mondialisation-pays en voie de developpement

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Programme
Colloque International sur les Impacts Economiques et
Politiques de la Mondialisation
1er- 3 septembre 2004
Port-au-Prince, Haïti
Mercredi 1er septembre 2004
6:30 p.m. : Inscription
7:30 p.m. : Cocktail d’ouverture offert par le Recteur de l’Université Quisqueya,
le Dr Paul ST-HILAIRE
Jeudi 2 septembre 2004
8:00 a.m. : Inscription
8:30 a.m. : Cérémonie d’ouverture
Session I. 9:30 –10:45 : Conférences Inaugurales
Président : Professeur Narcisse Fièvre, Doyen Faculté Sciences Economiques et
Administratives et CREGED Université Quisqueya, Université d’Etat d’Haïti, AFEIEAL
et CEDIMES
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Professeur Claude Albagli, Directeur de l’Institut CEDIMES et Professeur à
l’Université Paris XII.
Thème : Inventaires et Itinéraires de la Pensée en Développement
•
Professeur Edison Morales Aldana, AFEIEAL, Directeur de Recherche,
Université de Zulia, Maracaïbo, Venezuela .
Thème :
Impacto de la Globalización sobre la Integración en América
Latina.
 Pause–café 10:45 –11:05
Session II. 11:05 –13:00
Président : Profesor Porfirio García Fernandez, AFEIEAL, Rector, Universidad
Autonoma de Santo-Domingo
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Professeur Jean-Gabriel Montauban, et Professeur Patrice Borda, LEAD,
Université des Antilles et de la Guyane, Guadeloupe : La mondialisation entre
sanctuarisation ou rejet ; où est la vérité ?
Professeur Maria Negreponti Delivanis, Ex-Rectrice Université Macédonienne et
CEDIMES : Les conséquences de la mondialisation sur la convergence des
pays en développement : le rôle des organismes internationaux.
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Profesor Efrain Vasquez Vera, Universidad de Puerto Rico : La inserción del
Caribe en la economía mundial.
Claude Elisma, CREGED Université Quisqueya, CEDIMES : Globalisation,
développement industriel et compétitivité.
 Déjeuner 13:00-14:15
Session III. 14:15 –15:45
Président : Profesor Ronald Garcia Soto, Presidente de AFEIEAL y Decano, Facultad de
Ciencias Económicas, Universidad de Costa-Rica
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Oscar Guerra Ford, AFEIEAL, Universidad Autonoma de Mexico : Los
resultados de NAFTA en México : una lección para el ALCA.
Profesor Jorge Luis Canche Escamilla, AFEIEAL, Universidad Autonoma del
Yucatan : Los impactos y efectos de la globalización en el sureste de México.
Profesora Estela Hernandez, AFEIEAL, Universidad Autonoma de Honduras: La
globalización y sus efectos en la economía de Honduras
Profesora Patricia Gillezeau, AFEIEAL, Universidad de Zulia, Maracaïbo,
Venezuela : Algunas consideraciones adversas de la globalización aplicadas a
los procesos integradores en América Latina y en el Caribe.
 Pause-café 15:45-16:00
Session IV. 16:00-17:30
Président : Professeur Jean-Gabriel Montauban, LEAD, Université des Antilles et de la
Guyane, Guadeloupe. .
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Professeur Joel Raboteur: Mondialisation et développement : les conséquences
sur les pays de la Caraïbe
Mario Murillo Oporto, AFEIEAL, Universad Mayor San Andrés de Bolivia: El
nuevo escenario de hidrocarburos en Bolivia y su inserción en la
globalización.
Professeur Andrej Kumar, Professeur Vinko Kandzija, Professeur Aleit Host,
Université de Kijeka, Croatie : L’indicateur des avantages comparatifs de
l’exportation de la Croatie et de l’Union Européenne.
Professeur Camille Chalmers, PAPDA et Université d’Etat d’Haïti : Libreéchange : idéologies, mythes et réalités. Le cas d’Haïti ou les effets
dévastateurs d’une libéralisation dogmatique.
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 19:00 Diner –Conférence
Président : Monsieur Jean-Claude Paulvin, Président Association Haïtienne
d’Economistes
•
Professeur Maria Negreponti Delivanis, Ex-Rectrice, Université Macédonienne et
CEDIMES
Thème : La mondialisation conspiratrice.
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Professeur Paul Latortue, Association Haïtienne d’Economistes et Doyen, Faculté
de Gestion, Université de Puerto-Rico
Thème : La ZLEA et la Caraïbe.
Vendredi 3 septembre 2004
Session V. 8:30 –9:30 Conférence Plénière
Président : Professeur Amos Durosier, Association Haïtienne d’Economistes et
Université d’Etat d’Haïti.
•
Professeur André Martens, CRDE, Université de Montréal, Co-Récipiendaire Prix
Al Fahsi (2001) en Economie du Développement du Réseau Analyse Economique
et Développement de l’Association Universitaire de la Francophonie :
Thème : Recherche Scientifique, Mondialisation et Développement : Enjeux et acteurs
Session VI. 9:30-11:00
Président : Profesor Pedro Rivera Guzman, Universidad de Puerto-Rico
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•
•
Professeur Helena Blasis, Professeur Vinko Kandzija, Professeur Mario Pecaric,
Université de Kinkajou, Croatie : Les institutions financières internationales,
diversités institutionnelles et politiques et leur impact sur le développement
économique des pays en transition.
Professeur Fred Célimène et Professeur Eryc Brys, CEREGMIA, Université des
Antilles et de la Guyane, Martinique : Marchés financiers et Globalisation :
vers un nouveau partage des risques.
Magalie Célestin, SOCABANK et Université Quisqueya : Libéralisation
financière et crise bancaire : une application au cas d’Haïti à partir d’un
modèle de probabilité.
Raulin Cadet, Université Quisqueya et CEDIMES : La réfome de la régulation
et de la supervision bancaire en Haïti : un transfert de savoir-faire.
 Pause-café 11:00- 11:15
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Session VII 11:15-12:45
Président : Professeur Ernst Bernardin , CREGED, Université Quisqueya et CEDIMES:
•
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Juliette Cordette, LEAD, Université des Antilles et de la Guyane, Guadeloupe :
Ouverture, migration et inégalité de revenus dans la Caraïbe.
Pedro Rivera Guzman, Université de Porto-Rico: Bootstrap to strapless : the
Puerto-Rican development experience.
Narcisse Fièvre, CREGED Université Quisqueya, AFEIEAL, et CEDIMES :
Intégration économique régionale et développement humain: défis et
perspectives pour Haïti au début du Nouveau Millénaire.
Professeur Vinko Kandzija et Professeur Nela Vlahinic Didzarevic : La position
de la Croatie dans le Sud-est de l’Europe: les effets du commerce et du
développement
 Déjeuner : 12:45-14:00
Session VIII. 14:00 – 15:30
Président : Professeur Fred Célimène, CEREGMIA, Unversité des Antilles et de la
Guyane, Martinique.
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Profesor Wilifrido Irias, AFEIEAL, Universidad Autonoma de Honduras :
Desarollo Interno y globalización.
Juliette Cordette et Eryc Edinval, LEAD, Université des Antilles et de la Guyane,
Guadeloupe : La globalisation : quel bilan pour le marché du travail
caraïbéen.
Amos Durosier, Association Haïtienne d’Economistes et Université d’Etat
d’Haïti : Globalisation et emploi : les leçons de l’expérience haïtienne.
Sergot Jacob, CREGED, Université Quisqueya : Réformes néo-libérales en
Haïti : cohérence, impacts sur l’économie paysanne et perspectives de
développement.
 Pause-café 15:30- 15:45
Session IX. 15:45 – 17:15
Président: Professeur Claude Albagli, Directeur de l’Institut CEDIMES et Professeur à
l’Université Paris XII.
•
•
Professeur Myrlande Manigat, Université Quisqueya : Les aspects juridiques de
la mondialisation.
Professeur Ernst Bernardin, CREGED Université Quisqueya et CEDIMES: Les
racines historiques de la globalisation dans la Caraïbe : situation économique
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•
et sociale du monde et de l’Amérique de la fin du quinzième siècle à nos
jours.
Professeur Frantz Piard, Université Quisqueya et Université d’Etat d’Haïti : Les
aspects politiques de l’intégration caraïbéenne.
Session X. 17:15-17:30 Synthèse du Colloque (AFEIEAL , CEDIMES , CREGED )
Session XI . 17:30 Clôture du Colloque
 Dîner de clôture : 20:00
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DISCOURS D’OUVERTURE DU COLLOQUE
Prononcé par le Recteur de l’Université Quisqueya,
Dr. Paul St-Hilaire
Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances,
Madame le Ministre du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme,
Monsieur le Président de l’Associaiton Haïtienne d’Economistes,
Monsieur le Président du Centre d’Etudes des Mouvements Economiques et Sociaux
(CEDIMES),
Monsieur le Président de l’Association des Facultés, Ecoles et Instituts d’Economie de
l’Amérique Latine et de la Caraïbe (AFEIEAL)
Monsieur le Doyen de la Faculté des Sciences Economiques et Administratives de
l’UniQ,
Mesdames, Messieurs les Doyens,
Mesdames, Messieurs les représentants d’universités-sœurs,
Mesdames, Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,
Depuis un peu plus d’une décennie, le processus de mondialisation s’intensifie en dépit
de la grande controverse qu’il soulève. L’évolution a pris une telle importance que le
phénomène semble être inéluctable. Quelle attitude adopter ? Un refus systématique ou
une adoption aveugle sans se poser de questions ?
Nous allons, pendant deux jours, à l’invitation de la Faculté des Sciences Economiques et
Administratives de lUniq et de l’Association Haïtienne d’Economistes, examiner les
effets de la mondialisation. Plusieurs expériences vont être exposées pour permettre de
fixer les idées.
Le terme « mondialisation » a certes donné lieu à diverses définitions, mais il renvoie
essentiellement à « l’intégration progressive des économies et des sociétés dans un cadre
commun ». Il est indéniable qu’aujourd’hui, les échanges ne sont plus ce qu’ils étaient.
Le développement extraordinaire de nouvelles technologies de l’information et de la
communication a voulu renverser de façon considérable la nature des échanges.
Considérant le mouvement d’intégration qui s’opère progressivement, il semble évident
que la mondialisation est inévitable si vrai que le terme est devenu familier dans le
langage courant de tous les jours.
En septembre 2000, lors du Sommet du Millénaire, presque tous les chefs d’Etat présents
ont admis l’importance de la mondialisation. Dans la déclaration dudit Sommet, on peut
lire : « le défi central auquel nous sommes aujourd’hui confrontés est de faire de la
mondialisation une force positive pour tous les peuples du monde. Si la mondialisation
propose de grandes opportunités, les bénéfices sont actuellement mal partagés et les coûts
inégalement répartis. Nous reconnaissons que les pays en voie de développement ainsi
que les pays en phase de transition économique se heurtent à des problèmes spécifiques
lorsqu’ils cherchent à répondre au défi qu’est la mondialisation. »
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Tout le monde semble admettre que ce processus pose un certain nombre de problèmes,
en particulier pour les pays du Tiers-Monde. C’est l’une des raisons qui ont poussé
l’Organisation International du Travail (OIT) à créer la commission mondiale sur la
dimension sociale de la mondialisation. L’une de ses responsabilités est d’identifier des
politiques qui « réduisent la pauvreté, encouragent la croissance et le développement
d’économies ouvertes et promeuvent le travail décent ».
Qu’on le veuille ou non, un tel phénomène est appelé à avoir des impacts considérables
non seulement sur la gouvernance politique des nations, mais même sur la façon de vivre
des individus. Vu sous cet angle, il convient de chercher à bien comprendr ele
phénomène de mondialisation, à bien étudier ses impacts pour les maîtriser. C’est dans
ce sens que la proposition la plus acceptée est d’en faire « un facteur de développement
durable ».
En conséquence, quand on parle de mondialisation et de ses effets, l’accent est souvent
mis sur les moyens d’obtenir un développement durable. Que ce soit le groupe de Rio ou
celui des 77, tout le monde pense qu’il faut « faire de la mondialisation un facteur de
développement durable » pour combattre la pauvreté. L’Union Européenne a même
suggéré de faire jouer à l’Organisation Mondiale du Commerce « un rôle plus actif pour
que la mondialisation soit davantage orientée vers le développement durable ».
La mondialisation représente donc un objet de préoccupations et ses impacts intéressent
beaucoup de gens. Pour certains, ils sont catastrophiques tandis que, pour d’autres, ils ne
peuvent être que bénéfiques. Le mieux est d’arriver à une analyse équilibrée faisant
ressortir les impacts positifs et négatifs.
Mesdames, Messieurs,
Le Rectorat de l’Université Quisqueya (UniQ) saisit cette occasion pour saluer l’effort de
participation de ses professeurs ainsi que de ceux de l’Université d’Etat d’Haïti à la
réalisation de ce colloque. Il leur présente ses remerciements.
Ce colloque permet à l’UniQ, d’une part, de consolider les bases d’une coopération
régionale qui a déjà donné de bons résultats et, d’autre part, d’ouvrir de nouvelles
perspectives.
En parlant de consolidation des bases de la coopération déjà existante, je veux surtout
souligner les rapports harmonieux qui se sont développés depuis environ une dizaine
d’années entre les Facultés de Droit et d’Economie de l’Université des Antilles et de la
Guyane ou plus particulièrement entre le CEREGMIA et le LEAD respectivement de la
Martinique et de la Guadeloupe et la Faculté des Sciences Economiques et
Administratives de l’Université Quisqueya. Je les remercie de leur collaboration et je
salue également leur forte participation à ce Colloque.
S’agissant de nouvelles perspectives de coopération, je veux me référer d’abord à la
présence de la forte délégation de lUniversité Autonome de Santo Domingo. Les
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contacts qui vont être établis durant ces deux jours entre les deux Rectorats devront
permettre des pistes de coopération.
Je veux aussi souhaiter une ouverture de l’Université Quisqueya vers les pays de
l’Amérique Latine à travers l’Association des Facultés, Ecoles et Instituts d’Economie de
l’Amérique Latine (AFEIEAL) représentée sur la table par le Secrétaire Général, le
Professeur Oscar Guerra FORD de l’Université Autonome de Mexico. Nous devons
profiter de cette rencontre pour nous rapprocher davantage dans le domaine de la
coopération universitaire.
Ce Colloque, rappelons-le, est organisé en partenariat non seulement avec l’AFEIEAL,
mais aussi avec le CEDIMES, le Centre d’Etudes Internationales des Mouvements
Economiques et Sociaux dont je salue la présence du Président parmi nous, le Professeur
Claude ALBAGLI de l’Université Paris XII.
Je veux souhaiter que la récente création du Réseau CEDIMES-Haïti dirigé par le
Professeur Narcisse FIEVRE, Doyen de la Faculté des Sciences Economiques et
Administratives de l’UniQ et les contacts pris par ce dernier avec la direction du
CEDIMES produisent à terme des résultats intéressants en matière de coopération au
niveau de la recherche et de l’enseignement.
Mesdames, Messieurs,
Il est à espérer que ce Colloque permettra d’avoir une idée plus claire de ce qu’on doit
attendre de ce processus de mondialisation et de voir comment l’utiliser de façon à ce que
son évolution soit la plus bénéfique que possible et conduise à un monde meilleur,
profondément solidaire dans le respect des uns et des autres.
Je vous remercie tous, amis francophones et hispanophones de la Caraïbe, de l’Amérique
Latine, de l’Amérique du Nord de l’Europe et concitoyens haïtiens, d’être avec nous ce
matin.
Je déclare donc ouverts les travaux du « Colloque International sur les Impacts
Economiques et Politiques de la Mondialisation » et vous souhaite de fructueux
échanges.
Paul SAINT-HILAIRE
Recteur de l’Université Quisqueya
2 septembre 2004
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Les impacts Économiques et Politiques de la mondialisation
Intervention du Premier Ministre, Gérard Latortue
Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances,
Monsieur le Président de l’Association des Économistes Haïtiens,
Messieurs, Mesdames les Recteurs, Doyens, Chercheurs, Professeurs et Universitaires de
la région,
Chers amis,
C’est un plaisir pour moi de participer à l’ouverture de ce colloque international sur les
impacts économiques et politiques de la mondialisation.Je suis heureux de le faire au
moins pour 3 raisons.
La première, parce que je suis aussi membre de l’Association des Économistes Haïtiens.
Quoique membre délinquant d’après ce que le Président de l’Association vient de
m’annoncer ce matin, ma délinquance est dûe au fait que j’ai changé d’adresses
électroniques, ils ne l’ont pas su, donc ils m’ont envoyé toutes mes correspondances à
mon ancienne adresse électronique et je promets ce matin de reprendre ma place normale.
La deuxième raison pour laquelle je suis heureux, c’est que ce colloque est organisé par
l’Université Quisqueya, cette Université avec laquelle j’ai toujours tissé des liens très
particuliers surtout depuis le temps où j’étais Secrétaire Général de l’Association des
Universités de la Caraïbe et que mon ami Jacques Edouard Alexis était à l’époque le
Vice-Président, je suis très heureux de le voir dans cette salle et je salue sa présence ici
avec nous. C’est une Université qui est très proche de mes propres inspirations pour voir
un jour les universités privées jouer un rôle de plus en plus important.
La troisième raison, c’est peut être la plus importante. C’est que cette réunion se tient en
Haïti, je crois que Haïti pendant trop longtemps est resté isolé du reste du monde et tout
particulièrement de la région Caraïbe et de la région Amérique Latine et trop d’Haïtiens
se mettent en tête que Haïti c’est un pays particulier qui se réfère toujours à cette notion
d’Haïti, singulier, petit pays. Mais certainement pour beaucoup d’entre nous qui avons
vécu à l’étranger pendant longtemps, nous nous sommes rendus compte que cet isolement
permettait simplement de continuer un état de choses qui ne facilitait que la dégradation
constante de l’économie Haïtienne. Il faut que de plus en plus les haïtiens se retrouvent
avec leurs collègues de la région, de l’Amérique Latine et aussi du reste du monde pour
s’ouvrir aux grandes mutations qui s’effectuent aujourd’hui dans le monde contemporain.
Donc je suis heureux que tous nos collègues économistes haïtiens auront l’occasion
pendant ces deux jours d’être avec des collègues de l’Amérique Latine, de l’Europe de la
Caraïbe et discuter ensemble des problèmes qui affectent la vie de plusieurs millions de
personnes dans le monde entier.
Je dois donc remercier la Faculté des Sciences Economiques et Administratives de
l’Université Quisqueya et l’Association Haïtienne des Économistes de cette invitation qui
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me permet d’abandonner durant quelques heures les soucis majeurs de ma fonction et de
me replonger dans le monde universitaire.
Je salue la présence des Collègues Economistes de l’Association des Facultés, Ecoles et
Instituts d’Economie de l’Amérique Latine et de la Caraïbe, de l’Institut CEDIMES, et
ceux qui sont venus d’Amérique du Nord pour participer à cette tâche collective de
réflexion et d’analyse autour des incidences économiques, sociales et politiques de la
globalisation surtout de notre région. Mon intervention va se circonscrire à présenter la
vision du Gouvernement en ce qui a trait à l’insertion d’Haïti dans le processus de
globalisation.
Je vais tenter de partager avec vous l’état de la réflexion du Gouvernement que je dirige
relativement au positionnement d’Haïti dans cet environnement de mondialisation et de
globalisation . Je crois que le moment est passé de se demander si on est pour ou contre
la globalisation, je crois que c’est un état de fait, il existe et notre tâche, c’est de voir
comment nous adapter à cette situation et tirer le meilleur bénéfice possible tout en
évitant tous les problèmes connus de la globalisation dans les pays en développement en
particulier.
Je crois qu’un rappel du contexte historique et les dominantes du phénomène de la
globalisation aujourd’hui sont nécessaires. Vous savez tous que depuis les premiers jours
de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492, la volonté des
entreprises privées d’élargir leur base de production de biens et de services, a donneé
naissance à un vaste mouvement de conquête de marché de matières premières, de
recherche de main d’œuvre comme base d’accumulation de la richesse et de la
croissance. Nous sommes passés ensuite à l’étape de la mondialisation qui se caractérise
par l’existence de plus de dix mille ( 10 000 ) multinationales contrôlant quelques quatre
vingt dix mille ( 90 000 ) filiales étrangères avec les cinq cent ( 500 ) plus grandes
assurant à elles seules plus de 80% des investissements directs et étrangers. Depuis lors,
ces firmes multinationales ont accéléré leur concentration à travers des opérations de
fusion et sont devenues de vrais empires dont les plus gigantesques ont des chiffres
d’affaires supérieurs au produit national brut de beaucoup de pays.Enfin, nous vivons
aujourd’hui l’étape de la globalisation dans laquelle les acquis de la mondialisation
économique sont consolidés par l’extension de ces principes directeurs de la modélisation
aux problèmes d’environnement politique, institutionnel, social et culturel. La
globalisation affecte aujourd’hui non seulement l’économie mais l’ensemble des secteurs
d’activités humaines : information, musique, cinéma, littérature, poésie. C’est tout le
monde qui devient un petit village planétaire.
L’ordre économique international a beaucoup changé en matière de commerce
international, de finance, de développement économique et social et aussi de protection
de l’environnement. Vous vous rappelez certainement que depuis la création du Groupe
des 77 dits Groupe des non-alignés en 1964 et la chute du Mur de Berlin en 1989, la
demande des peuples venant des sociétés en développement s’est faite de plus en plus
forte pour une meilleure répartition des fruits de la croissance mondiale.
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Dans leur hémisphère et plus particulièrement dans la Caraïbe, beaucoup se plaignent de
la décennie perdue pour parler de la période des années 80 au cours de laquelle les pays
en développement reçurent moins pour leur exportation tout en payant beaucoup plus
cher leurs importations. Cette tendance s’est poursuivie et on a vu dans le domaine
financier avec la crise dans les pays asiatiques en 1997 comment la globalisation pouvait
être une entrave au développement. Par exemple on a vu des banques étrangères réduire
leur financement à certains pays et provoquer une instabilité macro économique. La
globalisation a nombre d’effet pervers dans certains domaines, tels que celui de la
privatisation sans s’assurer d’un environnement de concurrence et de réglementation, les
suppressions d’emplois et les incidences en terme de troubles sociaux comme la violence
urbaine, l’augmentation de la criminalité et un mécontentement politique dans beaucoup
de pays en voie de développement.
La globalisation n’arrive pas encore à assurer la gouvernance des marchés mondiaux. Par
exemple, on se rend compte que l’Organisation Mondiale du Commerce n’arrive pas à
empêcher la collusion des cartels internationaux pour faire augmenter ou diminuer les
prix selon leurs besoins, selon leurs intérêts. Les cartels s’arrangent pour toujours limiter
la concurrence et faire augmenter les prix et augmenter aussi leurs bénéfices. Malgré la
globalisation, les cartels ont pu arriver à faire payer des surcoùts dans l’ordre de vingt à
vingt cinq milliards de dollars par an au consommateur des produits les plus essentiels.
Dans d’autre cas, les cartels baissent les prix de certains produits pour bloquer la
concurrence. C’est ainsi que les entreprises du Brésil qui avait commencé à développer
l’industrie des biens d’équipement dans le secteur électrique firent faillite.En effet, toutes
les Entreprises faisant parti du cartel des biens d’équipement Halstom, Siemens ont
systématiquement proposé des prix très bas à tous les appels d’offres internationaux de
1930 à 1980 pour faire échec aux entreprises brésiliennes. On a vu des exemples pour des
cartels qui sont appuyés par leur gouvernement pour défendre leurs intérêts. Par exemple
le Gouvernement Américain a appuyé la constitution du cartel de l’aluminium à travers
une alliance entre le Gouvernement Russe et la compagnie aluminium américaine Alcoa
qui s’entendait avec ses concurrents Alcan et Pechinnei. Je me rappelle du temps que
j’étais Directeur à l’Organisation des Nations-Unies pour le Développement Industriel, à
toutes les rencontres internationales, pour augmenter la participation des pays du Sud
dans certains sous secteurs industriels, l’opposition que nous avons rencontré de la part
des pays du Nord, supportés par leur gouvernement a réduit considérablement les chances
de développement industriel des pays du Sud. Heureusement, il y avait les grands pays du
Sud tels que l’Inde, le Brésil, appuyés souvent par la Chine qui nous permettaient, nous
autres, au niveau de l’ONUDI, de contrecarres les pressions qui s’exerçaient du côté de
certaines grandes entreprises occidentales. Il faudra peut être rappeler certainement qu’à
l’époque, les pays du bloc socialiste, c’était encore à l’époque de l’union Soviétique,
appuyaient et ont appuyé très fortement les demandes des pays du Sud.
Mais aujourd’hui, pour Haïti, que faire face à cette globalisation ? Je crois que la
première chose à faire c’est de mettre de l’ordre dans la maison Haïti. C’est la première
étape pour une bonne insertion dans le processus de globalisation. Haïti se situe à l’écart,
complètement à l’écart de la tendance mondiale vers une amélioration mondiale du bien
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être des populations. Les mauvais choix économiques effectués au cours de ces trente
dernières années, la dégradation de l’économie depuis 86, l’embargo de 91 à 94 et la
stagnation des années de 2001 à 2004, ont complètement cassé les structures de
l’économie nationale. La paupérisation provoqué par cette situation a culminé dans un
produit intérieur brut annuel, par tête d’à peu près de $ 360.00 américains en 2004,
faisant d’Haïti le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental. Cette situation explique
aujourd’hui 2/3 de notre population qui est à un peu plus de 8 millions d’habitants vive
Sous le seuil d’une pauvreté presque absolue.
Face à un tel tableau il importe de mettre de l’ordre dans les affaires du pays pour que les
firmes multinationales qui sont les faire de l’ordre de la globalisation trouve un cadre
d’insertion qui permet au pays de bénéficier des apports des investissements directs. Cela
commence d’abord par la résolution de l’instabilité politique chronique. Difficile tache,
presque impossible, tellement les Haïtiens ont été habitués à une forme d’instabilité
politique, par moment, j’ai l’impression qu’il y a des groupes sociaux qui peuvent même
pas tolérer quatre ou cinq mois de stabilité, il faudrait qu’ils retournent à une autre forme
d ‘instabilité. Nous veillerons pour que cette fois-ci, cette transition qui a commencé
puissent être mené à fin et permettre qu’un gouvernement élu, l’année prochaine puisse
nous succéder et continuer à mener le pays vers une plus grande stabilité politique.
Après l’instabilité politique, il nous faut aussi un assainissement de nos finances
publiques, impossible de décrire ce matin devant vous, l’état de nos finances publiques.
Heureusement et je salue dans cette salle, la présence de notre ministre de l’économie et
des finances, pour la tache presque impossible qu’elle se livre aujourd’hui pour assainir
les finances publiques, s’assurer que toutes les recettes de l’état parviennent finalement
au trésor public et veille à ce que toutes les dépenses soient des dépenses justifiées, tant
au point de vue de l’emploi pour éviter des dépenses inutiles auquel le pays
malheureusement a été habitué. Ce n’est pas une tache qu’il pourra mener seul,
certainement au niveau du ministère de l’économie et des finances, nous veillerons à ce
qu’il soit assisté aussi d’une équipe d’hommes et de femmes, comme lui, convaincus de
la nécessité de continuer l’effort d’assainissement des finances publiques.
Il nous faudra aussi formuler avec la participation de tous les acteurs nationaux,
notamment de la société civile, du secteur privé, une stratégie, de réduction de la
pauvreté. Là encore, je crois que nous avons un chemin très long à parcourir et
personnellement, j’aime bien dire que cette stratégie ne doit pas être seulement une
stratégie de réduction de la pauvreté, mais aussi, pourquoi ne pas le dire, une stratégie de
création de richesse. J’ai comme l’impression que dans certains secteurs dans le pays,
certains ont peur de dire qu’ils veulent travailler pour devenir riche. La richesse en elle
même n’est pas un péché pourvu qu’elle soit pas le résultat de la corruption ou du vol et
surtout que les gens comprennent, avant de parler d’une distribution de la richesse il faut
d’abord la créer et c est là, je crois qu’il y a toute une stratégie à mettre en œuvre et peut
être tout un effort à faire pour donner une plus grande importance relative à la richesse
qui comme je le dis n’est pas un mal en soit. Et enfin pour tirer bénéfice aussi de tout ce
que nous pouvons tirer de la globalisation, il nous faudra ici en Haïti nous habituer à
avoir des gouvernements légitimes, élus à travers d’élections libres, transparentes et
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démocratiques. Là encore, le chemin à parcourir est très long, on dirait que nous n’avons
pas l’habitude d’organiser des élections libres, démocratiques et transparentes. Je le vois
parfois même au cours de l’élection d’un club de football, d’une association, n’importe
laquelle, celui ou celle qui a la responsabilité d’organiser ces élections essayent toujours
de la diriger dans le sens de ces intérêts propres.
Aujourd’hui, le gouvernement est décidé à organiser l’année prochaine, des élections
qu’il souhaiterait être libre, démocratique. Et à ce point de vue, le conseil électoral
provisoire ( CEP ) qui a été crée, a reçu de notre part, la garantie de fonctionner en toute
indépendance du gouvernement. Et c’est peut être une des rares fois que nous allons
organiser en Haïti des élections au cours desquelles, le gouvernement en place n’a aucun
intérêt, personne de ce gouvernement ne sera candidat aux prochaines élections, aucun
membre de ce gouvernement n’acceptera une fonction quelconque dans le gouvernement
qui sortira des urnes. Parce Que nous pensons que si nous voulons attirer des
investissements productifs au pays, il faut que ceux qui investissent aient la garantie que
l’état haïtien sera un état légitime, non contesté et capable d’assurer la défense de leurs
intérêts aussi.
C’est avec l’établissement d’un tel climat que nous pourrons contribuer à donner un
contenu humain à la globalisation en Haïti. Et pour que la globalisation soit source de
progrès économique, pour qu’elle puisse contribuer à la réduction de la pauvreté et
constituer une source de richesse pour les Haïtiens, il importe et il faut le répéter, il
importe de revoir l’organisation sociale de notre pays en encourageant l’intégration
nationale, pour cela, Haïti ne peut plus continuer d’être un pays dans lequel disons 2% de
la population contrôle ou accapare 46% du produit national et ou 80% perçoivent un
revenu par habitant inférieur à $ 100.00 par an. Il importe de lancer un grand débat
national de restructuration de l’économie haïtienne, tenant compte de l’agriculture qui
représente encore l’épine dorsale de la population, nous ne pouvons que signaler
comment l’agriculture représente constitue plus de 30% du produit domestique brut, plus
de 50% de nos exportations et 70% du taux d’occupation de la population. Investir dans
l’agriculture pour augmenter la productivité, n’est pas une simple question économique,
mais aussi une question de cohésion nationale de donner un peu plus de dignité à la
grande majorité de nos paysans. Nous devons pouvoir produire au moins une grande
partie des produits que nous consommons, aujourd’hui, malheureusement, nous
importons de la banane, des citrons, des oranges. C’est pas possible, nous allons prendre
des mesures pour pouvoir restructurer l’agriculture haïtienne et augmenter la production
agricole et contribuer un peu plus à un plus grand contrôle de nos besoins alimentaires.
C’est un secteur stratégique duquel dépend, le développement à long terme d’Haïti, étant
donné que le comportement des entreprises multinationales dépend aussi en grande partie
des caractéristiques nationales, Il importe de mettre l’accent sur ces caractéristiques afin
de pouvoir participer pleinement à la globalisation tant au niveau du commerce
international, des marchés financiers que dans celui des investissements directs à
l’étranger. Et pour que les flux de commerce, les mouvements de capitaux et les
investissements industriels ne se détournent pas de nos rivages et viennent en Haïti
comme ça se fait dans les pays voisins, Haïti doit pouvoir offrir un meilleur
13
environnement politique, social et économique. Nous devons créer un climat qui favorise
ses investissements, protéger la propriété, établir le cadastre, éviter que des bandes de
bandits envahissent les propriétés des individus et des entreprises, que l’ordre public soit
assuré et la sécurité publique soit garantie.
Contrairement à la politique mener antérieurement qui a consisté à subir les effets de la
globalisation, il importe de mettre en place des structures qui nous permettront de culotter
cette globalisation et de l’emmener dans le sens de la défense des intérêts nationaux. Il
importe de bien comprendre le moment que nous vivons en Haïti pour faire les bons
choix afin de permettre au gouvernement qui prendra fonction le 7 février 2006 de
pouvoir passer à une autre étape dans le processus de modernisation des structures
politiques, économiques, sociales et culturelles d’Haïti. Mais tout ceci voudra dire aussi
que Haïti s’implique d’avantage dans une politique d’intégration régionale, nous pensons
qu’une approche régionale et même continentale est importante pour Haïti dans la
conduite d’une politique d’insertion dans la globalisation. Dans cette politique
d’intégration nous regarderons toute suite vers l’Est, nos voisins, la République
Dominicaine, nous pensons que le moment est venu pour nous et surtout depuis l’arrivée
de la nouvelle équipe gouvernementale à Santo Domingo que nous devrions nous asseoir
avec cette nouvelle équipe pour discuter des conditions d’une coopération économique
dans l’intérêt mutuel des deux pays qui se partagent l’île. Et cette coopération doit
pouvoir se faire sans complexe, en toute liberté et surtout dans la recherche de le
mutualités des intérêts. Je me rappelle il y a déjà plus de 30 ans quand j’étais professeur a
l’Université Interaméricaine de Porto Rico, avec des amis dominicains, nous discutions
des problèmes de coopération entre les deux pays. Je défendais souvent l’idée la question
à résoudre ce n’est pas que la République dominicaine produise et que nous achetions
d’eux, mais pourquoi pas dans les décisions d’investissements, il y a des investissements
conjoint d’ investisseurs haïtiens et d’investisseurs dominicains, de telle sorte que, il n’y
a pas un pays qui produit et l’autre qui achète et les bénéfices vont dans une seule
direction, je crois que l’arrivée de la nouvelle équipe gouvernementale en république
dominicaine, nous donne l’occasion d’établir cette relation. Et le 8 décembre prochain à
la réunion du CCA à Miami, je dois présider une cession avec le Président Lionel
Fernandez je crois que, probablement je le rendrai visite avant, j’espère que cette
occasion, peut être à Miami, nous lancerons les bases de cette nouvelle coopération dans
l’intérêt mutuel de nos deux pays.
Après la République dominicaine, nous devons bien garder quand même, je dis bien
quand même, avec les pays de la CARICOM, quoiqu’il arrive aujourd’hui, je regarde
avec sérénité, ce que veulent faire certains chefs de gouvernement de certains pays de la
CARICOM. Une chose qu’on ne peut pas empêcher ni qu’on ne puisse détruire, c’est
que nous sommes un pays de la Caraïbe. Et toute velléité de créer un marché caribéen et
qui voudrait exclure Haïti, ne mènera pas loin, peut être à un simple club d’anciens
anglophones ou d’anglophones mais pas de la Caraïbe. Je ne vois pas une organisation
Caribéenne sans Haïti. Quand on pense que Haïti avec sa population de 8 millions et
demie représente une population supérieure à la population de l’ensemble des pays de la
CARICOM, Pour des raisons que je veux pas commenter ici aujourd’hui mais je dois
respecter la souveraineté des états qui décident dans le sens qu’ils veulent. J’attends
14
patiemment, le moment, où enfin le bon sens triomphera et nous nous retrouverons côte
à côte avec les pays de la Caraïbe pour ensemble poser les problèmes de la région et
ensemble prendre les mesures qui s’imposent pour le développement de l’ensemble de la
région. Le temps est passé quand il y avait des Caraïbes de langues anglaises, de langues
espagnoles ou de langues françaises, nous sommes avant tout de la région. Et c’est pour
ça depuis des semaines je garde un silence sur tout ce qui se passe dans la Caraïbe
aujourd’hui et aujourd’hui, c’est la première fois je parle de CARICOM, parce que face à
vous autres et des économistes de la région, je ne peux pas m’empêcher de ne pas
soulever cette question dans l’intérêt de l’intégration sous régionale, nous sommes prêts,
nous attendons que les autres soient prêts pour nous lancer ensemble dans cette aventure
qui devra contribuer au mieux être de toutes les populations de la Caraïbe.
Maintenant l’Amérique Latine, je dois vous dire avec plaisir que notre gouvernement est
en train de renouer avec l’Amérique du sud et l’Amérique centrale. Les visites récentes
en Haïti du président Lula du Brésil, du président Emanes de l’Uruguay, des délégations
de haut niveau de l’Argentine, du Chili, du président….., tout ça nous donne l’occasion
de renouer les relations que nous avions dans le temps avec l’Amérique Latine et je veux
espérer que cette intégration sous régionale à travers la CARICOM débouchera vers une
intégration beaucoup plus large, une intégration continentale, avec l’ensemble des pays
de l’Amérique Latine avec lesquels nous avions eu à travers le temps des relations très
fécondes. Et puisque nous parlons de la région, nous ne pouvons pas ignorer les Etats
Unis d’Amérique du nord qui constitue un marché important pour nous, là aussi dans le
cadre des discussions en cours pour la formation de nos grands marchés comprenant tous
les pays de l’Amérique. Hé bien nous sommes disposés et ici encore je le dis sans
complexe pour nous lancer dans ces discussions et voir où sont nos intérêts, où sont les
intérêts nationaux d’Haïti et les défendre en tout premier lieu.
Haïti, souvent est considéré comme le pays le plus pauvre, est le pays le plus pauvre,
mais nous pensons que nous avons un potentiel de richesse, de capital humain dans le
pays, nous l’avons pas exploité jusqu’ici et malheureusement même dans certains
secteurs, du secteur privé, on a voulu trop longtemps vendre Haïti, comme le pays où la
main d’œuvre est la moins chère. Je crois que ceci ne constitue pas une stratégie qui nous
permettra vraiment de prendre avantage de la globalisation. Qu’est ce que ça veut dire
une main d’œuvre à bon marché mais sans formation ? Il va falloir que nous révisions
considérablement notre politique de développement des ressources humaines pour que la
main d’œuvre d’Haïti ne soit pas seulement une main d’oeuvre à bon marché, cette main
d’œuvre doit être une main d’œuvre qualifiée qui reçoit l’éducation qu’il nous faut et la
formation professionnelle indispensable pour qu’on puisse se la mettre en concurrence
avec les autres main d’œuvres de la région. Pour cela, nous devons revoir notre politique
de formation de ressources humaines, nous n’avons pas suffisamment d’écoles
professionnelles dans ce pays. Au même moment où nous vendons Haïti comme pays
avec la main d’œuvre la moins chère, dans chaque entreprise dès qu’il faut trouver un
bon mécanicien, un bon électricien, il nous faut chercher un coopérant étranger à qui nous
payons vingt fois plus d’un salaire haïtien, il va falloir que nous ayons des écoles
professionnelles, que des écoles vocationnelles forment aussi des managers non
seulement des mangers haïtiens mais aussi des techniciens, des mécaniciens, des
15
gestionnaires. Et pour cela il nous faut réviser complètement notre politique de
l’éducation et les politiques éducatives doivent constituer le meilleur moyen de réaliser
des gains en productivité. Sans productivité, sans compétitivité nous allons être noyés
dans les flots de la globalisation et Haïti ne pourra pas survivre. De même pour faciliter
notre intégration à la Caraïbe, il est souhaitable de finaliser avec la Caribean examination
counsel les formalités qui permettraient aux jeunes haïtiens de passer aussi le
baccalauréat caribéen, comme nous passons le baccalauréat français et comme nous
allons passer aussi le SAT américain. Avec la globalisation la richesse n’est plus la force
du travail mais bien la connaissance de votre force de travail. Aussi l’Etat et les
entrepreneurs devraient ils massivement investir dans l’éducation et la formation pour
être en mesure de capter les parts de marché dans les secteurs où la fabrication assistée
par ordinateur est la norme. Nous sommes encore très loin, très, très loin de cela.
Et enfin je crois que Haïti doit rétablir la confiance et la crédibilité dans les milieux
étrangers. L’instabilité politique en Haïti à contribuer à faire fuir, non seulement les
cerveaux mais aussi les qualités et à décourager les investissements étrangers à cause des
risques élevés en Haïti et de la perception de meilleures opportunités à l’étranger plus de
30 millions de dollars de capitaux privés sont exporté chaque année par les haïtiens. Nous
pensons que la politique de stabilisation du gouvernement intérimaire contribuera à
mettre fin à la fuite des capitaux et à insérer productivement Haïti dans les circuits
financiers de la mondialisation. Nous espérons aussi ramener vers Haïti, les haïtiens de
l’étranger et nous avons institué une politique d’attirer autant que possible les jeunes
cadres haïtiens à revenir au pays et à participer à l’effort de redressement.
Tout ceci nous emmène à un des objectifs que nous recherchons et que le ministère de
l’économie et des finances soutient avec force la lutte contre la corruption. Nous avons
engagé la lutte contre la corruption en créant une unité spécialisée chargée de combattre
les malversations de tous ordres dans les administrations financières. Cette unité sera
engagée dans la lutte contre la fraude fiscale, douanière ou financière, des détournements
de procédure, des rémunérations reçues par les corrompus des corrupteurs à travers la
mise en place d’une gestion harmonieuse des revenus et des dépenses de l’état Vous
savez dans beaucoup de cas les investisseurs étrangers, voulant investir à fond en Haïti,
ont du repartir en raison des demandes faites par les fonctionnaires malhonnêtes
conditionnent leurs investissements à l octroie de pourcentage dans les entreprises sans
bien entendu apporter un dollar. Nous allons lutter contre ça, nous luttons contre ça et
nous le disons clairement quelque soit l’investisseur qui veut venir investir en Haïti, si
n’importe qui lui demande de l’argent pour investir avant même de commencer ses
travaux, ces fonctionnaires seront révoqué automatiquement et poursuivis par la justice.
De toute façon l’insertion d’Haïti dans le processus de globalisation cause avant tout le
problème de la bonne gouvernance si nous sommes aujourd’hui à la tête de ce pays c’est
parce que toute l’équipe gouvernementale est convaincue que le pays a besoin d’une
nouvelle forme de gouvernance politique aussi bien que d’une nouvelle forme de
gouvernance économique, une gestion responsable efficace des procédures de l’état
impliquant le respect des procédures démocratiques devient et doit devenir la norme de
toute intégration politique dans la globalisation. Mais avant de terminer, je dois aussi dire
16
qu’en Haïti pour parvenir à nos intérêts dans ce mouvement de globalisation nous aurons
encore besoin pendant quelques temps dune certaine forme de la solidarité internationale,
par exemple il faudra engager des discussions avec les américains, les canadiens pour que
des modalités soient trouver pour compenser toute une série de possibilité de coopération
et nous pensons que la plupart des haïtiens que nous formons sont aux Etats-unis ou au
Canada et nous avons contribuer à leur formation et maintenant aujourd’hui ça fait
plaisir. Faudrait-il que l’on compense pour tout ça, ce sont les discussions qu’il faut
discuter, qu’il faut négocier. Et parlant de négociation je crois que aussi pour nous autres
en Haïti pour pouvoir intégrer le mouvement de globalisation, il va falloir qu’en Haïti
nous apprenions à négocier, trop souvent pour le moindre conflit, conflit de travail ou
condition de travail ou de salaire l’haïtien a tendance et surtout dans les moments comme
ceux où nous vivons aujourd’hui, de transition démocratique à prendre la rue, à protester,
nous devrions apprendre à négocier et à savoir une bonne négociation est une négociation
qui conduit à ce que les anglophones appellent une Win Win situation, c’est a dire une
négociation à laquelle, il n’y a ni perdants ni gagnants, mais l’intérêt mutuel non
recherché. Je crois que aussi si nous recherchons la solidarité, nous venons aussi
recherché la négociation et ne pas vouloir résoudre les moindres crises par la violence ou
par la remise en cause de tout ce qui a été fait précédemment. Tout en espérant que mes
préoccupations éclaireront les débats des discussions des critiques, j’attends des
discussions des actes qui résulteront de ce colloque et en vous remerciant de votre
attention je déclare ouvert ce colloque auquel je souhaite le plus grand succès. Merci.
"Le développement, une pensée en mutation pour des faits récurrents"
Claude ALBAGLI
Président de l’Institut CEDIMES
Université Panthéon-Assas (Paris II)
La place de l’Etat a été celle d’un acteur majeur et dominant dans les premières
étapes du développement au lendemain de la seconde guerre mondiale. Conforté par une
approche à dominante Keynésienne et des considérations d’inspirations marxistes pour
décrire les relations sociales et internationales, l’Etat incarnait toute politique volontariste
qui devait permettre de rattraper les pays riches à grandes enjambées, peut-être une
décennie pensait-on. Les agents économiques étaient, durant cette période, regardés
souvent avec suspicion et étaient pour cette raison subordonnés au contrôle tatillon de
l’Etat qui n’hésitait pas à écarter ceux pour lesquels il nourrissait des craintes, notamment
les entrepreneurs étrangers. Les règles posaient donc un cadre qui souvent s’apparentait à
un carcan, pour contraindre, faisant de la puissance publique un acteur s’interposant
partout et se substituant le plus souvent aux opérateurs traditionnels.
17
Dans un second temps, les excès des gouvernements révélèrent que les actions de la
puissance publique n’étaient pas aussi opportunes qu’on ne l’avait imaginé et que le
volontarisme forcené s’était souvent affranchi des lois fondamentales de l’économie. Le
marché fut donc présenté comme un mécanisme d’ordre naturel capable d’opérer la
sélection la plus opportune pour toute effervescence d’initiatives. En contre partie, il
fallait laisser jouer les acteurs qui avaient vocation à entreprendre, réduire
l’interventionnisme envahissant de la puissance publique et ouvrir les économies
nationales aux échanges internationaux. Il s’agissait d’une véritable mue dans les
habitudes, les modes de pensées et la façon de concevoir le processus du développement.
L’Etat s’effaçait, la déréglementation s’imposait et la dérégulation s’étendait. La césure
intervint au cours de la décennie quatre-vingt.
Mais la quasi homonymie des mesures réalisées et les limites des effets de ces
politiques économiques provoquèrent l’ouverture des analyses sur des considérations
beaucoup moins économiques et sur de nouvelles définitions du rôle de l’Etat pour
délimiter les règles du jeu que manifestement le marché ne savait pas faire. La définition
du rôle de l’Etat, une nouvelle fois était mise à contribution : on n’attendait plus qu’il se
substitue aux agents économiques, on abandonnait une conception où son effacement
prévalait, on redéfinissait son action avec plus de souplesse et de coordination pour
impulser plutôt que contraindre. Si les années soixante et soixante-dix correspondent à la
première manière, le renversement de la perception intervient dans les années quatrevingt pour s’affirmer avec l’éclosion de la mondialisation au début des années quatrevingt-dix. Et ce n’est que depuis ces dernières années qu’une conception plus mesurée
semble vouloir voir le jour, non sans afficher certaines contradictions.
1 – Les étapes volontaristes et étatiques du développement
Si dans les premières analyses du développement, l’industrialisation paraît être la
vocation naturelle des pays pauvres et les nations industrielles la préfiguration de leur
devenir, l’idée dominante dans les années soixante est qu’il convient de rattraper ce retard
à marche forcée. L'Etat devient alors l’agent chargé d’orchestrer cette évolution pour
atteindre ces objectifs en l’espace d’une simple décennie. La volonté politique de
conforter une indépendance politique nouvellement acquise par des assises économiques
autonomes milite pour une vision souverainiste de cette mobilisation et une défiance
prononcée envers l’échange international. La déconnexion de la périphérie vis-à-vis du
centre comme l’explique Samir Amin1 pour distinguer nations en développement et pays
riches, paraît faire un large consensus de références, même si dans les faits peu de
gouvernements passent vraiment à l’acte.
D’une façon générale, les politiques économiques de développement vont se cadrer
dans l’espace national au sein duquel les dirigeants prétendront contrôler les impulsions
et la dynamique et, pour cela, tiendront les opérateurs extérieurs dans la plus grande
suspicion. Les codes d’investissements ne sont pas là pour ouvrir le territoire à des agents
économiques étrangers, mais pour fixer le cadre contraignant dans lequel ils seront
1
AMIN Samir, L’accumulation à l’échelle mondiale, critique de la théorie du sous-développement, L’IFAN,
Anthropos, Paris, 1970
18
tolérés. L’attractivité naturelle des territoires est prise comme une hypothèse ou mieux
comme un acquis. La réglementation doit donc domestiquer la gloutonnerie des agents
économiques extérieurs qui sont supposées vouloir s’emparer des commandes. Les luttes
pour l’Indépendance politiques favorisent ce biais d’analyse transférée à la sphère
économique. L’indépendance économique est sourcilleuse, elle s’inscrit dans le
prolongement des acquis de la toute nouvelle souveraineté juridique et internationale.
L’Etat paraît être la seule force capable de s’imposer aux appétits extérieurs, voire
aux accaparements monopolistiques auxquels pourrait se laisser tenter des opérateurs
nationaux entreprenants. Les analyses d’inspiration marxiste prévalent souvent tant pour
définir la nature des relations internationales fondées sur les relations antagonistes entre
les nations prolétaires et les autres, que pour expliquer les enjeux politiques internes en
terme de classes rivales et les menaces de constitution d’une bourgeoisie plus prédatrice
qu’industrieuse. Les gouvernements justifieront par ce contexte de profonde adversité, la
mise en place d’unités industrielles et commerciales publiques en les créant ex-nihilo, en
confisquant les intérêts étrangers ou en nationalisant les entreprises des agents nationaux.
A regarder de près dans ces temps de guerre froide, que les Etats professent une idéologie
très «soviétique » ou qu’ils fassent alliance avec le camp occidental, les comportements
économiques présentent de nombreuses similarités dans les faits : interventions massives
de l’Etat, contrôle total de certains secteurs par les entreprises publiques, mise sous
tutelle des activités privées par des injonctions à l’embauche de la main d’œuvre,
cadrages contraignants dans l’utilisation ou le rapatriement des ressources financières,
constitution de monopole d’Etat pour la production, la collecte des produits agricoles ou
l’accès aux importations. L’Etat est réputé vertueux tandis que le chef d’entreprise est
avant tout chargé des connotations négatives du « capitaliste » dont il faut se défier.
Durant toutes ces premières années post-indépendance, l’idée maîtresse du
développement repose sur une problématique économique de retard. Pour réduire l’écart
et combler le retard, le recours à l’investissement s’imposait comme une véritable
mécanique, décisive et quasi suffisante. Le multiplicateur d’investissements assurait la
logique de la croissance : plus le niveau des investissements était élevé, plus le pays
pouvait compter sur une croissance forte. W. A. Lewis dans sa théorie du développement
économique affirmait que le problème essentiel du développement était de passer d’un
taux de 5 % d’épargne à un taux de 15 %2 et W. W. Rostow dans ses étapes de
développement caractérisait le décollage par l’augmentation rapide du niveau
d’investissement3. Les modèles de type Harrod-Domar4 constituèrent la base de la
planification du développement. Le consensus sur cette question a été assez large et
l’essentiel du débat se fixa ailleurs, c’est-à-dire sur la nature des investissements. Que
devait-on faire ? Favoriser des immobilisations équilibrées dans chacun des secteurs
[options de N. Rosenstein-Rodan (1943)5 et de R. Nurkse (1961)]6? Préférer au contraire
de puissantes actions dans un secteur donné ou une zone privilégiée pour enclencher un
2
LEWIS W. Arthur, The Theory of Economic Growth, Homewood, R. D. Irwin, 1955
ROSTOW W. W., Les étapes de la croissance économique, Coll. Points, Seuil, 1970
4
DOMAR Evsey, Essay in the theory of economic growth, London, Oxford University Press, 1957 et HARROD
Roy, Toward a Dynamic Economics, London, Macmillan, 19586
5
ROSENSTEIN-RODAN P. N., Problems of Industrialization in Eastern and South-eastern Europe, EJ, Vol. 53,
1943
3
19
pôle mobilisateur (option de François Perroux, 1969? Ou bien choisir des secteurs qui
construisent peu à peu le tableau d’échanges industriels en partant d’une matrice
d’industrie de base, dites industrialisantes [option de A. O. Hirschman7 (1958) mais
surtout P. Baran (1957)8 et G. Destanne de Bernis (1966)9 sans oublier P. Mahalanobis
(1963)10]? Avantager au contraire le déploiement des industries de biens de
consommation pour satisfaire les besoins fondamentaux ? Accorder des préférences à
toute politique industrielle répondant à une stratégie de substitution aux importations
pour se dégager au mieux des interférences extérieures [option de Celso Furtado11 avec la
CEPAL (1970)]? Ou enfin, tabler sur les marchés internationaux de la triade et fonder la
dynamique industrielle sur les débouchés à l’exportation ? L’essentiel des débats de
l’époque portait bien sur les arbitrages entre les types d’investissements et bien peu de
place était faite sur la question de savoir si les investissements étaient en soi suffisants
pour enclencher le développement.
Néanmoins deux courants contestèrent cette approche par trop linéaire du
développement et de cette vocation inhérente à toute société pour s’engager sur les
mêmes cheminements des pionniers.
1) L’un radicalisait la critique et avançait que le sous-développement n’était pas une
question de retard mais relevait d’un processus d’exploitation qui nourrissait la
croissance des riches et appauvrissait davantage les plus pauvres12. Dans un tel
contexte, le rattrapage n’était plus qu’une illusion, une espérance jetée en pâture
mais sans fondement. Le sous-développement n’était pas le fruit d’un retard vis-àvis des plus développés, mais le fruit précisément de leur mode de
développement. C’est tout le système qu’il fallait renverser et se défier de
l’international constituait la première étape d’une remise en cause plus profonde.
2) Un second courant portait une critique d’une autre nature en se demandant s’il ne
fallait pas déceler dans le développement un processus plus complexe, fait de
ruptures, de changements de logique et de mutations sociales. Cela impliquait que
les solutions réduites à un dispositif économique ne pouvait embrassait à elles
seules embrassaient le phénomène de la modernisation. On y trouve les racines
déjà chez Pareto qui soulignait que l’économie politique pure s’intéresse à un
univers où n’existent que des actions logiques, ce qui fait des mathématiques un
excellent outil de travail. Mais se contenter d’analyser un monde construit
exclusivement à partir d’actions logiques, c’est ignorer l’essentiel de la réalité 13.
Les valeurs, les croyances et les structures du Pouvoir n’offraient pas une
cohérence nécessairement favorable aux aménagements du développement. Cette
discontinuité dans la rationalité des sociétés rendait les attraits du développement
6
NURKSE Ragnar, Balanced and Unbalanced Growth, in G. Haberler et N. H. Stern Equilibrium and growth
in the World Economy, Harvard University Press, Cambridge, Mass. 1961
7
HIRSCHMAN A. O., La stratégie du développement économique, Editions ouvrières, Paris, 1964
8
BARAN P., Economie politique de la croissance, Maspero, 1970
9
DESTANNE de BERNIS G., Industries industrialisantes et contenu d’une politique d’intégration régionale,
Economie Appliquée, ISEA,, 3-4, 1966
10
MAHALANOBIS P., The Approach of Operations Researh to Planning in India, Asia Publishing House, 1963
11
FURTADO Celso, Théorie du Développement économique, PUF, 1970
12
FRANCK A. G., Le développement du sous-développement, L’Amérique latine, Paris, Maspero, 1972
13
MINC Alain, Les prophètes du bonheur, une histoire personnelle de la pensée économique, Grasset, 2004
20
moins évidents, moins simples, moins cohérents que cela n’était implicitement
supposé (Cf. Jacques Austruy14 ou Serge Latouche15).
Mais le courant dominant s’engouffrait dans un processus où la rationalité
économique fournissait des automatismes assurés et une logique suffisante tandis que la
contestation de l’ordre établi n’apportait guère d’inquiétude au système en place. Tout
était réglé en quelque sorte pour que le développement soit un objectif désiré, convoité et
rapidement accessible. Et cette croyance devint un paradigme au même titre que cinq
siècles plus tôt, les premiers conquistadores apportaient Révélation divine et Salut aux
« indigènes »16.
Dans ces conditions, une fois que les autorités publiques avaient tranché le débat
sur la priorité stratégique, en terme de politique d’investissements, le vrai problème se
concentrait sur la mobilisation des ressources capables d’asseoir cette immobilisation
désirée massive. La question centrale devenait celle de la captation des ressources,
autrement dit celle de la constitution et de la mobilisation d’une épargne en rapport avec
les objectifs d’investissements. Or, cette question débouchait sur une impasse qu’avait
relevé Ragnar Nurkse17 en la stigmatisant par le cercle vicieux de la pauvreté. En
substance, il était montré que si un pays était pauvre, il avait nécessairement une
propension à épargner très faible. Donc ses capacités à mobiliser une épargne pour un
investissement restaient dérisoires au regard des ambitions affichées. Le processus de
développement était bloqué faute de dégager des ressources suffisantes pour assurer les
investissements productifs.
Or le décollage contemporain devait surmonter deux difficultés inédites dans le
processus d’accumulation. La première s’inscrivait dans ce qui avait été décrit par Paul
Bairoch18 comme le seuil d’investissement minimum à l’acte productif. Or si on évaluait
à l’équivalent de 5 à 8 mois de salaire, la somme nécessaire pour se lancer dans une
opération de type manufacturier au début du XIXème, le montant s’élevait au début des
années cinquante à quelque 350 mensualités d’un revenu moyen. Il n’y avait que très peu
d’agents économiques en mesure d’assurer un tel démarrage. Ce constat venait conforter
l’Etat dans son rôle d’agent central du processus du développement. La seconde difficulté
relevait plus largement de la macro-économie. Le niveau élevé de croissance
démographique rendait le processus du décollage extrêmement difficile, car au fur et à
mesure que des progrès satisfaisaient des besoins de formation, de santé ou d’emploi, de
nouvelles cohortes de populations, toujours plus nombreuses apparaissaient sans trouver
ces besoins satisfaits. Les niveaux d’investissements susceptibles d’enclencher un
processus cumulatif devaient tenir compte de cette explosion démographique qui relevait
considérablement le seuil d’efficacité et de dynamisme et se surajoutaient aux ambitieux
objectifs de la programmation.
14
AUSTRUY Jacques, Le Prince et le Patron, Cujas, 1972
LATOUCHE Serge, Faut-il refuser le développement ? PUF, 1986
16
RIST Gilbert, Le Développement, Histoire d’une croyance occidentale, Paris, Presses des Sciences
Politiques, 2001
17
NURKSE Ragnar, Les problèmes de la formation du capital dans les pays sous-développés, Cujas, 1968
18
BAIROCH Paul, Le Tiers Monde dans l’impasse,
15
21
Devant l’ampleur de la tâche, l’Etat apparaissait comme le seul acteur en mesure de
devenir l’agent mobilisateur du financement d’une économie de croissance. Il s’efforça
de capter au mieux les ressources nationales et de se présenter sur la scène internationale
comme le meilleur avocat pour drainer des soutiens extérieurs sous forme d’aides ou
d’emprunts. Sur le plan intérieur, l’Etat cherchait à tirer partie de toutes les matières
premières produites ou extraites de son sol. Il s’agissait d’imposer le versement de
royalties à son profit par les exploitants de gisements miniers ou énergétiques et de tenter
de capter la part la plus grande possible entre le prix imposé par les marchés extérieurs et
le prix concédé aux producteurs-paysans pour les cultures de rente19. Mais les excès de
cette politique seront redoutables et néfastes. Outre qu’ils conduisirent le plus souvent à
des effets d’éviction des opérateurs nationaux chargés de la collecte pour permettre à la
puissance publique d’en prendre le contrôle et les marges, ils laissèrent sans ressources
disponibles la masse dominante des paysans par suite de prix trop faiblement
rémunérateurs. Si les masses rurales étaient privées de pouvoir d’achat disponible, les
opérateurs étaient spoliés d’un marché solvable. Les rares usines mises en place ne
pourront trouver de débouchés suffisants, faute de consommateurs. Le développement
industriel sera bloqué avec des usines flambant neuf, mais peu opérationnelles affichant
sous activité et gestion déficitaire.
Sur le plan extérieur, le recours au soutien des pays plus riches dérogeait à cette
défiance du système international dans laquelle se complaisaient certains discours de
responsables. Mais si la suspicion restait bien établie vis-à-vis des opérateurs privés
étrangers, on n’allait guère au-delà. On négociait volontiers soit des aides assurant à
l’Etat des compléments budgétaires appréciables, soit des emprunts laissant toute latitude
au gouvernement pour son utilisation et son contrôle. La vision mécanique du
développement issue d’un multiplicateur d’investissement, donner quelques assurances
pour un potentiel de remboursement. Lorsque les chocs pétroliers permirent de rendre
disponibles dans les années soixante-dix des masses considérables de pétro-dollars sur les
places financières internationales, la conviction d’obtention de capacités ultérieures de
remboursements fut totale et cette certitude fut partagée entre tous les opérateurs. Elle
devint un postulat d’évidence ruinant l’analyse de la détérioration des termes de
l’échange.
En effet, les analyses de Prebisch20 et Singer du début des années cinquante
perdaient soudainement leur virulence. Elles avaient pourtant conduit à un assez large
consensus en posant que le commerce entre les nations riches - exportatrices de biens
manufacturés - et les pays pauvres - fournisseurs en matières premières et énergétiques débouchait sur un déséquilibre des termes de l’échange au détriment des pays en voie de
développement. Or, les chocs pétroliers provoqués par les évènements du Proche et
Moyen Orient vont entraîner le retournement de ces convictions. Tous les producteurs de
matières premières apparaissaient désormais capables de s’ériger en syndicats d’offreurs
qui domineront le marché et imposeront leurs prix. Non seulement, la détérioration des
termes de l’échange est reléguée aux analyses obsolètes, mais l’intime conviction des
19
ALBAGLI Claude, L’économie des Dieux céréaliers, L’Harmattan, 1984
PREBISCH Raoul, Le développement économique de l’Amérique Latine et ses principaux problèmes,
Nations-Unies, 1962
20
22
possesseurs de capitaux (les producteurs de pétrole de la Péninsule arabique), des
prêteurs de capitaux (les banques occidentales) et des emprunteurs (les pays en voie de
développement) se fait à l’unisson pour estimer que demain les cours des matières
premières seront plus élevés, et qu’après-demain, ils le seront encore davantage. Le
remboursement des emprunts se trouve ainsi garanti du seul fait de l’augmentation
attendue des matières premières, sans même tenir compte des résultats intrinsèques de
l’investissement engagé. Cette certitude partagée débouchera sur une explosion de
l’endettement, mettant à la merci d’un retournement des marchés de matières premières
tous les pays en développement. Mais personne n’y prend garde. Sur la décennie
soixante-dix, la dette du Tiers-monde est multipliée par douze.21
La conjoncture du début des années quatre-vingt ne se prête plus aux prévisions
optimistes. Les cours des matières premières s’effondrent subitement et ceux du pétrole
ne doivent quelques délais qu’à la faveur d’une politique de quota qui raréfie l’offre et
retarde la baisse des prix. Mais fin 1985, suite à un brutal revirement de la politique
saoudienne, l’effondrement des prix est un fait. Avant même cela, le Mexique s’était
placé en cessation de paiement et sans tarder tous les pays du Tiers Monde seront
confrontés aux affres de l’insolvabilité. Des négociations vont donc s’engager entre les
pays créanciers et les pays débiteurs. Délais et aménagements de la dette sont consentis
mais sous la pression d’une exigence nouvelle du système financier international: un
ajustement économique structurels des pays débiteurs. Ces plans se révèleront d’ailleurs
davantage comptables que structurels, en exigeant que les pays débiteurs retrouvent au
plus vite l’équilibre de leur budget, de leur commerce extérieur et de leur balance des
paiements. Cela impose aux gouvernements des pays du Sud qu’ils prennent toutes
dispositions pour satisfaire cette conditionnalité. Ces exigences sont strictement macroéconomiques, mais elles auront des répercussions sociales qui seront, sur le plan
politique, dévastatrices pour la plupart des dirigeants qui les mettront en place. Des
changements de régime en cascade interviendront sur les sous-continents sud-américains
et subsahariens avec l’espoir d’émergences institutionnelles plus démocratiques. Mais la
mise en place de ces plans d’ajustements structurels appelle quelques considérations
autres.
L’analyse et les politiques mises en place durant la décennie quatre-vingt
s’inscrivent encore dans une vision très économique du processus de développement. Il
s’agit avant tout de satisfaire à une saine gestion des agrégats macro-économiques. Si
l’accent de la phase précédente reposait sur l’effet multiplicateur, l’analyse du moment
insiste sur la maîtrise du tableau de bord. Mais cette exigence provoque aussi un examen
critique des stratégies antérieures de développement. Jusqu’à cette date, elles
s’inscrivaient dans une logique volontariste incarnée par les initiatives de l’Etat et
inspirée d’options macro-économiques dites keynésiennes. Les dérives financières
observées privèrent l’Etat d’une rationalité opérationnelle et ruinèrent son crédit dans
tous les sens du terme. La puissance publique avait perdu son aura. Elle n’avait pas su
contrôler ni ses engagements excessifs et imprudents, ni l’utilisation contestable, voire
condamnable de ces liquidités. Cette analyse critique déboucha sur la révélation des
21
HARRIBEY Jean-Marie (coordination), Le développement a-t-il un avenir ? Attac, Mille et une nuit, 2004,
p. 147
23
détournements des dirigeants, sur une remise en cause du rôle de l’Etat et sur l’apparition
d’une défiance de son volontariat tentaculaire. Le marché allait paraître comme un
scrutateur plus impartial. L’Etat perdait le bénéfice des vertus qu’on lui prêtait en même
temps que se décrédibilisaient les approches post-keynésiennes au profit de conceptions
plus walrasiennes de l’économie.
2 – Le marché régulateur et la plénitude du jeu des acteurs
Effectivement, mis à part les quelques rares et brillants succès concernant
quelques millions d’hommes et délaissant des milliards d’autres, les résultats de ce
premier quart de siècle appelaient des révisions analytiques et stratégiques déchirantes.
Au moins quatre éléments concoururent à cette révision : 1) L’endettement de nombreux
pays est tel qu’ils sont la plupart en cessation de paiement et qu’il convient de
restructurer les fondamentaux de leur économie ; 2) Les financements somme toute
considérables qui ont été mobilisés n’ont pas débouché, pour un grand nombre de pays,
sur une amorce industrielle capable de prendre les relais de la croissance ; 3) La réussite
de l’Asie du Sud-Est offrent des contre-exemples établis précisément sur des bases
contraires aux idées dominantes, notamment par leur insertion internationale et les
conceptions plus libérales de gouvernement économique ; ces aspects feront école avec la
force de l’évidence 22 ; 4) Les nouvelles technologies de communications et de transport
ouvrent les voies de la mondialisation privilégiant démantèlement douanier, réseaux
d’entreprises et échanges internationaux donnant une certaine obsolescence à des
politiques strictement nationales.
Sous la violence des chocs de l’échec, de l’intérêt exemplaire de certaines
expériences et des nouvelles opportunités offertes par la technologie, un nouveau
paradigme du développement se structure autour de la dynamique des opérateurs
économiques, de l’ouverture internationale et de la déréglementation. Le marché devient,
pense-t-on, un censeur beaucoup plus impartial que l’Etat dont les arbitrages peuvent
être inspirés par la concussion et l’impéritie. « En assurant le triomphe de l’économie,
voire son règne exclusif dans une « omnimarchandisation » intégrale, la mondialisation
prend le relais de l’idéologie développementiste, décridibilisée par les échecs répétés des
projets et expériences de développement volontariste. Elle prétend pouvoir réaliser le
bien commun, rendant la morale autonome quasi caduque ou la limitant au mieux à la
clairvoyance sur les intérêts égoïstes. L’efficience bien comprise est le meilleur garant
du bien et de la justice. Toute intervention de l’Etat ou de la société, même avec les
meilleures intentions du monde est préjudiciable à l’optimum et ne peut que nuire à la
justice. »23
La décennie quatre-vingt-dix donne ainsi un nouveau regard sur la question de la
collecte des moyens financiers. L’endettement avait paru pendant les premiers temps
comme un biais subtil de recours à l’extérieur pour accentuer le niveau d’investissement
22
Encore que sur ce point, l’interventionnisme se révéla essentiel, mais il fut souple et constamment adapté
aux résultats obtenus comme en Corée du Sud ou à Singapour.
23
LATOUCHE Serge, Justice sans limite, le défi de l’éthique dans une économie mondialisée, Fayard, 2003,
p. 123
24
sans compromettre un contrôle autonome des arbitrages, ni la propriété nationale des
actifs industriels. L’indépendance politique aurait dû ainsi être confortée par la maîtrise
économique des actifs. Mais le paroxysme de l’endettement provoquait une toute autre
situation. Ce n’était pas la simple mainmise de l’étranger sur certains pans du secteur
productif qui était en cause, mais l’ensemble de toute la politique économique du
gouvernement et de toutes ses décisions financières qui passait sous le contrôle des
organismes internationaux et la soumission à la bonne volonté discrétionnaire des
créanciers. Les résultats d’un endettement excessif provoquaient des dommages
beaucoup plus conséquents que ceux que l’on avait redoutés. On aboutissait à la mise
sous tutelle de l’ensemble des politiques économiques nationales pour une souveraineté
réduite aux jeux des apparences.
Dans ce contexte, les investissements indirects étrangers prenaient de nouvelles
vertus. Ils favorisaient la création d’unités industrielles et rénovaient des entités devenues
obsolètes. Ils participaient à la création et à la démultiplication des emplois ainsi qu’à
l’apprentissage d’un savoir-faire. Ils contribuaient à la structuration industrielle. Que la
stratégie industrielle se révèle mal adaptée, le pays perdait les emplois, certes, mais seul
l’opérateur était engagé par ses erreurs d’investissement sans avoir à faire supporter au
pays, les affres d’un endettement sans contreparties économiques. Subitement, les
politiques de développement s’orientaient vers une quête échevelée des capitaux
étrangers. Pour capter l’intérêt des opérateurs, on créait des zones économiques
susceptibles de rendre plus attractif le territoire et on les protégeait de tous les éléments
pouvant apparaître comme une réglementation abusive, une fiscalité décourageante ou
une charge sociale dissuasive. Tous les gouvernements en viennent à ériger quasi
simultanément un dispositif similaire pour inciter les investissements directs étrangers à
choisir leur territoire. En même temps, le dispositif des échanges internationaux est
privilégié. On facilite le développement des exportations, on élimine les entraves fiscales
et réglementaires aux importations, on libéralise la circulation des capitaux. On privilégie
l’action entrepreneuriale en reléguant l’Etat dans des opérations plus conformes à sa
tradition régalienne. Les opérateurs économiques deviennent des créateurs de richesses et
perdent leur appellation de « capitalistes » au profit de celle d’agents dynamiques et
entreprenants. Le marché devient la sanction inflexible de la rationalité économique, le
guide impartial du cheminement vers le développement. La règle n’est plus le fruit d’un
dispositif étatique s’octroyant tous les arbitrages et confinant les autres opérateurs à
devenir au mieux des supplétifs. Elle est le fruit d’un mécanisme autonome qui laisse la
pleine initiative aux agents économiques et à leurs capacités entrepreneuriales guidés par
la rationalité de leurs intérêts. Mais cette motivation est supposée apportée l’optimisation
de l’intérêt collectif. L’échange extérieur devient une référence positive et valorisante très
soigneusement recherchée et étalonnée.
