Martine n`est plus… - Diálogo Mediterráneo

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Culture
Lever de rideau à Paris
Martine n’est plus…
Paris - Cartaghe :
voyage musical
« O lumière ! C’est le cri de tous les
personnages, placés dans le drame antique, devant leur destin.»
Albert Camus
FEFA M. SEIQUER
ilence à Paris, un voyage musical qui finit, Martine Cadieu nous
ouvrait un monde merveilleux, éblouissant, émouvant, sa sensibilité a traiter les sujets nous touchaient profondement, nous faisait
sentir et nous transmettait son emotion.
Son « Lever de Rideau à Paris » reveilla et créa dans Diálogo
Mediterráneo un interêt nouveau independant et nous a ouvert en
grand les portes de la Musique et du Theatre à Paris.
Insensiblement nous avons connu son amitié des musiciens et des
poètes, qui comme nous aimaient sa voix jeune et caressante.
La Musique avait saisi et pris Martine en plein, et soit a la radio, a la
television aux entrevues, Martine soulevait autour d‘elle la féerie
des mots magiques, des images et des sentiments, nous decouvrait
la lumiére de la voix, la correspondance musicale des couleurs. Elle
nous aprit a savoir écouter.
Martine savait ressortir les sentiments de l’interlocuteur, et sa confiance, ses entrevues representaient une reconaissance, une sorte
de legion d’honneur musicale a qui la recevait.
La merveille de suivre son emotion en écoutant a son coté un concert, une opera, se sentir, quoique proche, lointain de son niveau de
fée musicale. Et je reprends ici les mots de Jean Roy dans le preface des entretiens avec Henry Dutilleux « Ses romans ont une
demarche tres proche de celle des poemes. Avec douceur, glissant
comme insensiblement d’un jour a l’a ils unissent les etres, la musique, le paysage ».
S
PEDRO MARTÍNEZ SEIQUER
Née le 9 mars 1924 à Tunis, Martine Cadieu a publié des recueil de poèmes (“Soif”, “La Voix du soleil”) et plusieurs romans comme “Les Morts
intérieures” (prix Del Duca 1957) et “Soleils d’hiver”, couronné par
l’Académie française. Elle a produit des émissions sur France Culture,
France Musique ou RFI et écrit des pièces radiophoniques, de théâtre
ainsi que des arguments de ballets. Critique musicale aux Lettres françaises de Louis Aragon puis à la revue Europe, Martine Cadieu était
l’auteur de biographies de Mozart, Manuel de Falla mais aussi de Pierre
Boulez et Henri Dutilleux. Elle était une spécialiste de la musique italienne du XXe siècle, notamment des compositeurs engagés Luigi Nono
et Luigi Dallapiccola, dont elle avait adapté en français des opéras (respectivement “Intolérance” et “Ulysse”).
Colonne, rives sableuses, couvertes d’héliotropes et d’écume.
Terrasse sur la mer. Cyprès : Les ruines de Carthage sont plus jeunes
que nos chantiers de Paris, plus fraîche la musique malouf que la
Techno.
Au temps de Didon et Enée le monde renaît chaque jour, dans la douceur
menacée, le bleu, dense, devient éblouissement obscur. La mort est l’ombre portée de l’amour. Ce temps se prolonge. Musiciens savants et populaires ont chanté Carthage. Henri Purcell, le plus raffiné, Hector Berlioz tout
puissant, Moussorgsky fou d’amour…
Je suis née à Carthage. Comme ma mère était très angoissée, mon père
quitta l’aviation, accepta un travail de bureau, à Tunis, pour deux ans. Ma
fatma m’asseyait par terre, à l’ombre de l’unique palmier ; sur le gramophone, le même disque de musique arabe tournait. J’aime toujours cette musique et ne suis pas la seule. La Maison des Cultures du Monde est toujours
pleine pour les concerts de musique malouf comme est empli le Théâtre de
la Ville pour une chanteuse tunisienne ou des danses. Côté classique, Dido
et Aeneas au théatre des Champs Elysées, samedi 26 janvier 2002, direction musicale Paul Mc Creesh “ The Gabrieli Consort and Players ” version
concert. Les chœurs « L’Aria de Paris », et l’Orchestre de chambre de
Bernard Thomas préparent pour le 28 mai – en l’église Saint Germain des
Prés Didon et Enée.
Mourante, la Reine de Carthage, Didon, ne chante pas un long aria.
Cinq minutes pour un récitatif et un chant qui fait monter les larmes aux
yeux. Au Siècle d’Or, l’histoire fut exaltée une centaine de fois. La Didone
abbandonata, de Métastase connut une quarantaine de versions. Henry
Purcell nous frappe au cœur. Opéra court, souffle rapide, émotions, pudeur,
Dido et Aeneis créé en 1689, fut composé pour les jeunes filles de l’Ecole
Josiah Priest. Sur les traces de Shakespeare : bouffon et tragique.
Sorcières, élégies troubles... Innocence, frayeur.
