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Boletín
La Géographie
de la A.G.E.
rurale
N.º 41
française
- 2006,face
págs.
à l’utopie
39-67 du développement durable: quelles réactions, quelles perspectives?
LA GÉOGRAPHIE RURALE FRANÇAISE FACE
À L’UTOPIE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE:
QUELLES RÉACTIONS, QUELLES PERSPECTIVES?
Nicole Mathieu
Directeur de recherche émérite au CNRS
RESUMEN
En la época actual, cuando la idea de desarrollo sostenible está invadiendo el ámbito
tanto político como científico, es importante llevar a cabo un análisis crítico sobre qué
está ocurriendo en los diferentes campos de conocimiento. Este reto ha de realizarse en la
Geografía tanto más porque esta disciplina está implicada de manera «natural» en las nuevas
políticas sostenibles, porque generalmente aborda espacios y actividades en el territorio,
como ocurre con la «agricultura sostenible» o las «ciudades sostenibles». En este artículo
valoramos los cambios introducidos por la utopía del desarrollo sostenible en la Geografía
Rural francesa, en la que se incluye un grupo de «geógrafos ruralistas» bastante dinámico
y bien organizado. Esta evaluación está basada tanto en la bibliografía actual relacionada
con los temas de agricultura y ruralidad y el de sostenibilidad, pero también se basa en
el análisis de registro de geógrafos rurales franceses y las palabras clave que cada uno de
ellos elige para identificar su investigación. Intentamos testar una hipótesis que consiste
en la correlación entre la vía en la que se ha movilizado la utopía de la sostenibilidad y
las diferentes corrientes que pueden diferenciarse en la comunidad geográfica rural. Se
detectan tres grandes tipos de actitudes: 1) no influencia e indiferencia; 2) reorientación
desde viejas temáticas con el nuevo «vestido» de la sostenibilidad; 3) sostenibilidad como
un reto científico para comprender la interacción entre las dimensiones social, ecológica y
económica de los espacios y los lugares. Esta última es la que asume el reto del paradigma
geográfico sobre la relación naturaleza-sociedad.
Fecha de recepción: junio 2005.
Fecha de aceptación: enero 2006.
Boletín de la A.G.E. N.º 41 - 2006
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Nicole Mathieu
ABSTRACT
In this time when the Sustainable development idea is invading the political as well as
the scientific spheres, it is important to undertake critical inventories about what is going
on in the different fields of knowledge. This challenge is to be done in Geography all the
more as this discipline is «naturally» involved in the new sustainable policies because they
generally lead with spaces and territorial activities for instance «sustainable agriculture» or
«sustainable cities». In this paper we try to evaluate the changes introduced by the sustainable
development utopia in French Rural Geography which forms a quite dynamic and organized
group called «ruralists geographers». This evaluation is based on both the current literature
dealing with agriculture/rural and the sustainability topic but also on the examination of
French rural geographers’ index and their chosen key-words. We tried to test one hypothesis
that is the correlation between the way the sustainable utopia is mobilized and the different
streams that can be distinguished in the rural geography’s community. In the three types of
attitudes we distinguished: 1) no influence and indifference; 2) recycling the ancient topics
with the new sustainable «dress» (or qualifying); 3) sustainability as a scientific challenge
to understand the interaction between the social, ecological and economical dimensions of
spaces and places). The last one take again the challenge of the natures/societies geographical
paradigm.
I. INTRODUCTION
Pour répondre à la question posée par ce numéro spécial «Politicas publicas, sustenabilidad
y Geografia rural» du point de vue de la géographie française (la perspectiva francesa) il est
nécessaire —sans toutefois s’enfermer dans des définitions strictes— de clarifier le sens des
termes qui en formeront la trame: développement durable et ruralité. Car s’il s’agit de repérer
et d’analyser les réactions de la géographie rurale française face à l’idéologie montante du
développement durable qui gagne incontestablement toute la sphère des politiques publiques,
encore faut-il rappeler d’abord, devant la polysémie qui la caractérise, quel sens nous
donnons à la notion de développement durable du point de vue de l’enjeu scientifique qu’elle
engage. Il faut aussi tenter de définir ce qu’est la géographie rurale en France aujourd’hui.
Cette branche «spécialisée» de la géographie continue d’affirmer sa spécificité dans la
commission rurale du Comité national de Géographie1. Avec des représentations différente de
la «ruralité», la commission de géographie rurale regroupe des chercheurs dont les positions
théoriques sont diverses et qui pourtant aiment se retrouver comme «ruralistes» dans cette
structure disciplinaire comme d’ailleurs dans l’Association des ruralistes français (ARF) où
ils côtoient sociologues, historiens, ethnologues, agronomes, etc.
Face à cette diversité, la première question qui se pose est de savoir si les réactions des
géographes ruraux français à la nouvelle utopie politique sont fonction des différences de
positions théoriques que recouvrent les courants qu’on y observe. L’irruption de la nouvelle
idéologie politique dans ces courants, dont certains sont ancrés dans une filiation ancienne
1
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Elle vient même de créer un lieu d’échange informatique: [email protected]
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La Géographie rurale française face à l’utopie du développement durable: quelles réactions, quelles perspectives?
et d’autres sont très récents, change-t-elle le panorama? A l’intérieur d’un même courant
apporte-t-elle de nouveaux clivages? Fait-elle émerger de nouvelles postures? Car la question
principale est de savoir si le développement durable y a engendré, y engendre ou y engendrera
un «tournant» et la construction d’un nouveau paradigme scientifique. C’est autour de cette
question prospective que cet article est organisé. Le développement durable provoquerat-il une recomposition non seulement de la géographie rurale mais aussi des divisions de
la géographie remettant en question celle entre géographie urbaine et rurale, géographie
physique et humaine? Si le développement soutenable passe par le territoire (Deffontaines,
Mathieu, 2002), les catégories spatiales du rural (et de l’urbain) joueront-elles un rôle sur
l’intégration des objectifs du développement durable dans les sphères politique et scientifique
pour construire des «territoires» et des «milieux» durables?
II. LE DÉVELOPPEMENT DURABLE: UN ÉVÈNEMENT SCIENTIFIQUE?
Apparue dans les années 1980, la notion de développement durable a été lancée
médiatiquement et définie dans le Rapport Bruntland (CMED, 1989) et au Sommet de la
Terre de Rio de Janeiro est entrée sur la scène politique française à la fin des années 80
et a gagné inéluctablement non seulement l’industrie et l’agriculture mais aussi la sphère
scientifique (Jollivet, 2001; Vivien, 2001; Godard, 2001). Par rapport à cet envahissement
favorisé par la polysémie du terme et pour aller «au-delà de l’opportunisme institutionnel»
qu’induit le qualificatif de durable ou de soutenable (Godard, 2001), le courant de recherche
auquel j’appartiens —dont la revue Natures Sciences Sociétés se veut l’écho—, propose une
démarche qui permette de répondre à la question: «pourquoi donc les chercheurs devraient-il,
en tant que chercheurs et pas en tant que citoyens, se sentir concernés par le développement
durable?» (Godard, 2001).
C’est d’abord en prenant la mesure de ce que cette notion est l’aboutissement d’une
longue histoire politique, sociale et scientifique, une histoire des mots et des idées où certains
termes ont compté; environnement, principe de précaution, patrimoine et éthique, entre
autres. Certains chercheurs français ont joué un rôle dans cette discussion de la liaison entre
développement et en environnement à l’échelle de la planète et de l’opposition entre pays
développés et en développement, pauvreté et gaspillage des ressources renouvelables, entre
montée en puissance des technologies modernes et risques naturels et sociaux. Ainsi, I. Sachs2
(1980, 1993) propose dès 1977 un outil heuristique pour les praticiens, l’écodeveloppement
pour discuter les possibilités de concilier développement et environnement à l’échelle
d’espaces géographiques comme la forêt amazonienne, les mangroves, les agricultures des
pays africains et du «Sud, etc.
Mais la réponse à la question implique aussi un choix, une décision scientifique. «L’idée
de développement durable est une puissante invitation à un exercice d’autoréflexivité que
l’humanité s’adresse à elle-même sur la base de ses expériences passées» (Jollivet, 2001). La
décision est de participer sur le plan des connaissances à cette invitation. En France jusqu’à
2 Economiste à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS), il dirige des Thèses de géographie
en particulier sur l’Amérique Latine et préconise une «économie anthropologique».
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présent3, le développement durable est encore une notion qui énonce un idéal et exprime une
volonté: trouver des conciliations entre un objectif de développement raisonné, un objectif
environnemental de biodiversité et un objectif de justice et d’équité sociale. Or ces objectifs
s’avèrent conflictuels voire contradictoires et, de ce fait, la notion apparemment univoque,
demeure polysémique et la question de la cohérence des actions entreprises en son nom est
donc le problème principal posé par son usage, en particulier dans les politiques publiques.
Tandis que cette catégorie s’érige incontestablement en catégorie de pensée et d’action,
la pluralité des objectifs qu’elle inclut (logiques économiques, préoccupations sociales,
impératifs écologiques auxquels s’ajoute la vision à long terme pour les «générations
futures») et dont l’incompatibilité est la règle conduit, selon l’acception retenue et le problème
considéré à des représentations, à des discours voire à des mesures réglementaires différents
voire opposés (exclusion et pauvreté, pollution atmosphérique, traitement des déchets,
congestion et lutte contre l’étalement urbain, dégradation des paysages et des ressources non
renouvelables…), dans une conception fragmentée et sectorisée qui contredit le sens même
de cette utopie politique.
