannes
après que le Grand Seigneur se seroit déclaré nettement pour sa suppression, ou qu'enfin jusques en ce temps là, ou de sa confirmation
l'on metteroit les deniers dans une boette buUée entre les mains de
l'officier
de
la justice, affin d'eslre ensuite délivrés
à qui
il
appartien-
expediens seroit gousté parle Pacha,
ce qui m'obligeoit de ('onsentir en quelque sorte à sa proposition de
droit.
.le
croyois que l'un de
faire paroistre
au public
ci'S
qu'il
ne tiendroit compte pour
la
plus valliie
des piastres de reaux que de cinq pour cent, en indemnisant secrette-
ment des cinq
autres. .J'aurois aussy passé l'engagement de procurer
des
commandemens touchant les
me
relaschant j'augmentois les difficultés de cet
églises, el Barrut. Mais
homme
voyant qu'en
si
desraison-
nable, qui refusoit une asseurance touchant l'indemnité secretle des
monoyes. qui vouloit exiger le matassou sans aucune seureté pour
nous, ny démonstration de notre resistence, et qui pretendoit qu'après
deux mois ne paroissant point d'ordre de la Porte, il pouroit prendre
les cinq cent piastres des églises, et les trois cent de Barrut, il ne
m'en a pas fallu davantage pour pénétrer dans l'avarice qui le faisoit
agir, et ne l'obligeoit à former tous ces obstacles que dans la croyance
de faire acheter chèrement, et à prix d'argent sa bonne humeur. J'ay
aussy eu lieu de croire que tous ces points estant réglés,
roit des autres; et enfin j'ay considéré, qu'avec les Turcs
pas hésitter sur un droit acquis,
et
il
se desdi-
il
ne
falloit
que peut cstre ce seroit passer
LKs
320
pour
\(iVA(;i:s
Dr MAi;nris de \(iimi:l
ridiculle à la l'oite d'y sollicitter des
choses
si
clairement desduiltes dans
encorre paru nécessaire, et
Cadis, par laquelle je luy
elle a
commandemens
les capitulations.
fondé
demande par
la
lettre
sur des
La vigueur m'a
que j'ay
escritte au
l'interposition de sa justice
et de son autorité un Bouiourdy du Pacha pour l'exécution des principaux chefs, consentant à l'esçard du Matassou à sa consignation
dans une boette bullée entre les mains de l'olficier de la justice, et à
faute de
me
satisfaire
dans tous ces
articles, je le
somme
der un acte du retïus, luy déclarant que je feray cesser
C'est en gros le contenu
de
ma sommation que
le
de maccor-
commerce.
vous trouvères plus
un peu motivée si vous avés la bonté d'en lire la coppie.
Le l'acha en ayant eu communication n'a pas désisté de snn injustice, et le Cadi estant obligé de partir promptement pour Tripoly m'a
fait promettre que si le Pacha conliniioit dans sa résistance, il m'en
donneroit en ce lieu là tel acte justificatif que j'en pourois désirer.
La suspension et cessation du commerce est icy un remède fort
estentliie. et
efficace, d'autant qu'il n'y a que des François, et qu'ainsy elle attire le
mécontentement du peuple du dehors, et delà ville, qui vit de noslre
argent, et qui ne sçaumit manquer à estre pour nous, voyant que
nous sommes contraints d'en user de la sorte par l'inobeissance aux
ordres du tirand Seigneur de la part du i'acha. Je ne doutte donc
point que celui cy ne se trouve forlembarassé quand il verra les vendeuses de cotton à la porte de son pallais dont les marchans luy procurent la vernie en cessant d'achepter d'elles. Us me paroissent tous
si
bien unis,
et si
destachés des petits interests particuliers qui pour-
roient leurs rendre cette vigueur désagréable, qu'ils peuvent servir
d'exemple à
effect. et
et
la
conduitte de ceux des autres eschelles, ce qui est un
de leur inclination naturelle autant que je l'ay pu connoistre,
particulièrement de
la
juste auctorité que leur Consul s'est acquise
sur leurs esprits, aussy bien que sur les Turcs.
N'ayant pas eu moyen de fléchir le Pacha, il a fallu, après luy avoir
envoyé un escrit compris à peu près dans les termes de celuy du
Cadi, en venir au remède prémédité dont l'application s'est faitte en
vertu de l'ordonnance que j'en ay dressée en la manière que vous le
verres; et laquelle ayant esté affichée a trouvé l'obéissance qui luy
est deiie. Les femmes ne voyant point d'acheteurs, s'en allèrent à la
porte du Pallais. ou se faisant entendre par leurs cris, on leur promit
de leur fournir des marchans. ce qui fut exécuté par quelques Juifs
envoyés avec de l'argent de la part du Pacha. Il se lassera bientost de
ce mestier, et pour luy oster l'espérance les affaires estant raccommodées de revendre sa marchandise, il y a eu une seconde ordonnance
A
IM'
KM) ICI",
321
qui (ibbatellf de nouveau les Juifs qui luy oui rendu ce service, et def-
fend aux negotians après
le
restabllssement du
trafflc
par l'autorité
Porte d'acheter de ces denrées prises et réservées, aflin de les
survendre, enjoignant de se pourvoir seullement de celles que les
de
la
femmes apporteront de
ces précautions de
deux
campagne
la
à l'ordinaire. J'ay
accompagné
lettres, l'une au Visir. et l'autre au Ueis Ef-
fendy, tant pour les instruire de
la
vérité, qu'affln
de prévenir
les
ruses du Pacha auprès d'eux, ce que vous pourez voir par leur lecturre.
que j'ay
C'est là tout ce
nécessaire à l'eschelle de Seyde. J'en
lU'u
partiray lundy pour Tripoly, d'où je continueray de vous asseurer
comme
d'iey, et
un
grand
très
de
tel
autre lieu ou je puisse estre, que je suis avec
et très inviolable respect,
Monsieur, vostre très humble,
très obéissant, et très obligé serviteur.
NOLNTEL
M.
(le
yoiiili'/
il
M.
ilf
l'omponiic.
\ Tripoly. ce 22juillel Ki'l
Monsieur,
J'ai
mon
eu l'honneur de vous informer de ce qui s'estoit passé depuis
départ de Hierusalem,
et
veau Pacha de Seyde touchant
principalement des difficultés du noules
capitulations jusques à
me
réduire
du commerce dans cette eschelle, mais que je l'y avois
restably, ce ministre s'estant rendu à la raison, le traffic asseurement
à l'interdiction
seroit en
estât de recevoir des avantages considérables,
est sur le point d'en joiiir,
il
si
lorsqu'il
ne luy survenoit pas des traverses capa-
bles de l'anneantir sur toutte la coste de Sirie, et de la Palestinne.
est arrivé à la rade de Lernira de
Consul vous a particularisé l'enlèvement qui s'y est
fait d'une voisle françoise à l'ancre, et toutte chargée, par deux vaisseaux qui pour la mieux surprendre en luy ostaut la defliance arboElles sont des suittes de ce (jui
Chipres dont
le
me l'escrit. le pavillon de Malthe avec lequel
rendus maistres. Le commandant de ces fourbans est un
personage qui se fie plus à la ruse, qu'aux cinquante canons dont son
bastiment est monté, et qu'à ceux de l'autre qui le suit; son armement est de Majorque, il a appris son niestier sous un fameux corsaire
Majorquin connu sous le nom de Papechin. et il estoit son pilotte il
y a (|uinze ou seize ans à la prise d'un vaisseau marchand de Marseille à la rade de Lernica; il se nomme La Flèche, il est soubçonné
d'être François, et il a continué le succès de son entreprise en venant
rèrent, suivant qu'on
ils
s'en sont
21
LES
322
\
OVAi.LN
liL
MAHOL'IS
IIE
.NdlNTEL
au golfe dAlexandrette, qui estant sans defTence de la part des Turcs,
qui estoient
il a pu avec facilité s"y saisir de deux voisles françoises
au moment d"acheti?r leur chargement; ce sont deux vaisseaux conduits l'un par Mataillan, l'autre par Bertet,
mais ce qui
est de plus
extraordinaire, pour ne pas dire davantage, c'est d'avoir esté pris à
la veiie, et
sous
commandant
a
la
protection d'un vaisseau de guerre anglois dont
commis en
le
grande laseheté qu'on
ce rencontre la plus
deshonneur qui en rejaillit sur sa
présomptions pour l'accuser d'intelligence
avec les Jlajorquins; je ne crois pas que l'on en puisse avoir des
preuves plus solides que celles tirées du fait envoyé par ce traître qui
se desbitte par les Anglois en cette manniere
Ils disent, que le lundy second juillet deux voisles ayant paru au
golfe d'Alexandrette, elles furent soubçonnées par les capitaines des
bastiments françois pour estre espagnolles, ce qui obligea l'un deux
nommé Mataillan de recourir au commandant anglois nommé llebbin
qui luy promit sa protection sur la première réquisition qui luy en
fut faitte, mais à cette condition, que Mataillan se tiendroit en repos
sans tirer qu'après que le vaisseau anglois auroit commencé, et qu'il
mettroit sa flamme bas. Cet accord ainsy fait, ainsy qu'ils prétendent,
les vaisseaux qui en estoient la cause arrivèrent, et furent reconnus
pour Majorquins accompagnés de la prise de Chipres; leur amiral
s'estant approché du Capitaine Rebbin luy demanda si les François
estoient de son convoy, et la responce ayant esté qu'il les protegeoii,
et qu'il se donna bien de garde de les molester, cet avis fut suivi de
l'engagement d'y satisfaire par le Majorquin qui sexpli(]ua de son
dessein de voulloir mouiller, et rendre visitte au Capitaine llebbin. Il
passa à ce suject auprès de luy, et laissa tomber son ancre, mais ce
fut si proche des François, que Mataillan en ayant pris defllance commenceast malheureusement à tirer, en sorte qu'estant le transgresseur
du droit du port, l'espagnol leva son ancre, et ayant mis les voisles
au vent, il attaqua, et pris Mataillan; Bertet qui estoit l'autre François ayant tiré trois coups de canon se jetta à terre avec son bastiment où ses gens l'abandonerent, ce qui facilita la prise de son vaisseau
à l'ennemy qui s'en rendit maistre avec sa lance, ou grande ca'ique,
n'ayant tiré qu'un coup de canon. Les .\nglois adjoutent pour une
autre deffence que l'un de leur vaisseaux mouillé auprès de celuy de
guerre avoit rompu son arbre, ce qui l'avoit obligé de retourner avec
le convoy en cet endroit; qu'il estoit chargé de plus de cinq cent mil
escus, et incapable de se dellendre. Ils n'ont pas cherché de prétexte
pour l'autre bastiment marchand, maispour celuy de guerre, ils n'hese puisse imaginer, puisqu'outre le
bannière,
il
y a de
fortes
:
AI'1'1:M)ICE
323
pas de déclarer qu'il avoit abbaissé une partie de ses mats pour
mettre en estât suivant l'usage les machines propres à l'eslevation du
mats du vaisseau marchand, d'où ils concluent que ce vaisseau de
sittent
guerre estoit hors de moyen de mettre à la voisle, et de suivre les
ils soutiennent aussy son impuissance de combattre à cause
Espagnols;
de
la
confusion que tous ces incidens luy causoient,
après
et
la consi-
dération, qu'il n'auroitfait que s'exposer, et eritraisner dans une perte
commune avec les François, les Anglois qui estoient fort riches, se
trouvant quasi hors d'espérance de la victoire pour n'estre monté que
de 44 canons au lieu de 30 qu'avoit l'amiral majorquin; ils se renfer-
ment dans l'accusation
chent d'estre
la
qu'ils
forment contre Mataillan.
ils
cause de sa perte faute d'avoir exécuté ce
lui
repro-
qu'il avoit
promis.
La contradiction de ce discours
est manifeste
par
la
promesse de
protéger, et l'impuissance d'en venir aux elfecls: celle-cy ne s'accorde
pas avec la fiei'té des Anglois, et il est dillicille de la croire telle ruse
dont on veuille la prétexter. C'en est une fort mauvaise à un capitaine
de guerre que d'alléguer d'avoir abbattu l'un de ses mats pour ajuster
les machines nécessaires à relever l'arbre d'un bastiment marchand,
quand il y a un autre marchand de la mesmc nation qui peut rendre
le mesme service, et puisqu'en tout cas il vaut mieux prendre une
barque du pais pour cet usage, un vaisseau destiné à protéger ne
hoi's d'estat de delfence; mais
plus
c'est qu'en moins d'un quart
convaincre
encore
doit
pouvoit se remonter. U est aussy surprenant qu'après une
pouvant jamais sans crime se mettre
ce qui le
d'iieure
il
protection promise on laisse approcher celuy contre lequel elle est
accordée, de son
ennemy, qu'on luy permette de mouiller auprès de
que dans le dessein de luy faciliter sa
là un prétexte de ne l'avoir pu
deffendre, ou d'en tirer un autre de quelque incident qui ne peut pas
manquer de survenir d'un tel voisinage. Je ne conçois pas comment
luy, ce qui ne peut avoir esté
prise
la
nuit,
se
procurant par
r.Vnglois pourra accorder l'honneur de sa bannière avec la nécessité
par le François de ne point tirer qu'après luy. Ce meschant raisonne-
ment
n'est
pas de mise dans un
tel
On ne se doit point
quand
a
marchand
un
rencontre.
picquer de l'inexécution de l'ordre donné à
juste suject d'entrer en delliance lorsque peut estre
saluer-.
la
il
il
n'a tiré que
Et je tiens pour certain, que supposé qu'il eût
gloire d un pavillon
tel
fait
pour
davantage,
que celuy d'.\ngleterre doit l'emporter sur
une pareille subtilité.