L’ensemble du dispositif reçoit le nom de Consensus de Washington 24. Il s’agit
d’assurer à l’ensemble des relations économiques le principe du libéralisme tant dans le
fonctionnement des économies nationales que dans les échanges entre les pays avec des
règles simples fondées sur les grands équilibres macro-économiques et la suppression de
24
WILLIAMSON John, What should the World Bank think about the Wasington Consensus, The World Bank
research Observer, Vol. 15, N° 2, August 2000, pp. 251-264
25
toutes les entraves à la bonne fluidité de circulation des facteurs, des biens et des
services. Dans ces conditions l’aide qui apparaissait comme un élément déterminant dans
les relations internationales, s’évanouit pour constituer un étiage au niveau d’une
cinquantaine de milliards de dollars25. Les flux des transferts des immigrés deviennent
souvent plus déterminants comme si, là aussi, l’aide faisait aussi l’objet d’une
privatisation par les agents eux-mêmes.
Mais à l’aube du troisième millénaire, quatre milliards d’habitants restent pauvres
et près de 865 millions souffrent de disette et de famine. Moins de deux décennies après
cette libéralisation des forces économiques, ce processus de déréglementation et cette
affirmation entrepreneuriale, le marché est contesté dans son rôle de loi fondamentale.
Deux types de critiques s’érigent avec beaucoup de force.
1) L’une dénonce l’impact social de la libéralisation économique qui laisse
désemparée et démunie une part de la population à l’occasion des mutations structurelles.
Cette approche revivifie les analyses institutionnelles sur le rôle de l’Etat auquel revient
le devoir de dresser un filet de sécurité pour les victimes des mutations et ceci avec
d’autant plus d’exigences que la société est en rapide mutation. Elle stigmatise le risque
d’une marchandisation croissante de tous les aspects de la vie collective, laissant une part
congrue à toute notion de service public. Ces critiques rejètent le processus de la
mondialisation et en diabolise assez vivement le processus au profit d’une
altermondialisation. Mais l’analyse se décompose en deux courants. L’un refuse le
développement et établit le développement comme l’imposition du modèle social de
l’Occident sur l’ensemble de la planète et dénonce son incapacité réelle à satisfaire
concrètement les promesses dont il est porteur à savoir un développement sans fin (Cf.
Gilbert Rist26 et Serge Latouche27). Le second milite pour un autre développement
qualifié de durable, s’opposant aux ponctions irréparables sur l’environnement et
proposant une décélération de la croissance au profit d’une recherche plus égalitaire de la
qualité de vie et de nouvelles conceptions de la richesse28. Amartya Sen s’inscrit dans
cette orientation en définissant le développement comme un processus d’expansion des
libertés réelles dont doivent jouir les individus29.
2) L’autre critique accepte le marché, mais en souligne les dysfonctionnements
attribués aux imperfections d’ordre fonctionnel et structurel. Ces approches ont donné
jour aux analyses des marchés imparfaits. Elles contestent les anticipations rationnelles
des agents compte tenu de l’imperfection de l’information ou de leur asymétrie et réfutent
les capacités du marché à produire des ajustements immédiats des prix. Cette idée de
« rationalité limitée » avancée dans le cadre de la gestion par H. Simon, est reprise dans
les approches générales du marché et donc des nouvelles approches du développement30.
25
Elle ne fût malgré tout jamais capable d’atteindre les objectifs que les nations unies s’étaient donnés, ni
les 1 %, ni le taux ramené à 0,7 % du PIB. Les efforts des accords de Kyoto (1997) nécessitent un
engagement de 2 %...
26
RIST Gilbert, Le développement, Histoire d’une croyance occidentale, Paris, Presse des Sciences
Politiques, 1996
27
LATOUCHE Serge, Faut-il refuser le développement ? Paris, PUF, 1986
28
ATTAC, Une économie au service de l’homme, Mille et une nuits, 2001
29
SEN Amartya, Un nouveau modèle de développement, Odile Jacob, 1999, p. 15
30
SIMON Herbert, Rational Decision Making in Business Organizations, American Economic Review, vol.
69, N° 4, Sept. 1979
26
La remise en cause du schéma opérationnel se fait aussi plus insidieuse. En effet,
la généralisation mimétique et planétaire de l’instauration de mesures favorables à
l’attraction des opérateurs provoque un biais comportemental. Comment arbitrer entre
des territoires qui offrent des caractéristiques économiques similaires ? Les éléments les
plus incitatifs sont dupliqués par tous les gouvernements. Pour les départager et ajuster
leurs préférences, les agents économiques sont amenés à prendre des critères
complémentaires. Et ceux-ci ne relèveront pas de la sphère économique. Paradoxalement,
les arbitrages qui avaient initialement renforcé les aspects strictement économiques pour
définir la rationalité la plus opportune et la plus automatique, sont remis en cause par le
caractère homogène du dispositif réglementaire, élaboré par chaque pays candidat aux
investissements étrangers. L’attention se focalisera donc sur des critères dont le caractère
ne dépendra plus des seuls arguments objectifs du marché, mais de l’environnement dans
lequel ils s’insèrent : définir une zone économique est une chose, savoir si les contrats
engagés seront garantis par le système judiciaire est une autre ; connaître les éléments de
la stabilité politique et sociale peut devenir fondamental pour le fonctionnement effectif
de l’économie et de ce fait assurer la confiance des opérateurs. Ces critères débordent la
science économique pure et rejoignent certaines approches datant des premières analyses
du développement qui insistaient sur le caractère institutionnel du développement. La
pluridisciplinarité est ainsi réintroduite au moment où l’on s’y attendait le moins. Mais en
proposant cette grille d’analyses complémentaires, les cabinets d’études en viennent à
privilégier des arbitrages identiques. Les flux se concentrent donc sur quelques pays
présentant les indices référencés comme les plus performants ou davantage fiables. Ce
biais introduira de fortes distorsions dans les choix internationaux en faveur d’une
poignée de pays concentrant les investissements des opérateurs internationaux et
n’accordant aux autres que des reliquats. A ce jeu la Chine remporte le jackpot des
financements extérieurs.
Mais au-delà de cet élargissement des références, une extension des analyses
s’imposent et les critères retenus tendent à faire référence tant chez les partisans du
marché que chez ses thuriféraires. Les premiers rappellent que le capitalisme est aussi
une référence à une éthique et un corpus de valeurs partagées et que dans ces temps de
mutations il s’agit de les identifier pour donner de meilleures chances aux lois du marché
de fonctionner. Les seconds prennent ces critères pour se départir du marché et s’engager
sur l’élaboration d’un autre développement et de nouveaux rapports sociaux. Quels sont
ces critères? On peut les regrouper en quatre thématiques essentielles: la première traite
de l’éthique dans le processus de production, la seconde aborde l’équité dans les
mécanismes de l’échange, la troisième considère la bonne gouvernance dans les
entreprises étendue à la sphère publique, et la dernière traite de la préservation des
équilibres écologiques pour faire du développement un processus durable. Reste à savoir
si ses éléments amènent un biais d’objectivité accrue ou une subjectivité stratégique pour
les décideurs. Certains acteurs dénoncent ces approches comme une habilité de
circonstance pour écarter quelques concurrents aux performances trop vives et rappellent
que les pays industrialisés ne s’étaient guère préoccupés de ces considérations
écologiques ou éthiques pour assurer leurs premières phases de leur décollage…31
31
Amartya SEN rappellera cependant que le capitalisme avait une morale et Max Weber n’expliquera le
succès du décollage qu’aux règles de vie très strictes des calvinistes, la frugalité favorisant l’épargne,
27
Reprenons les différents facteurs.
Une première approche traite de l’éthique. Cette approche est relative aux
considérations de la mise en place de la production. Les considérations qui touchent le
travail des femmes ou des enfants sont mises en évidence et sont dénoncées par les
associations de consommateurs. Les effets sont de plus en plus redoutés, car il ne suffit
plus de ne pas contrevenir aux règles de l’implantation du pays, mais il faudra aussi se
conformer à certaines normes en cours dans les pays d’origine. Les entreprises redoutent
alors un boycottage de leurs produits qui ruinerait leur prise d’intérêts. Mais ces
considérations s’étendent aussi au comportement des dirigeants qui présentent des bilans
de convenance avec l’appui de cabinets d’audit ou lancent des déclarations inexactes pour
influer sur le marché boursier. Ainsi Shell a, en 2004, surestimé ses réserves de gaz et de
pétrole de quelque 20 % pour peser favorablement sur les cours boursiers. Les sanctions
sont devenues redoutables tant pour les auteurs de ces forfaitures que pour les sociétés
elles-mêmes. Aujourd’hui pour prendre les devants de ces déconvenues, les entreprises
adoptent des chartes éthiques, mais cela n’empêchera pas Enron de déroger aux principes
affichés. Dans ces conditions, la mise en exergue de cet engagement tend à être une
politique de gestion de l’image, voire de protection sociale quand les salariés sont invités
à signer un document condamnant la corruption et d’autres délits. En cas d’irrégularité,
c’est le salarié qui devient responsable de ses actes. Les syndicats parlent alors
« d’éthique en toc ».32
Une deuxième approche complète l’éthique par l’équité. Cette notion s’est
substituée au principe d’égalité. Développée initialement par les approches
philosophiques de John Rawls, le concept à glisser vers la sociologie et de là à
l’économie33. Le principe repose sur deux postulats, le premier établit que chacun à un
droit au système le plus étendu de libertés de base compatible avec l’existence du même
système pour les autres. Le second baptisé « principe de différence » accepte les
inégalités, voire l’enrichissement des plus riches, si cela dégage de meilleures
perspectives pour les plus pauvres et préserve l’égalité des chances34. L’optimum est
défini alors comme la moins égalitaire possible, de quoi donné un blanc-seing moral aux
sociétés occidentales pour apaiser leur mauvaise conscience commentera Alain Minc35.
Des mesures opérationnelles tenteront de s’inscrire dans les mécanismes de l’échange
international avec quelques redondances médiatiques36. Ceux-ci, nous l’avons dit, étaient
réputés désavantageux du fait de la dégradation des termes de l’échange entre les
producteurs de matières premières et de biens manufacturés. Cette analyse a perdu
beaucoup de sa force devant les oscillations désordonnées dans l’évolution des cours des
matières premières. Les considérations nouvelles ont trait davantage au caractère microl’investissement favorisant l’émergence de la réussite et donc d’un signe de Dieu. SEN Amartya, Ethique et
économie. Et autres essais, Paris, PUF, 1993
32
Alternatives Economiques, N° 225, Mai 2004, p. 92
33
RAWLS John, Théorie de la justice, Paris, Seuil, 1987
34
BOUDON Raymond, A propos des sentiments de justice : nouvelles remarques sur la théorie de John
Rawls, in L’année sociologique, Pars, PUF, 1995
35
MINC Alain, Les prophètes du Bonheur, Grasset, 2004, p. 301
36
LECOMTE Tristan, Le pari du commerce équitable, Editions des Organisations
28
économique de l’échange. La question est de savoir quelle est la part du prix final que
récupère le producteur d’une culture de rente ou l’ouvrier qui travaille pour un bien de
consommation mondialisé. Ce qui échoit au producteur initial - planteur de cacao ou
ouvrière d’une manufacture délocalisée de chaussures sport, ne dépasse pas quelques
pour cent du prix final de la tablette de chocolat ou de la paire de chaussures chez le
détaillant. Il y a à l’évidence des marges de manœuvres pour une meilleure répartition des
ressources. Des initiatives militantes sont prises. Un commerce labellisé « équitable »
commence à apparaître. Mais dans les faits, il s’agit souvent de demander aux
consommateurs d’exprimer leur solidarité en réglant un surprix.37
Une troisième approche complète la première sous le vocable de bonne
gouvernance. Dans un premier temps, les actions volontaristes de développement
s’étaient incarnées dans la toute puissance de l’Etat dont le domaine d’interventions ne
cessait de s’étendre. Les dérives des stratégies politiques mises ont débouché sur un
autoritarisme prévaricateur et une instabilité politique causée par des coups d’Etat à
répétition visant à l’accaparement disputé des ressources financières. Parallèlement à la
corruption, la régression des droits des citoyens et la réduction des capacités d’initiatives
des acteurs économiques constituaient le constat et la désillusion. Le développement
butait sur un principe redoutable : pour parvenir au développement, la société devait
entreprendre de profondes mutations, c’est-à-dire remettre aussi en cause les assises
sociales et économiques des pouvoirs en place. Cette difficulté s’accroissait lorsque ces
derniers fondaient leur action sur l’accaparement d’une rente qu’ils redistribuaient à leurs
alliés. Comment peut-on s’assurer que l’utilisation des ressources se fera pour le
développement et le bien-être général puisque le premier résultat de la réussite de ce
processus sera de redistribuer la richesse, à en relativiser le contrôle, voire à faire émerger
des sources de pouvoirs concurrentes. Ce danger a été bien analysé par Georges Bataille
lorsqu’il s’est intéressé à la captation de la « part maudite »38.
La bonne gouvernance a recouvert une problématique complexe qui tenait tant de la
démocratisation institutionnelle que du processus des arbitrages des stratégies
économiques. Les pouvoirs autocratiques n’ont pas résisté aux effets sociaux
dommageables des Plans d’Ajustement Structurel et une nouvelle génération de
dirigeants a accédé presque partout aux commandes. Il s’agissait alors de mettre en place
un dispositif qui permette au marché de fonctionner au mieux. L’Etat rejeté par ses
dérives antérieures et ses stratégies erronées se remettait en selle. La Banque Mondiale
reconsidérait son interprétation du rôle de la puissance publique en s’écartant des
approches plus orthodoxes du FMI39. Le marché et l’Etat n’étaient-ils pas
complémentaires puisqu’il incombait au second de mettre en place les bases
institutionnelles nécessaires au fonctionnement du premier40. Dans cette évolution,
l’autorité de J. E. Stiglitz a joué un grand rôle41.
37
RUBY Marcel, Une mondialisation humaniste, Coll. MES, L’Harmattan, 2003
BATAILLE Georges, La part maudite, Coll. Point, Seuil, 1967
39
ASSIDON Elsa, FMI-Banque Mondiale, la fin du consensus théorique, l’Economie Politique N° 5, 1er
trimestre 2000, pp. 40 - 53
40
Banque Mondiale, Rapport sur le Développement dans le monde, 1997, L’Etat dans un monde en
mutation, Washington, Oxford University Press, 1997
41
STIGLITZ Joseph E., La Grande Illusion, Fayard, 2002
38
29
Mais l’Etat est appelé à jouer un rôle plus étendu que prévu au moment où l’analyse
de son action dans les pays d’Asie du Sud-Est s’avère moins effacé qu’on ne l’avait
supposé. Le marché laisse des zones d’ombres et les mutations provoquent des laissés
pour compte. Les lois économiques promettent le rééquilibre sans référence au temps
nécessaire. Or ces délais sont essentiels pour les couches sociales menacées. Pour
tempérer les effets négatifs durant cette période, l’Etat doit s’engager et mettre en place
des filets de sécurité. Son rôle n’est plus réduit à des fonctions régaliennes, le voici à
nouveau propulser dans l’action directe. Mais la bonne gouvernance de son action est
alors appréciée à l’aune de cette efficacité sociale et non plus à celle de son implication
directe dans la sphère productive.
Un dernier biais s’insère avec l’environnement. L’économie s’appuie aujourd’hui
sur une technologie devenant si puissante qu’elle impose des modifications très
importantes des équilibres biologiques. Les chaînes alimentaires sont rompues. Les
ressources halieutiques sont pillées jusqu’à l’épuisement. Les forêts s’évanouissent sous
la progression de l’agriculture de plantation, des brûlis traditionnels et des la dévastation
de l’exploitation forestière. Ces destructions déstabilisent l’équilibre environnemental.
Cette menace avait été soulignée précocement par René Passet42. Mais la prise de
conscience éclate plus tardivement lorsqu’il apparaît qu’une trop grande maîtrise du
vivant limite la diversité de la biosphère (OGM) ou contrevient aux logiques du vivant
(farines animales pour les bovins) et que ses dangers menacent la santé. Le décollage de
l’industrialisation n’est pas lui-même sans périls. Celui de la Chine se fait aujourd’hui
avec une consommation énergétique sans rapport avec ses concurrents et avec des
pollutions graves qui ne sont pas accompagnées de contre mesures pour purifier l’eau,
utiliser de l’énergie propre ou retraiter les déchets43. On définit un développement durable
comme celui devant permettre sa perpétuation, c'est-à-dire sans destruction du milieu sur
lequel il a pris appui. Le défi est considérable. Les coûts de ces dommages sont
externalisés et n’entrent pas dans le calcul de la rationalité immédiate. Tout se passe
comme si le fonctionnement de l’économie attendait une internalisation de ces coûts.
L’établissement d’un quatrième facteur. L’économie moderne a pris ses assises au
XVIIIème siècle quand les trois facteurs de production ont pu être négocié sur un marché
et non relevé d’une mise à disposition par l’apanage (la terre), d’une affectation statutaire
(le travail) ou d’interdits religieux (le capital). Le nouvel âge économique implique sans
doute de nouveaux modes de calcul dont l’achat du « droit » à la pollution constitue sans
doute les balbutiements.
Mais comme on le perçoit, les quatre concepts (éthique, équité, gouvernance et
environnement) se prêtent à des interprétations et à des contenus assez divers. C’est sans
doute là que réside la clef de leur succès et du consensus sémantique. Les tenants du
marché et ses thuriféraires ou ses partisans critiques y trouvent matière à ajuster ces
notions à leurs postulats, ce qui explique la grande diversité de leur contenu et nécessite
un approfondissement analytique.
42
43
PASSET René, L’économique et le vivant, Paris, Payot, 1979
Courrier International, 18 mai 2004
30
Conclusion
Le développement tend à se fondre dans l’interdépendance de la mondialisation et à
y perdre les spécificités de sa problématique. Son approche se trouve confrontée à une
triple distorsion : économique, physique et temporelle.
La première relève des objectifs économiques qui valorisent les actions sur les
marchés extérieurs. « La politique néo-mercantiliste keynésienne comme la désinflation
compétitive orthodoxe vise explicitement à exporter le chômage en « forçant » les
exportations pour suppléer à la demande intérieure et stimuler la croissance de
l’économie. L’efficacité incontestable de ces recettes dans certains contextes est en
contradiction flagrante avec le résultat de leur généralisation.»44 La déploiement de cette
politique n’est mathématiquement pas supportable puisque les excédents de certaines
nations ne peuvent se nourrir que du déficit des autres. L’efficacité de la recette est en
contradiction avec sa généralisation. On peut rappeler que le succès de l’Asie du Sud-Est
dans sa stratégie d’exportation est partiellement dû aux arbitrages contraires du reste de la
planète laissant à moins de 80 millions d’individus répartis dans quatre pays, le soin de
conquérir les marchés nippons et américains. Un engouement planétaire similaire les
aurait ruinés en les affrontant à des surcapacités d’offre sur des marchés limités. Le
développement nécessite donc d’être inventif pour trouver des cheminements appropriés.
Les lois du succès économique de quelques-uns ne sont pas transposables à tous les
acteurs. La puissance publique doit alors être en quête de nouveaux cheminements.
La deuxième tient au fait qu’il y a une impossibilité de généraliser le mode de vie
occidental. Si non pas, un milliard d’hommes, mais six devaient acquérir effectivement le
niveau de consommation modélisé sur celui des plus riches, les limites physiques de la
planète ne le permettraient pas45. Les habitants du Nord consomment en moyenne trois
fois plus de céréales et d’eau que leur voisin du Sud pour ne rien dire sur la
consommation des matières premières et des ressources énergétiques. Sans changements
structurels importants, les rêves des populations déshéritées sont de facto inaccessibles.
Mais s’il avait fallu imaginer la circulation des personnes dans des mégalopoles
contemporaines avec les moyens de la voiture à cheval, cela aurait aussi conduit à une
impossibilité technique devant la quantité des écuries à mettre en oeuvre ou le tonnage de
crottin à évacuer, pour ne rien dire des encombrements ou des besoins en fourrages…
Aujourd’hui, selon le niveau et les méthodes d’exploitation contemporaines, les réserves
dites prouvées d’hydrocarbures fixeraient la durée d’exploitation à une quarantaine
d’années ! Si d’autres compagnies, à l’exemple de Shell, se sont livrées aux mêmes
manipulations, les échéances pourraient être encore plus courtes…46 Or, il existe du fait
de la médiatisation des modes de vie des plus riches notamment par l’impact de la
télévision et la généralisation du tourisme de masse, une impatience exacerbée des
populations démunies. L’ignorance de l’ailleurs donnait un certain flou aux attentes, la
confrontation permanente aux images de cet autre monde - perçu avant tout dans sa
dimension consumériste - crée légitimement des impatiences que ne peuvent plus ignorer
44
LATOUCHE Serge, op. cité p. 127
MEADOWS D. H. et alii, Les limites de la croissance, Rapport du Club de Rome, Halte à la croissance,
Paris, Fayard, 1972
46
Alternatives Economiques, N° 225, mai 2004, p. 23
45
31
les pouvoirs. Le développement avait pu être incantatoire avec de belles envolées de
tribuns habiles, la désillusion et la prise de conscience de l’inaccessibilité de la cible
pourrait réserver, faute d’ajustements, de terribles lendemains…
Le troisième point d’ordre temporel est relatif à la solidarité intergénérationnelle.
La nature est un patrimoine fait d’équilibres biologiques. La société occidentale a
véhiculé une approche de domination : on pouvait se rendre maître de la nature en en
comprenant son fonctionnement et ses interactions. Cette démarche fortifie une approche
scientifique et favorise le modelage de l’environnement aux besoins exprimés. Mais si la
chaîne du vivant est menacée, le monde transmis aux générations futures risque bien de
ne plus être le même que celui reçu en héritage, du point de vue de ses équilibres et de ses
potentialités. La puissance des transformations contemporaine ne prend plus en compte
les conséquences collatérales de ses actions. On délaisse les conséquences prochaines sur
la chaîne du vivant pour concentrer raisonnement et calcul sur l’intérêt immédiat. Les
vieilles coutumes africaines où l’on avait vu archaïsme, ont peut-être quelque chose à
nous réapprendre. Elles qui faisaient de la terre un bien intergénérationnels où les
exploitants du moments n’inscrivaient la gestion de ce patrimoine que dans le cadre
d’une propriété collective où restaient partie prenante ancêtres et générations futures.
Cette conception de la propriété de la terre intergénérationnel allait à l’encontre d’une
bonification immédiate pour intégrer les intérêts d’autres ayant droits. Ignacio Ramonet
rappelle que la communication et le marché constituent de nos jours les deux piliers de
nos sociétés et que ces deux paradigmes possèdent quatre attributs : planétaire,
permanent, immédiat et immatériel47. Mais cette mutation bouleverse la société et ses
pouvoirs. L’Etat devait réduire les inégalités et aménager les rapports sociaux, la nation
constituait le cadre d’actions d’une collectivité solidaire au sein de laquelle chacun
trouvait une fonction. Ces deux éléments restent affaiblis dans leurs capacités
d’intervention…
Comment dès lors répondre aux aspirations des peuples en droit de mieux
disposer de leur vie et gérer au mieux le bien collectif qu’est désormais devenu notre
planète. Les enjeux sont considérables sans qu’il soit bien sûr que les pistes de solution
soient réellement perçues.
47
RAMONET Ignacio, Géopolitque du chaos, Galilée, 1997, pp. 67-71
32
Figure I – Tableau synoptique des théories du développement
Stratégie 2
Un alterdéveloppement :
une marchandisation
redoutée
Néo-classique
Soumission aux lois : les prix du
marché donnant une optimisation de
l’allocation des ressources.
* La valorisation des agents créateurs
* La logique planétaire de l’entreprise
* L’insertion internationale en exigence
Un marché imparfait :
des distorsions de
fonctionnement
dénoncées
Le marché transmetteur de nouveaux
comportements et savoirs
MONDIALISATION
Stratégie 1
Néo-Keynésienne
Politique d’initiative volontariste
Le sous
développement :
Un produit du
développement
* L’action mobilisatrice de l’Etat
* La nation référence d’indépendance
* La suspicion sur l’international
L’accumulation productive et son
multiplicateur mécanique de croissance
Paradigme d’évolution et de vocation :
Vision des pays avancés, préfiguration
de l’avenir des pays en retard
LE SOCLE des CROYANCES
33
Le développement :
Un processus de
rupture
34
La Mondialisation Entre Rejets et Sanctuarisation :
Où se Situe la Vérité ?
Patrice Borda
Jean Gabriel Montauban48
Introduction
Si l’on observe, même de façon superficielle, les nombreux travaux concernant la
mondialisation, il est frappant de constater combien ce phénomène suscite des réactions
aussi diverses, contradictoires et opposées. D’ailleurs, la pluralité des sens qu’on lui
attribue et son emploi dans des domaines différents tels que la géographie, l’économie et
la sociologie etc. permettent de comprendre d’emblée que sa signification ne satisfait pas
aux règles d’une définition universelle mais tient compte de la sphère d’analyse dans
laquelle on se trouve. Le souci de clarté nous invite à considérer un fil d’Ariane très ténu,
en choisissant non pas une définition qui présenterait, sans nul doute, des lacunes mais
des éléments éclairant l’appréciation que nous nous en faisons. Cela semble d’autant plus
nécessaire que dans le domaine qui nous concerne -l’économie- les définitions pullulent
et conduisent à dire qu’il n’y a pas une mondialisation mais des mondialisations :
mondialisation des échanges, mondialisation des entreprises, mondialisation des échanges
financiers et mondialisation des échanges humains.
C’est l’économiste, T. Levitt qui, semble-t-il, fut le premier à utiliser le terme de
mondialisation dans un article publié en 1983 dans « Harvard Business Review ». Il
exprimait par ce terme, qu’une ère nouvelle voyait le jour en ce que les entreprises
devaient être vues désormais comme des firmes globales appartenant au village Monde et
n’obéissant plus à des relations nationales.
On comprend fort bien les réactions que peut susciter une telle approche : tout aussi bien
qu’un fait économique, la mondialisation ressemble à un certaine philosophie que l’on
peut se faire du monde, une idéologie en ce qu’elle présente un côté normatif laissant
concevoir la possibilité d’un modèle unique qui gommerait toutes les spécificités et
différences nationales. Robert Reider ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme qu’ « on ne
pourra plus qualifier un produit ou une firme d’américains, de français ou de
britanniques ».
Ainsi, un certain nombre d’observateurs pensent que, face à l’irréversibilité de la marche
de la mondialisation, il serait plus sage et plus logique de la considérer comme un
élément déterminant de nos prévisions. Selon une étude réalisée par Maddison, en 200
ans, de 1795 à 1995, la part des exportations dans la production mondiale a été
multipliée par 13. N’est-ce pas la preuve que les échanges ont joué un rôle déterminant
dans la richesse nationale et mondiale ? Une harmonisation de nos exportations et nos
48
Lead-UFR des sciences économiques et juridiques - BP. 270, 97174 Pointe-àPitre Cedex-Guadeloupe.
 : 05 90 93 87 30-05 90 93 86 10. e-mail : [email protected].
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investissements à l’étranger se révèle donc la voie à suivre puisque toute l’humanité s’en
trouvera bénéficiaire.
D’autres encore, à peine moins nombreux, les alter mondialistes, voient cette vague
déferlante se diriger avec force en direction des pays en voie de développement (PED)
pour les terrasser avec fracas sans aucun espoir d’améliorer leur bien-être en les
condamnant à tout jamais dans la misère, la pauvreté et le chaos.
D’autres enfin pensent, qu’à très court terme, les PED seront très vite limités dans leur
choix de politique économique et verront leur souveraineté confisquée par des
organismes tels que l’OMC, le FMI et la Banque mondiale.
On voit que les craintes sont nombreuses. Les espoirs placés en la mondialisation sont,
eux aussi, très grands. Pour ceux qui sont dans le camp des douteux, les faits leur
donnent-ils raison ? Cette peur est-elle exagérée ? La mondialisation est-elle vraiment
aussi apocalyptique que l’on voudrait le faire croire ? Pour ceux qui pensent le contraire,
la mondialisation est-elle vraiment bénéfique pour tous et pas seulement pour les pays
riches ? Pour les indécis qui n’arrivent pas à se ranger dans un camp, pourquoi ne pas
chercher à savoir si les pays pauvres n’auront pas plus intérêt à la longue que les pays
riches ? Cette dernière question n’est sûrement pas à négliger.
Pour répondre à toutes ces interrogations des plus légitimes, nous commencerons d’abord
par montrer, mais cela n’a rien de nouveau que la mondialisation est un phénomène très
ancien. Nous sentirons la nécessité de la présenter sur son visage de Janus en consacrant
les deux sections suivantes à ses méfaits et à ses bienfaits. Il sera alors temps, dans une
quatrième et dernière section de s’appuyer sur un modèle, celui de Ricardo, pour faire
apparaître que la mondialisation, certes inéluctable, peut présenter des avantages et des
inconvénients pour pays pauvres et pays riches ; on montrera en particulier que le
distinguo plus ou moins ésotérique consistant à considérer que les bienfaits sont pour les
pays riches et les méfaits pour les pays pauvres n’est pas toujours fondé.
I - La mondialisation : un mot nouveau, un processus ancien
Si la mondialisation peut s’entendre, selon le FMI comme « l’interdépendance
économique croissante de l’ensemble des pays du monde, provoquée par l’augmentation
du volume et de la variété des transactions transfrontalières de biens et services, ainsi que
des flux internationaux de capitaux, en même temps que par la diffusion accélérée et
généralisée de la technologie » on peut avancer, sans risque de se tromper, qu’elle est
présente bien avant l’époque contemporaine. Du mercantilisme du XVIè siècle à nos
jours, l’histoire économique est construite sur la recherche continue des moyens visant à
améliorer les échanges et les transactions. Même si cette quête a toujours été un trait
dominant de la vie économique, il est sûr que la chute du mur de Berlin a accéléré le
processus puisque, des pays comme l’URSS, la Chine et tant d’autres encore, sont venus
en bottes de sept lieues, tout de go et donc sans méfiance intégrer l’économie de marché.
C’est en ce sens, celui de l’unification du monde au système de marché que l’on peut
36
comprendre ceux qui pensent que la mondialisation sera la tête de pont de ce nouveau
siècle.
37
I.1 - Des échanges de plus en plus mondialisés
Le fait le plus saillant est que la mondialisation des échanges ne s’est pas faite à la
même vitesse. En effet, jusqu’à la fin du XVIIIè siècle, les échanges sont rendus très
difficiles par la mainmise des mercantilistes qui tenaient vaille que vaille au « monopole
de pavillon » et par les moyens très limités des transports et de communication.
L’activité économique peut se réduire à l’agriculture et à l’artisanat favorisés par les
courants de la Renaissance. La compagnie hollandaise des Indes orientales et les banques
voient le jour à cette époque. Mais c’est véritablement au XIXè siècle, et plus
précisément, à partir des années 1870, avec la révolution industrielle (machine à tisser,
chemins de fer, électricité) que la mondialisation s’accélère. Comme le fait si bien
remarquer Jeffrey Sachs, le courrier électronique résulte du télégraphe des années 1840.
La grosse différence est que le développement du progrès technique a révolutionné les
moyens de transport et de communication. Celle-ci ne pouvait aller plus vite qu’un cheval
lancé à toute vitesse jusqu’au milieu du XIXè siècle dans la plupart des pays qui n’étaient
point équipés de systèmes signalétiques. Le transport maritime était hautement craint.
L’histoire est riche, à ce propos, de situations dramatiques d’équipages dont les bateaux
partaient à la dérive, par ignorance totale de la façon qu’il fallait calculer la longitude, de
ceux qui avaient la charge de les gouverner. La soif, la faim, les maladies tel le scorbut
tuaient une bonne partie de l’équipage. L’histoire du Hollandais volant est là pour nous
aider à imaginer l’horreur. L’histoire économique nous apprend ce que les théories et les
décisions doivent aux circonstances de leur époque. Dans ces conditions, il n’est pas
surprenant que l’effort principal des pays se soit concentré sur la recherche des moyens
pouvant déterminer les longitudes. C’est pourquoi on ne doit pas être étonné des sommes
faramineuses que des pays tels que la France et le Royaume-Uni ont proposé pour déceler
un moyen quelconque de calculer la longitude en mer. Avec le recul, on ne peut pas
véritablement dire que le jeu n’en valait pas la chandelle. Cet effort s’est traduit par un
ensemble d’innovations importantes qui ont conduit ceux qui les possédaient, et ceux qui
les ont acquises par la suite, à améliorer leur sort. Systèmes de localisation par satellite,
radios, etc. sont des inventions mondiales aux conséquences multiples.
Ce qui vient d’être dit, laisse apparaître que la conséquence première de cette
amélioration des moyens de communication, ne peut être qu’un accroissement et une
accélération de la concurrence étrangère qu’il est alors impossible d’éviter. Dans de
nombreux pays, les marchés sont non seulement confrontés à la concurrence étrangère
mais aussi à celle des firmes de nationalité différente venues s’installer dans le pays en
question.
La deuxième conséquence, compte tenu de ce qui précède est que cette situation nouvelle
pose problème. Qu’en est-il du lien entre ces exportations et la richesse ?
La figure suivante, due à Melo et Grether (1997) montre très clairement, que le taux de
croissance du commerce mondial est quasiment le double de celui du PIB mondial.
Graphique 1
38
Croiss ance des exportations et du PIB 1720-1996
12
10
8
PIB
EXP
6
4
2
1990-1996
1980-1990
1973-1980
1950-1973
1913-1950
1870-1913
1820-1870
1720-1820
0
Source : Maddison (1998).
Ce qui est intéressant de noter c’est donc le rôle clé joué par le par le commerce résultant
du progrès technique qui se révèle ainsi comme un déterminant majeur dans ce
mouvement. Un examen plus approfondi des statistiques disponibles montre (Maddison
(1995), Bairoch (1997) ou Melo et Grether (1997)) que la part des exportations dans le
PIB a été multiplié par 13 de 1820 à 1992. Le PNB a été multiplié par 40 (de 695
milliards à 27995) alors que les exportations en passant de 7 milliards à 3786 milliards
connaissent un facteur multiplicatif de 541 ! Elles ont donc explosé par rapport au PIB.
Ce mouvement va en s’amplifiant puisque en 1997, le PIB était de 6600 milliards de
dollars !
I.2 - Une répartition des richesses des plus inégale
Le commerce, le progrès technique et la concurrence forment une trilogie qui
marque d’un sceau indélébile la mondialisation. Cette richesse est-elle bien répartie ? Ce
n’est pas une question tant la réponse ne souffre d’aucune ambiguïté. Un rapport de
l’OMC sur les flux mondiaux entre l’Asie, l’Amérique du Nord, le Japon et l’Union
européenne permet de dégager plusieurs points importants. Le graphique ci-dessous dû, à
Melo et Grether, est très parlant. Plusieurs conclusions s’imposent.
Graphique 2 : répartition des échanges
39
70
120
150
Amerique
duNord
Union
européenne
40
70
170 140
Japon
140
120
140
Asie
200
Source : Stoleru (1999).
En premier lieu, l’Union européenne joue un rôle central avec ces grandes zones :
elle a un excédent de 20 milliards de dollars sur l’Amérique du Nord (170-150), un
déficit de 30 milliards sur le Japon (70-40) et un commerce dont le solde est quasiment
nul (140 -140) avec l’Asie.
En deuxième lieu, le Japon a un excédent commercial sur ces trois grandes zones :
pour l’Amérique du nord, un excédent de 50 (120-70) ; pour l’Asie de 60 (180-130) et
comme on vient de le dire de 30 sur l’Union européenne.
En troisième lieu, contrairement au Japon l’Amérique du Nord connaît un déficit
sur les trois autres zones : envers l’Union européenne, un déficit de 20 (170-150) ;
envers l’Asie de 60 (200-140) et envers le Japon de 50 (120-70).
Ajoutons que les produits agricoles ne représentent plus que 10% des échanges
alors que les services sont à plus de 57%.
En montrant que les déterminants de la mondialisation sont présents depuis des
siècles et que les forces qui la maintiennent toujours herculéennes, ce qui précède plaide
en faveur d’une mondialisation qui va dans le sens de l'histoire. Ainsi, après avoir vu que
le problème majeur est celui de la très mauvaise répartition, on est tenté de dire que la
démarche la plus objective et la plus sensée serait de d’analyser quelles sont les méthodes
à prendre en compte pour que ces bienfaits de la mondialisation profitent à tous. Car, on
le sait et on le verra encore, les méfaits existent. Analysons-les plus en profondeur.
II - Le visage de Janus de la mondialisation
II.1- La face lumineuse : un jeu à somme positive
40
180
Certains auteurs croient dur comme fer aux capacités bienfaisantes pour tous de la
mondialisation. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer leurs écrits et la force de leurs
propos. « La mondialisation n’est pas coupable », dit Paul Krugman ; Alain Minc est
encore plus catégorique : « je persiste et je signe : la mondialisation est heureuse ». Que
dire de Daniel Cohen lorsque dans son bel ouvrage la Richesse des nations, il utilise ces
mots : « Tout est faux ou presque des peurs qui attribuent à la mondialisation des crises
que connaissent les pays riches et le protectionnisme qui est recommandé par les
derniers colbertistes seraient parfaitement inopérant s’il était appliqué ».
Des exemples comme ceux dont nous venons de faire état, sont nombreux. A dire
vrai, même si on peut ne pas partager totalement cet engouement, il est par contre
difficile de nier, et la première section de cet article l’a bien montré, que les échanges ont
permis d’améliorer le PIB par tête d’un nombre considérable d’habitants de la planète. Il
est hautement démontrable que l’innovation et les échanges commerciaux vont de pair.
On conçoit que celle-ci est amplifiée par la concurrence étrangère. Observons en effet,
dans un pays quelconque, les marchés de produits les plus juteux. Non seulement, ils
doivent faire face aux concurrents locaux mais également, et de plus en plus, aux
entreprises étrangères qui viennent dans ce pays. On pense naturellement au marché
automobile : que ce soit en France, aux USA, ce problème est réel et est à l’origine de
nombreuses situations délicates. Le nombre de firmes étrangères installées dans ces pays
est considérable. Aurait –on pu penser à une telle situation, notamment pour les USA
dans un passé encore récent. En Allemagne la firme Mercedes menace de délocaliser en
Afrique du Sud et Siemens en Hongrie. La concurrence est un bon guide pour
comprendre cette hausse de productivité que l’on constate à travers les statistiques
disponibles. Elle peut expliquer en particulier pourquoi et comment elle est déterminante
pour l’innovation dont elle en règle l’allure et le mouvement. Il paraît naturel alors
d’avancer que l’interdépendance de ces facteurs -innovation, concurrence- contribue de
façon importante à accroître la richesse tout en réduisant le coût des produits. Le transfert
de technologies profite de l’amélioration des moyens de transport et de communication. Il
est loisible de considérer que la mondialisation représente une évolution aussi qualitative.
Vue sous cet angle, l’amélioration de techniques résultant de la concurrence à l’échelle
mondiale peut améliorer le bien-être du village planétaire, expression chère à Mac Luhan.
La conclusion la plus brûlante est que, tous les pays, quel que soit leur niveau de
développement, du fait de l’accroissement de la productivité, ont là un moyen d’impulser
leur bien-être sur une trajectoire croissante. La dimension temporelle de la mondialisation
est donc un facteur-clé de l’analyse car, même si à court terme, ses effets bénéfiques –si
on y croit- ne sont pas suffisamment visibles pour dire haro aux sceptiques, il est évident,
et l’histoire le montre, que les conséquences de l’amélioration des techniques ne sont pas
uniquement dans les pays riches. La théorie du trickle down pourrait bien resurgir. Et
pour le bien de tous.
De nombreux travaux dont on situe la genèse à la fin des années soixante-dix ont
allumé l’espoir. Ils ont montré que les pays riches et pauvres pourraient converger
conditionnellement. Ces conditions sont, pour faire court, l’ouverture de marchés, un fort
taux d’investissement et une forte scolarisation Cette thérapeutique a été appliquée avec
41
succès –et quel succès fracassant !- par la Corée, Taiwan, Hong Kong et Singapour. Un
peu plus avant dans le temps, l’expérience de l’après- guerre a montré les bienfaits de
l’innovation dans nombre de pays asiatiques ainsi qu’en Espagne et au Portugal. Les
optimistes ont bien des raisons de l’être et le pessimistes ont de quoi faire vaciller leurs
doutes.
Cette prescription peut donc marcher puisqu’elle a déjà réussi. C’est là un véritable
espoir pour, d’une part, les pays en développement qui peuvent utiliser efficacement les
techniques et, d’autre part, pour les pays avancés de posséder l’arme leur permettant
d’utiliser des importations moins onéreuses. A ce jeu, tout un chacun peut gagner mais
conditionnellement, à l’instar de la convergence. Cela signifie que si ces conditions ne
sont pas réunies, il est fort probable et même certain que l’on perde. Quelles sont ces
conditions ? C’est l’objet de la section suivante.
II.2 - La face horrible : un étau aux mors acérés
Si les conséquences de la mondialisation peuvent être si bénéfiques, on peut
s’étonner que les mouvements
alter mondialistes la combattent avec tant de
détermination. De plus, si le passé nous donne quelque raison de croire à la politique
macroéconomique, on ne voit pas les raisons pour lesquelles on convoquerait au tribunal
des accusés la mondialisation pour son côté destructeur en emplois. Mais à regarder de
plus près, on peut être sceptique car la mondialisation peut avoir des conséquences
nébuleuses sur bien des points. En effet, faisons un retour en arrière. Au début du 19eme
siècles, les pays riches avaient un revenu par tête qui était de 1,3 à 1,6 fois supérieur à
celui des nations les plus pauvres. En 1870, ce nombre était de 13 pour passer à 50 en
1995 et de 55 en 1998. Si l’on s’appuie sur ces statistiques, on pourrait penser que, sauf
accident de l’histoire, que les raisons de croire à un retournement sont inexistantes.
L’idée que la mondialisation ne peut qu’accroître les inégalités a pénétré la pensée.
« Loin d’optimiser l’allocation des ressources naturelles et immatérielles de la planètesans parler des richesses humaines- la globalisation engendre de profonds
dysfonctionnements et des gaspillages éhontés », Riccardo Petrella (1997). Jean-Paul
Fitoussi écrit : « Le vrai problème est que le surplus suscité par la mondialisation n’est
acquis qu’au prix d’une croissance considérable des inégalités. Les titulaires des
revenus salariaux -rentes et profits- voient leurs revenus s’accroître fortement alors que
les salariés enregistrent une importante baisse de leur pouvoir d’achat ». De ce point de
vue, on conçoit que les conséquences sur la cohésion sociale sont bien réelles et qu’il faut
tout mettre en oeuvre pour une meilleure répartition de la richesse mondiale. Si l’on se
réfère aux réussites de la politique macroéconomique dans son combat pour l’emploi, il
est vrai que la « mondialisation n’est certainement pas coupable ». La difficulté vient du
fait que, même si on attribue des vertus à la politique macroéconomique, l’innovation
peut détruire de façon durable des emplois et créer ainsi un chômage structurel. Les
travailleurs d’usines par exemple n’ont plus besoin des mêmes qualifications. C’est un
vieux débat : le destruction des emplois due au progrès technique. Ricardo l’avait déjà
invoqué dans « The Machinery Question » en disant que le travail pouvait devenir
redondant. Quel que soit le fin mot de l’histoire, Il est loisible de constater que cette
mondialisation a incontestablement des effets sur les salaires et dans les pays en
développement et dans les pays riches. Des études tant théoriques qu’empiriques visant à
42
déterminer les conséquences de la concurrence étrangère sur les salaires ont toujours
montré amplement l’existence d’une tendance à la baisse. L’idée sous-jacente peut être
simplifiée ainsi : supposons que par l’innovation, un pays possède, à un moment donné,
toutes les cartes en main pour garder le leadership mondial dans une production
déterminée. Selon l’importance du produit, d’autres pays seront amenés à proposer des
salaires élevés à ceux qui, dans le pays considéré, sont au faîte de cette technologie. Mais,
la diffusion de cette dernière dans d’autres pays, réduira la demande adressée au pays qui
en était à l’origine. Il s’ensuivra une baisse du profit des premiers détenteurs. Mais là
n’est pas le problème le plus important, même s’il est important. Prenons le cas de
l’informatique aux Etats-Unis, exemple souvent cité dans ce domaine. Cela rendra plus
concrets nos propos. La formation des programmeurs en Inde a eu comme corollaire un
déplacement des programmeurs moyens aux Etats-Unis vers les secteurs où la maind’oeuvre est qualifiée. Comme, dans le même temps, la demande envers les plus
performants a augmenté, la différence de salaires s’accentuera, rendant plus riches les
plus riches, un peu moins riches les moins riches et un peu plus pauvres les moins
pauvres.
Si l’on observe ce qui s’est passé dans les pays en développement à la suite d’une
révolution industrielle, il est notoire que les salaires réels, donc le pouvoir d’achat et les
niveaux de vie présentent cette constante dans l’histoire : ils baissent. Que l’on songe
simplement aux années 1800 : les salaires n’ont véritablement augmenté qu’au début de
la deuxième moitié du XIXè siècle alors que la révolution avait commencé près d’un
demi-siècle plus tôt ! Transposer cette remarque à la mondialisation du XXIè siècle est un
pas d’un franchissement facile. Sous l’impulsion notamment des alter mondialistes, on
tend de plus en plus à accréditer l’idée que les patrons des multinationales utiliseront de
plus en plus le bouclier de la concurrence pour obliger les travailleurs à produire dans des
conditions de plus en plus précaires, dépassant la limite de l’acceptable. C’est ainsi que
l’on a entendu récemment un ministre du gouvernement de la France lancer le slogan
suivant : « Ne consommez pas la banane-dollar ; c’est la banane de la honte » Autrement
dit, en consommer serait autoriser les multinationales à exporter une force de travail
rémunérée en dessous du seuil du tolérable. Quelle signification donner à cette attitude
quand on sait que le slogan était quelque peu tronqué puisqu’il invitait à consommer les
bananes ACP. Quelle qu’en soit la véritable raison, il n’est pas insensé de penser qu’à
court terme, les pays en développement pourrait être confrontés à un temps horrible, pire
que celui auquel ils auraient pu être confrontés en l’absence de la mondialisation. Le
remplacement de l’homme par la machine n’est pas un combat dépassé.
Le paradoxe est que, cette analyse, bien que dégageant à nos yeux une logique,
cohabite avec l’idée que toutes ces conséquences ne sont bien graves car les salaires
finiront par bien augmenter. Certes nos grands-parents et, à un degré moindre, nos
parents n’avaient sûrement pas imaginé un tel niveau de vie à l’heure actuelle. C’est bien
pour cela que ce point de vue est à rejeter. Mais il existe une autre raison majeure. Peuton trouver une justification à la souffrance même si l’on avance que les générations
futures en tireront profit ?
43
A long terme, disait Keynes, nous serons tous morts. C’est pour les classiques, la
fameuse main invisible qui permet à tous d’améliore leur sort. « Ce n’est pas de la
bienveillance du boucher ou boulanger dont mous tirons nos besoins mais bien de la
recherche de leurs intérêts propres ».
Ainsi, deux théories les plus connues, le libre échange et le keynésianisme nous
mettent en garde contre les analyses excluant le court terme. Si la force d’une chaîne se
mesure à son maillon le lus faible, les pays riches doivent comprendre qu’il ne s’agit pas
de s’entendre entre les grands mais qu’ils doivent impérativement aider les plus pauvres
si l’on veut vivre dans ce village mondial. Ecoutons à ce propos Lionel Stoleru (1999) :
« l’égoïsme individuel de chaque pays riche fait place à une solidarité collective entre
pays riches pour assurer leur bien-être mutuel. Il faudra encore du temps pour que les
pays riches comprennent que leur bien-être mutuel implique celui des pays pauvres ».
On ne peut être plus clair.
Ce sentiment est renforcé par des exemples probants. Avant que l’Union
européenne ne passe à vingt-cinq, on peut voir que les pays la composant se sont plus
attachés à préserver leurs privilèges qu’à faciliter l’entrée des pays plus pauvres.
L’Espagne par exemple a obtenu que ses régions ultra périphériques, bénéficient de l’aide
maximale octroyée alors que plusieurs de ses régions sont passées au dessus- de ce seuil !
La patience n’est donc pas une vertu quand on souffre. Difficile de choisir entre la
souffrance des pauvres et une amélioration hypothétique de leur sort à long terme. Les
mâchoires du piège peuvent se refermer complètement.
III - Les conséquences des transferts de technologie
L’objet de cette section est de chercher à mesurer l’impact d’un transfert
d’industries d’un pays à un autre. Ce phénomène doit être pris à bras le corps car, en
dépit du fait que de nombreux auteurs ont montré qu’il n’a pas aggravé le déséquilibre
entre pays européens et pays en développement, il a souvent été pointé du doigt en ce
que, depuis une quinzaine d’années, il est accusé de détériorer la situation de l’emploi, en
particulier dans les pays avancés. L’explication commune mise en avant est que le
contenu en travail des biens exportés est bien moindre que celui de biens importés.
Comme le fait remarquer Jean-Paul Fitoussi, on ne peut pas véritablement dire alors que
l’échange est inégal car les pays riches exportent des biens à plus forte valeur ajoutée.
Quoi qu’il en soit, il paraît naturel, devant l’ampleur du débat, de s’appuyer sur un
outil fournissant un cadre conceptuel théorique simple. Nous allons considérer une
modélisation due à Baumol et Gomory (2000) et repris par Baumol en 2004. C’est un
modèle sous-jacent de celui de Ricardo qui a non seulement l’avantage de la simplicité
mais convient parfaitement pour répondre aux questions que nous nous sommes posées
dans nos propos introductifs. Les formalisations présentées découlent cependant d’une
conjecture qui n’est pas ancrée sur une base mathématique solide ; c’est qu’il s’agit
d’étudier un phénomène dont la nature et la portée sont très complexes.
44
III.1 - Un cadre d’analyse : la modèle de Gomory et Baumol (2000)
La voie que prennent ces auteurs est de considérer un modèle réduit dans sa plus
simple expression puisqu’il contient uniquement deux pays que l’on notera P1 et P2 . Cela
suffit à faire apparaître le mouvement des transferts d’industries. Ils posent également,
que pour tout bien i = { 1, 2,...n} , celui ne peut être produit que par un des deux pays.
Donc, en notant par I1 et I 2 les cardinaux respectifs des ensembles des biens produits par
P1 et P2 , on doit avoir :
I1 + I 2 = n
Cette simplification peut paraître sévère mais les auteurs l’expliquent par les
économies d’échelles qui conduisent à un équilibre stable sur le plan local. Etant donné
que, pour chaque produit, il existe deux lieux possibles de fabrication, le nombre
d’équilibres croissants avec n est 2n − 2 . Chaque répartition d’industries et l’équilibre
correspondant auront un niveau de revenu national yi avec i = { 1, 2} . Les autres variables
utilisées dans ce modèle sont yw et z qui désignent respectivement la richesse mondiale
et la part de la richesse du pays 1 dans le revenu mondial. Ce que nous venons de dire
peut être formalisé par :
y1
y1 + y2
yw = y1 + y2
z=
(1)
(2)
Pour montrer comment un transfert d’industries qui s’accompagne obligatoirement
d’une augmentation de la part d’un pays aux dépens de l’autre affecte le revenu mondial,
on considère que yw est une fonction de z soit yw = f ( z ) avec la représentation
graphique ci-dessous.
45
Graphique 3 :
yw
y0
0
z0
z 1
Ce graphique s‘interprète facilement : le maximum de la courbe y0 est obtenu pour
une valeur de z = z0 différente de 0 et de 1. En d’autres termes, aucun pays ne tire
avantage à s’accaparer de toutes les industries. Cette forme est très plausible même si elle
n’est pas justifiée rigoureusement. Les explications avancées se résument en deux idées
force.
i)
La première est que la concentration de toutes les industries dans un pays quel
qu’il soit, (extrémités gauche et droite de la figure) conduirait à une
fragmentation de sa main d’oeuvre en divers produits en petites quantités. Une
absence donc d’économies d’échelle, ce qui est contraire à nos hypothèses,
ii)
La deuxième qui est d’une certaine façon un corollaire de la première est que
pour le pays possédant toutes les industries, le fait de l’absence d’avantages
absolus, la plupart des bénéfices provenant de l’échange devront être
abandonnés.
Ainsi, il apparaît que la valeur optimale de z se trouve en un point suffisamment
éloigné de zéro et de un.
Dès lors que l’hypothèse de l’allure de la fonction yw = f ( z ) paraît convenir, il
convient de déterminer les formes des fonctions yi = f i ( z ) pour i = { 1, 2} . Elles nous
permettront alors d’analyser dans un cadre formel ; l’impact des transferts d’industries.
Pour déduire, les expressions de y1 et y2 , il suffit de considérer les équations 1 et 2.
Elles donnent immédiatement :
46
y1 = zyw
(3)
y2 = ( 1 − z ) y w
(4)
III.2 - Les leçons à tirer du modèle
Ces deux équations fournissent des équations capitales. Constatons que si z = 0 ,
y1 = 0 . En partant de z = 0 la fonction ne peut que croître. Un raisonnement identique
conduit à y2 = 0 pour z = 1 . La démarche visant à déterminer les formes des courbes est
immédiate. En effet, on a en dérivant (3) et (4) :
y1' = yw + zyw'
'
'
et y2 = − yw + (1 − z ) yw
Le maximum de la frontière mondiale s’obtient en annulant la dérivée de yw , soit
yw' = 0 . Appelons zw cette valeur :
'
'
Pour celle-ci , y1 = yw > 0 et y2 = − yw < 0 .
Ces résultats sont très éloquents. Ils signifient que y1 continue à croître au point yw ;
contrairement à z2 .
47
Graphique 4
yj
mw
*
2
m
yw
m1*
y1
y2
m1
m2
0
z2*
zw
z1* 1
L’observation de ce schéma qui résulte de l’hypothèse de la forme de la courbe yw
nous montre qu’il est intéressant de distinguer les différentes valeurs-clé de z car,on le
voit, les situations des deux pays dépendent fortement de leurs poids dans la richesse
mondiale. Quels enseignements peut-on en tirer ? Si l’on accepte cette configuration, les
conséquences de la mondialisation sont loin d’être évidentes.
*
En premier lieu, lors qu’aucun des deux pays maximise leur bien-être en z2 ou en
z1* (sa meilleur performance) cela ne peut se faire qu’au détriment de l’autre.
*
*
En deuxième lieu, si nous considérons l’intervalle  z2 , z1  , il est aisé de constater
que les deux courbes évoluent en sens contraire en ce sens que y1 est croissante alors y2
décroît. Dans cette zone qui est sans doute la plus souhaitable au départ, puisqu’aucun
des pays n’est excessivement pauvre. Il est évident que le jeu est plutôt à somme nulle.
Pour qu’il y ait un gagnant, il est nécessaire qu’il y ait un perdant, le profit de l’un est la
perte de l’autre.
*
En troisième lieu, seules les valeurs de z comprises entre 0 et z2 donnent des
satisfecit à la mondialisation quant à son impact sur la répartition des richesses. En effet,
le graphique fait apparaître que si un pays est très riche, le transfert de quelques industries
vers le pays très pauvre présente quelques avantages pour les deux.
Il ne fait pas de doute que ce modèle, par sa simplicité, ne peut prétendre à être
parvenu à un niveau de satisfaction suffisant pour tracer la vois à prendre par la
mondialisation. Le choix du modèle s’est voulu réaliste et simple, deux caractéristiques
pas toujours compatibles. Toutefois, le modèle de Ricardo a suffisamment fait ses
preuves, pour ne pas tomber dans un doute impliquant la paralysie. La mondialisation,
contrairement à ce qu’on en dit, peut être un moyen pour amener les pays pauvres à
48
augmenter leur bien-être. Mais elle peut être également génératrice de conflits et de
dégradation pour un pays assez riche confronté à un pays un peu moins riche. Les
craintes ne peuvent pas l’effacer au profit d’un optimisme trop lisse.
49
Conclusion
A partir des études qui ont été réalisées sur la mondialisation, nous avons tenté,
dans cet article, d’avoir un regard tout à fait nouveau de ceux que l’on a en général. Un
des résultats importants, à notre avis, est qu’il n’est pas de bon ton de considérer que la
mondialisation doit être honnie ou adulée. Cette classification binaire ne peut convenir.
L’approche doit, en effet, être plus subtile. Il a été vu que la mondialisation peut être sans
aucun doute le mouvement économique bienfaiteur dominant du siècle en cours. Cela ne
nous a pas empêché de nous rendre compte qu’elle peut se révéler extrêmement néfaste.
« Où et la vérité ? » Posions-nous comme question en titre de cet article. Notre étude
nous dit qu’elle se situe au confluent de ces deux éléments. Un deuxième résultat est que
l’aide immédiate des pays riches aux pays pauvres serait le plus sûr moyen d’espérer que
le sort de tous s’améliore dans les court et long termes.
Bien que le modèle utilisé de Gordon-Baumol ait pu montrer diverses situations
possibles, il mérite d’être amélioré en y intégrant par exemple le fait qu’un produit pourra
être fabriqué par les deux pays. Il a, par delà sa formalisation élémentaire, une valeur
heuristique bien réelle à nos yeux, car il a pu laisser entrevoir que pays riches et pays
pauvres peuvent souffrir -à des degrés différents certes- mais qu’il est possible, et c’est
peut-être le point le plus important, de tracer une voie pour que le jeu soit à somme
positive.
50
Bibliographie
Bairoch P. (1988), Cities and Economic development, Chicago : University of Chicago
Press.
Bairoch P. (1997), Victoires et déboires I et II, histoire économique et sociale du monde
du XVIe à nos jours, Galimard.
Bairoch P., (1999), Mythes et paradoxes de l’histoire économique, La Découverte.
Baumol W. (2004), « Globalisation : prospect, promise and problem », Salises 5th
Annual Conference : Caribbean Single Market and economy : legal, political, economic
and social dimensions.
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Cambridge, Massachusetts : Mit Press.
Krugman P., Obsfeld M. (1995), Economie Internationale, De Boeck, Premisses.
Maddison A. (1995), Monitoring the world economy, 1829-1992, OCDE.
Stoleru L. (1999), L’économie : comprendre l’avenir, Dunod.
51
Mondialisation Pays en Voie de Développement
Et Organisations Internationales
Maria Negreponti-Delivanis 49
Introduction
Le terme de mondialisation n’est pas clairement défini ; pourtant, elle s’est imposée
sur notre planète au milieu des années ’80 et ses objectifs et ses conséquences néfastes
sont aujourd’hui évidents et incontestés. Le rôle de la plupart des organisations
internationales est d’aider les pays en voie de développement à converger, d’assainir leur
profil macro-économique et d’atténuer l’intensité des crises économiques. Pourtant, leur
attitude est très ambiguë. En effet, les politiques préconisées par les organisations
internationales, et plus particulièrement par le FMI et l’OMC, soulèvent de nombreuses
interrogations, étant donné qu’elles obtiennent des résultats diamétralement opposés à
leurs objectifs initiaux. Il est donc possible qu’elles agissent sous l’emprise d’un
fondamentalisme naïf, qu’elles se soient détournées de leurs devoirs assignés en
favorisant aujourd’hui les pays déjà développés aux dépens des plus pauvres, qu’elles
subissent des pressions de la part des multinationales puissantes qui veulent tout
privatiser et ainsi démanteler la souveraineté des Etats-nations, qu’elles participent à une
conspiration internationale située à Bilderberg (Cowell et Halbfinger 2004) avec des
visions économiques et politiques, ou qu’elles aient été infiltrées par des fonctionnaires
qui servent des intérêts douteux et obscurs. Chacun est libre de choisir l’explication qui
lui convient pour justifier le fait indéniable de leur tragique échec. A mon avis,
l’explication la plus simple de cet situation lamentable se trouve ailleurs : la plupart des
organisations internationales se sont transformées en humbles serviteurs de ce qu’on
appelle « la mondialisation » dont les objectifs sont complètement différents de sa
rhétorique hypocrite. Cette opinion est aussi corroborée par la ressemblance entre les
postulats de base de la mondialisation et les politiques préconisées par les organisations
internationales.
Il n’est donc guère étonnant que les pays en voie de développement n’aient aucune
confiance dans les directives de ces organisations ; ils se sentent trahis et sont pleinement
conscients qu’en s'exécutant, ils courent à la catastrophe. Malheureusement, ils n’ont pas
le choix, car ils ont un besoin urgent d’aide et d'argent.
49
Université Macédonienne,
Fondation «Delivanis», CEDIMES, AIELF
Morgenthaou 1, Thessaloniki 54622, Grèce
Tél. / Fax : + 30 231 022 99 77 et + 30 210 361 32 09
e-mail :
[email protected]
52
Dans la première partie de ce rapport, je vais essayer de présenter les grandes lignes
de la mondialisation, mais qui guident aussi le FMI et l’OMC. La Partie II sera consacrée
aux conséquences de leurs politiques néfastes ; dans la Partie III, j’exposerai quelquesunes des possibilités des PVD pour faire face à leur situation infernale, avant de tirer
quelques conclusions générales.
Partie I.
Les hypothèses erronées de base
Imprégnées d’un libéralisme extrême qui a introduit dès le 18 e siècle le concept
visiblement irréel de la «main invisible» et la philosophie du laissez-faire, laissez-passer,
ces hypothèses sont beaucoup plus dangereuses dans le cas des PVD (1) que dans celui
des économies développées. Mais le pire, c’est que le respect de ces hypothèses est
sévèrement imposé aux pays les moins avancés, alors que les pays actuellement puissants
ont pu se développer dans le passé sur la base de préceptes théoriques totalement
différents. En plus, ils ne les appliquent même pas eux-mêmes. Cette politique de «deux
poids et deux mesures» est complétée d’une série de modalités, d’exceptions et de
discriminations qui ne laissent aucun doute sur les intentions réelles qui se cachent
derrière. Ces mesures, qui favorisent les pays industrialisés, sont peut-être choisies par
eux dans un esprit de désintéressement total des conséquences pour les PVD. Mais il
n’est pas exclu non plus qu’elles cachent un complot.
A. L’hypothèse de base
a) Les marchés sont parfaits
L’hypothèse de base, qui conditionne presque tout le reste, suppose des marchés
parfaits. Ce qui signifie, entre autres, que l’offre globale est toujours et obligatoirement
égale à la demande globale et que, par conséquent, sur le marche du travail le chômage
involontaire est inconcevable. S’il apparaît malgré tout, c’est le signe certain d’une
intervention malveillante, soit de la part de l’Etat, soit de la part des syndicats qui ont pu
imposer un niveau de salaires supérieur à son point d’équilibre. Alors, le seul remède
efficace pour assainir une telle situation est de baisser les salaires.
Il est plus que difficile de se persuader que les économistes chevronnés des
organisations internationales sont à ce point naïfs et ignorants qu’ils croient au mythe
d’un marché parfait. Car il est largement reconnu que dans le domaine économique le
rôle de l’Etat a été important, et pas seulement depuis le 17 e siècle (Brada 1996). Par
ailleurs, l’expérience du passé montre que le recours à un libéralisme extrême et le
laissez-faire, laissez-passer a toujours été un alibi pour justifier le soi-disant noninterventionnisme, mais en réalité pour dissimuler l’interventionnisme en faveur des plus
puissants…. de ceux, qui avaient la possibilité d’imposer leurs propres intérêts à l’Etat :
«Le libéralisme devient alors un masque derrière lequel des intérêts économiques
dominants profitent de la puissance politique» (Barre 1956, Vol.i :129, NegrepontiDelivanis 2002). C’est ainsi que l’hypothèse d’un marché qui s’autorégularise est depuis
toujours utopique : il n’a jamais été réalisé ni à l’échelle nationale et encore moins à
l’échelle internationale. Par contre, la voie vers l’économie libre a été ouverte et
préservée grâce à un interventionnisme extrêmement rigoureux (Polanyi 1944:140).
53
En essayant d’expliquer l’attitude des organisations internationales vis-à-vis des PVD
dans le cadre de la mondialisation, on ne peut s’empêcher de déduire que l’idéologie du
prétendu non-interventionnisme sert souvent de moyen politique pour atteindre des
objectifs bien concrets et aux dépens des PVD (Stiglitz 2002 Chap. 2) (2).
b) Le «paradis secret» de cette hypothèse
•
•
Pourtant, la thèse fondamentale du marché libre va beaucoup plus loin que
d’imposer simplement des mesures isolées aux PVD. En effet, en regardant ce qui est
arrivé au cours des deux dernières décennies, il n’est guère exagéré d’affirmer qu’à
travers la politique de non-intervention, on vise deux objectifs majeurs qui transforment
non seulement les bases du capitalisme, mais aussi le contenu du régime démocratique.
Il s’agit :
premièrement, de la tendance à baisser au maximum le niveau des salaires sur toute la
planète en faveur des profits, mesure justifiée par la soi-disant nécessité d’augmenter la
compétitivité (3). Le seul moyen d'y arriver dans le cadre de la mondialisation est le
licenciement massif des travailleurs, suivi de la hausse du prix des actions des
multinationales (Negreponti-Delivanis 2002 : Chapitre II, section III);
deuxièmement, de la promotion d’une idéologie qui lutte pour minimiser ou neutraliser le
rôle de l’Etat dans l’économie, ce qui va de pair avec le démantèlement, du moins
apparent, de la souveraineté de l’Etat-nation, ainsi qu’avec l’apparition d’une vague de
nouvelles théories qui essayent d’expliquer la soi-disant inertie des gouvernements
contemporains (Reich 1997 :18ss, Ramonet 1998 : 59ss, Forrester 2000 :25ss, Chomsky
1999 :13ss, Cohen 1998 : Chapitre 7 et autres). Il paraît qu’on doit, entre autres, inclure
dans la liste des objectifs de la mondialisation la «privatisation du globe entier» (Ziegler
2000). «Le marché se substitue à la politique à travers la perte progressive du droit de
l’Etat-nation de percevoir des impôts, de promouvoir le développement économique et
d’assurer les bases de son existence (Habemas 2000 : 129-130). Cette course aux
privatisations à travers le monde n’est nullement justifiée. D’ailleurs, il n’a jamais été
vérifiée que l’utilité marginale de la dernière unité monétaire est supérieure si elle est
dépensée par un individu plutôt que par l’Etat (Negreponti-Delivanis 1993).
B. Les hypothèses additionnelles
a) Le commerce international profite à tous
De cette hypothèse fondamentale d’un marché parfait découle l’application d’un
long catalogue de mesures, soutenues par des arguments qui n’ont rien à voir avec les
conditions qui prévalent dans les PVD.
Citons, pour commencer, l’obligation des PVD d’ouvrir immédiatement et sans
conditions leurs marchés, non seulement aux produits et services en provenance des
économies puissantes, mais aussi et surtout leurs marchés financiers au capital
international. Les arguments en faveur de cette libéralisation sont d’abord que le
commerce international procure des avantages à tous, et ensuite que le libre mouvement
des capitaux assure aux PVD des IDE (4). Pourtant, les résultats de cette libéralisation
précipitée, imposée aux PVD au moyen de traitements qui rappellent l’ère de la
54
colonisation, ne peuvent étayer cette thèse. Au contraire, la suppression des mesures
protectionnistes (5) doit intervenir progressivement, au fur et à mesure que les PVD
remplissent les conditions nécessaires pour exploiter leurs avantages comparatifs afin de
faire face à la concurrence internationale. Avec le développement des relations
économiques internationales, «le revenu mondial augmente sans cesse, mais il n’en est
pas de même pour le revenu national d’une économie donnée et surtout d’une économie
sous-développée» (Delivanis 1963 :243). Pour comparer la théorie aux résultats des
recherches dans ce domaine, je cite les données suivantes, issues d’un rapport de la
Banque Mondiale : «pour chaque dollar supplémentaire gagné grâce aux exportations, la
part des pays développés est égale à 0,75%, celle des PVD n’est que de 0,03%»
(Milanovic 1999). Ainsi, à travers le libre-échange et dans les conditions actuelles, les
écarts s’accentuent et empêchent la convergence.
•
•



En se tournant maintenant vers le second argument des organisations
internationales en faveur du libre mouvement des capitaux, on constate que :
sous le régime de la mondialisation où l’activité boursière est dominante, les capitaux se
déplacent rapidement d’un bout de la terre à l’autre à la recherche du plus grand profit
immédiat ; par conséquent, ils ne s’intéressent guère aux investissements à long terme,
nécessaires pour le développement, mais uniquement aux gains spéculatifs. Ce
mouvement effréné des capitaux dans l’économie mondialisée a été multiplié par quatre
au cours des 100 dernières années, et 98% des échanges sont spéculatifs (Mishra et Mody
2001).
La libéralisation des marchés financiers n’est pas du tout une condition sine qua non pour
attirer des investissement directs étrangers, comme le prouve le cas de la Chine (Stiglitz
2002 :152). Il faut souligner ici que (Wolf 1998 et Global Development Finance 1999) :
durant la période 1980-1990, les deux tiers de l’augmentation des IDE se sont dirigés
vers les pays riches ;
tous les PVD n’ont pas les mêmes possibilités pour attirer le tiers restant.
cette libéralisation des mouvements de capitaux est avant tout responsable des crises
mondiales des années ‘90, mais aussi du fait que les crises sont devenues plus intenses et
plus fréquentes. Même le FMI a dû admettre après coup qu’il a exagéré en recommandant
aux PVD un libre-échange illimité (Stiglitz 2002 :138). Pourtant, le pire n’est pas que le
FMI et l’OMC ont obligé les pays du Tiers Monde à accepter le libre-échange contre leur
volonté. Le pire est qu’il n’y a pas, à vrai dire, du commerce libre ; il existe seulement
dans la mesure où il sert les intérêts des économies puissantes. Citons quelques faits
significatifs :
- Les subventions agricoles des Etats-Unis, de l'Union Européenne et du Japon s’élèvent
à 350 milliards de dollars par an, soit sept fois l’aide accordée aux PVD. Inutile d’ajouter
que les quelques avantages comparatifs des PVD sont concentrés sur les produits
primaires. Au cours des vingt dernières années et malgré l’éternelle promesse de les
supprimer définitivement, les subventions aux producteurs de coton ont été doublées
(Negreponti-Delivanis 2004 : 252). C’est ainsi que le Nord riche inonde le Sud pauvre de
ses produits agricoles qui, grâce aux subventions, sont moins chers que ceux produits au
Sud.
- Les pays pauvres sont souvent obligés de payer des taxes à l’importation beaucoup
plus élevées que les pays développés (Tableau 1) :
55
Tableau 1. Les taxes à l’importation payés par les pays riches et les pays pauvres
Pays
PNB par tête
($)
Exportations
vers les USA (1)
(en milliards de $)
Taxes
(en millions de $)
Pourcentage
(%)
__________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________
Népal
Irlande
Bangladesh
France
Cambodge
Singapour
240
22.660
370
24.170
260
30.170
0,20
18,60
2,35
30,02
0,96
14,90
25
29
331
330
152
96
12,3
0,2
14,1
1,1
15,8
0,6
____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________
_
(1) 2001
Source : World Bank, World Development Indicators 2002: ITC dataweb
-
Les Etats-Unis poussent les petites nations pauvres à signer des accords bilatéraux
avec eux, accords qui servent avant tout les intérêts américains et nullement ceux des
PVD. A titre d’exemple : récemment, les E.U. ont pratiquement obligé le Chili à
signer un accord qui restreint ses droits de taxer les capitaux étrangers, bien qu’il soit
indiscutable que grâce, entre autres, à ces capitaux, le Chili a connu un taux de
croissance de 7% par an. En effet, des impôts modérés sur les capitaux étrangers
découragent la brusque sortie de ces capitaux du pays en cas de crise. D’autre part, les
E.U. ont signé un accord avec le Maroc qui rendra très probablement l’accès aux
médicaments contre le SIDA encore plus difficile qu’auparavant (Stiglitz 2004).