La question qui se pose alors du côté des scientifiques (et donc des géographes) est de
savoir s’ils se limitent à une analyse critique de ce qui se fait au nom du développement
durable, voire s’ils se font, comme à l’époque de l’émergence de l’idéologie de
l’aménagement du territoire, les thuriféraires des nouvelles politiques (agriculture durable,
biodiversité, territoires durables…), ou s’ils saisissent l’opportunité d’affronter la question
des connaissances nécessaires pour appréhender la complexité des objets de recherche qui
émergent de la notion politique à savoir l’articulation de dimensions qui ne sont pas traitées
généralement dans leurs interactions et donc décider de l’interdisciplinarité en particulier
entre dimensions physiques d’un côté et dimensions socio économiques (Jollivet, 2001;
Mathieu, 2003). Egalement d’inscrire leur recherche dans une dimension temporelle mais
surtout prospective.
III. LES COURANTS DE LA GÉOGRAPHIE RURALE AU TOURNANT DES ANNÉES 1990
La fin des années 90 et le début du troisième millénaire constituent donc le «moment»
décisif de l’introduction de la nouvelle idéologie politique dans la sphère scientifique.
Pour répondre à la question de l’existence éventuelle d’un tournant de la géographie rurale
provoqué par l’utopie du développement durable (Mathieu, 2003), on ne peut se passer
d’une revue de l’état de cette branche de la discipline rappelant ses origines, les évolutions
majeures qu’elle a connu jusque à l’irruption de la question sociale de l’environnement et
du développement durable ainsi que sa structuration actuelle du point de vue institutionnel.
Les positions théoriques des géographes ruraux d’aujourd’hui ne peuvent se comprendre
sans un minimum de rétrospection. Celle-ci est aussi nécessaire pour tester l’hypothèse
d’une éventuelle relation entre les courants de recherche qui ont traversé et traversent
la géographie rurale actuelle et la décision conceptuelle prise face à l’objet (ou non) de
recherche du développement durable. Choix qui implique de s’interroger sur ce que signifie
3 Malgré la récente adjonction de «développement durable» au ministère de l’écologie qui avant la réélection
de Chirac s’est plutôt appelé ministère de l’environnement ou avant de protection de la nature.
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La Géographie rurale française face à l’utopie du développement durable: quelles réactions, quelles perspectives?
«ruralité durable» et pour le géographe immanquablement non seulement sur ce qu’est un
territoire «rural» dans lequel la conciliation des trois piliers de la durabilité (l’écologique,
l’économique et le social) est rendue possible par une nouvelle «gouvernance» marquée
par l’éthique, mais aussi sur le rapport entre la durabilité entre un territoire «local» et la
durabilité «globale» (à l’échelle planétaire) où se trouve l’origine de la dite idéologie.
1. Aux origines
Dans l’opinion commune la géographie rurale en tant que branche spécialisée de la
Géographie est née avant la géographie urbaine. Marie Claire Robic a pourtant montré que
«l’expression même de «géographie urbaine» apparaît dès la première décennie du siècle
dans la géographie vidalienne, alors qu’il faut attendre les années vingt et trente pour que
se développe une terminologie identique rapportée aux campagnes, et que s’y structurent
des questions et des méthodologies spécifiquement référées au rural (ou à l’agraire, ou à
l’agricole)» (Robic, 1989). Cette conviction de l’antériorité de la géographie rurale tient sans
doute au fait que souligne Jacqueline Bonnamour : «dans un monde encore mal urbanisé, les
thèses de Géographie régionale ont accordé de grands développements à la description de la
vie rurale; les campagnes picardes, flamandes, cauchoises ont servi d’exemples grâce aux
oeuvres de A. Demangeon, de R. Blanchard et de J. Sion (1905, 1906, 1908)» (Bonnamour,
1973), ceci dès le début du XXième siècle mais sans que le terme de géographie rurale soit
énoncé contrairement à la géographie urbaine qui s’affirmait à la même époque dans des
congrès, des revues et des essais.
Il faut convenir que l’émergence d’une spécificité «rurale» des thèses régionales écrites
dans le prolongement de l’école vidalienne et la première visibilité de la géographie rurale
datent des années 30. L’origine de cette affirmation identitaire est à mettre en relation avec
un fort courant pluridisciplinaire ruraliste dans ces mêmes années autour de l’historien Marc
Bloch, du «folkloriste» Varagnac et du géographe Dion (Pinchemel, Robic, Tissier, 1984, et
surtout les textes rassemblés par Barthélémy et Weber, 1989). Leurs débats théoriques (sur
le déterminisme naturel), leur souci de confronter les terrains est remarquable. On rappellera
les traits caractéristiques de cette géographie rurale originelle: importance des concepts
de paysages agraires, de paysage rural (Dion, 1934), de structure agraire (Cholley, 1946),
d’exploitation agricole en relation avec la propriété et les techniques (Deffontaines, 1932,
Coutin, 1951, 1955), d’habitat rural (Demangeon, 1927), de vie rurale (Lebeau, 1955), de
pays (Meynier, 1931) ou régions (régions naturelles, régions agricoles), importance de la
dimension historique et de la genèse des pays et discussion de leurs limites, importance du
rapport sociétés paysannes/milieu naturel, notion de «civilisation du riz» (Gourou,1936).
Cette géographie se développe avec une inégale pertinence jusqu’aux années 60.
2. Rupture épistémologique et changement de paradigme
L’après deuxième guerre mondiale constitue un moment de rupture épistémologique pour
l’ensemble de la géographie française qui va conduire à une fragmentation de la discipline
et à la formation de courants (d’écoles) distincts. Il en est ainsi des géographes ruralistes
qui, en dépit de leurs différences et de leurs controverses, continuent à se rassembler dans la
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Commission de Géographie Rurale du Comité National de Géographie, à l’UGI et à partir des
années 70 dans l’Association des Ruralistes Français. Cette rupture a d’abord un fondement
phénoménologique: l’accélération de la croissance urbaine, l’extension des mégalopoles
et des régions urbaines, la diminution elle aussi accélérée de la population active agricole,
tous ces faits déplacent l’intérêt des géographes vers ce qui bouge et ce qui progresse et
s’accompagne d’un développement incontestable de la géographie urbaine (exemple de Jean
Gottmann). Celle-ci devient une branche plus valorisée que la géographie rurale, au point
que la question «Existe-t-il encore une géographie rurale?» (Bailly, Beguin, 1995; Chapuis,
1995) est posée et que la plupart des concepts utilisés par les géographes ruralistes sont
éliminés du vocabulaire géographique comme dans l’Encyclopédie de Géographie de SaintDié (Bailly et al., 1992).
Mais cette rupture a aussi un fondement épistémologique. Sous l’influence de la
géographie anglo-saxonne, s’introduit un changement théorique profond : l’abandon voire
le rejet du paradigme des rapports homme/nature (qui va avec le mise en question de la
géographie régionale), l’adoption d’un nouveau paradigme, le paradigme de l’espace et
de l’analyse spatiale qui entraîne une séparation affirmée entre la géographie physique (la
géomorphologie surtout) et la géographie humaine (Mathieu, 1992).
3. Pluralité des courants
Au début des années 90 on peut dès lors distinguer (Mathieu, 1996):
— un courant (1) qui prolonge en intégrant les progrès de la discipline la géographie
rurale vidalienne, en bon rapport avec l’histoire (de la propriété, de l’utilisation du sol,
du parcellaire et des rapports sociétés/territoires), attaché aux concepts de paysages
(Meynier, 1958), de campagnes et de vie rurale, de régions : cf. les Thèse d’Etat de E.
Juillard (1953); P. Brunet (1960); A. Fel (1962); M. Drain (1975); J. Renard (1975),
etc., qui se rattache à la géographie «culturelle» et à une «ethno-géographie» mais
sans la pluridisciplinarité des années 30.
— un courant (2) qui prolonge également la géographie rurale originelle en l’adaptant
aux espaces et aux sociétés africaines, se rattachant à Gourou (1973) et attaché à son
concept de «techniques d’encadrement» mais aussi à ceux de densité de peuplement,
de paysages, de terroirs, de systèmes fonciers, de communautés et de structures
sociales tout en préconisant l’»analyse écologique des petits espaces ruraux»
(Pelissier, Sautter, 1962; Blanc-Pamard, 1979) et le recours actualisé au paradigme
des rapports sociétés/nature: G. Sautter, 1966 et le numéro d’Etudes Rurales sur les
terroirs africains (1962), P. Pélissier (1966), et toute leur école à l’ORSTOM (1983,
1989) et de l’URA.
— un courant (3) qui se dirige vers une spécialisation de géographie agricole mettant au
centre de l’analyse le concept de système d’exploitation agricole, de système de culture
ou d’élevage et les rapports fonciers de l’agriculteur à la terre ainsi que le concept de
région agricole et de types d’agriculture: J. Bonnamour en est incontestablement le
chef de file depuis sa thèse (Bonnamour, 1966) jusqu’aux typologies de l’agriculture
dans le cadre de l’UGI (Bonnamour, 1993).
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La Géographie rurale française face à l’utopie du développement durable: quelles réactions, quelles perspectives?
Avec des orientations méthodologiques différentes qui peuvent comme dans le cas de
Y. Guermond (1979) pionnier dans le courant spatialiste, se rattacher à d’autres courants.
Dans ce courant on note un certain délaissement pour la monographie et au contraire un
intérêt pour les politiques agricoles et surtout un souci de l’économique, des marchés et des
industries agro-alimentaires.
