Des milices autonomes aux Guardias Nacionales

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De milices autonomes aux Guardias Nacionales. Les corps auxiliaires indigènes dans la region
du Río de la Plata au siècle XIX),
en Obregon Iturra, Jimena, Luc Capdevila et Nicolas Richard, Les inddiens des frontiers
coloniales. Amerique australe, XVI siecle=temps present. Press Universitaires de Rennes, 2011,
ISBN 978-2-7535-1432-4, pp. 99-115.
Silvia Ratto (CONICET/UNQ)
La participation de groupes indigènes comme corps militaires auxiliaires des
armées « blanches » est une réalité qui a son origine à l’époque de la Conquête de
l’Amérique1. On sait que, sans cette collaboration, la domination des grands empires
américaines aurait été plus difficultueuse pour les européens. Les motifs que
conduisirent à ces alliances étaient les conflits entre tribus et la situation de domination
que ces tribus essayaient de résoudre moyennant l’union militaire avec les
conquistadores. Dans le cas de la conquête du territoire de l’Argentine d’aujourd’hui,
plusieurs travaux ont analysé les alliances entre blancs et indiens pendant le procès
d’occupation du nord-ouest, région habitée par des peuples sédentaires qui, au moment
de l’arrivée des espagnols, étaient sous la domination des Incas2. L’historienne
Palomeque remarque que dans cet espace, en termes généraux « les groupes indigènes
qui s’étaient alliés avec les espagnols tendaient à être les mêmes qui s’étaient alliés avec
les Incas antérieurement et qui participèrent aussi à la ‘conquête’ de ces peuples-là avec
lesquels ils s’affrontaient dès la période incaïque3 »4.
De même, les alliances militaires ont été étudiées dans des situations de
conquête impérialiste, et ce qu’on voudrait remarquer c’est que ces alliances
constituèrent un des traits caractéristiques des espaces d’interaction entre des sociétés
sans État et sociétés avec État impliquant la formation des zones tribales5.
1
Pour un étude générale du sujet, consulter RESTALL, M., Seven myths of the Spanish conquest, Oxford &
New York, Oxford University Press, 2003.
2
Consulter les travaux inclus dans LORANDI, A. M. (comp.), El Tucumán colonial y Charcas, Buenos
Aires, Facultad de Filosofía y Letras, 1997.
3
« …los grupos indígenas que se aliaron a los españoles tendieron a ser los mismos que anteriormente
habían sido aliados de los incas y que ellos también participaron en la ‘conquista’ de aquellos pueblos con
los que se venían enfrentando desde el período incaico. »
4
PALOMEQUE, S., « El mundo indígena. Siglos XVI-XVIII », en Tandeter, E. (comp.), Nueva Historia
Argentina, Tomo II: « La sociedad colonial », Buenos Aires, Sudamericana, 2000, p. 107.
5
FERGUSON, B. R. et WHITEHEAD, N. (eds.), War in the Tribal Zone. Expanding States and Indigenous
Warfare, School of American Research Press, 1992.
Mais ces collaborations ne furent pas limitées au moment initial de la conquête
au contraire elles se maintinrent pendant la période coloniale et même pendant les temps
républicains. Les caractéristiques et façons de faire la guerre de ces milices indigènes
dans des contextes temporels et spatiaux différents furent interprétés de manières
diverses. Pour le cas du règne du Chili pendant la période coloniale tôt, Guillaume
Boccara proposait que les milices indigènes agissaient d’une façon très autonome, sans
assimiler les stratégies de guerre des espagnols en continuant avec ses propres tactiques
de guerre6. Dans le schéma proposé par Boccara, les espagnols n’étaient pas intéressés
par l’unification des technologies de guerre parce que leur objectif était seulement
d’avoir des corps auxiliaires qui connussent le territoire, les établissements des indiens
hostiles et leur façon de faire la guerre. La seule exigence des espagnols était qu’il y eût
un chef militaire espagnol à la tête des forces indiennes pour partager la direction de ces
corps avec un chef indien.
D’autres auteurs ont utilisé le concept de soldats ethniques, proposé par
Ferguson et Whitehead, en les comprenant comme groupes natifs qui participèrent dans
les guerres sous le contrôle ou l’influence des agents de l’État et qui furent employés
pour des fins diverses : attaquer des forces d’autres états, de natifs alliés de ces États
ennemis ou d’indigènes indépendants. L’enseignement de tactiques militaires étatiques
fut très commun dans ce type de lien même si le control exercé par l’État sur ces soldats
ethniques était très divers et comprenait une variété de possibilités : dès la conformation
d’unités auxiliaires salariées et régulières jusqu’au des groupes mercenaires d’indigènes
ayant un faible sentiment de fidélité vers l’État dont ils, on suppose, dépendaient. Mais
dans tous les cas, et fondamentalement dans ces relations-là où les groupes indigènes
jouissaient d’une autonomie plus grande, les objectifs des uns et des autres
coïncidaient7.
Dans le cas du Río de la Plata, le travail de Martha Bechis est pionnier avec son
idée d’une « lutte pour l’indigène » pendant la guerre civile entre federales et unitarios :
6
BOCCARA, G., « Tipos de poder y estrategias de sujeción en el sur de Chile », Anuario de Estudios
Americanos, LVI, 1, Sevilla, 1999.
7
Le concept de soldats ethniques a été utilisé ici par Judith Farberman et Carlos Paz pour analyser les
collaborations militaires dans des espaces et des moments différents (FARBERMAN, J., « Los caminos del
mestizaje. Tributarios, soldados, indios libres y gentiles en la frontera chaqueña 1700-1810. », Estudos de
Historia, Nº 2, 2006, Universidad Estadual Paulista, p. 177-206 et PAZ, C., « Conflictos y redes sociales
en el proceso de legitimación del poder indígena en las fronteras chaqueño-santafesinas. Segunda mitad
del siglo XVIII. », Andes, Nº 18, Universidad Nacional de Salta, 2007).
c’est-à-dire, une recherche active de collaboration militaire8. Selon Bechis, la
participation indigène était sous la forme de milices auxiliaires qui agissaient de
manière autonome selon ses propres pratiques d’attaque et d’appropriation de
ressources ; c’est pour ça qu’ils étaient quelquefois des alliés difficiles à contenir.
L’objectif de ce travail est étudier les formes de collaboration militaire de
quelques groupes indigènes dans trois moments spécifiques. D’abord, on parlera de
l’impact de la guerre révolutionnaire sur les relations interethniques coloniales dans le
littoral du Virreinato du Río de la Plata, où des alliances militaires avec des groupes
indigènes proches se produisirent. Après, on s’occupera d’un espace délimité, la
province de Buenos Aires, pour décrire la particulière politique indigène implémentée
par le gouverneur de la province : l’usage des milices indigènes pour la défense de la
frontière et, plus tard, pour collaborer dans la répression des conflits internes. En dernier
lieu, on se concentrera sur la période d’Organisation Nationale (1862-1880), pendant
laquelle la politique avant mentionnée s’élargit vers des nouvelles parts du territoire
grâce à l’incorporation de milices indigènes dans les corps d’armée
défendant la
frontière.
Le procès révolutionnaire parmi les indigènes indépendants
Le mouvement révolutionnaire qui commença à Buenos Aires en mai 1810 eut
de sérieuses difficultés pour se consolider et pour maintenir l’unité territoriale du
Virreinato disparu. La séparation précoce du Paraguay et la tenace résistance des armées
royalistes dans le Haut Pérou, provoquèrent les premiers démembrements de l’espace
du Río de la Plata. Plus longue encore fut l’opposition trouvée par la direction
révolutionnaire de Buenos Aires dans l’autre rive du Río de la Plata -la Bande
Orientale-, où la résistance royaliste fut suivie par la désobéissance des révolutionnaires
orientaux, qui proposèrent un projet politique alternatif. Sous le leadership de José
Gervasio de Artigas ils formèrent un mouvement qui remettait en question l’orientation
centraliste de la direction de Buenos Aires, en gagnant le soutien politique de plusieurs
provinces. Cette confrontation augmenta son intensité vers 1814, quand un nouveau
8
BECHIS, M., « Fuerzas indígenas en la política criolla del siglo XIX », Goldman, N. et Salvatore, R.