Résumons : le recours fréquent à des accords bilatéraux n’a pas de sens dans un
régime de libre-échange, puisqu’il en restreint la portée. Rouben Riccuppero (Rapport
de CNUCED 2002) (6) introduit le terme de «désarmement économique unilatéral»
qui résume les relations qui existent entre l’OMC et les PVD. Il écrit : «La source du
malheur est le gap entre la rhétorique et la réalité de l’ordre international libéral. Cet
écart n'est nulle part plus évident que dans le commerce extérieur» (Rapport
CNUCED).
Il est donc hypocrite de prétendre que le système international en vigueur est celui
du libre-échange. Au contraire : une étude récente des Nations Unies confirme que les
multinationales américaines en imposent totalement à l’OMC (Rapport E/CN). Et c’est
ainsi que les économies riches décident et que les pauvres sont obligées de suivre (The
Economist 28.7.2001). Et il y a pire : l’OMC autorise sans état d’âme que des produits
fabriqués par des prisonniers détenus en Chine soient exportés vers le Japon, la Corée du
Sud et Singapour (George 2000 :320).
b) La stabilité monétaire est une condition sine qua non pour le développement
Sortie de la trilogie du Consentement de Washington, l’austérité monétaire (7) est
soumise au même fondamentalisme que le reste. En effet, elle est présentée comme une
condition sine qua non du décollage économique. Il s’agit d’une austérité qui exige des
équilibres partout pour pouvoir entamer le processus de développement. Il s’agit sans
doute d’un postulat supplémentaire sans fondement, mais que la mondialisation utilise
56
pour arriver à ses fins au dépens des PVD. Cette thèse ne tient aucun compte des
situations particulières des PVD et de leurs besoins vitaux ; elle fait même semblant
d’oublier l’environnement totalement différent dans lequel les pays aujourd’hui
développés ont pu converger. Il va sans dire que toute objection à cette hypothèse ne peut
concerner le cas extrême d’une inflation galopante, obstacle insurmontable à toute
tentative de développement ; par contre, elle plaide pour une inflation contrôlée qui, dans
certaines conditions, peut accélérer le rythme de croissance. Sans sous-estimer
l’importance et la nécessité de la stabilité monétaire, je suis persuadée que la viser sans
aucun discernement fait oublier que la croissance rapide des pays ou des régions en voie
de développement nécessite un taux d’inflation supérieur à celui des pays développés. Et
à titre indicatif, je cite les résultats d’une étude ad hoc de la Banque Mondiale (Bruno
1995) sur 117 pays qui a conclu que l’inflation nuit seulement au développement
économique si son rythme dépasse 40% par an.
A ceci il faudra ajouter que l’austérité exigée par les organisations internationales
est presque toujours associée à un taux d’intérêt élevé qui entrave le développement et
augmente le chômage, la pauvreté et la criminalité. Une austérité exagérée nuit le plus
souvent à la croissance, mais elle est considérée comme indispensable pour garantir le
libre mouvement des capitaux sans aucun risque.
Partie II.
Les Conséquences
Malgré les certitudes affichées des spécialistes des organisations internationales sur
l’efficacité des mesures à appliquer aux PVD et bien qu’un petit nombre de PVD ait pu
évoluer de façon satisfaisante, la situation macroéconomique du Tiers Monde est plus que
décevante et de nombreux indices montrent qu’elle se détériore.
•
•
•
•
Parmi les nombreuses erreurs des fonctionnaires des organisations internationales
concernant les PVD, je citerai celles que je considère comme les plus graves :
Ils se basent sur des théories et prémisses monolithiques et dépassées qui, même si elles
peuvent être appliquées aux pays développés (8), sont fatalement dangereuses pour les
PVD. En effet, comme il n’y a pas de théorie dominante du développement, et comme il
y a une multitude de PVD ayant chacun des problèmes spécifiques, il est plus que naïf de
croire qu’une politique unique pourra résoudre tous les problèmes.
Ils n’ont pas accordé l’importance nécessaire à l’éducation et à la santé publique qui sont
indispensables pour le développement. En effet, le traitement de la dette des PVD
comporte souvent des obligations qui ne leur permettent plus d'améliorer la situation dans
ces deux secteurs.
La manière de gérer les récessions mène à leur intensification, car juste au moment où les
PVD ont besoin de prêts, les organisations internationales (9) appliquent une politique
d'austérité qui aggrave leur situation.
Ils ne prennent pas en considération le coût social ou, mieux encore, ils semblent être
persuadés que la détérioration du niveau de vie des populations est inévitable pour aspirer
à une amélioration ultérieure. En 1995, le FMI a ainsi voulu supprimer les allocations
alimentaires en Jordanie pour assainir le budget (Stiglitz 2002 :171), soutenant que la
stabilité monétaire est le passeport pour le développement.
57
•
•
•
La différenciation entre conséquences à court et conséquences à long terme qui résultent
de l’application des mesures préconisées ne les intéresse pas. Par exemple, les
privatisations hâtives des monopoles publics n’offrent aucune garantie que les entreprises
devenues privées ne finiront pas en monopoles privés, surtout dans un régime d’extrême
libéralisme où l’Etat doit se tenir à l’écart.
Les décisions concernant les programmes destinés aux PVD sont prises en secret, sans
demander leur avis ni leur consentement. Vu la complexité et la particularité des
problèmes de ces pays, les fonctionnaires internationaux, qui passent seulement quelques
jours sur place, n’arrivent pas à les assimiler. Pourtant, les PVD disposent aujourd’hui de
bons économistes dont l’avis pourrait être précieux dans beaucoup de cas.
L’attitude des fonctionnaires des organisations internationales, et spécialement du FMI,
vis-à-vis des PVD est blessante et méprisante. Ils ne leur témoignent aucune confiance,
ce qui est fatal, car leurs programmes ne concernent pas l’ensemble des populations et
sont incapables d'obtenir leur adhésion.
Ces erreurs et beaucoup d’autres ont - de plusieurs points de vue - conduit la
plupart des PVD dans des situations explosives qui ouvrent de sombres perspectives
d'avenir. Ce n’est pas seulement le fait que près de la moitié de la population mondiale vit
dans des conditions de pauvreté absolue, alors que la richesse mondiale se multiplie sans
cesse ; c’est avant tout la preuve que la situation tend nettement à se détériorer au lieu de
s’améliorer.
En effet, si l’on exclut les quelques PVD qui ont su tirer leur épingle du jeu - mais
généralement en s’écartant des directives des organisations internationales (10) - les
résultats obtenus par le FMI, mais aussi par l’OMC et la Banque Mondiale, ont été
catastrophiques. Je tiens à énumérer certains aspects de cette catastrophe :
A. Revenu par tête - pauvreté
•
•
•
•
•
Au cours de la période 1992-2002, le revenu par tête a baissé dans 81 PVD (Banque
Mondiale 2000).
Au cours de la dernière décennie, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté absolue
(11) s’est accru de presque 100.000.000. En 1990, 2.718.000.000 personnes vivaient dans
la pauvreté absolue ; en 2000, leur nombre était passé à 2.801.000.000 (Banque Mondiale
2000 et World Development Report 2000/2001).
Chaque jour, 24.000 êtres humains meurent de faim (Negreponti-Delivanis 2004 :632)
D’après le directeur du FAO1 Jacques Diouf, 12,8 millions d’habitants dans les PVD vont
mourir de faim au cours de la prochaine décennie à cause de la diminution de moitié de
l’aide et des prêts des pays riches au secteur agricole des pays pauvres. D’après les
estimations de la Banque Mondiale, on pourrait d’ici à 2015 diminuer de moitié la
pauvreté dans le monde, si les pays riches consentaient à doubler l’aide aux PVD
(Banque Mondiale). Autrement, l’élimination de la pauvreté prendrait 130 ans à partir
d’aujourd’hui (Nations Unies- Développement Humain 2002 ).
La guerre contre le terrorisme coûte 137 dollars à chaque habitant de la terre ou 2,6% du
PNB mondial (SIPRI) ; pour réduire la pauvreté, il suffirait de d'augmenter l'aide aux
PVD d'actuellement 0,1% à 0,2 %.
1
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
58
B. Répartition de la richesse globale - inégalités mondialisées
•
•
•
•
•
•
•
Les inégalités actuelles sont dues pour 75-88% aux inégalités entre pays riches et pays
pauvres et seulement pour 12-25% à des inégalités au sein des Etats (Milanovic 2002).
La fortune des 225 personnes les plus riches du monde s’élève à 1 milliard de dollars.
Cette somme est égale au PNB annuel des 2,5 milliards d’habitants les plus pauvres de la
terre, ce qui correspond à 47% de la population mondiale (Ziegler 2002 :58).
1% des habitants les plus riches de la terre ont un revenu égal à celui des 57% les plus
pauvres (Milanovic 2002).
5% des plus riches de la terre jouissent d’un revenu 114 fois supérieur à celui des 5% les
plus pauvres.
Entre 1988 et 1993, les 5% les plus pauvres de la terre ont perdu un quart de leur revenu,
alors que le revenu des 5% les plus riches a augmenté de 12% (Milanovic 2002).
Avant la mondialisation, le PNB de l’Amérique Latine représentait un tiers de celui des 7
pays les plus riches du monde ; en 2000 , il n‘en représentait plus qu’un quart
(Negreponti-Delivanis 2004 :466).
Au cours de la dernière décennie, l’Afrique a perdu 15% de son PNB (Développement
Humain 2002 et Weisbrot 2000 : différents chapitres)
C. Espérance de vie
•
•
•
•
Au Rouanda, l’espérance de vie est inférieure à 40 ans (Banque Mondiale 2000).
En Afrique, hommes et femmes ont, en moyenne, une espérance de vie de 47 ans
(Banque Mondiale 2000).
1/3 des habitants de la terre ne vont pas dépasser 40 ans.
D’après les estimations du FAO, la diminution de 50% de la faim dans le monde jusqu’en
2015 aurait pu augmenter le PNB mondial de 120 milliards de dollars grâce à
l’allongement de la durée de vie des populations qui vivent actuellement dans la pauvreté
absolue (The Economist 15.6.2002).
D. Santé
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•
•
Grâce aux efforts de l’Organisation Mondiale de la Santé, de nombreuses maladies
tropicales avaient presque disparu au cours de la décennie 1970-80. Elles refont surface
aujourd’hui, plus menaçantes que jamais, en raison de l'indifférence des industries
pharmaceutiques (12) :
En 2001, la maladie du sommeil a tué 300.000 personnes
et la tuberculose 8.000.000 de personnes.
Toutes les 30 minutes, un enfant meurt de paludisme.
Plus de 25.000.000 d’Africains, et parmi eux des enfants, ont le SIDA, mais seulement
1% de ceux qui en ont un besoin urgent ont accès aux médicaments (13). Le SIDA a déjà
tué plus de personnes que la peste au Moyen Âge (WHO 2000)
Au Brésil, en Inde, au Bangladesh et au Népal, la fièvre noire fait 500.000 morts par an.
Les médicaments existent, mais la plupart des victimes n’y ont pas accès (Ziegler
2000 :59).
59
•
•
30.000 enfants meurent chaque jour de maladies qu’on aurait pu guérir.
Plus d’un milliard d’habitants dans les PVD n’ont pas accès à l’eau potable (NegrepontiDelivanis 2004 :341).
E. Le développement à travers la libéralisation du commerce international
Ce n’est pas la première fois que les pays puissants obligent les plus pauvres à
s’ouvrir contre leur volonté au commerce extérieur. Citons à ce propos le cas de la Chine
et du Japon en 1846 (Byé et G. Destanne de Bernis 1977 :319). Il n’est pas exagéré
d’affirmer que le Tiers Monde est le résultat de son ouverture prématurée au commerce
international (Negreponti-Delivanis 2001 :100) qui ne lui a jamais permis de
s’industrialiser (Cohen 1988 :35).
•
•
•
Dans le même ordre d’idées, la mondialisation d’aujourd’hui n’a guère obtenu de
meilleurs résultats:
Les importations des PVD (14) sont de loin supérieures à leurs exportations, avec la
conséquence qu’entre 1980-1997, leur dette extérieure a été multipliée par 3,8 (World
Development Indicators 1999).
A la suite de son ouverture forcée au commerce international, l’Afrique sub-saharienne,
la région la plus pauvre du monde, a perdu 2% de son PNB (Stiglitz 2002 : 142).
Il est évident que la libéralisation du commerce international favorise globalement
les économies puissantes. Jetons un coup d’œil sur le Tableau 2 :
Tableau 2. Les relations internationales favorisent les économies riches
Pays/Régions
1993
1999
(en % des exportations mondiales)
U.S.A.
15,7
Union Européenne
Reste du monde
17,7
34,7
49,6
38,0
44,3
_____________________________________________________________________________________________________________________
Source :FMI
•
•
«La libéralisation du commerce international n’est pas, en soi, suffisante pour assurer aux
PVD l’accès aux relations économiques» (Rodrik 1997 : 4). Evidemment, il y a des
exceptions à chaque règle. Mais il y a nettement plus de vaincus que de vainqueurs. Dans
la dernière catégorie figurent la Chine, le Botswana, la Corée du Sud et la République
Dominicaine qui, au cours de la période 1970-1997, ont pu augmenter leurs exportations
au rythme annuel de 10-13% (Rapport Mondial 1999 : 30). Mais il s’agit surtout
d’économies qui n’ont pas voulu suivre scrupuleusement les directives du FMI. D’autre
part, il est intéressant de noter que le degré d’ouverture élevé au commerce extérieur
n’est pas un moyen sûr pour garantir le développement économique. En Afrique subsaharienne par exemple, le ratio exportations/PNB est particulièrement élevé: 29%
contre une moyenne de 19% dans les pays de l’OCDE. Pourtant, elle reste la région la
plus pauvre du globe.
Les 102 pays les plus pauvres représentent 10% de la population mondiale, mais
participent pour seulement 0,3% aux relations économiques totales, soit deux fois moins
60
•
•
qu’il y a 20 ans (Rapport Mondial 1997 :9). Plus précisément, les exportations de ces
pays représentaient, en 1980, 7% des exportations et 9% des importations mondiales ; en
1990, ces pourcentages étaient tombés à respectivement 1,4% et 4,9% (Petrella 1993).
Quant à la contrainte de libéraliser leurs marchés financiers, même le FMI a dû
reconnaître à la suite de la crise financière mondiale de 1997 - qui a ramené le revenu par
tête dans plusieurs pays asiatiques au niveau d’il y a plusieurs décennies - que le
mouvement incontrôlable du capital international est préjudiciable aux PVD. Malgré cela,
on a attribué la principale responsabilité de cette crise aux PVD, parce qu’ils n’auraient
pas procédé à temps aux réformes nécessaires de leurs structures économiques
(Negreponti-Delivanis 2001 :472).
Depuis 1960 et jusqu’en 1996, seulement 33 PVD ont connu une croissance supérieure à
3% par an ; 59 autres ont régressé.
F. Des horreurs
•
•
En Inde, 15 millions d’enfants vivent et travaillent dans des conditions d’esclavage
absolu, sans possibilité de se libérer, car leurs parents se sont endettés auprès des usines
où ils travaillent sans avoir les moyens de rembourser. Les enfants y travaillent donc
pendant 13 heures et pour 17 cents de dollar par jour (Coursen-Neff 2003)
La mondialisation n’a donc tenu aucune de ses promesses initiales. Les guerres sans
raison, les tortures officieuses des prisonniers de guerre, la criminalité croissante, le
racisme qui monte en flèche, la prostitution infantile, la suppression des droits de
l’homme, le retour de l’esclavage, la montée du terrorisme, la corruption incontrôlable,
les paradis fiscaux, les animaux fous, le fascisme menaçant, l’individualisme qui va de
pair avec un manque grandissant de sensibilité, le fanatisme religieux, l’exclusion des
PVD de la technologie nouvelle, la maximisation du profit au prix de cadavres, les
drames quotidiens des milliers d’immigrés clandestins, tout cela et beaucoup plus encore
est le fruit du mal de la mondialisation et de la libéralisation des marchés. Et
malheureusement, les organisations internationales ont oublié leurs obligations ou sont
incapables de les remplir.
Partie III.
Les Possibilités des PVD de Réagir
Dans cette troisième et dernière partie, je vais essayer de démontrer les possibilités
de réaction des PVD face à tous les malheurs qu’ils accumulent en raison de la
mondialisation-libéralisation. Bien que très restreintes, ces possibilités ne sont pas pour
autant inexistantes.
Il est vrai, hélas, que «les pauvres n’ont pas d’issue», mais il est également vrai
qu’ils pourraient en trouver à travers des alliances visant à s’unir contre l’ennemi. En
effet, il y a certaines évolutions récentes, indéniablement favorables aux pauvres, et qui
peuvent modifier radicalement cette mondialisation malsaine, si on réussit à les renforcer
dans le temps.
Je pense tout d’abord à la prise de conscience des masses de ce que représente la
mondialisation, ainsi que de leur décision de réagir. Les mouvements contre la
61
globalisation qui ont commencés à Seattle, sans avoir été pressentis, ont pris de l’ampleur
et ont souvent pu empêcher l’OMC de prendre des décisions contre les intérêts des
économies pauvres. Cette révolte globalisée s’étend et augmente en force, et le G8 se sent
de plus en plus menacé. Des groupements, des ONG (15) et des intellectuels se joignent
en nombre grandissant à ce mouvement contre la globalisation, et les puissants de la terre
ne peuvent plus faire semblant de l’ignorer. Je tiens encore à mentionner que le
mouvement contre la mondialisation a récemment ajouté à ses objectifs la lutte contre la
guerre. En revenant sur l’importance que les alliances peuvent avoir pour les pauvres de
la terre à l’ère de la mondialisation, je me réfère à l’événement récent de l’interruption
des négociations de l’OMC à Cancún, et surtout à quelques-unes de ses particularités qui
peuvent en grande partie être attribuées au fait que les PVD ont pris conscience qu’il faut
s’entraider. Je tiens à ce propos à souligner le soutien des nations des Caraïbes à
l’Afrique, qui exigeait à juste titre (16) un dédommagement entre 250 millions et 1
milliard de dollars par an pour les pertes subies à cause des subventions excessives à
l’exportation du coton américain. Le refus de satisfaire cette demande a conduit au départ
de 4 pays africains (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad), ainsi que des pays des Caraïbes
en signe de solidarité (Bhagwati 2004). La décision des « faibles » de se retirer d’une
conférence qui s’est tenue à Porto Allègre en février 2000 et qui précédait le forum
officiel de Davos «inaugure une ère nouvelle» d’après I. Ramonet (2001).
Cette solidarité grandissante, qui est également partagée par un grand nombre
d’ONG qui défendent avec force les intérêts des PVD, et par plusieurs intellectuels avisés
(17) est déjà un soutien précieux pour eux. Surtout, si le rapprochement entre la Chine, la
Russie et l’Amérique Latine, qui vise à critiquer les décisions injustes des organisations
internationales, se consolide à l’avenir et inclut de plus petits PVD.
Mais à part les alliances, ou plutôt à travers elles, les PVD doivent oser prendre leur
sort entre leurs mains. A l’aide de leurs économistes, qui sortent de plus en plus souvent
des Universités célèbres de l’étranger et qui connaissent bien les structures de leurs
économies, ils doivent dresser leurs propres programmes de développement et veiller à
leur application. Si l’on cherchait un point de départ pour le développement durable des
économies actuellement pauvres et démunies, il faudrait commencer par une amélioration
sensible dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Le tableau suivant montre, en
effet, qu'il existe une forte corrélation positive entre le niveau de l’éducation et le rythme
de croissance.
62
Tableau 3. Niveau de l’éducation et convergence
A. Les PVD vainqueurs
Croissance
du PNB
(1990-98)
Chili
Chine
Malaisie
Corée du Sud
Pourcentage d’hommes
avec une éducation
de 5 ans
7,9
11,2
7,4
6,1
Pourcentage de la
population vivant
avec 1 $ par jour
100
93
98
98
4,3
18,5
5,6
< 2,0
52
62
70,2
72
39,8
44,2
28,9
23,7
B. Et les vaincus
Gouaille
Inde
Nigeria
Afrique du Sud
4,2
6,1
2,6
1,9
____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________
Source : Banque Mondiale
D’autre part, les PVD disposent de nombreux arguments probants pour résister aux
pressions et aux menaces des organisations internationales, à condition de se présenter en
front uni. Parmi ces arguments figurent les comportements des économies développées,
qui ont été diamétralement opposés à ceux imposés aux PVD, les bons résultats des
quelques PVD qui sont passés outre les directives des organisations internationales,
contrairement aux résultats le plus souvent désastreux de ceux qui les ont suivies, et les
réactions féroces de leurs populations contre les programmes imposés par les
organisations internationales.
Conclusion
La théorie d’Adam Smith (1776) sur la libéralisation et le laissez-faire ne peut se
généraliser que si la condition qui la complète, la redistribution automatique des revenus,
se traduit dans la réalité. En effet, Smith était convaincu qu’après un certain seuil
d’accumulation de richesses, celles-ci allaient se répartir dans toute l’économie,
augmentant ainsi le bien-être de tous, qu’ils soient riches ou pauvres (18).
Malheureusement, ce n’était pas le cas, car il n’a pas pris en considération que l’utilité de
l’argent ne se limite pas seulement à satisfaire les besoins de consommation, mais que sa
possession représente aussi et surtout un moyen de puissance et de domination sans
limites. Et c’est précisément à cause de cette lacune majeure que l’intervention de l’Etat
devient obligatoire pour réduire les inégalités extrêmes qui en résultent.
D’autre part, on sait aujourd’hui que le développement économique ne va pas de
pair avec une répartition plus équitable des revenus, comme on le croyait dans les années
’50-60, surtout si l’on tient compte des effets de la mondialisation qui accentuent les
inégalités dans tous les domaines (Negreponti-Delivanis 1961). C’est pourquoi il est
63
indispensable que l’Etat intervient dès le début du processus de développement pour
garantir constamment une répartition plus équitable.
En ce qui concerne les exigences des organisations internationales envers les PVD,
elles mènent en fin de compte à un paradoxe : elles les oblige à fonctionner dans le stade
post-industriel sans avoir traversé auparavant le stade précédent, celui de
l’industrialisation. Ainsi, leurs directives conduisent inévitablement à l’exclusion des
PVD du stade informatique auquel il leur est à priori impossible d’accéder. Répétons-le :
les quelques exceptions ne font que confirmer la règle.
Il est par ailleurs vrai que l’OMC est fière que ses décisions doivent être prises à
l’unanimité. Mais du moment où 82% du commerce mondial sont entre les mains des
pays du Nord, cette unanimité ne veut absolument rien dire, car les autres ne peuvent tout
simplement pas réagir (Ziegler 2004 : 147) .
Il faut encore souligner que même dans le cas d’une croissance rapide dans certains
PVD, il y a de fortes chances qu’elle profite surtout à une élite peu nombreuse, tandis que
le reste de la population continue à végéter dans des conditions de pauvreté extrême.
L’équilibre entre le rôle du secteur public et celui du secteur privé, qui est partout
indispensable, devient ainsi primordial dans le cas des PVD.
S’agit-il en fin de compte d’une conspiration bien conçue des organisations
internationales contre les PVD? C’est l’explication que j’ai choisie dans mon livre,
traduit aussi en français, sur la mondialisation (2002a). Il est pourtant possible que ce qui
importe n’est pas tellement l’explication de ces fléaux, mais leurs conséquences, qui
menacent déjà l’humanité entière de disparition. Car on doit prendre conscience que le
terrorisme, qui monte en flèche et modifie peu à peu tous les paramètres de nos
existences, ainsi que la troisième guerre mondiale contre le terrorisme qui bat son plein,
sont les enfants prodigues de la mondialisation, où les inégalités n’ont pas de précédent
historique.
La voie qui s’ouvre est à sens unique, la seule et unique de nos jours: c’est le devoir
de chacun d’entre nous d’essayer, avec tous les moyens dont il dispose, de modifier les
bases de cette mondialisation, pour que l’espoir dans l’avenir de nôtre planète puisse
revenir.
64
Annotations
(1) Pays en voie de développement
(2) En 1997, par exemple, la Corée du Sud a été obligée par le FMI d’ouvrir ses marchés à un certain
nombre de produits japonais afin d’obtenir le prêt dont elle avait terriblement besoin
(3) Terme sans contenu précis et avec des objectifs et moyens obscurs
(4) Investissements directs étrangers
(5) Processus suivi dans le passé par tous les pays développés d’aujourd’hui, mais également par ceux qui
ont connu un développement durable au cours des dernières décennies : la Chine et un certain nombre de
pays d’Asie orientale, mais aussi d’Afrique (Botswana)
(6) Secrétaire Général de la CNUCED
(7) Ensemble avec la libéralisation des marchés et les privatisations massives
(8) Ce qui n’est pas le cas
(9) Pourtant, la création du FMI est basée sur les conseils keynésiens, selon lesquels les marchés ne
fonctionnent pas parfaitement et qu’en cas de crise on doit suivre une politique expansionniste
(10) Le Botswana, qui a écarté les organisations internationales, a eu recours à des techniciens
indépendants qu’il a choisis lui-même ; il a connu un rythme de croissance de 7,5% par an sur toute la
période 1961-1997 (Stiglitz 2002 :100)
(11) Soit avec moins de deux dollars par jour
(12) Au cours des années 1975-1996, les industries pharmaceutiques ont développé 1.223 nouveaux
médicaments, mais seulement 10% étaient destinés aux maladies tropicales (Ziegler 2002 :59)
(13) En dépit des promesses répétées et des réunions interminables des organisations internationales
concernées, il n’y a jusqu’ici pas de solution satisfaisante
(14) En grande partie obligatoires et le plus souvent liées à des prêts accordés par les économies riches
(15) Organisations non gouvernementales
(16) C’est l’opinion de l’auteur de ce rapport et nullement celle de J. Bhagwati. En effet, à la suite de
l’augmentation de 10% des subventions américaines (environ 20 milliards de $), 10 millions de familles en
Afrique du Nord se sont trouvées dans une situation tragique.
(17) Je cite en exemple le nobéliste J. Stiglitz qui a démissionné de son poste au FMI, parce qu’il n’était
pas d’accord avec la politique vis-à-vis des PVD.
(18) Selon cette hypothèse, qui traverse toute son œuvre, les riches, au-delà d’un certain seuil de richesse,
ne sauraient plus quoi faire de leurs revenus immenses et commenceraient à distribuer le surplus aux
pauvres.
65
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- Forrester, V.,(2000). Une étrange dictature. Fayard:Pari
- George, S. (2000) Le Rapport Lugano . Fayard :Paris
- Global Development Finance 1999.The World Bank
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- Milanovic, B., (1999), A World Bank Report “True World Income Distribution, 1998 et 1993”
- Mishra, D. A. Mody et A. Panini (2001), « Private capital flows and growth ». Finance and Development,
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- (1961), L’influence du développement économique sur la répartition du revenu national. Thèse de
doctorat présentée à la Sorbonne et publiée dans la série de SEDES avec le concours du C.N.R.S.
- (1993) Des entreprises privées et publiques. Sakkoula :Thessaloniki (en grec)
- (2001), La Mondialisation Conspiratrice, 2ème édition (en grec). Papazissis :Athènes
- (2002) “La controverse Etat - marché à l’ère de la mondialisation”, Le Management de la
Transition Vol. I., Editura Economica, Bucarest 2002, pp. 7-14
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- Petrella, R. (1993), « Vers un "Techno-apartheid" global », Le Monde Diplomatique, Reproduit dans le
volume spécial du Journal Express sur la Mondialisation, pp.30-34
66
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- Smith, A. (1776), Inquiry in the Causes of the Wealth of the Nations
- Stiglitz, J. (2002), Globalization et its discontents. Traduction grecque, Livanis:Athènes
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- Rapport: E/CN 4/ Sub.2/2000/13. Nations Unies
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Horizons Contemporains :Athènes (2004)
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- Wolf, M. (1998), « Globalization-Free Flow of Capital », Financial Times 6.10
- World Development Indicators 1999
-
World Development Report 2000/2001
67
La Insercion del CARIBE en la Economia Mundial
Dr. Efraín Vázquez Vera∗
Introducciòn
Países desarrollados e instituciones internacionales creen que la liberalización
comercial incrementa la velocidad de desarrollo en países subdesarrollados. Por tal razón,
se han establecido reglas comerciales para todos sin hacer distinción entre países
desarrollados y subdesarrollados. ¿Quién se beneficia con la liberalización del comercio?
¿La eliminación de barreras comerciales incrementa realmente el desarrollo, o este
proceso es realmente una guerra comercial donde nadie muere?
En el presente trabajo analizaremos a los países caribeños en su dimensión social,
económica y política para así comprender el proceso de inserción en la economía
mundial. Se ha señalado que el estudio socioeconómico del Caribe es un estudio de la
pobreza y choque de clases. La mayoría de los países del Caribe no pueden satisfacer las
necesidades básicas de vivienda, trabajo, educación y salud. Existen deficiencias en las
dietas (falta de proteínas), enfermedades altamente contagiosas (malaria) y altas tasas de
desempleo.50
El término Caribe viene de los indios Caribes, o también conocidos como los
Kalinago, quienes eran habitantes de las Antillas Menores a la llegada de los europeos.
Lo indios Caribes, a diferencia de los indios Taínos o Arauacos, se caracterizaron por su
espíritu indomable que le creó fama de temibles guerreros.
El Caribe es sinónimo de fragmentación y diversidad. En el Mar Caribe se sitúan la
mayor cantidad de pequeños Estados o miniestados en el mundo. Existe gran diversidad
entre sus componentes: situación política (colonias, repúblicas), geografía (islas,
continentes), tamaño, etnias, economías, culturas, religiones, riqueza, pobreza, etc.51

Internacionalista, Catedrático Asociado de la Universidad de Puerto Rico, Universidad de Puerto Rico en
Humacao, Departamento de Ciencias Sociales, Apartado Postal 12008, San Juan, Puerto Rico 00922-2008,
T. (787) 782-8827 / F. (877) 572-8760, [email protected]
50
CLAYPOLE William y ROBOTTOM John (eds.), Caribbean Story: Book Two-The Inheritors, Malasia,
Longman Publisher 1989, 97-8; LEWIS Gordon K., The Growth of the Modern West Indies, Nueva York,
Monthly Review Press 1968, 164.
51
THOMAS Clive Y., The Poor and the Powerless: Economic Policy and Change in the Caribbean,
Londres, Latin America Bureau 1988, 4-5.
68
El Caribe es llamado por algunos como el Mediterráneo americano; 52 es un lugar de
intercambio entre Europa y América. Se caracteriza por una enorme diversidad cultural y
racial pues es punto de encuentro y convivencia de diferentes culturas y razas. Estas
diferencias culturales tienen su origen en la presencia de diferentes metrópoli
colonizadoras: España, Dinamarca,53 Suecia,54 Francia, Gran Bretaña, Holanda,55 y
Estados Unidos de América (EE.UU.). Esas diferencias se acentuaron más por ser el
Caribe escenario de confrontación europea donde territorios pasaban de metrópoli a
metrópoli con facilidad.
Existe un número considerable de idiomas y dialectos, junto a una igual variedad de
razas y religiones que han convertido al Caribe en un microcosmos. Además de los
idiomas europeos, existen otros idiomas y formas autóctonas de expresión oral que
demuestran la riqueza y diversidad cultural de la zona: el Creol en Haití, el Papiamento
en Curaçao, lenguas indígenas en Guyana y Surinam, el Smantonga en Surinam, el Patois
en las islas francesas, el Chino Mandarín, el Árabe e Hindú. Tal diversidad se manifiesta
también en las religiones: Cristianismo (Catolicismo, Pentecostales, Teleevangelistas),
Musulmán, Hindú, Bahai, Sincretismo, Vudú, Santería, Shangó, Zión, Tamboo Bamboo,
Camboula y Pacomania, Rastafari, y Pukkumina. Aún cuando existen diferencias
culturales, el Caribe posee una historia común que está caracterizada por: colonización,
esclavitud, sistema de plantaciones de azúcar, emancipación, independencia y
dependencia.56
La mayoría de los países caribeños son países de poca extensión territorial. El
aspecto geográfico se caracteriza por un suelo pobre, un clima caluroso y húmedo y la
escasez de recursos naturales.57 Todos pertenecen a la categoría de pequeños Estados o
miniestados. Guyana es el de mayor extensión territorial con 215,083 Km2 y San
Cristóbal y Nevis el de menor extensión territorial con 267 Km2. Cuba es el país más
poblado con 11,308,764 (2000 est.) millones de habitantes y San Cristóbal y Nevis el
menos poblado con 41 mil habitantes.
Las economías caribeñas se caracterizan por ser de alto costo, que sin un acceso
protegido o garantizado a Europa, EE.UU. y Canadá, la producción caribeña no tendría
precios competitivos en los mercados internacionales.58 Bahamas y Barbados son los
países caribeños en mejor situación económica. Por otro lado Haití y Guyana son los
países caribeños en peor situación económica con bajos ingresos per cápita del PNB.
52
RICHARDSON Bonham, The Caribbean in the Wider World: 1492-1992, Cambridge, Gran Bretaña,
Cambridge University Press 1992, 202.
53
Dinamarca gobernó las Islas Vírgenes Norteamericanas por dos siglos cuando fueron vendidas en 1917 a
los Estados Unidos por 25 millones de dólares para evitar que fueran adquiridas por Alemania (NA).
54
Suecia gobernó San Bartolomé desde el 1784 al 1877.
55
LEWIS G., 47-8.
56
THOMAS, 43.
Ibídem, 61.
58
Ibídem, 66.
57
69
El Caribe es una región con marcados contrastes y diferencias. Esas diferencias
dificultan establecer una sola voz caribeña a la hora de tratar asuntos internacionales, en
especial ante la Unión Europea (UE), la Organización Mundial del Comercio (OMC), los
EE.UU. y el Acuerdo de Libre Comercio de las Américas (ALCA).
II - Las economías coloniales
Las economías caribeñas se caracterizan por la escasa diversificación, típico de
economías que dependen de uno o dos productos agrícolas para la exportación.59
Es muy importante analizar el modelo económico colonial ya que los países
caribeños sufren las consecuencias de ese modelo en su desempeño económico actual y
limita su inserción en la economía mundial. En otras palabras, la vulnerabilidad de las
economías caribeñas es un legado de las políticas económicas coloniales.
La mayoría de los países del Caribe fueron colonias británicas. Por ese motivo nos
concentraremos en el estudio de las políticas coloniales británicas en el Caribe. Debemos
hacer la salvedad que los modelos económicos variaban de colonia a colonia y que en
este trabajo solo pretendemos establecer líneas generales.60
La colonización española en el Caribe se concentró en las Antillas Mayores
dejando despobladas las Antillas Menores, aunque reclamaba su soberanía.61 La presencia
británica, holandesa y francesa en el Caribe comienza en el siglo XVI coincidiendo con
las derrotas españolas en Europa, lo que hizo que España abandonara sus reclamos de las
Indias Occidentales no habitadas. Además, bucaneros y piratas ayudaron a debilitar el
poderío español en la zona, afianzando así los asentamientos europeos. De esa manera el
siglo XVII se caracterizó como el de la conquista definitiva de las Indias Occidentales
por Gran Bretaña, Francia y Holanda.62 El Caribe se convirtió así en la primera colonia de
ultramar de Europa.63 Gran Bretaña utilizó sus colonias del Caribe como experimento
para lo que sería la política colonial británica en todo el Imperio.64
El primer intento para establecer un asentamiento europeo no español fue por los
británicos en 1605 en la isla de Santa Lucía, pero el mismo fracasó por la hostilidad de
59
RICHARDSON, 107.
RIVIERE Bill, States Systems in the Eastern Caribbean, Hong Kong, Institute of Social and Economic
Research-University of West Indies 1990, 28.
61
Ibídem, 28.
62
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book One...,53; DOOKERAN Winston C. (ed.),
Choices and Change: Reflections on the Caribbean, Washington D.C., Banco Interamericano de Desarrollo
1996, 20; WILLIAMS Marion, Liberalization of Markets and the Formation of Economic Blocs: The
Challenge to Competitiveness in the Caribbean, XXI Conferencia Anual de la Asociación de Estudios del
Caribe (San Juan, 27-31 de mayo de 1996), 73.
63
RICHARDSON, 36.
64
RIVIERE, 22.
60
70
los indios Caribes.65 El primer asentamiento europeo no español de carácter permanente
fue en San Cristóbal por el Inglés Sir Thomas WARNER en 1624.66
Desde el primer asentamiento la justificación de la colonia era aportar a la salud y
prosperidad de la Metrópoli. Específicamente la colonia debía proveer productos
tropicales que necesitaba la metrópoli y que no podían cultivarse en Europa por razones
climáticas.67 De esa manera las colonias debían ser complementos económicos de las
metrópoli. Se suplía lo que el otro no tenía: la colonia productos tropicales y la metrópoli
productos para la supervivencia en las colonias.68
Las colonias europeas en el Caribe eran tan importantes para las metrópoli que en
siglo XVII la pequeña isla de Barbados era la colonia más importante del Imperio
Británico, incluso más importante comercialmente que las colonias de Virginia y
Meryland juntas.69
A Europa le interesaba los productos tropicales de sus colonias caribeñas y en
ningún momento existió el propósito de desarrollarlas. Esa política colonial de carácter
mercantilista estableció las raíces del subdesarrollo y las diferencias entre las colonias
caribeñas. La política económica colonial carecía de un poder central que elaborara
políticas uniformes en las colonias; cada colonia se trataba como un mundo aparte e
independiente de las otras. Se decía que cada colonia caribeña se encontraban más cerca a
la metrópoli que a su colonia vecina.70
La característica principal de las economías coloniales caribeñas fueron las
plantaciones de caña de azúcar. Las plantaciones fueron grandes extensiones de tierra en
llanos de fácil acceso donde se cultivaba la caña de azúcar. Las mismas eran propiedad de
grandes terratenientes europeos que en la mayoría de los casos vivían en Europa. Las
plantaciones llegaron a ser muy pronto la principal y única actividad comercial en el
Caribe. Era una industria de carácter global, no regional. Su presencia era tan
significativa y provechosa que llegaron a tener gran influencia en las políticas nacionales
de las metrópoli. Las plantaciones se convirtieron en las joyas más preciadas de los
imperios coloniales.71
En el comienzo existieron pequeñas estancias de tabaco, algodón, café y cacao,
pero pronto fueron sustituidas por plantaciones de caña de azúcar.72 En la Europa del
65
WILLIAMS, 79.
RICHARDSON, 28; DOOKHAN, 20.
67
DOOKHAN, 44; RICHARDSON, 38; POOLE Bernard., “Economic Treds in the British West Indies”,
en CURTIS Wilgus A. (ed.), TheCaribbean: British, Dutch, French, United States, Gainsville, Universidad
de Florida 1958, 11; RAMSARAN Ramesh, The Commonwealth Caribbean in the World Economy,
Londres, Mac Millian Press 1989, 25.
68
DOOKHAN, 136; RAMSARAN, 26.
69
WILLIAMS, 142.
70
CLAYPOLE William y ROBOTTOM John (eds.), Caribbean Story: Book One-Foundations, Malasia,
Longman Publisher 1989,74; PARRY J.H., SHERLOCK Phillip y MAINGOT Anthony, A Short History of
the West Indies, 4 (ed.), China, Mac Millan Press 1994, 150.
71
RICHARDSON, 38-9.
72
DOOKHAN, 44.
66
71
siglo XIX los hábitos de tomar café, chocolate y té impulsaron la demanda por el azúcar
de caña, pues era mas barata que la miel, dejando a un lado otros productos como el
tabaco, que implicaba una gran competencia por parte de EE.UU.73
Con el azúcar de caña se alteraron los patrones alimentarios de Europa. 74 El azúcar
se convirtió en el medio de preservar fruta en Europa a través de la jalea. Además el
azúcar de caña era necesaria para la destilación de alcoholes y la elaboración de
bizcochos y galletas. Anterior al azúcar caribeña, el endulzante utilizado en Europa era la
miel y el azúcar de caña mediterránea que era producida en Chipre, Sicilia, Madeira y las
Azores, pero no satisfacían la demanda creciente de Europa.75
Las plantaciones constituyeron un poderoso sistema socioeconómico con influencia
en la vida social y familiar de los trabajadores y estrechamente vinculado al poder
político colonial.76 El sistema de plantaciones condenó las economías coloniales del
Caribe a basarse en el monocultivo, estableciendo para siempre la composición social y
racial del Caribe. Las plantaciones impidieron el desarrollo de pequeños agricultores
independientes en el Caribe.77 Gran parte de la historia del Caribe es la historia de las
plantaciones de caña de azúcar.78
Las plantaciones introducen el Estado colonial en el Caribe. En el sistema de
plantaciones el Estado colonial estaba al servicio de los capitalistas mercantilistas. El
Estado colonial ejercía la función policial y militar que impedía revueltas, protegía la
colonia de invasiones extranjeras y realizaba la infraestructura necesaria para el
desarrollo de las plantaciones. Los beneficios obtenidos eran repatriados a las metrópoli
para aumentar fortunas personales y mantener las políticas coloniales.79
El comercio del azúcar de caña en el Caribe trajo consigo la rivalidad entre
potencias europeas por lo provechoso de ese comercio. El Caribe francés siempre estuvo
en competencia con el Caribe británico en la lucha por obtener mercados para la venta del
azúcar de caña. El azúcar de caña, así como el ron y la melaza francesa siempre fueron
más baratos que la británica. El mercado norteamericano fue escenario de esa
confrontación pues Francia siempre buscó penetrar en él. Francia ayudó a la revolución
norteamericana esperando así quedarse con ese mercado y obtener más territorios en el
Caribe. Ante la independencia de las trece colonias en 1776 y su confirmación en 1783,
el Caribe británico pretendió continuar su comercio con Norte América pero Gran
Bretaña prohibió que barcos norteamericanos atracaran en puertos británicos en el Caribe.
Ese hecho benefició mucho al Caribe francés y perjudicó la economía y desarrollo del
Caribe británico. No fue hasta 1794 que Gran Bretaña permitió a los barcos
norteamericanos atracar en puertos británicos del Caribe.80
73
Ibídem, 48.
RICHARDSON, 51.
75
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book One..., 77.
76
LEWIS G., 129; DOOKHAN, 44.
77
RICHARDSON, 110.
78
PARRY, SHERLOCK y MAINGOT, 64; DOOKHAN, 44.
79
RIVIERE, 19,20-1.
74
72
Anteriormente señalamos que las plantaciones transformaron para siempre la
composición social y racial del Caribe. El sistema de plantaciones requirió de inmediato
una mano de obra abundante y barata que soportara el trabajo fuerte bajo un sol
inclemente. Esa demanda fue satisfecha por un sistema de esclavitud que duró más de
200 años. Para fines del siglo XVII los negros constituían la mayoría de la población en
las colonias francesas y británicas del Caribe.81
En el siglo XVII la esclavitud era una de las empresas más importantes que
implicaba una red bien organizada de licencias, transporte, fuertes militares, mercaderes,
impuestos, etc.82 Bajo el sistema esclavista las plantaciones casi se militarizaron por
temor a revueltas. Se estima que más de 10 millones de esclavos fueron trasplantados
luego de pasar las penurias y vejaciones del pasaje del Atlántico.83
El sistema esclavista en el Caribe fue la base del sistema estatal colonial y permitió
cierta autonomía local respecto a la metrópoli.84La esclavitud formaba parte de un
comercio triangular donde el azúcar tenía una importancia destacada. El barco esclavista
partía desde la metrópoli con productos que luego serían intercambiados en las costas
africanas por esclavos. Los esclavos sobrevivientes a las condiciones infrahumanas del
viaje desde África que llegaban eran vendidos a las plantaciones. El triángulo comercial
se cerraba cuando el azúcar y otros productos eran exportados a las metrópoli. Ese
comercio triangular le ofrecía un mercado seguro a los productos de la metrópoli en
África y el Caribe, incrementándose así las exportaciones y el empleo en las metrópoli.
La esclavitud fue algo más que un fenómeno económico circunscrito a las colonias; la
esclavitud fue elemento clave para el desarrollo de la agricultura y la industria de la
metrópoli. 85
La esclavitud estaba estrechamente vinculada a la política de libre comercio creada
por el proceso de industrialización en Europa, específicamente en Gran Bretaña. El éxito
de la Revolución Industrial en Gran Bretaña se debió en gran medida al éxito del sistema
esclavista en el Caribe. El sistema esclavista permitió crear el capital necesario para
impulsar el proceso de industrialización. Prueba de esa vinculación fue que una vez
asentada la revolución industrial en Gran Bretaña y Europa, el sistema esclavista
comenzó a perder importancia.86
80
PARRY, SHERLOCK y MAINGOT, 64; CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book One...,
110-20
81
DOOKHAN, 50
82
WILLIAMS, 137.
83
LEWIS G., 49-50.
84
RIVIERE, 24.
85
WILLIAMS, 140-1; THOMAS, 20.
86
CARRINGTON Selwyn, “The British West Indies Economy and the Industrial Capitalist Revolution”, en
COBLY Alan (ed.), Crossroads of Empire: The Europe-Caribbean Connection 1492-1992, Bridgetown,
Barbados, Universidad de las Indias Occidentales 1994, 38; THOMAS, 30.
73
El sistema esclavista comenzó a confrontar problemas con el comercio de esclavos
después del 1790.87 El comercio y tráfico de esclavos fue abolido en el Caribe británico
en 1808, en el holandés en 1814, y en el francés en 1818.88
Europa comenzó a percibir a las plantaciones como los promotores y sostenedores
del sistema esclavista y por ello los gobiernos comenzaron a legislar contrario a los
intereses de las plantaciones.89
Los plantadores del Caribe se opusieron enérgicamente a la abolición de la
esclavitud y usaron toda su influencia para mantener el sistema esclavista, por ello la
abolición de la esclavitud fue el producto de las luchas de los abolicionistas caribeños y
europeos más que un acto de humanidad y piedad por parte de otros.90
La esclavitud fue abolida en el Caribe británico gracias a The Act for Abolition of
Slavery throughout the British Colonies; for Promoting the Industry of the Manumitted
Slaves; and for Compensanting the Persons Hitherto Entitled to the Service of Such
Slaves, que fue aprobado en el Parlamento británico en agosto de 1833 y entró en vigor el
1 de agosto de 1834.91
El Abolition Act proveía un periodo de transición intermedio entre la esclavitud
y la libertad, donde los esclavos estaban obligados a servir bajo un sistema de
apprenticeship. Por medio de ese sistema los niños esclavos menores de 6 años
recibían la libertad y el resto debía servir a sus amos gratuitamente por un periodo de
tiempo que equivaldría a ¾ partes de la semana (40 ½ horas), utilizando el tiempo
sobrante para lo que quisieran. Según el Acta los esclavos debían servir a sus amos
durante ese periodo de transición por cuatro años si era esclavo doméstico y seis si se
era esclavo para el trabajo en el campo. El periodo de transición debía terminar en
1840 con la completa libertad a los negros, pero fue adelantado al 1 de agosto de 1838
cuando por razones económicas y políticas se les rebajó dos años de servicios a los
esclavos del trabajo en el campo.92
Junto al periodo de transición y por medio del Abolition Act los plantadores del
Caribe británico recibieron 20 millones de libras esterlinas como compensación por la
pérdida de la propiedad que representaban los esclavos.93
En el Caribe holandés la esclavitud fue abolida el 1 de junio de 1863, quedando en
libertad 45,275 esclavos. En el Caribe francés la esclavitud había sido abolida como
consecuencia de la Revolución Francesa en 1794, pero el Emperador Napoleón
87
RIVIERE, 23.
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book One..., 154.
89
Ibídem, 162.
90
RIVIERE, 30.
91
DOOKHAN, 89.
92
DOOKHAN, 93-4, 99; CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book One..., 168, 170; PARRY,
SHERLOCK y MAINGOT, 168; RICHARDSON, 72.
93
RIVIERE, 31.
88
74
BONAPARTE la restauró en el 1802. El comercio y tráfico de esclavos fue abolido en
Francia en 1818 y la esclavitud el 3 de marzo de 1868 sin periodo de transición.94
La abolición de la esclavitud no trajo la libertad que se esperaba en el Caribe. Los nuevos
libertos se convirtieron en mano de obra barata para sus antiguos amos y la distribución
de la tierra quedó inalterada. Los más afortunados pudieron convertirse en pequeños
propietarios y productores de productos tropicales cuya demanda estaba sujeta y
controlada por el mercado mundial.95
La producción de azúcar mermó una tercera parte después de la abolición de la
esclavitud.96 El Caribe sufrió un declive del comercio y la agricultura debido a métodos
deficientes de producción, un suelo agotado, mucha competencia para un mercado
limitado, mala administración y precios bajos. A la vez los países Europeos dirigieron sus
inversiones hacia mercados más rentables de Asia y África, destruyendo para siempre la
era dorada de las plantaciones.97 Eso permitió una reformulación de las economías
caribeñas: de enclaves de exportación de productos agrícolas a suplidores de materias
primas para satisfacer el proceso de industrialización de Europa.98
Una excepción al declive económico en el Caribe luego de la abolición de la
esclavitud fue la isla británica de Barbados. Barbados, a diferencia del resto del Caribe,
siempre tuvo un sistema de gobierno basado en una asamblea representativa. Ese sistema
de gobierno evitó el ausentismo de los plantadores y su economía no sufrió graves
consecuencias como el resto del Caribe cuando llegó la abolición de la esclavitud.
Barbados fue y ha sido la isla más desarrollada del Caribe y siempre representó una
comunidad compacta donde se reconocía la dependencia respecto a Gran Bretaña fuera
de diferencias raciales y sociales.99
Luego de la abolición de la esclavitud surgió una competencia entre pequeños
agricultores y plantadores por la escasa tierra en el Caribe. Los plantadores trataron de
evitar el acceso a la tierra por parte de los esclavos otorgando tierras a cambio de
contratos, perpetuando así la esclavitud. Además se le requirió a los esclavos licencias
para vender sus productos y se les establecieron impuestos. De esa forma los plantadores
pudieron evitar una sociedad de pequeños agricultores. Sólo en San Vicente y Jamaica se
logró formar un grupo significativo de pequeños agricultores.100
La reformulación de las economías caribeñas necesitó una mayor mano de obra. La
llegada en precariedad de inmigrantes portugueses, chinos e hindúes incorporó un
elemento de gran importancia a la economía y desarrollo de la colonia luego de la
abolición de la esclavitud y añadió una nueva dimensión a la composición social y racial
94
DOOKHAN, 90-1; CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book One..., 178-183.
LEWIS G., 50.
96
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 12.
97
LEWIS G., 50; DOOKHAN, 100; WILLIAMS, 285.
98
RIVIERE, 29.
99
PARRY, SHERLOCK y MAINGOT, 189.
100
RIVIERE, 31-2; DOOKHAN, 101; MOMSEN Janet, “Land Settlement as Imposed Solution”, en
BESSON Jean y MOMSEN Janet (eds.), Land and Development in the Caribbean, Hong Kong, The Mac
Millian Press 1992, 46-7.
95
75
dominada por blancos, negros y mestizos. Los portugueses chinos e hindúes rápidamente
abandonaron las plantaciones y se dedicaron a formar parte del pequeño sector
comercial.101
La Independencia
El primer país independiente del Caribe fue Haití, cuando el 1 de enero de 1804 el
General Jean-Jacques DESSALINES declaró la independencia respecto a Francia y se
autoproclamó Emperador. Haití fue la segunda república de América después de las trece
colonias de Norteamérica y la primera república negra fuera de África. Una vez
independiente, Haití se caracterizó por apoyar activamente los movimientos de
independencia en el resto de América. La independencia de Haití trajo consigo por
primera vez la búsqueda de alternativas al sistema de plantaciones en el Caribe.102
No fue hasta 1938 cuando la clase nativa caribeña comienza a imponerse al grupo
de los plantadores gracias a las ideas liberales que se imponían en Europa y que fueron
exportadas a la colonias. El periodo de 1898 a 1938 se caracterizó por el poder blanco,
pero con nuevas estrategias de dominio que daban una falsa representatividad a los
nativos.103
En el 1954 se le permitió votar a los caribeños británicos mayores de 21 años. El
reconocimiento del voto universal fue un evento histórico que abrió las puertas del
proceso político a las poblaciones nativas en el Caribe, aunque la metrópoli seguía
reteniendo el poder. La extensión del voto permitió a la metrópoli entrenar y educar a los
líderes nativos en la práctica parlamentaria de gobierno y en el manejo de asuntos
económicos con el objetivo de algún día traspasar el gobierno ordenadamente.104
Gran Bretaña quiso crear una clase capitalista nativa en el Caribe británico que en
ocasiones estaba en competencia con los inversores extranjeros. Para crear esa clase se
instauró un sistema de sustitución de importaciones que crearon pequeños enclaves
manufactureros y de servicios. Junto al sistema de sustitución de importaciones se buscó
atraer las primeras inversiones extranjeras en el sector de la minería y el comercio. Ese
nuevo modelo requirió un grado de intervención del Estado colonial ya que se tuvo que
planificar los incentivos y el desarrollo estructural. La intervención del Estado colonial
gener ó un tutelaje político que ofreció entrenamiento a los futuros líderes caribeños.105
Como ya hemos demostrado, el Estado colonial era uno instrumental al servicio de
la metrópoli. Con la “independencia” se adquirió una autonomía que se caracterizó por
una relativa transferencia de poderes ejecutivos, legislativos y administrativos de la
101
RIVIERE, 33; CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 18; PARRY, SHERLOCK
y MAINGOT, 173-4.
102
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book One..., 148; RICHARDSON, 166; WILLIAMS,
254.
103
RIVIERE, 45-6.
104
Ibídem, 51.
105
Ibídem, 52-4.
76
metrópoli a una coalición nativa de profesionales, políticos, unionistas, líderes
campesinos y burócratas educados.106
Como primer paso para otorgar la independencia Gran Bretaña presentó a sus
colonias un proyecto de federación. La West Indian Federation surgió como respuesta a
la convicción de que sólo la unión del Caribe podría salvarla del fatalismo económico y
político.107 Desde el siglo XIX se había planteado la idea de la federación para el Caribe
británico como mecanismo de reducir costos y dificultades a la administración colonial
británica.108 Específicamente a Gran Bretaña le preocupaba tener que lidiar
individualmente con tantos miniestados una vez alcanzada la independencia. La idea era
una iniciativa esencialmente colonialista bajo los auspicios de Gran Bretaña. La
Federación, que contó con unos tres millones de habitantes, fue inaugurada el 22 de abril
de 1958 bajo el principio federal de que cada unidad tenía completo control sobre los
asuntos no delegados a la Federación.109
La Federación no permitía la completa independencia de sus miembros110 respecto a
Gran Bretaña ya que ésta conservaba los poderes de defensa y relaciones exteriores. Ese
orden se basaba en el principio de la existencia de un poder central federal, delegando a
las unidades una autonomía en asuntos locales, no federales. El sistema federal no
eliminó el modelo colonial existente, aún cuando los caribeños esperaban obtener la
independencia en un periodo de cinco a diez años. La actividad principal de la Federación
se limitó a administrar los fondos coloniales y a crear la Universidad de las Indias
Occidentales.111
Se estableció como capital de la Federación a Puerto de España en Trinidad y
Tobago, no sin antes manifestarse una fuerte oposición de Jamaica. Se eligió como
Primer Ministro de la Federación a Sir Grantley ADAMS y como representante de la
Reina al Gobernador General Lord HAILES. El Gobernador General tenía competencias
en las importantes áreas de defensa y relaciones exteriores. Se creó un Senado con 19
miembros y una Cámara de Representantes con 45 asientos cuyos miembros no estaban
muy comprometidos con la Federación. La Cámara de Representantes era quien elegía al
Primer Ministro quien a su vez nombraba al Consejo de Estado que era su gabinete.112
106
Ibídem, 89.
LEWIS G., 343.
108
MITCHEL Harold, Europe in the Caribbean: The Politics of Great Britain, France and the Netherlands
Towards their West Indians territories in the Twentieth Century, Stanford, Universidad de Stanford 1963,
45.
109
LEWIS G., 352; THOMAS, 303; PAYNE Anthony, “Britain and the Caribbean”, en SUTTON Paul
(ed.), Europe and the Caribbean, Hong Kong, Mac Millan Education 1991, 14.
110
Los miembros de la Federación fueron: Antigua con Redonda y Barbuda, Barbados, Dominica, Granada,
Jamaica con las Islas Caimán, Monserrate, San Cristóbal y Nevis-Anguilla, Santa Lucía, San Vicente con
las Granadinas y Trinidad y Tobago. (NA)
111
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 147
112
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 147; WILLIAMS Douglas,
“Constututional Development in the British West Indies”, en CURTIS, 4; MITCHELL, 51; LEWIS G.,
130.
107
77
A pesar de la iniciativa no existía acuerdo sobre cuales debían ser los propósitos y
los países que debían incluirse en la Federación. Se cuestionaba que la Federación
ejerciera poderes sobre impuestos y se criticaba que fuera tan poco nacionalista. Existía
en los defensores de la Federación una falta de entusiasmo y dirección. La Federación,
más que un proyecto con posibilidades de éxito, fue una idea romántica más británica que
caribeña donde las masas fueron marginadas del proceso.113
Barbados, Jamaica y Trinidad eran las unidades de la Federación con más poder
económico y político ya que Belice y Guyana decidieron no ser parte de la Federación.
Las tres islas poseían un fuerte sentimiento nacionalista que se contraponía a la idea del
sistema federal. Sus economías eran proteccionistas y por ello se encargaron de que la
Federación no se fortaleciera. Jamaica, que dependía en gran parte de los ingresos de
aduana, no quería entregar la aduana a manos de la federación. Por otro lado, Trinidad y
Tobago se oponía a la libre circulación de ciudadanos. A Jamaica le interesaba más entrar
en la Commonwealth, pues se encontraba más unida a Gran Bretaña y a los EE.UU. que
al resto del Caribe. 114
Contrario a Jamaica y a Trinidad y Tobago, en las islas pequeñas existía mayor
entusiasmo por la Federación, pues pensaban que así compensarían sus limitaciones de
tamaño, mercado y recursos y podrían acelerar el proceso de independencia.115
La Federación sólo duró tres años. En septiembre de 1961 el gobierno de Jamaica
celebró un referéndum sobre la aceptación o no de la Federación. Como era de esperar, el
referéndum arrojó un resultado en contra de la Federación. Con la participación del 60
por ciento del electorado, el 54.1 por ciento votó contra de la federación y un 45.9 por
ciento a favor. Los jamaiquinos rechazaron la Federación porque pensaban que se verían
obligados a sostener y subsidiar económicamente a las islas más pequeñas y pobres,
máxime cuando comenzaba durante esos años la explotación de la Bauxita en Jamaica. El
resultado de ese referéndum contribuyó significativamente en la decisión de Gran
Bretaña de disolver la Federación en mayo de 1962.116
Las razones principales para la disolución de la Federación en 1962 fueron:
1) la desilusión de las islas pequeñas por no haber recibido el apoyo necesario de las
islas grandes (Jamaica, Barbados, Trinidad) que estaban más preocupadas por su
desarrollo constitucional hacia la independencia;
2) el fracaso de las instituciones federales, que fue influenciado por el sentimiento
secesionista de Jamaica que deseaba una Federación débil;
3) se percibía a la Federación como un mecanismo de influencia y dominio de Gran
Bretaña en el Caribe;
113
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 147; LEWIS G., 343-5.
LEWIS G., 374, 383; PARRY, SHERLOCK y MAINGOT, 261.
115
PARRY, SHERLOCK y MAINGOT, 262; MITCHELL, 52-3; SERBÍN Andrés, Caribbean
Geopolitics: Toward Security Through Peace?, Sabeth Ramírez (trad.), Colorado, Lynne Rienner
Publishers 1990, 22.
116
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 150-1; RICHARDSON, 194; MITCHELL,
69; THOMAS, 305.
114
78
4) existía una fuerte rivalidad entre las islas cimentada en hechos históricos de
competencia por los mercados del azúcar;
5) la poca participación de las poblaciones en el proceso de creación marginó a las
masas del proyecto federal;
6) los componentes eran islas de diferentes tamaños y recursos, estando además la
geografía en contra de la federación.117
El fracaso de la Federación demostró que no se debe crear una administración
neocolonial sobre gobiernos previamente establecidos. Además se demostró que no se
debe mantener a las masas ajenas a todo el proceso institucional.118
Como consecuencia del fracaso de las iniciativas de crear una federación los países
del Caribe se vieron obligados a desarrollarse social y económicamente por separado. La
independencia se perfilaba como la única opción.119
Jamaica fue el primer territorio británico del Caribe en obtener la independencia el
6 de agosto de 1962. Su tamaño geográfico, su antigüedad histórica (británica desde
1655) y su importancia económica le permitió adquirir la independencia primero que
otros territorios. A la independencia de Jamaica le siguió ese mismo mes (31 de agosto de
1962) la de Trinidad y Tobago.120
En 1966 Gran Bretaña implantó un estatuto de Libre Asociación a las islas
caribeñas que eran demasiado pequeñas para lograr la independencia o que no querían la
independencia. Bajo esa asociación Gran Bretaña ejercería el control de las relaciones
exteriores y defensa.121
Luego de la independencia muchos países caribeños conservaron y estrecharon
lazos con las antiguas metrópoli (Gran Bretaña y Holanda) pero a la misma vez se
encontraban dominados geopolíticamente por EEUU.122
A pesar del fracaso de la Federación y el rechazo a toda iniciativa que tuviese que
ver con regionalización, se entendió que habían sectores donde era posible la
cooperación, como es el caso de la Universidad de las Indias Occidentales. En agosto de
1967 en una reunión en Georgetown, Guyana, el Caribe de la Commonwealth creó el
Caribbean Free Trade Area (CARIFTA) donde se eliminaban los derechos de aduana y
barreras no arancelarias para la mayoría de los productos de los miembros. Además se
establecía como objetivo la creación de instituciones pancaribeñas como un banco central
caribeño. La creación de la CARIFTA estuvo estimulada por el ingreso de Gran Bretaña
a la Comunidad Económica Europea y el deseo de los países caribeños de presionar a
Gran Bretaña para que salvaguardase sus intereses. Además, un año más tarde (1969) se
117
LEWIS G., 130-2; PARRY, SHERLOCK y MAINGOT, 262; MITCHELL, 72.
THOMAS, 304.
119
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 139; LEWIS G., 133.
120
LEWIS G., 162; RICHARDSON, 182.
121
LEWIS G., 131; PARRY, SHERLOCK y MAINGOT, 265-6; RICHARDSON, 182.
122
RICHARDSON, 184.
118
79
creó el Caribbean Development Bank en Bridgetown, Barbados, para otorgar
financiamiento para el desarrollo de los países miembros.123
IV - El modelo de desarrollo ECONÓMICO de los países caribeños
En todo modelo de desarrollo económico existen factores externos e internos que
condicionan su desenvolvimiento. Ya hemos adelantados algunos de esos condicionantes
que en general tienen su origen en el sistema colonial europeo que otorgó a sus colonias
un papel dentro del sistema capitalista mundial que hoy perdura en su proceso de
inserción en la economía mundial.124
La independencia trajo la oportunidad a los países caribeños de fortalecer sus
economías, pero a pesar de eso se encuentran condenados a lidiar con economías
neocoloniales. Su posición geográfica y su reducido tamaño les condena a una especie de
clientelismo político y económico.125
Insuficiencia alimentaria, tamaño y dependencia son factores que están vinculados
al subdesarrollo del Caribe. Los países caribeños se caracterizan por ser economías
pequeñas, con pocos recursos humanos, de carácter monosectorial muy vulnerables a los
mercados internacionales, a los huracanes, a los volcanes y dependientes del exterior. Son
economías que producen lo que no consumen y consumen lo que no producen. Las
consecuencias de esa vulnerabilidad se ejemplifica de manera general con un alto índice
de desempleo, ingreso per cápita bajo, falta de vivienda, malnutrición, desgaste de los
servicios sociales (salud, educación), alto índice de deuda, violencia, crimen y
emigración. La causa de esa situación se encuentra en gran parte, (exceptuando Bahamas
y Barbados) en la crisis del Estado en el Caribe.126
La estructura económica subdesarrollada y dependiente del Caribe específicamente
se caracteriza por:
1) una producción superespecializada en productos primarios para la exportación a
mercados específicos;
2) precios inestables que afectan los ingresos y empleos;
3) una marcada dependencia a la importación y a flujos de capital extranjero para
alimentar a la población, mantener las industrias de servicios, y contar con
financiamiento para la exportación de capital nativo;
4) un predominio extranjero en el proceso de toma de decisiones para la producción
económica;
123
PARRY, SHERLOCK y MAINGOT, 271; THOMAS, 307, ERISMAN Michael H. (ed.), Pursuing Post
Dependency Politics: South-South Relations in the Carribbean, Colorado, Lynne Rienner Publishers 1991,
62; DÍEZ DE VALASCO VALLEJO Manuel, Instituciones de Derecho Internacional Público:
Organizaciones Internacionales, séptima ed., tomo II, Madrid, Tecnos 1990, 434.
124
RICHARDSON, 184.
125
LEWIS G., 411.
126
RIVIERE, 1-2, RICHARDSON, 108; JACOME José, “The Commonwealth Caribbean Small Island
States and the Caribbean Center for Development Administration; A Management Development
Institution”, en BAKER Randal (ed.), Public Administration in Small and Island States, Hartford,
Kumarian Press 1992, 236; RAMSARAN, 175.
80
5) ausencia de cualquier forma de regulación para la entrada y salida de movimientos
de capital;
6) debilidad de mecanismos de financiación;
7) inadecuacidad y mantenimiento deficiente de la infraestructura;
8) un predominio de la agricultura y la minería con poca diversificación;
9) una extendida pobreza, malnutrición, vivienda inadecuada, y servicios sociales
deficientes como educación, y sanidad;
10) un sistema agrario heredado del sistema colonial con mala distribución de la
tierra;
11) ausencia de una verdadera clase dirigente y empresarial que no permite el
verdadero desarrollo de instituciones políticas, sindicatos, asociaciones, etc.;
12) una emigración del campo a las ciudades;
13) una erosión del suelo cultivable;
14) costes de transportación muy elevados;
15) dificultad en el proceso racional de toma de decisiones debido al personalismo y
padrinazgo político;
16) baja calidad del servicio público;
17) ausencia de un esquema donde sindicatos obreros pudieran aportar más al proceso
de desarrollo;
18) falta de transparencia en la información y estadísticas económicas; y
19) pérdida de profesionales a causa de la emigración en busca de mejores
oportunidades económicas y calidad de vida.127
IV.1 - Condicionantes externos
Una gran limitación al desarrollo económico caribeño es el poco comercio que
existe entre los países del Caribe. Esa ausencia de vínculos comerciales tiene su origen en
las economías coloniales donde las rivalidades entre potencias europeas no permitieron el
comercio entre colonias de diferentes metrópoli.128
El capital extranjero limita sin lugar a dudas la autonomía de las economías
caribeñas. Las inversiones extranjeras han acaparado todos los niveles de las economías
caribeñas: banca, seguros, finanzas, hoteles, turismo, carga, telecomunicaciones y el
comercio, dejando poco margen de acción a los gobiernos caribeños y perpetuando así el
viejo sistema económico colonial.129
127
THOMAS, 69-70, 139; KING Russell, “The geographical Fascination of Islands”, en LOCKHART
Douglas G, DRAKAKIS-SMITH David y SCHEMBRI John (eds.), The Development Process in Small
Island States, Londres, Routledge Publishers 1993, 34; PERSAUD Bishnodat, The Caribbean in a
Changing World: We must not Fail, Kingston, Institute of Social and Economic Research 1989, 17;
DEMAS William G., Essays on Caribbean Integration and Development, Kingston, Institute of Social and
Economic Research 1976, 74; RAMSARAN, 283; BERNAL Richard, “Influencing U.S. Policy Toward the
Caribbean: A Post-Cold War Strategy”, en BRYAN Anthony T. (ed.), The Caribbean: New Dynamics in
Trade and Political Economy, Miami, North-South Center 1995, 210; BANCO MUNDIAL, Caribbean
Region: Current Economic Situation, Regional Issues and Capital Flows, Washington D.C., 1992, 12.
128
DOOKHAN, 141.
129
RIVIERE, 66; WILLIAMS, 477.
81
El nuevo sistema económico internacional se presenta cada vez más negativo para
el Caribe, prácticamente marginándolo. Esa marginación tiene su raíz en la fuerte
competencia de los mercados internacionales y en los procesos de integración económica
en Norte América, el Pacífico y Europa.130
Los países caribeños son muy vulnerables a desastres naturales como huracanes,
terremotos y erupciones volcánicas. Ese tipo de fenómeno afecta al desarrollo económico
del Caribe por los daños extensos que frecuentemente causan.
El fenómeno natural más frecuente y destructivo que ha hecho famoso al Caribe es
el huracán.131 Los huracanes o ciclones tropicales son fenómenos meteorológicos
caracterizados por centros de baja presión muy marcada que se originan al Este de las
grandes masas continentales. Sus efectos son devastadores y generalmente producen
grandes inundaciones. Su temporada se extiende desde el 1 de junio hasta el 30 de
noviembre de cada año, pero la mayoría ocurre en los meses de agosto y septiembre.132
Se ha observado que en las últimos años ha aumentado la intensidad y
frecuencia de los huracanes. Ya no es raro sufrir los estragos de huracanes categoría
cuatro o cinco. La mayoría, por no decir todos, de los países del Caribe no están
preparados para recibir el azote de un huracán (viviendas de madera, infraestructura
inadecuada y frágil, etc.). Casi siempre tras el paso de un huracán los países caribeños
deberán “comenzar de nuevo”, asistidos por sus antiguas metrópoli o la comunidad
internacional.
El Caribe se encuentra en un zona de alta incidencia de temblores y terremotos.
Mensualmente se registran cientos de pequeños y medianos temblores en el Caribe. La
parte oriental del Caribe es muy propensa a los temblores y terremotos ya que la placa del
Caribe entra en colisión con la parte superior de la más extensa placa de América del Sur
que al resultar más pesada se está colocando debajo de la del Caribe.133 Además existe la
preocupación por los maremotos originados por los terremotos ya que en la mayoría de
los países del Caribe las poblaciones se concentran en las costas. Como ejemplo de lo
destructivo que puede resultar un terremoto podríamos mencionar la destrucción de la
capital de Jamaica en 1907 y la destrucción de la tercera ciudad de Puerto Rico
(Mayagüez) en 1918; actualmente se espera con mucha preocupación el próximo
terremoto en la región. 134
Las erupciones volcánicas es otro de los fenómenos naturales que afectan
seriamente al Caribe. Es importante señalar que las islas del Caribe tienen un origen
volcánico y por ello en algunas de ellas existen aún volcanes activos. Existe un total de
130
SUTTON Paul, “The Politics of Small State Security in the Caribbean”, en SUTTON Paul y PAYNE
Anthony, Size and Survival: The Politics of Security in the Caribbean and the Pacific, Londres, Frank Cass
Publishers 1993, 21.