— un courant de géographie rurale critique (4) qui réagit aux conséquences du
renversement de paradigme (l’espace et ses dynamiques se substituent aux rapports
sociétés/milieux) et de son application prioritaire à l’espace urbain au point
d’affirmer la fin des campagnes et de la distinction rural/urbain. Très attentifs à la
politique d’aménagement du territoire et de l’aménagement rural des années 19651975, ils créent le concept d’espace rural pour signifier les mutations et le passage
de campagnes agricoles à des espaces ruraux acquérant de nouvelles fonctions et
usages, ils proposent d’identifier des types d’espaces ruraux, structurels (périurbains,
de faible densité, espaces ruraux moyens) et par rapport à des risques de rupture
(espaces ruraux fragiles). Ils s’attachent aussi à discerner toutes les dynamiques
nouvelles qu’elles soient sectorielles ou spatiales (industrialisation, diversification
des activités, évolution des équipements et des services, stratégies et pouvoirs locaux
etc.). Ils s’attachent aussi à traiter des relations villes/campagnes en distinguant
deux niveaux, celui des représentations et celui des faits. Dans le prolongement des
recherches de Pierre Coutin, il faut citer J. C. Bontron et N. Mathieu, la SEGESA
et le labo STRATES depuis 1964 jusqu’à aujourd’hui. Il faut noter l’importance
accordée à la représentation cartographique et à la constitution de bases de données
rurales sur longue période dans ce groupe. Parallèlement et avec une orientation plus
sociologique, il faut aussi rattacher à ce courant Bernard Kayser et le GRECO qu’il
dirigea dont les recherches s’égrènent des années 70 aux années 90 (Kayser, 1990).
Certaines recherches du laboratoire de Géographie rurale de Montpellier et du DEA
ESSOR de Toulouse (qui firent d’ailleurs partie du GRECO Kayser) se rattachent
aussi à ce courant.
— un courant spatialiste (5) qui préconise l’application au domaine rural de méthodes
quantitatives et de la modélisation (Calmés, Durand-Dastès et al. 1978). Il adopte le
terme d’«espace rural» significatif du changement de paradigme. Rejoint par le courant
culturaliste (Juillard, 1961, qui assied la distinction rural/urbain sur une différence
de modes de vie et de culture en voie de disparition du fait de l»urbanisation des
campagnes», ce courant de géographes effectue également des typologies d’espaces
ruraux établies sur des théories différentes du courant précédent. Sa production la plus
achevée se trouve dans le concept de système spatial déployé par F. Auriac (1979). Il
conduit aussi à l’écriture de chorèmes.
4. Émergence d’une géographie rurale d’»interface» (6)
A partir des années 80 sous la double influence de l’émergence de la question de
l’environnement (Mathieu, Jollivet, Eds., 1989) et du renouveau des controverses sur le
paysage (Bertrand, 1991; Berque, 1986; Luginbülh, 1989), les recherches rurales renouent
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peu à peu avec l’analyse du milieu naturel avec laquelle certains courants n’avaient pas
complètement rompu. Avec le développement de l’interdisciplinarité dans les recherches sur
l’environnement (PIREN), les liens se renouent entre les géographes ruralistes, les agronomes
du département Systèmes Agraires et Développement de l’Inra créé Jean-Pierre Deffontaines
et l’école de G. Bertrand. Le paradigme du rapport homme/nature ou sociétés/milieux est
redécouvert par un courant retrouvent le «paradigme d’interface» et la valeur des «concepts
mixtes de Georges Bertrand et qui s’affiche clairement environnementaliste en géographie
humaine dénonçant l’accaparement par la géographie physique du concept d’environnement,
de ressources, potentialités etc. (Bertrand, 1975). Un courant naissant qui s’intéresse à
l’usage en Géographie des concepts de «gestion écologique» et préconise l’interdisciplinarité
«interne» entre géographie physique et géographie humaine (Mathieu, 1992, 1997, 1999). On
peut noter l’influence des recherches épistémologiques et de La face de la terre (Pinchemel,
1988; Pinchemel et al., 1997, Robic, dir., 1992) et des recherches interdisciplinaires entre
«sciences de la nature et sciences de la société» (Jollivet, 1992, Revue Natures Sciences
Sociétés créée en 1993). Sans utiliser encore le terme de «développement durable» mais
en considérant que «La question de la nature» souffre d’un «effacement» dans les études
urbaines, ce courant de la géographie rurale va jusqu’à investir la géographie urbaine avec le
thème de La nature dans la cité (Blanc, Mathieu, 1996). Ce courant (6) qui émerge à la fin
des années 80 quand sort le Rapport Bruntland et affirme sa distinction théorique au moment
du Sommet de Rio, est-il celui qui construira le pont entre «géographie et durabilité» (Robic,
Mathieu, 2001), entre géographie rurale et développement durable?.
A ce stade de l’analyse, la question se pose donc de savoir comment ont réagi ces
différents courants à l’irruption des termes de gouvernance et de développement durable
et s’il y a coïncidence entre les différentes orientations thématiques et théoriques qu’ils
exprimaient et les positions et postures théoriques qui s’affirment depuis l’entrée dans le
nouveau millénaire.
IV. GÉOGRAPHES RURAUX D’AUJOURD’HUI: TYPES DE RÉACTIONS
Il ne s’agit donc pas seulement de réfléchir à ce que la géographie peut apporter à la
connaissance des sociétés et à la question de leur survie à long terme, comme le suggère
l’acception large de la notion de «développement durable», à la fois durabilité écologique,
viabilité économique et équité sociale à long terme (Robic, Mathieu, 2001) mais de tenter
un exercice plus précis de classement des attitudes des géographes ruraux face à la nouvelle
utopie et à l’idée même qu’elle produit une «évènement scientifique».
1. Le répertoire des géographes français: un début de réponse par l’analyse statistique
Depuis 1968 l’unité de recherche CNRS Intergéo devenue l’UMR Prodig4 a constitué
une base de données des géographes français régulièrement mise à jour. Elle procède à partir
de cette base —qui recense environ 1900 noms à ce jour— à une enquête par questionnaire
4 Unité Mixte de Recherche 183 «Pôle de Recherche pour l’Organisation et la Diffusion de l’Information
Géographique» CNRS/Universités Paris 1, Paris IV, Paris 7 191 rue Saint-Jacques 75005 Paris.
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La Géographie rurale française face à l’utopie du développement durable: quelles réactions, quelles perspectives?
auprès des enseignants-chercheurs en poste dans l’enseignement supérieur et d’autres
établissements universitaires, des chercheurs des organismes de recherche CNRS, ORSTOM,
EHESS, etc., géographes professionnels dans les administrations d’Etat et le secteur privé, des
conservateurs des bibliothèques et documentalistes au service de la recherche géographique
et des retraités. Un Répertoire des géographes français en est issu qui présente des notices
identifiant les activités professionnelles, les recherches en cours et —ce qui nous intéresse
tout particulièrement— les thèmes de recherche étudiés donnant lieu à un index de même
que les lieux étudiés.
Comme nous l’avions fait en 1991 pour évaluer quantitativement le degré d’intérêt
de la géographie urbaine pour la question de l’environnement5 (Mathieu, 1992), il nous a
semblé intéressant de tester la capacité de cette remarquable base de données à répondre,
en termes quantitatifs, à la question de départ: qui sont les géographes ruraux et quel est
leur rapport au développement durable? Nous nous sommes servi de deux éditions du
Répertoire des géographes français: celle de 1989 sur laquelle nous avions travaillé en 1991
et qui coïncide avec les débuts de la notion de «développement durable»; celle de 1998,
huitième édition depuis 1968, où l’index des thèmes de recherche construit par G. Joly à
partir des «spécialités» inscrites dans les notices comporte pour la première fois le mot-clé
«développement durable».
A. L’entrée par la géographie rurale
Une première matrice comparative a été construite en partant du mot clé «Géographie
rurale» qui figure dans les deux index de 1989 et de 1998 et auquel nous avons ajouté les
termes de «Espaces ruraux» en 1989 et de «espace rural» en 1998, de «société rurale»
aux deux dates, de «exploitation agricole» en 1989 et de «Agroalimentaire» en 1998. Elle
comporte au total 311 noms de géographes ruraux. Son objectif est de repérer quelle sorte
de géographes ruraux ont adopté le terme de «développement durable» qui n’apparaît qu’en
1998 avec comme hypothèse que ce choix est en relation avec leur intérêt pour le thème
«Environnement» qui figure aux deux dates. De la comparaison 1989-1998 ont peut tirer
quelques constats:
— un nombre de géographes ruraux relativement stable
En 1989, sur un total de 1291, 118 géographes choisissent pour s’identifier la spécialité
«géographie rurale» tandis qu’ils ne sont plus que 89 dans ce cas en 1998 sur 1677 «notices
5 C’est à partir du répertoire 1989 que nous avions démontré que l’environnement était une préoccupation
très marginale dans la géographie urbaine de l’époque tandis que «les géographes qui affichent et revendiquent
leur compétence en matière d’environnement sont en forte majorité des spécialistes de géographie physique» se
considérant tout naturellement intégrés dans la question «sociale» de l’environnement. «en géographie rurale, et
plus encore en «zone intertropicale» le fait de faire de la «science du paysage», de travailler sur des problèmes de
«santé», d’établir une relation entre «aménagement rural», «développement rural» et «environnement», d’étudier
l’ «agriculture» et les «ressources naturelles» et «locales», enfin de privilégier l’analyse micro-régionale ou de
«petits espaces ruraux» semble porter les «ruralistes» à ne pas se couper de l’approche naturaliste de la géographie
et à ne pas faire de la géographie humaine qu’une «géographie sociale» ou une «géographie quantitative» et de l’
«organisation de l’espace» (Mathieu, 1992).
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renseignées». Mais outre le fait qu’en 1998 beaucoup de fiches ne comportent pas de motsclés, la diminution relative des géographes qui s’affirment ruraux s’explique en partie par
des «disparitions» ou l’absence de déclarations des «anciens» comme G. Sautter ou A. Fel
que ne compense pas l’arrivée de pourtant nombreux jeunes ruralistes6. Cela s’explique aussi
par l’abandon du titre de géographe rural par un certain nombre de géographes cités dans les
courants ruralistes des années 90 (Mathieu, 1996) et figurant dans le répertoire de 1989. C’est
que certains changent de spécialisation (cf. J.P. Peyon qui comme Y. Guermond auparavant
bifurque vers la géographie urbaine et l’aménagement du territoire) ou préfèrent afficher
d’autres mots-clés (cf. F. Plet qui se dirige sur «santé» et «environnement») tandis que même
ceux qui fréquentent activement la commission rurale (cf. F. Auriac et J. Pilleboue) délaisse
leur qualificatif de «rural» pour ceux de «territoire» pour le premier et de «patrimoine» pour
le second.