(comp.), Caudillismos rioplatenses. Nuevas miradas a un viejo problema., Buenos Aires, Eudeba 1998.
gouvernement unipersonnel et clairement centraliste -le Directorio-, qui impulsa une
offensive tenace sur des territoires et villes hostiles, se consolida. Malgré le succès
initial de cette politique, vers 1819 les signes de décomposition du pouvoir du
Directorio étaient évidents, à cause de l’opposition croissante à sa politique centraliste.
Les provinces du Littoral (Santa Fe, Entre Ríos et Corrientes), avaient soutenu le projet
d’Artigas depuis 1815, moment où les armées orientales firent acte de présence là pour
se battre contre les armées du Directorio. On doit remarquer que le territoire de Santa
Fe fut intervenu en quatre occasions -les dernières en 1815 et 1819- ; cette situation
provoqua que l’espace littoral non seulement opposa la plus grande résistance au
gouvernement de Buenos Aires mais ce fut là où furent organisés les armées qui se
battirent militairement contre les armées du Directorio provoquant, en 1820, la chute du
gouvernement et, avec lui, la fin du premier essai d’organiser une structure politique
avec des prétentions nationales9.
Les conséquences et les coûts de l’effort militaire furent dévastateurs dans le
Littoral, non seulement par l’action des contingents militaires du Directorio et de Santa
Fe et de la Bande Orientale, mais aussi parce que, sur cette scène conflictuelle, de divers
groupes indigènes agirent aussi. L’intensité et les causes de cette participation furent
diverses et seulement dans quelques cas elles furent liées avec les projets politiques des
groupes opposés. Pour comprendre cette diversité on devrait considérer que la région
avait trois fronts de relations interethniques qui étaient arrivés à des situations
différentes à la fin de la période coloniale.
Dans le front oriental, à l’est de la rivière Uruguay se trouvait la zone des
villages jésuites de Yapeyú. Avant l’expulsion de la Compagnie et plus vite après ça,
une migration de sujets et familles originaires des misiones s’était produite ; alors, ils
s’intégrèrent autant parmi des paysans dispers que parmi des groupes d’« indiens
infidèles ». Simultanément, ils arrivèrent là aussi des paysans d’autres régions et des
groupes d’immigrants péninsulaires qui rapidement occupèrent toutes les positions du
pouvoir local. Ainsi, des bergers et des laboureurs créoles disputeraient avec ces
habitants indigènes le contrôle des terres10.
9
FRADKIN, R. et RATTO, S., « Conflictividades superpuestas. La frontera entre Buenos Aires y Santa Fe en
la década de 1810 », Boletín Americanista, 58, Barcelona, 2008, p. 273-293.
10
FRADKIN, R., « Los grupos sociales subalternos y la revolución en el litoral rioplatense », mimeo. (En
attendant publication.)
Dans le front occidental, à l’ouest de la rivière Paraná, les provinces de Santa Fe
et de Corrientes avaient des espaces frontaliers avec les indigènes du Chaco -région
habitée par des groupes natifs qui avaient résisté la domination coloniale avec succès et
maintenaient leur autonomie politique. Dans ces espaces, la défense du territoire
espagnol à la fin de la période coloniale reposa sur quelques forts pauvrement pourvus
et plusieurs misiones, d’abord jésuites, après franciscaines. Le fonctionnement réel de
misiones était loin des objectifs initiaux posés : la sédentarisation et l’évangélisation des
indigènes mocovíes et abipones. En réalité, ils fonctionnèrent comme un autre espace
d’appropriation de ressources. Tandis que peu de groupes s’installèrent définitivement
dans les reducciones, d’autres restèrent à l’intérieur du territoire en maintenant des
contacts sporadiques avec ces centres pour réaliser des échanges et, finalement,
quelques caciques combinèrent les avantages d’habiter dans la reducción pendant
quelques périodes avec des séjours plus ou moins prolongés hors du cadre d’action et
d’ingérence des curés doctrineros. Ces mouvements de hommes étaient d’accord avec
l’économie de la société indigène qui, pendant les périodes de pénuries, promouvaient
les affrontements et l’expansion vers de nouveaux territoires, et, pendant les périodes
d’abondance, s’approchaient des marchés coloniaux pour échanger leurs produits. À la
fin de la période coloniale il y avait une série de reducciones d’abipones et mocovíes
dans les deux rives de la rivière Salado (San Antonio Cayastá et Nuestra Señora del
Rosario) et, dans la côte de la rivière Paraná (San Javier, San Pedro, San Gerónimo del
Rey e Inspin)11.
En dernier lieu, dans le front sud de Santa Fe, les relations interethniques avec
les indigènes ranqueles étaient plus lâches et leur principal fondement était l’échange
qui, transgressant les mesures de contrôle qu’on voulut imposer à différents moments,
montrait un passage constant de partidas de commerce indigènes par la campagne
atteignant la ville de Buenos Aires, et aussi des commerçants hispano-créoles qui
s’approchaient des tolderías.
Avec le commence de la révolution dans la Bande Orientale, les indigènes et la
population marginale créole de l’est de la rivière Uruguay se joignirent aux forces de
Artigas comme miliciens, séduits par les idées d’Artigas, concentrés en des promesses
11
SANTAMARÍA, D. y PEIRE, J., « ¿Guerra o comercio pacífico? La problemática interétnica del Chaco
centro-occidental en el siglo XVIII. », Revista de Estudios Americanos, Tomo L, Nº 2, 1990 ; LUCAIOLI,
C., Los grupos abipones hacia mediados del siglo XVIII, Buenos Aires, Sociedad Argentina de
Antropología, 2005 ; NESIS, F., Los grupos mocovíes hacia mediados del siglo XVIII, Buenos Aires,
Sociedad Argentina de Antropología, 2005.
de remises de terres et dans la réversion des hiérarchies sociales. À partir de 1813,
l’avancée des armées portugaises, essayant d’occuper les terres des misiones provoqua
une pression si grande pour les indigènes que, la majorité d’eux, se joignirent comme
auxiliaires de l’armée orientale. Dans ce point, il faut remarquer que l’artiguismo
encouragea l’autogouvernement indigène et son inclusion dans le système politique des
villages libres. Cette autonomie se déplaça au commandement militaire, donc quelques
sujets se transformèrent en vrais leaders politiques et militaires avec du pouvoir
régional. Le cas plus clair de ce procès fut celui d’Andresito Artigas qui, vers 1815, était
l’articulateur régional du leadership d’Artigas et le responsable d’obtenir l’adhésion de
la totalité des misiones12.
Dans le front occidental du Chaco, le procès révolutionnaire dériva en le
démantèlement de plusieurs forts et misiones à cause de la nécessité d’utiliser leurs
ressources (bétail, hommes et armement) pendant la guerre. Les misiones étaient
d’importants centres d’approvisionnement de bétail pour les circuits d’échange
indigène, alors leur réduction à cause de la guerre d’Indépendance lésa certainement les
intérêts économiques des natifs. Les indiens qui restèrent chez les misiones survivantes,
furent l’objet d’attaques des autres misiones, de groupes indépendants du Chaco et des
blancs. Dans les deux premiers cas, la crise du système défensif frontalier avait relancé
d’anciennes rivalités, principalement entre des mocovíes et des abipones qui,
maintenant sans le contrôle de soldats ou prêtres, se battirent pour obtenir les rares
ressources.
