PROJET DE THESE d`Héloïse VIAN

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PROJET DE THESE d’Héloïse VIAN – HASSENFORDER
Les émotions politiques dans l’œuvre de Don Juan Manuel (1282-1348)
Sous la direction de Mme La Professeure Amaia ARIZALETA.
Octobre 2010
Le travail de mon mémoire de Master II, Dire les émotions de la noblesse :
l’exemple du Conde Lucanor de Don Juan Manuel, a consisté à élaborer, à travers l’étude
des cinquante-et-un exempla de ce recueil rédigé entre 1325 et 1335, une grille d’analyse
historique et littéraire de la représentation des affects.
Longtemps l’apanage exclusif des psychologues cognitifs, l’étude des émotions a
récemment attiré l’attention des spécialistes d’autres disciplines, tels les historiens qui
ont démontré l’utilité d’une appréhension historique de la sensibilité1. L’élargissement
de cette démarche à une perspective littéraire était inévitable, et se devait de procéder
à un retour attentif à la lettre, exploitant tous les recours que celle-ci offre, sans
toutefois négliger l’apport des grandes notions des autres disciplines. En effet, de par
leur qualité de témoignage de contextes et valeurs, les textes littéraires sont et font
histoire. Il convient donc, au-delà d’une simple application de grille, de savoir prendre
en compte les spécificités du texte et celles de son auteur mais aussi les différents
contextes historique, social, culturel, religieux et idéologique. Mon mémoire s’est donc
efforcé de jeter quelques pistes explorant ces directions. Je me suis ainsi demandée
comment Don Juan Manuel se servait des émotions, à la fois dans la construction des
récits et la transmission d’un message didactique et dans l’élaboration d’un discours
politique, au sein duquel les émotions sont utilisées pour faire l’éloge ou la critique de
ses contemporains. Une autre grande ligne de ce travail portait sur l’association des
affects à des vices ou à des vertus, au corps, à l’esprit ou à l’âme.
Par ailleurs, il est apparu que la position de Don Juan Manuel quant à la colère
peut être mise en relation avec celle de Saint Thomas d’Aquin. En effet, la colère n’est
pas condamnée mais reconnue comme partiellement bénéfique, ce qui s’oppose au
1
Pour un état de la question sur l’histoire des émotions en général et plus précisément au Moyen Âge,
voir BOQUET, Damien & Piroska NAGY (eds.), Le Sujet des Emotions au Moyen Âge, Paris : Beauchesne,
2009, et le site de leur programme EMMA (Pour une histoire des EMotions au Moyen Âge, « Les carnets
d’EMMA », http://emma.hypotheses.org
point de vue dominant. Le fait que Don Juan Manuel ne puisse pas être rangé dans la
catégorie des intellectuels et la faible distance temporelle les séparant (Thomas meurt
en 1274, et Manuel naît en 1282) rendent cette similitude particulièrement intéressante
et génèrent une foule de questions : le Castillan a-t-il pu être réellement en contact
avec la pensée thomiste ? Cela s’est-il produit par le biais de l’ordre des dominicains,
que Manuel fréquentait2 ? S’agit-il de l’un des premiers échos de Saint Thomas dans la
littérature castillane ? Un autre auteur l’a-t-il précédé ou suivi ?
Dans le cadre de l’approfondissement de notre sujet en thèse, nous aborderons à
nouveau ces différentes questions, mais en élargissant le corpus et les perspectives.
Nous travaillerons cette fois sur les œuvres complètes de Don Juan Manuel. Bien
évidemment, une telle étude ne pourrait fonctionner sans l’apport secondaire d’autres
sources présentant des similitudes ou au contraire des disparités significatives avec nos
textes de départ. Il conviendra donc d’inclure quand nécessaire des œuvres telles que le
Sendebar, les Bocados de Oro, tous deux d’origine arabe, ou la Estoria de España,
chronique élaborée dans les ateliers d’Alfonso X, c’est-à-dire les sources d’inspiration
potentielles ou avérées du Conde Lucanor et des autres écrits de Don Juan Manuel qui
ont été conservés : la Crónica Abreviada (datée d’avant 1325), le Libro de la Caça
(rédigée entre 1325 et 1326), le Libro del Cavallero et del Escudero (incomplet et difficile
à dater), le Libro Enfenido (rédigé entre 1334 et 1337), le Libro de las armas o de las tres
razones (1337, adressé à un dominicain) et le Tratado de la Asunción de la Virgen María
(entre 1340 et 1346). Une confrontation avec des œuvres qui ne semblent pas l’avoir
inspiré sera également nécessaire : Don Juan Manuel, très tôt orphelin de père, a été
protégé par son cousin le roi Sancho IV. S’est-il intéressé aux Castigos de ce dernier ?
Pourquoi ne s’en est-il pas inspiré ?
Dans cette étude, j’accorderai une attention particulière à la singularité de Don
Juan Manuel en tant qu’auteur et en tant qu’individu, c’est-à-dire à son rapport étroit
avec les deux groupes sociaux qu’il décrit le plus, noblesse et royauté, étant lui-même
membre de la noblesse mais lié par le sang à la royauté au pouvoir ; à ses ambitions
politiques (il tentera notamment de devenir régent de son parent Alfonso XI, mais
2
Sur ce point, voir LIDA DE MALKIEL, Maria Rosa, « Tres notas sobre Don Juan Manuel », dans
Estudios de literatura española y comparada, Buenos Aires : Editorial Universitaria, 1966, p. 92-133. Voir
aussi DEYERMOND, Alan, Estudio preliminar al Libro del Conde Lucanor, Madrid : Alhambra, 1985 et
leurs bibliographies.
devra partager ce poste) ; à son positionnement personnel dans de nombreux conflits
(dont certains, l’opposant à Alfonso XI, dans lesquels il sera un acteur de premier
plan3). Quels sont les buts et les destinataires recherchés ? Dans quelle mesure
l’influence de la prédication et des dominicains s’exprime-t-elle dans la vision
manuelienne des émotions et dans la construction des discours ? Peut-on parler de
rhétorique du movere dans l’ensemble de ses textes ? Comment la personnalité de Don
Juan Manuel se manifeste-t-elle dans les différentes œuvres ? Sa vision des émotions
s’inscrit-elle dans la lignée d’un ou plusieurs courants de pensée ou présente-t-elle des
singularités ? Sa sensibilité à lui s’exprime-t-elle ? Reste-t-il fidèle à l’esprit des sources
qu’il compile ? Cherche-t-il à écrire comme un historien ?
Il conviendra également de continuer à développer l’étude individuelle des
différentes émotions présentes dans les textes (peur, honte / vergogne, colère, tristesse,
joie), d’en confronter les valeurs, les modes de représentation, et le lexique employé.
Ces diverses pistes me permettront, j’espère, de construire une thèse de doctorat
qui cernera la globalité du rapport aux émotions et de la représentation de celles-ci
dans l’œuvre de Don Juan Manuel.
3
Sur ces points, voir notamment LACARRA, María Jesús, Don Juan Manuel, Madrid : Síntesis, 2006 et
GIMÉNEZ SOLER, Andrés, Don Juan Manuel : bibliografía y estudio crítico, Saragosse : Academia
Española, 1932.
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