131
La palabra huracán deriva de la palabra taína Juracán quien era el dios malo. Los indios taínos estaban
convencidos que el fenómeno atmosférico era la manifestación de ese dios. (NA)
132
“El fenómeno del huracán”, El Nuevo Día, San Juan, (22 de junio de 1997) 54.
133
CIFUENTES Eduardo, “Agita el Caribe un fuerte sismo”, El Nuevo Día (23 de abril de 1997) 50.
134
LEWIS G., 16.
82
14 volcanes activos en el Caribe. Es la región del mundo con mayor actividad volcánica y
sísmica. Al igual que con los terremotos no es necesario que detallemos la peligrosidad
de las erupciones volcánicas y los daños que pueden ocasionar en economías frágiles
como las del Caribe.135
La isla de Martinica en 1902 y la isla de San Vicente en 1979 sufrieron grandes
erupciones volcánicas que causaron graves daños y miles de muertos.136 La más reciente
erupción volcánica ha sido el Soufriére en la dependencia británica de Monserrate. El
volcán Soufriére pertenece al tipo de volcán más peligroso: el Peleno. Su modelo es el
volcán Pelée de la isla de Martinica y se caracteriza por tener una lava muy espesa que se
solidifica tan pronto sale del cráter, formando una cúpula o domo, que bajo la enorme y
creciente presión de los gases que intentan escapar, podría llegar a romperse de manera
explosiva o crear fisuras o roturas en la ladera de la montaña, surgiendo a su vez nubes
ardientes que arrasan con todo a su paso.137
Hoy la isla de Monserrate se encuentra desolada y cubierta de cenizas. El impacto
ha sido fatal para sus fuentes principales de ingreso: la agricultura y el turismo. La parte
sur de la isla, donde se encuentra el volcán, ha sido desalojada y la capital Plymouth se
encuentra totalmente deshabitada. De un total de 11,000 habitantes hoy sólo quedan
4,000, ya que el resto emigró hacia Gran Bretaña e islas cercanas.138
El estado de alerta ha incluido tanto a la isla de Monserrate como a toda la región.
La ceniza expulsada por el volcán han alcanzado los 3,500 metros de altura y ha afectado
a todo el Caribe.139 Se temió una erupción volcánica cataclísmica que hundiría la isla
entera y crearía una nube de cenizas y gases tóxicos de gran tamaño que tendría efectos
adversos sobre el clima, la salud y la actividad económica de la región.140
El 25 de junio de 1997 el volcán Soufriére tuvo una erupción que causó 20 muertes
y destruyó 175 viviendas. Gran Bretaña preparó un paquete de ayuda que incluyó 10.8
millones de dólares y la posibilidad de emigrar a Gran Bretaña. Es muy improbable que
la isla de Monserrate pueda recuperar en décadas o centurias su condición de paraíso
natural.141
135
DELGADO ESQUILÍN Gloribel, “Caprichos de la tierra”, en El Nuevo Día (14 de septiembre de 1997)
16.
136
HENSHALL MONSEN Janet, “Gender and Enviromental Perception in the Eastern Caribbean”, en
LOCKHART, DARAKIS-SMITH y SCHEMBRI, 58.
137
CIFUENTES Eduardo, “Alerta ante la actividad del volcán Soufriére”, en El Nuevo Día (30 de marzo de
1997) 46.
138
MARTÍNEZ Andrea, “Cubierta Monserrate de ceniza volcánica”, en El Nuevo Día (16 de abril de 1997)
35; ANDERSON James, “Pasaje de ida en los muelles de Monserrate”, en El Nuevo Día (30 de junio de
1997) 28.
139
CIFUENTES Eduardo, “Alerta ante la actividad del volcán Soufriére”, en El Nuevo Día (30 de marzo de
1997) 46; MONEGO José P., “Cubre la ceniza al Caribe”, en El Nuevo Día (6 de julio de 1997) 22.
140
DELGADO ESQUILÍN Gloribel, “Caprichos de la tierra”, en El Nuevo Día (14 de septiembre de 1997)
16; GREAVES Keith, “Amenaza el Soufriere con borrar del mapa a Monserrate”, en El Nuevo Día, (19 de
agosto de 1997) 46.
141
“Brinda ayuda a los damnificados el Reino Unido”, en El Nuevo Día (29 de junio de 1997) 29;
CAMPELL Shawn, “Emergencia en Monserrate”, en El Nuevo Día (28 de junio de 1997) 42.
83
IV.2 - Condicionantes internos
La crisis del Estado en el Caribe es el responsable del pobre desenvolvimiento de
las economías caribeñas. El sistema estatal en el Caribe promueve cada vez más la
marginación de grandes sectores de la población de la vida económica y social.142
El Estado colonial en el Caribe no tuvo como propósito un objetivo de dominación
como en América Latina, sino brindar las estructuras, leyes e instituciones que
permitieran un desarrollo de las relaciones capitalistas de producción. El sistema colonial
gobernaba para los intereses de los plantadores y mercaderes retrasando así la
participación de la mayoría de la población (negros y mestizos) en el proceso económico
y político. El que no hubiese grandes poblaciones de indígenas y que la población fuera
en su mayoría importada, permitió implantar la forma de gobierno de la metrópoli.143
La metrópoli había asignado al país caribeño un papel económico colonial en la
economía mundial que era muy difícil de transformar, máxime cuando no había otro
modelo que le sustituyese.144 Ese papel se definía como enclaves para la exportación de
productos tropicales.
Dada la herencia colonial del Estado caribeño, éste se caracteriza por ser
intervencionista y estar dominado por los intereses económicos. Ha sido poca la
participación caribeña en la creación o configuración del sistema económico y político,
ya que siempre estuvo sujeto a los intereses económicos de la metrópoli. 145 Dada la
ausencia de voluntad política e ideológica, la legitimación del Estado caribeño se ha
logrado a través de su intervencionismo en la búsqueda de capital externo que permita el
desarrollo. Desgraciadamente ese desarrollo interno no se ha visto evidenciado con logros
materiales y conquistas sociales, poniendo en entredicho la existencia misma del Estado
caribeño.146
Como herencia del modelo colonial, es el poder ejecutivo quien determina la forma
y funcionamiento de todos los aspectos cotidianos del Estado caribeño. Eso permite que
el gobierno sea extremadamente personalista, donde se le niega participación a la
oposición y más bien se le hostiga, persigue y ataca. La presencia e influencia del Jefe de
Gobierno en los países caribeños se siente y palpa en todo momento y en todo lugar. Por
esa razón la personalidad y carisma de los líderes políticos caribeños juega un papel
importante en la política caribeña, más que el programa de gobierno.147
En el Estado caribeño las decisiones gubernamentales, sean importantes o no, se
hacen a nivel individual y no en equipo o grupo de trabajo. Tal situación conlleva a que
142
RIVIERE, 14.
Ibídem, 17, 39.
144
Ibídem, 61.
145
Ibídem, 60, 83.
146
Ibídem, 72.
147
LEWIS G., 156; RIVIERE, 19; RICHARDSON, 186; LEMON Anthony, “Political and Security Issues
of Small Islands States”, en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y SCHEMBRI, 45; SUTTON Paul, “The
Politics of Small State Security in the Caribbean”, en SUTTON y PAYNE, 18.
143
84
las decisiones gubernamentales sean susceptibles a presiones personales, improvisación,
amiguismo, y que las críticas se conviertan en controversias personales. Paradójicamente
el proceso de toma de decisiones es lento, tímido e inconsistente con los requerimientos
del desarrollo.148
El tamaño en el Caribe es definido en términos de población y recursos. El factor
tamaño hace la diferencia entre microeconomías y las economías más prósperas de la
región. Aunque la escasez de población permite una relajación de los aspectos sociales y
políticos, la escasez de recursos causa una gran dependencia del exterior y
consecuentemente poca autonomía y limitaciones a la soberanía nacional. 149
El factor tamaño es determinante a la hora de hablar de desarrollo económico. El
aspecto más significativo sobre el tamaño y desarrollo es el error de implantar en el
Caribe modelos de administración de países grandes y desarrollados. Como consecuencia
existe en el Caribe un ejército de funcionarios públicos innecesarios que desvían fondos
de inversión para el pago de salarios y pensiones.150
La estructura administrativa que existe hoy en el Caribe es aquella establecida por
la administración colonial. En lugar de establecer las prioridades del desarrollo e
implantar los cambios, se opta por lo tradicional, lo ritualista y el mantenimiento de la ley
y orden a través de procedimientos e instituciones complejas y formales.151 Hay que
añadir que en la mayoría de los casos la planificación en el Caribe está limitada al
seguimiento de proyectos a corto plazo dejando sin resolver los aspectos más importantes
del desarrollo.
El que un país sea una isla conlleva limitaciones al desarrollo. Exceptuando a
Belice, Guyana y Surinam, el resto de los países caribeños son islas. Las islas presentan
características muy diferentes a los territorios continentales que limitan y condicionan su
desarrollo. Entre las características de insularidad encontramos:
1) son ecosistemas cerrados que cuando se abren al exterior se convierten en
inestables y frágiles;
2) poseen una fauna y flora especial, única genéticamente hablando y muy vulnerable;
3) la separación y el aislamiento ayudan al mantenimiento de tradiciones y otras
manifestaciones socioculturales que permiten una identidad y permanencia; y
148
BIVIN RAADSCHELDERS Julie, “Definition of Smallness: A Comparative Study”, en BAKER, 28;
JACOME José, “The Commonwealth Caribbean Small Island States and the Caribbean Center for
Development Administration; A Management Development Institution”, en BAKER, 240-1; JONES
Edwin, “Bureaucracy As a Problem-Solving Mechanism in Small States: A Review in Term of the Current
Literature”, en LEWIS Vaughan A. (ed.), Size Self-Determination and International Relations: The
Caribbean, Kingston, Institute of Social and Economic Research 1976, 77.
149
RIVIERE, 90-1.
150
BAKER Randall, “Scale and Administrative Performance: The Governance of Small States and Micro
States”, en BAKER, 10.
151
JACOME José, “The Commonwealth Caribbean Small Island States and the Caribbean Centre for
Development Administration; A Management Development Institution”, en BAKER, 240; BARRET Ina,
“Management and Motivation: A View From the Caribbean”, en BAKER, 257.
85
4) cada isla es un mercado pequeño con altos costos de transportes que las hace más
vulnerable a las crisis económicas internacionales.152
La dependencia económica es otro factor que limita el margen de acción de las
economías caribeñas. El aumento de la dependencia se debe en gran medida al
incremento de la inversión privada externa, a la ayuda externa para equilibrar el
presupuesto y a los préstamos de ayuda de la antigua metrópoli.153
El sector exportador privado en el Caribe está dominado por intereses extranjeros y
es de carácter neocolonial. Esa situación permite que decisiones importantes sobre
producción, empleo y ventas se elaboren en las antiguas metrópoli. El poder de los
gobiernos caribeños para controlar esas variables es mínimo. La participación caribeña en
sus economías se limita a asuntos como la transportación, servicios sociales, y
educación.154
El fenómeno de la emigración es un factor condicionante muy importante para el
desarrollo del Caribe. En el Caribe emigración implica oportunidades para el desarrollo
económico, pero en realidad provee para situaciones y resultados adversos. Los Estados
caribeños han fomentado la emigración como válvula de escape para mejorar las
condiciones sociales y económicas (empleo, vivienda, salud, educación) en sus países.
Por otro lado, esa emigración es protagonizada principalmente por hombres en edades de
alta productividad (20 a 34 años) y recientemente por la clase profesional (médicos,
ingenieros, enfermeras, maestros) lo cual priva a los países caribeños de recursos
humanos esenciales para el desarrollo. Como ejemplo revelador podríamos mencionar
que el 75 por ciento de las enfermeras de Trinidad y Tobago tienen como objetivo
emigrar a los EE.UU. La emigración se convierte en una fuente importante de divisas por
las remesas que esos emigrantes envían a sus familias en el Caribe. Esas remesas no son
siempre beneficiosas para el país recipiente ya que se usan para la compra de terrenos
como seguro de retiro y para la compra de artículos importados, afectando adversamente
la agricultura y promoviendo la dependencia. 155
La belleza natural de los países caribeños parece ocultar el ambiente de
inestabilidad política que vive la región. La inestabilidad política en el Caribe impide la
atracción de inversiones y las políticas de desarrollo a largo plazo. Los inversores
extranjeros temen que acontecimientos políticos imprevistos pongan en peligro sus
inversiones. En Guyana, Surinam, Dominicana y hasta hace poco Haití, existen militares
politizados que en cada momento cuestionan el régimen democrático. Surinam ha sufrido
nueve Golpes de Estado desde su independencia en 1975. En 1981 en la isla de Dominica
152
KING Russell, “The geographical Fascination of Islands”, en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y
SCHEMBRI, 33-4.
153
RIVIERE, 70.
154
LEWIS G., 407.
155
POTTER Robert B. “Basic Needs and Development in the Small Island States of the Eastern
Caribbean”, en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y SCHEMBRI, 103; THOMAS, 100, 104; CONNELL
John, “Island Microstates: Development, Autonomy and the Ties that Bind”, en LOCKHART, DARAKISSMITH y SCHEMBRI, 131; MAINGOT Anthony P., The United States and the Caribbean, Boulder,
Colorado, Westview Press 1994, 195; BANCO MUNDIAL, 61-2.
86
hubo tres intentos de Golpe de Estado contra la Primera Ministra María Eugenia
CHARLES por parte de mercenarios norteamericanos de tendencia neonazis y Ku Klux
Klan que buscaban establecer un gobierno pro sudafricano. Hoy día las amenazas a la
estabilidad política no se originan en Moscú ni en La Habana sino en Miami, que se ha
convertido en un centro de subversión y tráfico de armas.156
Quizás el mejor ejemplo de inestabilidad política en el Caribe fue la intentona de
Golpe de Estado en la próspera y pacífica Trinidad y Tobago.157 Esa intentona es un
excelente ejemplo de cómo un evento impredecible puede surgir en un país con una
mezcla de razas, religiones y estratos económicos. El 27 de julio de 1990, 114
fundamentalistas musulmanes negros de la secta Jammat-al-Muslimeen liderados por el
expolicía ABU BAKR y apoyados por el régimen libio de Muammar CHADAFI,
tomaron por la fuerza el edificio del Parlamento y una estación de televisión en la capital
Puerto de España. Con la toma del Parlamento pudieron hacerse con 40 rehenes incluidos
el Primer Ministro y siete ministros. Ese tipo de acción no tenía precedente en Trinidad y
Tobago. El golpe fue controlado por el ejército y después de seis días los golpistas se
entregaron, no sin antes obtener la amnistía y haber causado 23 muertos y 250 heridos.158
Otro factor que promueve la inestabilidad política en algunos países caribeños es el
deseo de secesión de islas pequeñas de las más grandes. Ese fenómeno tiene su origen en
las políticas coloniales europeas, en especial de Gran Bretaña, de separar
administraciones coloniales y de ofrecer procesos descolonizadores individuales. La isla
de Anguilla se separó de San Cristóbal y Nevis en 1969 tras una unión que duró dos años,
y Nevis desea hacer lo mismo.159 El 11 de agosto de 1998 la isla de Nevis celebró una
consulta como primer paso para lograr su independencia de la isla de San Cristóbal. Para
alcanzar su independencia era necesario el 67 por ciento de votos afirmativos, pero sólo
logró el 62 por ciento (Sí: 2,427; No 1,498).160 Existe también deseos de secesión en
Barbuda de Antigua y Tobago de Trinidad. En 1979 un grupo de rastafaris se hizo con el
control de la Isla de Unión perteneciente a San Vicente y las Granadinas; posteriormente
el ejército y la policía, con la ayuda de Barbados, retomó el control de la isla. Junto al
problema de secesión existen problemas fronterizos entre Venezuela y Guyana, y Belice
y Guatemala.
En años recientes ha surgido un rápido crecimiento del sector económico informal
que se encuentra en dudosa legalidad: lavado de dinero del narcotráfico, fuga de
156
SUTTON Paul, “The Politics of Small State Security in the Caribbean”, en SUTTON y PAYNE, 18;
MAINGOT, 154; SERBÍN, 77; PHILLIPS Dion E., “The Increasing Emphasis on Security and Defense in
the Eastern Caribbean”, en YOUNG Alma H. y PHILIPS Dion E. (eds.), Militarization in the NonHispanic Caribbean, Colorado, Lynne Rienner Publishers 1986, 48.
157
Para más información sobre la intentona de Golpe de Estado de 1990 en Trinidad y Tobago, ver:
RAGOONATH Bishnu, “The Failure of the Abu Bakr Coup: The Plural Society, Cultural Tradictions and
Political Development in Trinidad”, en SUTTON y PAYNE, 33-53. (NA)
158
SUTTON Paul, “The Politics of Small State Security in the Caribbean”, en SUTTON y PAYNE, 19-20;
MAINGOT, 154.
159
BAYRON Dawud, “Un país pequeño podría ser aún más diminuto”, en El Nuevo Día, (28 de junio de
1996) 51.
160
ANDERSON James, “Fustrado el deseo de independencia de Nevis”, en El Nuevo Día, (12 de agosto de
1998) 52.
87
capitales, manipulación de cambio de divisas, corrupción gubernamental y falta de ética
empresarial. Ese tipo de acciones no ha alcanzado niveles alarmantes, pero si no triunfan
las políticas económicas formales y legales, podrían llegar a serlo.161
El narcotráfico es uno de los grandes obstáculos al desarrollo del Caribe. Ha
llegado a convertirse en la amenaza más seria para la seguridad nacional de los países
caribeños pues conlleva un daño a la salud física y mental de los ciudadanos y un
deterioro social que afecta la gobernabilidad de los Estados. El narcotráfico no sólo
implica problemas de tráfico de droga sino que crea ramificaciones de corrupción
gubernamental, lavado de dinero, desviación de fondos, crímenes y adictos.162
El Caribe es productor, lugar de tránsito y consumo de drogas ilegales. Belice y
Jamaica son los mayores suplidores de mariguana en el Caribe. En la distribución o
tráfico de la droga es donde reside el mayor problema del Caribe. Los países caribeños se
han convertido en el principal punto de tráfico hacia los EE.UU. de la droga producida en
Colombia y Brasil. El aumento de costos del contrabando mexicano ha causado que
narcotraficantes colombianos envíen cada día más droga a través del Caribe. Bahamas es
el puente principal en el tráfico de drogas hacia los EE.UU. Con 700 islas, 2,000 cayos y
una superficie de 16,090 Km2 cercanos a los EE.UU., Bahamas se ha convertido en el
lugar preferido de los narcotraficantes para introducir la droga en EE.UU., ya que no se
puede vigilar y patrullar efectivamente tantas islas y cayos. Además de Bahamas, casi
todos los países caribeños desempeñan la función de reabastecer de gasolina a los aviones
y barcos que transportan droga a EE.UU. Han surgido nuevas modalidades en el Caribe
para el transporte de la droga hacia los EE.UU. La más reciente modalidad entre los
narcotraficantes es esconder la droga en furgones de líneas mercantes y aéreas que parten
del Caribe hacia los EEUU y Europa. El uso de barcos mercantes y líneas aéreas como
transporte de droga afecta a las debilitadas economías caribeñas ya que las aduanas de
Europa y Norte América son especialmente severos a la hora de inspeccionar mercancías
provenientes del Caribe e imponen multas y fianzas a barcos y aviones que transportan la
droga. Las inspecciones aduaneras además conllevan atrasos y el deterioro de la
mercancía, lo que aumenta los costos de exportación, entorpeciendo así el incipiente
comercio caribeño.163
Además de la producción y distribución, el Caribe se enfrenta al problema del
lavado del dinero producto del narcotráfico. El lavado de dinero se ha acrecentado en el
Caribe en los últimos años debido a la flexibilidad de las leyes financieras y a la
secretividad de las cuentas bancarias. El lavado de dinero existe principalmente en las
161
SUTTON Paul, “The Politics of Small State Security in the Caribbean”, en SUTTON y PAYNE, 20-21.
GRIFFITH Ivelaw L., The Nature and Security Implications of Drugs Operation in the Commonwealth
Caribbean, Cuarta Reunión del Grupo de Trabajo de Relaciones Internacionales del Caribe del Consejo
Latinoamericano de Ciencias Sociales (ST. Thomas, Universidad de las Islas Vírgenes Norteamericanas, 913 de junio de 1992), 2-3; SANDERS Ron, “The Drug Problem: Policy Options for Caribbean Countries”,
en DOMÍNGUEZ Jorge, PASTOR Robert y WORRELL Deslisle R. (eds.), Democracy in the Caribbean:
Political, Economic and Social Perspectives, Baltimore, Johns Hopkins Press 1993, 229.
163
SUTTON Paul, “The Politics of Small State Security in the Caribbean”, en SUTTON y PAYNE, 22-3;
GRIFFITH Irelaw L., “Drugs and Security in the Commonwealth Caribbean”, en SUTTON y PAYNE, 76,
90; GRIFFITH, 14, 33; ROBERTSON Jessica, “Ruta al Caribe en narcotráfico”, en El Nuevo Día, (27 de
septiembre de 1997) 60.
162
88
dependencias británicas de Monserrate, Islas Caimán, y las Islas Turcas y Caicos, aunque
últimamente ha habido un aumento de esta práctica en las islas de Antigua y Barbuda,
Dominica, Granada, Santa Lucía, San Vicente y las Granadinas, y Trinidad y Tobago.164
El narcotráfico ha empeorado significativamente el problema de la corrupción
gubernamental en el Caribe. Esa corrupción ha traído como consecuencia el cinismo
gubernamental, la inefectividad de políticas públicas, la pérdida de credibilidad, y la
aceptación generalizada de la corrupción como norma en la administración pública.
Ministros de gobierno del Caribe han sido declarados culpables o relacionados con el
trasiego de drogas.165
El problema de la droga ha obligado a los países caribeños a desviar recursos para
la lucha contra el narcotráfico en el reclutamiento de agentes de policía, aduana,
migración y ejército. El turismo también ha sufrido las consecuencias del trasiego de
drogas ya que la imagen o percepción negativa en los medios de comunicación de masa
por causa del narcotráfico intimidan a los turistas potenciales. Esa percepción negativa se
fundamenta en los crecientes índices de violencia y criminalidad causados por el trasiego
de drogas.166
Hemos demostrado que el narcotráfico y sus implicaciones atentan contra la
seguridad y desarrollo del Caribe. Existe la grave preocupación de que algunas islas del
Caribe se conviertan en lo que se ha denominado “narcodemocracias”, donde convivan
instituciones democráticas con el narcotráfico. Debemos recordar que las islas del Caribe
son en términos generales muy vulnerables y no poseen los recursos ni el poder
económico para protegerse de la seducción que produce el dinero de la droga en
sociedades empobrecidas donde el Estado no puede satisfacer sus necesidades.167
V - Los sectores productivos deL caribe
Como consecuencia del sistema colonial, las economías de los mayoría de los
países caribeños están poco diversificadas y dependen de uno o dos productos. El azúcar
y el plátano son los productos agrícolas más importantes de los países caribeños. La
mayor parte de la producción de azúcar y plátano del Caribe está destinada a Gran
Bretaña. Cada vez más esos productos están perdiendo las preferencias arancelarias y
cuotas de la U.E.168 Existen otros productos agrícolas que son de gran importancia para
164
GRIFFITH Irelaw L., “Drugs and Security in the Commonwealth Caribbean”, en SUTTON y PAYNE,
82; GRIFFITH, 20.
165
SUTTON Paul, “The Politics of Small State Security in the Caribbean”, en SUTTON y PAYNE, 23-4;
GRIFFITH Irelaw L., “Drugs and Security in the Commonwealth Caribbean”, en SUTTON y PAYNE, 84;
MAINGOT, 155; BOOTH Cathy, “Infestado de narcos el Caribe”, en El Nuevo Día, (9 de mayo de 1996)
78; GRIFFITH, 29.
166
SUTTON Paul, “The Politics of Small State Security in the Caribbean”, en SUTTON y PAYNE, 23-4;
GRIFFITH Irelaw L., “Drugs and Security in the Commonwealth Caribbean”, en SUTTON y PAYNE, 867.
167
BOOTH Cathy, “Infestado de narcos el Caribe”, en El Nuevo Día, (9 de mayo de 1996) 78, 115.
168
IRELA (ed.),The Caribbean Basin: Struggel for Independence, Democracy and
Development and the Role of Outside Powers, Madrid, 1987, 30.
89
algunos países como lo es el caso de la nuez moscada en Granada. 169 Además del plátano
y el azúcar hablaremos sobre otros sectores de la economía caribeña como el turismo y el
incipiente sector industrial y minero.
V.1 - El azúcar de caña
La caña de azúcar fue introducida en el Caribe británico y francés en 1637 desde las
colonias holandesas del Brasil por Pieter BROVER.170 La isla del Caribe británico donde
se cultivó por primera vez la caña de azúcar fue Barbados en 1640, y en 1650 se cultivó
en las colonias francesas de Guadalupe y Martinica.171 Rápidamente el azúcar de caña se
hizo indispensable para los mercados europeos que comenzaban a crear el hábito del café,
té, chocolate, dulces y jaleas.172
Para el cultivo de la caña de azúcar se escogen terrenos llanos de fácil acceso.
Resulta oneroso cultivar caña de azúcar en terrenos inclinados y de difícil acceso y por
eso las islas de Dominica, San Vicente, Granada y Tobago no cultivaron caña de azúcar
por ser islas montañosas.173
La primera amenaza a la industria del azúcar en el Caribe continúa vigente hoy día.
El desarrollo de la industria del azúcar de remolacha en Francia perjudicó las
plantaciones de caña de azúcar de Guadalupe y Martinica que no estaban acostumbradas
a la competencia. Francia fue el primer país europeo en desarrollar el azúcar de
remolacha a gran escala. Ya para el 1839 existían en Francia 550 fábricas de azúcar de
remolacha.174
El proceso de extraer azúcar de la remolacha fue descubierto por Franz ACHARD,
un alemán de padres franceses. El Rey de Prusia tuvo un gran interés en ese proyecto y
apoyó a ACHARD. Los británicos percibieron desde un principio la amenaza que
representaba el azúcar de remolacha para la industria azucarera del Caribe. Por ese
motivo ofrecieron £30,000 a ACHARD para que informara al Rey de Prusia el fracaso
del intento de extraer azúcar de la remolacha, pero ACHARD rehusó la oferta.175
La primera fábrica de azúcar de remolacha se estableció en Alemania pero en el
principio se extraía poca azúcar de la remolacha y los precios de producción eran muy
elevados. A pesar de eso, y de que el azúcar de remolacha sólo brindaba trabajo por
unas semanas al año, los gobiernos de Holanda, Austria, Alemania, Francia y Bélgica
encontraron razones suficientes para hacerla rentable y comenzaron a subvencionar la
producción otorgando gratificaciones a la exportación de azúcar. Esas gratificaciones
pagaban un 60 por ciento de la producción en 1884, abaratando el azúcar de
169
La industria de la nuez moscada en Granada es de mucho éxito. La nuez moscada fue introducida en la
isla en 1782 por Sir Joseph Banks, un famoso botánico de la época asesor del Rey Jorge III. (NA)
170
DOOKHAN, 28; PARRY, SHERLOCK y MAINGOT, 60.
171
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book One..., 77.
172
DOOKHAN, 48.
173
WILLIAMS, 130; RICHARDSON, 44.
174
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 177.
175
WILLIAMS, 242-3.
90
remolacha a un precio inferior al del azúcar de caña del Caribe. Esos incentivos
fueron eliminados en 1903, pero ya el daño al azúcar del Caribe era irreversible.
Junto a la introducción del azúcar de remolacha en Europa en los EE.UU. se
impusieron restricciones a la compra de azúcar de caña caribeña. En 1895 los EE.UU.
impuso grandes impuestos al azúcar caribeña para así proteger las industrias
norteamericanas que se dedicaban a producir azúcar de caña en Cuba y Puerto Rico. Esas
restricciones perjudicaron aún más a la industria del azúcar de caña del Caribe y por ende
a las plantaciones.176
La Segunda Guerra Mundial perjudicó también la industria del azúcar de caña en el
Caribe llevando a las plantaciones casi a la ruina. Durante la guerra se hizo imposible
para los países europeos comprar azúcar caribeña ya que habían submarinos alemanes en
el Atlántico y Mar Caribe que impedían el comercio. Durante la guerra quien único
compró azúcar al Caribe fue Canadá.177
Luego de la guerra durante los años 50 el mercado se recuperó y cayeron los
precios. En 1951 Gran Bretaña abandonó la práctica de comprar todo el azúcar de caña
que se producía en todo su imperio y adoptó un sistema de cuotas anuales en donde se
establecía un precio razonable para el azúcar de caña llamado el Commonwealth Sugar
Agreement. Agraciadamente y por la importancia de la industria del azúcar de caña en el
Caribe, las colonias caribeñas fueron excluidas del sistema de cuotas.178
En 1959 un evento político en el Caribe benefició a la industria del azúcar de caña.
En ese año los EE.UU. y Canadá suspendieron la compra de azúcar cubana por haberse
instaurado en Cuba el gobierno revolucionario de Fidel CASTRO. Eso permitió que los
EE.UU. y Canadá otorgaran cuotas de importación a las islas caribeñas productoras de
azúcar.179
Dada la importancia de la industria del azúcar de caña para el Caribe, durante la
década de los años 70 las transnacionales perdieron el control absoluto de la industria
gracias a la nacionalización en Guyana, Trinidad y Tobago y Jamaica. A pesar de eso las
transnacionales continúan teniendo gran influencia en la producción, mercadeo, venta y
maquinaria industrial.180
La industria del azúcar de caña es muy propensa a sufrir grandes fluctuaciones de
precios y cuotas que la hacen poco rentable. El precio del azúcar de caña disminuyó de
45 centavos de dólar por libra en 1980 a 8 centavos en 1982. Esa fluctuación de precios
fue devastador para el Caribe; en especial para San Cristóbal y Nevis, donde la mitad de
su fuerza laboral depende de la industria del azúcar de caña. A la fluctuación de precios
176
Ibídem.
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 69-70; PARRY, SHERLOCK y
MAINGOT, 254-6
178
Ibídem.
179
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 70; MITCHELL, 81.
180
THOMAS, 131.
177
91
hay que añadir la pérdida escalonada de subsidios que ha sufrido la industria, lo que haría
suponer su desaparición.181
Hemos demostrado que la industria del azúcar de caña en el Caribe es un legado de
la era colonial sujeta al vaivén de los mercados internacionales. Si todavía existe una
industria de azúcar de caña en el Caribe se debe a las preferencias de Europa y EE.UU. 182
Además la caña de azúcar se encuentra a merced de plagas de insectos, fuegos y
huracanes. En conclusión, es una industria de altas y bajas que fomenta la inestabilidad
económica del Caribe. Por esa razón algunos países caribeños como Surinam se han visto
obligados a abandonar la industria.183
Los gobiernos del Caribe han procurado sustituir la industria del azúcar por otras
más rentables y estables. Desgraciadamente las alternativas son pocas. Se hicieron y se
continúa haciendo grandes esfuerzos por diversificar las economías desarrollando la
industria y desarrollando el cultivo de otros productos como el plátano, el arroz, y el
cacao. Lamentablemente esas iniciativas también se encuentran en manos foráneas con
muy poca participación de los gobiernos caribeños.184
V.2 - El plátano
El comercio del plátano es el mejor ejemplo de como la liberalización comercial
afecta a países de economías pequeñas y subdesarrolladas. El calificativo peyorativo de
“República Bananera” se encuentra estrechamente vinculado al Caribe, además de Centro
América. Eso es así por la gran presencia e importancia económica del plátano en
algunos países del Caribe. El plátano, conocido también como guineo o banano, es un
producto que ha estado relacionado al destino del Caribe desde que los británicos
introdujeron su cultivo en gran escala comercial en la década de los años 20.
Los principales exportadores de plátano en el Caribe son las islas del Caribe
Oriental: San Vicente y las Granadinas, Santa Lucía, Dominica y Granada.185 Esas islas
básicamente dirigen sus exportaciones a Gran Bretaña e Italia. Además, son exportadores
de plátano pero en menor escala: Jamaica, Surinam y Belice. Los cuatro países del Caribe
Oriental son parte del grupo de países caribeños más pobres y se caracterizan por ser islas
montañosas y volcánicas con economías dependientes de las divisas y empleos que
genera la exportación del plátano, que paradójicamente fomenta la pobreza y dependencia
en la región. Sus economías representan un clásico sistema económico periférico donde
181
RICHARDSON, 114; GARCÍA Elias, “Caricom-Cumbre: Líderes caribeños preocupados por crisis
agraria”, en Servicios de Noticias EFE, nª 519 (5 de julio de 1996).
182
HORNER Simon, “Emergency Treatment for the Sugar Sector But is the Medicine Powerful Enough?”,
en The Courier, Bruselas, Comisión Europea-ACP-CEE, nº 139 (1993: mayo-junio) 27.
183
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 78; RICHARDSON, 62; WILLIAMS,
133; RAMSARAN, 65.
184
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 72; POOLE Bernard., “Economic Treds in
the British West Indies”, en CURTIS Wilgus A. (ed.), TheCaribbean: British, Dutch, French, United
States, Gainsville, Universidad de Florida 1958, 12.
185
Desde el 1996 Granada no ha podido exportar plátanos a Europa por dificultades en producción plátanos
que cumplan con las exigencias europeas de calidad causando graves daños a la nación isla en especial a la
zona rural. (NA)
92
la producción interna se destina hacia la exportación mientras el consumo depende de
importaciones. El comercio del plátano ha sido parte de ese sistema durante los últimos
40 años. Es un sistema mercantil colonial y paternal que sobrevive gracias a preferencias
comerciales y ayudas por parte de la U.E. al servicio de los intereses comerciales e
inversiones de Gran Bretaña.186
El plátano llegó al Caribe por primera vez gracias al misionero español Fray Tomás
DE BERLANGA quien en 1516 introdujo la planta en Santo Domingo. El primer
comercio del plátano caribeño con EE.UU. fue realizado por el norteamericano Lorenzo
DOW BAKER cuando en 1868 partió de Jamaica surtido de frutas tropicales que vendió
en Jersey City. La iniciativa fue un éxito, lo que permitió que más tarde fundara empresas
que se dedicarían al comercio del plátano.187
La industria del plátano, también llamado el “oro verde”, nació como una
sustitución del azúcar, la cual trajo pocos cambios a las economías caribeñas que
continuaron sufriendo la dependencia, monocultivo y fragilidad.188 Como ejemplo
podríamos señalar el caso de Santa Lucía, que hasta la década de los años 20 dependió
del azúcar y hoy es uno de los principales exportadores de plátano del Caribe. 189 La
prioridad en el cultivo del plátano marginó cualquier otra producción agrícola,
acentuando más aún la dependencia a la importación de alimentos. Actualmente la
producción caribeña de alimentos sólo satisface el 10 por ciento de sus necesidades.190
En 1953 comenzó el apogeo del cultivo del plátano en el Caribe, manifestándose
notablemente en la isla de Santa Lucía. Un informe de 1963 sobre la industria del plátano
redactado por la Commission of Enquiry into the Banana Industry señaló que en Santa
Lucía la “revolución” del plátano ayudó a la economía a alejarse de su artificialidad, pues
creó una pequeña revolución social al formar una nueva clase de plantadores de
plátano.191
La razón fundamental para que los gobiernos caribeños apoyaran decididamente la
industria del plátano sobre cualquier otro producto e industria reside en que el plátano es
más que una fruta tropical: es el vehículo de estabilización social que presenta unas
características que le hacen un producto único para el cultivo. Además de ser una de las
principales fuentes de empleo en el Caribe, en especial en las zonas rurales, el plátano es
una fuente importante de carbohidratos, minerales, vitaminas y fibra. Requiere un
186
POTTER Robert B. “Basic Needs and Development in the Small Island States of the Eastern
Caribbean”, en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y SCHEMBRI, 93, 99-100; NURSE Keith y
SANDIFORD Wayne, Windward Islands Bananas: Challenges and Options under the Single European
Market, Kingston, Friedrich Ebert Stiftung 1995, 1.
187
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 74; NURSE y SANDIFORD, 15.
188
LEWIS G., 150; RICHARDSON, 114; THOMSON Robert, Green Gold: Bananas and Dependency in
Eastern Caribbean, Londres, Latin America Bureau 1987, 2; NURSE y SANDIFORD, xiii.
189
THOMSON, 64.
190
THOMSON, 8; NURSE y SANDIFORD, 76; HARKER Trevor, “Caribbean Economic Performance in
the 1990´s: Implications for Future Policy”, en WATSON Hilbourne A. (ed.), The Caribbean in the Global
Political Economy, Colorado, Lynne Rienner Publishers 1994, 12.
191
LEWIS G., 149.
93
mínimo de inversión de capital y es fácil de plantar y transportar. Puede producirse
indistintamente en valles o montañas y en pequeñas o grandes plantaciones junto a otros
productos. Más importante aún es que a diferencia del azúcar se puede producir todo el
año, brindando a los agricultores un ingreso regular todo el año.192
La gran amenaza al plátano caribeño es el plátano latinoamericano. Latino América
es el mayor productor de plátano en el Mundo. La producción del plátano
latinoamericano está controlada por transnacionales norteamericanas. El plátano
latinoamericano es el que mayor competencia presenta al plátano caribeño ya que es más
barato y de mayor calidad. Los países latinoamericanos poseen economías a gran escala,
bajos salarios y transporte a bajo costo gracias al volumen.193 Los principales
exportadores latinoamericanos son: Ecuador, Colombia, Costa Rica, Venezuela,
Guatemala, Panamá y Nicaragua.194
Junto a los países exportadores del Caribe y Latino América existen otros países del
mundo que se dedican a la exportación del plátano y que en los últimos años han
desplazado a los productores caribeños. En África los exportadores de plátano son:
Camerún, Somalia y Costa de Marfil. En Asia el mayor productor es Filipinas, cuyas
exportaciones se dirigen principalmente hacia el mercado japonés. Existen además
productores comunitarios: España con las Islas Canarias; Portugal con Madeira y las
Azores; Grecia con Creta; y Francia con Martinica y Guadalupe.195
El mercado mundial del plátano favorece a las transnacionales norteamericanas: la
United Brands (Chiquita); Castle y Cook (Dole); y Del Monte.196 Juntas controlan la
mayoría del mercado mundial. El poder de esas transnacionales del plátano es enorme. A
través de décadas han estado relacionadas con las esferas de poder de los EE.UU. e
incluso se les acusa de crear inestabilidad política en países de Latino América.197
La industria platanera en el Caribe está dominada también por transnacionales: la
Geest plc y la Jamaica. Ambas controlan la compra, embarque, distribución y venta por
contrato con las asociaciones de agricultores de plátano en el Caribe. Específicamente
controlan la industria platanera de Santa Lucía, San Vicente y las Granadinas, Granada y
Dominica. En otras palabras, todo plátano que se produce en el Caribe es captado por una
de esas dos empresas.198
192
THOMSON, 4; NURSE y SANDIFORD, 16, 78.
Ibídem, 13.
194
NURSE y SANDIFORD, 18, 83; CARIBBEAN BANANA EXPORTERS ASSOCIATIONS (CBEA),
Welcome to CBEA On-Line: Web Site of the Caribbean Banana Exporters Association,
http://www.cbea.org/.
195
NURSE y SANDIFORD, 19.
196
THOMSON, 83.
197
GARCÍA Elias, “Caricom-Cumbre: El banano elemento aglutinador de países caribeños”, en Servicios
de Noticias EFE, nª 545 (4 de julio de 1996).
198
THOMAS, 130; POTTER Robert B. “Basic Needs and Development in the Small Island States of the
Eastern Caribbean”, en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y SCHEMBRI, 100.
193
94
Geest es la más importante de las empresas transnacionales en el Caribe y una de
las empresas británicas más poderosas. Geest es la importadora y distribuidora más
importante de plátanos, otras frutas y vegetales de Gran Bretaña. Antes de que el plátano
llegue al consumidor este tiene que pasar por cuatro etapas: producción; transporte;
maduración; y distribución. De esas cuatro, las últimas tres (transporte, maduración y
distribución) las controla la Geest. La producción es la única en que no interviene
directamente pues esa es la tarea de los agricultores caribeños. Eso no quiere decir que
Geest no interviene en la producción ya que establece regulación de cultivo y calidad.199
Bajo ese sistema todos los riesgos de pérdida de cosecha son asumidos por el
agricultor y no por la empresa transnacional.200 Desgraciadamente no existen opciones
para el Caribe ya que sin la empresa transnacional la exportación de plátanos sería nula
por no poder competir en el mercado abierto con el plátano latinoamericano. En otras
palabras, el Caribe necesita más a las transnacionales que las transnacionales necesitan al
Caribe.201
La producción de plátano en el Caribe es realizada por pequeños agricultores en
lotes de tierras que promedian 10 acres. Son pequeñas fincas cultivadas de plátano que
presentan características de las grandes plantaciones azucareras: monocultivo, producción
dirigida hacia la exportación, dependencia de mercados extranjeros, control extranjero y
poca ganancia. Un problema con los pequeños agricultores que vale destacar es que
muchos de ellos han preferido abandonar los cultivos para dedicarse a especular con la
tierra. Por ejemplo, en San Vicente y las Granadinas el 25 por ciento de la tierra
cultivable no se está cultivando.202
Los agricultores reciben sólo el 10 por ciento del precio final de venta al
consumidor. Ese 10 por ciento es muy bajo para el esfuerzo y riesgo que envuelve la
producción de plátanos. El proceso de producción es uno muy laborioso. Primero se debe
limpiar y acondicionar el suelo antes de sembrar. El plátano puede crecer en varios tipos
de suelo pero necesita por lo menos unos 25 milímetros de lluvia a la semana.
Dependiendo de la cantidad y fertilidad del suelo el agricultor decide cuánto plantar. Por
lo general el agricultor cultivará otros productos junto a los plátanos como cítricos y la
fruta del pan (pana) para alimentar a su familia.203
Para que la cosecha tenga éxito el agricultor necesita importar costosos y peligrosos
pesticidas como el Jabegon, Aldrex y el Aldrin para destruir y prevenir nematodos y
borers. Los nematodos son gusanos microscópicos que reducen la capacidad de la planta
para absorber agua y minerales del suelo. Pueden causar hongos en la raíz que debilitan la
planta contra el viento. Puede haber de 13 mil a 30 mil nematodos en una libra de raíz de
plátano. Además de pesticidas el agricultor debe proveerse con herbicidas para destruir y
prevenir malas hierbas.204
199
THOMSON, 21.
THOMSON, 38.
201
Ibídem, 44.
202
NURSE y SANDIFORD, 44-5, 69.
203
THOMSON, 45-6; CARIBBEAN BANANA EXPORTERS ASSOCIATIONS.
204
THOMSON, 47.
200
95
Existen otras enfermedades que pueden afectar a la planta del plátano. Las más
comunes son las manchas en las hojas y la enfermedad de Moka. Las manchas en las
hojas son hongos que afectan el tamaño y calidad del plátano y que se combaten con
pesticidas. La enfermedad de Moka es viral y muy contagiosa; para combatirla hay que
desinfectar desde los utensilios de labranza hasta la ropa de los agricultores.205
Para el pequeño agricultor el cultivo del plátano es un negocio con muchos riesgos.
A los problemas de enfermedades y plagas se debe añadir como un mayor riesgo los
fuertes vientos (tormentas) y huracanes. Afortunadamente el periodo de gestación del
plátano es de 9 meses y permite recuperar la industria rápidamente luego de una tormenta
tropical o huracán.206
Junto a pesticidas y herbicidas el agricultor necesita también importar costosos
fertilizantes. El plátano necesita gran cantidad de nutrientes y minerales. La cantidad y
tamaño del plátano depende en gran medida de la cantidad y calidad de los fertilizantes
usados. Desafortunadamente el agricultor caribeño no puede afrontar los altos costos de
los fertilizantes, obligándose a sembrar menos plantas en la misma porción de terreno
para así ofrecer más minerales a la siembra. Esa situación no se presenta en Latino
América ya que la producción depende de las transnacionales norteamericanas que
cuentan con los fertilizantes necesarios.207
Una vez aparece la fruta debe ser envuelta en bolsas plásticas impregnadas de
pesticidas para así protegerla de enfermedades, insectos y aves. Una vez madura debe ser
cortada y empacada a mano con gran cuidado por su fragilidad. En el Caribe, a diferencia
de Latino América, el empacado se efectúa en el campo de siembra y el agricultor es
quien debe comprar las cajas de empaque. Los empaques se transportan en camiones
hasta los muelles para depositarlos en barcos refrigerados para su exportación a Europa,
en un viaje aproximado de ocho días. Una vez en Europa la empresa transnacional se
encarga de distribuir la fruta para su venta.208
Hemos visto que el cultivo del plátano es una industria con muchos riesgos donde
el agricultor asume la mayor parte de ellos, recibiendo a cambio pocos retornos por su
esfuerzo e inversión.209 Además de los riesgos para el agricultor, el cultivo del plátano
trae consigo problemas al medioambiente. En búsqueda de aumentar la producción, los
agricultores caribeños se ven forzados a buscar tierras fértiles para el cultivo. En los
países caribeños, donde la tierra es escasa, los agricultores han transformado los bosques
en tierras de cultivo, mermando de esa forma el área boscosa de las islas. Además, el
plátano carece de grandes raíces que eviten la erosión, creándose un problema de graves
consecuencias para los suelos, la agricultura y el ambiente. Otra de las consecuencias
205
Ibídem, 49-50.
NURSE y SANDIFORD, 78; CARIBBEAN BANANA EXPORTERS ASSOCIATIONS.
207
THOMSON, 48.
208
Ibídem, 50, 57; SIMPSON Anne, Whose Gold? Geest and the Banana Trade, Londres, Latin America
Bureau 1988, 17.
209
THOMSON, 58.
206
96
negativas para los suelos es que el plátano absorbe la mayoría de los nutrientes y
minerales de la tierra, convirtiéndola inadecuada para el cultivo de otros productos.210
La industria del plátano en el Caribe está basada en los principios institucionales de
protección y garantía de mercados.211 Por ese motivo los países productores de plátano
del Caribe representan una oportunidad de estudio de cómo el sistema económico
mundial reta a los acuerdos preferenciales, comerciales y de dependencia institucional,
que en la mayoría de los casos tiene una raíz colonial.
Los países caribeños se ven obligados a enfrentarse con la nueva realidad de las
relaciones económicas internacionales, con la dificultad de que tienen condiciones
adversas que limitan su respuesta: extensión territorial limitada, desastres naturales
frecuentes, poca producción y costos de producción elevados. La liberalización del
marcado del plátano supondría la muerte de la industria del plátano en el Caribe y un
desastre para las economías por la pérdida de divisas necesarias para la importación de
bienes esenciales. Además, la pérdida de empleos conllevaría la inestabilidad social y
política que todos temen.212
Existe consenso en que la diversificación es la única esperanza. El problema
consiste en seleccionar los productos que puedan generar las divisas y empleos que
produce el plátano. Además, las experiencias del pasado no han sido favorables. Los
intentos de diversificación y sustitución se han limitado en sustituir una forma de
dependencia por otra: turismo por el azúcar en Barbados; turismo por bauxita en Jamaica;
y el plátano por el azúcar en el Caribe Oriental. Las razones principales para que los
intentos de diversificación del pasado hayan fracasado son: mala distribución de la tierra;
mano de obra cara; y dada la topografía montañosa, la imposibilidad de introducir
métodos mecanizados de cultivo. 213
La agroindustria del plátano es quizás la más promisoria de todas. Del plátano se
pueden obtener otros productos que podrían salvar la industria del plátano del Caribe y a
la vez impulsar un desarrollo industrial. Sorprendentemente del plátano se pueden
obtener harinas, vinagre, licores, vinos, frituras (platanutres, tostones), papel, fibras,
zumos, cereales, té, yoghurt, comidas para bebé, jaleas, cosméticos, champú, lociones
para la piel, comida para animales, cuero y fertilizantes. Pero para desarrollar esos
productos es necesario una enorme voluntad política junto a una fuente adecuada de
financiación.214 Además de la agroindustria del plátano se han propuesto otras industrias
como el de frutas exóticas, floricultura, ganadería y piscifactorías.215
210
THOMSON, 73; NURSE y SANDIFORD, 81.
NURSE y SANDIFORD, 32.
212
NURSE y SANDIFORD, 12-3, 94; HENSON Carolyn, “Amenazado el Caribe por una guerra comercial
bananera”, en El Nuevo Día, (28 de agosto de 1996) 132; CARIBBEAN BANANA EXPORTERS
ASSOCIATIONS.
213
NURSE y SANDIFORD, 127-9
214
THOMSON, 87; SIMPSON, 15.
215
GARCÍA Elias, “Caricom-Cumbre: Líderes caribeños preocupados por crisis agraria”, en Servicios de
Noticias EFE, nª 519 (5 de julio de 1996).
211
97
La diversificación es un proyecto a largo plazo. A corto y mediano plazo se debe
mejorar los cultivos de plátano y presionar para que se mantengan las preferencias para el
Caribe. La alternativa no debe ser abandonar un producto por otro. Se debe mantener la
producción del plátano y a la vez cultivar otros productos. Además se debe mejorar la
industria buscando establecer un buen sistema de información accesible para los
agricultores donde se detalle todo lo relativo al plátano: mercados, financiación, avances
tecnológicos, técnicas de administración y meteorología.216
El sistema de preferencia al plátano del Caribe ha perpetuado el monocultivo y la
dependencia. Esa aseveración se fundamenta en que el subsidio de precios del plátano
caribeño no proporciona un estímulo para mejorar su producción y permite que otras
actividades económicas sean poco atractivas, impidiendo así la diversificación. En
conclusión, podríamos decir que la política de preferencias al plátano caribeño, aunque
vital, condena a los países caribeños a la pobreza, a la dependencia y al estancamiento
económico.217
V.3 - El turismo
La industria del turismo en el Caribe ha tenido un crecimiento y desarrollo
considerable después de la Segunda Guerra Mundial. Las razones para ese vertiginoso
desarrollo se debe principalmente al aumento del ingreso per cápita en muchos países del
mundo y al desarrollo de la industria del transporte (aviones, cruceros).218
El Caribe presenta muchas de las condiciones idóneas para convertirse en una
potencia turística mundial. Hoy el turismo es la única base para una estrategia de
desarrollo en el Caribe.219 El turismo es una industria joven que promete ser, y en algunos
casos es, la fuente principal de divisas del Caribe. La industria del turismo permite el
desarrollo de la infraestructura de cualquier país y estimula otros sectores de la
economía.220 El abundante sol, playas cristalinas, arena blanca, ron, palmeras y la música
(limbo, calypso, reggae, salsa y merengue) son los elementos que convierten al turismo
en la apuesta de los gobiernos caribeños para alcanzar el desarrollo.221
La industria del turismo necesita ciertas condiciones para su desarrollo: una
atmósfera de paz y seguridad, un buen mercadeo y la infraestructura necesaria.222 La
industria del turismo en el Caribe aumenta a un promedio anual del seis por ciento.223
216
NURSE y SANDIFORD, 131, 138.
NURSE y SANDIFORD, 78; ARCOS Cresencio, “Hey Míster Tallyman...”, en Centroamérica
internacional, San José, FLACSO, nº 10 (1993: marzo-abril),10.
218
RAMSARAN, 88; BUTLER Richard W., “Tourism Development in Small Islands: Past Influences and
Future Directions”, en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y SCHEMBRI, 79.
219
GWYER George, “Coopération Grenade-UE: Priorité a l´infrastucture et au Tourisme”, en The Courier,
nº164 (1997: julio-agosto) 45.
220
KING Russell, “The geographical Fascination of Islands”, en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y
SCHEMBRI, 29.
221
THOMAS, 145.
222
OYOWE Augustine, “Tourism”, en , The Courrier, nº 122, 51.
223
SCHELL Maricarmen, “Arrecia la competencia en el Caribe”, en El Nuevo Día: Negocios, (11 de mayo
de 1997) 4.
217
98
Entre los países en vías de desarrollo, el Caribe es la región del mundo que más turistas
recibe. Jamaica es uno de los países caribeños donde más éxito ha tenido el turismo.224
En el comienzo el turismo del Caribe estuvo reservado para turistas europeos y
norteamericanos que podían pagar los altos precios. El mejoramiento del transporte y la
creación de paquetes turísticos han convertido al Caribe en un lugar soñado por
habitantes de zonas templadas.225 Actualmente la región del Caribe es la más popular del
mundo en el turismo de cruceros.226
Los gobiernos caribeños, convencidos de los réditos del turismo, han aprobado
legislación especial otorgando exención contributiva a la industria hotelera. Un ejemplo
de ese tipo de legislación fue el Hotel Aids Act de Barbados en 1959, donde
prácticamente se le eximía a la empresa hotelera de cualquier responsabilidad laboral y
tributaria. A su vez se crearon los Tourist Boards que se encargan del mercadeo,
desarrollo de infraestructura (telecomunicaciones, puertos, carreteras, educación) y la
clasificación de hoteles, restaurantes, operadores y taxis.227
Igual que con la caña de azúcar, el turismo en el Caribe se benefició de la ruptura
de relaciones políticas y comerciales entre EE.UU. y la Cuba de Fidel Castro. Cuba fue
durante las décadas de los años 30 al 50 el principal destino turístico de los
norteamericanos. El cierre de hoteles y casinos cubanos permitió en gran medida el
crecimiento y desarrollo del turismo en el resto del Caribe.228 Del mismo modo que el
“bloqueo” favoreció y favorece el desarrollo del turismo en el Caribe, el advenimiento de
la apertura económica en Cuba ya está perjudicando el turismo del Caribe. Las
transformaciones económicas que se llevan a cabo en Cuba para facilitar las inversiones
extranjeras perjudican la industria turística del Caribe, pues el sector más beneficiado en
Cuba ha sido precisamente el turismo.
No debe subestimarse la importancia de la industria del turismo para los países
caribeños pues los beneficios del turismo en ocasiones supera el de las exportaciones. 229
En Jamaica y Barbados el turismo brinda más divisas que cualquier sector de la economía
desde 1985, aunque luego tengan que ser usadas para importar productos dada su
dependencia del exterior.230 Además el turismo suele ser una de las fuentes principales de
224
RODRÍGUEZ Meriemel, “Mina de oro bajo el sol”, en El Nuevo Día: Negocios, (17 de marzo de 1997)
5.
225
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 89.
HOLDER Jean S., “The Caribbean Tourism Organization´s Role in Caribbean Tourism Development
Towards the Year 2000”, en GAYLE Dennis J. y GOODRICH Jonathan N. (eds.), Tourism Marketing and
Management in the Caribbean, Londres, Routledge 1993, 213.
227
THOMAS, 145.
228
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 89; RICHARDSON, 124; HOLDER Jean
S., “The Caribbean Tourism Organization in Historical Perspective”, en GAYLE y GOODRICH, 20-1;
BELL John, “Caribbean Tourism in the Year 2000” en GAYLE y GOODRICH, 229.
229
KING Russell, “The geographical Fascination of Islands”, en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y
SCHEMBRI, 28.
230
GAYLE Dennis, “The Jamaican Tourist Industriy: Domestic Economic Grow and Development”, en
GAYLE y GOODRICH, 51; PALMER Ransford W., “Tourism and Taxes: The Case of Barbados”, en
GAYLE y GOODRICH, 67; CONWAY Dennis, “The new Tourism in the Caribbean: Reappraising market
226
99
empleo directo e indirecto en el Caribe donde por norma general el desempleo es muy
alto.231
El turismo representa una gran oportunidad de crecimiento y desarrollo para islas
pequeñas que no tienen muchos recursos ya que brinda oportunidades de empleo a todos
los niveles de la economía.232 Su importancia es vital en islas como Antigua y Barbuda,
Jamaica, Bahamas, Dominica, San Cristóbal y Nevis, y Barbados.233
En vías de estimular la cooperación entre los países del Caribe respecto al turismo,
en 1989 se creó la Caribbean Tourist Organization, que es la derivación de dos
organizaciones anteriores: la Caribbean Tourist Association y el Caribbean Tourism
Research and Development Centre. Esa es una organización internacional con el objetivo
de estimular el desarrollo del turismo en el Caribe a través de una mayor cooperación y
coordinación entre sus miembros.234 Pero más que cooperación y coordinación lo que
existe actualmente es competencia entre los países caribeños por atraer turistas. Los
países caribeños con mejor infraestructura turística (Antigua, Barbados, Trinidad y
Tobago y Jamaica) compiten mejor y reciben la mayor cantidad de turistas. Las islas más
pequeñas se han visto forzadas a invertir grandes sumas de dinero en mejoras a sus
aeropuertos y puertos para poder recibir aviones y cruceros con mayor capacidad de
pasajeros.235
No obstante la importancia del turismo en las economías caribeñas, también existen
aspectos negativos y condiciones limitantes. El turismo en la mayoría de los casos se
encuentra controlado por empresas transnacionales (hoteles, agencias de viaje, líneas
aéreas, etc.) que ofrecen poco margen de acción a los gobiernos caribeños a la hora de
elaborar políticas. Se señala que el turismo no brinda desarrollo alguno a los países
caribeños en el sector agrícola. Existe una relación directa entre el número de turistas que
recibe un país caribeño y su grado de dependencia de la importación de alimentos ya que
la mayoría de los alimentos consumidos en los hoteles son importados. Es sumamente
contradictorio que el Caribe, que fue colonizado por su potencial agrícola, tenga que
depender de importaciones de alimentos para satisfacer sus necesidades. Además se
critica que los puestos gerenciales en los hoteles estén ocupados por extranjeros,
quedando los nacionales caribeños relegados a trabajos de servicios. El turismo además
conlleva problemas sociales que antes no se padecían, como la prostitución y
drogadicción. Los huracanes, temblores y terremotos, las erupciones volcánicas y el
asesinato o violación de un turista afecta adversamente el turismo en el Caribe. Una
limitación importante es la vulnerabilidad del turismo a las condiciones económicas de
Segmentation”, en GAYLE y GOODRICH, 168; HOLDER Jean, “The Caribbean: Far Greater Dependence
on Tourism Likely”, en The Courrier, nº122, 74.
231
GAYLE Dennis J. Y GOODRICH Jonathan N., “Caribbean Tourism Marketing, Management and
Development Strategies”, en GAYLE y GOODRICH, 9; CONWAY Dennis, “The new Tourism in the
Caribbean: Reappraising market Segmentation”, en GAYLE y GOODRICH, 169; HOLDER Jean, “The
Caribbean: Far Greater Dependence on Tourism Likely”, en The Courrier, nº122, 74.
232
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 90.
233
THOMAS, 158.
234
POOLE Bernard., “Economic Treds in the British West Indies”, en CURTIS, 24; HOLDER Jean S.,
“The Caribbean Tourism Organization in Historical Perspective”, en GAYLE y GOODRICH, 20-1.
235
THOMAS, 158-9.
100
Europa y Norte América, ya que problemas económicos en esos países conlleva una
merma significativa de turistas en el Caribe.236
Otra crítica se refiere al costo económico del desarrollo turístico ya que se necesitan
grandes sumas de dinero que no poseen los países caribeños, teniendo que recurrir a la
financiación internacional, aumentando así sus deudas externas. Además la construcción
en el Caribe es muy costosa, pues se importan la mayoría de los materiales. El costo del
desarrollo de la industria del turismo obliga a los gobiernos caribeños a desviar fondos
para el uso social hacia el desarrollo turístico.237
La industria del turismo en los países caribeños conlleva la privatización de zonas
donde los nativos no pueden entrar a menos que sea en condición de mesero, jardinero y
cocinero, creando así condiciones neocoloniales que ponen los recursos del país al
servicio y disfrute de intereses foráneos.238
Las islas más pequeñas del Caribe son las que más sufren las consecuencias negativas del
turismo. El aumento del uso de drogas y la criminalidad, la pérdida de la tranquilidad y
seguridad, la prostitución, la admiración e imitación de lo extranjero, y la adaptación de
una cultura folklórica a conveniencia para satisfacer a los turistas son los costos sociales
y culturales del turismo. La saturación de la industria turística en zonas costeras perjudica
los ecosistemas del Caribe, deteriorándose a sí misma pues depende en grado sumo de la
integridad y calidad de los ecosistemas. El Caribe no ha adquirido conciencia de la
necesidad de proteger el mar y las playas de la contaminación y se teme que adquirirá y
superará los niveles de contaminación del Mar Mediterráneo. Ante el consistente
aumento anual del turismo en el Caribe se hace imperativo proteger el ambiente, sin
mayor dilación.239
Aunque los gobiernos del Caribe apuestan al turismo para mejorar sus respectivas
economías, la realidad es que hasta el momento el turismo ha aportado muy poco a la
236
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 90; RICHARDSON, 126; THOMAS, 159;
POTTER Robert B. “Basic Needs and Development in the Small Island States of the Eastern Caribbean”,
en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y SCHEMBRI, 102; GAYLE Dennis J. Y GOODRICH Jonathan N.,
“Caribbean Tourism Marketing, Management and Development Strategies”, en GAYLE y GOODRICH,
11; GOMES Albert J., “Integrating Tourism and Agricultural Development”, en GAYLE y GOODRICH,
156, 160-1; CONWAY Dennis, “The new Tourism in the Caribbean: Reappraising market Segmentation”,
en GAYLE y GOODRICH, 174.
237
CONWAY Dennis, “The new Tourism in the Caribbean: Reappraising market Segmentation”, en
GAYLE y GOODRICH, 170.
238
KING Russell, “The geographical Fascination of Islands”, en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y
SCHEMBRI, 28.
239
KING Russell, “The geographical Fascination of Islands”, en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y
SCHEMBRI, 30-31; HENSHALL MONSEN Janet, “Gender and Enviromental Perception in the Eastern
Caribbean”, en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y SCHEMBRI, 68; GAYLE Dennis J. Y GOODRICH
Jonathan N., “Caribbean Tourism Marketing, Management and Development Strategies”, en GAYLE y
GOODRICH, 11; CONWAY Dennis, “The new Tourism in the Caribbean: Reappraising market
Segmentation”, en GAYLE y GOODRICH, 169-70; HOLDER Jean S., “The Caribbean Tourism
Organization´s Role in Caribbean Tourism Development Towards the Year 2000”, en GAYLE y
GOODRICH, 214; HOLDER Jean, “The Caribbean: Far Greater Dependence on Tourism Likely”, en The
Courrier, nº122, 74.
101
erradicación de la pobreza.240 Eso se debe a que el 70 por ciento de los ingresos del
turismo no se quedan en el Caribe.241
Se perfila que en el futuro los países caribeños serán cada vez más dependientes del
turismo. Esa dependencia no es recomendable a menos que se corrijan en lo posible los
problemas que hemos descrito. Además, el futuro del turismo en el Caribe va a depender
en gran medida de la innovación y capacidad para responder y adaptarse a los cambios
que ocurren en el mercado turístico mundial.242
Varias han sido las recomendaciones que se han sugeridos para llevar a la industria
del turismo en el Caribe a su mejor condición para enfrentarse a los retos del siglo XXI y
su inserción en la economía mundial:
1) aumentar la presencia en el Caribe de los hoteles tipo “todo incluido”;
2) promover enérgicamente el ecoturismo en el Caribe;
3) estimular la asociación entre hoteles de diferentes países caribeños;
4) introducir innovaciones en el mercadeo del producto turístico;
5) colaboración más estrecha entre los sectores privado y público para el desarrollo
del turismo;
6) fomentar la adquisición de tecnología;
7) desarrollar los recursos humanos al máximo;
8) fomentar políticas de preservación del ambiente;
9) combatir el crimen y el narcotráfico;
10) atraer nuevas líneas aéreas;
11) lograr una mayor diversificación de las economías;
12) realizar campañas de mercadeo a nivel regional y nacional;
13) establecer un fondo regional para el desarrollo del turismo;
14) vincular el desarrollo del turismo al desarrollo de la agricultura;
15) fomentar el establecimiento de restaurantes de calidad;
16) desarrollar lugares históricos;
17) establecer mercadeo para los productos artesanales; y
18) la creación de 200,000 habitaciones.243
V.4 - La industria, la minería y el petróleo
240
THOMAS, 167; GAYLE Dennis J. Y GOODRICH Jonathan N., “Caribbean Tourism Marketing,
Management and Development Strategies”, en GAYLE y GOODRICH, 11.
241
IRELA, 7.
242
POON Auliana, “Innovation and the Future of Caribbean Tourism”, en GAYLE y GOODRICH, 129-30.
243
POON Auliana, “Innovation and the Future of Caribbean Tourism”, en GAYLE y GOODRICH, 139;
HOLDER Jean S., “The Caribbean Tourism Organization´s Role in Caribbean Tourism Development
Towards the Year 2000”, en GAYLE y GOODRICH, 215-6; BELL John, “Caribbean Tourism in the Year
2000” en GAYLE y GOODRICH, 229-30; GAYLE Dennis J. Y GOODRICH Jonathan, “Conclusion”, en
GAYLE y GOODRICH, 244; SCHELL Maricarmen, “Arrecia la competencia en el Caribe”, en El Nuevo
Día: Negocios, (11 de mayo de 1997) 5; RAMSARAN, 90; POON Auliana, “Caribbean Tourism and the
World Economy”, LALTA Stanley y FRECKLETON Marie (eds.), Caribbean Economic Development:
The First Generation, Kingston, Ian Randle Publishers 1993, 263; SOSA PACUAL Omaya, “Analiza sus
fallas el turismo caribeño”, en El Nuevo Día, (28 de marzo de 1998) 73; COLLINS John, “Pierde sus alas
el Caribe”, en El Nuevo Día, (21 de febrero de 1998) 65.
102
El sector industrial del Caribe se encuentra subdesarrollado. Han sido muchos los
esfuerzos de los gobiernos caribeños para alcanzar la deseada industrialización. Durante
las décadas de los años 60 y 70 los gobiernos caribeños se esforzaron por crear políticas
que fomentaran la industrialización. Buscaron mejorar su infraestructura (puertos,
carreteras, aeropuertos, telecomunicaciones) y se crearon escuelas para el entrenamiento
adecuado de mano de obra especializada. A la misma vez se crearon parques industriales
con servicios de carreteras, agua, electricidad, disposición de desperdicios,
mantenimiento, correo, teléfono, etc. Importantes exenciones contributivas de
importación de materias primas fueron otorgadas, que junto a una política de sustitución
de importaciones que protegían a los nuevos inversionistas, causaron una producción de
baja calidad y por ende poca competitividad en los mercados internacionales. Quizás el
elemento más importante dentro de las iniciativas de los gobiernos para atraer y facilitar
las inversiones industriales fue la creación de corporaciones para el desarrollo
económico.244
La política industrial del Caribe ayudó a los sectores de alimentos, textil y
ensamblaje. Esa primera política industrial no estaba dirigida a la exportación; fue una
política industrial dirigida a satisfacer los pequeños mercados internos de los países
caribeños. Ese hecho nos demuestra la principal limitación del primer intento de
industrializar el Caribe: no estaba orientada hacia la exportación. Las consecuencias
fueron que la participación del sector industrial en las economías caribeñas se mantuvo a
niveles por debajo del 10 por ciento, y que las economías de los países como Trinidad y
Tobago, Jamaica, Guyana, y Surinam dependieran prácticamente de la minería y el
petróleo y así de los mercados internacionales.
Como respuesta a la falta de un sector industrial dirigido a la exportación los
gobiernos caribeños crearon zonas de exportación. La mismas fueron fomentadas por la
U.E. y por acuerdos comerciales con los EE.UU. La esperanza en la nueva orientación de
la industria se desvaneció rápidamente. Se critica a las nuevas zonas de exportación
porque:
1) las industrias en esas zonas no son de carácter permanente, son industrias que se
pueden trasladar a otros países con facilidad;
2) se acusa a esas industrias de abusos laborales representados por condiciones
peligrosas de trabajo, falta de servicios médicos, falta de entrenamiento laboral y
bajos salarios;
3) las fábricas son pocas e insignificantes, aportando poco a las economías nacionales;
4) las fábricas constituyen un aspecto de dominación y explotación del capital
extranjero en las economías nacionales; y
5) ese tipo de industria no aporta nada al desarrollo tecnológico del Caribe, ya que
casi todas son fábricas de ensamblaje.245
Las políticas de industrialización crearon nuevas fábricas en el Caribe y un grado
de diferenciación en la estructura económica productiva, pero a su vez fracasaron
rotundamente en transformar la economía y sociedad caribeña. Las causas de ese fracaso
244
245
THOMAS, 82; RAMSARAN, 49.
THOMAS, 93-7.
103
fueron un mercado pequeño, ausencia de materia prima, altos costos de energía, acceso
inadecuado a la alta tecnología y a las inversiones de capital, dificultad de acceso a los
mercados y una mano de obra cara comparada con otros países en vías de desarrollo. El
desempleo y las diferencias sociales continúan hoy a pesar de los intentos de
industrialización del pasado y el presente. Si hubo alguna expansión económica e
industrialización en el Caribe durante esos años, básicamente se concentró en tres países
y fue generado por el petróleo y la minería: Guyana, Jamaica y Trinidad y Tobago.246
Trinidad y Tobago es el único país caribeño productor de petróleo. La industria del
petróleo en Trinidad y Tobago comenzó en el 1910. Barbados tiene una pequeña
producción de petróleo que comenzó en 1973 pero sólo satisface una pequeña parte de su
mercado interno. El petróleo y sus derivados constituye más del 80 por ciento de las
exportaciones de Trinidad y Tobago. A su vez ejerce una función de refinería del petróleo
africano y del Oriente Medio destinado a los EE.UU. Trinidad y Tobago es el único país
caribeño que no depende del petróleo extranjero; el resto del Caribe necesita importar
petróleo para satisfacer sus necesidades domésticas.247
La industria del petróleo en Trinidad y Tobago siempre ha estado controlada por
compañías trasnacionales de EE.UU. y Gran Bretaña. La Segunda Guerra Mundial
fomentó esa industria ya que eran necesarios aceites, carburantes, productos químicos,
plásticos y fertilizantes para el esfuerzo de guerra. En la década de los años 70 cuando se
descubrió gas natural, Trinidad y Tobago adoptó una política de nacionalización y
compra de acciones de empresas extranjeras dedicadas al petróleo.248
Trinidad y Tobago tuvo un impulso económico en los años 70 gracias a los altos
precios del petróleo. Ese crecimiento se vio perjudicado en la década de los años 80 por
la caída de los precios, mostrando así su vulnerabilidad ante los mercados
internacionales.249
La bauxita es un mineral que contiene grandes concentraciones de alúmina de
donde se extrae, después de un sencillo proceso químico, el aluminio. La bauxita fue
descubierta en Guyana y Jamaica en los años 1868 y 1873 respectivamente. En Surinam
también se descubrió bauxita en 1928, pero no en grandes cantidades. La demanda por
bauxita alcanzó su máximo apogeo en la Segunda Guerra Mundial ya que el aluminio era
un metal de gran demanda en EE.UU. y Gran Bretaña para la fabricación de aviones. La
importancia militar de la bauxita era de tal magnitud que a finales de 1941 los EE.UU.
ocupó la colonia holandesa de Surinam con mil soldados norteamericanos para evitar que
las minas cayeran en manos alemanas. Para el 1950 Jamaica era el mayor exportador de
bauxita del mundo. Guyana actualmente es el quinto exportador del mundo.250
246
THOMAS, 100, 104; CONNELL John, “Island Microstates: Development, Autonomy and the Ties that
Bind”, en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y SCHEMBRI, 126.