Quelques groupes se joignirent aux armées révolutionnaires aussi mais leur
motifs n’étaient liés, comme dans le cas antérieur, au prêche égalitaire de l’artiguismo
ni commencèrent depuis le début des actions militaires.13
En 1815, le gouverneur de Santa Fe, Francisco Candioti, avait essayé
infructueusement de rétablir des relations pacifiques avec les groupes proches du
Chaco, mais la population marginale de la frontière qui combattait quotidiennement les
indigènes pour l’appropriation du bétail rendrait difficile la politique officielle. Le
successeur de Candioti, Mariano Vera, opta pour la politique inverse, en organisant une
campagne militaire conjointe avec Córdoba et Santiago del Estero dans le Chaco et en
12
FRADKIN, R., « Los grupos sociales subalternos y la revolución en el litoral rioplatense ».
RATTO, S., « Los indios y la revolución en el Rio de la Plata. El proceso independentista entre los
indígenas soberanos de Pampa y Chaco. », Bragoni, B. y Mata, S. (dirs.), Entre la colonia y la Republica:
insurgencias, rebeliones y cultura politica en América del Sur, Buenos Aires, Prometeo, 2008a
13
réorganisant les armés de Blandengues dans la frontière. Ces va-et-vient du
gouvernement provoquèrent que, jusqu’au 1818, les incursions sur le nord de Santa Fe
fussent habituelles. Mais, depuis la fin de cette année-là et sous le gouvernement de
Estanislao López, les milices auxiliaires du Chaco faisaient partie des armées
provinciales en recevant, pour la première fois, un paiement pour leur service. Ainsi,
quelques partialités échangèrent la franche hostilité par une étroite alliance avec les
autorités de Santa Fe14.
Pourtant, les alliances avec les indigènes de ce secteur n’étaient pas faciles à
contrôler. L’appropriation de ressources était une tactique centrale des contingents
indigènes et, en suivant ce que Bechis a dit, on peut dire qu’ils jouaient leur propre
guerre15. Dans tous les cas où des forces natives intervinrent, il y eut des plaintes de vols
« et excès » commis par eux après la finalisation de la bataille. Cette stratégie répondait,
dans quelques occasions, à un règlement de comptes de la part des mêmes indigènes qui
reflétait le type d’alliance qu’ils avaient formé. La participation des indiens du Chaco en
1815 est claire dans ce sens. Ils avaient établi une association précoce avec Artigas pour
l’aider à expulser les armées du Directorio pendant la première invasion à Santa Fe ;
mais, à la fois, la relation des natifs avec les habitants de Santa Fe demeura
conflictuelle. Donc, ils profitaient de la situation pour « venger » les affronts reçus.
Selon un voisin de Santa Fe, Crespo,
« la liberté qu’ils nous ont apportée, ça coûte très cher puisque non
seulement elle ne pouvait pas contenir aux indiens leurs alliés mais que à
la fin ils se sont retirés vers l’autre rive du Paraná, ayant pris avant
toutes les armes défensives qui avaient la province pour éviter que
Buenos Aires les prît et en nous laissant en pires conditions contre nos
indiens ennemis mortels et sans avoir n’importe quoi pour nous défendre
d’eux16 ».
14
FRADKIN, R. et RATTO, S., op. cit.
BECCHIS, M., op. cit., p. 301-303.
16
« Nos costó bien cara la libertad que nos trajeron pues no solamente no podía contener a los indios sus
aliados sino que a lo ultimo se retiraron a la otra banda del Paraná, habiendo antes llevado cuanta arma
defensiva tenia la provincia por temor de que Buenos Aires usaría de ellas y dejándonos en peor estado
con los indios nuestros mortales enemigos y sin tener con que defendernos de ellos. »
15
Ces vols peuvent être compris comme une façon de paiement ou compensation
acceptée par les chefs orientaux ou de Santa Fe. Battues les forces du Directorio pour la
quatrième fois avec la retraite de Viamonte en février 1818, López dut affronter un
danger interne : les excès commis par quelques uns de ses alliés à la propre Santa Fe.
« Ces ennemis domestiques étaient presque dans leur totalité les indiens
qui avaient dans l’armée de Campbell. Armés de sel, ils parcouraient
comme fantômes pendant la nuit toutes les maisons de famille sans
réussir leurs peureux propriétaires à ce que leurs propriétés fussent
respectées17. »
Le dernier front où il y eut de la participation indigène fut celui du sud de Santa
Fe -au nord de Buenos Aires. Pendant les premières années révolutionnaires la relation
interethnique s’était maintenue stable et l’échange continua avec la même intensité des
temps coloniaux. Mais vers le milieu de la décennie de 1810, elle commença à
expérimenter quelques ruptures. À l’intérieur du territoire indigène, de plus en plus de
réfugiés des armées royalistes et de déserteurs patriotes cherchèrent l’abri aux tolderías.
Ces personnages, dans quelques cas, se joignirent aux natifs dans les campagnes
d’appropriation de ressources sur les estancias frontalières pour, dans le cas des
déserteurs, obtenir leur approvisionnement et, dans le cas des royalistes, stimuler le
conflit.
En 1814, un événement lié directement à la guerre révolutionnaire augmenta les
changements que nous sommes en train de raconter. Dans cette année-là, la défaite
patriote de Rancagua impliqua la récupération du Chili par les royalistes et la migration
des patriotes chiliens à Cuyo. Les réfugiés chiliens étaient divisés en deux partis
irréconciliables : ceux qui appuyaient José Miguel Carrera et ceux qui appuyaient
O’Higgins. Le premier n’acceptait pas de se subordonner au général San Martín,
gouverneur de Cuyo et à charge de l’expédition qui était en train de se préparer pour
récupérer le Chile, alors, il présenta son propre projet d’expédition au Director
Supremo, Juan Martín de Pueyrredón. Ce dernier projet fut rejeté, donc Carrera décida
17
« Estos enemigos domésticos eran casi en su totalidad los indios que había en el ejército de Campbell.
Armados de sables recorrían como fantasmas por la noche todas las casas de familia sin lograr sus
temerosos dueños que fuesen sus propiedades respetadas. » FRADKIN, R. et RATTO, S., op. cit.
de se joindre aux caudillos du Litoral, Estanislao López et Francisco Ramírez, qui
étaient contre la politique centraliste de Buenos Aires. Mais pour les rejoindre, Carrera
devait traverser un étendu territoire indigène et obtenir des ressources pour entretenir
ses hommes. Pour réussir, il devrait faire des alliances avec les groupes natifs. Le chef
Pablo Levnopán, qui était arrivé récemment aux pampas de l’autre côté de la cordillère,
et avait établi des alliances avec des caciques locales devint son principal interlocuteur
parmi les indigènes.
Ainsi, au milieu de la décennie de 1810, il y avait dans le territoire indigène de
la Pampa des indiens de l’autre côté de la cordillère, les forces de Carrera et un nombre
de plus en plus grand de déserteurs en train de créer un nouveau réseau d’alliances et de
conflits à cause de l’occupation des espaces stratégiques et de l’appropriation de
ressources dont l’épicentre était le nord-est de l’espace indigène, dans les espaces
frontaliers du sud de Santa Fe et nord de Buenos Aires. Au début de la décennie de
1820, les campagnes d’appropriation de bétail sur les estancias frontalières devinrent un
grand problème pour les autorités provinciales. Dans la frontière de Buenos Aires, ces
attaques massives eurent l’expression la plus violente de ce problème avec le malón de
décembre de 1820, dans le village de Salto. Pendant ce malón les soldats de Carrera et
leurs groupes indigènes alliés jouèrent le rôle principal. À la suite de la défaite militaire
de Buenos Aires dans leur affrontement avec les caudillos du Littoral, Santa Fe et
Buenos Aires firent la paix en provoquant la rupture de l’alliance de López avec
Carrera. Sans appui, l’officier chilien décida retourner à son pays, mais il avait besoin
avant de s’approvisionner avec le bétail obtenu pendant l’attaque à Salto. L’attaque, en
plus, avait laissé une grande quantité de morts et captifs. Après l’incursion, Carrera
essaya de convaincre aux caciques de rendre les captifs, mais eux, selon le récit du
secrétaire de Carrera,
« ne furent pas d’accord parce que ce principe était contre le plus intime de
leurs habitudes guerrières et affectait le concept qu’ils ont de l’honneur. En
effet, l’honneur et les prestiges d’un indien sont jugés selon la suite de ses
captifs. Ils exterminent les hommes et s’ils ne s’emparent pas des femmes et
des enfants ils arrivent sans captifs et ils perdent leurs prestiges […] Et si
quelque chef, peu importe sa popularité, essayait de faire la guerre sans ce
droit, personne ne l’accompagnerait18 »
Dans cette description c’est évident que c’était difficile à se mettre d’accord sur
la façon d’agir pendant les incursions mixtes entre les forces de Carrera et celles des
indigènes. Selon l’officier chilien, prendre des captifs était un excès et une pratique
inhumaine ; selon les autres, c’était une caractéristique des entreprises maloneras qui
cherchaient à acquérir des ressources, autant le bétail que les personnes.