Le capitaine .\nglois devoil commancer par l'observation de sa
parolle, et quand ensuitte il se seroil plaint du François, on luy en
LES VOYAGES DU M A H U II S DE XOl.MEL
32i
auroit accordé la punition suivant
le cas, et les preuves; l'on ne peut
rencontrer aucune marque de bravoure dans ce procédé; lorsque Ton
veut se battre, et qu'il y en a une occasion si légitime, c'est une
grande lascheté de
s'en dispenser sur une raison si frivolle. Je ne
puis encorre que difficillement m'abstenir de taxer cette conduitte de
trahison, principalement par la considération de la délicatesse de
TAnglois envers
est si
le
marchand sur un prétendu manquement,
lorsqu'il
indulgent pour les Majorquins que de ne leur rien tesmoigner
du violement de leur foy jusques à ne pas tirer un coup de mousquet;
il
se reerve peut estre de dire que n'ayant pu poursuivre ces pirathes,
c'est
au Roy son maistre d'en prétendre
Majesté Britannique en usera à cet égard
pos; mais je
demande
me persuade que
comme
telle réussite
Elle ne laissera pas de punir très
la
réparation.
elle le
Sa
jugera à pro-
que puisse avoir sa
rigoureusement
le capi-,
taine Rebbin; Elle est trop juste et trop jalouse de l'honneur de sa
lianniere pour en user autrement, et pour ne pas rejetter les faux
raisonnemens qu'il pouroit luy alléguer par celuy-là seul, qu'encorre
que le François ne luy eût pas demandé sa protection il estoit tenu de
ne pas permettre que sous son pavillon on luy fit aucun tort.
iMonsieur de Martel estant en mer empescha il y à quelque temps des
Algerins de prendre des bastimens gennois, et sur la plainte de ces
corsaires, comme estant amis de la France, de cet obstacle, il leur
respondit, que sous, et à la veije du pavillon de Sa Majesté il. ne permettroit pas qu'on exercea aucune piratterie. Monsieur le Marquis
de Prully en a usé de mesme au port de Milo, et je ne doutte point,
qu'on n'en trouve plusieurs autres exemples, en consultant Messieurs
les officiers delà marinne. Je crois, Monsieur, que l'on pourroit aussjse plaindre à Malthe de l'usurpation de la bannière de la Religion
par ce Majorquin lorsqu'il prit le bastiment françois à la rade de
Ghipre, et il y a bien de l'apparence que ces deux pirattes de Majorque sont de conserve avec les corsaires Malthois et Ligournois
qui estoient au nombre de 23 vaisseaux ainsy que je les ai veu de
mes fenêtres de Tripoly dans cette mer de Sirie pendant que les
Majorquins faisoient leurs coup à Chij)res et à Alexandrette; si cela
estoit et que de plus ces Espagnols se fussent retiré vers les autres
avec leur pi-ise ou (ju'ils les eussent quitté pour la faire, je ne pense
pas que ce procédé put estre exempt de blasme, et de punition de
ceuxj qui estant les amis de Sa Majesté par devoir, et reconnoissance,
el par la vérité de n'estre point en guerre avec elle, ne peuvent
prendre aucun engagement avec ses ennemis. Je tascheray de
découvrir la vérité, et je pense que Malaillan pris dans le port
AI'rKMUCl-:
323
dAlcxandrette poura lors(iu"il aura la liberté desvelopper bien des
particularités par la marche de ceux qui l'ont enlevé; il sera aussy
facile de s'en instruire de quehjues uns des chevalliers françois qui
sont de cet armement qui courre à présent la mer.
Pardonnes, Monsieur, ma longueur et mes raisonnements au zèle
que j'ai pour le soulagement du commerce, qui a reçu sur cette costc
de Sirie un préjudice assez notable, pour lanneantir non seulement
]iar la rellexion de la perte de quatre bastimens considérables enlevés
par le mesme Corsaire majorquin, mais encore par la crainte que ce
malheur causera en empescbant les voisles de venir à Alexandrelte,
s'il ne leur est pourveu de quelque seureté.
Il
y a de plus
lieu
de Seyde, Acre
barque:
d'appréhender, qu'on ne
et Jafîa,
Monsieur,
enfin,
où
il
s'il
visitte
aussy
les eschellcs
y a maintenant un vaisseau, et une
y avoit moyen de se saisir de ce
La Fleiche ce qui peut estre ne seroit pas difficille, il en renviendroit
un grand bonheur au négoce, et particulièrement à celuy d'Alep qui se
ressent luy seul de ce domage. Le Consul de celte eschelle m'en escril
dans des termes qui marquent suffisament sa désolation; il me vient
trouver avec quelques marchans pour me conduire à Alep. et
il
m'assure que
Mousselim de ce lieu qui gouverne en l'absence du
auprès du Grand Seigneur a tesmoigné un grand
le
Pacha qui est
courroux de la conduitte des Anglais jusqu'à s'expliquer
pareroicnl
le
domage
qu'ils re-
souffert par les François, et le Consul adjoute,
voulu faire aucune poursuitte sans mes ordres que je luy
donner
de bouche. Cet officier turc n'a pas assurément tant
pouray
d'amitié pour nous, qug pour son interost. dont il croit avoir une
occasion favorable en ce rencontre qui seulement le lait parler, ,1e
(ju'il
n'a
considère encore que
malheur ne peut pas
la
nation angloise. quoi(juc bien aise de nostre
estre accusée d'y tramper, et qu'ainsy elle n'en
doit pas respondre. C'est ce qui
m'empeschera, à moins que
d'autres lumières de faire des poursuittes contre elle, et je
lenteray d'insinuer au Mousselim qu'il peut instruire
la
je n'aye
me
con-
Porte de
la
conduitte du Capitaine de guerre anglois qui non seulement a permis
le sont aussy de Sa llautesse de mouiller dans l'un
mais lequel encorre contre sa paroUe, et la leui- a
souffert (ju'ils en enlevassent deux bastimens françois.
J'en ai escrit à peu près dans ces termes au Chiaia du Visir, et je
luy touche aussy mon dessein de retourner d'.\lep par terre, ainsy
que vous aurés la bonlé de le voir par la coppie de la lettre, par laquelle vous pourrés bien, Monsieur, conjecturer ce qui m'a contraint
à m'expliquer de la sorte que je l'ai fait. Le Pacha de Tripoly y a sa
à nos ennemis qui
de
ses
ports,
LES VOYAGES DU MAROIIS DE NOINTEL
326
part à cause de sa résistance à Textinction du matassou, et du poids
le dernier est de cent.piastres et plus le quintal, selon
marchandise. Le reste des difficultés avec ce ministre
soye dont
de
la
le
prix de
la
estant terminées,
il
faudra un
commandement
particulier pour celle
dont je viens de parler, et je me persuade, Monsieur, de l'obtenir.
La crainte. Monsieur, de vous enniiyer m'oblige à remettre à un
autre temps les particularités de mon voyage de Liban qui compren-
nent Edem,
les
Cèdres
et
Cannoubin
retraitte
du Patriarche des
Waronittes, dont j'auray Thonneur de vous informer d'.Vlep, ou je
pourray estre dans sept ou iiuit jours. Le consul n'ayant pu venir
m"a envoyé son frère, et cinq des principaux marchans pour m'accompagner. Ils m'ont appris le débarquement de grande quantité de
provision de guerre à Alexandrette par Massamam Bey de Chipres qui
porté sur dix galleres qui ont faict
les a
le
traject sans péril,
quoyque
dans le voisinage de vingt cinq vaisseaux corsaires chrestiens. Les
deux Majorquins qu'elles ont rencontré ont fait tant de peur à leur
serdarque bien loing de leur rien tesmoigner, il s'est estimé fort heureux
de n'en estre pas attaqué, d'où l'on peut juger de Testât où les autres
en plus grand nombre l'auroient réduit. Ce qui eut esté d'un grand
avantage pour eux et la Chrestienté par l'enlèvement qu'ils eussent
faict d'une grande quantité de poudre, de canons, et autre artillerie
destinée pour Bagdad, sur le soubçon d'une guerre ou irruption de la
part du Roy de Perse.
Ceux qui m'apprennent cette nouvelle m'ont asseuré (jue le Majorquin qui s'estoit saisy du capitaine Mataillan et de quelques uns de
ses gens les avoit remis à terre avec des hardes après les avoir beau-
coup loué, leur intention n'estant pas de guarder aucun prisonnier,
ce que l'on imputte à l'artifice d'induire les matelots à ne point combattre.
Je ne puis assez. Monsieur, vous repeter
commerce de
empeschera
ce
malheur qui
les voisles
le
est d'autant plus
domage que
grand, que
reçoit le
la crainte
de venir sur ces costes, ou les rades
et les
ports sont sans deffences. et que les pirattes armeront les bastimens
dont
très
ils
bons
grâce de
se sont rendus maistres, et s'en serviront très bien, estant
voisliers. J'ai asseuré les negotians intéressez
la
dans celte
protection toutte puissante de Sa Majesté. Je vous
disla
demande par vostre intercession pour eux, et je vous prie très instament d'y adjoutter la grâce de me croire avec tout le respect possible.
Monsieur, vostre très humble, très obéissant, et très obligé serviteur.
NOI.MEL
Al'l'KNDICE
M. de Aointfl
M.
ù
3-2-
de Pomponne.
Alep. ce 10 aoust 1674.
Monsieur.
L'on assure icy la paix de Pologne, mais la nouvelle pouvant vous
en estre arrivée d'ailleurs par une voix plus certainne j'en appuyray
seulement les fortes apparences sur ce qui se passe du costé de Perse
dont je puis avec plus de fondement avoir Thonneur de vous informer. La marche des Persans ayant obligé la Porte de faire desbar-
mois passé de grandes provisions
d'artiglerie a Alexandrette.
quer
le
elles
ont esté transportées par l'Eufratte à Bagdad,
et cette
précaution
Tenvoy de Caplan Pacha pour commander à Diarbequir et aussj- au corps darmée destiné contre les ennemis. La crainte
a esté si pressante que Sa Hautesse n'a pas hésité à se priver inconti-
a esté suivie de
nent de ce gênerai jusques à Tobliger à prendre
personnes. L'on escrit que
le
la
poste suivy de cent
Cirand Seigneur se transportera icy cet
hyver, et cette dernière particularité que j'attribue seulement au dessein d'espouvanter les Persans est encorre fondée sur la plus grande
asseurance que l'on voudroit donner de la ])aix de Pologne. Llle se
publie avec des avantages considérables de
la
part des Turcs dans
le
dessein peut estre d'insinuer que leurs deffaittes ne les aj'ant pas
exclus d'un traitté avantageux
le
sujet que
en auroit pris de se
l'on
que tous ces apprests n'arleur démarches
augmentent
restent les Persans et que s"ils continuent et
.\insy ceux
accommodement,
terminent
promptement
à
un
elles ne se
remuer
doit cesser. Je ne doutte pas aussy
qui pouroient estre faschés de
s'en
pouvoir consoler dans
costé de l'Orient seroient
les
présomptions
les
la
la
paix de Pologne
et qui
croiroient
diversion des armes otthomannes du
mal fondés,
et
il
est
plus raisonnables qu'ils
apparent selon touttes
verroient fondre sur
les
eux lorsqu'ils s'y altendroient le moins. Le Pachalic de Diarbequir
donné à Caplan Pacha a fait vacquer celuy d'Alep qui a esté reraply
d'Ibrahim qui estoit Pacha de Damas.