247
RICHARDSON, 117; THOMAS, 107; RAMSARAN, The Commonwealth Caribbean..., 82.
248
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 85-6; RICHARDSON, 117.
249
RIVIERE, 2; THOMAS, 105.
250
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 88; RICHARDSON, 118, 158; OCHSE
J.J., “Economic Factors in the Netherland Antilles and Surinam”, en CURTIS, 83.
104
El proceso de extracción del aluminio de la alúmina es un proceso sencillo donde
intervienen el carbón, agua y electricidad. Es un proceso que no requiere mucha
tecnología y se realiza mayormente en países desarrollados, quedando los beneficios y
empleos prácticamente reservados para EE.UU., Canadá y Europa.251
La extracción y exportación de la bauxita se encontraba en un principio en manos
exclusivamente extranjeras. Para la década de los años 60 la industria de la bauxita estaba
controlada por siete empresas de EE.UU., Canadá y Europa. Durante la década de los
años 70 los gobiernos de Jamaica y Guyana iniciaron políticas de nacionalización de
minas y aumento de impuestos a minas en manos de empresas extranjeras.252 Las
compañías transnacionales se resistieron y solicitaron amparo y protección a sus
gobiernos, causando así la desestabilización del gobierno de MANLEY en Jamaica.253
En la década de los años 80 los precios del aluminio mermaron y disminuyó la
participación del Caribe en el mercado internacional de la Bauxita. Además, la
competencia de otros productores como Australia, Guinea-Conakry y Nueva Zelanda han
restado mercado al Caribe.254
El desarrollo industrial en el Caribe ha sido muy escaso. Existe una feroz
competencia entre los países del Caribe por atraer inversiones industriales, pero ese
esfuerzo es neutralizado por intereses foráneos que controlan las economías caribeñas y
que no fomentan la industrialización. La escasa industria que existe en el Caribe ha sido
atraída por los bajos salarios, comparado con los países desarrollados, y por la
flexibilidad de leyes laborales y ecológicas.255
VI - La Inseciòn del CARIBE en la Economìa Mundial
El mundo que se perfila desde la caída del muro de Berlín en 1989 se presenta cada
vez más hostil y competitivo para los países en vías de desarrollo.256 Los países pequeños,
como los del Caribe, buscan desesperadamente ajustarse a la nueva realidad económica
internacional, ya que de ello depende su supervivencia.257
Tras la independencia, los nuevos países caribeños tuvieron que insertarse en el
sistema capitalista mundial con el papel que sus antiguas metrópoli les habían asignado
251
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 89; RICHARDSON, 118.
CLAYPOLE y ROBOTTOM, Caribbean Story: Book Two..., 89; RICHARDSON, 118-9; THOMAS,
111.
253
THOMAS, 113.
254
THOMAS, 113; FRANCIS A.A., “Strctural Change in the World Bauxite/Alumina/Aluminium Industry
With Particular Reference to the Caribbean Bauxite Industry”, en LALTA y FRECKLETON, 228.
255
RICHARDSON, 120-4.
256
NURSE y SANDIFORD, 10.
257
GRANT Cedric, Caribbean Community and the Resurgence of regionalism: The Establishment of Free
Trade Area of the Americas, XXI Conferencia Anual de la Asociación de Estudios del Caribe (San Juan,
27-31 de mayo de 1996) , 3.
252
105
por siglos de dependencia económica.258 La partida de la metrópoli permitió la transición
de una subordinación total a una participación limitada en el sistema económico global.259
Como herencia del modelo colonial las economía caribeñas tienen poca capacidad
para adaptarse a los rápidos cambios en la economía mundial, máxime cuando tiene unos
lazos comerciales tradicionales con Europa que se resumen en preferencias comerciales
que no están aseguradas por el nuevo orden económico internacional. Esa relación
siempre a beneficiado a Europa, manteniendo los antiguos territorios exclusivamente para
el monocultivo de productos tropicales como el azúcar, plátano, y ron.260
El Caribe y el mundo han sido testigos del fin de la Guerra Fría y el surgimiento de
un nuevo orden económico internacional donde se acaban los recursos y ayudas vitales
para el sostenimiento de la balanza externa, estabilidad y crecimiento.261 El orden
mundial que se manifiesta es de apertura y competitividad económica y de lucha por
atraer capital e inversiones. La llamada globalización está amenazando el desarrollo del
Caribe ya que no puede afrontar la liberalización económica pues dependen de
preferencias comerciales otorgadas por Europa, los EE.UU. y Canadá.262
Lo que para otros pudieran ser barreras arancelarias, para el Caribe es una fuente vital de
ingresos. En contra de las actuales tendencias económicas mundiales, las industrias del
Caribe necesitan ser protegidas y las exportaciones garantizadas por preferencias ya que
su capacidad exportadora depende de preferencias comerciales junto a mercados y
precios garantizados.263
Junto a lo anterior, para que las economías caribeñas puedan modificar su actual
situación económica se debe poner mayor énfasis en el turismo y la industria de
servicios.264 Además se debe fomentar:
1) la industrialización basada en atraer capital externo bajo condiciones de subsidio;
2) la protección, el desarrollo y el uso y disfrute adecuado de los recursos naturales;
3) reestructurar el sector agrícola doméstico y de exportación;
4) diversificar la economía brindando mayor énfasis en el sector servicios (turismo y
paraísos fiscales);
5) introducir nuevas instituciones económicas;
6) atraer a profesionales que emigraron en el pasado;
7) mejorar la formación profesional;
8) la promoción y uso de tecnologías en los procesos productivos;
9) establecer programas de ajuste estructural;
10) aumentar la producción y el consumo de alimentos nacionales; y
258
RICHARDSON, 184.
RIVIERE, 89.
260
RIVIERE, 65; GRANT, 4.
261
NURSE y SANDIFORD, xvi; GRIFFITH Winston H., “Appropiate Economic Theory for the
Caribbean”, en WATSON, 41; BANCO MUNDIAL, 5.
262
“Amenaza al Caribe la Globalización”, en El Nuevo Día, (26 de mayo de 1997) 75.
263
GRANT, 24; WATSON, Global Powershift and the Techno-Paradigm shift..., 41; BANCO MUNDIAL,
5.
264
BANCO MUNDIAL, 3.
259
106
11) la promoción de cierto grado de integración regional en busca de compensar las
limitaciones de tamaño.265
El Tratado de Libre Comercio (TLC) de Norte América entre EEUU, Canadá y
México firmado el 8 de diciembre de 1993 entró en vigor el 1 de enero de 1994 y es
un constante reto al desarrollo económico del Caribe.266
Existe la posibilidad de que el Caribe pueda insertarse en el TLC de Norte América
y el Presidente de los EEUU William J. CLINTON así lo prometió en 1993 y 1997, 267
promesas que reiteradamente le recuerdan los líderes caribeños. Tras la firma del TLC de
Norte América las relaciones entre el Caribe y los EE.UU. se han deteriorado. Existe la
percepción entre los líderes caribeños que sus países han quedado en desventaja respecto
a México y esperan que de no lograrse su ingreso al TLC de Norte América, al menos se
establezca un acuerdo similar con ellos.268
La percepción caribeña de desventaja respecto a México está basada en que los
salarios en México son muchos más bajos. Además la transportación terrestre entre
México y EE.UU. es mucho más barata que la marítima y aérea que existe en el Caribe.
Esa realidad afecta adversamente al sector industrial y agrario del Caribe (textil,
ensamblaje, electrónica, ron, azúcar, cítricos, vegetales, flores) afectando así los empleos
y el ingreso de divisas. El reto del Caribe es la reestructuración de su industria para que
sea más competitiva, pero no saben cómo, existiendo un ambiente de preocupación e
incertidumbre.269
Los países del Caribe perciben al TLC de Norte América como un acuerdo de
transición dentro de un proceso de reforma de sus economías que los ubicaría en mejor
posición para competir y asumir responsabilidades; ahí su importancia.270
Trinidad y Tobago no ha querido esperar a que los EEUU satisfaga sus promesas de
ingreso al TLC de Norte América y ha manifestado oficialmente a sus miembros que
desea incorporarse. Con su iniciativa, Trinidad y Tobago busca demostrar que pequeñas
naciones pueden aportar y beneficiarse de ese tipo de acuerdos. Canadá y México han
265
THOMAS, 72-3, WATSON Hilbourne, “Globalization, New Regionalization, Restructuring, and
NAFTA: Implications for the NAFTA Signatories and the Caribbean”, en Estudios del Caribe, San Juan,
Universidad de Puerto Rico, vol. 29, 41; PERSAUD, 19-20; DEMAS, 80; WATSON Hilbourne A.,
“Caribbean Options Under Global Neoliberalism”, en BRYAN, 192.
266
RICHARDSON, 193.
267
ANDERSON James, “Tras vínculos con EEUU”, en El Nuevo Día, (10 de mayo de 1997) 50;
FOURNIER Ron, “Compromiso con el Caribe”, en El Nuevo Día, (11 de mayo de 1997) 44.
268
ZAYAS TORRES Edward, “Procuran paridad con el TLC”, en El Nuevo Día, (10 de diciembre de 1996)
96; DOMÍNGUEZ Jorge I., “The Caribbean in a New International Context: Are Freedom and Peace a
Threat to it´s prosperety”, en BRYAN, 2.
269
WATSON Hilbourne, “Globalization, New Regionalization, Restructuring, and NAFTA: Implications
for the NAFTA Signatories and the Caribbean”, en Estudios del Caribe, vol. 29, 37-9; VARELA Luis,
“Adverso el efecto del TLC en la República Dominicana”, en El Nuevo Día, (9 de octubre de 1995) 135;
LEWIS David E., “The North American Free Trade Agreement (NAFTA) and It´s Impact on the Caribbean
Basin Economies”, en Estudios del Caribe, nº24, 104-5; GILL Henry S., “NAFTA: Challenges for the
Caribbean Community”, en BRYAN, 32.
270
GRANT, 25.
107
recibido con entusiasmo la iniciativa, pero no los EE.UU. La razón para que los EEUU
manifieste su indiferencia reside en que no desea negociar individualmente con pequeños
países ya que podría desencadenarse un sinnúmero de solicitudes de ingreso. Los EE.UU.
prefieren que el ingreso al TLC de Norte América se efectúe en grupo en vez de uno a
uno. Además, los EE.UU. perciben la adhesión de Trinidad y Tobago como muy costosa
e incompatible con reglamentación laboral y de protección ambiental.271 Cabe señalar que
Trinidad y Tobago es uno de los países del Caribe en mejor situación económica. Si los
EE.UU. percibe la adhesión de Trinidad y Tobago como muy costosa, entonces
podríamos imaginarnos como percibirá la adhesión del resto del Caribe que es mucho
más pobre.
En la Cumbre de las Américas celebrada los días 9 al 11 de diciembre de 1994 en la
ciudad de Miami, el Presidente de los EEUU, William J. CLINTON, propuso la Iniciativa
de Libre Comercio de las Américas (ILCA), o también conocida como el ÁLCA, para el
año 2005 como respuesta a los reclamos de países caribeños y latinoamericanos de
insertarse en el TLC de Norte América. Dicha propuesta tuvo su origen en la Iniciativa de
las Américas, lanzada por el entonces Presidente de los EE.UU. George BUSH en 1990,
cuyo objetivo era establecer una zona de libre comercio hemisférico desde Alaska hasta
Tierra del Fuego. No obstante lo ambicioso del ALCA, ésta no ha satisfecho los reclamos
de los países caribeños, incluso ya algunos, han solicitado un aplazamiento para su
ingreso en esa iniciativa hasta que puedan mejorar sus economías.272 Para los países
caribeños el ALCA supone la pérdida de preferencias comerciales otorgadas por los
EE.UU. y la temida competencia de sus productos en el mercado internacional.273
Los países caribeños desearían que con el TLC de Norte América y el ALCA no se
vean afectadas su preferencias comerciales con EE.UU. y Europa. En otras palabras, el
Caribe busca insertarse a esos procesos pero conservando las preferencias de sus
productos en esos mercados. Los EE.UU. interpretan que esa actitud no se justifica y es
contradictoria pues entienden que no es necesario que continúen preferencias comerciales
si ya existe una zona de libre comercio, e incluso ven a las preferencias como de tiempos
pasados. Se debate hoy la permanencia o eliminación de preferencias y beneficios que
tendrían las economías pequeñas en el TLC de Norte América y el ALCA respecto a las
economías más fuertes.274
Otra de las grandes preocupaciones del Caribe es la inminente apertura política y
comercial de Cuba. Se podría decir que el Caribe se ha beneficiado del bloqueo
económico a Cuba, pero esa realidad parece que desaparecerá ya que la posible
reinserción de Cuba “(...) en el orden regional significaría nuevos retos y particularmente
271
CANUTE James, “Busca Trinidad y Tobago cómo afiliarse al TLC”, en El Nuevo Día, (3 de septiembre
de 1996) 117.
272
ZAYAS TORRES Edward, “Reclama una prórroga Guyana”, en El Nuevo Día, (11 de diciembre de
1996) 140.
273
GRANT, 25.
274
GRANT, 28-9; BYRON, 24; DOMÍNGUEZ Jorge I., “The Caribbean in a New International Context:
Are Freedom and Peace a Threat to it´s prosperety”, en BRYAN, 6.
108
nuevas rivalidades ajenas a lo ideológico. Tal es el ejemplo de su capacidad turística y su
mercado potencial para las inversiones extranjeras.”275
Existe el consenso que la respuesta al fracaso del desarrollo en el Caribe es la
integración económica y política. En el pasado se ha hablado de la creación de un sólo
Estado entre Dominica, San Vicente y las Granadinas, Santa Lucía y Granada. La
creación de un Estado de ese tipo aportaría a la confianza y determinación de las agencias
de desarrollo regionales e internacionales comprometidas con el desarrollo del Caribe.276
VI.1 - La Comunidad del Caribe (CARICOM)
Los países caribeños son pequeños y con escasez de recursos naturales, pequeñez
de mercados, poca población y dependencia económica. Ante ese panorama se hace
necesaria la integración para expandir mercados y obtener más recursos.277
La integración regional es una necesidad para el desarrollo económico del Caribe.
La integración es el único medio para la autosuficiencia del Caribe basada en una
proximidad geográfica, necesidades compartidas y una historia y cultura común.278
Con anterioridad al CARICOM hubo intentos de integración que fracasaron. Es difícil
lograr la integración de países que no poseen estructuras que faciliten ese proceso, como
es el caso de países que desean integrarse política y económicamente pero que ni siquiera
comercian entre sí. Por ese motivo la integración de los países del Caribe y por ende la
solución a sus problemas de desarrollo es un proyecto a largo plazo.279 Además, estamos
hablando de Estados heterogéneos que constituyen “ (...) un medio geográfico original,
tanto por sus características físicas como por su pasado y el nivel de desarrollo
económico y social, y que los gérmenes del estallido social permanecen a veces muy
vivos, lo que debilita la unidad política (...)” del Caribe.280
Existen dos grandes intentos de integración económica y política en el Caribe: la
Organization of Eastern Caribbean States (OECS) y el Caribbean Community and
Common Market (CARICOM). La OECS, la más exitosa, fue establecida en 1981 por el
Tratado de Bassaterre (San Cristóbal y Nevis) con los objetivos de establecer entre sus
miembros un mercado común, una moneda única y órganos consultivos de cooperación,
incluidos la política exterior y seguridad.281
El CARICOM no ha tenido el éxito esperado en la consecución de sus objetivos. Se
ha caracterizado por su debilidad y vulnerabilidad ante los mercados internacionales y
275
MAINGOT, 191; ROMERO, 1.
POTTER Robert B. “Basic Needs and Development in the Small Island States of the Eastern
Caribbean”, en LOCKHART, DARAKIS-SMITH y SCHEMBRI, 104-5.
277
DEMAS, 56.
278
ERISMAN, 1.
279
IRELA, 8,10; GRIFFITH Wiston H., “Crisis in Caribbean Integration”, en Estudios del Caribe, vol. 23,
nº1-2, 29.
280
BURAC Maurice, “Aproximación geográfica al problema de la unidad política en los Estados y Países
multinsulares del Caribe”, en El Caribe Contemporáneo, nº18, 49.
281
SUTTON Paul, “The Politics of Small State Security in the Caribbean”, en SUTTON y PAYNE, 9.
276
109
muchas veces las políticas de la Organización confligen con las políticas nacionales de
sus miembros. Se señala que el CARICOM existe sólo para justificar algún intento y no
una verdadera integración. Sin lugar a dudas la debilidad del CARICOM radica en la
propia debilidad de los países que lo crearon.282
El CARICOM reconoce su debilidad en un mundo cada vez más abierto y
complejo, especialmente a la hora de insertarse en el TLC de Norte América. Debido al
decaimiento del comercio intraregional existe la percepción de que el futuro del Caribe se
encuentra en la integración. Por ese motivo se buscó ampliar el protagonismo y
posibilidades del CARICOM iniciando la creación de una nueva asociación de
integración y cooperación económica llamada la Asociación de Estados Caribeños, la
cual fue creada el 24 de julio de 1994. Su principal característica y su originalidad está en
la composición de sus miembros: los miembros de CARICOM (excepto Monserrate),
México, Colombia, Venezuela, Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras,
Nicaragua, Cuba, Dominicana, Haití, Panamá y Surinam. Todavía está por verse el
alcance de esta nueva organización pero podemos adelantar que la misma se ajusta a las
nuevas tendencias en Europa que señalan que el destino del Caribe se encuentra
vinculado a Centro América y Latino América.283
VII - PUERTO RICO, el CARIBE y la Globalizaciòn
Nadie puede dudar que el Caribe enfrenta grandes retos para su desarrollo
económico y social ante el fenómeno de la globalización. Actualmente, se encuentra
inmerso en tres procesos diferentes de negociación de libre comercio diferentes y
simultáneos: el ALCA, la OMC y el Acuerdo de Cotonú con Europa. El mayor problema
que enfrenta la región ante estas iniciativas es la falta de recursos humanos y financieros
para desarrollar unas negociaciones efectivas, que defiendan sus intereses económicos y
comerciales. El principal interés del Caribe es lograr el reconocimiento de un trato
diferenciado en las políticas comerciales, que tome en consideración la fragilidad de sus
sectores productivos y la dependencia a preferencias comerciales en mercados de la U.E.,
EE.UU. y Canadá. Existe el animo y la impresión de que el Caribe no obtendrá todo lo
necesario para mantener su ritmo de crecimiento económico, y que sus sectores
productivos se verán afectados por la liberalización mundial del comercio.
La encrucijada que vive nuestra región debe ser reconocida como de importancia
vital para Puerto Rico, considerando que los intereses de nuestros hermanos caribeños
son muy semejantes a los nuestros. Por una parte es imperativo defendernos de la
globalización perpetuando un trato diferenciado ante las preferencias comerciales y
económicas en el mercado norteamericano, y al mismo tiempo es necesario defender
también los sectores productivos puertorriqueños menos competitivos, como la
282
RICHARDSON, 198; THOMAS, 313-4, 323; GRIFFITH Wiston H., “Crisis in Caribbean Integration”,
en Estudios del Caribe, vol. 23, nº1-2, 41; THOMAS Clive Y., “Neo-colonialism and Caribbean
Integration”, en INCE Basil A. (ed.), Contemporary International relations of the Caribbean, San Agustín,
Trinidad y Tobago, Instituto de Relaciones Internacionales de la Universidad de las Indias Occidentales
1979, 298.
283
SCHOEPFLE Gregory K., U.S.-Caribbean Trade relations Over the Last Decade: From CBI to ACS,
XXI Conferencia Anual de la Asociación de Estudios del Caribe (San Juan, 27-31 de mayo de 1996), 1.
110
agricultura. Todo los países del mundo defienden sus puntos de vista e intereses, incluso
los EE.UU., que defiende su poco competitivo y subvencionado sector agrícola. Los
puertorriqueños, sin embargo, no podemos formar parte del esfuerzo caribeño para
defender nuestros intereses, y parecemos destinados a seguir la corriente de un derrotero
inevitable de consecuencias aún imprevistas. Como mínimo deberíamos confiar, apoyar y
agradecer los esfuerzos del Caribe que hacen el trabajo por nosotros.
Ante la coyuntura internacional en la que vivimos, resulta trágico que nuestro país
no pueda velar por sus intereses y que no podamos formar parte de los conglomerados de
países que luchen por defenderlos. Peor aún resulta la idea absurda e ingenua que los
EE.UU. defiende nuestros intereses ante foros internacionales, y por lo que no debemos
preocuparnos siquiera por esto, entregando así nuestro futuro a la completa
incertidumbre. Algunos calman sus preocupaciones presentándolas ante agencias y
funcionarios estadounidense con la esperanza de ser escuchados, y se conforman con el
consuelo de haber descargado su responsabilidad histórica. Los puertorriqueños debemos
reconocer que la globalización tiene y tendrá consecuencias y efectos sobre nuestro
desarrollo socioeconómico, y que sólo nosotros mismo podremos defender nuestros propios
intereses, precisamente por que son los nuestros.
Puerto Rico debería aprender y seguir el ejemplo de nuestros hermanos caribeños, que
no confían en que otros defiendan sus puntos de vista e intereses. No existe mayor
ingenuidad que pensar que otro podrá defender mejor los intereses ajenos y en muchos casos
contrarios a los propios.
Los EE.UU. está totalmente desvinculado del Caribe. Desde el final de la Guerra Fría,
EE.UU. no ha concretado una política coherente e innovadora hacia la región. Esta realidad
es muy conocida por el resto de las naciones de nuestros entorno, que resienten la falta de
interés estadounidense en sus destinos, luego de contar por décadas con una importante
presencia militar y económica en la región. Como ejemplo está el caso de la isla soberana de
Granada que hace 20, años en 1983 fue invadida militar y económicamente por EE.UU. con
grandes promesas de progreso y desarrollo, y hoy no existe ningún programa, beca, o ayuda
para esta empobrecida isla de las especies.
Los puertorriqueños debemos enfrentar estos retos y hacer valer nuestros intereses,
para lo cual debemos desarrollar una infraestructura de cultura internacional adecuada para la
efectividad de nuestros planteamientos. En el pasado no era necesario asumir la defensa de
intereses, puesto que nuestra economía estaba fundamentada en preferencias comerciales con
el mercado estadounidense que ningún país del mundo compartía. Estas preferencias, se han
venido desmantelando, lo cual ha igualado nuestra condición a la de otros países del Caribe,
sin ofrecerse otras opciones para Puerto Rico. Cada vez que los EE.UU. suscribe un acuerdo
de libre comercio con un país o un grupo de países, Puerto Rico pierde competitividad y
nuestra economía se resiente. Dada la gran ignorancia que existe sobre nuestro país en los
EE.UU., y dado el hecho de que nuestros intereses, en la mayoría de los casos, se asemejan
más a los de un país en vías de desarrollo que a los de un país desarrollado, resulta del todo
comprensible que la nación norteamericana no tome demasiado en consideración los
intereses puertorriqueños.
111
Ante el aparente panorama de falta de opciones para nuestro país, y ante el peligro de
quedar a merced de negociadores internacionales desconectados de la realidad
puertorriqueña, es urgente que exijamos que los EE.UU. nos conceda los poderes necesarios
para crear y desarrollar un esquema institucional que nos permita elaborar una política
internacional y comercial propia. No podemos continuar jugando el papel de observadores,
cuando nuestra economía es una de las más importante de la región. América Latina y el
Caribe no podrán culminar sus procesos de integración y libre comercio sin contar con Puerto
Rico. La voz sin voto no cuenta. Es imposible conformarse con ser escuchados en las esferas
de poder estadounidense, cuyas políticas están previamente determinadas y asumidas. Los
EE.UU. jamás antepondrá sus intereses a los nuestros.
Los puertorriqueños tenemos mucho que aprender de los países del Caribe, que a pesar
de su debilidad y frágil situación, conocen a lo que enfrentan, así como las consecuencias y
oportunidades para sus economías. Esto les permitirá tomar decisiones que amortigüen el
impacto negativo de la globalización, que es lo mínimo a lo que debe aspirar Puerto Rico.
112
La Experiencia Mexicana en el TLCAN
una Lecciòn para América Latina
Mtro. Oscar Guerra Ford*
ANTECEDENTES
En los años 70, México estaba inmerso en un esquema de crecimiento hacia
adentro, las exportaciones representaron solamente el 5 por ciento del Producto Interno
Bruto (PIB). A partir del gobierno de Miguel de la Madrid (1982-1988), se iniciaron
profundos cambios en la economía, que dieron inicio a una nueva estrategia de
desarrollo, basada en el control de una serie de variables macroeconómicas, así como en
las exportaciones manufactureras privadas. México se comprometió firmemente con la
liberalización económica.
En los últimos años, México llevó a cabo una transición espectacular, de una
economía relativamente cerrada a uno de los países más abiertos del mundo. La
liberalización de las importaciones, la privatización de empresas paraestatales, la mayor
presencia del sector privado y la política de puertas abiertas al capital extranjero, son los
elementos más importantes del nuevo proyecto.
En 1983 se dieron los primeros pasos de apertura hacia el exterior, al reducir el
número de fracciones arancelarias sujetas al permiso previo de exportación; en 1986, se
firmó la inclusión de México en el Acuerdo General de Aranceles Aduaneros y Comercio
(GATT); en 1987 se establecen, en el Pacto para la Estabilidad y el Crecimiento
Económico (PECE), otras reducciones arancelarias y en 1988, aranceles preferenciales
para importaciones de países latinoamericanos. Debido a esas medidas, la tasa arancelaria
promedio de la economía mexicana se redujo de 16.4 por ciento en 1982, a 9.5 por ciento
en 1989.
A principios de los años 80, las exportaciones aún estaban concentradas en el
petróleo, que representaba el 77.6 por ciento del total. El 32.4 restante estaba integrado,
en gran medida, por productos primarios con bajo grado de elaboración, como el camarón
congelado y el café crudo en grano. En 1988, la estructura de nuestras exportaciones se
había modificado de manera significativa, ya que las petroleras se habían reducido al 34.6
por ciento y en el 65.4 restante se encontraban productos con un alto valor agregado,
como los provenientes de la industria automotriz.
Desde hace muchos años, el principal receptor de nuestras ventas al exterior es el
mercado estadounidense. En 1982, recibía la mitad de nuestras exportaciones y en 1988
el 65.9 por ciento del total. Mientras tanto, a Canadá le vendíamos tan sólo el 2.8 por
*
Profesor de la Facultad de Economía de la UNAM y Presidente del CNE
[email protected]
[email protected]
113
ciento de nuestras exportaciones en 1982 y en 1988 habíamos reducido ese porcentaje, a
tan sólo el 1.35 del total.
En 1982, nuestra relación con los países de América Latina no era mejor, a
Nicaragua, le vendíamos el 0.6 por ciento; a Costa Rica el 0.34, a Colombia el 0.22, a
Chile el 0.05 y a Bolivia el 3.29. En 1988, México había obtenido un incremento
significativo en sus ventas a esas naciones, excepto a Nicaragua, ya que disminuyó
nuestro comercio con ella, casi un 90 por ciento.
Figura 1
Integración de México a la Economía Mundial
TLC (G3)
Colombia
Venezuela
TLCAN
ALADI
GATT
(OMC)
TLC
Chile
APEC
OCDE
1981
1986
1992
1993
1994
TLC
Bolivia
TLC
Israel
TLC
TLC
Costa Rica Nicaragua
1995
1998
TLC
UE
2000
TLC
TLC
Guatemala
El Salvador Uruguay
Honduras
2001
2004
La Apertura Comercial y el TLCAN
En la década de los 90 se inicia la firma de acuerdos y tratados comerciales de
Libre Comercio (TLC) con Estados Unidos y Canadá; así como con algunos países de
América Latina y recientemente, los suscritos con Israel y con la Unión Europea. Lo
anterior ha permitido el ingreso de nuestro país a nuevos mercados y propiciado el
incremento de nuestras ventas al exterior, lo que ha redundado, de manera significativa,
en el crecimiento de nuestro comercio exterior y convertido a México en el país
latinoamericano que tiene el mayor número de acuerdos comerciales firmados. Para
México, estos 22 años han significado un cambio radical en su intercambio comercial: de
una política proteccionista de su mercado interno, dio paso a una política de intensa
apertura al exterior.
El Tratado de Libre Comercio (TLC), que entró en vigor en 1994 significó para
nuestro país, pasar a formar parte de uno de los mercados más grandes del mundo. Ello
propició que de 1994 a 2002 las exportaciones hacia Estados Unidos crecieran 177.1 por
ciento. Aunque en 2001, se redujeron en 5.0 por ciento, y en 2002 crecieron 2.0 por
ciento.
114
El fuerte incrementó de las exportaciones en la década de los noventa se debió, en
gran medida, al hecho de que la economía estadounidense presentó la expansión más
prolongada de su historia, desde la Segunda Guerra Mundial. Desde 1993, generó un
importante crecimiento del PIB, más de 22 millones de empleos, el aumento del ingreso
de la población, tanto de los deciles más ricos como de los más pobres y un crecimiento
de los salarios reales, a una tasa que duplicó a la inflación.
La entrada en vigor del TLC, coincidió con esa expansión económica, lo que
permitió la penetración de las exportaciones mexicanas a los Estados Unidos sin generar
mayores problemas políticos y económicos en este último país, aunque no dejaron de
oírse las quejas del sector laboral que vio amenazadas algunas de sus fuentes de empleo.
Ese escenario externo favorable en los noventa permitió el crecimiento de la
economía mexicana en esos años. Sin embargo, la desaceleración económica de los
Estados Unidos desde finales de 2000 y que se mantuvo hasta el primer trimestre de
2003, ha repercutido de manera importante en la evolución económica del país, siendo
afectado principalmente el sector manufacturero, que se ha traducido en una recesión de
varios de sus sectores, en una caída del empleo y menores flujos de comercio. Esta
situación nos demuestra una mayor inserción de la economía mexicana en el ciclo
productivo del país del norte, creándose una mayor dependencia.
Las exportaciones con la entrada del TLC se han convertido en uno de los
segmentos más dinámicos de la economía, desde finales de la década de los 80, tal como
lo refleja su participación relativamente alta y creciente en el PIB. Sin embargo, también
es importante señalar que la economía mexicana ha tenido fuertes oscilaciones que no le
han permitido recuperarse en términos de PIB por habitante, ni superar los niveles de
inicios de la década de los 80.
En términos generales el TLC ha sido exitoso -incluso mucho más de lo estimado,
pero solamente para el capital financiero internacional y para un sector de la economía
mexicana. Las exportaciones a los Estados Unidos aumentaron a una tasa media de
crecimiento de 13.6 por ciento entre 1994-2002. Pero si únicamente tomamos el periodo
entre 1994-2000, éstas presentaron un incremento anual de 19.1 por ciento. La inversión
extranjera directa (IED) aumentó mucho más de lo esperado: acumuló 131 mil 25.5
millones de dólares durante el período 1994-2002, con una participación promedio de los
Estados Unidos del 60.0 por ciento.
115
Gráfico 1
PERSONAL OCUPADO EN LA INDUSTRIA MAQUILADORA DE
EXPORTACION
*/
(Miles de personas)
1350
1160
970
780
590
400
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
*/ Fin de periodo. En 2003 se refiere al mes de agosto.
Fuente: INEGI.
El TLC ha sido fundamental para la nueva dinámica exportadora de México y para
el creciente grado de integración de la economía mexicana a la estadounidense. Prueba de
ello, son las industrias automotriz y eléctrica-electrónica, ambas en manos del capital
extranjero, que han permitido el crecimiento exportador y de la economía en su conjunto.
En el 2002, participaron con el 47.3 por ciento de las exportaciones totales y el 37.8 por
ciento de las importaciones totales, obteniendo la primera un superávit de 4.1 miles de
millones de dólares (MMD) y la segunda 8.3 MMD. Pero también, son las que le han
permitido aumentar, a la economía norteamericana, su grado de competitividad frente a
las economías asiáticas.
Esta información es, sin embargo, insuficiente para realizar un estudio profundo
sobre los efectos del TLC en nuestro país. Toda la disponible, no permite llegar a
conclusiones que establezcan relaciones directas entre el comercio internacional, el PIB,
la IED, el empleo y los salarios reales.
Además, la crisis de 1994, que se generó cuando apenas se iniciaba el TLC,
provocó la contracción de la economía y una brusca devaluación del peso que dificulta el
análisis objetivo, del impacto del TLC en la economía de México.
No obstante lo anterior, sí podemos afirmar que el TLC es parte de la estrategia
económica neoliberal y que existen tendencias, macroeconómicas y sectoriales
116
suficientes, para presentar conclusiones preliminares sobre sus efectos en la economía
mexicana, a casi diez años de su entrada en vigor.
Cuadro 1
Comercio Trilateral
(miles de millones de dólares)
Relación Comercial
Comercio trilateral
México –EE.UU.
México Canadá
Var.
Var.
00/93
00/99
288.8 338.9 375.9 418.6 475.4 511.9 567.8 659.2
1.3
0.2
85.2 104.3 115.5 140.5 167.9 187.9 214.9 263.5
2.1
0.2
4.0
4.9
5.3
6.2
7.0
7.6
9.4 12.1
2.0
0.3
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
Fuente: Banco de México.
Las Exportaciones
Las exportaciones mexicanas se han convertido en el componente más dinámico del
PIB durante los últimos años y, sobre todo, desde 1995. En este aspecto, no se puede
ignorar que la brusca devaluación del peso en 1994 y la política cambiaria que propicia
su paulatina y permanente devaluación, han sido una de las principales causas de esta
dinámica.
La tasa de crecimiento promedio anual de las exportaciones durante los años de
1990-2002 fue de 12.1 por ciento. En este lapso se pueden distinguir tres periodos: de
1990 a 1993 donde se presentó un crecimiento promedio de 8.4 por ciento de nuestras
ventas al exterior; de 1994-2000 donde se registró una fuerte dinámica de nuestras
exportaciones alcanzando una tasa media de crecimiento de 18.2 por ciento. Y por último
de 2001 en adelante donde se observa un menor nivel de crecimiento, de hecho nuestras
exportaciones fueron menores en 4.8 por ciento en 2001 y crecieron 1.5 por ciento en
2002.
Destaca, asimismo, que las manufacturas se han convertido en el rubro más
dinámico de las exportaciones y que han aumentado su participación en forma
significativa. Las actividades, relacionadas con la industria automotriz, electrónica y de
confecciones, acaparan la mayor parte de las exportaciones mexicanas. La concentración,
en estas actividades, fue en constante ascenso durante la década de los 90 y a principios
de este siglo, particularmente a partir de la entrada en vigor del TLC.
Como modelo, el TLC impulsa dos líneas fundamentales: la liberalización del
comercio y la liberalización de los flujos de inversión, considerando a ambos como
claves para el crecimiento de la producción y la productividad. Actualmente, la ideología
del libre comercio intenta remover los obstáculos para el ingreso de mercancías; pero en
el libre juego de la oferta y la demanda gana siempre la ley del más fuerte. Estados
117
Unidos ha sido en el continente el gran impulsor del libre comercio, tratando de
desaparecer las trabas que se oponen al ingreso de sus productos comerciales y los
obstáculos al ir y venir de sus inversiones.
Las Importaciones
También las importaciones mexicanas han tenido una dinámica relevante. En
consecuencia, la balanza comercial de bienes -sin incluir a la maquila-, y particularmente
el sector manufacturero, han reflejado un déficit constante. Por lo tanto, una de las
principales características de este sector es su alta dependencia de importaciones para
crecer en términos económicos y para llevar a cabo las exportaciones, incluso antes del
TLC. Esta tendencia refleja la falta de vinculación del sector manufacturero con el resto
de la economía.
Por su parte, la balanza comercial total fue positiva de 1995-1997 como resultado
de un bajo crecimiento del producto en esos años y a la puesta en marcha de políticas de
estabilización, registrándose después saldos desfavorables. Esto como4 consecuencia de
que las importaciones a lo largo de los noventa presentaron un fuerte crecimiento, de
1990 a 1993 aumentó en promedio a una tasa de 16.3 por ciento; de 1994-2000 se
incrementaron en promedio anual en 14.0 por ciento, mientras de 1990-2002 registraron
una tasa media de crecimiento de 12.4 por ciento. Sólo en lo años de 1995 y 2001
observaron disminuciones de 8.7 y 3.5 por ciento, respectivamente. En 2002 las compras
del exterior sólo crecieron 0.2 por ciento.
Las exportaciones mexicanas se encuentran altamente concentradas. Un pequeño
grupo de empresas -entre 264 y 312-, sobre todo extranjeras -entre 54 y 78-, concentra el
51.86 por ciento de las exportaciones mexicanas. Si se incluyen las de maquila -3 mil 130
empresas-, que representan el 41.49 de las exportaciones totales, resulta que el resto de la
economía participa con apenas 6.65.
Son entonces, empresas extranjeras y de capital mayoritario extranjero, las que
permiten el aumento de las exportaciones en su conjunto. Ese pequeño grupo incrementó
su participación en las exportaciones totales de 14.36 por ciento en 1993 a 19.15 en 1998,
mientras que las nacionales reducen su participación de 35.76 por ciento en 1993 a 24.33
en 1998.
El comercio de México con los Estados Unidos desde la entrada en vigor del TLC,
aumenta la dinámica de crecimiento que mantenían desde inicios de la década de los
noventa las exportaciones mexicanas. Las ventas a los Estados Unidos registraron tasas
de crecimiento de dos dígitos de 1994 a 2000, con excepción de 1998 donde fue de 9.2
por ciento, año en el que aun para una serie de países, incluyendo a Canadá y Japón, estas
tasas son negativas. Sin embargo, la desaceleración de la economía de los Estados Unidos
a principios del siglo repercutió en una caída de las exportaciones de México hacia ese
118
país, en 2001 se redujeron en 5.0 por ciento, aunque en 2002 aumentaron 2.0 por ciento.
Desde esta perspectiva, los Estados Unidos es el principal destino de las exportaciones
mexicanas, en 2002 representaron el 89.0 por ciento de las ventas del exterior.
El TLC y la relación bilateral con los Estados Unidos también han sido
significativos desde otra perspectiva. Históricamente, la economía mexicana ha tenido
altos déficit comerciales, pero éstos se han logrado reducir notablemente como resultado
de los altos y crecientes superávit comerciales con los Estados Unidos.
Los Estados Unidos, también aumentan su participación en las importaciones
mexicanas de 69.06 por ciento en 1994 a 73.1 en 2002, y absorben 74.5 del aumento de
las importaciones para 1994-2000. En 2001 y 2002 se presenta una tendencia hacia la
baja de las importaciones de ese país en las importaciones totales. En el primer año
representaron el 67.6 y en el segundo el 63.2 por ciento del total de compras del exterior.
Que se explica principalmente por el menor crecimiento de la actividad productiva
interna, y por la disminución de las exportaciones que tienen un alto contenido de
importación.
Estas tendencias, combinadas con la recuperación de la economía mexicana en su
conjunto y con el aumento de las importaciones, han vuelto a generar un déficit comercial
desde 1998. Las tendencias anteriores reflejan que los Estados Unidos se han consolidado
como el principal destino de las exportaciones mexicanas y han absorbido la mayor parte
de su reciente aumento durante la década de los 90 y particularmente desde 1994, a tal
grado, que México se ha convertido en el tercer exportador a los Estados Unidos y el
primero en cuanto a electrónica y confecciones.
Frente al incremento de las importaciones y exportaciones entre los Estados Unidos
y México, es importante destacar el tipo de comercio que ha aumentado durante el
período, y en especial, desde la entrada en vigor del TLC. Una de sus características
esenciales es su modalidad de comercio intraindustria e incluso intrafirma,
particularmente en sectores con una alta participación de empresas transnacionales, como
la industria automotriz y la de partes para automóviles, la electrónica y la de confección,
entre otros. Las tendencias señaladas son relevantes en el sentido de que señalan el
comercio intraindustria y probablemente intrafirma, como una de las principales fuentes
del aumento del comercio de México con el mundo y particularmente con los Estados
Unidos.
En abril la Organización Mundial del Comercio (OMC) llevó a cabo la tercera
revisión de la política comercial de México. Según el informe México se ha convertido
en ejemplo de cómo el comercio y la inversión pueden actuar como factores de la
modernización y el crecimiento económico.
Los objetivos de la política comercial de México en el periodo de análisis (1997 –
2002) se concentraron en profundizar la apertura de la economía. La participación de
México en foros comerciales regionales y multilaterales, en particular la OMC, juegan un
119
papel clave en el logro de este objetivo. En los últimos veinte años, el comercio de
México ha sido más dinámico que el de cualquier otro país del mundo, lo que ha
propiciado que se convierta en la séptima potencia comercial del mundo. Este
crecimiento se ha acelerado a partir de la entrada en vigor de los 6 tratados de libre
comercio que México ha firmados con ocho países del Continente. Gracias a estos TLCs,
México, en sólo once años ha quintuplicado sus exportaciones.
120
Gráfico 2
EXPORTACIONES E IMPORTACIONES DE MÉXICO, 1993 - 2002
(Millones de dólares)
180,000
145,000
110,000
75,000
40,000
1993
1994
1995
1996
1997
1998
Exportaciones
1999
2000
2001
2002
Importaciones
Fuente: Banco de México.
Apertura Commercial y Empleo
Es conocido el hecho de que las exportaciones constituyen una parte significativa y
creciente del producto de la economía mexicana. En 1990, las exportaciones de bienes y
servicios representaban el 14.1 por ciento del PIB, para 2002 participan con el 34.2 por
ciento del producto. Esto significa que las exportaciones han sido durante los últimos
doce años el componente más dinámico de la demanda agregada. Entre 1992 y 2000, las
exportaciones de mercancías pasaron de 46.2 a 166.5 MMD, cayendo en 2001 a 158.4
MMD, y aumentando en 2002 a 160.8 MMD Simultáneamente, se ha modificado
drásticamente la composición de las exportaciones.
Gráfico 3
EXPORTACIONES E IM PORTACIONES SIN M AQUILA EN M ÉXICO, 1993 - 2002
(M illones de dólares)
115,000
100,000
85,000
70,000
55,000
40,000
25,000
1993
1994
1995
1996
1997
Exportaciones
Fuente: Banco de México.
121
1998
1999
2000
Importaciones
2001
2002
En 2002, el 88.4% de ellas estaba constituido por productos de la manufactura. A
su vez la industria maquiladora ha sido un sector principalmente dinámico. El valor de las
exportaciones pasó de 18.7 a 78.1 MMD entre 1992 y 2002, lo que condujo a que en este
último año aportara el 55.0% de las exportaciones manufactureras. Sin embargo, también
las exportaciones del resto de la manufactura fueron muy dinámicas, habiéndose
incrementado de 16.7 a 63.9 MMD en el mismo periodo. Aunque en el 2000 es cuando
alcanzan su mayor nivel, las de maquila con 79.5 MMD y el resto sin maquila con 65.9
MMD.
Gráfico 4
EXPORTACIONES E IMPORTACIONES DE MAQUILA EN MÉXICO, 1993 - 2002
(Millones de dólares)
82,000
65,000
48,000
31,000
14,000
1993
1994
1995
1996
1997
1998
Exportaciones
1999
2000
2001
2002
Importaciones
Fuente: Banco de México.
De estos antecedentes, podría concluirse que el sector exportador ha sido un
importante generador de empleos durante la década pasada. Esto lo confirman los datos
de la industria maquiladora, en la cual el número de ocupados pasó de 439.2 a 1, 347.8
mil entre 1990 y octubre de 2000, mes en que alcanzó su máximo nivel.
Gráfico 5
PERSONAL OCUPADO EN LA INDUSTRIA MAQUILADORA DE EXPORTACION
*/
(Miles de personas)
1350
1160
970
780
590
400
1993
1994
1995
1996
1997
1998
*/ Fin de periodo. En 2003 se refiere al mes de agosto.
Fuente: INEGI.
122
1999
2000
2001
2002
2003
Esto significa que la apertura comercial tuvo el efecto esperado sobre las
exportaciones maquiladoras del país. Dados la abundancia de trabajo no calificado y los
bajos salarios, se expandieron las actividades intensas en trabajo, lo que determino el
incremento en el empleo de la industrial maquiladora. Sin embargo, no corrió lo mismo
con el resto de la manufactura, por lo que su expansión se asentó únicamente en el
aumento de la productividad.
Sin embargo, a partir de noviembre de 2000 mes se comenzó a registrar una
reducción del personal ocupado en esta actividad, a diciembre de 2002 el número de
desocupados en las maquiladoras ascendió a 262.4 miles de personas. Esto como
resultado del cierre de establecimientos en esta actividad, ya que sus exportaciones se
redujeron por el menor crecimiento de la economía norteamericana, su principal
mercado, y además por la pérdida de competitividad de estas empresas en estos años. La
evolución de este sector esta ligada al comportamiento de la economía de los Estados
Unidos.
Ahora bien la apertura comercial en el sector manufacturero sin maquiladoras tuvo
un efecto en el empleo limitado. Sobre ello incidieron varios factores: en primer término,
la apertura comercial, no sólo expandió las exportaciones, sino que también las
importaciones. Esto muestra el hecho de que el coeficiente de importaciones pasó de
22.3% en 1994 a 37.5% en 2002. Por lo tanto una gran parte quedó anulado el efecto
multiplicador de crecimiento de las exportaciones sobre el empleo interno. Aún más, el
incremento de las importaciones se explica, en gran parte, por el crecimiento de las
exportaciones en virtud de la debilidad de los encadenamientos de la industria. Esto es
ilustrado por varios indicadores: en 2002 el 75.0% de las importaciones estaba
constituida por bienes intermedios; dado que casi el 90.5 del consumo intermedio de la
industria maquiladora es de origen importado, los bienes intermedios para este sector de
la industria representaron, en el mismo año, el 46.9% de todas las importaciones de
bienes intermedios y el 75.9% del valor de las exportaciones de productos maquilados.
En 2001, el 68.8% de las compras de bienes intermedios al exterior estaba asociado con
las exportaciones. El segundo factor está asociado con el comportamiento de la industria
no maquiladora, la cual, como se destacó, basó su crecimiento en el incremento de la
productividad, no obstante los bajos salarios y la abundancia de fuerza de trabajo. Una
explicación sugerida para este hecho es que la competencia de las importaciones y la
necesidad de aumentar las exportaciones obligaron a reestructurar este segmento de la
industria tanto en su organización como en la modernización de sus procesos
productivos, obligándola también a sustituir insumos nacionales por importados para
mejorar la calidad de sus productos. Por lo tanto, estas dos vías determinaron que esta
parte de la industria no haya sido una fuente dinámica de empleos.
Apertura y Crecimiento Econòmico
123
El crecimiento de la economía mexicana de los últimos años se explica
fundamentalmente por el dinamismo registrado en el comercio exterior en 1997 este
representó el 54.9% del PIB en tanto que para 2002 alcanzó 71.7%; las exportaciones han
duplicado su importancia dentro del PIB, pasando de 14 % en 1990 al 34.2 % en 2002,
aunque su mayor nivel lo alcanzo en 2000 con el 35.2%. El número de empresas
exportadoras ha aumentado en casi 70% para alcanzar más de 35 mil compañías. Casi la
mitad de los más de 3 millones de empleos permanentes generados en el país desde
agosto de 1995 están relacionados a la actividad exportadora; los sectores que exportan el
60% de sus ventas o más pagan 23% más que el resto de la economía, en general las
empresas maquiladoras pagan salarios hasta 4 veces mayores al salario mínimo en
México.
Gráfico 6
Participación en las Exportaciones Totales por
Tamaño de Empresa (%)
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
311 empresas
44.8
3,436 empresas
41.5
PEMEX
7
Grandes empresas
exportadoras
Industria Maquiladora
Industria Petrolera
34,700 MPyMEs
6.7
Resto de las
empresas
Fuente: Dussel Peters, Enrique Perspectivas y retos de la competitividad en México, UNAM / Facultad de Economía de la UNAM
/ Cámara Nacional de la Industria de la Transformación y Centro de Desarrollo Empresarial, México, 2003.
El sector manufacturero de México representa el catalizador del crecimiento
económico. Su crecimiento ha estado fuertemente asociado a su capacidad para competir
en los mercados internacionales. En cuanto a las actividades de otros sectores; que operan
de manera ineficiente al estar “protegidas” de la competencia con barreras a la inversión
y el comercio:
•
El sector energético: está bajo control del estado y disposiciones constitucionales
restringen la participación privada en áreas estratégicas como la explotación de
hidrocarburos y el abastecimiento de electricidad.
•
En el sector agrícola algunas actividades se han modernizado de un mayor acceso a
los mercados externos en especial al de los Estados Unidos. Sin embargo, una gran
124
parte de la actividad agrícola se mantiene a pequeña escala y esta principalmente
orientada principalmente al autoconsumo; por lo que es necesario promover mayor
inversión.
•
El sector servicios se han liberalizado con ciertas disyuntivas en las áreas de
telecomunicaciones y transporte doméstico.
México cuenta con acuerdos de libre comercio con los dos mercados más
importantes del mundo: América del Norte y Europa. En la actualidad también tiene
suscritos TLC con nueve países de América Latina: Chile (1992), Bolivia, Costa Rica,
con Colombia y Venezuela dentro del marco del Grupo de los Tres (1995), con
Nicaragua (1998), y los países del Triángulo del Norte (Guatemala, El Salvador y
Honduras, suscrito el 29 de junio de 2000). Asimismo tiene suscrito un TLC con Israel
(6 de marzo de 2000). México, además de Israel, es el único país con acceso preferencial
a los dos mayores mercados del mundo, y a América Latina.
Por otra parte, los países miembros del Mercado Común del Sur (Mercosur)
-Argentina, Brasil, Uruguay y Paraguay- acordaron iniciar las negociaciones para crear
un área de libre comercio, con la contraparte mexicana.
Caso aparte lo constituye China, que sin suscribir un acuerdo comercial con nuestro
país, tuvo la necesidad, para ingresar a la Organización Mundial de Comercio (OMC), de
negociar con diverso países, entre ellos México, acceso a mercados para bienes y
servicios. En el caso de nuestro país, aceptó el mecanismo antidumping y de
salvaguardas, lo cual es importante porque no provocará distorsiones para el mercado
mexicano.
En lo referente al acceso a mercados, el gobierno Mexicano obtuvo de China
rebajas arancelarias en 140 productos donde existe un interés prioritario para exportar, ya
que habrá una reducción arancelaria del 100 al 15 por ciento. Algunos de los productos
negociados son: productos del mar, vegetales, fruta, azúcar jugo de naranja, café, cerveza,
cemento, tabaco químicos, caucho, vidrio, hierro y acero, automóviles y autopartes.
También se pidió que China otorgara el reconocimiento de la denominación de origen del
tequila y del mezcal. Para México es de suma importancia que China asuma los acuerdos
de la OMC y así mantener una relación comercial dentro de un marco de competencia
sana y regulada. Sin embargo, el ingreso de China a la OMC traerá enormes
consecuencias principalmente para la pequeña y mediana empresa, esencialmente la
vinculada a la industria del sector juguetero, textil, calzado, metal-mecánico y
herramientas, ya que los precios que ofrece la nación asiática son su principal ventaja.
En síntesis, podemos decir que existen cuatro grandes problemas en el modelo
actual que se impone en América Latina:
1. El libre comercio hace desaparecer las trabas para el ingreso de mercancías
provenientes del exterior. Pero más que fomentar la exportación, el resultado es una
125
mayor importación y por tanto un pronunciado déficit comercial, en relación a las
grandes potencias industriales.
2. El modelo de libre competencia hace más fuertes a los grandes grupos industriales y
comerciales y no está enfocado a una mínima distribución de la riqueza social. La
compresión de los salarios parece ser el mecanismo natural para enfrentar la
competencia mundial al interior de cada país; consecuencia natural del modelo ha
sido el desempleo y el mercado informal, paralelo a una preocupante ampliación de
los niveles de pobreza.
3. El flujo libre de capitales, tal como está establecido en el TLC para los países
signatarios, está produciendo una preferencia de las inversiones en el ámbito
especulativo y no en la inversión directa. La tendencia sólo podría revertirse con
decisiones políticas de los gobiernos al implementar controles efectivos sobre los
flujos de dinero.
4. El mercado interno de los países latinoamericanos se ha comprimido debido a que los
niveles del salario han estado muy por debajo de la inflación. Ello produce que las
industrias nacionales se vean sometidas a una salvaje apertura frente a la
competitividad internacional, y además con pocas esperanzas de que la mayor parte
de la población tenga suficiente poder adquisitivo para consumir sus productos.
La apertura comercial frente a la competitividad mundial ciertamente es una
tendencia irreversible. Pero la estrategia de los países latinoamericanos no puede ser
solamente una adaptación sin más al mercado mundial. Tiene que existir un proyecto
nacional de desarrollo que tenga como fundamento el crecimiento de la industria interna,
la ampliación del mercado interno, la elevación del poder adquisitivo del salario y un
mayor control del flujo de los capitales externos.
Una de las grandes deficiencias del modelo mexicano ha estado en el déficit
comercial al competir con los Estados Unidos, una de las naciones más industrializadas
del planeta. Después de años de ejercicios de comercio con los Estados Unidos dentro del
GATT y una vez firmado el llamado TLC entre México, Estados Unidos y Canadá, la
República Mexicana acumuló un déficit comercial de cerca de 55,600 millones de dólares
con Norteamérica, tan sólo de 1989 a 1994. Se quitaron trabas al ingreso de productos
estadounidenses y el mercado mexicano se vio inundado de mercancías provenientes del
norte y de otros países con un claro detrimento y quiebres de la industria nacional. En
este sentido, es la relación asimétrica con los Estados Unidos en el ámbito comercial lo
que ha provocado la disparidad de los flujos comerciales entre México y Norteamérica.
El terrible déficit comercial en México sólo pudo ser equilibrado momentáneamente por
el también flujo de capitales del exterior. Sin embargo, la crisis mexicana de diciembre de
1994 reveló que la entera libertad de los capitales para moverse internacionalmente había
provocado que el 70% de estos hubieran llegado solamente a la especulación y no al
ámbito productivo. Este es el segundo de los grandes errores del modelo neoliberal; darle
libre rienda al capital internacional para que invierta a su antojo en la especulación y no
126
quede de manera más permanente en la producción directa dentro de los países donde se
ubica.
México en los noventa aumentó su Producto interno Bruto (PIB) en promedio en
3.4 por ciento, pero no sobre la base de un fuerte y creciente industria nacional, esta
debilidad se mostró en los primeros años del presente siglo, al depender nuestra economía
aún más del país del norte. Además, ese tipo de crecimiento en la macroeconomía no fue
acompañado de una mínima distribución de la riqueza social, sino al contrario: creció en
México la concentración de la riqueza en manos de unos pocos súper millonarios
beneficiados tanto por el mismo modelo neoliberal como por los públicos mecanismos de
corrupción en las altas esferas del Estado. Este es el tercer gran error del neoliberalismo.
La libre competencia y el libre mercado hacen más poderosos a los fuertes y empobrecen
a los más débiles: se tiende a crear una gran concentración de la riqueza asumiendo que el
desarrollo de un país debe basarse sólo en las inversiones de los grupos poderosos. El
modelo parece fundamentar para el crecimiento de la economía en una compresión de los
salarios como el principal medio para enfrentar las desventajas de la globalización
internacional.
En México, el nivel de los subempleados llega a 35% de la PEA, consecuencia de
un salario formal que es de 3 dólares por 8 horas de trabajo diario, cuano las necesidades
de una familia promedio, según las organizaciones laborales, son de por lo menos unos
10 dólares diarios para la mínima supervivencia. La economía informal y la migración de
mexicanos a Estados Unidos han sido la válvulaINVERSION
de escape anteEXTRANJERA
la falta de empleos.
EN MEXICO
(Estructura porcentual)
En la práctica queda claro que el libre flujo de capitales del exterior propicia un alto
1996-2002
grado de especulación en las inversiones. Se situación la vivió México a principios de los
1990, que culminó con la devaluación de 1994, la mayor parte de las inversiones eran
de
10%
cartera. Sin embargo a partir de 1995 se dio un giro, la mayor parte fue inversión
extranjera directa, disminuyendo la especulativa. De 1990-1994 la inversión extranjera
directa represento el 27.5 por ciento de la total, y en el periodo de 1995-2002 fue de 82.6
por ciento284.
90%
Gráfico 7
Gráfico 8
INVERSION EXTRANJERA EN MEXICO
Directa
(Estructura porcentual)
1989-1994
Fuente: Banco de México.
60%
284
Tomando como referencia la información de Banco de México de la Balanza de Pagos.
40%
Directa
Cartera
127
Cartera
Fuente: Banco de México.
128
Caracterìsticas Principales de los Efectos del TLCAN en la Economia Mexicana
En los últimos años nuestro país a tenido como una de sus características
principales un crecimiento acelerado de su sector exportador que a colocado a
nuestro país dentro de un selecto grupo de países que pueden hablar de que sus ventas de
bienes y servicios rebasan los 100 mil millones de dólares llegando en 2002 a los 161 mil
millones de dólares
Durante el periodo 1991-2000 el crecimiento de las exportaciones presentó una
tasa de crecimiento media anual de 16.3, destacando dentro de estas las
correspondientes al sector de las manufacturas las cuales crecieron a una tasa de
18.5% para el mismo periodo, y que representan para el año 2002 el 88.3% del total de
las exportaciones.
Dentro de las exportaciones destacan las que realizan las empresas
maquiladoras las cuales absorben el 48.6% del total de las exportaciones y el 55.0% de
las que corresponden a la manufactura, con una tasa de crecimiento en el último año de
1.6% Por su parte las exportaciones no maquiladoras crecieron 1.4%:
Por otro lado, tenemos un incremento de las exportaciones agropecuarias de 6.6 por
ciento entre 1991-2000 y en las extractivas una caída de 0.5 por ciento en el mismo lapso.
Estas exportaciones en el total para el año 2002 participaron con el 2.4% y un 0.24%
respectivamente.
Por su parte, las importaciones totales en la década de los noventa, registraron
una tasa media anual de crecimiento del 14.6%, las importaciones de maquiladoras lo
hicieron en un 19.3, mientras que el resto de las importaciones lo hizo en un 12.7%. En
2000 presentaron una fuerte dinámica, pero a partir de 2001 registran un menor
dinamismo, en ese año se reducen 3.5 por ciento y en 2002 sólo aumentan 0.2 por ciento.
Como observamos a lo largo de la década se dio un mayor dinamismo de
crecimiento de las importaciones que de las exportaciones lo cual se tradujo en
continuos déficits en la balanza comercial. A excepción de 1995 y 1996, donde se
contrajo la economía, se lograron altos superávits, y en 1997 donde sólo se obtuvo un
pequeño superávit, en los demás años hubo déficit. En 2001 y 2002 los déficits en la
balanza comercial fueron de; 9,953.6 y 7,916.2 millones de dólares.
Repercusiones de la Entrada de México al TLCAN
Ventajas:
•
Un mayor incremento de las exportaciones mexicanas, principalmente
manufactureras con una base tecnológica más alta, se convirtió en el elemento
129
más dinámico en el PIB durante la década de los noventa, particularmente
después de la entrada del TLC. Su participación aumentó del 10.7% en 1980 a
14.0% en 1990 y 34.2% en 2002. Las exportaciones pasaron de 40,710.9
millones de dólares en 1990 a 166,454.8 millones de dólares en 2000, año de su
máximo nivel alcanzado En 2002 fueron de 160,762.7 millones de dólares.
Durante el periodo de 1990-2002 crecieron a una tas media de 12.1 por ciento.
• Se diversificaron las exportaciones por producto. Un poco más de 50 productos
constituyen el valor del 80.0% de las exportaciones mexicanas.
• Cuando en la década gran parte eran sólo exportaciones petroleras, y algunos
bienes industriales.Mayor entrada de Inversión Extranjera. A partir de 1994,
con la entrada al TLC, los flujos de capital hacia el país se incrementaron,
principalmente inversión extranjera directa. Entre 1994 y 2002 el promedio
anual del flujo de inversión extranjera fue de 14 mil 558.4 millones de dólares
acumulando en los nueve años que lleva el TLCAN, 131 mil 25.5 millones de
dólares, muy superior a antes del tratado que fue de 23,843.4 millones de
dólares entre 1989-1993.
• Aumento en las tasas de crecimiento de la productividad laboral y del capital.
La productividad de la mano de obra en la industria manufacturera en México
en el período de 1993 a noviembre de 1999 se incrementó en un 38.5%,
mientras que en Estados Unidos en el mismo lapso creció 32.8%. Mientras que
los costos unitarios de la mano de obra en la industria manufacturera bajaron
más que en Estados Unidos. Partiendo de un índice de 1993=100, en México
los costos unitarios se redujeron en un 39.8%, mientras en Estados Unidos lo
hicieron en 10.9%.
• Incremento del empleo en la industria maquiladora. El número de empleos
creados en la industria maquiladora de 1994 a octubre de 2000 fue de
908,600, como resultado de la instalación de nuevas empresas maquiladoras
(se instalaron 1,307 plantas nuevas entre diciembre de 1993 y diciembre de
2001), en particular en las zonas fronterizas y la zona centro del país.
• Cambio en la asignación regional de los recursos productivos. Uno de los
principales efectos que ha tenido la apertura y en particular el Tratado de
Libre Comercio ha sido el incentivo para cambiar la asignación regional de
los recursos productivos y por lo mismo de la actividad económica,
principalmente la de carácter industrial, hacia aquellas regiones que
permiten aprovechar de manera más eficiente las ventajas comparativas que
tienen la economía mexicana.
Desventajas:
•
Las exportaciones mexicanas se encuentran altamente concentradas. Un
pequeño grupo de empresas exportadores nacionales y extranjeras – que varía
de 264 a 312 empresas concentra en promedio el 51.86% de las exportaciones
mexicanas. Un pequeño grupo de empresas extranjeras – que varía de 54 a 78
130
•
•
•
•
•
•
•
•
empresas durante 1993-1998 – aumentó su participación en las exportaciones
totales del 14.36% en 1993 al 19.15% en 1998.
Si se incluyen las exportaciones de maquila. 3,130 empresas representan en
promedio el 41.49% de las exportaciones totales; incluyendo las 312 antes
referidas, suman 3,442 empresas, que dan como resultado el 93.35% del total de
las exportaciones del país. Mientras en promedio el resto de la economía del
país es aproximadamente de 2,100,000 empresas, apenas si participa con el
6.65% de las exportaciones de México en igual período.
Por otro lado, el éxito de México en cuanto a lograr competitividad
internacional ha estado restringido a un solo mercado; América del Norte.
México exporta a Estados Unidos con el 89.0% de sus exportaciones totales e
importa de éste país entre el 60 y 70% de sus importaciones totales.
El dinamismo de la economía dominado por la Inversión extranjera no bastó
para aumentar significativamente la tasa de crecimiento global a largo plazo de
la economía.
Se dio una mayor polarización a nivel sectorial, entre los sectores exportadores
y aquellos que producen para el mercado interno, esta se polarizó cada vez más
debido a la escasa integración de los sectores modernos con los tradicionales.
Sólo un relativamente pequeño grupo de empresas, ramas, sectores y regiones
se ha integrado al proceso de globalización desde al menos la década de los
noventa. Particularmente las micro, pequeñas y medianas empresas han estado
excluida de este proceso; y regional entre los estados del Norte y los del Sur.
Una de las características más reveladoras de las principales empresas
exportadoras extranjeras y nacionales, es su discreta participación en el empleo.
Así en promedio las actividades y empresas que concentran el 93.35% de las
exportaciones – alrededor de 3400 empresas incluyendo a maquiladoras-, sólo
participan con el 5.65% del empleo nacional.
El proceso de industrialización nacional se vio truncado en ciertos casos porque
las empresas transnacionales que buscaban eficiencia recurrieron
principalmente a insumos físicos importados y el mecanismo de producción
compartida con Estados Unidos castiga los insumos mexicanos. Lo que dio
lugar a que no hubiera un efecto de arrastre entre los sectores más dinámicos y
los más atrasados.
Se incrementó el coeficiente de importaciones de la economía de 22.3% en
1994 a 37.5% en 2002
Este mayor dinamismo de los sectores exportadores, y al no tener un efecto de
arrastre sobre los sectores del mercado interno, no creó condiciones para
mejorar los salarios en general, que se vieron afectados aún más con la crisis de
1995, y que apenas en 1998 empiezan un proceso de recuperación muy pequeño
y gradual, que no permite reactivar el mercado interno.
Conclusiones Generales
1. Desde la década de los ochenta un segmento de la economía mexicana ha sido
exitosa en integrarse al proceso de globalización a través de las exportaciones y
131
con altas tasas de crecimiento de la productividad laboral y del capital, entre otras
variables.
2. Este sector ha sido el más dinámico de la economía en términos del PIB desde la
década de los ochenta.
3. Destaca desde la década de los ochenta que la economía y particularmente sus
exportaciones se han concentrado crecientemente a través de comercio e inversión
extranjera con Estados Unidos.
4. De igual forma, sólo un relativamente pequeño grupo de empresas, ramas,
sectores y regiones se ha integrado al proceso de globalización desde al menos la
década de los noventa. Particularmente las micro, pequeñas y medianas empresas
han estado excluidas de este proceso.
5. De igual forma, el mercado doméstico, del que dependen mayoritariamente las
micro, pequeñas y medianas empresas, no se ha recuperado desde la década de los
ochenta en forma significativa.
6. Las manufacturas, el motor exportador de la economía mexicana, han presentado
significativos problemas en su balanza comercial y de cuenta corriente. Destacan,
en general, profundos problemas para generar valor agregado para sus actividades
en general, y particularmente en las actividades exportadoras. Esta organización
industrial limita el proceso de aprendizaje en general de estas actividades, con
importantes impactos en los salarios reales, la generación de empleo y la difusión
tecnológica, entre otros.
7. Desde la década de los ochenta las autoridades responsables han reducido
significativamente los instrumentos y mecanismos de política industrial y de
apoyo a las empresas en general. Una serie de apoyos, particularmente han tenido
efectos positivos. Sin embargo destaca que éstos han sido muy reducidos ante los
enormes retos a los que se enfrenta la estructura productiva del país. El escaso y
prácticamente nulo financiamiento otorgado al sector productivo es una de las
principales limitantes para el sector industrial en su conjunto.
8. Las condiciones anteriores requieren un tratamiento diferenciado del aparato
industrial en México ante su creciente polarización. Así, los retos para las
empresas exportadoras y la maquila debieran orientarse hacia la generación de
encadenamientos y proveedores nacionales. El resto de las empresas, ramas.
Sectores y regiones todavía dependen crucialmente de la demanda efectiva y el
mercado doméstico: su recuperación, la generación de condiciones
macroeconómicas que las beneficien (particularmente financiamiento y
tratamiento fiscal, pero también una serie de costos en los que tuvieran que
incurrir instituciones públicas y privadas a nivel regional y federal).
9. Desde esta perspectiva, es importante que las autoridades encargadas se aperciban
de la creciente complejidad y diversificación del aparato industrial mexicano, lo
132
cual no en términos de la teoría neoclásica esto debería haber aumentado la
intensidad laboral de la producción y el empleo asalariado, los datos señalan la
persistencia de los desafíos que enfrenta la economía mexicana en este plano.
133
LOS EFECTOS DEL TLC EN LA REGIÓN SURESTE
DE MÉXICO
Mtro. Jorge Luis Canché Escamilla*
Introducciòn
Octavio Ianni, en la “Sociedad Global” indica que la globalización es, hoy, el
entretegido creciente de las economías de las naciones industrializadas, por medio del
comercio global y los productos globales. Asimismo, concibe a este proceso como la
historia de la mundialización. En el cual existe un vasto proceso histórico
simultáneamente social, económico, político y cultura, en el que se mueven individuos y
multitudes, pueblos y gobiernos, sociedades y culturas, lenguas y religiones, naciones y
continentes, mares y océanos, formas de los espacios y posibilidades de los tiempos. Al
considerar a la globalización como el sistema capitalista global al igual que George
Soros, señala que, en la esencia de la racionalidad del capitalismo, como modo de
producción material y espiritual, se encuentra su irracionalidad, su negatividad, su
condición de absurdo. De tal forma que se puede hablar de capital y trabajo, centro y
periferia, industrializado y subdesarrollado, dominante y dependiente, pero también se
puede hablar de producción y consumo, empleo y desempleo, abundancia y pauperismo,
integración y fragmentación, masificación y soledad. Enriquece aún más su concepto al
decir que la globalización tiende a desarraigar a las personas las cosas y las ideas. Todo
tiende a desarraigarse: la mercancía, el mercado, la monedad, el capital, la empresa, la
agencia. Poco a poco predomina el espacio global.
Por su parte Ulrich Beck, considera a la globalización como los procesos en virtud
de los cuales los Estados Nacionales soberanos se entrelazan e imbrican mediante actores
transnacionales y sus respectivas probabilidades de poder, orientaciones, identidades y
entramados varios. (1)
Según Ulrich, globalización significa la desnacionalización, es decir erosión, pero
también posible transformación del estado nacional en un estado transnacional. Como se
puede notar, el proceso globalizador es el tránsito de la soberanía nacional en su acepción
tradicional a la regulación de ésta por entidades supranacionales e internacionales. Dicho
proceso, por ahora, es irreversible y quién se mantenga al margen de participar en él,
simplemente se encuentra condenado a su extinción, mientras no se tenga como
alternativas la renacionalización (2) de las economías para enfrentar la globalización.
En el ámbito internacional, la dinámica de la globalización genero cambios súbitos
que incidieron de manera definitiva en las economías de las naciones. A la par de la
*
Profesor Universidad Autónoma de Yucatán, Facultad de Economía, Asociación de Facultades, Escuelas e
Institutos de Economía de América Latina
134
globalización, se fueron formando los bloques comerciales, los cuales consisten en la
formación de comunidades y asociaciones regionales para fomentar el intercambio
comercial. Los objetivos que persiguen son: primero, incrementar los flujos de comercio
entre los países que conforman el bloque; segundo, asegurar los mercados frente al
incremento del creciente proteccionismo que afecta el comercio internacional.
Esta situación fue la que llevo a México a participar en un tratado de libre comercio
(TLC), el cual le permitiese alcanzar las siguientes ventajas:
a. No quedar marginado en los procesos de integración y producción,
b. Acceso permanente de sus exportaciones a los mercados con los cuales
firmara el tratado.
c. Mejorar su capacidad de negociación con otros bloques comerciales.
d. Competir en igualdad de circunstancias con otras regiones; y
e. Elevar la productividad de la economía nacional.