L’« affaire pacifique d’indiens » dans la province de Buenos Aires
Avec la chute du Directorio, le premier essai d’organiser territorialement
l’espace qui, antérieurement avait occupé le Virreinato du Río de la Plata finit. À partir
de ce moment, les provinces commencèrent un procès d’organisation autonome en
devenant, quelques-unes avec plus de succès que d’autres, des États autonomes.
L’expérience de Buenos Aires pendant cette période eut ce succès grâce aux ressources
générées par les revenus douaniers du port principal d’entrée et sortie des produits. Au
même temps, la demande croissante de produits de l’élevage par le commerce
international encouragea l’avancée territoriale vers l’espace indigène au sud de Buenos
Aires, pour augmenter la production éleveuse. Cette avancée provoqua l’hostilité des
groups natifs dépouillés de leur territoire, exprimé par un cycle de violence frontalière
qui s’étendrait jusqu’à la fin de la décennie de 1820. À partir de ce moment, une
nouvelle politique indigène fut implémentée : l’emphase mise jusqu’à ce moment sur
l’affrontement militaire fut abandonnée en échange d’un encouragement des relations
18
« …no estuvieron de acuerdo porque ese principio chocaba con lo más íntimo de sus hábitos guerreros
y afectaba al concepto que ellos tienen de la honra. En efecto, el honor y los prestigios de un indio se
juzgan por el sequito de sus cautivos. Exterminan a los hombres y si no se apoderan de las mujeres y
niños aparecen sin cautivos y se resienten mucho sus prestigios […] Y si algún jefe por muy popular que
fuera, tratara de hacer la guerra privándolos de ese derecho, nadie le acompañaría. » , RATTO, S., « Los
indios y la revolución en el Rio de la Plata. El proceso independentista entre los indígenas soberanos de
Pampa y Chaco. », Bragoni, B. y Mata, S. (dirs.), Entre la colonia y la Republica: insurgencias,
rebeliones y cultura politica en América del Sur, Buenos Aires, Prometeo, 2008a.
pacifiques. Cette nouvelle politique atteignit son expression plus importante pendant le
gouvernement de Juan Manuel de Rosas (1832-1852)19.
Cette politique fut nommée Negocio Pacífico de Indios (Affaire Pacifique
d’Indiens) et elle consistait, dans des termes généraux, à l’établissement de groupes
indigènes à l’intérieur de l’espace frontalier, proche des forts. Le système se soutenait
sur une base matérielle représentée par un très grand système de rations et cadeaux
qu’impliquaient trois niveaux. En premier lieu, il y avait de bons accueils, hébergement
et nourriture des groups indigènes qui circulaient à travers le territoire provincial par des
causes différentes : du commerce, des parlements avec des autorités créoles, etc. Dans
un deuxième niveau il y avait des rations mensuelles qui étaient remises périodiquement
dans les tolderías de frontière. Finalement, il y avait un troisième niveau : le remis de
cadeaux particuliers à quelques indigènes déterminés.
Les groupes indigènes établis dans la frontière firent divers travaux tout au long
de la période. Selon le gouverneur, la fonction principale des indiens établis au sud de la
province devait être : « aider à défendre la terre et les haciendas des indiens voleurs et
des mauvais amis20 ». Mais ils avaient plus d’activités. Dans une notification au
comandant du Fort Mayo, Felipe Julianes ajoutait que les indiens aux environs « sont
tous purement destinés […] en ce point pour le service de chasque21 » ; et aux mêmes
indiens du fort il leur communiquait qu’ils étaient destinés à tous les travaux « qui
soient offerts à V. S. au bien de la patrie et à celui d’eux mêmes 22 ». De l’autre côté, il y
avait une sorte de tours de travail indigène pour quelques activités dans la ville et dans
la campagne. Entre 1831 et 1832 et d’une façon assez régulière, des groupes indigènes
se dirigèrent vers les fours de briques de La Merced et de Catedral et vers la Chacarita
des Colegiales. Le travail rural aurait fait partie des obligations indigènes aussi23.
Cette diversité de travaux commença à se réduire vers la décennie de 1840,
moment à partir duquel la fonction principale devint l’aide militaire. Cette exigence
n’était pas fortuite mais l’expression d’un plus grand contrôle qui commença à être
exercé sur la société après l’année critique de 1839, quand des diverses événements
19
RATTO, S., « Una experiencia fronteriza exitosa: el Negocio Pacífico de Indios en la provincia de
Buenos Aires (1829-1852). », Revista de Indias, vol. LXIII, Nº 227, 2003.
20
« …alludar a defender la tierra y las haciendas de los indios ladrones y malos amigos. »
21
« …están todos puramente destinados […] en este punto para el servicio de chasque. »
22
« …que se le ofrezcan a V.S. al bien de la patria y al de ellos mismos. »
23
RATTO, S., « Una experiencia fronteriza exitosa ».
d’opposition au régime de Rosas encouragèrent une vigilance plus stricte de la
population et une vraie « militarisation » de la société s’est produite24.
On peut se demander sur l’envergure et les caractéristiques de cette aide
militaire. En ce qui concerne le premier point, et à travers des listes de revistas que
chaque commandant de frontière élevait au gouverneur, on peut voir que le pourcentage
des milices indigènes dans la défense de la frontière était énorme et dépassait
amplement les corps réguliers et miliciens créoles25. On prendre comme exemple
l’année 1836, particulièrement conflictuelle dans la frontière à cause du soulèvement
d’un groupe d’indiens frontaliers, situation qui provoqua quelques attaques.
Forces régulières, miliciens e indigènes dans la frontière de Buenos Aires, 1836
Fort
Forces
Milices
Indiens
Régulières
Totales par
amis
fort
Fédération
49 (6,5%)
290 (38,6%)
412 (54,9%)
751
25 de Mayo
54 (21,3%)
130 (43,5%)
89 (35,2%)
273
Tapalqué - Azul
22 (1,7%)
390 (29,7%)
899 (68,6%)
1311
Indépendance
20 (4,6%)
94 (21,7%)
320 (73,7%)
434
Bahía Blanca
672 (51,2%)
Sans miliciens
640 (48,8%)
1312
817
904
2360
Totales par type
de corps
Source: Listas de Revista, AGN, Sala 3, cajas 124, 125 y 126
Si on prend l’ensemble des forces utilisées pour défendre le territoire on peut
voir trois régions différentes en ce qui concerne ses ressources : la frontière nord (entre
Fédération et 25 de Mayo), le sud (Azul, Tapalqué et Indépendance) et l’extrême sud
(Bahía Blanca). Dans la première, il y avait un certain équilibre entre les forces
24
HALPERÍN DONGHI, T., Revolución y guerra. Formación de una elite dirigente en la Argentina criolla,
Buenos Aires, Siglo XXI, 1972.