Je suis à .\lep depuis huit jours et j'y ay fait une entrée fort hono-
mes trompettes, de huit janissaires, autant
de droguemans, de dix vallets de livrée, de mes chevaux de main et
environné de huit hommes vestus à la grecque ; j'estois suivy du consul et de toutte la nation qui faisoit avec ma maison plus de cent cinrable estant précédé de
quante cavalliers
et j'ay
démonstrations que
pu juger par l'abimdance du peuple
son ordre. Les .Vnglois
et les
et ses
par son éclat que
Vénitiens s'estoient mis conjoinctement en
la cavalcade luy plaisoit tant
LES VOYAGES DU MARUL
328
IS
DE XOIXTEL
devoir de s'acquitter de leurs civilités envers l'Ambassadeur de S. M.
ayant envoyé leurs pavillons ou j'estois a une demy journr'f de cette
ville pour s'y rendre sur le soir: mais ayant sceu que ]iar drliberation
ils
avoient arresté que leurs consuls ne viendroient pas, je ne jugeay
pas a propos de
avois
fait,
les
envoyèrent scavoir
d'avoir
attendre
et
estant party contre
le
project que j'en
chemin, mais un peu escartés: ils
j'agréerois leurs coniplimens que je refusay faute
je les rencontray en
si
leur teste prétendant avec justice qu'ils
leurs chefs à
dévoient plus d'honneur qu'à un consul estranger pour qui
mesme démarche. Ce
Consuls avoient
ils
me
font
la
qui est de plus extraordinaire, c'est que les deux
dit
publiquement
qu'ils
monteroient à
cheval et
comme s'il pouvoit y avoir la moindre umlire de compéentre moy et eux. ils résolurent depuis de nepas sortir de leurs
cependant
tence
maisons tranchants d'ambassadeurs pendant que l'ambassadeur d'.-Vngleterre àlal'ortefait le marchand, le deffunt m'ayant confessé que son
eniploy ne reguardoit pas
pour
le
point d'honneur et qu'il estoit seullement
l'interest des negotians.
estant demeurés dans
le
La superbe de ces gens
silence depuis
mon
là a
continué,
arrivée sans se mettre en
comme de maladie ou
un de ce qui s'est passé à Smirne où le Consul
de France ne vint pas au devant de l'ambassadeur d'.AngIcterre d'à
présent, mais celuy cy estant venu par mer. il n'y a pas de parité. Et
peine de chercher aucun prétexte à leur faulte
autre. Ils en ont ]Hiblié
de plus
il
de
il
faut sçavoir
me semble que
les
choses ont esté. Enfin. Monsieur,
une
forte
part d'.\ngleterre. Ce n'est pas que je ne les aye
la
mais
comme
ces .Messieurs meriteroient
la
punition seroit encorre|ihis forte
s'
elle
réprimande
liien
punis,
venoitde leurs supé-
rieurs.
Je ne pense pas aussy que
la
republique puisse agréer
procédé
le
de son Consul d'autant plus que ses ambassadeurs n'ont pas accous-
tumé de prendre part à la diminution des honneurs qui se tloivent aux
ambassadeurs du Roi, ny d'en rien concerter avec les autres ambassadeurs.
Ils
ont toujours
fait ce qu'ils
doivent en ce rencontre et néant-
moins un simple Consul, tout sénateur
de venir au-devant de
cause de Bataille,
mais
il
moy
nonobstant
qu'il soit,
qu'il
contre sa déclaration
ne monta pas à cheval à
manque non seullement à sa parolle et à son
mander aux Anglois tombés dans
s'ingère de plus de
devoir,
l'incer-
titude de ce qu'ils devrolent faire qu'ils fissent ce qu'ils voudroient,
il ne sorliruit pas de
sa maison. .Je me persuade,
Monsieur, que le Roy auia la bonté d'en faire parler à l'ambassadeur de N'enise et à M. d .\vaux, ce qui sera un moyen d'en pro-
mais que pour luy
curer au sieur lîembo Consul vénitien à .\lep qui est sur
le
point de
AI'l'i:\ltl(:K
son retour
toiitle la
mortificalinn
([ui lui
329
en est deiie et à moj^
la
répa-
ration qui m'en appartient. J'ay eu
pour une autre
lettre
atraire
ne sera pas
si
Ihonneur de vous escrire au long
plus importante, mais pouvant arriver que la
tost rendue, je
vous en touclieray quelques pardont j'ay esté ins-
ticularités en gênerai et j'y en adjouteray d'autres
truit depuis.
Deux vaisseaux marchans
françois estant au port d Alexandrette
en ont esté enlevés par La Flèche .Majorquin à la voiie d'un vaisseau
de gueiTe anglois commandé par le cappilaine iJebbin. Celuy-cy avoit
promis sa protection, mais sans considération de sa parolle et de celle
que le corsaire luy avoit donné de ne point toucher aux bastimens
marchans, il les a laissé prendre sous de vains et faux prétextes
jusques là qu'il avoit dans son bord le lieutenant du )»iralte pendant
qu'il faisoit sa prise et que le Vice-consul anglois d'.Vlexandrette n'a
pas fait de difficulté de monter deux fois à bord du Majurcpiin et d'y
demeurer longtemps après
Il
me semble que
plus que
le
la
qu'il se fut
rendu inaistre de nos vaisseaux.
trahison est manifeste en ce rencontre d'autant
capitaine anglois pouvoit très facillcment empescher cette
perte n'ayant à faire qu'à un simple piratte ilont
le
bastiment à
la
monté de 40 ou 50 pièces de canon. Il est vray qu'un
autre le soustenoit duquel il est bon de remarquer qu'il esloit commandé par un Genevois. Ce malheur, Monsieur, est très considérable
vérité esloit
à
la
place de
Marseille et
à
d'Alep
l'eschelle
encorre perdu auparavant un vaisseau à
mesme
la
en particulier qui a
rade de Chippres enlevé
mais sous bannière de Malthe. .\insy
de Sa Majesté dans des occamoins
importantes
que
celles-cy
j'ay asseuré le Consul
sions bien
d'.Mep et tous les marchans que le Roy aura la bonté d'en faire
par
le
corsairre,
estant convaincu de
la
protection
,
poursuivre
la
réparation en .\nglelcrre ou l'on trouvera toutte sorte
bonne façon emprisonnant
vaisseaux marchans.
Je vous escriray encorre plus amplement outre la lettre que j'ay déjà
marquée lorsque je seray moins pressé. L'Olac que l'on despeche à
Constantinople pour y estre dans sppt jours et dont je prens la commodité fautte d'autre m'obligeant de finir en vous asseurant que je
suis avec tout le respect imaginable, Monsieur, vostrc 1res humble,
de convictions
le
si
l'on
y
lient la
main de
la
capitaine et faisant entendre les .Vnglois des
très obéissant et très obligé serviteur.
NOINTEL.
LES VOYAGES DU MARQUIS DE .NOIMEL
330
M. de
Nointi-/
/)
M.
A
de Pomponne.
Athènes, ce 17 décembre 1674
Monsieur.
Je me suis donné Thonneur par mes dernières lettres du mois de
septembre de vous marquer ce qui s'estoit passé à mon entrée dans
Alep, et particulièrement ce que j'avois appris de nouveau touchant
la perte des deux bâtiments françois au port d'Alexandrette. Vous y
aurez trouvé quelques particularités au sujet de la prétendue guerre
des Persans, et vous auriés esté. Monsieur, plus tost informé de ce
que j'ay pu faire en celte eschelle, et de la manniere de mon départ
si
j'en avois trouvé l'occasion.
Je n'ai pas
manqué autant qu'il m'a
esté possible d'y soustenir l'in-
terest de la religion, en faisant paroistre l'estime de Sa Majesté
les églises
pour
des Maronittes, et des Suriens, et sur ce principe j'ayreceu
avec beaucoup de démonstrations de bienveillance
le
Patriarche de
ceux-cy. et l'archevesque des autres accompagnés des principaux de
leurs nations qui sont fort nombreuses.
Ce patriarche est un prélat
avancé en âge, et lequel joint à sa persévérante soumission à l'église
romaine une grande érudition qu'il pousse fort loing par la cognoissance des langues orientales, et qu'il soustient avec édification par la
pureté de sa vie. Je
me
rendis dans son église
le
jour de
la
Transfigu-
tambours environné de ma maison, et suivy de plus do cent cavalliers qui composoient la nation françoise. Tous les passages estoient bordés d'une
foulle extraordinaire de peuple non seullement chrestien. mais turc,
et les Suriens remplissoient par leur abondance leur église, leur cour
et les toits; et ce ne fut pas sans un peu de peine que j'en traversay
une partie. Le patriarche qui m'estoit venu recevoir in pontifcaHlins
ration suivant
le vieil stile
au bruit des trompettes
avec son clergé, des cierges
et
et
des encensoirs, estant à
ma
gauche,
j'entendis sa messe, j'y reçus ses complimens. L'on m'informa de ce
qu'il
y prescha à
la loiiange
du Hoy,
et
sur
le sujet
de
ma venue,
et
des
prières solemnelles qui y furent chantées pour la prospérité de Sa
Majesté. Tous les assistans du rite surien tant schismatiques en très
grand nombre que catholiques ne tesmoignerent pas moins de zèle et
d'union en ce rencontre qu'à donner des preuves de la croyance de la
transubstantiation, ce qu'ils firent par des actes positifs de l'adoration que je leur ay veu faire de l'hostie qui avoit esté consacrée en pain
levé. Son élévation fut faitte en grande cérémonie au bruit des
soneltes, des timballes, de mes trompettes, et à un cry clair et comme
AI'PKNDICE
musical formé tout d'un coup par
les
femmes sans aucune prononcia-
tion de parolles. ce qui fut suivj- de prosternations à terre qui
parurent généralles,
331
et bien expresses,
me
suivant l'observation que j'en
ay pu faire, et suivant les asseurances qui m'en ont été données. Ma
présence chés les Maronittes onze jours auparavant à leur feste aussy
nouveau ne fut pas moins éclaune moindre preuve de la vérité du
misterre de l'eucharistie s'il en avoit esté besoin. Tous les prestres
latins qui sont les Religieux de Terre Sainte, les Jésuites, les Carmes
et les Capucins m'ont suivy dans ces deux cérémonies et quelques uns
d'entre eux n'aj'ant pu cacher leur envie de dominer sur les chrestiens
orientaux, d'en paroistre les conservateurs pour le St Siège, et de précéder les autres, me prouvèrent évidemment que la quaHté de missionnaire et la retraitte du monde ne deslruisent etmesmo ne suspendent pas l'ambition. C'est elle qui me fit essuyer deux complimens,
car après un en françois prononcé au nom des Suriens par le supérieur
des Capucins, celuy des Jésuistes se présenta avec un jeune homme
de
la Transfiii-uration
suivant
le slile
tante, et je n'en aurois pas tiré
dont il expliqua le discours arabe: ces petites émulations et de plus
grandes dont les effects vont bienloing, jusques à se servir d'une part
des armes spirituelles, et de l'autre jusques à les mespriser bien plus
hautement que ne feroient des Calvinistes, m'ont engagé à procurer
autant qu'il m'a esté possible la continuation de la réunion apparente
qui est maintenant entre tous ces religieux.
Les Carmes qui sont Italiens et qui ne se mêlent de rien, les
Jésuites et les Capucinsde Nation françoise composent les trois ordres
de missionnaires d'AIep, et n'aj-ant point d'oglise entièrement publique
ils
sont obligés de se contenter de leurs chapelles, et pour
messes de très grand matin, ce
accord entre eux tous allin de
ne pas blesser les droits de la paroisse, où y ayant un droit positif
de faire l'office publiquement, il ne seroit pas juste que le consul y
assista sans estre accompagné de sa iSation, ou de la plus grande
partie, ce qui arriveroit si l'on avoit la commodité des messes particulierres, ou le concours pourroit encore attirer des effects de l'avarice
evitter les avanies d'y célébrer les
qui a esté aussj^ réglé d'un
commun
des Turcs.
Ces raisons ayant fondé le règlement dont je viens de parler, ont
encore esté cause de l'engagement réciproque de ces pères à ne rien
imprimer dont eux tous n'eussent eu auparavant la communication.
Ce qui me paroist un moyen de retrancher grand nombre d'extravagances, de miracles à tout propos, et de refiexions aussj' peu politiques, qu'elles sont inutilles quoyqu'elles décident hardiment des mat-
LES VdYAGKS DT MAKOIIS DK NOI.Mi: L
332
tieres d'Estat. Enfin
ils
ont voulu selon l'apparence paroistre
Lien
si
que rien ne leur seroit particulier.