William Christie ressuscite cet « opéra de chambre », en France où il dirige
Les Arts Florissants. Aimés du public, très présents au disque.(1)
1990: Un évenement. L’Opéra Bastille présente Les Troyens de Berlioz,
– cinq actes écrits d’après Virgile, entre 1856 et 1863 –, direction MyungWhun Chung . Berlioz n’entendra son opéra que bribes par brises, et enfin
coupé en deux. La Prise de Troie, Les Troyens à Carthage.
“ Trois fois se levant, appuyée sur son coude et trois fois retombant ”
Berlioz traduisait, lisait à haute voix. Les cris de sa sœur, de sa nourrice, de
ces femmes éperdues, cette agonie. Les lèvres me tremblèrent. Didon
cherche la lumière et gémit en la retrouvant ; je fus pris d’un frissonnement
nerveux, je m’arrêtai court.
Artículo publicado en Diálogo Mediterráneo nº 23, diciembre de 2001.
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Culture
Dans Les Troyens, classicisme retrouvé, inspiration mystérieuse. Ainsi le chant des paysans carthaginois, louant leur Reine ou le sombre chœur
des prêtres de Pluton. En 2003 la France fêtera
le bicentenaire de la naissance de Berlioz.
L’Orchestre de Paris, porteur de sa musique, inscrit déjà à son programme 2002 La Symphonie
fantastique, en mars, Le Requiem en Avril et l’on
travaille à un grand projet international. On
retrouvera alors “ Les Troyens ”, à Paris. Le 3°
tome de la Critique musicale de Hector Berlioz –
1837-1838 – vient de paraître.(2) Moussorgsky lui
aussi s’est tourné vers Carthage : Salammbô.
Sa correspondance, haute en couleur, vient
d’être publiée(3), cet opéra inachevé Le chœur
des Lybiens est très beau. Le peuple comme
toujours dans les opéras de Moussorgsky est le
vrai personnage. Immobile fierté, anxieuse résignation. L’Opéra Salammbô fut donné au Palais
Garnier en 1986.
Enfin, voici Salammbô, “ promise au sacrifice,
dans une Carthage baroque ”, de Philippe
Fenelon – né en 1952 – élève d’Olivier
Messiaen, créé à l’Opéra Bastille. Fénelon connaît l’élégance, la rigueur, le respect de Flaubert,
dont il adapte ce “ flamboyant roman ”. On sait
avec quelle passion et quelle minutie Flaubert
ressuscita Carthage. (4)
En 1982, Françoise Gründ et Chérif Khaznadar,
créerent à Paris « La Maison des Cultures du
monde », au théâtre de l’Alliance Française.
Spectacles de tous pays. Musiques traditionnelles. En 1985, ils décident de lancer leur propre
collection de disques. « Tout commence par la
nostalgie : Celle d’un départ, celle d’un adieu ».
Inédit : quatre vingt heures d’enregistrement, poèmes en arabe, pour la musique du Andalucimarocaine. Et puis la même longue aventure pour
la musique de Tunisie : « Anthologie du Malouf ».
Les 13 et 14 mars 2002, durant « le 6° festival
de l’Imaginaire », à la Maison des Cultures du
Monde : La Tunisie. Cheik Ahmed Jalman :
« Chants sacrés ». Ce chanteur qui a 36 ans vit
“ Salammbô chez Mâtho. Je t’aime ! Je t’aime ! ”
Théodore Rivière (1857-1912). Musée d’Orsay, Paris.
dans la vieille Médina de Tunis. Puis : « Chrara,
une création pour Calligraphie et corps » de Nja
Mahdaoui et Latifa Fekiri . Chrara veut dire étincelle ; La comédienne improvise une danse inspirée des graphismes du calligraphe tunisien.(5)
Au XI° siècle Abou Salt-Omaya, venu d’Espagne
(de Dénia) s’installe en Tunisie, à Mahdia. De la
Chute de Grenade (1492) à l’expédition d’Egypte
(1798) la musique arabe, sans contact avec l’ex-
térieur, croît comme un arbre sur ses propres
racines. Nous avons tout à apprendre, les «
découvreurs », nous aident. Ainsi la collection
Ocora – à Radio France –, dirigée par Pierre
Toureille. Ainsi l’Institut du Monde Arabe, le
Théâtre de la Ville et jusqu’aux cours de percussion au Conservatoire National de Musique de
Paris, à la Villette… MARTINE CADIEU
Notes:
1- Dido e Aeneas. Harmonia Mundi. Un livre : Purcell au cœur du Baroque. William Christie, Marielle D. Khoury. Gallimard (Découvertes).
2- Berlioz : Critique musicale, vol. 3.– 1837-1838– 620 pages. Directeur général Yves Gérard. Ed. Buchet Chastel.
3- Moussorgsky. Correspondance. Traduite, présentée et annotée par Francis Bayer et Nicolas Zourabichvili. Préface d’André Lischke.
4- Philippe Fenelon. Arrières pensées. Ed. Musica Falsa.
5- Maison des Cultures du Monde : 6° festival de l’Imaginaire, 5 mars-7 avril 2002. Alliance Française, 101 bld Raspail. 75006 Paris.
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