25
RATTO, S., « Soldados, milicianos e indios de ‘lanza y bola’. La defensa de la frontera bonaerense a
mediados de la década de 1830 », Anuario IEHS, Nº 18, 2003, Universidad del Centro de la Provincia de
Buenos Aires, p. 123-152.
provinciales créoles (régulières et miliciennes) et les forces indigènes. Dans la frontière
sud, cet équilibre disparaît car les contingents indigènes doublent amplement les forces
provinciales. À l’intérieur de cette région le plus grand poids de la défense se trouve
sans doute dans la zone de Azul-Tapalqué et le Fort Indépendance semble fonctionner
comme réserve d’arrière-garde. Ce cadre semble montrer que l’avancée sur la frontière
aurait mené à ce que la zone de Tandil fût protégée des invasions et que la « porte »
d’entrée des malones se trouvât dans les deux premiers points. À Bahía Blanca la
relation est à l’inverse (il y a une plus grande participation de l’armée régulière), mais
l’importance des milices auxiliaires indigènes est très importante encore.
En ce qui concerne l’efficacité de l’utilisation de ces milices, les mêmes
contemporains eurent des opinions différentes. Dans un récit élevé après une bataille en
septembre 1836, provoqué par l’entrée d’un malón dans la zone de Tapalqué, le colonel
Manuel García, exprima, avec une vision ethnocentrique, la difficulté qu’il trouva pour
combiner une stratégie conjointe « parce que les indiens sont incapables de comprendre
ce qu’on leur dit »26, raison pour laquelle le militaire recommandait
« qu’ils agissent selon il fût convenable aux circonstances ayant présent
nous aider les uns les autres puisque s’il fût d’une autre façon ce serait
très facile de confondre les indiens amis avec les ennemis malgré le
badge que les nôtres portaient27 ».
Le colonel Echeverría, commandent du fort de Tapalqué coïncidait aussi avec la
désorganisation créée pendant l’attaque, alors, il suggérait que, dorénavant, les forces
fussent commandés par de différents personnes en réservant pour lui même la relation
avec les indigènes tandis que le chef qui fût désigné pour le canton se bornât à
commander ses forces. La proposition fut acceptée par Rosas, qui, pourtant, considéra
que pour améliorer le commandement, une fois organisée la milice indigène sous le
commandement direct d’Echeverría, il devait obéir au chef de la force créole afin que
26
« …por ser los indios incapaces de comprender todo cuanto se les dise… »
« …que operasen según combiniese a las circunstancias teniendo presente el auxiliarnos unos a otros
pues que de otro modo era muy facil confundir a los indios amigos con los enemigos a pesar de la divisa
que llebaban los nuestros. »
27
« en ouvrant de cette manière et en procurant procéder avec modération
et maturité ce n’est pas possible qu’il y ait cette contradiction ; c’est-àdire, V. une chose aux indiens et au chef de la division une autre, parce
que pour éviter cette situation, V. devez mettre toujours d’accord avec ce
chef et ne pas agir en contradiction à ce qu’on a accordé28 ».
Un mois après, en octobre 1836, une bataille entre les forces de Azul et
Tapalqué et trois cents boroganos envahisseurs produisit les mêmes critiques au sujet de
la conduite des indiens amis, cette fois exprimée par le colonel Pedro Ramos. Selon le
rapport du colonel Ramos,
« nos indiens [indiens amis] ne voulaient pas sortir de nôtre côté ni
charger parce que scandaleusement ils les obligeaient à retourner et ils se
mettaient dehors mon cadre jusqu’à ce que mon arrière-garde le cacique
Payne apparut et, en encourageant ses copains avec Quiñigual et à la tête
Bustos ils entrèrent dans la bataille29 ».
Le gouverneur, avec sa réponse, enleva l’importance du commentaire de Ramos.
Selon Rosas, la première réaction des indigènes était logique fondamentalement parce
que l’attaque s’était centrée dans leurs propres tolderías et il cherchait comme butin à
leurs propres familles30 ; et, d’autre part, il fallait considérer qu’ « il y a plusieurs années
que les pampas n’exercent pas et toute cette mosetonada de vingt à trente n’a pas
absolument des raisons pour connaître comment se battre et la façon de vaincre31 »32.
28
« …obrando de este modo y procurando proceder con tino y madurez no puede haber esa contradiccion,
es decir, U una cosa a los indios y el gefe de la division otra, por que para evitar esto, es que U debe
siempre ponerse de acuerdo con el referido gefe y no obrar en contradiccion a lo acordado. »
29
Ramos a Rosas, Tapalqué, 1 octobre 1836 (Archivo General de la Nación -désormais AGN-, X,25.2.5).
« …los nuestros [indios amigos] no querían salir de nuestro costado ni cargar por que escandalosamento
los asian volber y se nos metian dentro de mi cuadro hasta que para la retaguardia mia aparecio el cacique
Payne y alentando a sus compañeros junto con Quiñigual y a la cabeza Bustos entraron en pelea. »
30
Rosas dit: « es natural en el primer efecto de una sorpresa pues que asi son todos los indios cuando al
sorprenderlos se apodera el invasor de sus toldos y familias y como que no pueden tener orden… »
31
« …los pampas ha tambien muchos años que no se exercitan y toda esa mosetonada de 20 a 30 no tiene
absolutamente motivos para conocer la pelea ni el modo de vencer. »
32
Echeverría avait la même opinion quand il écrivit à Rosas que les indiens de Tapalqué étaient assez
habitués au travail dans les estancias qu’était difficile à les appeler pour former des milices auxiliaires
(Echeverría à Rosas, 3 mars 1836, AGN, X, 25.3.2).
Effectivement, il y avait plus de dix ans que la plupart de ces indiens habitaient
la campagne de Buenos Aires assez protégés des affrontements entre des tribus, si
communs dans le territoire indigène. Si on considère cette faute de pratique guerrière
des indiens, la réponse de Rosas inversait l’argument attirant l’attention sur le fait que,
malgré cette circonstance, les indiens avaient accompagné les forces provinciales et
avaient combattu contre les ennemis ; alors, il fallait seulement féliciter en son nom «
tous les caciques mayores, caciquillos et capitanejos […] pour le triomphe que nous
avons obtenu conjointement avec eux sur les ennemis 33 ». Ces expressions devaient être
accompagnées avec une fête pour célébrer le triomphe et, en plus, Rosas disait que les
mêmes Ramos ou Echeverría devaient féliciter chacun des caciques, caciquillos et
capitanejos avec la expresse indication de que la félicitation devait se donner « à chacun
à part individuellement quand V. ayez l’opportunité de pouvoir le faire sans que les
autres indiens le perçussent34 ».
Selon le gouverneur, la participation indigène sous la forme de milices
auxiliaires pour défendre la frontière et pour affronter les indigènes hostiles avait
démontré son efficacité. Cette constatation fit que, à partir de ce moment-là, les indiens
amis fussent utilisés comme des forces complémentaires pour réprimer des conflits
internes de la province. En effet, en octobre 1839, la nommée révolution des libres du
sud se produisit, dont l’épicentre fut Dolores, mais il y eut des ramifications dans
d’autres partis comme Chascomús. Pendant la répression de ce mouvement d’opposition
au régime, la conduite des indiens amis à côté des forces fidèles au gouverneur fut une
grande aide et ce fut bien perçu par Rosas35.