C'est sur ce principe que je me suis conduit dans la réquisition qui
m'a esté faitte de la part des Pères Jésuites pour l'enregistrement en
la Chancelerie d'Alep des lettres patentes à eux accordées par Sa
Majesté, qui leurs attribuent la qualité de ses Chappelains pour les
unis,
François résidant en Levant.
des raisons convaincantes de pré-
J'.iy imi
voir les desordres qui pourroient arriver
bien
expliquées, d'autant plus (pi'on
nettement de l'intention que
les
si
choses n'estoient pas
s'estoit déclaré
l'on avoit qui
moy
à
assez
ne m'a paru nullement juste.
commanceay par le tesbon accord, leur remonstrant la
.\yant donc assemblé tous les Religieux, je
moignage de
ma
satisfaction de leur
qu'il y avoit de le maintenir, et je tiray de la communauté qu'ils sembloient avoir introduit entre eux la nécessité de leur
conséquence
communiquer
déclarant en
la
grâce (|ue Sa Majesté faisoit aux Pères Jésuites, leur
mesme temps que
dont
cluoit point celle
et
les
cette protection particulierre n'ex-
autres avoient desja ressenty tant d'elTects,
dont j'esperois leur procurer
tres.
la
continuation
dans
les
rencon-
Enfin je leur dis, qu'ils cognoistroient suffisamment par
ture des lettres l'intention
du Roy,
et
la lec-
que je ne douttois point
qu'ils
ne contribuassent de leur part à l'obéissance qui luyest deiie, puisque
cette nouvelle faveur estoit faitte sans préjudice aussy
du droit des
(^hapellains des ambassadeurs, et des Consuls, et sans préjudice aussy
du droit d'autry. ce qui comprend celuy des paroisses, qu'ainsy mon
ordonance quej'avois dressé moy mesme portoit l'enregistrement des
lettres patentes en
expliquant un peu plus au long
y sont contenues,
l't
expliqués,
de maintenir
l.i
paix
si
lei'ies, le
père supérieur de Terre Sainte de
chapellain du Consul françois, m'ayant
ler,
pria
le
cj'
devant
nécessaire entre des personnes
leur profession. Lorsque les lettres et
de
et
afiiii
les restrictions (jui
conservant l'exécution des reglemens
ronbuinance eurent esté
maison de Jloncade. curé
la
demandé permission de
par-
père Jésuite de fixer les fonctions de Chapelain maripiées
en gênerai par ses lettres. Sa rei>lique fut
(pi'il
d'autres que celles exercées par ceux de sa
sent, et sur l'insistance de dire davantage,
pas prejudicier ny à la paroisse ny
il
desclara qu'il n'entendoit
au chapelain du Consul. Mais
estant pressé ensuitte de signer déclaration,
mon ordonnance
n'en prelendoit point
compagnie jusques à pré-
restraignoit assez. J'ay
il
le
refusa disant que
donné acte de
ce refus par
un procès verbal au Père de Moncade qui a tesnioigné un zèle fort
discret et fort exact pour la conservation des droits parrochiaux dont
il n'est pas moins jalloux en (jualilé de Curé, qu'il peut avoir esté aple
.\im'i:miI(;k
33:5
pliqui' à les destruirre ou s'en soustraire estant en Chrestienté. Le
Supérieur des Capucins qui ne veuUent point de soumission à la pa-
roisse à Lernica de Chipres,
où
ils
sont en grande disputte contre
les
Religieux de Terre Sainte, a par d'autres veiies soustenu l'interest de
paroisse à l'avantage des mesmes Religieux, disant aux Jésuites
que cette qualité de Chappelains pour les François estoit un titre
d'honneur, etimaginairre, qu'on ne croyoit pas (jue le Roy eut voulu
séparer les marchands de leur Consul ny de leur paroisse, et qu'enfin
il me prioit, les lettres estant subreptices, d'en suspendre l'enregistrela
ment jusques
à
temps que Sa Majesté eut
séquences. Les Pères Carmes ayant
dit,
esté bien informée des conqu'ils
ne prenoient point
d'interesten ces contestations, et qu'il- s'en rapportoient à moy.j'or-
donnay l'enregistrement des lettres, couiuie je l'ai dessigné, etsuivant.
Monsieur, que vous le pourés voir plus au long par mon ordonnance.
Le commerce a aussy ressenty des effects visibles de la protection
tels i|ue la suppression du droit de trois i>our cent sur
retranchement du tiers de ce (jui se prenoil sur la cochenille, une pareille diminution sur les autres marchandises d'entrée,
au moyen de la convention que trois balles n'en feront (|ue deux, et
pour la sortie il a esté réglé qu'on retrancheroit sur chasi[uc balle de
toille, et de cuirs, demy piastre; et un quart sur cliacunne de cotton
de Sa îlajeslé.
l'argent, le
sur celles de pistaches une piastre.
Le droit sur l'argent fut estably, il y a plus de soixante ans. pour
satisfaire au payement de ce qu'un nommé Ridy doiiannier d'.\lep
devoit de reste de sa ferme. Monsietirlanihassadcurqui estoit pour lors
en fonction s'estant rendu caution, et comme il n'a point esté fait de
compte de ce qui a esté levé, parce qu'il suffisoit. et bien au-delà à ce
qui pouvoit estre dcubt. et que c'estoit un prétexte de continuer cette
exaction, on lavoit perpétué jusques à présent. Cette possession si
ancienne servoit de prétexte au doiiannier pour sa continuation, il
s'appuyoit mesme sur les capitulations, qui disent que des piastres
filé, et
que les François apportent n'en ayant point esté pris de droit cy
devant qu'on n'aye point à en prendre, d'où il concluoit que le droit en
question estant ancien, bien loing d'estre destruit par les capitulations, en estoit pleinement confirmé. Il avoit de plus obtenu un com-
mandement
(|ui
autorisoit sa prétention. L'on luy représenta que ces
mots, n'en ayant point esté pris de droit cy devant, marquoient qu'on
n'avoit jamais deubl en prendre, et nous fournissoient un moyen pour
la restitution
de ce
i|ui
avoit esté touché; que l'usage
touttes les autres eschelles en faveur de l'argent,
d'.VIep
pour
les
autres nations que
la
universel
mesme dans
de
celle
françoise militoit contre luy, et
LES
33i
\
(;iVA(.i:s
DU MARQUIS DE NdlNTEL
qu'enfin on estoit absolument déterminé par
mes ordres
positifs à se
libérer de cette injustice. Je pense bien qu'on ne lui
proposa pas que
la dette de ce Bidy estoit acquittée, parce que c'eut esté luy ouvrir un
moyen de prolonger en se remettant à l'examen des comptes de ce
fermier qu'il auroit facillement fait trouver reliquatairre de sommes
assés grandes pour avoir besoin de siècles entiers à leur acquittement.
Son obstination le faisant paroistre inflexible, et plusieurs autres
motifs ont engagé le consul et les marchands d'Alep de le vaincre par
son foible, c'est-à-dire par argent, et ainsy on luy a donné deux mil
escus qui ont produit
mon
entierre de cet injuste droit, et à
la libération
arrivée après une exacte instruction j'ay confirmé cette depence
par une ordonnance dont vous aurez
Si ce droit
temps,
il
la
bonté de voir lacoppie.
sur l'argent estoit de conseijuence dans ces derniers
l'estoit
bien davantage autrefois, que malheureusement
il
se
transportoit chasque année à Alep des huit et neuf cent mil escus, et
peut estre qu'alors
sur
le
mesme
Quoy
Consuls
les
l'ambassadeur, à cause
n'
en portoient point de
plainte
queux mesmes prenoient un droit de
à
consulat
argent.
qu'il en soit,
le
commerce
est
maintenant délivré de cette
charge.
Le bénéfice dont
il
jouit sur la cochenille est considérable se trou-
vant des bastimens qui apportent de cette marchandise pour
la valleur
de dix à douze mil escus.
(Juant aux draps, et estofïes de soye, outre que l'on espère les faire
demeurer à leur doûanne qui peut estre au dessous de trois pour cent,
la réduction de leurs balles est d'un grand avantage.
Pour ce qui est des toilles et des cuirs il n'y a quasi point de bastiment qui n'emporte de la première marchandise deux cent balles et
beaucoup de la seconde. Il se desbitte aussy du cotton filé en quantité raisonnable, et il y en a pour en fournir autant que l'on en peut
soûaitter. Les pistaches produiront aussy leur utilité, mais elle sera
moindre qu'elle n'eut esté par le passé, le desbit en estant fort
diminué en France.
Voilà ce qui en est des capitulations, lestât auquel j'ay trouvé
commerce
le
augmenter l'espérance
de sonrestablissement que le doiiannier m'ayant visitté, j'ay eu deux
conférences avec luy dans des jardins à la campagne. La première fut
sous prétexte de voir une très belle tente qu'il avoit fait faire pour le
Pacha du Caire, et la seconde eut pour motif la promenade. Apres les
complimens je fis tomber la conversation sur les nouvelles qui couroient dans l'Empire ULtboman touchant la guerre de Perse, luy insid'Alep, et ça esté
pour
le fortifier, et
AI'1>K.\Ii|(:K
nuant.
que selon
ma
pensée
simple démonstration puisque
335
ne passeroit pas au delà de la
Persans ne s'y estoient pas si test
elle
les
engagés que paroissans s'en repentir ils s'estoient retirés.
Les provisions, et munitions de guerre apportées sur ce sujet par
dix galleres, ainsy que j"ay eu l'honneur de vous en informer, furent
cause que je parlaydeMassamam qui commandoit cette escadre, et j'en
pris occasion de tesmoigner ma surprise de ce qu'estant si fort il
n'avoit pas eu la hardiesse d'attaquer
contré dans
moignay
le
golfe
mesme ou
qu'il n'y auroit plus
il
le
Majorquin
qu'il avoit ren-
venoit de faire sa prise. Je luy
de seureté dans
tion, puisqu'outre qu'il se trouvoit
destitué
le
port dont
il
tes-
est ques-
de forteresse, dix gal-
du Grand Seigneur n'entreprenoient pas de reprendre trois
vaisseaux marchands sur lesquels le piralte ayant partagé son
leres
monde
se trouvoit fort alfaibly.
Le doùannier ayant Ijlasnié Massamam rejettasa faute sur l'interest
qu'il avoit à ne pas exposer sa chiourme et sa milice dont le remplacement tomboit sur ses frais. Pour ce qui est des galleres qui luy
appartenoientj'advoiiay que l'interest particulieren avoit décidé ence
rencontre, ce qui n'arrivoit que trop souvent, et j'adjouttay
mon
espé-
promesse solennelle du ^isir de l'exécution
des Capitulations. Je luy dis que Massamam pourroist bien estre puny
et qu'il ne lui serviroit de rien d'avoir fait mourir à Famagouste un
fameux tiran qui s'estoit enrichy du pa'is, et des Francs, puisqu'on
imputtoit cette mort aux ordres positifs receus de la Porte à la sollicitation des ambassadeurs dont il auroit volontiers évitté l'exécution
en vendant bien chèrement son auctorité, que cette conjecturre estoit
évidente, puisque deux autres mutins qui ont succédé à l'usurpation
du creditdu deiîunt, etqui meritoient la mesme punition, s'en estoient
exemptés, n'y ayant pas eu apparemment des commandemcns exprès
contre eux. Après luy avoir ainsy insinué ce que peuvent les ambasrance du remède par
sadeurs contre
les
la
Ministres Turcs
expliquay nettement
ma
(jui abusent de leur pouvoir, je luy
ferme résolution de maintenir contre leur
violence, les Consuls, et les negotians, luy déclarant, qu'asseurement
j'aurois raison des Pachas
du Caire
et
de Tripolj-, de
la
comluitte des-
quels je marcjuay queUiues particularités, et notlameni du dernier,
Pacha allioit deux qualités esgallement ruiaux sujets du Grand Seigneur. Je n'oubliav
pas non plus le Pacha de Seyde, et comme celuy-cy est neveu du
doi'iannier auquel je parlois, et qu'il a commerce avec les deux autres, c'esloit exprès que je les avois fait tomber dans la conversation,
qui estant
marchand
cl
neuses auxesirangers,
et
ne douttaiit point qu'il ne
les
deubt informer de cet entretien,
et pre-
LES VdVACKS IH MAKul
336
IS
DE N OINT El.
tendant encorre, qu'il put luy servir d'exemple, et d'induction de
conduitte contre luy
Il
ma
mesme.
voulut excuser ces ministres sur les grandes diminutions qu'ils
sûuiïroient
dans leurs revenus par
nouvelles capitulations, et
les
m'insinùer que je devois au moinslour procurer quelque soulagement
de
la
part du ïefterdar.
mon
Je repliquay que ce n'estoit pas
dévoient bien se contenter qu'on ne
aft'aire, et
les
que cjs Messieurs
obligea pas à restituer les
exactions du passé sans contrevenir davantage à la volonté de leur
souverain maistre, à laquelle on trouverait moyen de
les faire
obéir
exactement.
fis expliquer la misère du négoce en gênerai, et en particude celui d'Alep, et après qu'il eut déclaré sa prétention qu'un
pont qui se trouve ruiné sur le chemin d'Alexandrette deubt estre
Je luy
lier
reparé aux frais des Francs, disant que
les
Anglois en payeroient trois
mil piastres, ce qui vouloit dire autant que les François, je rejettay
cette proposilicin, non seulement comme injurieuse au Grand Seigneur, mais encorre par l'injustice qu'elle contenoit en soy, luy
déclarant qu'elle ne seroit jamais exécutée, et nonobstant quMI évittoit
que je vinsse au particulier de
toucher, les renfermant dans
mes prétentions, je ne
la
laissay pas de les
nécessité de reduirre à trois
pour
cent la doiianne des autres denrées qui restent à régler, de supprimer
le droit d'ancorage de cent cinquante quatre piastres ([ui se prennent
sur chaque bastiuient, de se désister de soixante et quinsequele con-
sul
donnoit par an pour
d'.Uep à Alexandrette
et
qui escortoiènt sur le chemin
la doiianne do
les janissaires
de se départir entièrement de
ce dernier lieu, puisqu'outre celle-là on en prenoit un autroà .Vlep sur
lesmesmes marchandises, en quoy
capitulations,
c|ui
ne
conlrevenoil formellement aux
l'on
les assujettissoient
qu'à une seulle doiianne dans
tout l'Empii-c.