Con la firma del tratado con los Estados Unidos (EU) y Canadá el gobierno de
México esperaba incrementar su nivel de competitividad, generar un clima de
certidumbre para alentar las inversiones, y que esto, a su vez se tradujera en bienestar
social. El interés residía en cada uno de los países firmantes obtendría ventajas de la
negociación, y México reduciría los costos los insumos importados. Además se facilitaría
el acceso a la tecnología adecuada para incrementar la productividad, competitividad y
empleo. Por su parte, EU y Canadá se beneficiarían del incremento comercial de los
recursos naturales, y de la mano de obra barata. Este hecho constituyó el corolario de la
nueva actitud que asumiría el gobierno de México en su relación con EU, pues con la
puesta en marcha de las negociaciones para un TLC, se reconocía abiertamente la
importancia estratégica económica-comercial que EU representaba para México. (3)
Es de considerar que desde el punto de vista geográfico, nuestro país se encuentra
en un sitio privilegiado y estratégicamente importante. Está colocado en un punto
intermedio entre los países asiáticos de la cuenca del Pacífico, los de la Unión Europea y
es la puerta de Alcalá para penetrar en América Latina. Además, en el norte se tiene
como vecino al mercado más grande del mundo y en el sur una oferta abundante de
materias primas y de mano de obra barata. (4).
Lo anterior ha sido referido con la intencionalidad de conceptualizar a la
globalización, al mismo tiempo que se enmarca la postura de México en este proceso y lo
que este esperaba ante tal situación, del cual no podía mantenerse al margen.
A continuación algunos antecedentes del país previos a la firma del TLC, resultados
obtenidos; así como la situación que actualmente guarda desde una perspectiva objetiva.
Misma que ha sido la postura del Colegio de Economistas de México, presentada por su
actual presidente Maestro Oscar Guerra Ford en el Foro Internacional:”El Caribe en el
135
Marco de la integración Regional: Retos Estrategias para una Inserción Participativa”,
actividad realizada en la Republica de Santo Domingo los días 29 y 30 de abril de 2004.
Para que posteriormente abordemos la situación que guarda la Región Sureste de México
en el contexto de la globalización.
136
Antecedentes
México como país
En los años 70, México estaba inmerso en un esquema de crecimiento hacia
adentro, las exportaciones representaron solamente el 5 por ciento del Producto Interno
Bruto (PIB). A partir del gobierno de Miguel de la Madrid (1982-1988), se iniciaron
profundos cambios en la economía, que dieron inicio a una nueva estrategia de
desarrollo, basada en el control de una serie de variables macroeconómicas, así como en
las exportaciones manufactureras privadas. México se comprometió firmemente con la
liberalización económica.
En los últimos años, México llevó a cabo una transición espectacular, de una
economía relativamente cerrada a uno de los países más abiertos del mundo. La
liberalización de las importaciones, la privatización de empresas paraestatales, la mayor
presencia del sector privado y la política de puertas abiertas al capital extranjero, son los
elementos más importantes del nuevo proyecto.
A principios de los años 80, las exportaciones aún estaban concentradas en el
petróleo, que representaba el 77.6 por ciento del total. El 32.4 restante estaba integrado,
en gran medida, por productos primarios con bajo grado de elaboración, como el camarón
congelado y el café crudo en grano. En 1988, la estructura de nuestras exportaciones se
había modificado de manera significativa, ya que las petroleras se habían reducido al 34.6
por ciento y en el 65.4 restante se encontraban productos con un alto valor agregado,
como los provenientes de la industria automotriz.
Desde hace muchos años, el principal receptor de nuestras ventas al exterior es el
mercado estadounidense. En 1982, recibía la mitad de nuestras exportaciones y en 1988
el 65.9 por ciento del total. Mientras tanto, a Canadá le vendíamos tan sólo el 2.8 por
ciento de nuestras exportaciones en 1982 y en 1988 habíamos reducido ese porcentaje, a
tan sólo el 1.35 del total.
En 1982, nuestra relación con los países de América Latina no era mejor, a
Nicaragua, le vendíamos el 0.6 por ciento; a Costa Rica el 0.34, a Colombia el 0.22, a
Chile el 0.05 y a Bolivia el 3.29. En 1988, México había obtenido un incremento
significativo en sus ventas a esas naciones, excepto a Nicaragua, ya que disminuyó
nuestro comercio con ella, casi un 90 por ciento. (5)
Región Sureste de México
La Región Sureste contempla los estados de: Campeche, Chiapas, Quintana Roo,
Tabasco y Yucatán, justamente la región más cercana a Centroamérica y a la Cuenca del
Caribe.
Ante la firma del TLC que era eminente, la discusión en la región sureste surgió en
forma inmediata en los rezagos existentes y las pocas oportunidades que se tenían para
137
insertarse en la dinámica económica que el país estaba pretendiendo con los EU y
Canadá.
Indicando en ese momento, que la región era altamente productora de bienes
primarios y algunas manufacturas, principalmente de orden domestico. Mismas que
encontraban serias trabas para su ingreso al mercado norteamericano, debido a prácticas
proteccionistas como cuotas, controles fitosanitarios excesivos y medidas administrativas
unilaterales. Por lo que se indicaba que casos como el café en Tabasco y Chiapas estaban
regulados por cuotas internacionales para su exportación; algunos productos pesqueros de
la región enfrentaban barreras para salir del país; Yucatán, con una actividad
manufacturera dinámica de prendas textiles tenía que sujetarse a cuotas de exportación
establecidas, Tabasco y Yucatán productores de cemento sufrían de altísimos impuestos
compensatorios; sin descontar que algunos productos hortícolas y frutícolas eran vedados
por cuestiones fitosanitarias. Situación además, que alejaba toda posibilidad de inversión
por parte de nacionales y/o extranjeros. Por otro lado es conveniente también señalar,
que la región por sus características naturales, geográficas, históricas, culturales y en
mucho por el modelo de desarrollo económico aplicado, se constituye en una región que
presenta un atraso social significativo en relación con el resto del país, con mayores
índices de pobreza y marginación. De mortalidad infantil y de analfabetismo, Su
población rural es mucho más importante y, además, se encuentra dispersa en un gran
número de localidades con menores índices de cobertura de servicios básicos.
Ante las políticas de exportación que se habían establecido en el sexenio 19881994, los cinco estados que conforman la zona sureste del país empezaron a tener cierto
dinamismo en la actividad exportadora. Dando lugar, a tener cierto optimismo, por lo que
se aseguraba que de tener la seguridad de disponer de un mayor mercado, este podría ser
un enorme aliciente para el esfuerzo exportador regional.
A todo esto había que decir, que la Península Yucateca, se encuentra localizada en
una posición estratégica para el intercambio comercial con Norteamérica en su parte
oriental. Por lo que dicha ubicación sería un estímulo importante para la localización
industrial. Dado a que en virtud de una nueva división regional del trabajo, la zona se
vería favorecida por la relocalización industrial, con sus efectos multiplicadores, es decir,
dado que el tratado comercial contempla la liberalización del intercambio de bienes y
servicios y flujos de inversión, la estratégica posición geográfica incentivará el flujo de
capitales hacia el área, así como un mayor flujo de tecnología.
La apertura Comercial y el TLC
En la década de los 90 se inicia la firma de acuerdos y tratados comerciales: de
Libre Comercio (TLC) con Estados Unidos y Canadá; así como con algunos con países
de América Latina y recientemente, los suscritos con Israel y con la Unión Europea. Lo
anterior ha permitido el ingreso de nuestro país a nuevos mercados y propiciado el
incremento de nuestras ventas al exterior, lo que ha redundado, de manera significativa,
138
en el crecimiento de nuestro comercio exterior y convertido a México en el país
latinoamericano que tiene el mayor número de acuerdos comerciales firmados. Para
México, estos 22 años han significado un cambio radical en su intercambio comercial: de
una política proteccionista de su mercado interno, dio paso a una política de intensa
apertura al exterior.
El Tratado de Libre Comercio (TLC), que entró en vigor en 1994 significó para
nuestro país, pasar a formar parte de uno de los mercados más grandes del mundo. Ello
propició que de 1994 a 2002 las exportaciones hacia Estados Unidos crecieran 177.1 por
ciento. Aunque en 2001, se redujeron en 5.0 por ciento, y en 2002 crecieron 2.0 por
ciento.
En términos generales el TLC ha sido exitoso -incluso mucho más de lo estimado,
pero solamente para el capital financiero internacional y para un sector de la economía
mexicana.
El TLC ha sido fundamental para la nueva dinámica exportadora de México y para
el creciente grado de integración de la economía mexicana a la estadounidense. El TLC
es parte de la estrategia económica neoliberal y que existen tendencias, macroeconómicas
y sectoriales suficientes, para presentar conclusiones preliminares sobre sus efectos en la
economía mexicana, a casi diez años de su entrada en vigor. Sin que esto quiera decir que
ha sido un proyecto totalmente exitoso.
Apertura y Crecimiento Económico
El crecimiento de la economía mexicana de los últimos años se explica
fundamentalmente por el dinamismo registrado en el comercio exterior en 1997 este
representó el 54.9% del PIB en tanto que para 2002 alcanzó 71.7%; las exportaciones han
duplicado su importancia dentro del PIB, pasando de 14 % en 1990 al 34.2 % en 2002,
aunque su mayor nivel lo alcanzo en 2000 con el 35.2%. El sector manufacturero de
México representa el catalizador del crecimiento económico. Su crecimiento ha estado
fuertemente asociado a su capacidad para competir en los mercados internacionales.
La apertura comercial frente a la competitividad mundial ciertamente es una
tendencia irreversible. Pero la estrategia no puede ser solamente una adaptación sin más
al mercado mundial. Tiene que existir un proyecto nacional de desarrollo que tenga como
fundamento el crecimiento de la industria interna, la ampliación del mercado interno, la
elevación del poder adquisitivo del salario y un mayor control del flujo de los capitales
externos.
En México, el nivel de los subempleados llega a 35% de la PEA, consecuencia de
un salario formal que es de 3 dólares por 8 horas de trabajo diario, cuando las
necesidades de una familia promedio, según las organizaciones laborales, son de por lo
menos unos 10 dólares diarios para la mínima supervivencia. La economía informal y la
migración de mexicanos a Estados Unidos han sido la válvula de escape ante la falta de
139
empleos. En tanto que en la región sureste se considera que un 70% de la población
percibe entre 1 y 2 salarios mínimos.
Características Principales de los Efectos del TLC en la Economía Mexicana
Tal como se ha mencionado, en los últimos años nuestro país ha tenido como una
de sus características principales un crecimiento acelerado de su sector exportador.
Dando lugar a que el país se coloque dentro de un selecto grupo de países que pueden
hablar de que sus ventas de bienes y servicios rebasan los 100 mil millones de dólares
llegando en 2002 a los 161 mil millones de dólares
Durante el periodo 1991-2000 el crecimiento de las exportaciones presentó una tasa
de crecimiento media anual de 16.3% destacando dentro de estas las correspondientes al
sector de las manufacturas las cuales crecieron a una tasa de 18.5% para el mismo
periodo, y que representan para el año 2002 el 88.3% del total de las exportaciones.
Dentro de las exportaciones destacan las que realizan las empresas maquiladoras las
cuales absorben el 48.6% del total de las exportaciones y el 55.0% de las que
corresponden a la manufactura, con una tasa de crecimiento en el último año de 1.6% Por
su parte las exportaciones no maquiladoras crecieron 1.4%:
Por otro lado, tenemos un incremento de las exportaciones agropecuarias de 6.6 por
ciento entre 1991-2000 y en las extractivas una caída de 0.5 por ciento en el mismo lapso.
Estas exportaciones en el total para el año 2002 participaron con el 2.4% y un 0.24%
respectivamente.
Por su parte, las importaciones totales en la década de los noventa, registraron una
tasa media anual de crecimiento del 14.6%, las importaciones de maquiladoras lo
hicieron en un 19.3, mientras que el resto de las importaciones lo hizo en un 12.7%. En
2000 presentaron una fuerte dinámica, pero a partir de 2001 registran un menor
dinamismo, en ese año se reducen 3.5 por ciento y en 2002 sólo aumentan 0.2 por ciento.
(6)
Repercusiones del TLC en la Región Sureste de México.
Como se ha visto, las exportaciones mexicanas se encuentran altamente concentradas
-un pequeño grupo de empresas exportadores nacionales y extranjeras, que varía de 264 a
312 empresas concentra en promedio el 51.86% de las exportaciones mexicanas-.
Si se incluyen las exportaciones de maquila, 3,130 empresas representan en
promedio el 41.49% de las exportaciones totales; si se incluye las 312 antes referidas,
estas suman 3,442 empresas, que dan como resultado el 93.35% del total de las
140
exportaciones del país. El resto de la economía del país lo conforman aproximadamente 2
millones 100,000 empresas, quienes apenas participan con el 6.65% de las exportaciones
de México en el mismo período.
La situación anterior dio lugar a una gran polarización a nivel sectorial, entre los
exportadores y aquellos que producen para el mercado interno, acentuándose cada vez
más debido a la escasa integración de los sectores modernos con los tradicionales.
Ciertamente, sólo un relativamente pequeño grupo de empresas, ramas, sectores y
regiones se ha integrado al proceso de globalización la cual se intensifico en la década de
los noventa. Cabe decir que en este proceso, las micro, pequeñas y medianas empresas
han estado excluidas.
Ya desde tiempo atrás, se ha indicado la disparidad existente entre las regiones y ha
sido a partir de la firma del tratado en el que se ha insistido en señalar la existencia de los
tres Méxicos referidos.
Todo lo anterior, ha sido mencionado con la intención de tener un panorama de la
economía del país, para luego, hacer referencia a la Región Sureste de México (RS) en
forma específica conformada por los estados de: Campeche, Chiapas. Tabasco, Quintana
Roo y Yucatán.
Situación actual de la Región Sureste
Es en los análisis de los índices de pobreza, donde se muestra claramente la
existencia de los tres Méxicos. El dinámico, el que esta en vías hacia su pleno desarrollo
y el de la RS, que sigue sumergido en el estancamiento y el atraso.
La RS alberga al 9% de la población nacional y a un alto porcentaje de la población
indígena, pero cabe decir, que solamente genera 6.6% del PIB nacional. Los índices de
pobreza tales como de mortalidad infantil, analfabetismo, porcentaje de población en
localidades aisladas, población en localidades con alta y muy alta marginación muestran
un fuerte contraste con respecto a los valores registrados en las entidades más
desarrolladas del país. Estas diferencias subrayan el fuerte rezago del desarrollo
socioeconómico del Sureste mexicano con respecto a las regiones del Centro y Norte del
país.
Las causas
Este rezago tiene causas históricas y estructurales. La región se incorporó en forma
tardía al desarrollo nacional. La inversión realizada por el Gobierno Federal en materia de
infraestructura básica en Sureste ha sido mucho menor y ha llegado más tarde que en las
otras regiones. Cabe recordar, a modo de ejemplo, que hacia mediados de los años
cincuenta del Siglo Veinte se integró el Sureste hacia el centro del país mediante carretera
y ferrocarril. Hasta entonces la única vía de transporte era el cabotaje.
141
Cuando la región adquirió hacia los años setenta una mayor prioridad nacional, las
políticas puestas en práctica por el Gobierno Federal, basadas en grandes obras de
infraestructura hidroagrícola, en la explotación del potencial energético y en la creación
de grandes polos de desarrollo, con fuertes impactos focalizados, causaron distorsiones
en el tejido social de la región y tuvieron efectos ambientales severos.
Los nuevos riesgos asociados a la globalización
El rezago del Sureste, lejos de aminorarse en forma espontánea con la apertura
económica y la incorporación del país a las dinámicas de la economía global, pudiera
agravarse en esta nueva etapa de desarrollo. En el nivel internacional se reconoce cada
vez más que el desarrollo basado en la liberalización económica y la globalización es, por
su propia naturaleza, social y territorialmente excluyente. Así, por ejemplo, en Europa se
reconoce el riesgo de un crecimiento a dos velocidades de las regiones, según se integren
o no a la economía global y se pongan en práctica políticas e instrumentos de apoyo a la
incorporación de las regiones rezagadas. Este nuevo riesgo de una marginación
progresiva es particularmente severo en el caso del Sureste de México y requiere de
políticas de desarrollo regional fuertes y proactivas para contrarrestarlo.
Conclusiones
Es innegable el desarrollo económico y social alcanzado por México. Como
tampoco puede negarse que en su interior existen grandes disparidades entre regiones.
Disparidades que han sido alimentadas por muchas causas. Pero sobre todo, por una
aplicación de políticas públicas que se han caracterizado por ser inequitativas. La RS de
la República Mexicana, integrada por los estados de: Campeche, Chiapas, Tabasco,
Quintana Roo y Yucatán, muestra un serio rezago en su desarrollo socioeconómico con
respecto a las regiones del Centro y Norte del país. Las condiciones de marginación y
pobreza que prevalecen en dicha región son endémicas y se deben a un tejido histórico
complejo de factores de muy diversa naturaleza, que incluye la aplicación en el pasado de
políticas públicas desiguales.
Con el tiempo, las brechas entre el Sureste y el resto del país se han
ampliado,haciéndose ello más notorio si se descuentan los efectos económicos positivos
que las actividades de petroleras (Campeche y Tabasco) han tenido en dicha región. Sus
problemas económicos y sociales son estructurales y no producto de una situación de
coyuntura. El Gobierno Federal ha reiterado que una de sus prioridades es lograr un
mayor desarrollo humano y un cambio estructural económico en la RS del país. Ello
requiere de un programa integral, que responda además a una visión de largo plazo.
En la región Sur-Sureste habita un alto porcentaje de la población indígena del país,
que representa un significativo porcentaje de su población total. El grado de marginación
142
de los indígenas es de lo más preocupante, tanto que ha llamado la atención de
organismos internacionales quienes han sugerido sutilmente, brindarles una atención de
orden prioritario; así como el establecimiento de una política social efectiva. A pesar de
su marginación económica, social y política, y de la discriminación que han sufrido, los
pueblos indígenas han sabido mantener vivas sus usos y costumbres y sus lenguas. Sin
duda los pueblos indígenas representan una gran fuente de riqueza cultural y merecen el
respeto de sus derechos y tradiciones. Sin embargo, es urgente su incorporación a
mejores niveles de bienestar.
Notas :
1.- Urich Beck, ¿Qué es la globalización? Falacias del globalismo, respuestas a la
globalización. Paídos, España. 1998
2.- El término “renacionalización” de la economía, se utiliza en el sentido de que los
gobiernos deben apropiarse nuevamente de la industria nacional estratégica que se ha
privatizado en manos de extranjeros, además de apoyar y proteger el capital nacional para
que éste se desarrolle. Este proceso tendrá éxito y beneficiaría a la mayoría de la
población, si se realiza mediante controles modernos considerando que el capital se
mueve modernamente; es decir, para economías modernas, políticas modernas y
tecnología moderna. Este concepto es utilizado por el economista Saúl Osorio,
investigador del Instituto de Investigaciones Económicas de la UNAM. (Anotación de
María Eugenia Papua en México en el Umbral del Siglo XXI. Los efectos de la
globalización, Fontamara, 1999)
3.-Remedios Gómez Arnau, El TLC y su impacto en la relación diplomática bilaterales
Bárbara Drissell y Mónica C. Gambril Editores.
4.- María Eugenia Papua en México en el Umbral del Siglo XXI. Los efectos de la
globalización, Fontamara, 1999
5.- Oscar Guerra Ford, La Experiencia Mexicana en el TLCAN. Una Lección para
América Latina (ponencia presentada en Quito, Ecuador. 2003).
6.- Oscar Guerra, op.cit.
143
BIBLIOGRAFÍA
1.- Antonio Zamora García. Alcances del Acuerdo del Libre Comercio Norteamericano
en la Región Sureste Mexicana. Ensayo, FEUADY. Yucatán, México, 1992.
2.- George Soros, La crisis del capitalismo global, la sociedad abierta en peligro, Plaza
Janes, México1999.
3.- María Eugenia Papua en México en el Umbral del Siglo XXI. Los efectos de la
globalización, Fontamara, 1999
4.- Oscar Guerra Ford, La Experiencia Mexicana en el TLCAN. Una Lección para
América Latina (ponencia presentada en Quito, Ecuador. 2003)
5.- Productividad y Operación S.A. Consultores, Impactos del TLCN en el sector
agropecuario de México, 2002.
6- Rodolfo Canto Saénz, El desarrollo en el sureste mexicano (ponencia presentada en
Yucatán en el VIII Congreso Estudiantil de la Región Sureste, 2003).
7.- Urich Beck, ¿Qué es la globalización? Falacias del globalismo, respuestas a la
globalización. Paídos, España. 1998
144
EL NUEVO ESCENARIO DE HIDROCARBUROS EN BOLIVIA Y
SU INSERCIÓN EN LA GLOBALIZACIÓN
Mtro. Mario Murillo Oporto285
Introducción
Hoy día, que en nuestro entorno se formulan y dan los procesos de integración y de la
globalización, se analizan permanentemente los resultados de estos dos sistemas. Se
discuten en todos los ámbitos de la sociedad, los pros y contras, los beneficios y sus
desventajas. La incidencia de estos procesos en los países desarrollados y
subdesarrollados, aquellos que producen solamente materias primas comparativamente
con los países industrializados. Es mucho lo discutido y analizado sobre estos dos
sistemas, y como se trata de algo que está vigente, que nos atinge a todos y estamos
experimentando sus consecuencias, se continuará estudiando y procurando realizar
ajustes encaminados a lograr el beneficio esperado en todos sus aspectos. Directa o
indirectamente todos estamos involucrados en estos dos procesos, primero como
componentes o actores y segundo por los efectos directos de que somos objeto.
Los criterios de integración y globalización, pareciera que son interpretados como que
persiguen el objetivo de lograr una “integración global” y una “globalización global”.
Global en el sentido de cubrirlo a la vez en todos sus aspectos. Estos procesos considero
que podrían alcanzar mejores resultados, si se caminara de dentro para afuera, de las
partes al todo; quiero decir, empezar por resolver localmente los problemas económicos,
estructurales, sociales etcétera, para así participar en los procesos de integración y
globalización con mayor peso, y no ser absorbidos solamente por los criterios de las
grandes potencias, particularmente económicas. Es natural, cada quien participa con lo
que cuenta, sean éstos recursos naturales, tecnológicos, industriales, intelectuales, etc.
Una de las inquietudes más relevantes y de mucha preocupación, como se sabe, es la
producción energética. La demanda cada vez más creciente de energía, requiere de
realizar esfuerzos para hallar nuevas fuentes que pueden ser renovables o no renovables.
Se habla de encontrar, por ejemplo, sustitutos del petróleo crudo (cuyo costo por barril en
este momento es de US $46) y que puede ser el gas natural licuable (GNL). Felizmente
existen en el mundo reservas suficientes a ser utilizadas en el futuro.
Me permito transcribir una parte de lo publicado por la revista “Foreing Affairs”: “El
mercado global emergente del gas natural tiene el potencial para satisfacer la creciente
demanda mundial de energía eléctrica. Las reservas estadounidenses de gas disminuyen,
pero en otros lugares hay vastos recursos aún no explotados que son más accesibles ahora
que el gas puede licuarse, transportarse y utilizarse con eficiencia”. Y los autores
eligieron el siguiente epílogo: “ El negocio del gas natural está en el umbral de un cambio
profundo; listo para volverse global y adoptar un modelo de mercado más flexible...
285
Docente de la Facultad de Ciencias Económicas y Financieras. Carrera de Economía. Universidad
Mayor de San Andrés. La Paz-Bolivia. E-mail: [email protected]
145
Existe una urgencia cada vez mayor de hacer inversiones de corto plazo en GNL, con el
propósito de evitar trastornos más serios en los mercados del gas en las economías en los
próximos años de esta década”. La tecnología está mejorando y abaratándose para el gas
natural licuado.
Se analizará entonces, el caso particular de la producción hidrocarburífera en Bolivia.
Quedará establecida la hipótesis que el país quede insertado en la globalización en este
campo, pero con vistas a lograr beneficios, inclusive de valor agregado y que no ocurra
como en el pasado, ser un simple exportador de materias primas no renovables.
Cabe la esperanza, que lo propuesto sea un tema de debate para una solución adecuada y
que pueda asemejarse a la situación de otros países en analogía a otros recursos.
1. SITUACIÓN DE LA INDUSTRIA PETROLERA ANTES DE LA
CAPITALIZACIÓN
1.1 Antecedentes
Para realizar un análisis sobre la situación actual de los hidrocarburos en Bolivia, de
cómo en este campo va quedando inserta en los procesos de integración regional y así
también en la globalización, considero necesario mencionar algunos antecedentes
previos.
La articulación de Bolivia en el mercado internacional, antes y después de su
independencia, se sustentó en la exportación de materias primas. Esta forma de
articulación fue la base de la dinámica económica, política y social interna. Así, la fuente
principal de los aportes al Tesoro General de la Nación (TGN), fue a través de la
conformación del sector de propietarios de los recursos naturales y de los sectores
dependientes de esta actividad.
Los ciclos económicos y políticos de corto y largo plazo, se dieron por los excedentes
vinculados a los recursos naturales. Esos excedentes fueron resultantes de la minería, la
agricultura o el petróleo; y ahora provienen, sobre todo, de la exportación del gas natural.
La principal característica económica del país fue el intercambio de materias primas
sobre la base de la demanda internacional. Los volúmenes de producción y de
exportación, así como los precios de esas materias primas, son establecidos por los
grandes consorcios transnacionales, hecho que excluye a los países productores de
materias primas de la determinación, especialmente de los precios.
Bajo este modelo, se estableció un grupo empresarial con mentalidad extractiva, incapaz
de construir un aparato productivo diferente que genere productos con valor agregado.
Hoy, inclusive, se puede afirmar que no existe en el país un verdadero liderazgo
empresarial con visión de largo plazo.
La fuerte dependencia tributaria del TGN respecto de los excedentes de las materias
primas, constituyó la fuente principal de captación de recursos, que lamentablemente fue
146
utilizada para fines que no contribuyeron al mejoramiento de las condiciones productivas
y sociales del país.
Son muchos los factores que pueden señalarse del por qué el país no logró constituir un
Estado de liderazgo social con previsiones hacia el futuro y con la capacidad de destinar
o utilizar los excedentes para crear una riqueza renovable que permita el
autosostenimiento del desarrollo económico, social y cultural en el largo plazo y a la vez
sostenible.
1.2 YPFB y el control de la cadena de la industria petrolera
Analizando el caso particular de los hidrocarburos, en diciembre del año 1936 se funda
Yacimientos Petrolíferos Fiscales Bolivianos (YPFB), con funciones de control de la
cadena de la industria petrolera, consistente en la exploración y explotación, refinación e
industrialización, transporte, almacenaje y la exportación (Gráfico, Anexo 1.) Este
proceso, bajo la dependencia del Estado Nacional y administrado por YPFB duró un
período de 60 años, ya que en el mes de marzo de 1994 se promulga y aplica la Ley de
Capitalización y en abril de 1996 la Ley de Hidrocarburos Nº 1689.
Antes del proceso de capitalización, la empresa estatal YPFB, suscribía con las empresas
extranjeras –también llamadas “Contratistas”- Contratos de Operación o Asociación para
la fase de exploración y explotación por un tiempo máximo de 30 años, considerando –
sobre todo- que las reservas de gas natural eran de propiedad del Estado, respetando los
principios de la Constitución Política del Estado. Se determinaba una participación del
50% de la producción y también de los excedentes hidrocarburíferos entre YPFB y las
empresas contratistas. La comercialización y transporte de líquidos y gas eran
atribuciones de YPFB, quién determinaba los términos de comercialización; un ejemplo
claro de esto, es la exportación de gas a la Argentina.
1.3 Transferencia de excedentes de YPFB al TGN
Debido a la hiperinflación imperante a inicios de la década de los 80, se aplicó una
política de estabilización, recurriendo sobre todo, a los ingresos de YPFB obligándole
una transferencia del 65% (independiente del 7% de regalías). Esta forma de financiar el
gasto público y resolver también la evasión impositiva, inicialmente se la consideró como
eventual. Transferencia que se constituyó en el principal soporte para el Tesoro General
de la Nación (TGN) durante 12 años. (Cuadro, Anexo 2).
La repercusión de lo anterior, en la principal empresa estatal, fue dramática, YPFB no
tuvo posibilidades de destinar recursos financieros para las diferentes actividades
petroleras, en especial para la exploración de nuevos yacimientos, explotación de los
existentes y mejora de los procesos de transporte y comercialización.
Entre 1985 y 1996, YPFB transfirió al TGN la suma de 3.812.6 millones de dólares
americanos, mas del doble de la suma comprometida por el proceso de Capitalización,
147
que en cifras globales, ascendió a 1.700 millones de $us. Hasta el año 2000, YPFB
transfirió 4.270.9 millones de $us. al TGN.
Las cifras anteriores dan una idea exacta de la descapitalización que sufrió YPFB a partir
de agosto de 1985. Está, pues claro, que si en lugar de haberse hecho dichas
transferencias, se hubiera utilizado para los procesos de exploración, mejoras de
transportes y otros, la situación de YPFB hubiera sido cualitativamente diferente.
1.4 Inversiones en Exploración y Explotación
El desmoronamiento económico de YPFB, es uno de los altos costos que pagó el país por
el proceso de estabilización financiera (época de la hiperinflación). A pesar de ello, la
empresa estatal todavía tuvo posibilidades para descubrir pozos petroleros como los de
San Antonio y San Alberto (Departamento de Tarija), que más tarde tendrán una
importancia trascendental, como los reservorios más significativos de gas natural.
(Cuadro, Anexo 3).
1.5 Exportación de gas a la Argentina
No obstante, del ritmo de descapitalización de YPFB, éste mantuvo los compromisos de
los contratos de venta de gas natural a la Argentina desde 1972 hasta 1999. En estos 27
años, Bolivia exportó a la Argentina gas natural por un valor de 4.562.40 millones de $us.
La mayor parte de estos recursos también se dedicó a cubrir los gastos corrientes del
TGN y al pago de la deuda externa, no contribuyendo al mejoramiento de las condiciones
productivas del país ni al bienestar de la población.
Lo indicado anteriormente, en la práctica fue el primer escenario o fase de la situación de
la industria petrolera antes de la Capitalización, donde ni los gobiernos ni los empresarios
nacionales lograron definir estrategias que le permitieran país articularse a la economía
relacionada con este hidrocarburo.
Este balance negativo de la primera experiencia exportadora de gas natural, como fue a la
Argentina, exigía la definición de nuevas estrategias congruentes a los intereses de las
regiones productivas, de manera que los contratos de exportación a realizarse con el
Brasil, no de lugar a que se repita un cuadro como el que se vio; entonces, fue imperiosa
una reforma institucional para aprobar nuevas normas legales y los derechos de
propiedad, en particular en el sector hidrocarburífero.
148
2 REFORMA INSTITUCIONAL: APROBACIÓN DE NUEVAS
NORMAS LEGALES Y LOS DERECHOS DE PROPIEDAD.
Ingresando a una segunda etapa, se presentó la hipótesis que la nueva institucionalidad
erigida bajo el concepto de los derechos de propiedad, significó la privatización del
excedente económico, materializado en el petróleo y el gas natural, beneficiando a las
empresas transnacionales en detrimento de los intereses de la sociedad boliviana.
2.1
El neoinstitucionalismo y los derechos de propiedad
Desde 1985 se promulgaron y se pusieron en vigencia una serie de disposiciones legales
(que implicaron la actualización del marco jurídico nacional) en función de las
necesidades y de los objetivos del neoliberalismo, en particular de la privatización, la
suscripción de acuerdos con organismo multilaterales como el Banco Mundial (BM), el
Fondo Monetario Internacional (FMI), el Banco Internacional del Desarrollo (BID) y la
Corporación Andina de Fomento (CAF).
Lo anterior, bajo la premisa clásica, de que las empresas estatales son ineficientes y que
disminuyen el Presupuesto General de la Nación (PGN). Fundamentando, que el PGN
estaba hecho para transferir recursos que permitieran cubrir el supuesto déficit recurrente
de las empresas estatales, incluyendo a YPFB. Sin embargo, en el caso particular de
YPFB, la realidad era otra, ya que fue la empresa estatal más eficiente y generadora de
excedentes económicos que constituían la fuente principal del presupuesto nacional
(como ya se dijo, transfería 65% al TGN y 7% a regalías).
Así, se diseñaron, aprobaron e implementaron nuevas reglas del juego, y se incorporaron
nuevas organizaciones o actores, en especial las empresas transnacionales. Se erigió una
nueva institucionalidad cuyo objetivo central estaba orientada a una economía de libre
mercado. También reformas estructurales que se asociaron con los derechos de propiedad
a favor de las empresas transnacionales, en actividades relacionadas con
telecomunicaciones, transporte, etcétera, incluida la actividad del petróleo.
Esta primera Ley, felizmente guardaba estrecha relación con la Constitución Política del
Estado, que afirma en su parte central: “Los yacimientos de hidrocarburos, cualquiera que
sea el estado en que se encuentren o forma que se presenten, son de dominio directo,
ineludible e imprescriptible del Estado. Ninguna concesión o contrato podrá conferir la
propiedad de los yacimientos de hidrocarburos.
La exploración, explotación,
comercialización y transporte de los hidrocarburos y sus derivados, corresponden al
Estado...”. A saber, la Ley establecía claramente el principio fundamental de los
derechos de propiedad de los recursos hidrocarburíferos: “son de dominio exclusivo del
Estado boliviano”.
149
2.2
Contratos de Operación y de Asociación
Entonces, se determinaron los contratos de Operación y de Asociación, cuyo detalle de
las normas y aplicaciones no describiremos por la extensión de éstos. Sin embargo, cabe
destacar que la principal conclusión que se extrae de la Ley de Hidrocarburos Nº 1194,
vigente hasta 1996, es que en ella queda explícitamente establecido que el Estado
boliviano mantiene los derechos de propiedades sobre los recursos hidrocarburíferos.
Respecto de los contratos de operación y de asociación, debe señalarse que arrojaron
resultados significativos. Permitieron, por una parte, el ingreso de empresas petroleras
extranjeras de diverso origen, en especial de Estados Unidos y de Brasil. El proceso dio
lugar al descubrimiento de varios campos de yacimientos, entre ellos, los de San Alberto
y San Antonio (que ya se mencionó), y que actualmente son los principales reservorios de
gas natural. La empresa brasileña Petrobras, presente en Bolivia por un Contrato de
Operación suscrito con YPFB, ejerce hoy los derechos de propiedad sobre estos
importantes campos.
2.3 Los Derechos de Propiedad y la Nueva Institucionalidad
La Inversión Extranjera Directa:
A partir de la década de los 80, debido a la globalización y al papel protagónico que
asumen las empresas transnacionales en este proceso, se levantan las restricciones y
normas legales de carácter nacional a fin de permitir a las empresas extranjeras acceder a
sectores importantes, entre ellos, de recursos naturales y de servicios.
Dada la ola privatizadora que se da en América Latina en los mencionados años 80, las
empresas transnacionales se asentaron en varios sectores estratégicos de la economía en
la región.
Desde mediados de los años 80, simultáneamente a la aplicación del Programa de Ajuste
estructural, en Bolivia se promulgó una serie de disposiciones legales orientadas a
facilitar el ingreso de la Inversión Extranjera Directa (IED). Lo propio ocurrió en los
países que integran la Comunidad Andina de Naciones (CAN). Como resultado de estas
decisiones, en el primer quinquenio de los años 90, la presencia de la inversión extranjera
era notoria y de significativa importancia.
En el campo hidrocarburífero, los gobiernos de Jaime Paz Zamora (1989-1993) y de
Gonzalo Sánchez de Lozada (1993-1997), crearon las condiciones favorables para el
ingreso de la IED, expresadas en la Ley de Inversión, Ley de Capitalización, Ley de
Hidrocarburos, modificaciones en el sistema tributario y la comercialización.
Entre los aspectos más relevantes de la Ley de Inversión, está el libre movimiento de
capitales que consiste en la plena libertad para la remisión de utilidades, dividendos e
150
intereses; así también, se establece la libre convertibilidad de la moneda y la dolarización
del sistema económico nacional.
2.4 Estrategia de Capitalización de YPFB (1995-1996)
Con la Ley de Capitalización, en el caso específico de la industria petrolera, se inicia el
proceso de fraccionamiento de la cadena productiva de hidrocarburos. Este proceso
permite la entrega de las actividades de exploración, explotación (producción) y
transporte a empresas extranjeras. La capitalización de YPFB consistió en la creación de
tres unidades: dos unidades de exploración (Chaco y Andina) y la unidad de transporte
(Transredes). (Cuadro, Anexo 4).
Se observa pues, que en el futuro, la IED en Bolivia estará fuertemente sujeta a la
proveniente de Estados Unidos y de los países latinoamericanos limítrofes. Se destaca
también que el tipo de inversiones realizadas no garantiza un cambio cualitativo del
sistema de la producción y la exportación que ha caracterizado la historia económica de
nuestro país. Se observa que continuará profundizándose de las bases de competitividad
"falsa", es decir, el aprovechamiento simultáneo de la explotación de recursos naturales y
la baratura de la fuerza de trabajo. Puede así que se repitan los viejos moldes del pasado
si los gobiernos mantienen una actitud pasiva respecto de la inversión extranjera. Se debe
diseñar e implementar una Estrategia de Desarrollo que, a partir de la explotación de los
recursos naturales se asigne a la IED el compromiso de colocar al mercado interno o
externo productos que incorporen valor agregado. Al no ocurrir esto, ratificaría que este
nuevo modelo de desarrollo -el de la globalización o mundialización de la economía- se
basa, como los modelos del pasado supuestamente superados, solamente en la
explotación y producción de recursos naturales, característica de la mayoría de los países
de América Latina.
2.5 Ley de Hidrocarburos Nº 1689
En el mes de abril de 1996, el gobierno de Gonzalo Sánchez de Lozada promulgó la Ley
de Hidrocarburos Nº 1689, que a diferencia de la Ley anterior (gestión de Jaime Paz
Zamora), introduce variantes que dejan a YPFB excluido de algunas fases de la cadena
hidrocarburífera. De manera que las actividades que antes desarrollaba YPFB pasan a
manos de otras empresas, generalmente extranjeras. Se faculta al "Titular", es decir, a las
empresas petroleras, mediante el Contrato, adquirir el derecho de propiedad de la
producción en "Boca de Pozo". Con esta decisión, el primer gobierno de Sánchez de
Lozada, entregó la propiedad de los recursos hidrocarburíferos de Bolivia a favor de las
empresas transnacionales.
De esta manera se llegó a la contradicción con lo establecido por la Constitución Política
del Estado, haciendo que ahora el Estado es solamente propietario de las reservas de gas
natural mientras estas reservas se encuentran bajo tierra.
Sin entrar en detalle, en términos concretos, la citada Ley y los Decretos permiten la
apropiación del excedente hidrocarburífero a las empresas petroleras condenando al
Estado a percibir únicamente los beneficios que provienen de los impuestos y tributos.
151
En América Latina, sólo Bolivia, Argentina y Perú optaron por un esquema de propiedad
hidrocarburífera totalmente privada y transnacionalizada. Otros países petroleros
-Ecuador, México, Venezuela y Brasil- decidieron mantener la propiedad bajo la tutela
del Estado, con ajustes empresariales importantes para enfrentar los retos de la
competencia internacional. Por supuesto, las condiciones actuales para estos países son
más favorables que para los tres primeros citados, pues se benefician también hoy mismo
de la monetización de sus reservas de gas y petróleo.
Para finalizar, lo visto en las dos primeras fases, considero que sirve para despertar la
inquietud de saber el destino en adelante de los hidrocarburos en Bolivia.
Ahora, vale la pena mencionar la nueva situación política que surgió en el país desde el
mes de octubre de 2003. La reforma institucional del sector hidrocarburos aplicada en el
primer gobierno de Sánchez de Lozada, ha quedado en entredicho. Esto y otras
circunstancias dieron lugar a un cambio de gobernante. Carlos Mesa Gisbert asumió la
Presidencia de la República con la promesa de modificar la actual Ley de Hidrocarburos
convocando previamente a un "Referéndum Vinculante" sobre el destino de las reservas
de gas natural. El resultado que arroje el Referéndum será prácticamente determinante
para las modificaciones o la determinación de una nueva Ley de Hidrocarburos. Más
adelante, se analizará este punto ya que se conocen los resultados del referéndum.
Se pueden señalar 3 etapas trascendentes y claramente definidas del desarrollo
hidrocarburífero en el país, las dos primeras de lo acontecido y una tercera actual de
incertidumbre. La primera antes de la privatización de YPFB, la segunda desde la
privatización hasta la situación política surgida en el país en octubre del 2003, y la tercera
desde esta fecha hasta nuestros días donde se vislumbran grandes cambios en la
Economía del país en todos sus aspectos y en particular, el futuro promisorio de los
hidrocarburos dentro de la integración regional y su inserción en la globalización.
3
NUEVO ESCENARIO DEL SECTOR HIDROCARBUROS
Se analizarán someramente los resultados técnicos de la capitalización y privatización de
la industria petrolera nacional, la incidencia de este proceso en materia de reservas
hidrocarburíferas y el futuro potencial de éstas.
3.1 Inversión en Exploración y Explotación
Desde el inicio de la Capitalización y la Ley de Hidrocarburos Nº 1689, proliferaron los
contratos de Riesgo Compartido entre YPFB y las empresas petroleras extranjeras, para
las fases de exploración, y explotación. Así, hasta diciembre del 2002 se suscribieron 79
Contratos. (Cuadro, Anexo 5).
Entre 1997 y 2002 se invirtieron 2.932.63 millones de dólares americanos. (Cuadro,
Anexo 6), a un promedio anual de 489 millones de dólares americanos. El resultado
obtenido, en el ámbito de la exploración, es el descubrimiento de significativas reservas
152
de gas natural, en especial aquellas encontradas en los campos San Alberto y San
Antonio (como ya se mencionó), en poder de la brasileña Petrobras, pero que se asegura
que esos campos fueron descubiertos por YPFB antes de la Capitalización.
De no haberse dado la figura mencionada de las transferencias de los recursos de YPFB
al TGN, la situación estatal petrolera hubiera sido cualitativamente diferente, hubiera
contado con una suma promedio anual de 413 millones de dólares para inversiones de
exploración y explotación.
Nota.Lo de Sánchez de Lozada fue de carácter político, desembocando en la
entrega de la riqueza gasífera a empresas transnacionales. También jugó un rol
importante, las presiones de organismos multilaterales y los intereses de las empresas
extranjeras.
En el marco de la Capitalización, sólo tres empresas tienen la obligación de entregar el
50% de sus ganancias a las Administradoras de Fondos de Pensiones (AFP) para
beneficio de los bolivianos. En cambio las otras empresas, y que son la mayoría, no
tienen obligación de entregar sus ganancias a las AFP, son propietarias absolutas de las
reservas y de su monetización.
3.2 Reservas Hidrocarburíferas Totales
Desde 1997, el descubrimiento de gas natural y petróleo fue significativo. Las reservas
certificadas de gas (probadas y probables) pasaron de 5,69 a 54,9 trillones de pies cúbicos
(TCF). (Cuadro, Anexo 7). Esto quiere decir, que entre 1997 y 2003, esas reservas
crecieron 9,6 veces. En el caso del petróleo, las reservas crecieron 4.76 veces, de 200 a
956 millones de barriles (MMbb). (Cuadro, Anexo 8).
En la clasificación de reservas nuevas, en el territorio del departamento de Tarija, se
encuentra el 90% de las reservas.
3.3 Producción de Hidrocarburos
La producción de gas natural entre 1990 y 1996, antes de las reformas del sector y entre
1997 y 2000, después de las reformas indicadas, mantuvo cierta estabilidad, porque la
demanda interna y externa no sufrieron cambios significativos. A partir de 2001, en
especial el 2002, la producción aumentó en forma notable, particularmente por el inicio
de la exportación de gas a Brasil. Este mismo comportamiento se produce en el caso de la
producción de petróleo y condensado. (Cuadro, Anexo 9).
Si se evalúa el comportamiento de las reservas descubiertas, la producción todavía no
tienen una dinámica similar a la de los años 2001 y 2002, porque los proyectos de venta
de gas natural al mercado externo recién se han iniciado. Es el caso de la venta de gas a
Brasil, Argentina y de la probable exportación de gas a México y Estados Unidos.
Uruguay también hizo conocer su interés por adquirir el gas boliviano. Argentina
confirmó el incremento de su demanda.
153
3.4 Privatización del Downstream (Refinación, comercialización y
almacenaje).
El gobierno de Hugo Banzer Suárez (1997-2002), decidió privatizar las actividades del
Downstream, y por lo tanto, desintegrar definitivamente la cadena productiva del sector
hidrocarburos controlada por YPFB.
Refinación y Distribución:
Lo anterior dio lugar a que en noviembre de 1999, Petrobras -en asociación con la
empresa Argentina Pérez Companc Internacional- se adjudicó por un valor de 102
millones de dólares americanos, las refinerías "Gualberto Villarroel" del departamento de
Cochabamba y "Guillermo Elder Bell" de Santa Cruz. La capacidad instalada de
refinación de ambas plantas totaliza 47.250 barriles / día. También se adjudicaron la
distribución mayorista de carburantes.
En cuanto al almacenaje, la Compañía Logística de Hidrocarburos Bolivia (CLHB),
empresa holandesa del Consorcio Oil Tankin, se adjudicó la privatización de la Unidad
de Poliductos y Almacenaje de YPFB por un valor de 15 millones de dólares americanos.
4
EXPORTACIÓN DE GAS NATURAL
Actualmente, está en curso la exportación de gas natural de Bolivia a Brasil y Argentina.
4.1 El Mercado Brasileño
Es larga la historia desde que por primera vez, se incorpora el tema de integración
energética entre Bolivia y Brasil, "Acuerdos de Roboré", año 1958. El año 1988, se firma
un acuerdo bilateral de compra de energía e industrialización del gas natural. El año
1992, YPFB y Petrobras acuerdan la construcción de un gasoducto, el mismo que se
inicia en 1996 y se concluye en diciembre de 1998. En realidad, transcurrieron varias
décadas para la suscripción y concreción final del compromiso para la exportación de gas
natural a Brasil. El contrato suscrito tiene una duración de 20 años, de 1999 a 2019.
Petrobras y YPFB suscribieron un Contrato de Riesgo Compartido, lo que a Petrobras le
ha permitido ser propietaria de los dos más importantes campos petroleros, San Alberto y
San Antonio. Algo que cabe señalar, es que a Petrobras no le convino ser parte de la
Capitalización, puesto que como resultado de ese proceso se hubiera visto obligada a
compartir 50% de sus ganancias con los bolivianos.
4.2 Gasoducto Bolivia-Brasil
A manera de referencia, el gasoducto Bolivia-Brasil, es hasta ahora el mayor proyecto de
transporte de gas natural construido en América Latina. La inversión total ascendió a
2.015 millones de dólares (Gráfico, Anexo 10).
Cabe señalar también que en la
construcción intervinieron diferentes empresas transnacionales.
154
4.3 Volúmenes de Exportación
En contrato original de compra-venta de gas natural que suscribieron YPFB y Petrobras,
establecía la compra por parte de Brasil de 16 millones de m3/día de gas natural.
Posteriormente, se incrementó hasta 30 millones m3 /día, vigente en la actualidad, pero
por el momento este volumen es poco difícil de cumplir. (Gráfico, Anexo 11).
En mayo del 2003, se reinician las negociaciones entre los presidentes de Bolivia y
Brasil. Revisión de volúmenes y precios, tiempo de duración de contratos, revisión de las
regalías de 18% que actualmente están fijados para los campos nuevos, pasar el 50% por
ser campos hidrocarburíferos ya descubiertos por la empresa estatal boliviana YPFB,
compromisos de construcción de plantas termoeléctricas y participación bilateral en los
procesos productivos y transporte. Instalación de plantas industriales de gas natural para
al exportación y consumo interno. Instalación de una planta de Gas Licuado de Petróleo
(GLP), también en territorio boliviano, para la exportación y la cobertura de las
necesidades internas. Petrobras, gracias al proceso de privatización iniciado en Bolivia
hace 7 años, participa activamente en las diferentes fases de la cadena hidrocarburífera
nacional.
4.4 Otras Exportaciones al Brasil
Las empresas capitalizadas British Gas (BG) y la empresa brasileña Gas Trans Boliviano
S.A. (TBS), exporta gas natural a Cuibá (Brasil), que poco se conoce sobre las
condiciones de exportación; es decir, precios, volúmenes y ganancias ( consecuencia de
la Ley de Hidrocarburos Nº 1689). Volúmenes de exportación. (Cuadro, Anexo 12).
4.5 Mercado Argentino
Después de la conclusión del Contrato de compra-venta de gas natural entre los gobiernos
de Bolivia y Argentina (1972-1992), en 1999 -y en condiciones completamente
diferentes, como resultado de las modificaciones introducidas en el marco jurídico- se
reinicia la exportación a dicho país. La empresa Argentina Pluspetrol, que se encuentra
en Bolivia desde antes de la capitalización, opera en el campo Madrejones y desde allí se
exporta gas natural al país vecino. El tratamiento se realiza en la planta de Gas
Madrejones y la producción se destina al mercado argentino, a través de la Central
Termoeléctrica Ave Fénix, ubicada en la provincia de Tucumán (Argentina).
Entre 1999 y 2002 la exportación de gas a la Argentina tuvo una magnitud relativamente
pequeña, aunque se espera que en los próximos años tienda a aumentar y así utilizar
plenamente la capacidad del gasoducto.
Nota: Pluspetrol produce gas en territorio argentino para exportar a Chile y, a su vez,
produce gas en territorio boliviano para exportar a Argentina. Estas características
propias de toda empresa transnacional, expresan los diversos intereses que se cruzan en el
complejo y globalizado ámbito hidrocarburífero.
155
Se menciona el aspecto anterior, porque se ha puesto en marcha recientemente, la
posibilidad de ampliar de manera sustancial el actual nivel de exportación a Argentina a
través de un proyecto encaminado por los actuales presidentes Kirchner y Mesa, de
Argentina y Bolivia, respectivamente.
Las experiencias anteriores (que casi nada beneficiaron al país), tendrían que calar
profundo en la sociedad boliviana y, en particular, en los grupos dirigenciales del país.
No debiera producirse o repetirse una nueva frustración nacional respecto de la
exportación de nuestros recursos naturales, más aún, si de aquí en adelante, Brasil y
Argentina continuarán demandando nuestro gas, y potencialmente se están abriendo otros
mercados. Es fundamental, por tanto, reiterar una vez más la urgente necesidad de
definir políticas y estrategias de negociación que, basadas en una verdadera política
energética nacional, le permitan a Bolivia diversificar la producción y la exportación de
gas natural, de manera que se logre captar mercados estables para otros productos que, a
partir del gas, generen valor agregado.
5
MOVIMIENTO SOCIAL
HIDROCARBUROS
Y
SITUACIÓN
ACTUAL
DE
El año 2002, Gonzalo Sánchez de Lozada es designado Presidente por el Congreso
Nacional (en las elecciones tan sólo obtuvo una votación de aproximadamente 22%).
Este segundo gobierno de Sánchez de Lozada, apenas pudo sostenerse 14 meses de los 5
años que debía durar, según la Constitución Política del Estado. Sánchez de Lozada no
fue capaz de formular un Programa de gobierno coherente.
La crisis económica, en medio de un poderoso deterioro político permanente, al no ser
resuelta, dio lugar al malestar social de amplios sectores del país. Junto a ello, comenzó
a crecer el criterio de la reivindicación y la discusión sobre la propiedad de los recursos
hidrocarburíferos, a los cuales Sánchez de Lozada nunca estuvo dispuesto a escuchar.
Ocurrió que las reformas estructurales decididas cuando gobernó entre 1993 y 1997 se
constituyeron en las causas que socavaron su gobierno, lo sepultaron políticamente y tuvo
que renunciar y dejar el país.
Esas reformas provocaron dos fenómenos hoy todavía vigentes: 1) el insostenible déficit
fiscal, dado por los exiguos recursos que provienen de los impuestos de las empresas
petroleras y por la reforma del Seguro Social de largo plazo, dando lugar a que el TGN
asuma una responsabilidad dificil para el pago de las rentas de jubilación; y 2) la
Capitalización y Privatización de los recursos hidrocarburíferos, que dieron lugar a que el
Estado boliviano pierda los derechos de propiedad sobre esos recursos y la no
participación de los excedentes económicos generados.
En octubre de 2003, se produce un movimiento singular histórico y trascendental para
Bolivia. Se abre la discusión sobre el destino del gas natural. Lo peculiar del movimiento,
es que estaba orientada a la recuperación de la propiedad
de los recursos
156
hidrocarburíferos, la industrialización de esos recursos, la oposición a la exportación de
gas natural por puertos chilenos y muchos otros aspectos reivindicatorios.
Luego de la renuncia de Sánchez de Lozada, aceptada por el Congreso, posibilitó la
asunción del vicepresidente Carlos Mesa al mando de la Nación, siguiendo las normas de
la Constitución. Ese mismo día, 17 de octubre, el nuevo Presidente se comprometió
llevar adelante dos primeras medidas concretas en el campo de los hidrocarburos: Un
Referéndum Vinculante para definir el destino del gas natural y la elaboración de una
nueva Ley de Hidrocarburos.
Proyecto de Ley
En abril del presente año quedó definida la fecha de realización del Referéndum (18 de
julio de 2004) y se dio a conocer el mismo mes, el Proyecto para la nueva Ley de
Hidrocarburos. Para su aprobación en el Congreso, el Proyecto de Ley tendría que estar
acorde a los resultados del Referéndum Vinculante. (Queda para más adelante el análisis
de los resultados).
La realidad que se está viviendo en este momento en el país en el campo de los
hidrocarburos, después que se realizó el 18 de julio recientemente pasado el Referéndum
Vinculante y que dio un resultado positivo, queda ahora un compás de espera hasta que
sea aprobada una nueva Ley de Hidrocarburos, por el Congreso. Después del 6 de agosto
reciente, quedaron en el Congreso conformadas las diferentes comisiones que tratarán
varios aspectos, entre ellos la Ley de Hidrocarburos. Lo más probable es que se
introduzcan variantes al Proyecto de Ley presentado por Mesa, puesto que también habrá
varias proposiciones de los partidos políticos que conforman el Congreso.
Entre tanto, no se tengan las reglas del juego, no es posible aplicar un modelo relativo a
los hidrocarburos. Sin embargo, lo cierto es que existen las reservas de gas natural
suficientes para la exportación y su industrialización.
6
ESCENARIO ACTUAL (Agosto, 2004)
Considero necesario incluir aalgunas nuevas situaciones que se están dando en estos días
en el escenario de los hidrocarburos en Bolivia. Esto, con objeto de tener más elementos
para el análisis de las perspectivas futuras.
6.1 Situación de Bolivia dentro de la Producción Mundial de Gas Natural
En los cuadros (ANEXO 13 y ANEXO 14), se observan las “Reservas de Gas en el
Mundo” y las “ Reservas Probadas de Gas en Latinoamérica”, respectivamente.
En el primer caso, las reservas probadas hasta la fecha en Bolivia, representan solamente
0,5 por ciento de las Reservas Probadas en el mundo. Pero, por otro lado, como indica el
ANEXO 14, Bolivia es uno de los países Latinoamericanos con mayores reservas
probadas de gas natural en la región. Si bien Venezuela tiene 147 TCF de reservas
probadas, solamente el 9 por ciento representa reservas de “gas libre”, el resto está
157
“asociado” a grades cantidades de petróleo. De ahí que Bolivia es el país con mayor
cantidad de reservas de “gas libre” o “no asociado”.
6.2 Evolución de las Reservas de Gas en Bolivia.
El gráfico (ANEXO 15), nos muestra la evolución durante los últimos 7 años, donde se
observa que hubo un incremento del 863 por ciento, dado que en 1997 las reservas
probadas y probables fueron de 5,7 TCF, y en el año 2003 alcanzó a 54,9 TCF. La
certificación fue emitida por la firma especializada De Colyer y Mac Maugthon.
Si se continuara con el mismo ritmo de exploración, los volúmenes de las reservas
continuarían ascendiendo sustancialmente, y eso suponiendo una simple tendencia lineal;
ni qué decir si la tendencia fuera exponencial, como se dio. El conocimiento de este
hecho es que abre las perspectivas de exportación de gas suficiente para satisfacer la
demanda de este recurso natural.
6.3 Expectativas de la Demanda de Gas Natural en Bolivia
De manera muy resumida, veamos cuáles son las expectativas que se están dando en los
últimos meses recientes, luego de haberse conocido las reservas de gas natural con que
cuenta Bolivia. Los países interesados por el gas natural, son:
Brasil
- Exportación de mayores volúmenes a Brasil
- Convenios proyectados entre los presidentes de Bolivia y Brasil, el pasado mes de
julio, para la exportación de gas por los gasoductos a Puerto Suarez y a Cuibá.
- Propuesta de Integración Tripartita de gas natural, Bolivia-Argentina-Brasil
- Construcción de plantas industriales para la petroquímica
- Comisión Técnica, Bolivia-Brasil, se reunen para la constitución del polo
Gas-Químico entre ambas naciones, proyecto que incluye la construcción de
una planta termoeléctrica.
Argentina
Acuerdos, Bolivia-Argentina. Reunión en Tarija entre los presidentes Nestor
Kirchner (Argentina) y Carlos Mesa (Bolivia). Quintuplicar las ventas de gas natural
a la Argentina de 5 MMm3 diarios, a 25 MMm3 y la construcción del gasoducto en el
norte argentino, que además de abastecer a esa región pueda suministrar energía a
Paraguay y Uruguay.
- Construcción de una planta para separación de líquidos y una usina termoeléctrica en
la frontera de Bolivia y Argentina.
- Argentina acaba de lanzar una licitación para la construcción del Gasoducto Noreste
(GNA), por donde saldrá el gas boliviano a otros mercados. Esta obra, así no sea del
país, es importante para Bolivia porque será un “ducto abierto”, es decir, de libre
acceso y el país podrá utilizarlo para llegar a otros mercados, como el del Uruguay y
Paraguay. Se estima que a fines del 2006 esté en operaciones, así Bolivia podría
comenzar a bombear 20 MMm3d.
-
158
-
Repsol YPF está dispuesta a comprar a corto plazo 20 MMm3d, si previamente se
concreta el Gasoducto al Noreste Argentino.
México y Estados Unidos
- México tiene necesidad de adquirir gas natural en la costa del Pacífico. Cuenta con
gas propio, pero está al otro extremo del país. Esa necesidad real tiene horizonte de
tiempo hasta el 2008, máximo hasta principìos del 2009. Se espera que ese gas lo
puedan proporcionar Bolivia y Perú. Estos juntamente con México, como países
Latinoamericanos, tienen una relación de asociación estratégica. Ya hubieron varios
contactos, se estaba esperando la pronunciación del pueblo boliviano sobre el
Referéndum y la determinación de la nueva Ley de Hidrocarburos.
- Encuentro entre los presidentes de Bolivia y Perú. Acuerdo para la exportación
conjunta de gas, para satisfacer la demanda potencial de México y Estados Unidos.
Para este fin, se pretende construir plantas para la licuefacción del gas, para facilitar
el transporte den barcos gasíferos.
Los presidentes de Bolivia y Perú, firmaron en Lima (4 de agosto de 2004)
un acuerdo de integración Energética. Ilo (Perú), será el puerto de embarque.
-
-
Uruguay
Encuentro bilateral en Asunción (Paraguay), entre los ministros de relaciones
exteriores de Bolivia y de Uruguay (13 de agosto), para avanzar en el proyecto de
venta de gas natural al mercado uruguayo; esto, en ocasión de la instalación del
Tribunal Permanente de revisión del MERCOSUR.
Integración trinacional, Bolivia-Brasil-Perú (en la ciudad de Cobija, Pando, Bolivia)
(11 de agosto de 2004). Mesa-Da Silva-Toledo, se comprometen a una integración
física, comercial y energética. La reunión sirvió también para evaluar el proceso de
integración que tiene el país como eje de articulación de los dos bloques del
Continente: el Mercado Común del Sur (MERCOSUR) y la Comunidad Andina de
Naciones (CAN).
6.4 Futura nueva Ley de Hidrocarburos.
Para la formulación de una nueva Ley de Hidrocarburos, con objeto de tener un
fundamento sólido fue necesario conocer el criterio de los ciudadanos a través de un
Referéndum. El denominado “Referéndum Vinculante 2004”, aplicado el 18 de julio de
2004, que como ya se conoce, arrojó un resultado positivo de cerca del 91 % por el SI.
Uno de los objetivos era conocer la opinión de la población respecto de la Ley de
Hidrocarburos actual. De manera sucinta, las preguntad tenían la siguiente orientación:
1
2
3
La abrogación de la Ley de Hidrocarburos No. 1689, que otorga a las empresas la
propiedad de los hidrocarburos en “Boca de Pozo” (aplicado hasta la fecha),
La recuperación de la propiedad de los hidrocarburos en Boca de Pozo para el Estado
boliviano,
La Refundación de YPFB, o sea recuperar la propiedad Estatal y participar en toda la
cadena hidrocarburífera,
159
4
5
La utilización del gas como recurso para lograr una salida soberana al Océano
Pacífico, y
Que se exporte el gas racionalmente en las mejores condiciones para el país de
manera que, cubra el consumo interno, fomente la industrialización del gas en
territorio nacional, que el 50 % de los valores de producción del gas y petróleo se
destine a impuestos y regalías, que los recursos se destinen a la educación, salud,
caminos y empleos.
A todas luces se veía que la mayoría de la población votaría por el SI; lo que
evidentemente ocurrió.
Ahora queda una nueva interrogante, ¿El Congreso aprobará el Proyecto de la nueva Ley
de Hidrocarburos propuesta por el Presidente Mesa?... Este Poryecto de Ley, ya fue
preparado antes de la aplicación del Referéndum, siendo así que debía elaborarse ex-post
al Referéndum, para adecuarse al criterio emanado por la población.
7
CONCLUSIONES
Todo lo indicado anteriormente, conforman el menú y los ingredientes de la realidad que
está atravezando Bolivia en este momento en relación a sus reservas de gas natural.
Indudablemente, Bolvia va caminando hacia su inserción en el mundo de la globalización
del gas. Gracias a los volúmenes de sus reservas certificadas, Bolivia jugará un rol
importante en los mercados del área, MERCOSUR, ALADI, Convenios Bilaterales y así
también por las demandas potenciales de México y Estados Unidos, mencionadas
anteriormente.
Por otro lado están los proyectos de construcción de grades industrias de productos
petroquímicos y de la licuefacción del gas natural.
Es, pues, promisorio el futuro del gas en Bolivia, pero visto solamente desde este ángulo.
El desarrollo y los beneficios no aparecerán por simple gravedad, todo depende de cómo
se norme y se administre la cadena hidrocarburífera. La población boliviana exige al
Gobierno la nacionalización de los hidrocarburos como resultado del Referéndum. Esto
no será tan simple por los contratos de Riesgo Compartido que fueron firmados el año
1996 con una duración de 40 años, que confieren la propiedad de los hidrocarburos a las
empresas transnacionales. La figura es muy complicada, la posible modificación de los
Contratos significarían para el país indemnizaciones cuantiosas difíciles de cumplir a
corto plazo, las consecuencias podrían ser fatales al extremo de frustrar todas las
expectativas promisorias que se están dando. Es de esperar que los responsables de
formular la nueva Ley de Hidrocarburos, de manera mancomunada y con criterio
nacionalista actúen cerebralmente, puesto que se juega el futuro del país en este campo.
Bajo el supuesto de que la nueva Ley de Hidrocarburos sea aprobada en términos que
favorezcan las expectativas esperadas, no significa que Bolivia ahora saldrá
automáticamente del nivel de desarrollo en que se encuentra. Dependerá del
160
comportamiento de todos los elementos del conjunto de actividades que conforman el
desarrollo de un país, las que también deben tomarse en cuenta, como ser, la educación,
la industrialización, empleo, aspectos sociales, políticos, económicos, etc.
La figura de solución que se presenta, puede ser difícil y a la vez facil de resolver,
depende mucho de los actores encargados de solucionar el problema (recursos humanos
competentes). Definir lo que deseamos ser, todos poner el hombro para salir adelante y
subir, pensar en desarrollar dejando de lado las mezquindades e intereses personales,
dejar de lado la corrupción, actuar con los principios de nacionalidad. De cómo se
encaren los Convenios y Contratos, la administración y fiscalización, del tener presencia
profesional competente para poder lidiar en igualdad de condiciones en las instancias
donde se definen los términos de Integración, Mercados Regionales, Mercados de Libre
Comercio, Convenios entre Naciones, Instituciones de Financiamiento, Acuerdos de
Globalización, etcétera, se conseguirán beneficios similares a la de otros países, y no ser
siempre los perdedores, como normalmente ocurre.
Se debe luchar sin desmayo y tener persistencia para procurar no ser absorbidos por los
más “fuertes”, enfrentar con capacidad a los organismos internacionales que
generalmente se inclinan a favor de las potencias económicas, en cualquier nivel.
Si todo camina bien, puede ser una inyección, una especie de shock, que haga dar un giro
significativo al desarrollo del país.
Una vez más, en Bolivia, ahí están a flor de tierra los recursos naturales –por qué no
decirlo, hasta envidiables como lo manifestaba el Gerente de la empresa petrolera
Argentina-, esperando ser utilizados adecuadamente para el bienestar futuro de la
población de Bolivia. Es una nueva oportunidad que no se la puede desaprovechar.
Queda, pues, el “reto”: El qué hacer para dar inicio a una Bolivia como país desarrollado.
¡¿Se logrará este anhelo?!... Las experiencias de frustraciones pasadas, deben servir como
elementos de juicio para no seguir cometiendo los mismos errores que en nada
beneficiaron al país, como es el caso de los minerales y de los hidrocarburos, antes y
después de la capitalización.
Sin mucho análisis, bajo la esperanza de que la nueva Ley de Hidrocarburos y su
aplicación permita un despegue en el desarrollo del país, se ve claramente que Bolivia
está en el camino de la inserción al mundo de la globalización en el contexto del gas
natural, y por qué no decirlo, también en otros campos productivos. El efecto
multiplicador coadyuvará al desarrollo también en las demás áreas.
El tema es amplio y delicado, creo que un apresuramiento por aprobar un proyecto de
Ley de Hidrocarburos sin previo análisis, sea lo adecuado. Son muchas las variables que
intervienen y requieren un estudio cuidadoso, para así llegar a un modelo apropiado para
la cadena hidrocarburífera.
Lo deseable es, la reversión de la propiedad de las reservas y de la producción del gas
natural y del petróleo , a favor del Estado boliviano.
161
Se tendría que revisar y ajustar la normatividad vigente en el Sector Hidrocarburos, a
través de acuerdos entre las empresas transnacionales, el Gobierno nacional, los partidos
políticos y las organizaciones de la sociedad.
La Comisión encargada de analizar el proyecto de la Ley de Hidrocarburos en el
Congreso, debiera estar conformada además de los parlamentarios, al menos con
técnicos y especialistas en materia de hidrocarburos, economistas, administradores y
legalistas.
Los siguientes dos aspectos debieran ser considerados de prioridad en la Comisión, tal
como lo menciona el Lic. Carlos Villegas Q. en su libro “Privatización de la Industria
Petrolera en Bolivia”, los mismos que considero relevantes:
1ro. Modificación o ajuste de los contratos de Riesgo Compartido. Para esto,
tomar en cuenta:
-
Política Nacional de Energía
Reclasificación de reservas
Generar y desarrollar capacidad de fiscalización
Revisión del SURTAX (impuesto a las utilidades extraordinarias)
Cotización en el mercado de capitales
Precio en boca de pozo
Participación del Estado en proyectos de industrialización
Ajustes a la Capitalización
2do. Diseño, aprobación e implementación de un nuevo marco jurídico.
El marco jurídico debiera considerar:
- La participación del Estado en las diferentes fases de la cadena
Hidrocarburífera, y
- Orientar a recuperar la propiedad de las reservas de gas natural y petróleo,
en especial de los nuevos descubrimientos.
Agosto de 2004
162
BIBLIOGRAFÍA CONSULTADA.
-
Publicaciones periódicas de Yacimientos Petrolíferos Fiscales Bolivianos
(YPFB).
Cuaderno informativo sobre el GAS , Ministerio de Hidrocarburos-Bolivia,
Julio de 2004.
Información cotidiana de la Prensa especializada en Hidrocarburos.
Dinámica Económica: “Globalización, Empresas Transnacionales y la
Sociedad Civil”, 1998.
Estrategias Energéticas para Países en Desarrollo, Joy Dunkerley-William
Ramsey-Lincoln Gordon-Elizabeth Cecelsk. Ediciones Aragón l985.
¿Qué es la Globalización?, Ulrich Beck. Ed. Pardos Estado y Sociedad.
¿Cooperación o Rivalidad?. Integración regional en las Américas y la
Cuenca del Pacífico. Shoj Nishijima, Meter H Smith. Ed. CIDAC, 1997.
Globalización en Bolivia y América Latina. Centro de Estudios para el
Desarrollo Laboral y Agrario (CEDLA), 2002.
Globalización y Desarrollo, CEPAL-Naciones Unidas, mayo 2002.
Privatización de la Industria Petrolera en Bolivia. Carlos Villegas Q. Ed.
CIDES-UMSA/CEDLA, mayo 2004.
El Malestar en la Globalización, Joseph E. Stiglitz. Ed. Taurus, agosto
2002.
163
ANEXO 1
CADENA HIDROCARBURÍFERA
164
ANEXO 2
Transferencia de Excedentes de YPFB
(en Millones de dólares americanos)
Años
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
TOTAL
Aportes
270.8
163.8
245.8
292.8
275.3
350.2
416.7
365.6
397.0
325.0
343.9
365.8
154.7
149.4
139.0
15.2
0.0
4270.9
Fuente: 1985-1989: Ramos Pablo: Los recursos hidrocarburíferos en la
economía Boliviana, en Revista de Sociología Nº. 22, UMSA, 2001. 19902001: Ministerio de Hacienda, 2001.
ANEXO 3
Exploración
Explotación
TOTAL
Inversiones en Exploración y Explotación
(en Millones de dólares americanos)
1990
1991
1992
1993
1994
1995
23.02
52.91
68.49
43.49
31.35
66.56
20.08
20.66
13.99
7.30
25.19
43.43
43.10
73.57
82.48
50.80
56.53
109.99
Fuente: Informe Mensual Diciembre 2001. YPFB.
165
1996
69.81
29.22
99.04
ANEXO 4
Estrategia de Capitalización de YPFB
UNIDADES
EMPRESAS
ADJUDICATARIAS
VALOR
CAPITALIZACIÓN
(Dólares americanos)
Unidad de Exploración y
Producción: Empresa
Petrolera Chaco
Armoco Bolivian
Petroleum Company
Unidad de Exploración y
Producción: Empresa
Petrolera Andina
Empresa Petrolera Andina
Unidad de Transporte:
Transredes Transporte
de Hidrocarburos
Enron Transportadora
306,667,001
264,777,021
Bolivia Shell
Overseas Holding Ltda.
263,500,000
834,944,022
TOTAL
ANEXO 5
Contratos de Riesgo Compartido
Total Contratos de Riesgo Compartido:
•
79
Exploración y Explotación:
Hectáreas:4.049.426
Km2 : 40.294
Explotación:
Hectáreas: 289.087
Km2 :2.891
35 BLOQUES
Total áreas de interés petrolero:
535.000 Km2 /100%
Total Bajo contratos:
43.385 Km2 / 8.1%
•
44 CAMPOS
Fuente: Informe Mensual Diciembre 2001 y 2002. Yacimientos Petrolíferos
Fiscales Bolivianos (YPFB).