Le désordre provoqué par ce soulèvement dans le sud de la campagne fut profité
par les indiens amis, qui, dans leur retour aux tolderías, tirèrent parti de la situation en
s’appropriant de bétail alléguant qu’ils étaient des rodéos des « unitarios sauvages »,
même s’ils appartenaient autant aux soulevés qu’aux producteurs alliés avec le
gouvernement. Dans l’abondant courrier entre Rosas et les commandants de la frontière
du sud au sujet de ces vols il était présent un sujet essentiel de la politique d’ « affaire
33
« … los caciques mayores, caciquillos y capitanejos todos … por el triunfo que hemos obtenido en
union con ellos sobre los enemigos. »
34
La recommandation de féliciter chaque indien individuellement et d’une façon discrète était une
pratique commun de Rosas pour cristalliser l’idée sur l’existence de liens personnels qui l’aideraient à
créer une relation de confiance et obéissance personnelle. « …a cada uno aparte por separado cuando U
tenga oportunidad de poderlo hacer sin hacerse notar de otros indios. »
35
Sur les motives et le développement de cette révolution, voir GELMAN, J., « La rebelión de los
estancieros contra Rosas. Algunas reflexiones en torno a los Libres del Sur de 1839 », Entrepasados.
Revista de Historia, Nº 22, Buenos Aires, 2002.
pacifique » : quel était le coût qu’on pouvait raisonnablement tolérer en échange de
l’aide de ces renforts militaires? Autour de cette interrogation de diverses positions
surgiraient parmi le gouverneur et ses collaborateurs. Ces derniers, probablement
comme conséquence d’être plus proches à la conflictuelle réalité dérivée de ces vols -et
possiblement y habitués- proposèrent la nécessité d’exiger à travers tous les moyens
possibles la restitution du bétail volé qui, expressément, avait les marques des
propriétaires reconnus comme federales et fidèles au gouvernement. La position de
Rosas fut totalement différente. Le gouverneur préférait remercier la participation des
indiens pendant la répression, alors il opta pour ne pas utiliser
la force mais la
persuasion pour remporter la restitution du bétail volé et, en plus, ordonna la remise de
cadeaux « aux indiens qui n’aient pas commis de vols36 »37.
La période d´organisation nationale
En 1831, les représentantes des provinces de Santa Fe, Buenos Aires, Corrientes
et Entre Ríos s’étaient réunis pour organiser un pacte d’union auquel après se
joindraient d’autres provinces. Le Pacto Federal, signé à cette occasion, accordait la
délégation des relations internationales et de la guerre au gouverneur de la Province de
Buenos Aires, en se constituant, de fait, une Confédération de provinces. Cette
délégation de pouvoir était ratifiée par les autorités des provinces chaque fois que le
gouverneur de Buenos Aires commençait un nouveau mandat. Mais, au milieu de 1851,
le gouverneur d’Entre Ríos -Justo José d’Urquiza- publia un document où il exprimait la
décision de réassumer l’exercice des facultés déléguées. L’action d’Urquiza fut
accompagnée par d’autres provinces, en démontrant ainsi qu’elles voulaient réassumer
ses facultés et finir avec la prédominance de Buenos Aires, ce qui signifierait la fin de la
prédominance de Rosas, qui culminerait avec la bataille de Caseros, le 3 février 1852,
moment où les forces de la Confédération vainquirent les forces de Buenos Aires.
Mais cet événement ne mena pas à l’unification nationale. Juste après Caseros,
on décida la convocation d’un Congrès Constituant où participeraient toutes les
provinces, chacune envoyant deux représentants. La législature de Buenos Aires rejeta
ces dispositions parce qu’elle prétendait avoir plus de représentation dans le Congrès,
36
37
« …a los indios que no hayan cometido robos. »
GELMAN, J., op. cit., p. 134.
alors, après un soulèvement armé à la fin du 1852, Buenos Aires resta séparée du reste
des provinces pour plus de dix ans. Les batailles de Caseros et Pavón mirent fin à
l’affrontement, mais ce ne signifia pas l’organisation définitive mais encore un long
procès de plus de vingt ans pendant lesquels le gouvernement national dut affronter la
résistance des caudillos provinciaux, participer dans une guerre internationale -la
Guerre du Paraguay- et réaliser une campagne d’expansion territoriale vers des espaces
contrôlés par des groupes indigènes souverains.
Avec ce procès d’organisation nationale, on envisagea la création d’une armée
nationale constituée par l’armée de ligne et la Guardia Nacional. La première était
professionnelle et agissait sous le commandement suprême du président de la
république. La Guardia Nacional, en revanche, était intégrée par les mêmes citoyens
qui conformaient l’électorat car le devoir de s’enrôler était superposé avec le droit de
suffrage38. L’article 67 de la Constitution Nationale de 1853 établissait que la
mobilisation de ce corps devait se réaliser quand il fût nécessaire « contenir des
insurrections ou se défendre contre des invasions39 ». Cet article provoqua de longues
discussions au Parlement parce qu’un des motifs récurrents pour convoquer ce corps se
centrait essentiellement sur la nécessité de forces pour défendre la frontière. Plusieurs
députés et sénateurs argumentèrent que la lutte contre l’indien n’était pas parmi les cas
prévus par la Constitution comme « insurrection » -car ils n’étaient pas des ennemis
internes- ou comme « invasion » -car il faisait allusion aux puissances étrangères et les
indigènes ne pouvaient pas avoir l’entité de nation. Malgré la forte opposition contre
l’utilisation des Guardias Nacionales pour défendre la frontière, ce fut une des
fonctions habituelles du corps40.
Pourtant, c’était constant dans les rapports des commandants de frontière
l’indiscipline caractéristique des corps miliciens, leur faible intérêt à défendre « la terre
qu’ils habitent » et la nécessité de les remplacer le plus vite possible par des soldats de
38
MACÍAS, F., Armas y política en el norte argentino. Tucumán en tiempos de la organización nacional,
thèse doctorale, Universidad Nacional de La Plata, 2007 ; SABATO, H., Buenos Aires en armas, Buenos
Aires, Siglo XXI, 2008.
39
« …contener insurrecciones ó repeler invasiones. »
40
L’utilisation de voisins-miliciens pour servir dans la frontière a ses origines pendant les temps
coloniaux, et dans tous les cas la raison était la même : l’incapacité des gouvernements centraux pour bien
défendre la frontière. L’importance des milices ou Guardias Nacionales selon la période a été remarquée
pour des espaces différents. Sur Buenos Aires pendant le gouvernement de Rosas, consulter GARAVAGLIA ,
J. C., « Ejército y milicia: los campesinos bonaerenses y el peso de las exigencias militares, 1810-1860 »,
Anuario IEHS, 18, 2003, p 153-187 ; sur la frontière sud de Córdoba, consulter OLMEDO, E., « Fuertes,
ejércitos y planes militares en la frontera sur de Córdoba (1852-1876) », Rocchietti, A.M. y M.
Tamagnini (comps.), Arqueología de la frontera. Estudios sobre los campos del sur cordobés, Córdoba,
Universidad Nacional de Río Cuarto, 2007, p. 71-130.
ligne. En 1870, le ministre de guerre attendait que dans le courant de l’année, avec la fin
de la guerre du Paraguay, il fût possible de licencier les Guardias Nacionales qui
pendant cette période avaient été en charge de la sécurité des frontières et, ainsi, les
remplacer par des soldats de ligne41. Mais, trois ans après, avec le soulèvement de López
Jordán, la frontière dut rester une autre fois en charge des Guardias Nacionales, avec de
mauvais résultats, selon l’évaluation du ministère de guerre42.
Il est probable que, face aux problèmes que provoquait la tellement célèbre
indiscipline milicienne et la nécessité de destiner les corps de ligne vers d’autres zones
de conflit, on essaya de les corriger moyennant l’utilisation systématique de corps de
lanceros indiens en reproduisant la logique de la politique du Negocio Pacífico de
l’époque de Rosas. Au commencement de la période d’organisation nationale, les
principaux piquets d’indiens amis étaient dans la frontière ouest et sud de Buenos Aires
et dans le nord de la province de Santa Fe, où il y avait un piquet de lanceros de la
colonie du Sauce. Mais, au commencement de la décennie de 1870, la quantité de
soldats indigènes qui servirent militairement dans la frontière commença à augmenter et
leur utilisation commença à s’étendre vers de différents espaces.