Le doûannier se defTendit par
quelles
il
pstoit
les
soumis, tant envers
dépences extraordinaires auxministres residans à la Forte
les
Pachas qui en venoient. jurant (|u'il y en avoit eu des derniers
qui luy avoient pris des dix à douze milescus de presens, et qu'on ne
voulloit pas luy accorder aucunne dimiuulion. Mais l'ayant battu sur
([ueles
inutilité de cette deH'ence comme une chose qui ne pouvoil en concerner, et qui avoil ses intrigues que je ne voulois point desméler, je
persistay avec fermeté dans ma demande; et le Urogman de la nation
1
empeschant en quelque sorte que
le
mien n'expliquast au juste mes
intentions, jusques à s'ingérer de respondre pour le doi^iannier, et de
refuser plus nettement que ne faisoit le doiiannier mesme. je luy fis
AI'I'KNDICH
337
réprimande, et enfin touttes nos contestations se terminèpromesse de m"accorder ce que je soûaittois. .l'en voulus
avoir une seureté, et après plusieurs autres disputtes d'un niurcliand
nommé Le Fevre que j'avois commis. Ton pressa tellement le doiiannier quapres avoir différé jus(iu'au jour de son départ pourallerlrouver Caplan Pacha qui lattenduit sur le chemin de l)iarbe(iuir. il
donnast un escrit par le(iuel il consent à la suppression des droits
d'ancorage et des janissaires, et la réduction au sixiesme de ce qui se
prenoit sur Tesmail faux. L'on a aussy réduit la doûanne des autres
merceries et ambres contrefaits de quatre piastres et demy pour
balle a une et un quart, et il faut remarcjuer que de ces meiiiies
denrées, et autres quinquailles, il s'en fait un assez bon Iraffic. mais
c'est suivant qu'elles sont demandées et qu'on y trouve plus son
compte que de faire venir de l'argent.
iine forte
rent à
la
L'on jouira sur
la
le
bois de bresil, et
campech de
la
diminution de
moitié, et generallement sur touttes les marchandises du bénéfice du
poids qui monte à un sixiesme. puisqu'au lieu de se servir de
damasquinne qui
n'est
que de six cents dragmes,
il
la rotte
a esté convenu
celle dWlep qui est de sept cent vingt dragmes.
toutceque j'aypu obtenir, et il m'a fallu nécessairement remettre à un commandement exprès la suppression de
la douane d'.\lexandrette, ce qui ne sera pas difficile, et mesme il
n'auroit pas esté possible de réduire le douannier de la manierre que
j'ay fait, sans la promesse qu'on luy a donné par escrit que pour
les quatre mois <]ui luy restent de sa ferme il continiiera de recevoir
le droit d'ancorage des janissaires et autres (jue je vous ay expliqué
ensuitte. mais affin que dès à présent on entre en jouissance de ces
avantages, j'aj" décerné mon ordonnance qui enjoint au Consul et
marchands de satisfaire en particulier à cette indemnité sans i[u'il
paroisse au public que les bastimens en soient chargés.
J'ai encorre appliqué mes soins a régler l'intérieur du commerce,
soit en obligeant les marchands à porter à leur Consul le respect
qu'on se regleroit sur
C'est là. Monsieur,
qu'ils lui
doivent, et
à
mieux ménager
Tinterest public,
soit
en
remonstrant au Consul la protection dont il est redevable aux sujets de
Sa Majesté, et la prudente vigueur avec laquelle il doit soustenir son
caractère, faisant accorder les interests de la nation et les siens sans
aucun dommage les uns des autres, et aflin que les impressions de
mes remonstrances fussent plus vives dans leur esprits, je les assemblay et leurs ayant parlé près
mon
discours dans
le
estre la bonté de lire
dune
heure, je leur laissay par escrit
contenu d'une ordonnance dont vous aurés peut
la coppie. El parce qu'alors il devoit bientost
LES VOYAGES DU MAlini
338
arriver deux bastimens je les
supporter pour
les
les
fis
DE NOINTEL
IS
opiner sur
taxes qu'ils dévoient
les
debtes de la nation affin que
ma
présence empescha
brigues de ceux qui par leur interest aux chargemens s'esloigne-
roient trop de
la justice.
Mais nonobstant mes remonstrances,
les
intéressés se firent visiblement reconnoistre par leurs avis.
Je pense qu'il seroit difflcille de trouver
un corps de marchands ou
règne avec plus d'éclat qu'entre les François d'Alep; non
seullement ils sont divisés entre eux mais ils sont presque tous buttés
la division
ils s'eslevent contre luy d'une manniere que
condamnée, leur remonstrant combien ce procédé leur
préjudiciable. J'ay mesme obligé un parent du Consul qui estoit
contre leur Consul, et
j'ay toujours
estoit
son chancelier à luy faire réparation des termes injurieux dont
s'estoit
servy contre luy dans une requeste
la
imputtoit au Consul
la
le
il
m'avoit présenté, et
conservation des droits de ce chancelier qui
je n'ay pas négligé
chancelerie qui est
qu'il
rupturre et lacération d'un des actes de la
cautionement du Consul d'à présent des .\nglois
pour un
nommé
et lequel
y ayant endebté
Saladin autrefois Vice-Consul de France à Chipres,
la
nation,
le
Consul d'Angleterre en seroit
responsable sans cette lacération.
Le Chancelier prétend qu'ayant porté
par son ordre,
il
les
lacérés à l'endroit dont est question; et
anglois qui ont
les registres
a guardés quelques jours, et
commis
que
chés son consul
les
c'est luy
luy a rendus
avec
le
consul
cetteaction; et ainsy dans la quittance, et des-
charge du depost des registres donnés par
chancelier qu'il a déposé, j'ay
fait
le
Consul françois à son
insérer les prétentions, accords et
deffenses respectives des parties sur ce
l'ait
particulier, sauf à elles à
se pourvoir ainsy qu'elles aviseront.
J'ay aussy cru devoir remonstrer au Consul touchant sa manniere
d'agir particulliere qu'il ne devoit i)oinl trancher d'ambassadeur, pre-
nant
la
main chés
sur les personnes qualifiées,
lui
autres, et je luy ay insinué que son rang ne luy
les
evesques, et
donnant
cette préé-
minence que sur les marchands, il ne devoit pas l'estendre au delà,
mais qu'il estoit obligé de se restraindre comme chef des negotians à
soustenir leurs interests avec vigueur, et éclat auprès des Turcs; qu'à
l'esgard des estrangers
comme
plus nécessaire d'envoyer
pas tant pour evitter
la
Anglois, et Vénitiens, je ne croyois
nation au devant de leurs Consuls; non
de la presceance puisqu'elle
pas malaisé de s'y conserver,
mais parceque des negotians assemblés à un lieu pour leur négoce
ne sont pas parties capables de se maintenir, et de disputter dans
une all'airre de celte conséquence, et qu'au contraire ils doivent evitter
est deiie
les contestations
aux François,
et qu'il n'est
A
des occasions aussy
1' 1' !;
N
que
esloi.i-'nées
L)
1
C
339
li
celles-là, puisqu'ils
s'en
peuvent
passer, et qu'elles coustent de Tarsent. J'ay toucha' l'exemple du pré-
judice dont j'avois esté informé, qui est. qu'un Consul s'en allant.
par exemple
endroit où
mesme
Vénitien,
le
il
le
François
le
reconduit jusques à un certain
pour
quitte la place au Consul dAnjrleterre
civilité, et ensuitte
il
faire
la
reprend. C'est ce qui m'a principalle-
la
nient obligé à conseiller de s'abstenir de ces démonstrations
exté-
rieures, sans interdire les honestetés particulières qui se passent dans
les visittes
de Consul à Consul.
y a encorre des festins qui se font aux premières visittes, qui se
passent avec éclat, débauche, et un incroyable débris de verres, mais
Il
quoyque la depence en estant grande il soit à
présumer qu'un Consul, et particulièrement un Provençal, ne la fasse
pas sans la veûe de s'en rembourser, la faisant entrer par voye indirecte dans les comptes de la nation.
Celuy qui est a présent Consul d'Alep pourra difficillement proffitter
vous
de mes ordres et de mes avis, et je puis quasi. Monsieur
asseurer qu'il n'en profitera jamais à moins d'un miracle qui fasse
voir en luy un esprit aussy fort, comme il l'a foible. Il est absolument
gouverné par un religieux. Il se defûe de son propre frère dont l'hab ileté est aussy médiocre, et tous ceux de son party conviennent qu 'il
je n'en ay rien touché,
,
Les .\nglois.
entierrement incapable de son ministerre.
est
Vénitiens s'en mocquent en secret, et sont bien aise de
de
la
pris
le
et les
voir à la teste
nation françoise. les Turcs s'en rient en public, et sont fort sur-
quand
ils
voient qu'il ne sçauroit rien dire de luy
cadis ou doiiannier, estant nécessaire qu'il
tout le
monde, ce qui
fait qu'il
lise
mesme chés
le
sa leçon à la face de
demeurre toujours sans réplique.
Il
est
de cette manière impossible qu'il empesche lesfactions des marchands,
qu'il les protège valablement et qu'il se fasse rendre le resp ect qui
lui est
deubt.
au matin à
la
Il
est fort exacte à porter sa
congrégation, et ensuitte à
robbe consullaire, à aller
messe de paroisse, et a
la
que le Consul Barron son prédécesseur luy a vendu
de meubles, qui n'en valent pas mil, d'où il conclut qu'estant attaché à son employ par interest et par ho nneur il
n'est pas homme à le céder à un autre.
Je serois bien fasché, Monsieur, de m'estendre si fort sur cette
mattière si je ne me croyais indispensablement obligé par la veûe du
bien du commerce à vous rendre tesmoignage de ce que j'ay veu ou
se plaindre de ce
pour
trois mil escus
seu très certainement.
Ce Consul a
la perte
esté bien
heureux que
je
me
sois trouvé à
des vaisseaux marchands enlevés par
le
Alep après
Majorquain
.
car as-
LES VOYAGES DU MARUI
340
IS l»E
NOINTEL
seurement il n'auroit pil se desmesler des instances des Angiois, lesquels ayant sceu qu'ils étoient en quelque sorte impliqués dans les
informations et particulièrement leur facteur ou Vice-Consul à Alexandrette, ils vouloient que je receusse une information particulierre à
leur descharge. Je leur fis dire, que Tinformation dont ils se plaignoient estant secrette ils se pourvoiroient au lieu ou elle seroit portée, et s'y deffendroient le mieux qu'il leur seroit possible. Mais le
Vice-Consul qui prétendoit se disculper d'avoir entré dans le vaisseau
majorquin n'estant pas content, je luy remonstray qu'il pouvoit donner une requeste dans latjuelle il exposeroit le fait de sa justification
et que j'en ordonneroLs la jonction aux informations. Quoi qu'il s'en
fut contenté il revint quelques jours après avec d'autres marchands,
et comme je sceus qu'il venoit au nom de son Consul, et pour renouveller les mesmes instances, on luy couppa court de ma part en luy
disant que j'ignorois qu'il y eut un Consul anglais à Alep. L'on m'a
dit qu'à ce sujet ils avoient informés comme de desny de justice par
devant le Consul Vénitien. Celuy-cy a persisté dans sa fautte de ne
pas se rendre à ce qu'il me devoit. et s'il a ouvert quelque démonstration de la réparei'. elle n'a servy qu'à l'aggraver davantage puisqu'on lesmoignant son dessein de me visitter pour me demander
expliqué sur des prétentions d'estre traitté
pardon,
il
parmoy
plus honorablement qu'il ne
à insinuer
s'est ensuittc
qu'il désiroit
l'est
duConsul
françois, jusques
de l'Excellence.
J'ay receu ces imaginations selon la différence infinie qui se trouve
entre un ambassadeur de Sa Majesté et un Consul de Venise, auquel
je n'ay pas laissé de faire justice touchant une créance qu'il prétend
succession du nommé Barron décédé pendant mon séjour à
au retour de Tripoly d'où il m'avoit accompagné. Je me suis
donné la peinne de dresser deux grandes ordonnances sur ce sujet
sur
la
.Alep
qui
nomment
des arbitres, et leurs prescrivent dans
la
forme laman-
nière de se conduirre. Je suis aussy persuadé d'avoir usé avec les
Angiois suivant toulte la justice et l'honesteté qu'ils pouvoient désirer,
puisqu'un d'entre eux se trouvant créancier delà nation de Chippres
d'une somme de deux mil escus en principal, et des arrérages, et
m'en demandant le payement par une requeste, j'ay ordonné qu'il
du reste de son capital, et des intérêts, suivant qu'ils
ont esté réglés pour les François mesmes qui sont aussy créanciers,
n'estimant pas juste que ceux-cy soient réduits de 36 pour cent à dixhuit, et (jue les estrangersne soient pas soumis à la mesme réduction
d'autant plus que les Turcs ont esté obligés de souffrir en pareil
rencontre une grande diminution.
seroit satisfait
3U
Al'l'KMlICi:
J'ay encore terminé un difl'iTend d'honneur entre un Hollandois et
un François, survenu du mauvais traittement exercé en public à coups
de pieds
et
de poings par
tendoit offensé
de
ce
dernier contre Tautre parce qu'il se pré-
le
avoit publié laucement que
qu'il
son
frère
deux parties m'ont
résident à Ligourne avoit fait banqueroute, et les
tesmoigné estres satisfaittes de mon règlement, qu'elles exécutèrent
le champ.