166
ANEXO 6
Inversión en Exploración y Explotación
(en Millones de dólares americanos)
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Exploración
130.38 374.56 372.20 256.79 168.99 113.47
Explotación
140.42 230.25 208.55 185.33 237.38 231.31
Gasoducto:GASYRG
283.0
Total
270.80 604.81 580.75 442.12 406.37 627.78
Fuente: YPFB, Informe Mensual, diciembre 2002
TOTAL
1,416.39
1233.24
283.0
2,932,63
ANEXO 7
Reservas Nacionales de Gas Natural
(en Trillones de Pies Cúbicos americanos / TCF)
PROBADAS (P1)
PROBABLES (P2)
P1 + P2
POSIBLES (P3)
P1 + P2 + P3
1997
3.75
1.94
5.69
4.13
9.82
1998
4.16
2.46
6.62
3.17
9.79
1999
5.28
3.30
8.58
5.47
14.05
2000
18.31
13.90
32.21
17.61
49.82
2001
23.84
22.99
46.83
23.18
70.01
2002
27.36
24.93
52.29
24.87
77.16
2003(1)
28.7
26.2
54.9
24.2
79.1
Las reservas probadas y probables son certificadas.
Las posibles no son reservas certificadas.
Fuente: Informe mensual, Diciembre 2001 y 2002. Yacimientos Petrolíferos Fiscales
Bolivianos (YPFB).
(1) Certificación efectuada por DeGolyer & MacNaughton, Energy Press.
ANEXO 8
Reservas Nacionales de Petróleo y Condensado
(en Millones de barriles /MMbb)
1997
PROBADAS (P1)
116.1
PROBABLES (P2)
84.8
P1 + P2
200.9
POSIBLES (P3)
110.24.13
P1 + P2 + P3
311.1
1998
141.9
74.8
216.7
43.6
260.3
1999
151.9
88.6
240.5
96.5
337.0
2000
2001
396.5
440.5
295.5
451.5
692.0
892.0
345.1
469.8
1,037.1 1,361.8
2002
477.0
452.1
929.1
473.9
1403.0
2003(1)
486.11
470.81
956.92
454.78
1411.7
Fuente: Informe mensual, Diciembre 2001 y 2002. Yacimientos Petrolíferos Fiscales
Bolivianos (YPFB).
(1) Energy Press, 21 al 27 de abril de 2003.p.12.
167
ANEXO 9
Producción Nacional de Petróleo y Gas Natural
Entre 1997 y 2002
Petróleo/condensado(1)
Gas natural(2)
1997
32,711
515.8
1998
32.58
519.5
1999
32.46
484.1
2000
31,415
550.24
2001
35,794
692.25
2002
36,289
861.75
(1) BPD Promedio barriles por día.
(2) MMPCD Promedio millones de pies cúbicos día.
Fuente: Informe mensual, Diciembre 2001, 2002. YPFB.
ANEXO 10
Gasoductos Bolivia - Brasil
168
ANEXO 11
PROYECCION DE EXPORTACION DE GAS NATURAL A BRASIL
2500
MM$US
2000
1500
1000
500
0
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
AÑOS
Fuente: Privatización de la Industria Petrolera en Bolivia. C. Villegas Q.,
2004.
ANEXO 12
AÑO
2001
2002
Otras Exportaciones a Brasil
(m3 / año)
BG
121,240,731
549,839,702
TBS
61,964,106
463,216,184
Fuente: Vicepresidencia de Negociaciones Internacionales y Contratos. Informe
Mensual 2002, YPFB, La Paz, p.70.
169
ANEXO 13
RESERVAS DE GAS EN EL MUNDO
PAIS
0
1
Rusia
2
Irán
3
Qat ar
4
Azeibarjan
5
ArabiaSaudit a
6
Emirat osArabes
7
USA
8
Algeria
9
Nigeria
10
2 00
4 00
6 00
8 00
1 000
1 2 00
TCF de gas natural
1 4 00
1 6 00
1641
922
910
261
229
214
190
160
159
147
134
Venez uela
11
Indonesia
12
Noruega
13
Aust ralia
14
Iraq
15
Malasia
16
Turkmenist an
17
Kazakhst an
18
Uz bekist an
19
China
20
Canada
1 8 00
131
125
110
84
72
67
65
61
59
5742
711
Primeros20paí ses
Rest odelmundo
6453
Tot almundo
287
Bolivia
0
1 000
2 000
3 000
4 000
Fuente: Energy Information Administration, YPFB.
170
5 000
6 000
7 000
ANEXO 14
RESERVAS PROBADAS DE GAS EN
LATINOAMERICA ( En TCF)
8
4,5
28,6
8,6
26,9
23,4
ARGENTINA
BOLIVIA
6,4
BRASIL
COLOMBIA
PERU
TRINIDAD TOBAGO
148
Fuente: Energy Information Administration .
171
VENEZUELA
OTROS
RESERVAS NACIONALES DE GAS NATURAL
( En TCF)
ANEXO 15
60
54,9
46,8
50
52,3
40
32,2
27,4
30
23,8
18,3
20
10
0
28,7
23
5,7
3,8
1,9
1997
6,7
8,6
13,5
26,2
24,9
P1+P2
PROBADAS (P1)
4,2
2,5
1998
5,3
PROBABLES (P2)
3,3
1999
2000
Fuente : YPFB
172
2001
2002
2003
GLOBALISATION, DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL
ET COMPETITIVITE : CONDITIONS D’UN DECOLLAGE
ECONOMIQUE D’HAÏTI
Prof. Claude Elisma 286
1. Le contexte de la globalisation
L’évolution de la technologie a raccourci les distances, diminué les coûts des
communications et des transports et ainsi a favorisé l’intensification des flux d’échanges
entre les peuples. Dans le nouveau contexte de globalisation économique marqué
essentiellement par le renforcement mutuel de l’innovation et de la concurrence
internationale, plusieurs pays, particulièrement les plus industrialisés, montrent des
niveaux de performances socio-économiques très satisfaisants, tandis que d’autres, en
particulier les pays moins avancés (PMA) et la plupart des pays en développement à
faible revenu font face à des situations socio- économiques plutôt difficiles.
2. L’évaluation des impacts de la globalisation : les classifications
L’impact de la globalisation peut être évalué à partir de l’évaluation de la performance
socio-économique des pays sur une période considérée. Les principales méthodes pour
l’évaluation de cette performance se base sur une classification des pays à partir de
l’évaluation d’un ou de plusieurs indicateurs caractéristiques sur une période donnée. Des
seuils minima sont établis pour indiquer qu’un niveau est satisfaisant ou non. L’analyse
du niveau d’un pays par rapport aux seuils définis à l’avance et par rapport au niveau des
autres pays détermine alors le degré de performance d’un pays considéré.
Les classifications les plus connues sont basées sur :
• Le revenu par habitant (l’Atlas de la Banque Mondiale, la classification des PMA de
l’ONU, la classification par niveau de revenu du FEM5, etc. )
• L’indice de développement humain (l’IDH du PNUD)
• L’indice de compétitivité ( FEM, IMD6, ONUDI9 ).
286
L’auteur est détenteur d’une licence en génie électromécanique et d’une maîtrise en Gestion des Affaires
(HEC de Montréal). Il est enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences Economiques et Administratives
de l’Université Quisqueya (UniQ)
173
2.1 Classification par évaluation comparative du revenu par habitant.
2.1.1 Classification de la Banque Mondiale
La Banque Mondiale définit une classification des pays en 3 catégories suivant leur
niveau de revenu par habitant : les pays à faible revenu (RNB égale ou inférieur à 765
dollars US); les pays à revenu intermédiaire (tranche inférieure : RNB compris entre 766
et 3035 dollars US, tranche supérieure : RNB compris entre 3036 et 9385 dollars US) et
les pays à revenu élevé (RNB égale ou supérieur à 9386 dollars US).
2.1.2 Classification du FEM
Le Forum Economique Mondial (FEM), comme la Banque Mondiale, établit une
classification à 3 catégories. Cependant dans celle-ci les limites de revenu considérées
sont les suivantes : pays à faible revenu (RNB inférieur ou égale à 4000 dollars US);
pays à revenu intermédiaire (RNB compris entre 4000 et 17000 dollars US), pays à
revenu élevé (RNB supérieur à 17000 dollars US)
2.1.3 Classification des PMA de l’ONU
L’ONU définit la catégorie des PMA non mentionnée dans la classification de la Banque
Mondiale. Celle-ci est fondée sur les critères suivants : faible revenu (un PIB par habitant
estimé à moins de 900 dollars US sur une moyenne de 3 ans), faiblesse des ressources
humaines et vulnérabilité économique.
2.2 Classification par évaluation comparative de l’IDH
La classification de l’Indice de Développement Humain (IDH) est basée à la fois sur le
PIB par habitant, l’espérance de vie et le taux de scolarisation de la population. Cette
classification a le mérite d’être plus complexe que celle avec le seul indicateur de revenu
par habitant et de pouvoir évaluer notamment : la capacité du pays à pouvoir maintenir ou
améliorer son niveau de vie par la santé, l’éducation, etc.; le niveau de justice sociale à
l’intérieur du pays.
2.3 Classifications par évaluation comparative de la compétitivité
Les différentes classifications se référant à la compétitivité sur lesquelles nous allons
nous arrêter un peu plus parce que concernant directement notre propos, s’appuient sur
les convictions suivantes :
• La richesse nationale est créée par les entreprises à partir de la valeur ajoutée
• La valeur ajoutée est optimisée par les gains de productivité
• Les gains de productivité s’obtiennent grâce à l’amélioration continue des capacités
technologiques, principalement dans le secteur industriel. Et ce sont ces gains de
productivité qui rendent possibles la compétitivité des entreprises et par ricochet les
nations.
174
Aujourd’hui 3 références font autorité en matière de classification des pays suivant la
comparaison de leur indice de compétitivité, citons : le « Global Competitiveness
Report » publié par le Forum Economique Mondial (FEM); le « World Competitiveness
Yearbook » publié par l’International Institute for Management Development (IMD) ; le
« Rapport sur le Développement Industriel » publié par l’ONUDI.
2.3.1 Classification du Forum Économique Mondial (FEM)
Le Global Competitiveness Report du FEM s’est construit deux indices de
compétitivité pour l’évaluation comparative de la performance socio-économique de 102
pays . D’une part, le Global Competitiveness Index(GCI) qui est basé sur des facteurs
macros, à savoir : la stabilité macroéconomique, la qualité des institutions nationales et
les capacités technologiques. D’autre part le Business Competitiveness Index (BCI) qui
est basé sur des facteurs micros, à savoir : la qualité des stratégies et des opérations des
entreprises et la qualité de leur environnement d’affaires. Il a été constaté une
convergence des résultats des 2 classements réalisés à partir de chacun de ces indices
Les 2 classifications du Forum Économique Mondial réalisées à partir du « Global
Competitiveness index » et à partir du « Business Competitiveness index » indiquent le
niveau de compétitivité de 102 pays représentant les 3 différentes catégories de revenu
par habitant. Ces 2 classifications montrent que les pays industrialisés sont les plus
compétitifs et les pays les moins industrialisés les moins compétitifs. Dans ces deux
classifications, la Finlande suivi des États-Unis et de la Suède occupent respectivement la
première, la deuxième et la troisième place. En queue du classement se trouve Haïti à la
102e place sur 102 pour le « Global Competitiveness Index » et à la 100e place sur 101
pour le « Business Competitiveness Index », précédant seulement l’Angola
2.3.2 Classification de l’International Institute for Management Development (IMD)
Le World Competitiveness Yearbook de IMD se réfère à 4 facteurs de compétitivité
pour analyser la performance comparative de 60 économies de la planète, à savoir pour
chacune d’elles : la performance de l’économie, l’efficience du gouvernement,
l’efficience des entreprises et enfin la qualité des infrastructures. Ces 4 facteurs sont
ensuite décomposés pour totaliser 20 sous facteurs de compétitivité.
Dans cette classification les USA viennent en tête de liste suivis par le Luxembourg et le
Singapour respectivement. Le Venezuela se trouve en queue de la classification à la 60e
position. Cette Classification n’intègre pas les pays à faible revenu dans la comparaison
des performances. Le seul représentant de l’Afrique est l’Afrique du Sud et les seuls
représentants de l’Amérique Latine sont l’Argentine, le Brésil et le Venezuela.
2.3.3 Classification de l’ONUDI
Le Rapport sur le Développement Industriel de l’ONUDI compare la performance de
87 pays à partir de la construction de l’Indice de la Performance Comparative de
175
l’Industrie (IPC). Celui-ci est basé sur les 4 indicateurs suivants : la valeur ajoutée
manufacturière par habitant (VAM), Les exportations d’articles manufacturés par
habitant, la part des activités à moyenne et forte intensité de technologie dans la VAM, la
part des produits à moyenne et forte intensité de technologie dans les exportations
d’articles manufacturés.
Dans cette classification le Singapour, la Suisse et l’Ireland, se positionnent
respectivement en première, deuxième et troisième position au niveau de la compétitivité
sur 87 pays considérés. Le dernier de cette classification est l’Éthiopie, précédée
respectivement par le Ghana et le Yémen en 86e et 85e position. Cette classification à
l’avantage de comparer la performance d’un pays sur une période allant de 1985 jusqu’à
1998. On peut ainsi évaluer l’évolution de la performance d’un pays et comparer cette
évolution par rapport à celle des autres pays considérés de la classification.
3. Les constats
Le grand constat à partir de l’analyse des différentes classifications, est la dégradation des
performances de la plupart des pays pauvres dans le monde malgré des résultats
intéressants dans certains pays très peuplés comme la Chine et l’Inde. Aujourd’hui la
pauvreté est déclarée le problème numéro un de l’humanité en raison de l’ampleur du
phénomène et cela en dépit des niveaux technologiques impressionnants dont disposent la
plupart des grands pays de la planète. En effet d’après le rapport du PNUD sur le
développement humain 2003, 54 pays sur175 pris en compte sont considérés en 2003
plus pauvres qu’ils ne l’étaient en 1990.
L’analyse des résultats des classifications en fonction de la compétitivité fournit les
indications suivantes (tableaux 1a, 1b,1c en annexes 1, 2, 3 respectivement)
• D’une année à l’autre, les pays industrialisés se classent dans le peloton de tête pour
la compétitivité, suivis par les pays en transition et les pays en développement à
revenu intermédiaire. En queue du classement se trouvent les pays en développement
à faible revenu et particulièrement les pays moins avancés(PMA).
• Il y a un rapprochement des résultats entre les deux premiers groupes de pays;
• Une dispersion des résultants est constatée entre les pays des deux premiers groupes
et ceux du dernier groupe que la globalisation, pour l’instant, n’arrive pas à faire
converger.
Les statistiques des organisations internationales font remarquer que :
• Le revenu par habitant de 30 pays en développement est inférieur aujourd’hui à ce
qu’il était il y a 35 ans10
• En 1960 le PIB moyen par habitant des 20 pays les plus riches de la planète était de
15 fois supérieur à celui des 20 pays les plus pauvres. A l’heure actuelle cet écart
s’est multiplié par 30, étant donné que les pays riches se sont développés en moyenne
plus rapidement que les pays pauvres1
• En 1971 les PMA étaient au nombre de 25 et qu’en 2001 ils sont au nombre de 49
représentant 610,5 millions d’habitants, soient 10,5 % de la population mondiale1
176
•
En 1997, 0,4 % des PMA prenait part au commerce mondial et ce chiffre a baissé de
moitié par rapport à 19801
D’après l’ONUDI, la VAM mondiale a augmenté aux rythme de 7 % environ pendant la
période 1985-1998. Cependant la comparaison de la VAM/ha entre les différentes
catégories de pays pendant la même période accuse la réalité suivante :
• le rapport qui était de 18 en 1985 entre les pays industrialisés et les pays en
développement est passé à 17 en 1998;
• Ce rapport qui était de 83 en 1985 entre les pays industrialisés et les PMA est passé à
144 en 1998;
• Il est passé de 5 en 1985 entre les pays en développement et les PMA à 9 en 1998.
Dans son rapport sur le développement industriel 2002-2003, l’ONUDI constate que :
« L’activité industriel et les capacités de production sont extrêmement concentrées dans
un petit nombre de pays dynamiques, aussi bien industrialisés qu’en développement .
Cette concentration diminue dans les pays industrialisés et augmente dans les pays en
développement dans les domaines de la production, des exportations et des importations
de technologie. Les 30 pays les plus pauvres perdent du terrain au regard de la plupart des
indicateurs des performances industrielles et de ses déterminants, hormis une légère
augmentation de leur part du nombre total d’étudiants dans les domaines techniques. Ces
disparités ne sont pas temporaires et ne disparaîtront pas d’elles-mêmes…Il est difficile,
long et cher de transformer les déterminants structurels du développement industriel, dont
l’importance ne fait que croître dans le nouveau contexte mondial ».
3.1 Synthèse des constats (tableaux 1a, 1b, 1c en annexes 1, 2, 3)
En synthèse, il est clair que pour l’instant les pays industrialisés sont très confortables
dans la globalisation en étant les plus compétitifs, les pays en transition et pays émergents
y trouvent leur compte puisqu’elle leur permet de se rapprocher de la performance des
pays industrialisés. Les laissés pour compte sont les pays en développement à faible
revenu et particulièrement les PMA. Qu’adviendra-t-il de ces 600 millions et plus
d’humains des PMA et des 8 millions d’haïtiens en particulier, si la polarisation des pays
et la dispersion des performances continuent dans son rythme actuel? Des efforts
immenses doivent être consentis par ces petites économies pour changer de cap et
prendre le décollage. Pour plusieurs ce virage ne sera pas possible sans les nécessaires
reformes au plan des échanges internationaux pour corriger les discriminations existantes
et sans un soutien plus effectif des institutions internationales de coopération.
Concrètement comment Haïti, appartenant au groupe des PMA, pourra-t-elle arrêter sa
dégradation et amorcer un décollage économique en vue d’un développement durable?
Avant de voir les stratégies, politiques et actions décisives à engager, voyons brièvement
les forces et faiblesses dans l’environnement interne du pays ainsi que les menaces et
opportunités de son environnement externe.
177
4. Situation d’Haïti dans la globalisation (tableaux 2 et 3 en annexes 4 et 5)
4.1 Les forces
Les forces du pays sont seulement à l’état potentiel et ont besoin d’être développées. Il
s’agit : de la situation géographique du pays offrant un accès aisé au fret maritime tout en
étant proche des grands marchés américains, du potentiel touristique énorme et
inexploité, du potentiel de l’industrie culturelle et de l’artisanat, de l’abondance d’une
main d’œuvre jeune, mobile et qui a seulement besoin d’apprentissage, du potentiel de
participation de la diaspora haïtienne dans la mise en branle d’un processus productif de
transformation du pays.
4.2 Les faiblesses
Les faiblesses du pays dans ce contexte de globalisation sont évidentes. Les indicateurs
dans tous les secteurs nécessaires au décollage économique du pays sont en dessous des
seuils minima. Faible revenu par habitant, faible indice de développement humain, faible
gouvernance politique et économique, infrastructure de base quasi inexistante, faible
productivité agricole, très faible niveau de développement industriel, faible capacité des
institutions publiques et privées, faible capacité de gestion de l’environnement et de
l’espace urbain. Le pays n’a fait que reculer dans plusieurs secteurs depuis plus de 4
décennies environ. Il faut arrêter le processus de dégradation et changer de cap.
4.3 Les menaces
Des risques énormes accompagnent la globalisation en raison principalement de ses effets
pervers reconnus et aussi de la possibilité de jeu faussé par le pouvoir de gros joueurs,
quand leurs intérêts le recommandent. Streeten15 fait valoir « que mondialisation n’est
pas synonyme d’intégration internationale : il s’agirait au contraire d’une intégration
internationale partielle qui, pour différentes raisons, entraîne une désintégration nationale.
Les pays en développement qui cherchent à prévenir un exode des cerveaux sont obligés
de payer d’avantage les travailleurs qualifiés, ce qui aggrave l’inégalité de la répartition
des ressources dans ces pays. En outre, les recettes fiscales dont disposent les pays en
développement pour payer les services sociaux sont moindres , alors même que ces
derniers sont de plus en plus nécessaires…. En bref , la mondialisation a débouché sur la
polarisation ».
La dispersion des résultats des PMA et pays en développement à faible revenu par
rapport à ceux des pays industrialisées annonce, à moyen terme, l’exclusion définitive
des premiers des circuits d’échanges mondiaux si rien d’important n’est fait entre temps
pour corriger la situation. Ces menaces relatives à certains pays en développement et les
PMA concernent également Haïti.
178
4.4 Les opportunités
Les pays pauvres ou riches doivent s’efforcer d’être compétitifs sur le plan international
pour survivre et croître. Les opportunités se manifestent par la densité des flux
d’échanges de capitaux, de main-d’œuvre et de technologies entre les pays.. Saisir les
opportunités de croissance signifie : assurer la stabilité macro-économique et les reformes
institutionnelles nécessaires et préalables à l’ouverture aux échanges internationaux,
engager son développement industriel par l’apprentissage technologique et l’innovation,
bâtir sa compétitivité par les gains de productivité et l’amélioration des compétences
commerciales.
Il est à souhaiter qu’Haïti, avec les changements politiques difficiles réalisés en mars
dernier, a amorcé un processus de colmatage de son hémorragie. La levée officielle des
restrictions contre le pays en juillet 2004 et l’engagement des acteurs de la coopération
internationale en faveur d’Haïti sont des signes encourageants. S’agit-il de l’amorce
réelle d’un processus collectif de remontée des abîmes? Les défis sont énormes et la
réalisation des élections démocratiques à tous les niveaux prévue pour la fin 2005
constitue un test majeur pour le pays.
5. Des conditions pour un décollage d’Haïti
Un décollage d’Haïti vers le développement durable requiert des changements majeurs au
niveau du comportement des acteurs impliqués dans la situation haïtienne et
particulièrement dans la gestion interne du pays. Cela exige d’abord une vision claire et
partagée par ces acteurs, des stratégies multisectorielles orientées par la vision, des
politiques adaptées pour la mise en œuvre de la stratégie et enfin un plan réaliste
d’actions intégrant le court, le moyen et le long terme. Un partenariat pouvoirs publics,
entreprises et société civile doit participer à toutes les étapes de formulation et de mise en
œuvre des stratégies (figures 3, 4 en annexe 10 et 11)
Il y a des acteurs qui proposent une des stratégies ci-dessous de sous-spécialisation pour
Haïti pouvant se résumer de la façon suivante :
• Faire d’Haïti un relais des entreprises dominicaines pour profiter d’une part de la
stabilité existant en République Dominicaine et d’autre part de l’abondance de la
main-d’oeuvre haïtienne
• Un développement axé sur l’agriculture écologique pour transformer notre retard
technologique en avantage compétitif
• Un développement axé sur les compétences de notre communauté dans l’artisanat
Une stratégie de sous-spécialisation peut seulement participer dans une stratégie
sectorielle mais ne peut pas créer un développement durable. Il faut mettre en place une
stratégie multisectorielle visant à engendrer les conditions véritables d’une amélioration
continue des capacités technologiques du pays. Celle-ci doit être pilotée par une stratégie
de développement industrielle planifiée sur le moyen terme.
179
5.1 Une Vision claire et partagée
Cette vision claire et partagée doit partir de certaines prémisses partagées dont les
principales sont les suivantes :
1) La globalisation est une réalité historique. Elle peut être améliorée mais elle ne peut
être ignorée.
2) Le développement est un processus d’amélioration continue qui exige la vision et la
constance dans l’effort.
3) Dans un contexte de globalisation de quelque forme que ce soit, les exportations de
biens manufacturés sont indispensables pour susciter une croissance durable.
4) Seule une stratégie basée sur le développement industriel peut, à moyen terme,
déboucher sur cette croissance durable.
5) Haïti malgré son statut actuel de PME ne peut passer outre cette exigence
d’exportations. Dans une globalisation économique ayant la forme actuelle ou une
forme améliorée pour corriger les discriminations constatées, Haïti devra mettre en
place les moyens nécessaires pour bâtir sa compétitivité.
Cette vision de la croissance durable doit devenir conviction et référence de stratégies
d’actions.
5.2 Des stratégies multisectorielles orientées par la vision
Des stratégies multisectorielles coordonnées et soutenues sont nécessaires pour porter
cette vision partagée à court et moyen terme. Il est clair que dans sa condition actuelle
Haïti n’a pas les moyens d’être compétitif à court terme dans le secteur industriel. Il est
tout aussi clair qu’elle ne peut l’être à court terme dans aucun autre secteur. L’essentiel
est de maintenir le cap dans la bonne direction. La route peut être plus ou moins longue
dépendamment du niveau de mobilisation et de la constance dans l’effort mais il n’y a
pas d’autre issue.
Le développement industriel comme stratégie de base sur laquelle doivent se développer
les autres stratégies sectorielles a le mérite de servir de fil conducteur pour définir les
seuils nécessaires dans les autres secteurs pour le démarrage des activités industrielles,
d’améliorer de façon continue les compétences technologiques en vue d’atteindre la
compétitivité.
Cinq principales stratégies de développement industriel sont couramment
recommandées à un pays, en regard de son niveau de performance et tenant compte de
ses capacités réelles :
• Se concentrer sur la recherche et développement (R &D) et/ou l’investissement
étranger direct (IED);
• Attirer la technologie étrangère aux conditions du marché, tout en dotant les
entreprises locales de solides capacités technologiques et d’innovation;
180
•
•
•
S’insérer jusqu’à un certain point dans les chaînes de valeurs mondiales en devenant
fournisseurs de produits et composants à fortes intensité de main-d’œuvre sans avoir
de capacités nationales solides;
Combiner l’appel à l’IED et une politique industrielle énergique ciblant les activités à
lancer et les fonctions à moderniser;
Exploiter le potentiel des IED par l’intermédiaire d’une gestion économique saine,
des attitudes favorables aux entreprises, une situation géographique attrayante.
Haïti n’a d’autre choix que de s’engager dans celle la plus simple aujourd’hui, tenant
compte de ses moyens réels. Sa stratégie consistera à exploiter le potentiel des IED par
une gestion économique saine, des attitudes favorables aux entreprises, une situation
géographique attrayante. Dans l’optique des stratégies multisectorielles elle doit formuler
et mettre en œuvre en même temps les stratégies complémentaires permettant d’atteindre
les seuils nécessaires dans les autres secteurs pour un décollage véritable. Les autres
étapes stratégiques indiquées pour arriver au développement durable (voir figure 1 en
annexe 8), viendront successivement avec l’atteinte préalable des seuils conditionnels et
l’amélioration continue des capacités technologiques.
5.3 Les politiques pour la mise en œuvre des stratégies multisectorielles
Des politiques adaptées, cohérentes visant plusieurs secteurs à la fois, dans un soucis de
convergence, de simultanéité, de coordination et de continuité doivent être adoptées pour
la mise en œuvre des stratégies. Ces politiques toucheront à la fois la stabilité macroéconomique, le développement humain, la productivité agricole, les infrastructures de
base, le développement industriel, l’équité sociale, la gestion de l’environnement et de
l’espace urbain. (tableau 4 en annexe 6 et figure 2 en annexe 8). Ces politiques viseront à
combler progressivement les écarts indiqués (tableau 3 en annexe 5) et atteindre les seuils
nécessaires pour changer d’étape stratégique de développement industriel
5.4 Un plan d’action réaliste
Le plan d’action sera global, souple et réaliste pour réussir la mise en œuvre des
politiques associées aux stratégies multisectorielles découlant de la vision de
développement durable du pays. L’objectif à moyen et long terme est le développement
industriel, mais le court terme assurera la mise en place des processus devant conduire à
l’atteinte des seuils indispensables du secteur et des autres secteurs connexes.
L’orientation de départ privilégiera les actions les plus susceptibles de résultats qui
doivent elles-mêmes servir de base pour le financement graduel d’activités moins
rentables financièrement à court terme. Des actions nécessaires dérivant des politiques
d’appui aux entreprises (tableau 5 en annexe 7) doivent être sélectionnées en
correspondance avec les priorités stratégiques définies au préalable.
181
5.5 Un partenariat Pouvoirs Publics, Entreprises, Société civile
Il s’agit de créer et de maintenir à toutes les étapes de la formulation et de la mise en
œuvre du plan stratégique de développement durable un partenariat efficace et efficient
des pouvoirs publics, entreprises et société civile aux différents niveaux national et local
afin d’optimiser les ressources et processus de production. C’est à ce prix que le pays
pourra réellement bénéficier des partenariats externes.
6. Conclusion
Un processus de développement durable initié à partir d’une situation de grandes
faiblesses caractérisées ne peut pas être simple. Il ne peut être abordé que dans un esprit
de cohésion, de patience dans l’effort et d’améliorations continues sur le moyen et le long
terme. Le plus difficile dans tout ceci, est d’amener les haïtiens cohabitant cet espace à
reconnaître le bien fondé de la démarche et d’accepter de se mettre courageusement au
travail dans le respect réciproque et le souci des résultats. Des partenariats nécessaires
entre pouvoirs publics, entreprises et société civile (figure 3 et 4 en annexe 10 et 11)
doivent être mis en œuvre à tous les niveaux structurels du pays pour la coordination des
efforts. Le développement durable sera la résultante de ces efforts concertés et continus.
Les intégrations régionale et internationale (figure 5 en annexe 12) ne seront profitables
au pays que dans la mesure ou les partenariats nationaux pour le développement seront
efficients dans leur fonctionnement et dans leurs résultats. Les efforts des petites
économies, dont Haïti, aboutiront d’autant plus facilement que la communauté
internationale s’engagera à éliminer les discriminations existantes dans les échanges
internationaux et aussi à rendre la coopération plus efficiente.
7. Bibliographie
1) Banque Mondiale (2001), Mondialisation,croissance et pauvreté. Un rapport de
recherche politique de la Banque Mondiale
2) Banque Mondiale (2003), Atlas de la Banque Mondiale
3) CEPAL (2002), Globalization and development
4) CLED (2000), Compétitivité régionale et internationale : enjeux et stratégies, Acte de
la conférence
5) Forum Economique Mondial, Global Competitiveness Report 2002-2003
6) International Institute for Management Development(IMD), World Competitiveness
Yearbook
7) Nations Unies (2001), Mémoire de la République d’Haïti, 3e conférence sur les pays
les moins avancés
8) Nations Unies (2001), Résumé analytique du rapport du groupe de haut niveau sur le
financement du développement
9) ONUDI, Rapport sur le développement industriel 2002-2003 : La compétitivité par
l’apprentissage et l’innovation
182
10) ONUDI (2000), John Thobum, La recherche d’une voie pour l’industrie Africaine :
Enjeux et Options stratégiques
11) ONU (2000), Déclaration du Millénaire
12) PNUD (2003), Rapport sur le développement humain
13) Politis No 803 : L’envolée des inégalités sociales, par Thierry Brun
14) Politis No 698 : Le marché une hypothèse dépassée, par André Meury
15) Streeten : Globalisation threat or opportunity
8. Annexes
1) Tableau 1a : Compétitivité, comparaison des classification (pays en dernières
positions)
2) Tableau 1b : Compétitivité, comparaison des classifications (pays en premières
positions )
3) Tableau 1c : Compétitivité, comparaison des classifications(pays en positions
médianes)
4) Tableau 2 : Haïti dans la globalisation : Forces, faiblesses, menaces et opportunités
5) Tableau 3 : Haïti, les écarts à combler
6) Tableau 4 : Politiques multisectorielles pour un décollage économique d’Haïti
7) Tableau 5 : Organismes d’appuis aux entreprises industrielles
8) Figure 1 : Processus de développement industriel d’Haïti – Etapes stratégiques à
envisager
9) Figure 2 : Politiques multisectorielles pilotées par une stratégie de développement
industriel
10) Figure 3 : Compétitivité en contexte de globalisation, Modèle – Coordination
nationale
11) Figure 4 : Compétitivité en contexte de globalisation, Modèle – Partenariats national,
départemental, communal, section communal
12) Figure 5 : Compétitivité en contexte de globalisation, Modèle – Intégration régionale
et internationale
183
ANNEXE 1
TABLEAU 1a : COMPETITIVITE, COMPARAISON DES CLASSIFICATIONSa
PAYS EN DERNIERES POSITIONS
FEM-GCI FEMRang sur BCI
102b
Rang sur
102b
OnudiIPC Rang
sur 87 en
1998
OnudiIPC
Rang
sur 87
en 1985
Ghana
71
63
86
76
129
Guatemala
Zimbabwe
Malawi
Algérie
Equateur
Népal
Ouganda
Sénégal
Nigeria
Centre Afrique
Cameron
Bolivie
Honduras
Nicaragua
Yémen
Zambie
Mozambique
Bengladesh
Paraguay
Madagascar
Ethiopie
Mali
Chad
Angola
Haïti
89
97
76
74
86
86
78
72
88
89
80
79
87
74
87
80
91
85
94
90
83
98
95
94
48
51
81
74
61
79
84
76
78
83
75
67
64
70
85
56
38
78
54
58
79
80
59
75
77
72
69
66
62
88
93
98
95
96
92
99
101
100
102
84
93
91
97
90
96
92
99
101
100
119
145
162
107
97
143
147
156
152
168
142
114
115
121
148
163
170
139
84
149
169
172
72
73
71
82
87
64
63
73
IMD
Rang
sur
60c
IDH
Rang
sur 175d
164
150
(a): Ce tableau est basé sur le rang moyen des pays obtenu à partir des classifications d’évaluation
de la compétitivité. La colonne de classification IDH figure à titre indicatif seulement et ne rentre
pas dans la détermination du rang moyen.
(b) : année 2002-2003
(c) : année 2004-08-20
(d) : année 2003
184
ANNEXE 2
TABLEAU 1b : COMPETITIVITE, COMPARAISON DES CLASSIFICATIONSa
PAYS EN PREMIERES POSITIONS
FEM-GCI FEM-BCI OnudiRang sur Rang sur IPC Rang
102b
102b
sur 87 en
1998
USA
2
2
6
OnudiIMD
IPC Rang Rang
sur 87 en sur 60c
1985
5
1
Finlande
1
1
8
7
Suède
3
3
7
4
12
3
Suisse
7
7
2
1
9
10
Danemark
4
4
13
13
5
11
Islande
8
14
8
2
Allemagne
13
5
20
18
Luxembourg
21
2
15
Pays-Bas
12
9
14
14
13
5
Angleterre
15
6
10
12
19
13
Canada
16
12
16
9
6
8
Japon
11
13
4
2
25
9
Australie
10
11
29
23
7
4
Autruche
17
17
12
11
14
16
Irlande
30
21
3
15
11
12
Norvège
9
22
21
17
15
1
Belgique
27
15
9
8
18
6
France
26
10
11
10
23
17
5
3
IDH
Rang
sur
175d
14
7
(a): Ce tableau est basé sur le rang moyen des pays obtenu à partir des classifications d’évaluation
de la compétitivité. La colonne de classification IDH figure à titre indicatif seulement et ne rentre
pas dans la détermination du rang moyen.
(b) : année 2002-2003
(c) : année 2004-08-20
(d) : année 2003
185
ANNEXE 3
TABLEAU 1c : COMPETITIVITE, COMPARAISON DES CLASSIFICATIONSa
PAYS EN POSITIONS MEDIANES
Singapour
FEM-GCI FEM-BCI Onudi-IPC
Onudi-IPC IMD
IDH
Rang sur Rang sur Rang sur 87 Rang sur Rang sur Rang sur
102b
102b
en 1998
87 en 1985
60c
175d
6
8
1
6
28
4
Taiwan
5
16
15
19
17
HongKong
24
19
30
18
10
26
Corée
18
23
18
22
37
30
Malaisie
29
26
22
30
21
58
Thaïlande
32
31
32
43
30
74
Slovénie
31
30
28
40
29
Hongrie
33
38
27
34
34
38
Chili
28
32
47
53
26
43
Tchèque
39
35
24
35
32
Chine
44
46
37
61
29
104
Mexique
47
48
23
28
53
55
Brésil
54
34
33
27
52
65
Costa Rica
51
45
36
44
Pologne
45
47
34
25
55
35
Philippines
66
65
25
45
49
85
Russie
70
66
44
54
63
Roumanie
75
76
41
51
72
37
(a):
42
Ce tableau est basé sur le rang moyen des pays obtenu à partir des classifications
d’évaluation de la compétitivité. La colonne de classification IDH figure à titre indicatif
seulement et ne rentre pas dans la détermination du rang moyen.
(b) : année 2002-2003
(c) : année 2004-08-20
(d) : année 2003
186
ANNEXE 4
TABLEAU 2 : HAITI ET GLOBALISATION : FORCES, FAIBLESSES, MENACES
ET OPPRTUNITES
FORCES
FAIBLESSES
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Situation géographique (proximité du marché
américain, accès aisé au fret maritime)
Potentiel touristique (climat, paysage, culture,
histoire)
Potentiel de l’industrie culturelle (peinture,
musique, culture, histoire, etc.)
Main-d’oeuvre abondante et mobile
Population jeune
Niveau des transferts de la diaspora haïtienne
et intensité des interrelations entre elle et le
pays d’origine
•
•
•
Exiguïté du marché interne
Revenu par habitant faible
Indice de développement humain faible
Infrastructure de base quasi inexistante
Instabilité macro-économique
Instabilité sociale et politique
Faible gouvernance politique et économique
Faible productivité agricole
Faiblesse des institutions politiques et grande
disparité dans la structure sociale
Mauvaise gestion de l’environnement et de
l’espace urbain
Très faible développement industriel
Mauvaise image du pays à l’extérieur
OPPORTUNITES
MENACES
•
•
Capacité d’investissement en Haïti de la
diaspora haïtienne et intensification des liens
• Levée des restrictions contre Haïti au niveau
de la coopération internationale depuis juillet
2004, suite à certaines petites améliorations
du climat sociopolitique depuis mars 2004
•
Au niveau international, densité des flux
d’échanges :
o De capitaux
o De main-d’œuvre
o De technologies
•
•
•
187
Désintégration interne par renforcement de
l’exclusion
entre
catégories
socioprofessionnelles
Incapacité d’intégrer les chaînes de valeurs
mondiales
(isolement,
exclusion
internationale)
Amplification de l’exode des cerveaux
Discrimination inchangée du système
commercial et financier mondial
ANNEXE 5
TABLEAU 3 : HAITI, LES ÉCARTS À COMBLER a
Indicateurs principaux
Haïti
Monde PVD
PMA
1. Espérance de vie à la naissance, en année (2001)
2. Taux d’alphabétisation des adultes, en % de la population
de 15 ans et plus, 2001
3. Taux net de scolarisation primaire, en %, 1990-91
4. PIB par habitant (PPA), 2001
5. PIB par habitant( $ US), 2001
6. Valeur de l’indicateur de développement humain
7. Population utilisant des installations sanitaires
améliorées(%), 2000
8. Population ayant accès à tout moment à des points d’eau
aménagés (%), 2000
9. Proportion d’accouchements assistés par un personnel de
santé qualifié (%), 1990-2002
10. Personnes souffrant de malnutrition, en % de la
population totale, 1998-2000
11. Personnes infectées par le VIH/sida, en % de la
population de 15 à 49 ans, 2001
12. Taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans, pour
1000 naissances vivantes, 2001
13. Lignes téléphoniques d’abonnés, pour 1000 habitants,
2001
14. Abonnés à un service de téléphone mobile, pour 1000
habitants, 2001
15. Internautes, pour 1000 habitants, 2001
16. Importations, en % du PIB, 2001
17. Exportations des biens et services, en % du PIB, 2001
18. Exportations de produits primaires, en % des exportations
de marchandises, 1990
- 2001
19. Exportations de produits manufacturés, en % des
exportations de marchandises, 1990
-2001
20. Exportations de produits de haute technologie, en % des
exportations de produits manufacturés, 1990
-2001
21. Consommation d’électricité par habitant, en KWh, 2000
49,1
50,8
66,7
-
64,4
74,5
50,4
53,3
Am.
Latine
&
Caraïbe
70,3
89,2
22
1860
460
0,467
28
82
7376
5133
0,722
61
80
3850
1270
0,665
51
54
1274
280
0,448
44
87
7050
3752
0,777
77
46
82
78
62
86
24
60
56
31
82
50
-
18
38
12
6,10
1,20
1,30
3,50
0,60
123
81
89
156
34
10
169
87
6
162
11
153
75
6
160
3,6
33
13
79,6
28
29
26,5
32
34
1,8
30
21
49,0
19
18
15
-
-
-
-
65
40
85
-
73
78
63
73
-
34
49
14
37
16
23
2156
8
27
810
77
4
15
1528
. (a) Source PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2003
188
ANNEXE 6
TABLEAU 4 : POLITIQUES MULTISECTORIELLES POUR UN DECOLLAGE
ECONOMIQUE
Politiques
Secteurs
1. Stabilité macro-économique
(Pour créer de nouveaux débouchés)
Taux d’inflation réduit, taux d’intérêt réel positif, taux de change réel équivalent au
taux du marché libre, équilibre budgétaire, politique de taxation orientée vers le
développement industriel
Alimentation, santé, éducation, eau et infrastructures sanitaires afin de favoriser
l’émergence d’une main-d’œuvre capable de participer activement à l’économie
mondiale
• Recours à des technologies plus efficaces (semences améliorées, techniques de
labourage et d’assolement, gestion des éléments nutritifs du sol, lutte contre les
nuisibles)
• Infrastructure (irrigation, moyens de stockage et de transport, routes)
• Sécurité d’occupation des terres pour les agriculteurs (propriété foncière)
• Crédit agricole
Des seuils nécessaires pour attirer l’investissement vers les secteurs de production
non traditionnelle
• Réseaux routiers
• Electricité
• Ports
• Communication
Politiques industrielles spécifiques (priorisant les PME)
• Appuis aux entreprises
• Exonérations fiscales sélectives, temporaires
• Création de zones industrielles dédiées à l’exportation (zones franches)
• Crédit d’impôt à l’investissement
• Promotion des sciences et de la technologie (parcs scientifiques)
• Financement ciblé de la R&D
• Subventions publiques sous forme d’infrastructures et terrains
•
Institutions politiques pour garantir :
• droits des femmes (éducation, propriété, emploi, etc.)
• élimination de toutes formes de discrimination et de corruption
• accès aux services publics et aux opportunités du secteur privé
• démocratie et décentralisation (participation, justice et transparence)
• gestion avisée de l’environnement (protéger la biodiversité et les écosystèmes)
• gestion de l’urbanisation galopante (planification, investissement public de
grande ampleur)
2.
Investissement
développement humain
dans
le
3. Investissement pour accroître la
productivité
agricole(Sortir
de
l’agriculture de subsistance et de la
disette)
4. Investissement en infrastructure de
base
5. Développement industriel
6. Equité sociale
7. Viabilité de l’environnement et
gestion urbaine
189
ANNEXE 7.1
TABLEAU 5 : ORGANISMES D’APPUIS AUX ENTREPRISES INDUSTRIELLES
Organismes types
Rôles
Paramètres à prendre en compte
1. Organismes de Attirer les IED les plus appropriés pour • Créer un environnement de politique générale propice
promotion
des promouvoir le développement industriel
et convivial pour les milieux d’affaires
investissements
d’un secteur
• Identification de projets d’investissement (ou de
partenaires étrangers)
• Satisfaction des besoins stratégiques des entreprises :
perfectionnement de compétences, recrutement,
identification et perfectionnement de fournisseurs
locaux
• Identification des ressources locales (compétences
spécialisées, infrastructure, etc,)
2.
Domaines • Créer un secteur manufacturier orienté • Plan directeur prévoyant : route, moyens de transport,
industriels et zones
vers l’exportation
services d’utilité publique
franches
• Faciliter l’accès en franchise de droit • Satisfaction
des
besoins
administratifs
et
aux matériaux importés
technologiques (cadre juridique et institutionnel) :
bureau d’études, services financiers, formation, avis
• Offrir des procédures simplifiées pour
techniques, services conjoints de recherche, etc.
l’exportation et le rapatriement des
fonds
3.
Services • Donner accès aux bases de données de • Information dans 3 domaines (marchés d’exportation,
d’information
par le monde (technologie, marchés,
technologie, IED)
possibilité d’investissement)
• Services Internet
• Diffusion des résultats et des • Formation (élaboration de page WEB, mise en place
recherches en cours
Intranet)
4.
Normes
et Hiérarchie d’organismes de métrologie :
Respect de pratiques commerciales convenues dans des
métrologie
• Le bureau International des poids et domaine comme :
mesures chargé d’homologuer et de • Les marchés
calibrer les unités de mesures • La comptabilité
appliquées par les institutions • La gestion de projets
nationales
• La gestion environnementale
• L’ISO :
confédération
mondiale • La diffusion d’information sur la conception et
d’organismes
nationaux
de
l’ingénierie des produits
normalisation
5.
Centre
de • Promouvoir le développement de Cours de formation consacrés à :
promotion
de
la
l’industrie
(campagne
de • Technologies de l’info.
productivité
sensibilisation sur la nécessité • Robotique
d’améliorer la productivité)
• Information
• Création de réseau d’organismes • Gestion base de données
d’appui connexes
• Formation en gestion
• Conseils, Séminaires, cours sur : • Recherches psychologiques sur la réaction des
stratégie de gestion, aménagement des
employés dans différents environnements de travail
ateliers,
relations
travailleurs/direction, condition de
travail et environnement
• Voyage d’études et visites à l’étranger
d’installations
et
d’usines
performantes
190
6.
Services
vulgarisation
PME
de Aider les PME à introduire des
aux améliorations modestes mais rentables
grâce à l’application de technologies
éprouvées
Organismes type
Rôles
7. Appui aux PME
Appui pour faciliter le processus
(consortium de R&D, d’innovation et d’apprentissage
groupes d’achat et
ventes,
mutuelles Organisations clefs :
locales de crédits, • Institution de promotion de la R&D
institut de promotion • Les
ministères
(industrie
et
des exportations
commerce, etc.)
• Association d’exportateurs
• Association d’importateurs
• Associations professionnelles
8. Laboratoire de R&D transférée pour les pays en
R&D
(Centre
de développement
afin
de
faciliter
recherche, centre de l’assimilation,
l’adaptation
et
développement,
l’amélioration des technologies transférées
institut de recherche d’ailleurs.
sur les technologies de
l’industrie, service de Des labo R&D du secteur public ont un
vulgarisation)
rôle à jouer dans la mise au point de
technologies appropriées pour les PME et
leur transfert aux entreprises
191
•
Vulgarisation sur : les technologies, les méthodes de
gestion
• Administration de laboratoire de recherche
• Fourniture de conseils
Paramètres à prendre en compte
3 façons pour les PME d’avoir accès aux connaissances
technologiques :
• Mettre en commun leurs ressources et agir ensemble
(stands conjoints dans les foires,..)
• Avoir recours à un institut local de technologie
financé par l’état ou des donateurs étrangers afin
d’importer les nouvelles technologies
• Apprendre à travers des acheteurs étrangers (chaînes
de valeurs dirigées par des acheteurs)
•
•
•
•
Système de qualité
Formation
Développement de technologies
Utilisation directe de technologies étrangères
ANNEXE 8
PROCESSUS DE DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL D’HAITI
ETAPES STRATEGIQUES A ENVISAGER
FIGURE : 1
CHOIX 1
ETAPE 1
CHOIX 2
Stratégie 1
CHOIX 3
ETAPE 3
Stratégie 3
ETAPE 2
Stratégie 2
CHOIX 4
ETAPE 4
Stratégie 4
NOTES :
1. Choix 1 : Adoption d’une stratégie de développement industriel
2. Stratégie 1 : Exploiter le potentiel des IED grâce à une gestion économique saine,
des attitudes favorables aux entreprises, une
situation
géographique attrayante
3. Choix 2 : Passage à la stratégie 2 après atteinte des seuils de l’étape 2
4. Stratégie 2 : Combiner l’appel à l’IED et une politique industrielle énergique
ciblant les activités à lancer et les fonctions à
moderniser
5. Choix 3
:Passage à la stratégie 3 après atteinte des seuils de l’étape 3
6. Stratégie 3 : Attirer la technologie étrangère aux conditions du marché, tout en
dotant les entreprises locales de solides capacités technologiques et d’innovation
7. Choix 4
: Passage à la stratégie 4 après atteinte des seuils de l’étape 4
8. Stratégie 4 : Se concentrer sur la recherche et développement (R&D)
ANNEXE 9
POLITIQUES MULTISECTORIELLES
192
Pilotées par une stratégie de développement industriel
FIGURE : 2
POLITIQUES DE
STABILITE
MACROECONOMIQUE
POLITIQUES DE
DEVELOPPEMENT HUMAIN
POLITIQUES
DE
DEVELOPPEMENT
INDUSTRIEL
POLITIQUES DE
COMPETITIVITE
AGRICOLE
POLITIQUES EN
INFRASTRUCTURE DE BASE
POLITIQUES
D’EQUITE
SOCIALE
POLITIQUES DE
GESTION DE
L’ENVIRONNEMENT ET ESPACE
URBAIN
193
ANNEXE 10
COMPETITIVITE EN CONTEXTE DE GLOBALISATION
MODELE – COORDINATION NATIONALE
FIGURE : 3
STRUCTURES
etatee
NATIONALES
•
•
•
STRUCTURES
DEPARTEMENTALES
•
Gouvernance
nationale
Entreprises
Société civile
•
•
STRUCTURES
SECTIONS
COMMUNALES
•
•
•
Gouvernance
départementale
Entreprises
Société civile
STRUCTURES
COMMUNALES
•
Gouvernance
section
communale
Entreprises
Société civile
•
•
Gouvernance
communale
Entreprises
Société civile
ANNEXE 11
194
COMPETITIVITE EN CONTEXTE DE GLOBALISATION
MODELE – PARTENARIATS
SECTION COMMUNALE
NATIONAL, DEPARTEMENTAL, COMMUNAL,
FIGURE : 4
GOUVERNANCE
NATIONALE,
DEPARTEMENTAL,
COMMUNAL,
SECTION
etatee
COMMUNAL
• Stabilité macro
• Réforme
institutionnelle
• Infrastructure
• Appui aux
entreprises
• Participation,
justice,
transparence
ENTREPRISES
•
•
•
•
Productivité
Pratiques
managériales
Compétences
technologiques
Maîtrise de la
distribution
internationale,
nationale et
régionale
SOCIETE CIVILE
Organisations de défense et de
promotion :
• culturelle,
• politique,
• économique,
• sociale,
• écologique,
• technologique,
• légale
ANNEXE 12
195
COMPETITIVITE EN CONTEXTE DE GLOBALISATION
MODELE - INTEGRATION DE PAYS
FIGURE : 5
PAYS B
PAYS A
•
•
•
•
ETAT /
GOUVERNEMENT
ENREPRISES
SOCIETE CIVILE
•
•
RESEAUX
DES
INTERNATIONALES
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
ONU et filiales
OMC
UE
ALENA
MERCOSUR
BANQUE MONDIALE
FMI
BID
ASEAN
ETC.
196
ETAT /
GOUVERNEMENT
ENTREPRISES
SOCIETE CIVILE
INSTITUTIONS
RECHERCHE SCIENTIFIQUE, MONDIALISATION ET
DÉVELOPPEMENT : ENJEUX ET ACTEURS
(avec quelques considérations préliminaires sur la Caraïbe)
André Martens287
Introduction
Monsieur le Président de séance, chères et chers collègues, Mesdames et Messieurs,
Quand, il y a quelques mois, le Professeur Narcisse Fièvre, doyen de la Faculté des
sciences économiques et administratives de l’Université Quisqueya, me confirma que,
malgré les difficultés que connaissait Haïti, le présent colloque aurait bien lieu, je dois
vous avouer que j’étais quelque peu sceptique. Non seulement je m’en excuse
sincèrement, aujourd’hui, auprès de lui, mais je tiens également à exprimer toute mon
admiration pour les immenses efforts que lui-même et les autres membres du comité
organisateur ont mis dans la préparation de la manifestation qui nous réunit.
Ma communication « Recherche scientifique, mondialisation et développement : enjeux
et acteurs » s’appuiera principalement sur un document que j’ai rédigé en 2003 à
l’intention du Centre de recherches pour le développement international (CRDI), situé à
Ottawa, et qui portait sur l’état de la recherche dans les pays en développement (Martens,
2003). Dans ma présentation de ce matin, j’ajouterai quelques considérations, tout à fait
préliminaires, sur la situation de la recherche dans la Caraïbe. Cet ajout, je le ferai à mes
risques et périls. En effet, hormis un séminaire d’analyse de politique économique que
j’ai donné, il y a plusieurs années, à la Barbade, à l’intention de diplomates canadiens en
poste dans la région, trois missions techniques que j’ai effectuées récemment à Cuba et
un séjour de plongée sous-marine aux Bahamas, je connais mal la Caraïbe. Étant donné le
thème du colloque, je ne pouvais toutefois pas la passer sous silence. Cela aurait été en
outre, de ma part, faire preuve d’une grande impolitesse après tous les efforts qui furent
mis pour me faire venir et m’accueillir en Haïti.
287
Centre de recherche et développement en économique et Département de sciences économiques,
Université de Montréal, Québec, Canada
197
La mondialisation : une définition plurielle
La mondialisation, traduction de « globalization », terme apparaissant, aux États-Unis,
au début des années 80, est avant tout la libéralisation des échanges commerciaux et
financiers mettant en concurrence, à l’échelle planétaire, les acteurs économiques et
financiers nationaux et internationaux.
À cette définition de base, plusieurs éléments se sont ajoutés, principalement durant les
années 90 : l’abandon, après la chute du Mur de Berlin en 1989, des politiques
autarciques et du commerce d’État dans la plupart des anciens pays communistes; la
transmission universelle et instantanée de l’information; les mouvements migratoires; le
commerce des produits culturels; le transfert de valeurs culturelles et politiques; et aussi,
l’« américanisation » de la planète.
Au moins quatre indicateurs de nature économique peuvent être utilisés pour mesurer le
degré et le rythme de la mondialisation : le taux d’augmentation des échanges
internationaux en biens et services par rapport au taux de croissance de la production
mondiale, la réduction des différences inter-pays et intercontinentales de prix des
produits, l’augmentation de la part des immigrants dans la population des pays d’accueil,
l’augmentation du ratio du capital exporté par rapport au PIB des pays exportateurs de
capital. Si on se fie à ces quatre indicateurs, au moins deux constations s’imposent
(Lindert et Williamson, 2000). D’une part, le début de la présente vague de
mondialisation n’est pas récent : le phénomène peut être décelé dès les années 50.
D’autre part, on n’en est pas au premier mouvement de mondialisation de l’histoire
contemporaine : la période allant de 1820, année du début de la consolidation de la
Révolution industrielle, à 1914, année marquant le commencement de la Première Guerre
mondiale, fut aussi une ère d’intense mondialisation. C’est comme si la mondialisation
était incontournable, voire inéluctable, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas.
L’ « Empire américain » n’est pas non plus le premier empire hégémonique qu’a connu
l’histoire de l’humanité. Remplacez les jeans, les films de violence, les hamburgers et le
coca-cola par des toges et des tuniques, des jeux de cirque, de l’huile et des olives, et du
vin. Parlez le latin plutôt que l’anglais. Substituez l’or et l’argent au pétrole, comme
matières stratégiques dont l’accès est susceptible d’entraîner des conflits et des
campagnes militaires. Utilisez la monnaie de bronze, que sont les deniers et les sesterces,
au lieu du billet vert. D’un bond, vous serez passé de l’Empire américain du troisième
millénaire à l’Empire romain, qui exista du 1er au 5ième siècle après Jésus- Christ.
Croissance économique, progrès technique et ouverture aux échanges
extérieurs
Peu mettent en doute, de nos jours, que la croissance économique, telle que mesurée par
le taux d’augmentation du PIB réel, est une condition nécessaire d’un développement
durable. La croissance économique traduit le plein-emploi et une utilisation plus efficace
198
des moyens de production. Elle diversifie la gamme des produits de consommation
accessibles, y compris les produits culturels et les services de loisirs, qui déterminent le
bien-être des populations. Elle élargit l’assiette fiscale, ce qui, à son tour, facilite la
prestation de services publics, que ce soit dans les domaines de l’éducation, de la santé ou
de la protection de l’environnement, et permet la mise en œuvre de la couverture sociale
et de programmes destinés à des catégories particulièrement fragiles de la population,
comme les enfants et les personnes âgées. Elle contribue également à alléger le fardeau
de la dette extérieure. Le fait qu’en 1970, 11% des pauvres vivaient en Afrique et 76% en
Asie, tandis qu’à la fin du siècle dernier, 66% résidaient en Afrique et seulement 15% en
Asie, a été amplement dû aux performances différentes des deux régions entre 1970 et
1998, en termes de croissance macroéconomique (Sala-i-Martin, 2002).
On a reproché à la croissance économique de contribuer à la dégradation de
l’environnement naturel. C’est certes le cas lorsqu’on assiste à une croissance tous
azimuts en l’absence de normes environnementales et d’institutions ayant le pouvoir de
les appliquer. La Chine, avec sa pollution qui met en danger la santé de la population, en
est une triste illustration. On a aussi reproché à la croissance d’accentuer les inégalités
sociales entre pays et à l’intérieur des pays. Il est vrai que les inégalités entre pays, si
mesurées en termes du revenu moyen par habitant, se sont renforcées au cours des
années. Mais cette tendance date depuis environ deux siècles que la croissance fût forte
ou faible, et aussi, il faut le souligner, qu’il y eût mondialisation ou non. Par contre, si on
mesure les inégalités en termes de la distribution, au niveau de la planète, des revenus
individuels ou par ménages pour les deux dernières décennies du 20 ième siècle, on
constate, toujours à l’échelle planétaire, l’émergence d’une classe moyenne (Sala-iMartin, 2002). La détérioration de l’environnement naturel, la pauvreté et les inégalités
sociales restent évidemment des problèmes majeurs pour l’humanité. Les résoudre en
adoptant une approche de « croissance zéro » équivaut, selon moi, à jeter le bébé avec
l’eau du bain.
Il est notoire que le taux d’accroissement du PIB ne peut s’expliquer uniquement par les
taux d’augmentation du capital physique, y compris la surface des terres arables, et du
capital humain, c’est-à-dire du volume de la population active corrigé pour les
199
différences de qualifications. Il existe une troisième source, quelque peu mystérieuse, de
la croissance, qui réside dans la capacité de l’économie de mobiliser conjointement les
deux facteurs de production. Elle est appelée productivité totale des facteurs ou, plus
simplement, progrès technique. Un progrès technique faible ou négatif explique que
certains pays restent pauvres. Un progrès technique élevé amène certains autres pays à
échapper au piège de la pauvreté (Cohen et Soto, 2000). Au cours de la période 19601994, 20,6% du taux d’accroissement annuel moyen du PIB des pays de l’Asie de l’Est
sont attribuables au progrès technique. Le chiffre correspondant se situe à hauteur de
20,2% pour l’Asie du Sud, il est de 5,5% pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord,
mais tombe à moins 15,2% pour l’Amérique Latine et à moins 23,3% pour l’Afrique
subsaharienne (Senhadji, 2000 : 144-145). À l’évidence, dans ces deux dernières régions,
une faible capacité d’organisation du processus de production, conjuguée à d’autres
facteurs contextuels, a eu un sérieux impact sur la croissance elle-même.
Les tentatives d’expliquer les causes du progrès technique ou, au mieux, les facteurs qui
lui sont associés, ont été nombreuses (Banque Mondiale, 2003 : 34-35). Les paramètres
vers lesquels l’attention s’est portée ont principalement été les niveaux initiaux du capital
physique et humain, le degré d’ouverture de l’économie au commerce extérieur, le
régime de change, la qualité des politiques macroéconomiques mises en place ainsi que le
degré de stabilité politique et sociale. Il est établi que la plupart de ces variables
comptent, mais ce sont les niveaux initiaux du capital physique et humain qui sont les
plus significatifs, le capital humain jouant un rôle prépondérant (Senhadji, 2000 : 149152). Le degré d’ouverture au commerce extérieur, quant à lui, semble surtout jouer un
rôle dans le cas des pays en développement à faible revenu. Pour ces pays, l’aiguille du
progrès technique semble en effet se déplacer du rouge au vert à mesure qu’ils s’ouvrent
davantage sur l’extérieur (Miller et Upadhyay, 2000).
Offre et demande de connaissances et l’existence de biens publics
mondiaux
Les connaissances issues de la recherche peuvent faire l’objet d’une offre et d’une
demande de la part d’un grand nombre d’acteurs : universités, instituts nationaux et
régionaux de recherche scientifique, réseaux internationaux d’apprentissage et
d’échanges scientifiques et techniques, gouvernements et sociétés d’État, entreprises
privées, locales ou étrangères, producteurs du secteur informel, organismes privés ou
semi-privés (associations professionnelles, syndicats, groupements féminins, etc.),
dépositaires de savoirs ancestraux et autochtones, consommateurs de biens et services.
Le fait que la production des connaissances est souvent l’aboutissement d’un effort
concerté des secteurs privé et public peut se justifier a priori par deux caractéristiques
bien connues du savoir lui-même : il affiche, du moins dans une certaine mesure, les
caractéristiques d’un bien public, aussi dit bien collectif, et il peut engendrer des
externalités positives. On peut en effet avoir accès, dans de nombreux cas, à des
connaissances à un coût marginal nul, ou du moins très faible, par exemple en visitant,
sur la Toile, un site pharmaceutique, et il peut être difficile ou impossible d’empêcher des
200
individus de profiter librement de leurs avantages, comme dans le cas d’un avertissement
préventif de sécheresse ou d’inondation diffusé sur les ondes. Un exemple d’externalités
positives est celui où la vaccination de seulement une partie du bétail entraîne une baisse
du taux de morbidité des bêtes non vaccinées, le risque de contamination ayant été réduit.
Ces deux caractéristiques du savoir déterminent, en général, un rendement social des
connaissances supérieur à leur rendement privé ou, en d’autres mots, si la production du
savoir était laissée entièrement au marché, la quantité produite serait généralement sousoptimale du point de vue de la société dans son ensemble. Ceci explique que le
gouvernement puisse décider de s’investir dans des activités de recherche, de
subventionner la recherche privée ou de protéger les inventeurs à travers un système de
brevets.
Dans un cadre de mondialisation, la dimension de bien public des connaissances et des
externalités qu’elles sont susceptibles de créer peut même transcender les frontières.
Pensons à la recherche médicale sur le paludisme, à l’étude de mesures de sécurité
internationale ou de lutte contre le terrorisme ainsi qu’à l’amélioration dans la gestion de
bassins fluviaux irriguant plusieurs pays. Ce sont de véritables biens publics mondiaux
dont la production requiert un effort coopératif rassemblant les secteurs privé et public à
l’échelle internationale (Kaul, Greenberg et Stern, 1999; Ferroni et Mody, 2003).
Une distribution inégale des capacités de recherche au niveau mondial
L’indice de capacité en science et technologie (ICST), construit par le Péruvien Francisco
Sagasti, permet la classification des pays développés et en développement en quatre
catégories, allant des pays dotés de capacités endogènes en science et technologie bien
établies à ceux pour lesquels de telles capacités sont quasi-inexistantes (Sagasti, 2002)2.
Le tableau qui en émerge montre que la classification ordonnée en fonction de l’ICST
2
L’ICST est un indice qui inclut trois composantes sur la capacité intérieure (dépenses en R-D, nombre de
scientifiques et d’ingénieurs, production de biens à forte intensité de savoir) et trois composantes sur les
liens extérieurs (nombre de publications scientifiques, nombre de brevets déposés, infrastructures et
services de communication).
201
épouse de près le rang que ces pays tiennent en termes de l’Indice du développement
humain des Nations unies. Quant aux pays en développement eux-mêmes, seulement
Singapour entre dans la première catégorie, bien qu’il puisse paraître saugrenu de
continuer à parler de pays en développement dans son cas. La Malaisie, la Chine, Hong
Kong, le Mexique, l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Inde, Cuba, l’Argentine et la Thaïlande
sont par ordre décroissant dans la deuxième catégorie, c’est-à-dire celle des pays qui
connaissent des niveaux modérément élevés de capacité endogène, celle-ci étant
généralement concentrée dans les secteurs dynamiques de leur économie. Tous les autres
pays du Sud appartiennent à la troisième et à la quatrième catégorie.
Alors que, dans la plupart des pays de l’OCDE, les dépenses en R-D étaient, dès le milieu
des années 90, financées à plus de 50% par des entreprises privées (à raison de plus de
80% au Japon), parmi les pays en développement classés dans les deux premières
catégories de Sagasti, seuls Singapour et l’Afrique du Sud excédaient ce seuil, à hauteur
de 62,5% et 54,4% respectivement. Le Brésil affichait 19,8%, la Thaïlande 18,5%, le
Mexique 17,6% (calculé sur la décennie 1987-1997), l’Inde 13,4%, l’Argentine 11,3%, la
Malaisie 8,3%, la Chine (y compris Hong Kong) 2,8% et Cuba 0,0% (Institut de la
Statistique de l’Unesco, 2001; PNUD, 2001). Pour les autres pays en développement, soit
la R-D était essentiellement financée par des donateurs étrangers – 89,7% à Madagascar
et 60,6% au Burundi – soit le gouvernement demeurait le principal bailleur de fonds, à
quelques exceptions près, comme dans le cas de l’Indonésie et du Koweït.
À quoi la R-D était-elle affectée dans ces 11 pays en développement, considérés comme
les plus performants sur le plan scientifique? On dispose de peu de données directement
comparables à cet égard. Un indicateur possible est le pourcentage de personnes
appartenant au groupe d’âge des 20 à 24 ans qui furent admises dans les différentes
disciplines scientifiques au cours de la période 1990-95 (Banque Mondiale, 1998-99 :
180). À l’exception de l’Afrique du Sud où la majorité des étudiants avaient choisi les
202
mathématiques et l’informatique, pour les autres pays, les sciences de l’ingénieur, y
compris l’agronomie, venaient en tête. Cuba et Singapour ne figuraient pas dans cette
base de données, bien que, dans le cas de Cuba, il soit notoire que la R-D a été surtout
consacrée à la médecine, la pharmacologie et la biotechnologie (Schuyler, 2002).
L’ICST de Sagasti est essentiellement tourné vers les sciences dites dures (sciences de la
nature, sciences médicales et agronomiques, sciences de l’ingénieur, y compris les
mathématiques et l’informatique). Un indice de capacité comparable n’a pas encore été
mis au point pour les sciences sociales (sciences sociales et humaines proprement dites,
mais aussi le droit, les sciences économiques, la gestion et la science politique). Une
certaine appréciation demeure cependant possible, surtout en fonction de l’information
réunie par l’UNESCO à la fin des années 90 (UNESCO, 1999 : 104-154)3.
Le classement des grandes régions du monde selon leur capacité en sciences sociales suit
de près leur classement en termes de progrès technique.
En Asie de l’Est et du Sud, l’aide institutionnelle à la recherche est assez courante même
si, en Asie du Sud notamment, l’accès aux fonds puisse être entravé par le népotisme et
la complexité des procédures administratives. Les carrières ouvertes aux générations
actuelles de diplômés en sciences sociales se sont diversifiées. Peu nombreux sont ceux
qui font des études supérieures en vue d’une carrière universitaire. Ils le font davantage
pour acquérir des compétences leur permettant d’accéder à des postes de haut niveau
dans des ministères gouvernementaux, des centres de réflexion (« think tanks »), un
secteur des ONG en expansion ainsi que dans des entreprises commerciales, bancaires et
juridiques. Ces deux régions tirent avantage également de l’existence de plusieurs revues
scientifiques, surtout en Inde, en général de grande qualité. À la fin des années 90, les
Oxford University Press de New Delhi publiaient plus d’ouvrages que la maison-mère à
Oxford.
3
Bien qu’il soit amplement admis de nos jours que la résolution des problèmes de développement, qu’il
s’agisse de la pauvreté, de l’inégalité entre les sexes, de l’insécurité alimentaire, de l’illettrisme, des
pandémies, de la dégradation de l’environnement ou du manque d’accès à l’information, réclame une
approche multidisciplinaire ou, mieux encore, transdisciplinaire, la distinction entre sciences dures et
sciences sociales demeure utile lorsqu’on considère la nature de l’écart scientifique ou qu’on analyse la
composition de la main-d’œuvre instruite. En outre, les chercheurs en sciences sociales peuvent faire face à
des problèmes que d’autres scientifiques ne rencontrent généralement pas. En effet, les contributions dans
les sciences dures suivent de près le profil séquentiel de la R-D : invention, innovation, diffusion. Dans
certains cas, les contributions en sciences sociales montrent bien un profil similaire, ainsi que cela s’est
produit lors de la conception et l’adoption par plusieurs pays des comptes environnementaux (« verts ») des
Nations unies, comme au Costa Rica. Toutefois, dans la plupart des cas, ce profil est flou ou même
entièrement absent. Lorsqu’ils font connaître les résultats de leurs travaux, les chercheurs en sciences
sociales visent avant tout à « éclairer » le grand public, et souvent, en premier lieu, le gouvernement, sur
des thématiques particulières telles que le travail des enfants, la corruption ou l’acquisition d’une langue
étrangère. Fréquemment, ils y ajoutent des prescriptions de nature politique. Cette dimension politique des
sciences sociales explique que les chercheurs puissent se voir nier l’accès à des documents « sensibles » et
avoir des difficultés à communiquer leurs constations et leurs recommandations à cause de leur
méconnaissance du processus de décision politique lui-même ou que, de leur côté, les décideurs puissent
hésiter à donner suite à leurs travaux et à autoriser la publications des résultats (Stone, 2001 : 3).
203
Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les pays exportateurs de pétrole et Israël se sont
dotés d’infrastructures de recherche bien équipées et financées comme il le faut. Au
Yémen, comme dans d’autres pays pauvres de la région, de telles infrastructures sont tout
à fait négligées. Dans les pays à revenu moyen, la recherche fondamentale et la formation
universitaire de qualité ont décru. Toutefois, l’émergence dans plusieurs de ces pays,
notamment en Turquie mais également en Égypte et au Maroc, d’universités privées et
payantes pourrait avoir une influence favorable dans le futur sur la recherche effectuée
dans des disciplines particulières des sciences sociales, telles que les sciences
économiques et celles de la gestion des ressources humaines et financières.
En Amérique Latine, un petit sous-ensemble de la communauté scientifique jouit de
l’accès à une technologie de pointe et à des bibliothèques de qualité. Ces chercheurs sont
situés dans un groupe réduit d’universités d’élite de la région ou appartiennent à des
réseaux internationaux de recherche adéquatement financés. La qualité de leurs travaux
est le plus souvent à la hauteur de ceux réalisés par leurs homologues des pays
développés. Cependant, il est plus courant de voir les chercheurs privés des ressources les
plus élémentaires, comme les ouvrages et les revues scientifiques, de telle sorte qu’ils
sont rarement en mesure d’entretenir leurs acquis et, encore moins, de les développer.