Dans la province de Buenos Aires, leur incorporation à la défense frontalière se
généralisa. Ainsi, dans le fort General Paz, le général Boer informait au ministre de
guerre, Martín de Gainza, qu’il avait appelé les caciques Coliqueo et Raninqueo pour
les engager à l’ aider s’il en avait besoin, proposition à laquelle ils accédèrent : «
Raniqueo est celui que j’ai plus proche et le plus militarisé, il obéit à mes ordres avec la
plus grande exactitude, les deux fois que nous avons eu des menaces et que j’ai fait
sonner le canon d’alarme il a été dans le moment juste avec sa tribu43 ». Dans le fortin
Esperanza, le commandent Nicolás Levalle écrivait le 10 juillet 1870 au ministre que «
dans ces jours j’ai reçu plus de soixante-dix indiens pour le Bataillon N° 5 ème 44». Levalle
avait certains doutes au sujet de l’efficacité de ces forces puisque « ils sont extrêmement
rudes et un peu difficiles pour leur enseigner », pourtant, il ajoutait qu’ « il avait l’espoir
que par constance il réussirait à faire d’eux de bons soldats, utiles à la patrie, me servant
41
Memoria del Ministerio de Guerra, (en adelante MG), año 1870.
MG, 1874, p. L y LI.
43
« …Raniqueo es el que tengo mas inmediato y el mas militarizado, cumple mis ordenes con mas
exactitud, dos veces que hemos tenido amagos y que he tocado el cañon de alarma a estado en el
momento con su tribu. »
44
« …en estos dias he recibido setenta y tantos indios como altas para el Batallon No 5to. »
42
comme stimulus pour cela l’estime que V. E. a daigné me démontrer45 ». Plus au sud,
dans Pillahuinco, Francisco Borges notifiait que, des huit cents hommes qui
protégeaient la frontière sud, la moitié étaient des indiens de Catriel46, auxquels il avait
placé dans l’endroit avec d’autres cent hommes de la Guardia Nacional. En 1876, ils
s’incorporèrent au service de la frontière des piquets d’indiens amis dans les frontières
de San Luis avec soixante-quinze lanceros et au sud de Córdoba avec quatre-vingt-seize
soldats47.
Dans les traités de paix signés pendant la décennie de 1870, on spécifiait que les
indiens qui firent partie des unités militaires recevraient des salaires équivalents à ceux
de l’armée nationale. Pourtant, la réalité fut très différente et variait selon le groupe
affecté au service militaire. Dans la plus basse hiérarchie il y avait de l’uniformité et
tous les soldats et cabos indiens recevaient 3,75 pesos fuertes -un peso moins selon ce
que leurs égaux créoles recevaient- et les cabos entre 4,70 et 5 pesos, un salaire
équivalent à celui de l’armée nationale. Dans le dernier échelon de la hiérarchie
indigène figuraient les « garçons lanceros », catégorie qui n’avait pas d’équivalent dans
l’armée créole, recevant seulement 75 centièmes.
La relation différentielle entre le paiement des deux types de forces était plus
évidente chez les officiers. Par exemple, dans la rubrique de capitanejos, il y avait une
variation entre les mêmes groupes d’indigènes : les capitaines de la tribu de Chipitruz
recevaient 9,20 pesos ; ceux qui appartenaient au cacique Menelao recevaient 17 pesos ;
ceux qui servaient à Patagones 21 pesos ; et ceux qui intégraient le corps de lanceros du
Sauce 30 pesos. Ces différences pouvaient être en relation avec le type de service
accompli et/ou le gré de « fidelité » démontré par le groupe, situation plus évidente
quand on voit la rétribution des caciques. Par exemple, les chefs de la tribu de Chipitruz
recevaient 24,11 pesos comme salaire, une somme qui n’avait pas d’équivalent dans
aucune hiérarchie de l’armée nationale.
45
« …son rudo en extremo y algo difíciles para enseñar [sin embargo] tengo esperanzas que a fuerza de
constancia llegare a hacerlos buenos soldados utiles a la patria sirviendome de estimulo para esto el
aprecio que VE se ha dignado demostrarme. »
46
Le groupe pampa de Catriel était laquelle avait les relations diplomatiques les plus anciennes avec le
gouvernement de Buenos Aires, depuis le milieu de la décennie de 1820. Depuis son établissement dans
la frontière de Buenos Aires, il était au sud de la province, autour d’Azul-Tapalqué.
47
RATTO, S., « Fuertes, soldados y milicianos. El costo militar de las fronteras de Chaco y Pampa entre
1864 y 1878. », communication presentée dans les 3èmes Jornadas de Historia de la Patagonia, Bariloche,
2008a.
L’hypothèse antérieure est soutenue avec l’idée que, contrairement à la
mobilisation des Guardias Nacionales -une obligation des citoyens-, l’appel aux indiens
lanceros provenait de l’habilité de certains officiers pour convaincre certains caciques
en répondant à la nature des liens interethniques soutenus essentiellement sur des
relations personnelles. Cette situation est claire dans l’argumentation de l’officier
Borges au ministre quand il dit que
« je désire que Rivas arrive et comme moi tout le voisinage et les indiens
qui demandent quand il arrivera tout le temps […] j’ai suspendu l’envoi
des indiens que maintenant on a emprisonnés à la Blanca et j’ai fait ça
pour obtenir sans plus de travail et coût que Catriel me donnât le
contingent car il s’entête à ne pas les destiner48 ».
Et, effectivement, la résistance de Catriel pour concéder des contingents disparut
quand le commandent Rivas arriva à Azul. Le 20 août il eut une conférence avec Catriel
« et avec la meilleure volonté et décision accepta que nous envoyions deux cents de ses
indiens pour les distribuer dans les frontières sud et côte sud 49 ». Le commandent
devançait avec cette mesure une idée proposée pendant ces jours-là par le ministre de
guerre : relayer la Guardia Nacional de ce secteur avec des indiens de Catriel. Gainza
croyait que
« une fois relayés et licenciés les Guardias Nacionales les indiens
recevront le même paiement que celles-là et si comme je crois V. restez
content avec eux ils recevront des vêtements. Ils gagneront beaucoup
avec cette mesure et le gouvernement ne perdra rien car il leur donnera
la même somme qu’il donnait avant à la Guardia Nacional50 ».
48
AGN,VII, Archivo Gainza, leg 40, doc 5642, 19/7/71. « Estoy deseando llegue Rivas y como yo el
vecindario y los indios que a cada minuto preguntan por el […] he suspendido el destinar por ahora los
indios que tenemos presos en la Blanca y he hecho esto afin de lograr sin mayor trabajo y costo el que
Catriel me diera el contingente pues el se empeña en que no se los destine. »
49
« … y con la mejor voluntad y decision se prestó a que ensayaramos el envio de 200 de sus indios para
distribuirlos en las fronteras sur y costa sur. »
50
Buenos Aires, agosto 1871 AGN,VII, Archivo Gainza, leg 41, doc 5683. « …una vez reemplazados y
licenciadas las Guardias Nacionales los indios recibirán el mismo prest que aquellas y si como lo creo
sigue Ud contento de ellos recibirán vestuario. Ellos ganaran mucho con esta medida y el gobierno nada
pierde puesto que les da lo que era de la Guardia Nacional. »
Rivas avait la même idée :
« V. M. Ministre, savez comme moi, les déficiences naturelles de la
garniture servie comme il est fait et je peux pour cela vous assurer
aujourd’hui que les services de ces indiens seront plus efficaces dès
qu’ils comptent sur le principal élément pour l’active et prompte
mobilité de leurs forces. Ils portent tous d’excellents chevaux qui sont de
leur propriété. Avec une direction régulière, de la ligne extérieure de
fortins ces départements resteront complètement à l’abri des
déprédations des indiens voleurs avec grand apaisement de la G. N. de la
campagne et tranquillité de ses habitants qui commencent enfin à
récupérer leur confiance à la sécurité de la frontière51 ».