En réalité la liste des géographes qui pourraient être rattachés à la spécialisation
«géographie rurale»7 en 1998 est beaucoup plus importante. Si l’on y ajoute les spécialités
«Espace rural» et «Société rurale» en éliminant évidemment les doubles comptes, ils sont
au nombre de 183. En effet si ceux qui continuent à s’identifier par le terme classique
de «géographie rurale» diminuent en nombre, c’est qu’augmente le nombre de ceux qui
choisissent le concept attractif et fédérateur de «Espace rural» comme équivalent (74
géographes le déclarent exclusivement pour dire leur identité rurale). Ce qui n’était pas le
cas en 1989 puisque sur 49 choisissant la spécialité «espaces ruraux» il n’y en avait que
18 qui ne cumulaient pas ce mot-clé avec celui de Géographie rurale. Le terme de «société
rurale» est aussi préféré par la nouvelle génération des géographes ruraux puisque, en 1998,
30 géographes sur 39 en font un terme d’identité exclusif ce qui est proportionnellement
supérieur au nombre de 1989 (29/52). En définitive la base numérique sur laquelle nous
appuyons notre investigation sur un éventuel «tournant» de la géographie rurale face au
développement durable est en légère augmentation entre 1989 (172) et 1998 (183).
— une communauté divisée en courants plus difficilement perceptibles en 1998
Dans le répertoire de 1989, l’analyse des combinaisons de mots-clés associés à celui
de géographie rurale permet de retrouver les six courants de recherche que nous avons
identifiés plus haut. Ainsi le courant (3) orienté vers la spécialisation agricole se définit par
le mot clé «Exploitation agricole», le courant spatialiste (5) associe son identité au terme
«espaces ruraux» voire «systèmes spatiaux» tandis que le courant d’interface (6) choisit la
spécialité «Environnement». Mais en 1998 il est plus difficile de repérer les frontières entre
orientations théoriques des géographes ruraux dans la mesure où, nous l’avons vu, les jeunes
générations s’identifient plutôt à un seul terme Espace rural ou Société rurale pour signifier
6 Sur les 311 recensés seuls 44 géographes figurent à la fois en 1989 et 1998 ce qui est un indice certain d’un
important renouvellement.
7 042 Géographie rurale renvoie en 1998 aux mots clés : Agriculture, Agro-alimentaire, Aménagement rural,
développement rural, Economie rurale, Elevage, Espace rural, Exploitation agricole, Foncier rural, Habitat rural,
Irrigation, Paysage rural, Produit agricole, Société rurale, Structure Agraire, Sylviculture, Système de culture, Technique agricole. Nous pouvons y ajouter: Rapports ville-campagne qui fait partie de la rubrique «Du local au mondial», Forêt qui est rattaché à la géographie physique et Alimentation dans Géographie Humaine.
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Boletín de la A.G.E. N.º 41 - 2006
La Géographie rurale française face à l’utopie du développement durable: quelles réactions, quelles perspectives?
leur appartenance mais pas vraiment leur différenciation. Seuls quelques «anciens» persistent
dans leur distinction en continuant à associer à Géographie rurale le terme d’agroalimentaire
(F. Plet) ou celui d’environnement ou d’interactions sociétés/natures (M. C. Guerrini, T.
Muxart et N. Mathieu).
Tout se passe comme si les géographes ruraux d’aujourd’hui, qui appartiennent
pourtant à des courant distincts8, voulaient privilégier leur image de «communauté» en se
retrouvant, au-delà de ses distinctions, dans deux instances qui résistent incontestablement
aux évolutions épistémologiques de la discipline et aux oppositions qu’elle induit : l’une
proprement géographique, la Commission rurale du comité national français de géographie,
l’autre qui prolonge la pluridisciplinarité des «Etudes rurales», l’Association des Ruralistes
Français avec sa revue Ruralia9 dont les manifestations sont très suivies par l’ensemble des
géographes ruraux10.
— un peu plus concernée par la question de l’environnement en 1998 qu’en 1989.
En 1989 les géographes ruraux concernés explicitement par la question de
l’environnement étaient très peu nombreux (12 au total sur 172) et les géographes physiciens
dominaient incontestablement le groupe (7 contre 5 en géographie humaine). En fait le terme
d’environnement, naturel pour certains géographes physiciens, prend un nouveau sens. On
distingue déjà autour de G. Bertrand à Toulouse (M. Barrué-Pastor est entre géographie
et sociologie) une «géographie d’interface», tandis qu’entre le Laboratoire de Géographie
Physique dirigé par T. Muxart et Strates (ex Laboratoire de Géographie humaine) dirigé par
N. Mathieu, on traite du paysage comme «milieu» (Luginbühl, 2001 ; Luginbühl, Muxart,
1998), des «problèmes d’environnement» et des interactions entre systèmes naturels et
systèmes sociaux (M. C. Guerrini, T. Muxart et N. Mathieu).
Mais que dire du quasi doublement de leur nombre dix ans plus tard sur un total de
géographes ruraux à peine en augmentation (20 sur 183 affichent le terme «Environnement»)?.
L’analyse détaillée de ce groupe donne une vision encore plus complexe des raisons du choix
de ce mot-clé et de sa progression.
On remarque d’abord que seuls 6 géographes sur 12 maintiennent leur choix entre 1989
et 1998. Il s’agit précisément de ceux qui se sont engagés dans le courant (6) plusieurs fois
signalé préconisant l’interdisciplinarité interne en géographie et la réactivation de l’analyse
des rapports sociétés/natures11. Les autres, plutôt géophysiciens, abandonnent le terme en
maintenant le plus souvent leur identité rurale12. Parmi les nouveaux venus quelques uns,
plus jeunes, rejoignent le courant interdisciplinaire que l’on vient d’évoquer (H. Buller,
P. Marty), tandis que d’autres, avec déjà une expérience scientifique dans le domaine,
8 Ils se manifestent dans les autres mots-clés qui les rangent dans des positions théoriques ou méthodologiques différentes (par exemple «Théorie et géographie quantitative», «analyse spatiale» ou «modèle, modélisation»
par rapport à «Géographie appliquée» ou «Epistémologie de la Géographie».
9 www.revues.org/ruralia/
10 Ce qui n’étaient pas le cas dans les années 1980 où la fréquentation des deux lieux institutionnels étaient
alors incompatibles pour une partie des géographes ruraux.
11 M. Barrué-Pastor, G. Bertrand, M.C. Guerrini, Y. Luginbühl, N. Mathieu, T. Muxart.
12 Seul M. Pouyllau lui préfère directement le mot «Développement durable».
Boletín de la A.G.E. N.º 41 - 2006
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Nicole Mathieu
affichent désormais leur appartenance à cette géographie rurale qui traite des problèmes
d’environnement et des interactions homme/nature (C. Blanc-Pamard, M.C. Robic). Le
choix des autres nouveaux géographes «environnementalistes» est plus difficile à interpréter:
ils sont tantôt ingénieur géographe spécialisés dans la cartographie et les SIG, tantôt
géomorphologue, tantôt spécialisé dans le tourisme ou le foncier. Une seule trajectoire, celle
de J.P. Fruit que nous avions classé dans le courant critique de géographie rurale (4), peut
être assimilée à une «conversion» à la question environnementale.
— le choix de «développement durable»: presque totalement sans rapport avec celui de
«environnement» et difficile à interpréter statistiquement
Le dépouillement de l’index des thèmes des Répertoire des géographes français de 1989
et de 1998 reposait sur l’hypothèse que les géographes ruraux qui s’engageaient dans la
recherche sur la mise en œuvre de l’utopie du développement durable étaient précisément ceux
qui avait été sensibilisé dès le début des années 80 par la question sociale de l’environnement
en allant Du rural à l’environnement en posant par là même La question de la nature
aujourd’hui (Mathieu, Jollivet, 1989). Or force est de constater que les 21 géographes ruraux
qui optent en 1998 pour le mot-clé nouvellement apparu de «développement durable» ne sont
pas, à 4 exceptions près, ceux qui ont manifesté de l’intérêt pour le terme environnement.
Notre hypothèse n’est donc pas vérifiée par cette première matrice qui croise géographie
rurale/environnement et développement durable. Ce résultat peut être en partie corrigé par le
fait qu’un certain nombre de ceux que nous avions classé dans le courant (6) n’ont pas opté
pour le couple environnement/développement durable alors qu’il vont par la suite concilier
et élargir leur définition de l’environnement par le développement durable. Mais, il n’en
reste pas moins que la grande majorité des nouveaux adeptes du développement durable
n’introduit jamais ni une dimension écologique, ni une dimension sociale dans l’analyse de
l’espace rural étudié. Tout se passe comme si certains de l’ancienne génération, et plus encore
les jeunes géographes ruraux, considéraient plus «moderne» d’afficher la spécialisation en
développement durable, comme si cela allait de soi et comme si faire des recherches sur les
mesures agri-environnementales, le tourisme et les politiques paysagères, voire les politiques
agricole européennes ou le sous-développement dans les pays tropicaux, etc., coïncidait
sans problème avec le nouvel engagement scientifique qu’implique la notion même de
développement durable.
Ce constat paradoxal nous a poussé à prolonger l’analyse statistique en partant
d’une nouvelle entrée, l’ensemble des géographes ayant opté en 98 pour la spécialité
«Développement durable» de manière à mieux cerner à la fois la place qu’occupe la ruralité
dans la préoccupation de durabilité mais aussi les autres mots clés qui révèlent les motivations
pour ce choix.