Ceux de la nation angloise qui me sont venus voir en
sur
se sont retirés très contens de
ma réception, un
particulier
d'entre eux m'a accom-
pagné au voyage de l'Eufratte qui a esté de soixante lieues en tout, dont
me reservant de vous rendre compte en destail. je prensseullementla
liberté de vous dire a présent que je Tay fait bien accompagné el avec
quelque
pompe
et
qu'a
mon
retour entrant dans
la ville j'avois
a
ma
ceux qui ne m'avoient point quitté
que des autres qui estoient venus au devant; j'estoisaussy environné
de dix ou douze vallets avec des fusils et mousquetons, et les trompettes me precedoient, ce qui atliroit un très grand concours de specsuite plus de loO cavailiers. tant de
tateurs de touttes les nations d'Alep, entre lesquelles se sont trouvé
plusieurs Anglois, que je salluay fort honestement.
en aeslé de
Il
et je
mesme
à
mon
despart qui fut
le
vingt-sept septembre
puis vousasseurer que j'avois peinne a passer dans
Une
partie des
marchans
et
quelques estrangers
me
les rues.
quittèrent a
une lieue de la ville, et après avoir fait en leur présence une forte
réprimande au drogman avec menaces s'il nefaisoit son devoir de le
chasser, je continuay mon chemin avec le reste de la nation
et le
consul; et ayant passé par les ruines de St Siméon Stilitte, visité plusieurs sépulturres des anciens Romains, traversé la célèbre ville
d'Antioche, et l'Oronte, et laissé sur la gauche Alexandrette à cause du
mauvais air. j'arrivay le premier octobre a un autre endroit de son
,
Bonnet, esloigné d'Alexandrette de sept heures.
trouvay deux gallères turques, dont l'une qui est de Candie
appartient au 'N'isir, et est commandée par un renégat Livournois ;
elles avoient débarqué à .\lexandrette des munitions pour Bagdad,
golfe, qui est le port
J'j'
et
elles
attendoient un bon
temps pour
route de Caramanie terre a terre,
s'ils
s'en retourner
prenant
la
atlin d'evisterles corsairres, lesquels
avoient un peu de conduitte, et plus d'union entre eux, n'eussent
pas manqué cette occasion. Les capitaines de ces gallères qui
les crai-
gnoient fort avoient eu en venant un passage heureux n'ayant mis
depuis Chio que neuf jours, et j'ay sceu que leur retour n'avoit pas
esté
moins favorable, nonobstant l'intention du Serdar de la mer
les avoit destaché pour un si grand traject, affin qu'expo-
blanche qui
LES VOYAGES DU MAROTIS DE XOIXTEL
342
sant
renégat Livournois,
le
voulu luy faire un présent.
Ils se mirent à la voisle
au soir,
et ce fut le
il
le
put se vanger de ce
second
qu'il n"avoit
autant
et j'en fis
neuviesnie que je mouillay dans
pres à Lernica, ayant
consommé neuf jours
la
le
pas
troisiesme
rade de Chi-
à cause des bonnaces a
ce qui se fait ordinairement en vingt-quatre heures.
absent pour Cherinnes. port de Tisle vis à vis de
la
Le Consul
Caramanie
estoit
esloi-
gné seullement de quatorze lieues de Lernica. et il s'y estoit rendu
suivant mes ordres pour y faire trouver quelques provisions, parce
que je croyois prendre cette routte, mais il retourna le lendemain de
mon arrivée. Je ne doultois point de trouver le Consul de Venise
remis de sa follie, et qu'ainsy il n'eut restably la chaise du consul
françois, me fondant sur les ordres exprès, et rigoureux que le Baile
m'asseuroit par une de ses lettres luy en avoir envoyé. Il convint à
une personne tierce de les avoir reçu, mais il adjoutast que sur sa
response il en avoit obtenu de postérieurs qui destruisoient tellement
les premiers, qu'il luy estoit enjoint de maintenir sa prétention en
toutte manierre, jusques à temps que le Conseil des cinq Sages de la
marchandise luy eut prescrit une autre conduitte. Il protestast qu'il y
obéiroit jusques à dépencer tout ce qu'il avoit d'argent, et le fond
mesme
d'un bastiment vénitien qui se trouvoit à
par un capitaine françois.
voulusse
moy mesme
et estant
tombé dans
remettre la chaise de
mon
le
rade commandé
soubçon que je ne
la
Consul,
il
partit pour
Nicosie affin de s'appuyer de l'autorité des Ministres.
envoyay mon
au Mousselim, et
que je desirois justice de la presceance que
le Vénitien vouloit oster aux François contre l'ordre, et les capitulations, et que je ne pouvois doutler qu'ils ne contraignissent cet insolent à une légitime réparation par emprisonnement, ou me l'envoyant
pour le mener à Constantinople. Je me suis cru bien fondé d'escrire
de cette sorte, par ce que le Baile m'avoit manqué de parolle, ce qui
m'a donné sujet de luy respondre suivant que vous le verres par la
coppie, et que de plus ne réussissant pas. j'en prevoyois la cause par
le déboursement du Vénitien, qui commenceroit par la punition qu'il
meritte. et laquelle comme je l'esperre s'achèvera par l'autorité de
Sa Majesté.
Ce dernier cas preveu est arrivé, carie Consul de Venise ayant eu
inutillement l'insolence de demander que je vinsse moy mesme entrer
en lice avec luy ce qui fut rebutté du Mousselim avec injurre, il fit
donner deux ou trois mil escus aux chefs factieux des spahis, et janissaires, ceux-ci qui ont la puissance en main s'en servirent si bien qu'ils
J'y
Secrettaire avec des lettres
autres, leur tesmoignant
APPEMHCE
343
ont absolument empesché Teflect des bonnes intentions du Mousselim
qui fit donner des coups de baston au Drogman du Vénitien ipii luy
apportoit mil piastres pour
le
corrompre, sauf peut estre à les reprenme tesmoigne par sa lettre
dre ensuitle. Ce Ministre bien intentioné
son desplaisir de ne m'avoir pu satisfairre s'excusant sur le péril
menace des janissaires et des spahis,
m'a envoyé un ars (i) contre ces séditieux.
auroit courru par
suppléer
il
la
et
qu'il
pnur y
Nonobstant cet engagement, et que le Consul françois eut dit mal à
propos en nia présence que si la nation nestoit pas tant endebtée il
Tengageroit pour avoir raison de celte affairre, j'ay cru plus à propos
den demeurer là, attendant d'ailleurs la punition du Vénitien qui a
eu encorre la témérité de se vanter qu'il exciteroit une sédition contre
moy
et tous les François.
Je ne crois pas. Monsieur, que ce comble d'extravagances puisse
demeurer impuny, d'autant plus
qu'il est destitué
de tout droit,
mesme
de l'apparent, et qu'outre toultes les pièces que j'ay eu l'honneur de
communauté de l'église, qu'elle est
Terre Sainte, et non pas aux Vénitiens, j'ay encorre des tesmoignagesdesTurcs. Grecs, et des Religieux
vous envoyer justificatives de
la
paroisse et qu'elle appartient à
la
le Cadis. Il y a encorre à considérer que l'on prend
dont est question trois piastres sur chasque bastiment
produits devant
pour
l'église
franyois.
un des
Voilà, Monsieur,
ellecls
de l'imagination des Consuls, qui
s'imaginent estre des representans de
quoi qu'il soit à sotihaitter qu'on
les
personne de leur souverain,
et
desabuse de cette imagination,
et
la
que n'ayant point de chaises fixes dans les églises ils en fassent porter
dans l'occasion, je crois celle-cy trop engagée pour estre susceptible
d'un tel temperemment. L'emportement du Vénitien par touttes les
circonstances que je vous ay maniuées.etnottamment par le mespris
des armes de France qu'il a fait jetler avec la chaise du costé gauche
et qu'il
comme en triomfant touttes les fois qu'il va à l'église
me semble un chastiment autanlexeniplairre qu'esclaltant
regarde
méritte ce
;
y va en quelque façon de l'honneur du Roy. mais
encorre le commerce s'y trouve notablement engagé, d'autant que s'il
arrivoit qu'il fallut absolument céder au Vénitien, ce que je ne puis
non seullement
il
croire, les ministres Turcs en prendroient occasion de voulloir davan-
tage dominer sur les François, les voyant capables de quitter à ceux
qu'ils ont toujours
précédés
par tant de raisons.
il)
Ils
et
sur lesquels lapresceanceleur estdei'ie
seroient bien aise aussy d'entretenir la division
Ordonnance ou commandement.
LES
;m
Y A G ES
A'
1
1
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A
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1
DE
s
.\
(
1
1
-\
TEL
entre les deux nations pour en proflîtter par leur avarice, et de plus
par
croyance, que Sa Majesté informée de l'ingratitude des Vénitiens
la
en ce rencontre,
comme
elle l'est
de beaucoup d'autres, ne leur donnera
plus de sujet d'exercer leur meconnoissance par des secours dont
besoin n'est peut estre que trop proche pour l'interest de
le
Repu-
la
blique.
Ce Consul Vénitien qui a esté continué pour un an, je ne sçais par
quel motif, n'a pas agy touchant la chaise par une passion qui soit née
de cette occasion. Sa haine avoit esté soubçonnée deux ans auparavant
ne douttoit point
et l'on
ment survenu
de
qu'il
ne fut l'instigateur du mauvais
chapelle desservie par les capucins, on
la
traitte-
que sur le prétexte
une avanie au consul
alors à la nation, qui fut si grand,
fit
françois qui alla jusques à l'emprisonner, et sa liberté cousta cinq
cent escus. Cet
de
l'insulte, et
accommodement me
fit
mes
dilTerer de porter
qui s'est remis d'année à autre: et quand
a esté conclu une espèce
il
de nécessité d'oublier réciproquement ce qui s'estoit passé,
traignit au silence
que
j'ay,
table.
que
Il la
plaintes
des frais, au temps du renouvellement des capitulations.
le
;
et je
ne
le
romprois pas sur ce
me
sujet, sans la
con-
preuve
Consul vénitien a été l'auteur de cette avanie insupor-
tramma avec
le
nommé
Jlarcoulin qui estoit
drogman des
Turcs^ et son confident, et qui estant devenu son ennemy, a remis au
Consul françois
qui contiennent la
les lettres
tramme de
celte conspi-
ration.
du Vénitien, mais
marquées de son cachet, leur
Elles sont en grec, en italien, la pluspart signées
toultes relatives les unes
aux autres,
et
datte conférée à celuy de la disgrâce les rend encorre plus constantes.
Uuant
à leurs coppies, et traductions, et au
mémoire que
j'ay dressé
sur cette mattiere, tout ce que j'ay pu faire a esté de l'envoyer de
Chipres à M. d'Avaux à Venise par une occasion qui se présentas!,
croyant bien qu'outre la justice qu'il pourra obtenir par les ordres de
Sa .Majesté de
l'insulte
de
la
chaise
il
y auroit encore
lieu de poursui-
vre vivement la réparation de cette autre injurre, ce qui m'y a porté
davantage a esté que souvan on avoit
me
suis cru nécessité de luy
mieux
esorit à M. d'.\vaux. et ainsi je
et
plus fortement expliquer
la
cli'ise.
-N'e
à
pouvant. Monsieur, encorre a présent vous faire tenir ces pièces
la longueur de cette lettre, et des coppies qui y sont join-
cause de
tes, je differeray à
est impossible
co!-; et
Il
s'y
Smirne,
et je
prendray
la liberté
de vous dire, qu'il
de répandre plus de venin et de haine contre les Fran-
leur Consul qu'il y en a dans les
mesle d'un interest qui ne
le
letti'es
du
A'enitien.
regardoit point, car sous
le
pré-
APPENDICE
345
texle que les Capucins avoient fait une procession publique
la Feste Dieu dans leur maison, et
assisté,
il
que
de leur protecteur.
11
le
jour de
Consul françois y avoil
de perturbateurs des droits de
traite ceux-là
chialle, et celuy-cy
le
l'église
parro-
l'accuse encorre d'entreprise
contre l'autorité du Grand Seigneur à cause de cette nouvelle esglise
commandement, ce qui ne se peut faire
bastie, et desservie sans son
dans son empire.
dit
Il
chappclaiii qui dise la
que le Consul françois ne doit avoir qu'un
messe dans sa maison sur une table, et que les
François doivent venir à
ter en général
comme
la
paroisse.
des faquins,
11
passe à
les
il
la
hardiesse de les trai-
taxe d'orgueil, et de gens
et non content de tesmoigner dans plusieurs de ses
un empressement extraordinaire à les punir, et les abattre, ce
qu'il fait jusques à menacer de se retirer s'il n'a satisfaction, il insinue
faucement qu'il en a cousté à la nation françoise de Trij)oly dix mil
escus pour l'église de ces religieux. Toutte cette confidence est d un
chrestien calolique du ritte romain à un Grec chismalii]ue, et elle
insupportables,
lettres
s'exerce par la destruction d'un temple consacré à l'usage romain.
L'éclat de l'animosité
du Consul
quelles puissances du pais
Nicossie.
Il
il
le
pressoit
si
faut s'adresser.
fort qu'il
i|ui
marque
à
estoient celles de
se plaint des ministres de Larnica. qui s'estant rallimtis
donnoient soubçons d'avoir esté gagnés par
présents qu'il promet,
il
les
inserre des instances
si
François, et outre les
vives
qii'il
faut estre
enragé pour en concevoir de pareilles.