Ce remplacement ponctuel pouvait être le commencement d’un plan pour relayer la
Guardia Nacional en sa totalité du service de frontière52.
En juillet 1875, l’accord établi entre le gouvernement national et le cacique Juan
José Catriel signalait avec clarté l’engagement de plus en plus grand que les indiens
avaient comme des corps auxiliaires. En effet, l’accord établissait que
« Juan José Catriel avec sa tribu depuis ce moment est sous les ordres de
l’ Illustre Gouvernement National sous la condition de Guardias
Nacionales mobilisées et sa tribu restant en conséquence sujette aux lois
militaires et aux ordres immédiats des chefs désignés par le
Gouvernement, sans aucune restriction53 ».
51
Rivas à Gainza Azul, 24/8/71. AGN,VII, Archivo Gainza, leg. 41, doc. 5676. « U. Sr. Ministro, sabe
como yo, las deficiencias naturales de la guarnicion servida como se hace y puedo por eso asegurarle hoy
que los servicios de esos indios seran mas eficaces desde que cuentan con el principal elemento para la
activa y pronta movilidad de las fuerzas. Llevan todos excelentes caballos que son de su propiedad. Con
una regular direccion si quiera, desde la linea exterior de fortines estos departamentos quedaran
completamente a salvo de las depredaciones de los indios ladrones con gran alivio de la GN de la
campaña y tranquilidad de sus habitantes que felizmente comienzan a recuperar su confianza en la
seguridad de la frontera. »
52
Ibid.
53
« Juan José Catriel con su tribu desde este momento, se pone a las ordenes del Exmo. Gobierno
Nacional en la condición de Guardias Nacionales movilizada él y su tribu quedando en consecuencia
Les indiens devaient être organisés sous la forme de régiments et escadrons avec les
officiers proposés par le cacique au chef de frontière et ils recevraient les salaires « qui
correspondissent à leur classe et également à la troupe » et ils devaient aller à la zone de
la province où ils fussent envoyés54.
Réflexions finales
Dans cet article, on a concentré l’attention en trois moments où la participation
indigène avec les forces militaires créoles qui s’affrontaient avec des groupes hostiles
fut notoire. La manière dont ces milices auxiliaires furent incorporées aux troupes et la
façon d’agir fut très diverse selon le contexte sélectionné. On s’arrêtera maintenant sur
ces différences.
Dans la première période analysée, avec l’exception des indigènes originaires
des misiones de la Bande Orientale, les forces natives qui se sont incorporées à la guerre
révolutionnaire et civile, faisaient partie de groupes souverains qui avaient des relations
assez lâches avec la population hispano-créole, alors, leur action était le résultat des
raisons propres des groupes : garantir la provision de bétail pour les circuits d’échange
interethniques et avec le commerce hispano-créole.
C’était un fait très connu par les officiers qui cherchèrent leur aide et qui
attendaient, avec la participation de ces groupes, réunir une force de choc plus forte
pour collaborer dans les campagnes d’appropriation de ressources et d’intimidation des
ennemis. Pendant ces occasions, les milices indigènes agirent d’une manière autonome,
avec leurs propres chefs et leurs propres pratiques d’appropriation qui, à certaines
occasions, impliquèrent un coût qui excédait les objectifs de ceux qui les appelèrent. Tel
fut le cas quand les indiens du Chaco servirent comme auxiliaires d’Artigas et López
dans le territoire de Santa Fe, en provoquant le rejet de la population créole à cause de
leurs « excès ». Ce n’est qu’au milieu de la décennie de 1820 que la situation devint
stable, quand les gouvernements de Santa Fe et Corrientes firent la paix avec les
groupes du Chaco, où un des points discutés fut le compromis des derniers de défendre
sujeto a las leyes militares y a las ordenes inmediatas de los Gefes que le están destinados por el
Gobierno, sin restricción alguna. »
54
MG, 1875, p. 7. « …que correspondieran a su clase de igual modo que la tropa. »
la frontière, travail qui, à partir de ce moment-là serait rétribué moyennant le paiement
d’un salaire55.
Ce nouveau schéma de relations se consolida dans le deuxième moment analysé,
dans la province de Buenos Aires. Là, à mesure que le temps passait, les milices
indigènes deviendraient une force fondamentale pour bien défendre la frontière et elles
perdirent, à cause de cette fonction, l’autonomie avec laquelle elles avaient agi jusqu’à
ce moment-là. Chaque unité indigène avait ses propres chefs ethniques, mais quand
l’organisation d’une manière conjointe des mouvements d’attaque et défense fut
considéré nécessaire, les deux fonctions furent monopolisées par les officiers créoles.
Le succès relatif dans ce nouveau schéma défensif avait, malgré tout, quelques coûts.
D’un côté, l’adoption de pratiques économiques créoles avec le travail rural avait
produit l’abandon progressif de l’entraînement guerrier en générant, dans quelques cas,
la résistance à l’appel militaire. D’un autre côté, ces milices continuèrent à développer
leurs pratiques d’appropriation de bétail, autant quotidiennement qu’exceptionnellement
quand elles furent convoquées pour faire part de la répression de conflits internes. De
toute façon, on n’insistera jamais assez sur le fait que, pour le gouvernement de Buenos
Aires, ces coûts n’étaient pas excessifs si l’objectif central d’obtenir l’aide militaire des
indiens frontaliers était accompli.
Les changements les plus évidents arrivèrent dans le troisième moment analysé,
où on perçoit une plus grande intégration des milices natives à l’intérieur des armées
provinciale et nationale et où leur utilisation s’étendit vers de diverses juridictions
frontalières. Dans le contexte de formation de l’État National et de répression des
résistances internes, les indiens frontaliers durent abandonner l’autonomie dont ils
avaient joui jusqu’à ce moment-là. Contrairement à ce qui se produisit pendant la
période de Rosas, quand une appropriation démesurée de bétail de la part des milices
indigènes qui avaient aidé à attaquer un malón au nord de la province de Buenos Aires,
le commandent en charge de l’opération fut cité en justice pour avoir permis
l’événement. Les indigènes, pour leur part, durent accepter que les propriétaires du
bétail volé allassent aux tolderías pour récupérer leurs animaux56. Un point qui mérite
55
RATTO, S., « Los indios y la revolución en el Rio de la Plata. El proceso independentista entre los
indígenas soberanos de Pampa y Chaco », Bragoni, B. y Mata, S. (dirs.), Entre la colonia y la Republica:
insurgencias, rebeliones y cultura politica en América del Sur, Buenos Aires, Prometeo, 2008a, p. 143168.
56
Cette situation se produisit en 1872, quand le général Rivas commanda les forces que combattirent le
malón commandé par le cacique Calfucurá.
une étude particulaire c’est le projet du ministre de guerre Gainza pour remplacer, au
sud de Buenos Aires, la Guardia Nacional par des milices indigènes. Si la Guardia
Nacional représentait les corps de citoyens qui prenaient les armes pour défendre la
nation menacée, pourrait-on penser, alors, que ce projet est en train de dire que les
indigènes commencèrent à être considérés comme citoyens ? On croit qu’il n’y avait
rien plus loin dans l’idéologie des secteurs dominants de la période et qu’ils
employaient ce terme pour se référer aux milices indigènes parce qu’ils utilisaient
habituellement les guardias pour défendre la frontière. C’est un fait que le projet ne se
réalisa pas et que à partir de 1878, moment où les campagnes militaires d’occupation du
territoire indigène étaient dans sa dernière étape, le recours d’appeler les indigènes
diminua considérablement. Et, avec la fin de la conquête, les indigènes survivants
obtinrent un status de citoyenneté très restreint57.
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