B. L’entrée par le développement durable
Une deuxième matrice a donc été construite qui part du recensement de tous les géographes
inscrivant le thème de développement durable parmi ceux qu’ils étudient. Ils sont au total 86
géographes dans ce cas. La notice de chacun a été examinée sans a priori et en privilégiant
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Boletín de la A.G.E. N.º 41 - 2006
La Géographie rurale française face à l’utopie du développement durable: quelles réactions, quelles perspectives?
une méthode inductive de façon à mettre en évidence les mots clés les plus souvent associés
à celui de développement durable. Outre le qualificatif de «rural» (contenu par exemple
dans les thèmes «aménagement rural» «développement rural» «paysage rural» que nous
n’avions pas repérés dans notre première approche), sont apparus les mots clés «Gestion des
ressources (naturelles, renouvelables, de l’eau)» (21 mentions), «Paysage» (17 mentions),
«Protection de la nature» (15 mentions), «Système spatial/Modélisation/SIG» (12 mentions),
«Tourisme» (12 mentions), «Agriculture» (7 mentions), «Biogéographie Biodiversité» (6
mentions). Nous avons aussi relevé l’unité de recherche auquel chacun appartenait ainsi que
la spécialité des géographes physiciens. En voici les principaux résultats:
— les géographes «ruraux forment le groupe le plus important en nombre
Le nombre de géographes ruraux identifiés par cette approche (36) est supérieur à celui
repéré (21) par la première. En effet la lecture approfondie des notices montre qu’un certain
nombre de géographes associe leur intérêt pour le DD avec des recherches qu’ils qualifient
de «rurales» en dehors des termes que nous avions sélectionnés. Les 15 nouveaux ruralistes
entrent notre champ d’étude parce qu’ils proposent —le plus souvent en les associant— les
thèmes-clés de «Paysage rural» (7 mentions), «Foncier rural» (2), de «Structure agraire»
ou «Agriculture» (4), d’«Aménagement rural» (11 mentions) toujours associé à celui de
«développement rural» (11 mentions). Alors qu’ils ne se reconnaissent pas explicitement ni
dans la branche «géographie rurale», ni par les concepts de «Société rurale» et d’«Espace
Rural», ni autour du concept central du courant (3), l’«exploitation agricole», ils combinent
le DD et la ruralité avec les autres concepts clés de «gestion des ressources» (4 mentions), de
«Paysage» (4 mentions), de «Protection de la nature» (2 mentions) et même de «Tourisme».
Deux de ces géographes se servent des «SIG» de la «CAO» et de l’«infographie» pour définir
des indicateurs de fragilité écologique des «milieux naturels» objet de l’aménagement et du
développement rural ou pour développer «un système expert de planification des ressources
en eau au Burkina Faso». Il faut aussi remarquer que plusieurs d’entre eux signalent qu’ils
étudient aussi des terrains urbains, l’aménagement urbain et les relations ville/campagne.
Ainsi par cette approche il semble bien qu’il y ait un lien entre le fait d’adopter la terminologie
du développement durable et la conception du rural comme un territoire dont l’aménagement
et le développement durable se doit d’inclure la dimension naturelle et si possible sociale.
— le concept de gestion des ressources est central
Si l’on examine l’ensemble des géographes qui ont pris le tournant du DD en 1998 on
ne peut que constater l’importance qu’ils accordent à la question de la «gouvernance»13
territoriale. 21 géographes traitent du DD parce qu’ils étudient la gestion de l’eau, des
sols et du littoral (érosion), celle des ressources naturelles renouvelables ou non dont l’air,
les politiques de lutte contre les conséquences de l’évolution du climat (sécheresses et
désertification) voire le changement global (1 mention). Cette préoccupation pour le politique
13 Le mot n’est pas encore introduit dans l’index mais depuis son usage s’est considérablement étendu.
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se traduit aussi par le choix du mot-clé «Protection de la nature» (15 mentions) qui définit un
groupe qui ne recoupe pas toujours celui de «Gestion» étant plus tourné vers les questions
de «Paysage» et de «belle nature» plutôt que par les problèmes d’environnement. En effet
l’identification par le «Paysage», presque aussi importante en nombre (17 mentions) que
celle de «gestion», lui est presque antinomique tandis qu’elle est presque toujours associée à
celle de Protection de la nature. Tout se passe comme si il y avait d’un côté ceux qui traitent
de la dimension idéelle et symbolique de la nature et ceux qui affrontent sa matérialité et les
conséquences concrètes d’un développement non soutenable. En ce sens il n’est pas inutile de
ramener à cette dernière orientation les 12 géographes qui sont venus au DD par le tourisme
(et souvent l’insularité) car c’est aussi à partir des effets négatifs sur les milieux naturels
investis par les touristes qu’ils s’orientent vers le problème de l’amélioration «durable» des
politiques et du marché touristiques.
— certaines spécialités sont plus sensibles au DD.
La géographie physique constitue un groupe moins important que celui des ruralistes.
Sur 86 géographes recensés, 24 seulement sont des physiciens. Ainsi, contrairement à ce
que nous avions démontré au colloque national d’écologie urbaine en 199114 à savoir que
«les géographes qui affichent et revendiquent leur compétence en matière d’environnement
sont en forte majorité des spécialistes de géographie physique» (Mathieu, 1992), ce sont
incontestablement les géographes humains qui en 1998 déclarent majoritairement leur
intérêt pour Le DD. On remarque même que 5 de ces physiciens se définissent aussi par la
«Géographie humaine» et que certains ont la responsabilité de programmes interdisciplinaires
auxquels participent des géographes «sociaux» et des sociologues. Mais même au sein de
ces géographes physiciens certaines spécialités sont incontestablement plus sensibilisées à
l’enjeu du développement durable: viennent en tête les biogéographes et les climatologues
puis les spécialistes des sols et de l’érosion ainsi que des hydrosystèmes en particulier sur
l’hydrologie marine, les littoraux et l’insularité. La lecture des notices montre aussi l’influence
de certaines personnalités scientifiques qui impulsent une certaine vision «appliquée» ou
d’«utilité sociale» du rapport entre géographie physique et environnement ou DD, et qui
sont à l’origine d’unités de recherche où est pratiquée une certaine interdisciplinarité entre
géographie physique et géographie humaine (Géode à Toulouse, Géolittomer à Nantes,
CEREG à Strasbourg).
La spécialisation en «modélisation», «télédétection», «Systèmes d’information
géographique» et traitements graphiques constitue une filière quasi autonome pour intégrer
la recherche sur le DD. Les 12 géographes modélisateurs comportent deux géographes
physiciens, les géographes humains majoritaires se répartissant également entre ruralistes,
urbains et milieux littoraux mais il n’y a jamais dans ce groupe de choix pour les autres
thématiques qui sont pourtant propices au développement durable (Paysage, Protection de la
nature, Agriculture et Tourisme).
14 Et qui semble confirmé par la première approche statistique reprenant dans les deux répertoires le mot-clé
«Environnement».
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La Géographie rurale française face à l’utopie du développement durable: quelles réactions, quelles perspectives?
En définitive cette deuxième approche qui positionne la géographie rurale dans l’ensemble
des géographes concerné par le DD rend la «perspectiva francesa» plus claire. Elle souligne
les relations qui existent entre tous les géographes ruraux du courant d’interface (6) dont la
plupart ont publié dans Les passeurs de frontières (Jollivet, 1992) qu’ils soient physiciens ou
humains. Leur position en faveur de l’interdisciplinarité et de l’étude des objets complexes
anticipe celle à venir sur le DD. Ils publieront d’ailleurs dans Le développement durable. De
l’utopie au concept (Jollivet, 2001).
Cette approche a aussi permis de distinguer le groupe spécifique des «modélisateurs»
qui entrent dans le DD par le biais des méthodes et des outils avec pour conviction que les
modèles et la modélisation rendent faisable l’articulation entre systèmes naturels et systèmes
sociaux et permettent de construire les indicateurs, forcément complexes, du développement
durable.
Enfin elle met en évidence que, sous l’engouement pour le DD, on trouve le besoin de
renouveler une «géographie appliquée» toujours soucieuse de la gestion de territoires. En
somme le travail fait sur les Répertoires nous achemine peu à peu vers une typologie des
attitudes scientifiques face au développement durable.
2. Postures scientifiques et types de réaction au DD dans la géographie rurale française
Il ‘agit maintenant de tenter d’établir une typologie des attitudes cognitives des
géographes ruraux français confrontés à l’utopie politique du développement durable; et
de répondre à notre question de départ: y a-t-il une relation entre la posture scientifique des
géographes ruraux adoptée face au développement durable et le courant théorique auquel ils
appartenaient au début des années 90?.
Pour ce faire nous pourrions poursuivre l’analyse statistique de notre corpus de géographes
d’environ 400 noms, en affectant à chacun d’entre eux le numéro du courant que nous avions
distingué au départ en nous fondant sur la pensée de leurs «leaders» connus par leurs écrits,
leurs enseignements, leurs affiliations (49 noms cités). Mais n’y a-t-il pas une inadéquation
entre l’importance de cet exercice, qui, en plus, ne peut éviter un côté arbitraire, et le résultat
que nous en attendons. L’analyse statistique nous a ouvert des pistes de réflexion mais il
est nécessaire d’aller plus loin. En définitive nous avons opté pour une démarche hybride
mêlant les apports inductifs des résultats chiffrés obtenus précédemment ainsi que ceux dus
à une longue fréquentation des notices biographiques à l’effort de construction hypothéticodéductive de «cas-types» représentant les principales figures et attitudes qu’il est possible
d’identifier à partir d’un état des lieux des publications de géographie rurale récentes en
rapport avec la thématique des politiques de développement durable ainsi que par une analyse
de leurs fondements théoriques.
Le développement durable est une question en débat. L’enjeu cognitif et pratique est trop
fort pour laisser les géographes indifférents. Depuis une dizaine d’années, la pression de
cette «commande» relative au développement durable a généré des positions affrontées, qui
se traduisent dans des postures théoriques et dans des pratiques diversifiées.