EnQn il y a une lettre entre les autres qui leur est posterieurre. et
aussy au mauvais traistement qu'elles avoient procuré aux François
par laquelle on voit
qu'il s'applaudit le
plus couvertement qu'il luy
du succès de son entreprise. Il ne veut pas (ju'on luy en
attribue rien, il dit que le Consul de France, et les marchands parlent
est possible
bien haut contre luy
comme
s'il
estoit l'auteur
de leur disgrâce,
et
il
prie Marcoulin de leur dire de se taire, que ce party sera leur plus
grand avantage,
et
aussy de leur déclarer que luy consul vénitien,
et
ses Pères n'ont point de part à ce (jui estoit arrivé.
Vous connoistrés, Monsieur, par vostre pénétration ordinaire tout
ce qui
me
peut eschapper des conséquences que
"S'enitien porti'nt
avec
nuer davantage que
elles, et
j'ai fait,
les
entreprises de ce
sans m'ingerer de vous en rien insi-
que vous pardonnerés à
mon
zèle,
sans
l'imputter à témérité, je vous asseureray de ne rien oublier à obtenir
un commandement touchant la presceance dans l'église de Larnica.
me prometre, que les fortes plaintes portées à l'ambassadeur
de la république auprès de Sa Majesté, et sousleni'ies à Venise par
M. d'Avaux produiront une réparation exemplaire de la part du ConJ'oseray
LES VOYAGES DU MAHOLIS DE NOI.MEL
346
sul de Chipres Santoniny envers
pourroit estre
puny en
tres, etinterests. et
moy
sa bourse par
en son corps de
plus convenable par
la
et le
la
telle
Consul françoiSj
et qu'il
restitution des cinq cent pias-
manniere qui
seroit jugée la
privation de sa charge, exil, ou autrement.
occupation pendant
mon
séjour en Chipres, ou jaj' trouvé qu'en conséquence d'une de
mes
Il
a esté un des principaux sujets de
lettres l'on avoit
commancé
mon
l'establissement de l'exemption
du droit
d'ancorage qui estoit de cent soixante piastres par vaisseau, suffisant
pour y estre soummis qu'il eut pris de l'eau, ou quelqu'autre chose de
peu de conséquence. 11 est vrai que cette somme se distribuant à plusieurs le Mussalim qui en retiroit trente cinq escus pour sa part n'a
pas voulu y acquiescer et qu'on a esté contraint d'en passer par là à
l'esgard de hiy seullenient, mais j'espère obtenir un commandement
qui
le
mettra à
la raison.
C'a esté au passage de
Massamam Pacha
de
l'isle.
et
pendant sa
résidence à Famagouste que l'on a obtenu son boujourdy contre Fancorage, et aussy
pour le payement des mil escus deùs par les janismais il n'a pas esté possible de parvenir à l'exécu-
saires à la nation,
tion de ce dernier chef, qu'il a fallu remettre
au chiaoux que
l'on fera
venir de la Porte.
C'est tout ce qui s'est pu faire pour l'avantage du trafTic de cette isle
dont j'ay demandé un estât des deptes qui monte à plus de dix huit
mil escus, mais il n'y a pas eu moyen de l'avoir tel que je le soûaittois
accompagné de touttes ses circonstances par la dessignation des
causes des créances, du temps de leurestablissement, de la qualité des
interests, de la quantité qui en a esté payée, du temps des payemens,
et des noms des créanciers soit d'eux mesme, soit par substitution à la
place de ceux qui l'estoient. Il est vray que l'on m'a promis de me
l'envoyer à Constantinople. J'en ay déjà un de Seyde auquel il manque
encorre quelques particularités qui seront restablies. Celuy d'.VIep
mes mains, mais j'en attens un plus en destail, et je crois
viendra que les debtes seront acquittées. J'en prendray aussy
un à Smirne, et quant à la despense faitte ou qui se fera encore à mon
est entre
lorsqu'il
ou des capitulations, je vous en rendray, Monsieur, un compte
que je suis obligé de différer à Smirne ou à Constantinople
tant à cause de ce qui reste de mon voyage que pour n'avoir pas ensujet,
très exact,
mémoires des frais de mon second passage en Chippres, que
m'a différé de jour jusques à mon départ pour me demander ensuitte du temps de l'escrire, c'est à dire de prendre ses mesures pour
l'ajuster à son avantage. Celuy d'.Vlep dont je vous ay parlé ne m'a
esté livré que sur le point de mon embarquement, et quoy que j'eusse
corre les
l'on
APPENDICE
donné une ordonnance pure
et
347
simple pour son rcmbdursement, qui
mieux examiné par la discus-
est de cinq mil piastres, l'ayant depuis
sion de certains articles fort injustes, j'ay décerné une autre ordonnance par laquelle sans avoir égard à la première j'ai commis trois
marchands pour l'examen des comptes, ordonnant le payement de ce
qui sera par eux réglé. Ceux des csclielles qui ont ces maniemens ne
peuvent estre desabusés de la liberté qu'ils se donnent de s'avantager
dont ils ti'ouvent toujours le nioven. en couchant certaine depenceen
gros, et augmentant celle en destail d'une manniere visible. On le
prattique à l'esgard de l'interest public; les marchands entre eux un
usent de mesme, et ceux d'.Mep se sont ac(|uis
la
plus hautte réputa-
que pour bien expliquer l'exhorbitance d'un compte on
dit que c'est un compte alepin.
Il y a encorre une injustice bien blasmable, c'est le peu de liaison
(ju'il y a entre les eschelles, n'y en ayant aucunne qui n'exagerre sa
tion, en sorte
misère au delà de
la vérité,
et ipii
taxes qu'il paroist raisonnable de
ne voulut rejetter sur l'autre les
lui
faire suporter.
Ainsy
il
faut se
résoudre presque entièrement à ne rien croire de tout ce que l'on
avance sur de pareils sujets.
Enfin l'acquittement des deptes produira un grand soulagement au
commerce, c'est ce qui doit faire entrer dans les moyens les plus
prompts pour y parvenir par les taxes sur les bastimens ou de telle
autre sorte que ce soit. L'eschelle d'.Vlep comme j'ay desjà dit sera
bientost purgée, celle de Seyde n'est pas non plus fort esloignée de se
nettoyer, estant débitrice aux Pères de Terre Sainte d'une partie de
sept mil piastres sans interest. Il n'y a que Chipres qui demeurant
en arrière, il y faudra pourveoir par auctorité. Pour Smirne elle n'est
pas je crois fort endebtée, quant au Caire, je n'y ay point passé, mais
j'en recevray des mémoires auxquels je remedieray en ce (|ui despendra
de moy, et j'ay des veiies qui me semblent devoir estre fort efficaces
au restablissement de son négoce. Ce qui est de fascheux c'est le subterfuge des bastimens à evitter les eschelles plus endebtées, et à se
quand ils y entrent des taxes auxquelles
doivent estre soumniis. Le bien gênerai, quoy qu'ils en doivent
libérer par toulte sorte de ruse
ils
dans la suitte. ne leur estant de rien en comparaison d'un
avantage présent. C'est par cette raison qu'il viendra des voisles
à la rade de Lernica qui n'hésiteront pas maintenant d'y moiiiller, et
d'y demeurer selon le temps, à cause de l'exemption d'ancorage, mais
proffitter
petit
qui ne prendront rien à terre,
affin
si
ce n'est par adresse, et en secret,
de ne rien payer du cotlimo. L'on pourra trouver
cet inconvénient et je le crois fort nécessaire.
le
remède à
Li:s V(lVA(.ES
3i8
Si
une
fois l'on
MAliOL
1)1
IS
1)1-:
parvient à cette libération,
main aux emprunts de
il
NUlMF.l.
sera alors de nécessité
manniere la plus prudei;te qu'il
se pourra, et l'on fera connoistre nux negotians qu'ils sont plus en
estât de proftîter que par le passé, nonobstant leurs regrets de ne
voir plus apporter à Seyde et à Alep par an, les deux millions de
piastres et davantage. Ils nomment ce temps le siècle d'or du commerce, pai ce qu'en qualité de commissionnaires ils tiroient de grands
proffits, et ils voudroient qu'il n'y eut point de mûriers en France,
affin qu'on continuas! de recourir aux soyes du Levant, ce qui fait
qu'ils maudissent la prudence qui dans le royaume a introduit un si
grand plan de ces arbres.
de
lier la
Si je tasche,
la
Monsieur, de m'instruire de touttes ces particularités,
que je vois, ou que j'entens, et de ce qui s'est
le cours de mon voyage, ne laissant rien
eschaper des moindres choses qui m'en font conclurre de plus
grandes, c'est dans la pure veûe de travailler plus efficacement au
bien du commerce et à la connoissance de l'intérieur d'un aussy considérable empire que celuy du Grand Seigneur.
Jay veu estant en Chipres le nommé Cigalle habile homme qui a
proftittant de tout ce
présenté generallement dans
estudié à
Rome, qui
est fort instruit des Conciles, et
de Testât de
la
primitive église, qui parle passablement italien, et bon latin, mais
(jui
n'en f>i pas plus alîectioné à l'église romaine. Javois eu
avec luy
comme
mon
commerce
il m'y
venu ensuitte me visitter in jjoutificalibm. s'estant fait depuis peu archevesque du royaume par un
barrai de la Porte obtenu par son frère médecin du Visir. et c'est en
vertu d'un acte si peu canonique qu'il a dépossédé l'ancien metropolitte qui n'y a consenty que par force.
11 colorre néanmoins le mieux qu'il peut sa conduitte dont il n'y a
qu'un seul exemple dans le pais, encorre pretend-ou qu'il a este suivy
de punition divinne, et sur l'insinuation que je luy faisois de la simonie et de la violence moyens cirdinaires pour entrer dans les dignités
de l'Eglise Grecque, il se declarast fort ennemj- de ces voyes illicites,
quoyipi'il les aye prattiquée assez hautement; il estoit couvert d'un
manteau dont le haut estoit partagé en bandes de satin bleu, rouge,
])ar lettres et
escrivit. Je luy
et
fis
responci'. et
d'une autre couleur,
le
sceut
il
il
retour à Lernica.
est
reste estant plein en noir, son baston qu'il
tenoit à la main, qui est plus haut
que luy,
estoit
orné de nacres de
perles et surmonté d'un globe en argent représentant le
lequel se voyoit sa croix;
il
m'expliqua
la
monde, sur
concession de ces ornemens,
aussy de ne despendre d'aucun supérieur ecclésiastique par
faveur ou reconnoissance de l'Empereur Zenon, à cause que
et
la
le
AI'I'KNDICE
metropolilte
C.liipres luy avoit fait
(le
.'UO
présent
(le
l"oritrinal
d'un des
evangelisles; ne jugeant pas à propos d'entrer en discussion de ces
immunités,
lequel
il
conversation
la
ristie: qu'il
le
ministre Claude, contre
a encore confirmé par une profession de foy donnée à
Constantinople, et
qu'il
tomba sur
a procuré une des premières attestations, touchant l'Eucha-
me tesmoigna
raattierre,
me certilia tellement la vérité de ces deux actes,
de plus une grande disposition d'escrire sur cette
il
pour 1^ transubstantiation que pour rejeif'r les
prétend que ce ministre a voulu noircir l'Iiglise
tant
calomnies dont
il
Orientalle.
Je luy touché fjuelques circonstances des extravagances des Grecs
exercées dans llierusalem, et qu'ils oommettoient dans tous
endroits contre l'église romaine, et
les
autres
sur ce sujet je prendray. Mon-
vous dire qu'estant dans cette sainte ville, j'ay
non seuUement de rendre compte à Sa Majesté, et à vous,
de ce que j'y avois veu. mais sur les instances des Pères, j'ay cru
que je potivois cncorre donner la mesme information par mes lettres
au Pape, à l'Empereur, à la lieyne de l'Espagne, et à la Congrégation de propagande. .J'avois escrit un apostile pour vous en insérer
l'avis dans une de mes despesches de llierusalem, mais il fut oublié,
ce i[ui fait (jue je vous en informe maintenant, et je [irendray la
liberté à la première commodité de vous envoyer les coppies de touttes
sieur, la liberté de
esté obligé,
ces lettres.
Je vous asseureray encorre. qu'un ne scauroit assés concevoir
la
m'ont refusé en plusieurs
de leurs abbayes a la campagne la liberté de dire la messe dans leur
église pendant qu'en France on les reçoit dans les nostres a célébrer
sur le m'aistre hostel, et qu'il en [)rennent occasion par l'aspect de
leurs cérémonies de tirer de grandes aumosnes dont ils viennent nous
insulter. J'ay trouvé à Patmos dans la grotte de Si Jean l'ancien
evesque de Samos, lequel par sa douceur apparente, et aussy parce
qu'il ne fit pas de difficulté qu'on celebrast la messe latine dans la
grotte dont:il est deposiltaire. me sembla merilter que je luy donmalice des Grecs, puisque entre autres,
nasse un passeport pour
assez utillement
d'en proffitter,
à
en
la
Home
ils
chrestienté. J'ay eu avis (juil s'en servoit
et le reste
France, pendant
de
l'Italie
qu'il
est
et qu'il
se disposoit
débitteur à un mar-
<;hand françois résidant à .Vcre de plus de mil piastres qu'il areceuen
devoit fournir, et qu'apparemment il ne luy
Ce prélat meritteroit qu'on l'arrestat avec ce qu il
pourroit avoir recueilli affin de satisfaire ce malheureux qui s'est
soumis à sa mauvaise foy. Les pcifidies et la rage des Grecs ne se
avance du bled
fournit jamais.
qu'il lui
LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL
330
peuvent expliquer, et persuadent aisément qu'il ne se faut point fier a
eux en aucunne façon, et d'autant moins qu'ils ont estudié à Rome,
puisque ce sont les plus dangereux, s'estudians a employer tout leur
scavoir à combattre sans aucunnes mesurres, les droits les mieux
establis de l'Église
dra
le
nommé
Romaine;
c'est
asseurement
la
conduitte que tien-
Cigala archevesque de Chipres dont
j'aj'
l'honneur de
vous parler: c'est aussy ce qui doit convaincre tout le monde que le
Turc a trouvé le secret de dominner les Grecs, et qu'il n'y a que le
baston et l'esclavage qui les puisse mettre à la raison.