C’est en partant de ce fil que nous construirons la typologie des réactions: le DD est-il
ou non un «évènement scientifique»? Suscite t-il chez certains de l’indifférence ou le rejet?
N’est-il qu’une opportunité d’inscrire ses recherches dans la «demande sociale» et aussi dans
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Nicole Mathieu
la «commande»? Conduit-il certains à une rupture théorique, à un effort de déplacement sur
de nouveaux objets et de nouvelles méthodes? Considère-t-on que la discipline géographique
puisse à elle seule instruire les connaissances scientifiques indispensables pour engager le
politique dans la conciliation des objectifs d’équité sociale, de développement économique et
de préservation des ressources renouvelables et de l’environnement? Les géographes ruraux
s’engagent-ils dans l’interdisciplinarité et avec quelles pratiques?
Dès lors nous pouvons distinguer:
A. Attitude 1: rarement le rejet mais plutôt l’indifférence
On ne trouve pas chez les géographes ruraux d’aujourd’hui la réticence qui s’est
particulièrement manifestée au sein de L’espace Géographique où ils sont d’ailleurs peu
représentés. Ainsi P. Pelletier, membre de ce comité de rédaction, spécialiste du «Système
monde» et de l’«Espace social urbain», dénonce le DD comme une notion trop chargée
d’idéologie, trop ancrée dans l’écologisme voire le biologisme (Pelletier, 1993). Pour Roger
Brunet, il faudrait en renverser les priorités en soulignant l’urgence d’un développement
social et la nécessité d’un contrôle collectif de la croissance. Fustigeant le conservatisme
ou les cynismes qui se réfugient derrière l’injonction de gérer durablement la nature, ils
soulignent l’approfondissement des inégalités sociales à toutes les échelles du monde, tablent
sur l’ampleur des capacités humaines d’innovation et insistent en spécialistes sur la nécessité
d’une analyse multi-scalaire des questions de développement (Brunet, 1998).
Sauf défaut d’information, il me semble que ce point de vue critique, radical et
argumenté sur le choix de l’homme et de la société plutôt que de la nature, n’a pas cours
dans la «communauté» des ruralistes. Ou plutôt, ceux qui s’intéressent à la pauvreté et à
l’exclusion sociale en milieu rural (C. Balley, P. Lenormand) ne sont pas loin de penser à
une «imposture» politique mais, pour ne pas être péremptoire et pour laisser une chance à
l’utopie, ils ne s’expriment pas publiquement, dans une publication. L’attitude qui domine
encore la géographie rurale de cette première décennie du nouveau siècle, est plutôt celle de
l’indifférence.
Ce désintérêt pour le DD domine presque tous les courants (à l’exception du courant
interdisciplinaire), mais plus particulièrement les courants de géographie sociale et culturelle
(1) ainsi que de la géographie agricole et agroalimentaire, voire même la géographie rurale
critique, ceci non seulement parce que les «anciens» tiennent à maintenir sur le devant de la
scène scientifique les spécialités qu’ils ont construites (par exemple sur les paysages ruraux,
les produits de terroir mais aussi la mobilité spatiale ville/campagne, etc.), mais parce que
les jeunes générations privilégient la spécialisation thématique qui leur donne une identité
distincte. La conviction que l’innovation se produit par application à un objet bien ciblé
d’une théorie confirmée les rend insensibles à l’idée même de complexité qu’implique la
notion de développement durable.
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La Géographie rurale française face à l’utopie du développement durable: quelles réactions, quelles perspectives?
B. Attitude 2: une adoption qui va de soi ne bouleversant ni les concepts ni les pratiques scientifiques
antérieures
Une partie des géographes ruraux se montre favorable à l’usage de la notion, selon des
modalités différentes mais qui toutes procèdent de son intégration quasi «naturelle» sans
véritable distance critique, ni par rapport à la nouvelle idéologie, ni par rapport aux nouvelles
pratiques scientifiques qu’elle implique.
Quelques uns se saisissent de l’actualité pour tenter de conforter leur choix théorique.
Ainsi dans le récent livre Les acteurs, ces oubliés du territoire où on retrouve E. Roux comme
co-auteur (Gumuchian et al., 2003), la question du «développement durable et territoire» n’est
introduite que parce qu’elle rend «particulièrement lisible l’articulation ‘‘acteur/territoire’’»
(p. 119) qui construit les concepts majeurs de cette géographie: «l’acteur territorial» «l’acteur
territorialisé» et «les ressources territoriales». Les deux exemples évoqués (l’application de
la directive Habitats en Ardèche et un quartier durable de Montréal) sont certes du ressort du
DD, mais dans une seule de ses dimensions, et ne servent qu’à illustrer la théorie du projet
territorial mobilisant les acteurs à différentes échelles territoriales.
Du côté de la pratique de recherche, l’engagement des géographes ruraux dans le champ
du développement durable relève parfois d’un certain opportunisme. Comme d’ailleurs dans
l’ensemble de la géographie (Robic, Mathieu, 2001), on retrouve alors des stratégies qui
ont eu cours lors de l’émergence des politiques environnementales comme, sans doute, lors
de l’apparition de la politique d’aménagement du territoire. Le phénomène le plus massif
consiste en une introduction subreptice du terme de durable dans la langue scientifique,
qui connaît un glissement, une transformation moins sémantique que lexicale, dans le droit
fil de la commande politique. Qu’ils proviennent du courant de géographie agricole (3),
de ruralistes du courant (4), voire de ruralistes du courant traditionnel ralliés à ce courant
critique, plus rarement de modélisateurs (5), l’ajustement à la demande de recherche ne repose
pas alors sur une réévaluation des outils ou de la démarche, mais sur le recyclage des savoirfaire classiques accompagné d’une éventuelle dramatisation des relations hommes-nature,
le tout assorti de l’adoption du vocabulaire de l’action et, par exemple, de l’infléchissement
des investigations en direction des «risques» naturels. Parmi les nombreux exemples de ces
pratiques, on retiendra l’association admise sans grande distance entre qualité et durabilité
(Laurens, 1999) ou entre «agricultures durables et développement durable des territoires
ruraux en France» (Charvet et al. 2004) ainsi que le changement significatif de titre de la
commission «rurale» de l’union géographique internationale (UGI) devenu «sustainable
rural systems» («systèmes ruraux durables») en 1994.
Le numéro spécial de Historiens et Géographes édité pour le congrès 2004 de l’UGI
par le Comité National Français de Géographie (Miossec et al., 2004) est particulièrement
exemplaire de ce «relookage» d’une géographie tout à fait classique par les habits neufs du
développement durable. Sans entrer dans l’article introductif exclusivement rédigée par des
géographes physiciens et en n’évoquant pas pour notre démonstration les articles qui portent
sur la «ville durable», le «tourisme durable», «l’exploitation durable des ressources vivantes de
l’océan», voire «climatologie et développement durable» qui sont pourtant tous démonstratifs
de cette appropriation sectorielle et sans discontinuité théorique ou méthodologique du
qualificatif de durable, il suffit pour caractériser cette attitude sans réflexivité présente chez
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certains géographes ruraux d’analyser les deux articles qui portent sur la forêt (Arnould,
Clément, 2004) et sur l’agriculture (Charvet et al. 2004). L’un comme l’autre postulent une
équivalence entre adjoindre le qualificatif de durable à leur objet d’étude et démontrer leur
compétence scientifique sur le sujet. Décrire les textes législatifs et les discours qui portent sur
ces objets, évoquer les difficultés à bâtir des indicateurs de développement durable voire à en
intégrer les différentes dimensions suffit aux auteurs pour considérer qu’ils ont traité le sujet
d’un point de vue géographique et des territoires, voire que les objectifs de durabilité de leurs
objets d’étude peuvent être atteints. Les uns et les autres sont convaincus qu’un bon état des
lieux faits par des géographes, seuls, produit des connaissances scientifiques suffisantes pour
évaluer la durabilité de leur territoire de compétence. Avec leur seule expérience des forêts
et des agricultures et des territoires ruraux, ils peuvent traiter de leur dimension matérielle
et physique, de leur dimension économique et de leur dimension sociale. Le croisement des
points de vue, la pratique de l’interdisciplinarité, même entre géographes «physiciens» et
«sociaux», n’est pas une nécessité. Il suffit, comme c’est le cas dans ce numéro, de donner la
parole à un philosophe, à un sociologue, à un économiste, à une juriste et à un jeune historien,
fervent adepte de Pour une histoire de l’environnement qui croit naïvement à la «convergence
des préoccupations» entre «écohistoire et développement durable».
L’attitude 2 se caractérise donc principalement par une acceptation du changement
de vocabulaire que l’idéologie politique impose mais sans que celle-ci ne produise aucun
changement profond de la trajectoire scientifique proprement dite. L’intégration dans la
thématique de recherche de la question environnementale, l’analyse des effets territoriaux
des mesures européennes agri-environnementales (Fruit, 1998), la critique incantatoire
des politiques publiques en direction des «milieux sensibles», (Rossi, 1999, 2000)
comme l’application des outils cartographiques et des SIG pour comparer les politiques
environnementales en Amérique Latine et en Asie du Sud-Est, ne constituent ni un
renouvellement de la géographie rurale, ni une réponse pertinente aux questions scientifiques
que pose l’enjeu territorial de conciliation des trois piliers du Développement durable.
Pourtant, ce qui se passe dans la géographie rurale des espaces et des sociétés africaines et
d’Amérique Latine (en particulier brésilienne) (courant 2) est plus difficile à interpréter. Non
pas que ne s’y rencontrent pas des exemples caractéristiques de la posture que nous venons
d’analyser: en fait preuve l’article de Roland Pourtier (Pourtier, 2004) créant le néologisme
de «rurable» pour justifier du fait que la géographie qui traite de la «géodiversité», du rapport
systémique local/mondial et de la dynamique des territoires, se trouve être naturellement
au centre de la mise en œuvre du développement durable. Mais, comme nous l’avions déjà
souligné, (Robic, Mathieu, 2001) «c’est incontestablement dans l’exploration des rapports
entre les milieux naturels tropicaux et des sociétés encore majoritairement rurales que les
recherches géographiques ont été les plus proches de cette double sensibilité au gaspillage
des ressources et à l’inégalité sociale… Les recherches géographiques dites tropicales et
surtout les recherches en géographie du développement ont été parmi les plus fécondes en
observations liant ressources et développement, critiquant la «modernité» aveugle dans ses
conséquences sur la dégradation des milieux (déforestation, désertification sahélienne par
exemple) et sur des processus inégalitaires (paupérisation, migrations de réfugiés, maladies
épidémiques etc.).» Les géographes ruralistes du courant 2 dont beaucoup firent partie de
l’ORSTOM et maintenant de l’IRD, combinant une sensibilité écologique à une sensibilité
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La Géographie rurale française face à l’utopie du développement durable: quelles réactions, quelles perspectives?
anthropologique, portant une attention privilégiée de géographes ruralistes pour les rapports
des sociétés avec des milieux naturels (Blanc-Pamard, 1991) ont construit une démarche qui
prépare incontestablement la jeune génération à la problématique du DD.
Les efforts faits pour analyser les rapports entre processus sociaux —les paysans pauvres
ou sans terre par exemple— et processus écologiques —dégradation de la forêt et de la
biodiversité, droits de propriété et savoirs locaux, etc.—, entre l’agriculture familiale et
l’agriculture durable (Albaladejo, 2001; Arnauld de Sartre, 2003) l’attention portée sur les
problèmes de santé liés à l’environnement, plaident en faveur d’une caractérisation plus
complexe des réactions scientifiques de ces ruralistes face au DD. Sans doute parce que la
question du «développement» a toujours été au cœur de ce courant lui-même très proche des
agronomes et des anthropologues, une certaine continuité théorique n’est pas contradictoire
avec une intégration «sérieuse» de la nouvelle utopie dont on sait d’emblée les impossibilités
de mise en œuvre. D’ailleurs C. Blanc-Pamard, l’héritière de Sautter et de Pélissier et qui
est en un sens le chef de file de ce courant ruraliste, ne préconise-t-elle pas «Une alliance de
disciplines sur une question environnementale: la déforestation en forêt des Mikéa (S-O de
Madagascar)» (Blanc-Pamard et al., 2005)? Cette posture scientifique est à la charnière avec
l’attitude suivante.
C. Posture 3: prendre l’utopie politique à la lettre pour produire un nouveau mode de connaissance
scientifique
La position de ces géographes ruralistes15 repose, dans son essence, sur l’hypothèse de
l’existence, voire de la nécessité, d’une discontinuité dans la pratique des sciences, lorsque
celles-ci sont soumises à des régulations nouvelles, d’origine essentiellement exogène et
non plus d’ordre académique (Gibbons, 1994). Le courant (6) trouve précisément son point
de départ dans la conscience du nécessaire déplacement théorique et paradigmatique que
la question sociale de l’environnement ouvre. Rappelons l’exceptionnel travail d’analyse
pour passer Du rural à l’environnement qui s’est développé au cours des programmes
interdisciplinaires menés depuis vingt-cinq ans (entre autres Cadoret, 1986; Fabiani, 1989
et 1995; Mathieu, Jollivet, 1989; Jollivet, 1992). Or, pour ce même courant, la question du
développement durable, non seulement ne peut se résumer à celle de l’environnement sur
laquelle un effort considérable a pourtant été fait, mais elle introduit un nouveau problème
théorique à résoudre et accentue par là même le contexte de rupture dans l’histoire des
sciences, et en ce qui nous concerne de la géographie.
Certes il ne s’agit pas de reléguer les acquis de cette première période de déplacement
théorique. En effet, sans recourir expressément au concept de développement durable, les
géographes ruraux qui ont préconisé, face à l’idéologie politique de l’environnement, la
réévaluation des relations (ou interactions) sociétés-natures et l’interdisciplinarité entre
sciences sociales et sciences de la nature et, en particulier, celle interne entre géographie
15 Qui partagent cette posture théorique non seulement avec des géographes spécialistes de différents
milieux (urbains, périurbains, halieutiques et littoraux, forestiers…) mais aussi avec des scientifiques de diverses
disciplines naturalistes et de sciences sociales (Cf. le courant interdisciplinaire représenté par la revue Natures
Sciences Sociétés.
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Nicole Mathieu
physique, géographie humaine et analyse spatiale, ont délibérément choisi un type d’approche
plus frontal, plus volontariste sur le plan intellectuel. En tentant de s’affronter aux nouveaux
enjeux sociaux qui accompagnent son émergence, ils ont mis au centre de leur pratique
scientifique la production d’objets et dispositifs de recherche originaux qui pourraient
donc, dans le nouveau contexte, s’inscrire comme acquis partiels dans une production de
connaissances qui est loin d’être aboutie.
La posture 3 se caractérise donc par une attitude paradoxale qui consiste à poser comme
impératives pour la progression pertinente des connaissances scientifiques socialement utiles,
et la discontinuité et la continuité.
Il s’agit donc, d’abord, de réévaluer, du point de vue de leur pertinence par rapport à la
problématique du DD, un certain nombre d’acquis des recherches «environnementales» aux
quelles ces géographes ruralistes ont participé.
— Observer et analyser conjointement des spatialités et des temporalités
Presque toujours sous l’influence de P. Pinchemel (Pinchemel et Pinchemel, 1988) et
pour certain d’entre eux de G. Bertrand (1968, 1992), les géographes ruraux de ce courant
affirment la valeur, pour les recherches sur l’environnement comme pour celles sur le DD
de l’usage de catégories spatiales —espace géographique, territoire et milieu se déclinant
d’ailleurs entre autres par celles de rural et d’urbain— parce qu’elles renvoient au double
processus de l’«humanisation de la nature» et par la «mise en espace» (Pinchemel, ibid.).
De même que le concept de paysage, toujours à revisiter, elles permettent de rompre avec la
division nature/société incompatible avec l’obejectif de ces recherches.
Dans cette posture théorique s’impose l’idée que l’espace n’est pas un contenant,
qu’il n’est pas le cadre du développement, mais qu’il est produit en permanence dans des
interactions sociales, de telle sorte que l’espace géographique ne peut se définir comme
une collection de lieux mais comme un système de lieux en interdépendance, configuré
à chaque fois par les phénomènes qui le produisent. Elle invite à réinscrire cette intuition
ancienne de la «situation géographique» comme base de l’appréhension du développement:
celui-ci ne se joue pas qu’en un lieu; il est engagé obligatoirement dans des interactions
multiples avec d’autres lieux, appréhendables au niveau mondial comme à toute une gamme
d’échelles allant du local au planétaire, en des rapports de domination ou de concurrence
qui signifient conflits, choix collectifs, arbitrages. Elle permet de réaffirmer l’urgence d’une
définition précise des aires de pertinence de tel ou tel problème, soit en fonction des échelles,
soit par la considération des discontinuités ou barrières spatiales, soit par l’évaluation des
vrais «territoires sociaux» pertinents en terme de vulnérabilité, d’impact, de sensibilité au
changement etc.
L’analyse des temporalités est au centre des recherches rurales menées par ce courant
(cf. Muxart et al., 1992) qui a rompu avec une idéologie valorisant les «équilibres» et les
«permanences». Ces avancées ne doivent toutefois pas cacher combien il reste difficile
d’articuler des temporalités aussi distinctes que celles caractérisant les systèmes naturels et
les systèmes sociaux. Il n’empêche que là aussi, ces géographes développent des tentatives
intéressantes pour penser l’incorporation du temps dans l’analyse de cas géographiques
particuliers, rompant avec l’usage paresseux de la «causalité historique». Dans leur
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La Géographie rurale française face à l’utopie du développement durable: quelles réactions, quelles perspectives?
développement récent, des recherches sur la gestion écologique de ressources fourragères
et d’un paysage ouvert de pelouse sèche, font aussi des propositions pour articuler les
temporalités de la nature et celles de la société (Cohen et al., 1997a; Cohen et al., 1997b;
Mathieu, 1997). S’accordant pour refuser les histoires linéaires de l’environnement et
du paysage qui ne construisent que des moments artificiels d’articulation entre les temps
de la nature et ceux de la société, elles leur opposent une démarche de confrontation des
dynamiques naturelles et sociales par va et vient entre des modélisations partielles et les
données expérimentales jusqu’à ce que, par réitérations, le poids respectif des événements
naturels et des pratiques passées et actuelles soit identifié et hiérarchisé. Ainsi sont mises à
découvert de nouvelles temporalités (celles de la nature pouvant être plus courtes que celles
du système social), un «temps trouvé», qui est celui du phénomène étudié «entre» le naturel
et le social.
Ce souci d’articuler spatialité et temporalité, faits minutieusement situés, localisés à
différentes échelles, et processus inscrits dans plusieurs durées est évidemment un point
qu’il faut non seulement garder mais aussi développer pour affronter les problématiques
scientifiques liées au DD.
— modéliser les interactions sociétés-natures et pratiquer l’interdisciplinarité
Il est important de signaler que les géographes engagés dans cette posture ne prétendent,
en aucun cas, faire de l’approche géographique des relations entre systèmes naturels et
systèmes sociaux un point de départ pour les autres disciplines. Même si elles sont exposées
par des géographes, elles s’inscrivent expressément dans le choix de l’interdisciplinarité et de
la complexité (Legay, 1997; 2004) et engagent des pratiques dans lesquelles la géographie est
une discipline parmi les autres. Ce parti pris théorique, issu de la prise de conscience que la
question de l’environnement exigeait une discontinuité dans les modes de connaissance, garde
toute sa valeur heuristique pour passer «de l’environnement au développement durable».