Je suis party de Chipres le dix-neuf octobre, et après avoir fait
canal dont la peine n'a consisté que dans la longueur d'un trajet de six
ou sept jours, je me suis trouvé entre Rhodes et Scarpanto, et de la
j'ay passé avec quelque péril du costé de Stampalia. mais ne pouvant
gagner celte isle, l'on trouva moyen avec le vent contraire qui n'estoit pas trop fort de mouiller le vingt-neuf au soir à Imborio seul port
de lisle de Santorin j'y mis pied à terre, et après les remarques d'un
pais si extraordinaire par la singularité de son terroir, de la situa:
tion de ses villages et chasteaux. et des etl'ects de ses
naturels, et tremblemens de terre, je
fis
mettre à
embrasemens
la voisle
autant
bonne réception de l'evesque latin et des jésuites qui
y tiennent une mission, que je fus mal édisflé de l'évesque grec, qui
s'estant rapporté à moy d'un difl'érend se mocquat de ma condemnation. Le quatre novembre jour de mon départ de Santorin l'on trouva
moyen d'arriver sur le soir à Milo, j'y débarquay le lendemain, j'y
fus receu au bruit des boettes, l'estendart du Crucifix desployé, j'y
terminay plusieurs procès, et entre autres l'un à l'avantage d'un abbé
de
satisfait
la
grec contre un françois,
et
l'évesque lattin retourné de Sifanto
me
vint recevoir à la porte de son esglise en mitre. J'assistay à sa messe
pontificalle sur
nelles qui
L'on
fit
si
un prie-Dieu couvert d'un dais, et aux prières solempour la prospérité du Roy contre ses ennemis.
firent
voisle
le
onzième,
et
il
fallut différer l'espérance d'arriver
en
24 beurres au port d'Athènes, iusques au quatorze.
Je couchayle
mesme jour
marinne du port Lion,
du mattin, l'.Aga
ou gouverneur du Chasteau d'Athènes estant venu me trouver sous
ma tente m'accompagna à la ville, après m'avoir faitsaliier d'une descharge de la compagnie qu'il commandoit; elle commenceoit la marsur
le
bord de
la
autrefois Pirée, et le quinsiesmesur les neuf heures
che avec
fiers, et
les officiers turcs, et je la
autres livrées à
et anglois, et de
la
continuois environné de
mes
esta-
grecque, estant suivy des consuls françois
cinquante cavalliers. Mes trompettes mesloient leurs
fanfares au son lugubre de celle
du
pais, ce
qui dura une heure et
AI'I'K.MJICK
deniy par un chemin de pleine,
et
un bois
351
d'oliviers, estant
que
la
ban-
nière francoise tant que la rouge estoient déployées. Je rencontray au-
près du temple de Thésée les principaux des Athéniens ecclésiastiques
et séculiers, en habits de cérémonie, qui nie rendirent leurs devoirs qui
furent suivis de la descharge du canon du Chasteau, et ce fust à son
bruit, et au milieu d'un grand concours de peuple qu"aj'ant passé sous
les beaux restes du pallais de Pericles. et auprès de la chapelle, ou
tombeau de Socratte, j'arrivay au pallais qui m'avoit esté préparé ou
manger d'un disné à la lurijuc qui m'altendoit. Il me
je ne puis rien
du vin du pais, tellement aromatique, et
meslé de poids, et de l'odeur du laudanum, qu'il suffit d'en demeurer à l'odorat sans en incommoder le goust. Il y a un mois que je suis
dans ce pais dont la mémoire de son antiquité est si recommandahie,
fut aussy impossible de boire
si
et
dont Testât présent
si
ensevely qu'il
soit
dans
les rùinnes. et l'igno-
rance, ne laisse pas encore de meritler une forte admiration, et un
examen qui
tion des
laisse
de grandes conjectures du passé par
monumens
la
considéra-
qui sont encorre sur pied.
y en a beaucoup de relations, mais je puis, Monsieur, vous asseurer que personne n'a eu autant de moyen que j'en ay rencontré de
bien examiner touttes ces richesses de l'art, et l'on peut dire de celles
qui se voyent dans le Chasteau autour du temple de Minerve qu'elles
surmontent ce qu'il y a de plus beau dans les reliefs et les statues de
Rome: j'entray la première fois en pompe et au bruit du canon dans
le trésor où sont renfermées ces merveilles et j'y suis retourné incognito quatre ou cinq fois pour mieux admirer et connoistre les beaux
desseins que mon peintre a très bien tiré qui montent à plus de deux
cent figures hors le naturel et sur le naturel, en grand et moindre
Il
relief,
il
femmes,
y en a d'entières
et
et
de mutillées, ce sont des hommes, des
des centaures, des combats et des victoires de ceux-cy, des
trionfes, des sacrifices, et
s'il
m'estoit possible d'exprimer maintenant
une disposition si vivante, et
une expression de tant de passions différentes ont laissé dans mon
esprit. je l'entreprendois avec plaisir; mais ayant besoin d'ymeditter
de nouveau, vous me permettrés, Monsieur, d'en remettre l'entreprise
à un autre temps.
J'y joindrai les représentations dessignées qui suppléeront à la foiblesse de ma connoissance, et à l'oubly presque inévitable dans une
la riche
confusion qu'un
si
bel ordre, et
abondante variété, quoyque sur unmesme sujet.
me persuade qu'elles seront d'autant mieux recèdes qu'outre
leur justesse elles sont encorre recommandatiles par leur rareté qui
les rend uniques. Personne à ce que l'on m'a asseuré n'a eu la
si
Et je
LES VdVACI-S
352
\)V
MAFinlIS DE NOINTEL
prendre ces desseins; les sieurs de Monceaux et Laisné se retile Chasteau, et ceux qui en ont eu l'entrée
n'ont pas mesme eu le loisir de bien considérer les miracles qui s'y
voyent. Tout ce que Ton peut dire de plus eslevé de ces originaux,
liberté de
rèrent sans entrer dans
c'est qu'ils merilteroientd'estre placés
dans
les
cabines ougalleries de
protection que ce Grand
Monarque
donne aux arts, et aux sciences qui les ont produits, ils y seroient
mis à l'abry de l'injurre du temps, et des affronts qui leur sont faits
par les Turcs, qui pour evitter une idolâtrie imaginairrecroyent faire
un œuvre merittoire, en leur arrachant le nés, ou quelqu'autre
Sa Majesté, ou
ils
jouiroient de
la
partie.
L'on a encorre pris fort exactement
la
les desseins, et
perspectives de
ville de différends endroits et de touttes les antiquités qui y sont
renfermées ou qui se trouvent dans son voisinage,
et j'espere avoir
l'honneur de vous en dresser un compte très exact ainsy que du goupais, tant politique que civil. Et du voyage que j'ai fait
dans l'AUique. la Beoce, les l'oyaumes de l'Eleusine, des Plattéens. des
Doriens de la Phocée. dans les villes de Livadia et de Thebes. sur le
bord du goHe de Lepantes. et dans l'isle de Negrepontou j'ay admiré
vernement du
avec un plaisir singulier
qu'elle est unique;
commun
la
chose du monde
c'est le flus et resflus
la
plus singulierre, puis-
de l'Eurippe à qui ce
ne convient pas absolument puisqu'il se
tion d'eau.
Son courrant
si
violent qu'il fait
fait
moudre
nom
sans augmenta-
les
mesmes
trois
moulins, soit en allant d'un costé, soit en revenant de l'autre,
le
peu d'esteodûe de son cours qui n'excédera pas deux cent pas. son
repos d'une demy heurre et plus avant qu'il change de marche la
force de sa course qui ne se détourne pas par les vents les plus
forts, son règlement à ne changer que quatre fois en vingt-quatre
beurres et à durer cinq beurres et plus chasque fois, suivant que je
l'ay observé, quoyque des gens du pai's l'accusent de changer trois et
(juatre fois en une heurre, l'estroit de son passage vis à vis de l'endroit de l'isle qui approchant le plus de la terre ferme rend la mer
capable d'un pont de cinq arches de pierres et d'un autre de buis qui
n'a qu'une arcade, la jonction de ces deux ponts par un escueil ou
est une petite forteresse, l'ouverture ou levée qui se fait en deux de ce
pont de bois pour le passage des galleres, en déchargeant leur leste,
touttes ces particularités, au moins les principalles, au lieu de
demander la perte de la vie d'un homme fautte de les comprendre,
demandent bien plustost ce me semble plusieurs vies en une seulle
personne pour les admirer plus longtemps.
Le voyage qui m'a donné occasion de les considérer a duré quinze
.
Ai'i'i'Miic.i':
.i3:i
fin desquels Je suis rentré dans Athènes; j'ay continué de
m'y informer des l)osoins qui' peut avoir le conimerco de mon autorité, pour obtenir un commandement, allin qu'à Fatras on ne prenne
que trois pour cent des fromages dont il se fait grand desbit au lieu
de vingt, et alïin que la Doiianne des autres denrées dans laquelle on
excède encorre soit réduitte. J'ay pris des mémoires de Tenlevement
depuis peu dune tartanne par les Tripolins du port de Napoly et sous
les forteresses du Grand Seigneur et de l'injustice contre [le] Capitaine Porry pris à terre par les mesmes Tripolins dans la Morée, et
réduit à se racheter, et aussy son vaisseau quoyque sous le canon des
Turcs moyenant quatre mil cinq cent piastres, et pour un coup de
canon il luv a fallu payer encorre cinq cent escus. Je ne manqueray
jours à la
pas de faire valloir mes plaintes de ces injustes brigandages, aussy
bien que du Serdar de la Mer Blanche qui a tellement forcé un capitaine
marchand
doit, qu'il a fait
allant à Smirne à luy donner le présent
rompre sa caisse pour en tirer 60 escus,
surplus en marchandise jusques à
la
concurrence de
payant du
HO
piastres. Je
n'oubliray pas non plus Babassan, qui a aussy contraint
d'une tartanne au débourcement d'une pareille somme,
dont je
fais estât
preten-
qu'il
se
le
patron
et tant icy,
de partir dans deux jours, qu'à Smirne et partout
ailleurs je continuraj' de m'acquitter de
mon
devoir avec
la
dernière
exactitude pour mieux nicritter vostre protection, et vous prouver
plus invinciblement la passion
respectueuse avec laquelle je suis.
Monsieur, vostre très humble, très obéissant
et très obligé serviteur.
NOINTEL.
-Vi'cluves
des .\ffaires étrangères. Turquie,
vol. \II.
KI.N
i>3
TABLE DES MATIÈRES
Pages.
FXTRODUCTIO.N
VII
ClIAl'ITHK l'Iil-LI.MIXAIIîr;
Louis \1V el rOrient
1
Cil AI'
HUE PREMIER
DEUX MISSIONS
I.
II.
III.
L'envoyé du Grand Seigneur.
La oérénionie turque
Le marquis de Nointel
i-2
.
31
;{7
CIlAlMTKi:
PREMIÈRES X É G O C
I.
II.
III.
III.
S
Di'vant Coiislantinople
REXOUV ELLE MENT DES
I.
TIGX
I .\
32
56
68
Le grand vizir Kuprulv
Les loisirs d'un ambassadeur
m
CllAl'ITUE
II.
II
C
.A
PIT U L
.A
Le projet de Leibnitz
sortie du r.rand Soigneur
Les Capitulations d'.Vndrinople
La
T
I
OS S
77
...
8(>
99
ClIAl'n HE IV
LE V O V
L Début
II.
Les
m. La
et laractère
jMes
Terre Sainte
Alep et l'Euphrate
V. Athéues
IV.
.\
GE
DES ÉCHELLES
du voyage
113
lii
13:{
UiO
162
TADLE DES MATIÈRES
35(;
CIIM'IÏKE V
I,
A
DISGRACE
Pa^'CS.
1.
11.
111
1
\'.
V.
VI.
Politique et casuistique
Occupntions artistiques et liltéraii'es
-17S
Premiers embarras
L'affaire du sola
^13
La colère rovale
23i
Le spectacle Je Constantinoplc
2il
191
21il
Cûxoi.i-siON
233
Ai'pr..M)icB
274
Fl\
l'AUlS
l)K
T.\l!Li:
L.\
TYP. PLON-NOUIUtlT ET C"
,
RIE GAR.\NCIKRE,
8.
—
i2l.
U
i
i
PARIS
TVPOGIiAI'lllK IM,ON-NOUliKI" et
S.
C."
BUE CABAN CIÉRE
I
Descargar