En effet, comme dans les recherches sur l’observatoire Causses/Cévennes (Jollivet,
Mathieu, 1983; Mathieu, 1987) où l’enjeu était d’aborder sur un mode scientifique (instruire
scientifiquement) la question posée par la mise en œuvre d’une «gestion écologique»,
le nouvel enjeu scientifique, comprendre comment peuvent se concilier «la durabilité
écologique, la viabilité économique et l’équité sociale», implique une nécessaire mise à
plat des théories et des méthodes habituelles et l’exploration, voire l’invention, de concepts
rendant compte des interactions entre champs hétérogènes que sont les systèmes naturels,
techniques et sociaux.
Le premier principe est de se donner d’emblée l’objectif de construire un objet commun
qui soit un objet mixte —un macro-objet— c’est à dire dans lequel ni en soi, ni donc pour
les géographes qui en traitent, les dimensions naturalistes souvent dites «matérielles» et les
dimensions sociales (représentations/pratiques, conflits/pouvoirs, appropriation/exclusion) ne
peuvent être dissociées. Mais pour que cet objet mixte fait de territorialité (s), de ressource(s)
et de (temporalité(s) réponde à l’enjeu de l’utopie politique, il est nécessaire qu’il soit traité
comme un problème (ou un ensemble de problèmes) dont il faut démêler le système de
causalités complexes et évaluer les possibilités d’évolution vers des solutions conciliant des
objectifs souvent contradictoires, voire incompatibles entre eux.
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Instruire le développement durable c’est donc pour les nouveaux chefs de file (Muxart et
Guerrini, dans les recherches du Piren Seine, in Meybeck et al., 1998; Barrué-Pastor, 2004;
Cohen et al., 1997c, 2003; Mathieu, Guermond, 2005) comme pour la jeune génération
(Delahaye et al., 1999; Cartier, 1999, 2002; Soulard, 1999, 2005) le parti pris de construire
l’interrogation sur les rapports sociétés/natures autour d’un problème, en l’occurrence un
«problème d’environnement», porteur d’un risque de non durabilité dans tous les sens de
ce terme. Ce problème: l’embroussaillement d’un causse (le causse méjan) dont La brousse
et le berger. Une approche interdisciplinaire de l’embroussaillement des parcours (Cohen,
2003) qui pose celui plus général du contrôle (de la gestion) des interactions, sur un milieu
donné, entre pratiques humaines et dynamiques naturelles; la pollution des eaux par les
agriculteurs (Muxart et Guerrini, in Meybeck, 1998; Soulard, 2005) qui mettent l’accent
sur la nécessité d’une connaissance fine et exacte des relations entre pratiques territoriales
et processus physiques; les processus d’érosion du sol et d’inondation conséquente en lien
avec les pratiques agricoles dans le Pays de Caux devenu un laboratoire expérimental pour
construire une Gestion concertée du ruissellement érosif dans les espaces agricoles des
plateaux de grande culture (Gaillard, 2004) et ainsi de lutter contre la Crise de la solidarité
face aux risques naturels (Cartier, 2002), est la base sur laquelle se construit l’objet commun
de recherche qui implique les sciences de la nature et les sciences sociales, la géographie
physique et la géographie humaine.
Prenons l’exemple de la recherche coordonnée par la géographe rurale M. Barrué-Pastor
(2004). Plutôt que d’utiliser un modèle général des interactions entre les compartiments
naturels techniques et sociaux sur lequel reposait théoriquement la «gestion écologique»
des forêts naturelles à forte biodiversité du Chili, le travail collectif s’est appliqué à
construire un «modèle heuristique de recherche» autour d’un objet de recherche «la forêt
originelle comme bien public» impliquant nécessairement l’analyse des interactions entre
dynamiques de la végétation et requalification des ressources, dynamiques des systèmes
techniques et dynamiques des représentations et des pratiques sociales (politiques publiques.
Cette indissociabilité de la matérialité (végétation, caractères biochimiques de l’eau,
topographie/ruissellement/sols emportés...) et des représentations et pratiques sociales est
aussi caractéristique de la construction du problème des eaux souterraines dans la recherche
de C. Soulard (1999, 2005). Ce qui le conduit à centrer son analyse sur le territoire concret
correspondant aux pratiques des agriculteurs enquêtés.
D’où le deuxième principe commun, le recours à une territorialisation des processus, que
ceux-ci soient propres au site (endogène, local), ou qu’ils renvoient à une situation (exogène,
globale). La nécessité d’utiliser une méthodologie permettant de confronter des données de
nature et de temporalité intrinsèquement différentes voire inconciliables, conduit à privilégier
l’approche par «sites», lieux communs à toutes les disciplines dans le cas du Méjan (aux
biogéographes et géomorphologues comme aux agronomes et aux géographes ruraux), dans
lesquels sont collectés et traités l’ensemble des variables et où sont testées les hypothèses
issues des différentes disciplines jusqu’à la modélisation des interactions entre les variables
ainsi que leur hiérarchisation. Dans le cas de la pollution agricole, qui est diffuse, invisible
dans le paysage et par conséquent difficile à localiser, l’essentiel du travail a consisté à
construire les espaces du problème en confrontant les conceptions différentes de l’espace jugé,
par les acteurs, pertinent pour agir, à l’inscription matérielle de la pollution dans l’espace. Cet
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La Géographie rurale française face à l’utopie du développement durable: quelles réactions, quelles perspectives?
espace pertinent pour articuler localement l’activité agricole et le problème de la pollution
des eaux se définit par niveau d’organisation emboîtés jusqu’au niveau le plus fin, celui de la
parcelle, où sont co-localisés les pratiques des agriculteurs, leurs savoirs et représentations
du milieu naturel et les caractéristiques physiques, d’ailleurs mouvantes, des sols. Dans ces
recherches comme dans celle sur les processus érosifs, on constate l’importance accordée
à la localisation ou co-localisation des processus de natures et de temporalités hétérogènes
pour identifier les interactions et les hiérarchiser, ce qui va de pair avec l’utilisation des
méthodes de l’analyse spatiale déjà rodée à cet objectif (carroyage, SIG associé à des
traitements statistiques simulations, etc.). L’usage de la modélisation (automates cellulaires et
systèmes d’agents multiples (SMA) pour comprendre les interactions temporelles et spatiales
du «problème de développement durable» et conjointement progresser dans les solutions
«négociées» envisageables, donne lieu à des recherches particulièrement innovantes en Pays
de Caux (Delahaye, 2002, 2005).
— pour une meilleure conceptualisation de la dimension sociale du DD et de son
articulation avec la durabilité écologique
Ainsi les recherches auxquelles participent les géographes ruraux de ce courant ouvrent
des voies pour la modélisation des interactions entre les systèmes biophysiques et sociaux.
Du point de vue des préconisations dans le champ du développement durable, elles mettent
en évidence l’importance d’un type de relation entre le matériel et l’idéel, désigné comme
un «décalage» entre les représentations d’un problème et les pratiques qui l’engendrent ou
prétendent y remédier. Porter attention à ces décalages, c’est remonter à l’origine de modes
de gestion insoutenables en identifiant ce qui s’oppose à la prise de conscience des effets à
long terme de pratiques pensées «durables». C’est aussi reconsidérer ce que sont aujourd’hui
les savoirs de la nature, dans une société qui oppose encore le naturel au technique et à
l’artifice.
Cependant force est de reconnaître que, sur certains points, ces pratiques sont encore
tâtonnantes voire insuffisantes. Il en est ainsi de la conceptualisation de la dimension
sociale du DD qui, le plus souvent en reste aux catégories générales: les éleveurs, les
agriculteurs de grande culture… qui sont celles permettant le plus facilement de construire
le modèle d’interaction qui prend appui sur le concept lui-même «mixte» de ressources.
Même si le champ de recherche se limite aux problèmes posés par le groupe social des
agriculteurs, qu’en est-il de l’analyse des catégories sociales qui le traverse (salariés
agricoles, agriculteurs pauvres…) et de la place qu’on accorde à «l’équité sociale» dans les
problèmes de «l’agriculture durable»? D’autre part, toujours si on se limite à la question
de l’agriculture, comment tient-on compte des autres catégories sociales qui «partagent»
ou cohabitent un territoire agricole? Comment tenir compte dans un territoire (à dominante
agricole) dont on cherche à penser la durabilité, des habitants non agricoles qui pourtant ont
aussi des représentations et des pratiques sur le milieu, sur le paysage? Peu de géographes
ruraux, même s’ils commencent à être rompus aux pratiques interdisciplinaires, n’ont encore
vraiment affronté ce que «ruralité durable» veut dire quand on inclut dans le problème toute
la population qui «agit» sur la naturalité du territoire, qu’il s’agisse d’habitants permanents,
de résidents temporaires (résidents secondaires, visiteurs de passage, touristes…) sans
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compter les flux de population (et les pollutions conséquentes) qu’engendrent les réseaux
de communication. L’évaluation dans le temps et l’espace, autour d’un problème (objet)
commun, modélisant les interactions sociétés/natures de la durabilité d’un territoire rural est
un vaste chantier encore largement ouvert. Il y a bien quelques propositions de méthodes:
revenir au concept d’habitant et tester la valeur de celui, nouveau, de «mode d’habiter»
(Mathieu, à paraître 2006), et ceci sans oublier le lien avec classe sociale et groupe social.
Mais la production de résultats sur ce point dépend en grande partie de l’avenir dans la
recherche française des recherches collectives interdisciplinaires sur le Développement
durable. Instruire scientifiquement, dans toutes ses dimensions et ses contradictions l’utopie
politique du développement rural durable suppose d’accepter pour la recherche un droit à
l’expérimentation et au travail sur le long terme.
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