En Afrique subsaharienne, l’instabilité politique et sociale, qui touche plusieurs pays, et
la déroute de maintes économies ont affecté la recherche en sciences sociales. Les
meilleurs spécialistes de ce domaine, formés pour la plupart à l’étranger grâce à l’aide
internationale, ont quitté la région ou ont trouvé refuge dans les bureaux régionaux
d’organisations internationales. Ceux qui sont restés dans les institutions locales, surtout
204
des jeunes, ignorent pour la majeure partie les travaux de leurs pairs dans la région et sont
isolés du milieu intellectuel international à cause de l’inaccessibilité à des documents de
recherche mis à jour, d’une technologie de communication limitée et de certaines
divisions linguistiques, spécialement entre l’Afrique francophone et l’Afrique
anglophone. Dans quelques cas, des réseaux bien financés de l’extérieur et bénéficiant
d’une expertise internationale ont tenté de remédier à cette situation, tel le Consortium
pour la recherche économique en Afrique (CREA) basé à Nairobi.
Dans toutes ces régions, les études portant sur l’inégalité des sexes, et en particulier sur la
nécessité d’intégrer les femmes aux projets de développement si ces derniers doivent
réussir, se sont multipliées. Mais, dans la plupart des cas, la recherche en sciences
sociales s’est concentrée sur des enjeux propres à chacune des régions : en Asie de l’Est,
la mondialisation des échanges et, en outre, dans le cas de la Chine et du Vietnam, la
réconciliation des principes fondamentaux du socialisme et de ceux du fonctionnement
d’une économie de marché; en Asie du Sud, le développement national, l’intégration des
minorités ethniques ainsi que les conflits sociaux et culturels; au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord, les droits de la personne, la migration de retour et le libre-échange avec
l’Union Européenne; en Amérique Latine, la démocratisation, les ententes régionales sur
le commerce extérieur, le chômage et la pauvreté; en Afrique subsaharienne, les conflits
politiques et ethniques, les impacts sociaux des programmes d’ajustement structurel et de
stabilisation et, aussi, la pauvreté. Dans certaines régions, on s’est également tourné vers
205
des recherches de nature plus théorique ou plus spéculative, telle que l’économie
mathématique en Asie du Sud, ou la philosophie et la religion au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord ainsi qu’en Malaisie et au Pakistan où les docteurs de l’Islam ont essayé,
entre autres, d’harmoniser les principes de la finance islamique et l’existence de
nouveaux produits financiers, comme les futures et les options (Martens, 2001).
Mondialisation et transferts de technologies
Une technologie peut faire l’objet d’un transfert d’un pays (ou région) à un autre pays
(ou région) à travers divers canaux non exclusifs. Les principaux sont l’investissement
direct étranger (IDE) s’accompagnant ou non de la création de coentreprises avec des
firmes locales, l’importation de produits de haute technologie et l’acquisition des droits
de produire de nouveaux produits ou d’utiliser de nouveaux procédés de production
développés ailleurs.
Des expériences récentes attestent que l’IDE a souvent joué un rôle majeur dans la
transformation des économies en développement des pays d’accueil et leur reconversion
d’exportatrices de produits agricoles et de matières premières en exportatrices de produits
manufacturés, comme dans le cas du Bangladesh et de Maurice, et parfois même de
produits de haute technologie4. Il a également favorisé la création de « silicon valleys »
4
Au Bangladesh, l’essor des exportations de vêtements est attribuable en grande partie à un accord
coopératif signé, en 1979, entre Desh Garment Ltd et le sud-coréen Daewoo qui s’engageait à former des
ouvriers banglodais en Corée et à transférer une partie de ses activités d’exportation au Bangladesh
(Daewoo cherchait une nouvelle base lui permettant d’échapper aux quotas d’importation de vêtements que
les Américains et les Européens avaient imposés à la Corée mais qui ne touchaient pas le Bangladesh). Cet
effort concerté a connu un vif succès , « trop même du point de vue de Daewoo » qui vit « les avantages de
son investissement en connaissances se propager bien au-delà de ses intentions » (Easterly, 2002 : 146148).
206
dans les pays du Sud, qui, depuis récemment, entraîne une délocalisation d’emplois à
haute qualification de l’Occident vers les régions en développement, le plus célèbre de
ces sites étant celui de Bangalore, capitale de l’État indien du Kamataka.
Dans quelle mesure, toutefois, l’IDE a-t-il eu des retombées sur la productivité des
entreprises et des secteurs locaux de production qui ne reçurent pas un tel apport
extérieur, ces retombées pouvant être générées, par exemple, par le mouvement de la
main-d’œuvre locale des entreprises étrangères vers des entreprises locales ou bien par la
simple observation du fonctionnement des coentreprises créées par l’IDE? Dans certains
cas, ces retombées ont été inexistantes, comme au Maroc, du moins vers la fin des années
80 (Haddad, 1993), et au Venezuela dans les années 90 (Aitken et Harrison, 1999). Dans
le cas des industries électroniques et textiles de la Chine, de tels effets ne se sont
matérialisés qu’après la disparition des entreprises les plus inefficaces (Hu et Jefferson,
2000), résultat confirmant les conclusions d’une étude du secteur manufacturier de
l’Indonésie qui avait montré que les retombées de l’IDE avaient été confinées aux
branches de production les plus concurrentielles (Sjöholm, 1997).
Le deuxième canal de transfert technologique emprunte la voie de l’importation de
produits à hautes technologies enchâssées (« high technology-embedded products »). S’il
s’agit de biens intermédiaires et d’équipement, leur importation peut signifier une plus
grande sophistication technologique de la part des entreprises locales qui utilisent de tels
207
biens dans leur processus de production. En Inde, par exemple, il a été montré que
l’importation de nouveaux biens d’équipement a eu un impact positif sur la productivité
des firmes concernées et ce, dans un ample éventail d’activités (Hassan, 2002). S’il s’agit
de produits finis, leur importation peut signifier que les utilisateurs locaux auront accès à
de meilleurs produits à des prix inférieurs. Il a été vu, pour un large échantillon de pays
développés et en développement, que les avantages des nouvelles technologies de
l’information et de la communication (NTIC) ont particulièrement bénéficié à leurs
utilisateurs, grâce à la baisse des prix des produits connexes, ordinateurs, logiciels et
autres (Bayoumi et Haacker, 2002).
Quant au troisième canal de transfert technologique, à savoir l’acquisition de droits de
production de produits étrangers ou d’utilisation de procédés techniques développés
ailleurs, on a peu d’information sur son importance pour les pays en développement. La
présomption est qu’une telle acquisition s’est surtout faite à l’occasion de la création de
coentreprises et de l’importation de nouveaux produits de haute technologie.
Le consensus de Washington et la recherche scientifique
Qu’ils l’aient voulu ou non, la plupart des pays en développement ont mis en place, ces
dernières 25 années, des politiques macroéconomiques composées de trois ingrédients
principaux, à savoir la réduction du déficit public (exprimé en pourcentage du PIB), la
privatisation des entreprises d’État et la libéralisation du commerce extérieur. Ces
composantes constituent ce qui a été appelé le consensus de Washington, l’expression
ayant été inventée par John Williamson, de l’Institute for International Economics, basé
aux États-Unis5. Le sujet de préoccupation n’est pas ici tant de savoir ce qui n’a pas
fonctionné, ou ce qui a bien marché, dans l’application du consensus. D’autres s’y sont
penchés (Bhagwati, 2002; Easterly 2002; Stiglitz, 2002), même Williamson dans le cas
de l’Amérique Latine (Kuczynski et Williamson, 2003). Notre souci est de savoir
comment ces politiques ont affecté la recherche dans les pays concernés.
Bien qu’il soit difficile d’obtenir des chiffres comparables qui soient fiables, on peut
affirmer que la réduction du déficit public a diminué le volume de la recherche dans
toutes les régions en développement au cours des deux dernières décennies, une rare et
malheureuse exception étant la R-D liée à la défense, tels que les programmes nucléaires
en Corée du Nord, en Inde, en Iran, en Israël et au Pakistan. Dans plusieurs pays, des
institutions publiques de recherche ont été fermées, ou encore, leurs activités écourtées,
l’existence de ces institutions étant souvent devenue de ce fait purement nominale.
Il n’est toutefois pas clair si, par l’effet de ces compressions budgétaires, les résultats de
la « bonne » recherche ont diminué tout autant. Dans beaucoup de pays, le relais a été
pris par des ONG et des associations de producteurs qui se sont particulièrement
5
D’aucuns voudront ajouter au consensus de Washington la libéralisation financière et l’ouverture du
compte de capital extérieur. Depuis la crise est-asiatique de 1997, ces deux ingrédients ne sont plus
nécessairement au menu.
208
intéressées à l’utilisation du savoir autochtone en agriculture et dans la gestion des
affaires communautaires. Dans quelques-uns d’entre eux, la recherche a été déplacée au
profit de réseaux nationaux, régionaux ou mondiaux financés à l’échelle internationale
soit par l’aide publique au développement, soit par des fondations privées, telle que la
Fondation Bill et Melinda Gates dédiée aux causes du sida, de la tuberculose et de la
morbidité infantile. D’autres exemples de cette tendance sont les réseaux de recherche,
notamment sur le droit, l’économie, l’environnement et la gestion, mis en place par
l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), le projet RIOnet, un dispositif internet
conçu initialement par l’Institut de recherche pour le développement (anciennement,
l’ORSTOM) de France, qui assure une diffusion interactive des résultats de la recherche
sur les milieux tropicaux en Afrique de l’Ouest (Touré, 2003) et, en Amérique Latine, le
Programme pour le développement des sciences (PEDECIBA) qui a donné une impulsion
nouvelle à la recherche dans le domaine des sciences naturelles (Velho, 2003). De tels
réseaux ont pu en en outre bénéficier de l’accessibilité à des données technologiques et
sociales fournies électroniquement par des institutions publiques internationales. Au fil
des ans, la Banque Mondiale a rendu ainsi accessibles plusieurs bases de données sur le
niveau de vie et les profils de pauvreté de différents pays ainsi que sur les caractéristiques
socio-économiques des récipiendaires des soins de santé primaires. Et, si l’on ne craint
pas de s’aventurer en terrain miné, d’aucuns pourraient soutenir que la réduction de
certaines activités de recherche favorisa même, à certaines occasions, un réaménagement
des ressources qui fût « socialement désirable ». On avait identifié en effet, à maintes
reprises, des centres où les scientifiques étaient des « chercheurs à vie », bien après avoir
connu leurs années de pointe de créativité, ceci étant dû à l’absence d’une évaluation
régulière et rigoureuse par les pairs de leurs travaux. Cela fut, par exemple, le cas de
centres de recherche des anciennes colonies françaises, où les règles de promotion et de
fonctionnement avaient reproduit celles en cours, du moins à l’époque, au Centre national
de la recherche scientifique (CNRS), à Paris.
La privatisation, quant à elle, peut prendre, on le sait, de nombreuses formes. Elle peut
consister en un transfert complet de propriété ou uniquement en celui de la gestion et des
opérations. Les entreprises d’État peuvent faire l’objet d’une offre à l’encan ou tout
simplement être vendues à des entreprises, nationales ou étrangères, prédéterminées.
L’entreprise nouvellement privatisée peut avoir à concurrencer d’autres entreprises
privées et publiques ou, au contraire, jouir d’un monopole de marché, etc. Selon toute
probabilité, dépendant du mode de privatisation et de l’organisation du marché,
l’efficacité de ces entreprises et la R-D qu’elles effectuent en seront différemment
affectées.
Uniquement entre 1980 et 1987, 456 entreprises ont été privatisées dans 64 pays en
développement. Ces entreprises appartenaient à un ample éventail d’activités :
métallurgie, produits chimiques, aliments et boissons, transports et télécommunications,
finance et services de production et de distribution d’eau, de gaz et d’électricité (CandoySekse et Palmer, 1988).
Dans la plupart des cas, l’efficacité des entreprises nouvellement privatisées, telle que
mesurée par le volume des ventes par employé, augmenta de manière significative,
209
surtout dans les pays en développement à moyen et haut revenu (Boubakry, 2000 : 2931). Puisque ces entreprises avaient rarement continué à bénéficier d’une aide de l’État,
une telle performance fut considérée par les gouvernements impliqués comme une preuve
du succès de l’opération6.
En ce qui concerne plus spécifiquement le lien entre la privatisation et les efforts de R-D
dans les pays en développement, l’observation des faits donne une image davantage
mitigée bien que l’information à cet égard reste limitée. La privatisation semble avoir
accru la productivité des dépenses en R-D en Asie du Sud (Parikh, 2003). En Amérique
Latine, durant les années 90, la privatisation s’est traduite par une réduction substantielle
de l’investissement des entreprises en R-D, la plupart d’entre elles, et en particulier celles
détenues par des étrangers, fonctionnant à partir de connaissances et d’un savoir
importés. En d’autres termes, bien que la privatisation eût réduit l’écart technologique
entre cette région et le monde développé, elle avait largement exclu les institutions
locales de recherche du processus de développement technologique lui-même (Velho,
2003). Une situation similaire a été observée dans le monde arabe (Handoussa et al.,
2003) et, dans une certaine mesure, en Inde (Vishwasrao et Bosshardt, 2001). Elle est
compatible avec le phénomène dit « métanational », par lequel « les entreprises créent de
la valeur en mobilisant des réserves inexploitées de technologies et de connaissances du
marché qui sont disséminées sur le globe », comme « cette société de semi-conducteurs
déficitaire de l’Europe méridionale devenue un chef de file mondial en combinant des
connaissances glanées des clients dans des endroits aussi divers que San José, en
Californie, Tokyo et Helsinki, avec des poches d’expertise technique dispersées de
Grenoble à Milan, en passant par Moida, dans l’État indien de l’Uttar Pradesh, Ang Mo
Kio, à Singapour, et Carolton, au Texas » (Doz, Santos et Williamson, 2001 : 1).
Pour ce qui est de la libéralisation du commerce extérieur, le troisième et dernier
ingrédient du consensus de Washington, j’ai déjà souligné le rôle joué par les
importations de biens intermédiaires et d’équipement de haute technologie dans les
transferts technologiques eux-mêmes. Mais dans certains pays, dont en Afrique
subsaharienne, de tels biens, et surtout les biens d’équipement, restent assujettis à des
droits de douane à l’importation élevés, de toute évidence pour pallier la taille réduite de
l’assiette fiscale intérieure (Kimenyi, 2003 : 19).
Du côté des exportations, la question qui se pose est : les entreprises des pays en
développement sont-elles devenues plus efficaces et ont-elles amélioré leurs techniques
de production à cause d’une concurrence accrue, suite à la réorientation de leurs ventes
du marché intérieur vers le marché extérieur? Un ensemble d’analyses ont été menées sur
ce sujet, dans le cas d’entreprises manufacturières situées au Cameroun, en Chine, en
Colombie, en Corée du Sud, au Ghana, au Kenya, au Maroc, au Mexique, à Taiwan et au
Zimbabwe7. Exception faite pour les pays de l’Afrique subsaharienne, présents dans
l’échantillon, le paradigme de l’apprentissage par l’exportation n’a pas été démontré.
6
Il a été constaté, toutefois, que, dans le secteur des services publics assurant la distribution d’eau, de gaz et
d’électricité en particulier, certaines entreprises nouvellement privatisées se sont bornées à servir la
« crème » de la clientèle, laissant à une entreprise encore détenue par l’État le soin d’approvisionner la
partie la plus démunie de la population ou, tout simplement, en débranchant de leurs réseaux les quartiers
urbains et les villages les plus pauvres (Bayliss, 2002).
210
Dans la plupart des cas, les entreprises les plus efficaces des pays non-africains avaient
été « auto-sélectionnées » dans le marché d’exportation des biens manufacturés ou, dit
plus simplement, ces entreprises avaient été d’emblée les plus efficaces, c’est-à-dire bien
avant qu’elles ne se tournent vers le marché extérieur. Mais qu’on ne voie surtout pas ici
une recommandation qui encouragerait les pays en développement à ne pas réclamer
davantage d’ouverture pour leurs produits manufacturés et aussi leurs produits culturels,
comme les films, les livres et les disques compacts, sur le marché des pays riches.
Récemment, le paradigme de l’apprentissage par l’exportation a montré ce que je crois
être un visage relativement nouveau. De plus en plus, les clients des pays riches
contribuent au « design » de produits en provenance de pays du Sud. C’est ainsi qu’une
boutique parisienne réputée, As Art, envoie régulièrement au Kenya les dessins de vases
à long col et de bougeoirs qui seront fabriqués en stéatite, ou pierre à savon, par des
artisans kenyans, puis réexportés vers la capitale française, ceci permettant à 500 familles
kenyanes de vivre de cette activité. Des cas semblables d’apport de la clientèle du Nord à
des innovations artisanales ont été rapportés dans les secteurs de la mode féminine et du
tissu d’ameublement en Afrique de l’Ouest (Colette, 2002)8.
L’OMC, les OGM et les ADPIC
À l’ordre du jour de l’OMC, deux questions, particulièrement complexes, liées à la
science et à la technologie, et qui préoccupent aussi les pays en développement, font
l’objet de vigoureux débats. Ce sont le commerce des denrées alimentaires contenant des
organismes génétiquement modifiés, les OGM (Isaac et Karr, 2003), et les aspects des
droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, les ADPIC (Mehta, 2003;
English, Hoekman et Mattoo, 2004 : 263-278).
Nous consommons depuis des millénaires des aliments contenant des OGM. Les
principales variétés de blé utilisées pour fabriquer le pain et les pâtes alimentaires sont
issues de croisements tout à fait semblables aux manipulations qui donnent lieu aux
OMG actuels, la différence étant que les transferts des gènes survenus au cours des
siècles furent le résultat de l’action de la nature (Johnson, 2002). La Révolution verte des
années 60 et 70 a amené l’introduction de nouvelles variétés à rendement élevé de maïs et
de blé qui ont permis, surtout en Asie du Sud, de presque doubler le rendement par acre
sur les surfaces cultivées avec, il est vrai, des effets de redistribution moins manifestes
compte tenu du fait que ces variétés exigent de grandes quantités d’engrais chimiques et
7
Pour une brève recension de ces études, avec de nouvelles analyses faites sur l’Afrique, voir Bigsten et al.
(2002).
8
Imitations, contrefaçons et piratage sont aussi des moyens d’obtenir et d’utiliser du savoir dans le cadre de
la mondialisation des échanges et de l’information qu’elle apporte sur les goûts et les prix. Beaucoup a été
dit au sujet de la contrefaçon, spécialement en Asie de l’Est, de produits de luxe, comme les sacs Gucci ou
les montres Rolex (The Economist, 2003). Moins d’échos a trouvé un phénomène beaucoup plus troublant,
à savoir l’apparition récente de médicaments aux étals des marchés des pays pauvres, médicaments dont
sont absents les éléments préventifs ou curatifs. De tels produits, inefficaces et même nocifs, comme de
(fausses) pilules antipaludiques, sont de plus en plus repérables sur les marchés ouest-africains, le Nigeria
en étant apparemment le principal fournisseur.
211
des sols bien irrigués (Timothy, Harvey et Doswell, 1988; Hossein, 1988). L’Afrique de
l’Ouest a un long passé d’améliorations génétiques du riz. On a estimé que celles-ci
engendrèrent, en 1998, un surplus à gagner de près de 360 millions dollars pour les
producteurs des sept pays riziculteurs les plus importants de la région (Dalton et Guei,
2003). Il est aussi admis, en général, que l’enrichissement alimentaire effectué par des
usines modernes de transformation constitue un remède aux carence en vitamines A et D,
en fer et en iode, dont souffrent les aliments produits par les familles paysannes pour leur
propre consommation.
Pour certains, toutefois, l’amélioration génétique des produits alimentaires a des effets
qui sont devenus trop incertains pour la santé humaine. En juin 2003, le Parlement
européen imposa l’étiquetage de tous les produits contenant au moins 0,9% d’OGM,
mesure qui fut d’ailleurs rapidement dénoncée par les agriculteurs exportateurs nordaméricains comme étant de nature protectionniste. Environ à la même époque, des pays
est-africains, dont l’Ouganda, refusèrent de l’aide alimentaire en produits incluant des
OGM par crainte que les semences puissent accidentellement se mélanger à des semences
non-OGM et ainsi compromettre leurs chances d’exporter des produits agricoles vers le
marché européen. En outre, les centres internationaux de recherche agronomique
semblent, depuis quelques années, accorder moins de priorité au développement d’OGM,
laissant cela au secteur privé, apparemment à cause des objections soulevées par certaines
ONG internationales, comme Greenpeace et Oxfam.
Néanmoins, il n’est pas abusif d’affirmer que l’augmentation de la productivité agricole
et de la sécurité alimentaire continuera, qu’on le veuille ou non, à dépendre de la
transgénétique et des OGM. Les problèmes réels, auxquels seront confrontés les pays en
développement à ce niveau, dépendront de la manière dont leurs systèmes de
commercialisation seront capables en pratique de s’adapter à un ensemble de normes et
de réglementations édictées par des instances internationales et de la façon dont la
participation des paysans pourra être assurée.
Les ADPIC, qui constitue un autre volet important inscrit à l’ordre du jour de l’OMC,
revêtent une importance particulière pour l’accessibilité des habitants des régions en
développement aux médicaments dont ils ont besoin. Le débat sur les brevets
pharmaceutiques s’est considérablement polarisé (Lanjouw, 1998, 2001, 2002). On
trouve, dans un camp, ceux qui soutiennent l’évolution actuelle vers un système où tous
les pays, développés et en développement, appliqueraient sensiblement les mêmes droits
de protection de la propriété intellectuelle aux médicaments non génériques et qui sont à
l’aise avec le niveau de protection dont jouissent de tels médicaments dans les pays du
Nord où les brevets ont une durée de vie qui est, en général, de 20 ans. Dans le camp
opposé, sont ceux qui prônent l’abolition de la protection octroyée par les brevets
pharmaceutiques lorsqu’il s’agit de la production de produits génériques exportés vers les
pays en développement ou de leur production par ces derniers.
Le véritable compromis n’est pas cependant entre les profits des entreprises
pharmaceutiques et les enjeux de la santé publique. Il se situe
212
entre l’accès généralisé aux médicaments et les mesures qui inciteront à en créer de
nouveaux. Plusieurs propositions sont sur la table : réduire le niveau de protection à
l’échelle mondiale, le diminuer uniquement dans le cas de médicaments de prévention et
de traitement de maladies prévalant surtout dans les pays du Sud, comme le paludisme, le
trachome ou la trypanosomiase, et enfin, bien sûr, fabriquer des médicaments plus
abordables en termes de prix avec l’aide publique ou privée, comme au Burkina Faso où
une entreprise indienne, dénommée CIPLA, offre, avec le soutien du gouvernement
local, un traitement contre le sida qui ne coûte que la moitié du prix du marché, bien qu’il
soit vrai que ce coût demeure élevé par rapport au revenu moyen des Burkinabè (Bastin,
2003).
Mondialisation et fuite des cerveaux
Depuis le milieu des années 70, le nombre des migrants internationaux a crû de manière
quai exponentielle à cause d’un jeu de facteurs de « pull » et de « push » (Zlotnik, 1998).
Les flux provenant du Sud ainsi que des économies en transition de l’Europe centrale et
orientale et des républiques de l’ex-Union Soviétique, ont inclus un nombre grandissant
d’individus hautement qualifiés et, parmi eux, une proportion croissante de femmes
diplômées qui ont trouvé dans les pays d’accueil des occasions de carrière qui leur étaient
déniées dans leur pays d’origine. Il n’est pas exagéré d’affirmer, qu’en l’absence de cette
main-d’œuvre qualifiée, plusieurs centres européens et nord-américains de recherche
scientifique ne pourraient, à l’heure actuelle, réaliser l’entièreté des activités inscrites à
leur programme de travail. Le continent africain a été particulièrement affecté par cet
exode, en particulier l’Afrique du Nord et de l’Ouest (Gubert, 2003). Toutes ces
personnes qualifiées n’ont pas migré vers l’Europe et l’Amérique du Nord. Les pays du
Golfe persique exportateurs de pétrole, l’Afrique du Sud et, à un moindre degré,
l’Égypte, en ont reçu un bon nombre (IOM, 2003 : 215-238).
Récemment, on a fait grand cas du retour dans leur pays d’origine d’individus hautement
qualifiés mais, à l’exception de quelques rares pays comme Taiwan, la fuite des cerveaux
demeure supérieure au mouvement de retour. En Chine, par exemple, seul un quart des
600 000 personnes qui ont quitté le pays pour poursuivre des études à l’étranger depuis le
lancement de la politique d’ouverture en 1978, sont revenues et présentement, en pleine
croissance économique de ce pays, les départs restent trois fois plus élevés que les retours
(de Rochebrune, 2003).
Plusieurs pays en développement continuent de multiplier les mesures visant à attirer
leurs ressortissants qualifiés résidant à l’étranger, comme l’Inde qui, depuis peu, a
accepté le principe de la double nationalité. Étant donné le faible succès, en général, de
ces mesures auprès des intéressés, l’attention s’est tournée récemment vers l’importance
des fonds qu’ils rapatrient. Ces fonds furent estimés, pour l’année 2003, à au minimum
93 milliards de dollars, ceux-ci émanant des migrants, toutes qualifications confondues.
Même si cet agrégat ne fut constitué, en général, que de petites sommes, il représenta,
pour les pays concernés et pour l’année considérée, un montant supérieur au total de
213
l’aide publique au développement qui leur fut octroyé et de leurs emprunts sur les
marchés internationaux de capitaux (The Economist, 2004).
Progrès scientifique et valeurs culturelles, religieuses, sociales et
politiques
Toutes les cultures ont été le berceau d’inventions scientifiques et d’innovations majeures
depuis le début de l’humanité (Ronan, 1983). En outre, à travers l’histoire, la diffusion
des innovations a pris place dans des sociétés très différentes sur le plan culturel. Le
papier, inventé en Chine sous la dynastie des Han (206 avant Jésus-Christ – 220 après
Jésus-Christ), est parvenu en Europe occidentale au 10ième siècle, après que son utilisation
se fût répandue au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (Lewis, 1995 : 267). Les
vignerons de la région viticole de Mendoza, en Argentine, utilisent, encore de nos jours,
des systèmes d’irrigation qui furent conçus, il y a des siècles, par les communautés
amérindiennes du lieu. Même à l’intérieur des sociétés traditionnelles, le savoir est,
contrairement aux opinions reçues, souvent fondé sur la recherche, comme en Afrique de
l’Est où plusieurs cas délibérés d’expérimentation agricole, portant sur la sélection des
variétés végétales et des moyens de protection des récoltes, ont été signalés (Kimenyi,
2003).
Depuis l’assertion du sociologue allemand, Max Weber, au début du 20ième siècle, à l’effet
que la Réforme protestante du 16ième siècle avait enclenché une révolution mentale
rendant possible l’avènement du capitalisme moderne, plusieurs tentatives ont été faites
pour classer les dénominations culturelles et religieuses d’après leur association avec des
attitudes économiquement « porteuses », c’est-à-dire propices à une augmentation du
214
revenu par habitant, à une croissance économique vigoureuse et, en général, à la
modernité. Une analyse économétrique récente suggère, toutefois, qu’une telle
association est douteuse d’un point de vue empirique (Guiso, Sapiensa et Zingales,
2002)9.
Cela ne signifie pas cependant qu’il n’y a pas eu des cas où les croyances et les politiques
culturelles ou religieuses ne freinèrent pas, du moins pour quelque temps, le progrès
scientifique et sa diffusion. Le déclin de la doctrine mu’tazila en pays d’Islam, au 12ième
siècle, qui valorisait l’usage de la raison, y compris dans l’interprétation de la religion, a
été considéré comme une des causes du ralentissement d’un progrès scientifique original
dans le monde musulman de l’époque. En 1553, à Genève, le médecin espagnol, Michel
Servet, fut condamné au bûcher par les Calvinistes à la suite de la publication d’un
recueil de contributions médicales (Christianismi Restitutio) que le réformateur français,
Jean Calvin, avait jugé hérétique au plus haut point, car mettant en doute, selon lui, le
dogme de la Sainte Trinité. Au 16ième siècle, en Chine, l’absence d’une révolution
scientifique comparable à celle qu’avait connue la Renaissance européenne, a été
attribuée à la présence d’une bureaucratie conservatrice dont les règles de travail avaient
été codifiées par Confucius plusieurs siècles auparavant. Plus récemment, en Algérie, la
substitution soudaine de l’arabe au français comme langue d’enseignement a été vue
comme la source de la diminution de la performance des étudiants de l’université, les
plus touchés ayant été ceux qui avaient été pris dans le tourbillon de la réforme. Encore
9
Même l’argument de Weber a été remis en question. D’après certains historiens, la plupart des institutions
capitalistes qu’il avait décrites sont antérieures à la Réforme protestante (Tawney, 1926; Samuelsson,
1993).
215
plus près de nous, le président américain George W. Bush a promis, en vue de combattre
le sida en Afrique et dans la Caraïbe, une somme de 15 milliards de dollars qui est liée de
façon irréaliste, en raison de son penchant et de celui de son entourage pour les valeurs
chrétiennes fondamentales, à des actions qui se concentrent essentiellement sur
l’abstinence sexuelle et négligent l’usage du préservatif.
L’histoire montre pourtant que là où une résistance au progrès scientifique et à la
recherche se manifeste, elle provient plus d’une absence d’institutions adéquates et de
l’opposition de groupes mus par des intérêts particuliers, qui voient leur influence dans la
société érodée par les innovations ou qui craignent les conséquence de la nouveauté,
soient-ils entrepreneurs, travailleurs, consommateurs, politiciens ou autres, que de
l’importance de valeurs religieuses ou de traits culturels particuliers (Mokyr, 2002 : 218283).
À la fin du 18ième siècle, en Grande-Bretagne, les artisans et les corporations de métiers
s’opposèrent avec violence à l’introduction du métier à tisser mécanique dans des
manufactures lainières dont ils redoutaient la concurrence. Dans le monde en
développement des années 60 et 70, la protection tarifaire et non tarifaire élevée accordée
par plusieurs gouvernements, sous la pression intense d’entrepreneurs locaux, en faveur
de la production de biens de substitution aux importations, surtout des produits
manufacturés de consommation, peut être vue non pas tellement comme une forme de
résistance à de nouvelles technologies en soi mais plutôt comme une opposition aux
nouveaux produits importés. L’argument hautement fallacieux invoqué était qu’une telle
politique préserverait des emplois et épargnerait des devises (Krueger, 1983; Bhagwati,
216
1988 : 90-91). Mais en même temps, un crédit à bon marché et une surévaluation de la
monnaie nationale sur le marché des changes favorisaient l’importation de biens
d’équipement qui permettaient la mise en place d’établissements industriels « modernes »
à forte intensité de capital et suréquipés, dont beaucoup affichaient un rendement social
faible10. Cette résistance des producteurs à des produits nouveaux peut s’exercer dans
d’autres contextes. Dans les années 80, dans la partie soudano-sahélienne de l’Afrique,
certains petits exploitants pauvres, pratiquant une culture pluviale, furent réticents à
planter des semences dites améliorées, fournies principalement par des donateurs
étrangers et qui auraient pu leur procurer un revenu accru dans des conditions climatiques
normales. Leur préférence allait au contraire à un « portefeuille » de semences
traditionnelles, qui avait le mérite, en diversifiant les risques, de réduire la précarité de
leur revenu advenant les caprice d’une saison des pluies, elle-même très courte (Martens
et Gray, 1981).
Il est peu prouvé que les travailleurs des pays en développement soient opposés aux
nouvelles technologies. Une des explications est peut-être, bien sûr, qu’ils restent mal
organisés dans nombre de ces pays et qu’ils ne peuvent faire entendre leur voix qu’à
grande peine11. Une autre raison possible est que les industries de haute technologie,
10
À la fin des années 70, le fabricant tunisien de véhicules automobiles STIA (Société tunisienne de
l’industrie automobile) avait une valeur ajoutée internationale négative (c’est-à-dire calculée aux prix
mondiaux) pour la plupart de ses chaînes d’assemblage. À la chute du communisme, de nombreuses usines
des pays de l’Europe de l’Est étaient dans une situation similaire.
11
Il y a des exceptions. Dans les années 80, des investisseurs canadiens potentiels qui avaient l’intention
d’introduire, en plus de leur apport financier, de nouvelles techniques de gestion dans des établissements
hôteliers algériens de l’État, passablement momifiés, durent faire marche arrière ayant été confrontés à
l’opposition virulente de la puissante UGTA (Union générale des travailleurs algériens) qui n’acceptait pas
le principe de l’embauche et du licenciement du personnel hôtelier par la direction.
217
surtout lorsqu’elles font l’objet de la création de coentreprises au financement desquelles
participe l’IDE, ont tendance, à quelques exceptions près rapidement dénoncées par les
media et les ONG, à mieux rémunérer leur personnel et lui offrir de meilleures conditions
de travail par comparaison aux normes locales en vigueur (Lipsey, 2002)12.
A priori, les consommateurs peuvent se montrer méfiants à l’égard de nouvelles
technologies ou de nouveaux produits pour deux raisons. La première est que de tels
produits ou technologies sont tout simplement nouveaux et que les consommateurs
potentiels nourrissent des inquiétudes quant aux conséquences de leur utilisation. La
tragédie de la thalidomide, dans les années 50, a mis, à l’époque, sous la pression du
public, de puissants freins au développement de pratiquement tous les médicaments.
La deuxième raison est que, même si les conséquences de l’utilisation de nouveaux
produits ou technologies sont connues avec certitude, ces conséquences peuvent être
appréciées différemment. L’emploi du DDT dans les régions tropicales est de toute
évidence vu de manière différente par les touristes des régions tempérées venus y admirer
des oiseaux exotiques et par des populations locales vivant sous la menace du paludisme
(Mokyr, 2002 : 143).
Il n’y a pas de raison de croire que les tenants du pouvoir politique (les « politiciens »)
soient a priori opposés à la recherche scientifique, en général. Le calife abbasside,
Haroun al-Rachid, l’empereur (esclavagiste) Napoléon Bonaparte, le roi (colonialiste) des
Belges, Léopold II, et des dirigeants moins célèbres ont tous encouragé, à leur manière, le
progrès et la recherche scientifiques dont les résultats furent diffusés à l’échelle
internationale. Au Nord comme au Sud, on rencontre des politiciens qui ont des intérêts
d’affaires dans des activités utilisant des technologies avancées. Au Maroc, par exemple,
c’est sur des terres appartenant à d’anciens généraux de feu Sa Majesté Hassan II que des
techniques d’arrosage mécanique à grande échelle furent introduites. Sans favoriser
nécessairement l’équité, cette réalité a quand même témoigné d’un souci d’améliorer la
productivité agricole avec de nouveaux moyens développés ailleurs, en particulier dans
les plaines du Middle West américain.
Les politiciens ne s’opposent au progrès et à la recherche scientifiques que s’ils craignent
sortir perdants des transformations sociales qui accompagnent la modernité (Acemoglu et
Robinson, 2000). En Syrie, pas plus tard qu’en 1999, les citoyens ordinaires se voyaient
interdire l’accès à l’Internet bien que la demande fût forte à en juger par le nombre
d’hommes et de femmes jeunes qui, dans les cafés et les parcs, dévoraient « L’Internet
pour les nuls » et d’autres manuels de la même catégorie. Il y a plusieurs années, les
doctorants tunisiens en sciences économiques pouvaient difficilement entreprendre de la
recherche appliquée sur leur pays, des instructions, émises apparemment par la
Présidence de la République, ayant rendu confidentielles toutes les données statistiques
récoltées par l’État13. Il y a également des cas où la mauvaise gestion des affaires de
12
Il y a quelques années, dans un pays de l’Asie de l’Est, des syndicalistes occidentaux, venus constater les
conditions de salubrité dans une entreprise détenue par des étrangers, furent accueillis avec hostilité par les
travailleurs locaux qui alléguèrent qu’une telle visite pourrait nuire au climat « favorable » à l’IDE dans le
pays.
13
Ceci rappelle, dans une certaine mesure, la situation que connurent les économistes russes à l’époque
stalinienne. Dissuadés d’enquêter ouvertement sur les problèmes socio-économiques locaux, ils se
218
l’État et l’instabilité politique sont tellement sévères que la recherche scientifique en est
quasiment paralysée. Telle fut la situation en Amérique Latine, du milieu des années 60 à
la fin des années 80, où des régimes dictatoriaux frappèrent avec dureté les universités,
principal foyer de la résistance aux dirigeants en place (Velho, 2003). Enfin, les
politiciens peuvent êtres hostiles à la recherche, en particulier celle portant sur
l’amélioration de la conduite des affaires de l’État, lorsqu’elle est financée à même des
fonds extérieurs, de peur que des étrangers puissent avoir accès à des informations
d’intérêt national, voire influencer le processus de décision gouvernemental . Un cas de
cette nature a été signalé aux Philippines au début de l’année 200314.
D’autres groupes peuvent s’opposer au progrès et à la recherche. Ce sont des
« intellectuels » peu friands de la standardisation des produits, même si celle-ci permet
souvent de diminuer le prix de ces mêmes produits, étant donné l’existence d’économies
d’échelle dans leur production et leur distribution15. C’est aussi le cas d’écologistes qui
condamnent des projets de développement agricole, basés sur des technologies nouvelles,
en faisant appel à d’anciennes théories de la conservation qui prônent le retour à un
environnement naturel où les êtres humains n’ont plus de place (Adams et McShane,
1992).
Quelques considérations préliminaires sur la Caraïbe
La Caraïbe, ou encore, les Caraïbes ou les Antilles, n’est évidemment pas, d’un point de
vue géographique, l’ensemble constitué seulement des 15 États membres du Marché
commun de la Communauté des Caraïbes ou CARICOM (Antigua-et-Barbuda,
Bahamas16, Barbade, Belize, Dominique, Grenade, Guyane, Haïti, Jamaïque, Montserrat,
Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Surinam, Trinité-etTobago) et des cinq territoires qui lui sont associés (Anguilla, Bermudes, Îles Caïmanes,
Îles Turks et Caicos, Îles Vierges britanniques). Il faut y ajouter les Antilles françaises
(Guadeloupe et Martinique), les Antilles néerlandaises (Bonaire et Curaçao), Aruba,
Cuba, les Îles Vierges américaines, Porto Rico et Saint-Domingue ainsi que les régions,
bordant la Mer Caraïbe, de plusieurs pays de l’Amérique Latine, comme le Honduras, le
tournèrent, souvent avec succès, vers la recherche opérationnelle de nature mathématique (programmation
linéaire et non linéaire, modèles de files d’attente, etc.) et lorsqu’ils devaient parler de prix, ils les
appelaient fréquemment « multiplicateurs de Lagrange ».
14
Le 6 mars 2003, le président du Sénat des Philippines, M. Franklin Drilon, exhorta la présidente du pays
à se débarrasser, dans tous les bureaux gouvernementaux, des membres du groupe d’exécution du projet
AGILE (« Accelerating Growth, Investment and Liberalization with Equity »), financé par les États-Unis.
Dans son plaidoyer, M. Drilon déclara que leur présence « crée une certaine impression dans l’esprit du
public sur le degré d’influence qu’ont les Etats-Unis sur notre gouvernement, les agents du projet étant
installés dans les bureaux les plus prestigieux du pays » (source : www.philstar.com). Je remercie mes
collègues du Département d’économique de l’Université Laval, à Québec, John Cockburn et Bernard
Decaluwé, qui attirèrent mon attention sur le cas en question.
15
En comparant les prix des biens essentiels à Dharavi, un bidonville de plus d’un million de personnes à
Mumbay, en Inde, avec ceux prévalant à Warden Road, une banlieue cossue de la ville, on a constaté que
ces prix auraient pu être substantiellement réduits si les habitants de Dharavi avaient pu bénéficier des
économies d’échelle et de la plus grande efficience des chaînes d’approvisionnement de grandes
entreprises, comme le faisaient leurs homologues de Warden Road (Prahalad et Hammond, 2002).
16
Les Bahamas est un membre de la Communauté mais non du Marché commun.
219
Mexique, le Nicaragua, le Venezuela et la Colombie dont l’écrivain, Gabriel Garcia
Márquez, Prix Nobel de littérature, a exalté, dans une prose luxuriante, l’ «âme caraïbe».
Il est d’autant plus important de le faire, eu égard au thème qui nous occupe aujourd’hui,
que certains de ces autres pays ou territoires bénéficient, pour des raisons historiques,
d’infrastructures universitaires et de recherche de qualité qui ont des retombées, ou sont
susceptibles d’en avoir, sur l’ensemble de la région , comme l’Université des Antilles et
de la Guyane, l’Université de Curaçao et l’Université de Porto Rico, celles-ci ayant accès,
du moins en partie, à des ressources humaines et matérielles émanant, faute d’un terme
meilleur, de leurs « métropoles » respectives. Cuba dont nous avons déjà mentionné la
performance en recherche médicale et pharmaceutique, qui lui a d’ailleurs permis de
développer un « tourisme de la santé » tout à fait lucratif, reste un cas particulier.
Les 11 et 12 juin 2004, s’est tenu à Trinité un séminaire organisé conjointement par la
Banque centrale de Trinité-et-Tobago, qui fêtait son 40ième anniversaire, et le FMI sur le
thème « Le défi du développement dans les Caraïbes », sous-entendu à l’heure de la
mondialisation (FMI, 2004 : 194-196).
Il y a été souligné que le revenu moyen par habitant de la région n’a augmenté, depuis
1980, que de 1 ½ % par an. Ces dernières années, la croissance a ralenti dans plusieurs
pays, notamment ceux de l’Union monétaire des Caraïbes orientales (Anguilla, Antiguaet-Barbuda, Dominique, Grenade, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, SaintVincent-et-les Grenadines). Dans le même temps, les soldes budgétaires se sont
fortement dégradés et la dette publique des 15 États membres de la CARICOM atteint
aujourd’hui 90% du PIB. Les pays de la région connaissent aussi des niveaux de vie
souvent très différents : le PIB par habitant va de 16 000 dollars pour les Bahamas à
environ 500 dollars pour Haïti. Les faibles résultats, en termes de croissance et de
développement, qu’ont connus la plupart des pays de la région, ont été imputés au
manque de ciblage des dépenses publiques, qui vont surtout au paiement de salaires et de
subventions, aux échappatoires fiscales, à la faiblesse de la coopération régionale en
matière de politique macroéconomique, au maintien, dans plusieurs pays, de régimes de
taux de change fixe, qui, ayant entraîné une appréciation réelle de la monnaie nationale, a
diminué la compétitivité externe, à la perte, pour certains d’entre eux, de l’accès
préférentiel de leurs exportations au marché européen, comme pour les bananes et le
sucre qui ne sont plus compétitifs, aux rigidités du marché du travail qui limitent la
capacité des pays d’être concurrentiels sur le marché mondial, aux freins apportés à la
libre circulation, au niveau régional, de la main-d’œuvre, qui empêchent les États
insulaires, généralement de petite taille, de profiter des économies d’échelle fréquemment
associées à la production de masse, et, aussi, à des catastrophes naturelles récentes,
comme les inondations de 2004 en Haïti et à Saint-Domingue, qui s’ajoutèrent aux
événements du 11 septembre 2001, ceux-ci ayant particulièrement affecté le tourisme et
les activités bancaires offshore. Bref, pour une large part, les économies de la Caraïbe
fonctionnent en-deçà de leur potentiel, celui-ci, comme il a été également souligné par les
participants au séminaire de juin dernier, étant loin d’être inexistant car pouvant
s’appuyer sur, en plus des réformes internes souhaitables, l’attachement des populations à
la démocratie, leur niveau d’éducation relativement élevé, la beauté des sites naturels et
220
les avancées faites dans les technologies du transport aérien des personnes et des
marchandises.
Il n’existe pas, à ma connaissance, d’inventaire systématique des capacités de recherche
existant dans la Caraïbe, qu’il s’agisse des sciences dures ou des sciences sociales. Le
seul effort en ce sens, qui est actuellement en cours, est celui de la Commission
économique des Nations unies pour l’Amérique Latine et la Caraïbe qui tente de
construire pour les pays de la région un indice de science et technologie (CEPALC, 2003,
2004). Dans l’attente des résultats de ce travail, on en est réduit, faute de moyens
matériels qui permettraient de visiter chacun des pays, à chercher l’information sur la
recherche effectuée dans les principaux établissements scientifiques à caractère
universitaire ou autre, telle qu’elle est présentée sur leurs sites informatiques. Cette
exploration sur la Toile est toutefois décevante. Plusieurs des universités de la région ne
possèdent pas encore de site. Si elles en ont un, plus d’une fois la page d’accueil n’exhibe
pas de fenêtre intitulée « recherche » ou, si elle existe, elle n’est pas toujours disponible
ou est en cours de construction. L’Université des Antilles et de la Guyane est, à cet égard,
une des rares et heureuses exceptions. Un tel état des choses n’est pas seulement frustrant
pour celui qui s’efforce de faire un inventaire, fût-il qualitatif, de la recherche dans la
région, mais illustre aussi, à mon avis, un fait plus troublant : la difficulté qu’ont
vraisemblablement les chercheurs de la Caraïbe, travaillant dans une même discipline, à
avoir facilement accès, et d’une manière peu coûteuse, aux travaux de leurs pairs d’autres
pays. Face à cette situation, un dernier moyen, auquel j’ai eu largement recours, est
d’entrer des expressions-clefs, comme « recherche+Antilles » dans le site d’un moteur de
recherche, tel Google ou Yahoo, ou de visiter des sites d’organisations régionales,
comme la CARICOM et la CEPALC, et internationales, comme l’UNESCO.
Qu’ai-je trouvé même si cela ne donne, comme beaucoup ici présents pourront le
constater, qu’une description sans aucun doute incomplète de la recherche dans la
Caraïbe?
Tout d’abord de la recherche, il s’en fait, et souvent de qualité. Si on fait exception de
quelques travaux de recherche fondamentale, comme en optimisation mathématique, la
plupart des investigations et analyses sont de nature appliquée et portent sur des
problèmes propres à la Caraïbe et communs à plusieurs de ses pays, que ce soit en
sciences dures ou en sciences sociales.
Pour ce qui est des sciences dures, des études ont été consacrées, entre autres, à la
détérioration (« blanchiment ») des coraux, à la valorisation des matières végétales
locales et aux maladies tropicales. Plusieurs de ces études ont inclus, en plus des aspects
techniques, des dimensions sociales et éducatives, comme cela a été le cas, en Haïti, pour
l’alimentation des villes en eau potable (Emmanuel, Emmanuel, Léger, Abraham, vers
2000) ainsi que pour la collecte et l’épuration des eaux usées (Emmanuel, 2000). Les
chercheurs ont plus d’une fois réalisé leurs travaux dans le cadre de réseaux régionaux et
même internationaux dans la mesure où les problèmes analysés se retrouvaient dans
d’autres archipels du monde, comme en matière de protection des zones côtières. Le
221
financement de ces études a fréquemment été le résultat d’un effort conjoint des secteurs
public et privé ainsi que de bailleurs de fonds extérieurs à la région.
En ce qui concerne les sciences sociales, ce sont la pauvreté (Dunn et Mondesire, 2002;
Comité pour le développement et la coopération dans la Caraïbe ou CDCC, 2004), le
chômage et le fonctionnement du marché du travail (Brown-Chen, 1997), les conditions
de vie des femmes (CDCC, 2004) et des enfants (Camejo, 1997), les transformations
sociales (Merklen, 2001) et, bien entendu, l’intégration économique régionale et la
mondialisation (CARICOM, 2000), qui ont surtout retenu l’attention. Des études ont
également été effectuées sur les langues dites créoles et, même cette année-ci, un
cédérom sur le vaudou haïtien, intitulé « Souvenance, Soukri, Badjo : un patrimoine à
préserver » a été produit par le Campus numérique francophone de Port-au-Prince (AUF,
2004). Comme dans le cas des sciences dures, on retrouve, pour beaucoup de ces
réalisations, l’intégration de chercheurs dans des réseaux et des financements conjoints.
Un fait plus récent est l’ouverture dans la région de plusieurs cabinets privés de
consultation ou d’ONG qui réalisent des études socio-économiques.
Il est plus difficile de savoir quel est, dans la Caraïbe, l’environnement de la recherche et
quelles y sont les facilités et les difficultés rencontrées par les chercheurs, sauf qu’il est
connu que les infrastructures de la recherche, dont les librairies, y compris les virtuelles,
sont inégalement distribuées entre les pays et même à l’intérieur d’eux. Une information
partielle, car ne touchant que la recherche sur le commerce extérieur, nous est toutefois
donnée dans un rapport émanant de L’Institut Nord-Sud, à Ottawa, et portant sur
l’évaluation de ladite recherche dans les pays de la CARICOM (Weston et Blouin, 2002)1
7
Selon ce rapport, il y a lieu de faire la distinction entre quatre groupes de chercheurs dans
le domaine du commerce extérieur de la Caraïbe. Il y a ceux qui appartiennent à des
universités, principalement aux campus de Mona (Jamaïque), Cave Hill (Barbade) et St.
Augustine (Trinité) de la University of the West Indies et à la University of Guyana. Il y
a ensuite ceux qui sont dans des ONG, comme le Centre de politique de développement
de la Caraïbe, ou dans le secteur privé, tels les cabinets de consultation et les chambres de
commerce. Le troisième groupe est constitué de chercheurs situés dans des institutions
publiques nationales et régionales, comme la CARICOM et la Banque de développement
17
Je suis reconnaissant à Andrés Rius, économiste au Bureau régional pour l’Amérique Latine et la Caraïbe
du Centre de recherches pour le développement international, à Montevideo, de m’avoir signalé l’existence
de ce rapport.
222
de la Caraïbe. Dans plusieurs cas, on retrouve les mêmes personnes dans ces trois
premiers groupes. Le quatrième et dernier groupe est composé de chercheurs qui ne sont
pas localisés dans la région, appartenant à des organisations internationales, comme la
Banque interaméricaine de développement, ou à des universités étrangères, dont celles de
Miami, aux États-Unis, et de Nottingham, en Grande-Bretagne.
Quelles sont les principales conclusions du rapport? Et ceci clôturera ma présentation
d’aujourd’hui.
Un volume important de cette recherche provient du quatrième groupe, c’est-à-dire des
chercheurs extérieurs à la région. La recherche est, en général, bien intégrée au courant
de recherches similaires faites de par le monde. Le lien entre la recherche universitaire et
celle effectuée par le secteur privé et les ONG reste faible. Il y a en revanche très souvent
des liens étroits entre les chercheurs et les décideurs politiques, les premiers ayant
fréquemment occupé des hauts postes dans l’administration ou ayant agi, auprès d’elle, à
titre de consultant. La recherche faite par ceux situés dans les universités n’est souvent
qu’une modélisation économique au caractère trop abstrait et peu directement utile. Il n’y
a pas une programmation suffisante de la recherche qui serait faite en relation avec les
enjeux réels et leur classement en termes de priorités. Le réseau des différents groupes de
chercheurs n’est pas, à ce jour, vraiment institutionnalisé. Peu de ressources matérielles
locales sont mobilisées pour ce type de recherche, les fonds disponibles provenant surtout
de l’extérieur, alors que les questions de commerce sont de la plus haute importance pour
la région. Les statistiques disponibles sont souvent de piètre qualité, en particulier sur le
commerce des services. Les études sur le commerce extérieur sont rarement liées à
d’autres dimensions, comme la participation des femmes à l’activité économique et le
fonctionnement du marché du travail. Parfois les études se font en vase clos sans
référence à ce qui se passe dans d’autres régions en développement confrontées à des
difficultés similaires, comme dans le cas du commerce des produits agricoles (rappelons
que ce problème ne se pose pas avec une telle acuité pour les études environnementales
ou de la santé). La diffusion des résultats de la recherche reste, en général, excessivement
lente.
Je laisse ces conclusions à votre appréciation et vous remercie de votre attention.
223
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228
GLOBALISATION ET MARCHES FINANCIERS:
VERS UN NOUVEAU ET INDISPENSABLE PARTAGE DES
RISQUES
Eric Briys
Fred Célimène
CEREGMIA,
Université des Antilles et de la Guyane
ABSTRACT
Croissance et richesse sont les deux versions du même Saint Graal. Ce Graal économique est
aussi difficile à cerner que celui de la Geste Arthurienne. Sa quête a mobilisé les talents
d’économistes, d’historiens, de sociologues, d’anthropologues. Pourtant, la brûlante question
posée par David S. Landes : « Pourquoi sommes-nous si riches et pourquoi sont-ils si pauvres ? »
reste sans réponse convaincante. Les inégalités de richesse sur la planète restent criantes.
L’économiste Péruvien Hernando De Soto a récemment suggéré que le vrai problème n’était pas
l’absence de capital dans les pays pauvres mais bien plutôt l’absence de droits de propriété sur ce
capital dûment définis et applicables. Dans les pays pauvres, le capital, quel qu’il soit, est mort et
le reste.
Dans cet article, nous proposons une explication complémentaire à celle de De Soto : la fracture
du partage des risques (« the risk-sharing divide »). Le destin de trop nombreuses populations, de
trop nombreuses entreprises, de trop nombreux pays demeure dicté par un immense jeu de hasard,
particulièrement dans les pays défavorisés qui ont souvent la particularité d’être sous-diversifiés.
Ce jeu de dupes est perpétué, entretenu par les louvoiements de nombreuses élites gouvernantes,
tant dans les pays développés que sous-développés, qui privent trop souvent les individus, les
collectivités, les entreprises des libertés financières les plus élémentaires. Ceci engendre des
inégalités injustifiables et inacceptables. Ces inégalités empêchent les individus d’accumuler du
capital. Ils en sont contraints à « vivre au jour le jour »
Contrairement à ce que l’on entend trop souvent aujourd’hui, priorité doit être donnée à la
libération des forces financières (Briys et de Varenne (1999, 2000), Brenner (2002)). De
nouveaux modes de partage des risques doivent être promus. Dans l’acception habituelle, les
marchés financiers garantissent l’ouverture (« Openness »). L’ouverture ne suffit pas. Nous
avons besoin de ce que nous appelons dans cet article « d’excentricité responsable ». En
d’autres termes, il est impératif que les talents (initiative individuelle, entrepreneuriale) puissent
se marier au capital sous ses formes les plus créatives (fonds propres, dettes, titres hybrides,
dérivés, titrisation, etc.) et que chacun des deux éléments de ce mariage soient tenus de rendre des
comptes – privés et publics (justice, police etc.) à l’autre partie à tout moment.
229
Dans le superbe western de Sergio Leone, « Le Bon, la Brute et le Truand », Clint
Eastwood et Eli Wallach sont à la recherche d’un magot d’or volé. Ils finissent par
découvrir que cet or est enterré dans un immense cimetière sous une pierre tombale sans
pour autant savoir laquelle. C’est à ce moment précis que Clint Eastwood adresse cette
réplique immortelle à Eli Wallach : « In this world there’s two kinds of people, my friend.
Those with loaded guns. And those who dig.” Dans le monde d’aujourd’hui, il y a,
pourrait-on dire, deux types d’individus et/ou de pays: les nantis qui ont les moyens de
gérer les risques divers et variés qui pèsent sur eux et ceux qui continuent de creuser ou
qui bientôt creuseront à leur tour faute de pouvoir résister à la multitude de risques qui ne
cessent de s’accumuler sur eux.
La prospérité et ses clés demeurent un mystère. Nombreux sont pourtant ceux qui ont
essayé de comprendre pourquoi certains pays sont devenus prospères (le sont restés) alors
que d’autres restaient pauvres (ou le devenaient). On peut citer par exemple : parmi les
économistes Solow (1956), Romer (1986), Jones (1998), Brenner (2002), parmi les
historiens Braudel (1979), Baechler (1995), Favier (1987), Landes (1998) , parmi les
sociologues Weber (1947). Pour son discours présidentiel au congrès de l’American
Economic Association (1989), l(historien de Harvard, David S. Landes chosit le titre
suivant : « Whay are we so rich and they so poor ? ». Deux cents ans plus tôt, l’Ecossais
Adam Smith se posait la même question.
Dans un livre pénétrant, Jared Diamond (1998), Professeur de physiologie à UCLA, a une
manière très originale de résumer la question de la prospérité. En juillet 1972, il étudiait
l’évolution des oiseaux en Nouvelle-Guinée. Alors qu’il déambulait sur la plage, il fit
connaissance d’un politicien local dénommé Yali. Yali était caractérisé par une curiosité
insatiable. Il ne put s’empêcher de poser à Diamond la question qui visiblement lui
brûlait les lèvres depuis longtemps : « Why is that you white people have so much cargo
and brought it to New Guinea, but we black people had little cargo 288 of our own?”
Quelle que soit la latitude, toujours la même difficile question. Aujourd’hui, la question
de Yali est exprimée de façon plus « vocale ». De Gêne à Porto Allegre, une foule
croissante de gens exprime sa colère et ses craintes. Elle s’insurge contre la globalisation
et le fossé croissant des richesses. Elle ne veut plus du monde soi-disant forgé par les
élites réunies chaque année dans le petit village suisse de Davos.
Ceci nous ramène à la question de la croissance. Selon la théorie traditionnelle à la
Solow, nous sommes plus riches parce que nous investissons plus et parce que nous
avons une croissance de la population plus basse. Ainsi, nous accumulons lus de capital
par travailleur et nous accroissons la productivité du travail. De plus, le progrès
technologique rend cette croissance de la richesse continue. C’est son vrai déterminant de
288
Le terme cargo renvoie aux biens (acier, allumettes, vêtements, ombrelles etc…) qui furent apportés par
avion en Nouvelle-Guinée par avion lors de la Seconde Guerre Mondiale. Pour les autochtones de Nouvelle
Guinée ces avions étaient « divins ». Pour s’attirer les grâces aériennes divines, les habitants embrassèrent
le culte du cargo.
230
long terme beaucoup plus que le taux d’épargne ou de croissance de la population. Ainsi,
passons plus de temps que les autres à apprendre et à acquérir de nouvelles technologies
(Romer (1986)). Tout ceci est très bien. Mais, comment se fait-il alors que cette recette
« simple » ne soit pas appliquée d’Est en Ouest, du Nord au Sud? Une des réponses
réside dans le cadre institutionnel : les fameuses institutions. La recette fait l’hypothèse
que les conditions pour engranger les dividendes des efforts sont les mêmes pour tout le
monde : par exemple, égalité devant la loi. En d’autres termes, les conditions sont en
place qui permettent aux individus de parier sur les idées. Il suffit de faire, à l’instar
d’Hernando De Soto, l’expérience de la création et de la gestion d’une entreprise au
Pérou pour comprendre qu’il s’agit là d’une hypothèse plus qu’audacieuse. Les entraves
sont telles que le pari entrepreneurial se transforme rapidement en calvaire. En outre, il
est fréquent que les droits des actionnaires minoritaires dans de tels pays soient
systématiquement bafoués. La simple définition et stricte application des droits de
propriété est la plupart du temps du domaine de l ‘exotisme !
De Soto est intarissable sur le sujet. Ses arguments ne sont ni rhétoriques ni théoriques.
Dans son livre de 1989, The Other Path, il décrit son expérience de création et de gestion
d’une petite entreprise de vêtements dans la banlieue de Lima. Il estime que les coûts
infligés à son entreprise par l’absence de droits de propriété clairs et applicables à 32 fois
le salaire minimum mensuel. Dans son autre livre, The Mystery of Capital, De Soto
pousse l’argument encore plus loin : « This 80% majority is not, as Westerners often
imagine, desperately impoverished. In spite of their obvious poverty, even those who live
under the most grossly unequal regimes possess far more than anybody has ever
understood. What they possess however, is not represented in such a way as to produce
additional value.” De Soto mentionne le cas de l’Egypte. Selon lui, lorsque l’on quitte le
Nile Hilton du Caire, ce ne sont pas les fax, télévisions, air conditionné ou antibiotiques
que l’on laisse derrière soi. Ce que l’on laisse derrière soit, c’est « the world of legally
enforceable transactions on property rights289. » On passe d’un monde formel à un
monde informel. Il s’agit selon De Soto d’un saut quantique, du vivant vers le mort290. En
effet, le capital, les actifs existent mais « nobody can identify who owns what, addresses
cannot be easily verified, people cannot be made to pay their debts etc…” Selon De Soto,
le capital est mort. Il ne peut servir de collateral et permettre ainsi de créer de la richesse.
Ce diagnostic pessimiste pose une question : Pourquoi en est-il ainsi ? Pourquoi la
malédiction du « capital mort » affecte-t-elle les pays pauvres à une telle échelle ? La
réponse est moins évidente. Il est intuitif que sans infrastructure légale une pièce majeure
du moteur de la croissance est manquante. Les individus en sont réduits à des expédients.
Mais, ce n’est pas la seule pièce qui manque. Il manque également la possibilité de
redistribuer les risques. Evidemment, en l’absence de droits de propriétés bien définis et
défendables, on ne peut dessiner et utiliser les contrats et les institutions nécessaires pour
gérer et redistribuer les risques. Il s’agit en l’occurrence d’une fracture redoutable. De
Soto a raison. Le capital dans les pays pauvres est mort. Néanmoins, il aurait dû
immédiatement ajouté que les risques dans les pays pauvres sont vivants, toxiques et
mortels ! Lorsque l’on quitte le Nile Hilton du Caire, on abandonne le monde des droits
289
290
Pour une analyse remarquable des droits de propriété se référer à Yoram Barzel (1989)
Argument similaire chez Baechler (1995, p394, Vol. 2)
231
de propriétés, mais aussi et surtout celui du partage des risques (marchés financiers,
assurance etc…)
Et, même si le capital était libéré de ses entraves, cela ne changerait pas grand chose en
présence de risques toujours aussi menaçants. Il est, en effet, frappant de constater que les
économies sous-développées souffre d’un manque de diversification patent par rapport à
celle dont jouissent les économies développées. Souvent d’ailleurs, un malheur n’arrive
pas seul. Ainsi, un déclin prononcé du revenu national après le passage d’un cyclone peut
réduire à néant les efforts consentis en matière de droits de propriété et replonger une
économie dans le chaos dont elle venait à peine de sortir. La vie dans les pays pauvres est
dominée par le fléau des risques. Fafchamps et Lund (2000) résume la situation en termes
forts : “The vagaries of health, weather, crop pests, and job opportunities create large
income variations over time. In addition, households must incur large expenditures such
as medical costs and funeral celebration, the timing of which is not always foreseeable.
With per capita incomes low in even the best times, unmitigated income and consumption
shocks can have devastating consequences.” Le contraste avec les pays développés est
saisissant.
Les individus et les entreprises des pays riches ont accès à une vaste panoplie
d’instruments et d’institutions financiers qui leur permettent de doser leur exposition aux
risques qui pèsent sur eux. Ils peuvent investir dans des actions, des obligations, des
placements sans risque, des SICAV, des produits dérivés. Ils peuvent souscrire des
assurances dommage et vie. Ils ont accès à des régimes de retraite. En d’autres termes, le
menu rentabilité-risque dont ils disposent est fort riche. Nonobstant cette grande variété,
on peut objecter que cela n’est pas encore suffisant. Ainsi, Athanasoulis, Shiller et van
Wincoop (1999) observent : “there is good reason to believe that most people’s wealth is
not well diversified.” Ils en veulent pour preuve par exemple, que, bien que les
investisseurs puissant diversifier leurs portefeuilles d’actions (10% of revenu national),
“about 90% of an average person’s income is sensitive to sectoral, occupational and
geographic uncertainty.” Hess et Shin (2001) livrent le même constat. Ils montrent que
le niveau de partage domestique des risques aux Etats-Unis est encore trop bas. Les
ménages américains investissent “in the familiar” ce qui ne conduit pas à une réallocation
des risques suffisante. Il est clair toutefois que les habitants des pays riches sont mieux
lotis que ceux des pays en voie de développement.
Néanmoins, cela serait une description biaisée de la réalité que de penser que les
mécanismes de partage des risques sont absents des pays pauvres. Bien au contraire !
Dans l’adversité, les populations inventent des schémas de partage de risques qui
montrent combien elles sont sensibles à leur vulnérabilité. A l’époque coloniale par
exemple, de nombreux voyageurs rapportent, à leur retour, dans leurs écrits des modes
de gestion de risques tout-à-fait originaux. Par exemple, en 1931, le célèbre journaliste
Albert Londres, sillone la Mer Rouge à bord d’un Sambouk. Il part à la rencontre des
pêcheurs de perles. Il est fasciné puis horrifié par le dur labour de ces plongeurs qui
infatigablement, attaché à une corde, râcle le fond à la recherché des huîtres perlières. Les
dangers sont legion qui guettent les plongeurs: tympans perforés, bronchitis, troubles
232
cardiaques, requins, raies électriques font partie du lot quotidian. Mais, il y a pire encore:
la cécité. Quel espoir reste-t-il à un pêcheur devenu aveugle, si courageux soit-il? Avec sa
vue, c’est aussi son gagne-pain qui disparaît. A Dalhak pourtant, Albert Londres observe
une étrange transaction baptisée “le tiers de l’aveugle”. En effet, les pêcheurs ont une
façon bien particulière de partager chaque moisson de perles: un tiers pour l’équipage, un
tiers pour les courtiers et un tiers pour les aveugles. Un tiers des perles vient donc
indemniser ceux qui ont perdu leur vue pour elles. Et, Albert Londres observe que cette
part est immuable et ne fait l’objet d’aucune manipulation: “les pêcheurs aveugles
n’avaient pas d’avocats, leur part n’était jamais en danger”. Albert Londres note
d’ailleurs avec ironie que ce tiers existait bien avant nos propres regimes de retraite! Ce
sytème issu de la Mer Rouge est bien un mode de partage de risque. Il s’agit en
l’occurrence d’un risque idiosyncratique qui fonctionne sans risque de hazard moral et de
selection adverse car il repose sur une communauté étroite, homogène et disciplinée.
Plus près de nous, Fafchamps (1998), Fafchamps et Lund (2000), Townsend (1994),
Zhang et Ogaki (2000) décrivent des arrangements similaires dans les Philippines rurales,
dans les villages du Nord de la Thaïlande, au Nord du Nigera et en Inde. Un autre
exemple, plus charismatique, est celui de Mohammed Yunus qui a créé la Grameen Bank
au Bangladesh. Il s’agit d’une institution qui a permis à plus de 2 millions de personnes,
principalement des femmes, de souscrire à des micro-prêts ($120 en moyenne) destinés à
financer leurs projets. Le succès de ces différents exemples est indéniable. Pourtant, il
est limité puisqu’il ne concerne que des petites communautés. Le partage des risques se
fait à l’échelle du village. Il n’existe pratiquement pas de schémas inter-villages. Le
risque idiosyncratique est géré. Il reste toujours le risque agrégé qui n’est pas redistribué.
Ceci s’explique par la confiance et l’asymétrie d’information qui sont facilement
maîtrisables à l’échelle d’une petite communauté291 mais qui ne le sont plus à grande
échelle. Les risques agrégés demeurent menaçants et le sort de ces communautés reste
conditionné par la chance ou la malchance.
Cette épée de Damoclès n’est pas la seule rançon de la latitude. Elle est malheureusement
le produit de l’attitude des élites et des gouvernements. Trop de populations de par le
monde sont les otages de leurs dirigeants qui leur refusent les libertés les plus
élémentaires et l’accès à des institutions ou des marchés qui pourraient remettre en cause
la mainmise des élites. Pourtant, l’arithmétique de base de la prospérité est relativement
simple. Brenner et Briys (2002) en donnent un exposé d’une grande clarté :
“To prosper people must have access to capital. Talent must be matched with capital and
the two sides of this wealth enhancing equation have to be held accountable. There are
only five ways to source capital: Natural resources, savings, capital markets, government
and crime. The last two ones are somehow what’s left when the first three ones are
unavailable. This is what we see in many poor countries: government and crime at their
worst more often than not. Having a sound access to proper capital is not an easy thing.
It is a complex and subtle construction that can be easily perverted. It requires a rich set
of markets and institutions to channel funds and risks properly. It also necessitates a
maze of checks and balances – both private and public – to make sure that mistakes are
291
La communauté peut être géographique, religieuse, définie par l’appartenance à une caste etc…
233
recognized and corrected with no delay. In other words, it takes an open-minded attitude
and some hard work to get there.”
Hernando De Soto a raison lorsqu’il écrit: “there is a growing sense, even among some
elites in developing countries, that if they have to depend solely and forever on the
kindness of outside capital, they will never be productive players in the global capitalist
game. They are increasingly frustrated at not being masters of their own fate.” C’est la
vraie limite de la croisade du Jubilé (qui vise à l’annulation pure et simple de la dette du
Tiers-Monde) menée par Jean Paul II et la rock star Bono. Il est toujours facile de jouer
sur la crédulité et d’abuser du sentiment de culpabilité qui hantent les nantis. Cela ne
résout en rien les problèmes de fond et les racines du mal restent intactes. La pauvreté
n’est en rien réglée. C’est grave car, comme le rappelait avec vigueur Rudiger
Dornbusch : « Poverty is bad, but inequality is not ». L’inégalité est d’ailleurs trop
souvent confondue avec la pauvreté. Selon Dornbusch (2001), « equality occurs when
every citizen is given the full chance to reach his or her potential. » Ceci est vrai aussi
longtemps que nous ne demeurons pas inégaux devant les risques. C’est-à-dire que
l’inégalité ne se trouve pas fondamentalement enracinée dans le risque. Robert Shiller
(1993) donne un exemple de ce type d’inégalité qu’il doit-être possible d’éradiquer. Au
milieu des années 80, le marché immobilier du Nord-Est des Etats-Unis connut un boom
spectaculaire. Shiller avait par chance acheté sa maison avant le boom. Du jour au
lendemain, il se trouvait singulièrement plus fortuné. Ce gain inattendu provoqua ce
commentaire : « What did I do to deserve this windfall ? » La réponse est rien, sinon
d’avoir eu de la chance. Qui plus est, Shiller aurait pu utiliser cette plus-value potentielle
comme collatéral dans d’autres transactions. En effet, son droit de propriété immobilière
est parfaitement délimité et reconnu et il peut donc le monétiser. Que se serait-il dans le
cas inverse d’un krach ? En l’absence d’un marché de couverture des fluctuations des
prix immobiliers, son droit de propriété ne lui aurait pas servi à grand-chose. En
revanche, la possibilité de couvrir ce risque lui aurait permis d’éviter d’avoir son futur
dicté par une volatilité immobilière que par définition il ne maîtrise pas.
Cette anecdote illustre bien le fait que, contrairement à une idée communément répandue,
nous ne souffrons pas d’un excès, d’une prolifération de marchés financiers, mais bien
plutôt d’une carence. Pour reprendre la terminologie classique à la Arrow-Debreu, nos
marchés sont incomplets. Et, pourtant, comme l’écrit Michael Mandel (1996), « the
invention of new markets – whether physical or financial – is one of the highest forms of
economic creativity. » De cette créativité nous avons besoin pour éliminer les effets
pervers sur le bien-être de risques incomplètement diversifiables et diversifiés. Depuis
longtemps, Robert C. Merton s’est fait l’avocat de l’ingénierie financière et de son
application à l’échelle des pays. Lors de l’un de ses voyages en Asie (1999), on posa à
Merton la fameuse question de Yali : « How do we explain different countries’relative
performance and the variations in performance across regions ? And what do we do about
it? » Merton répondit à cette question par une autre question : « How much of what we
observe ex-post is a consequence of ex ante different risk profiles ? » Ce que nous
observons ex post, c’est la prospérité ou son manque. Or, le constat que l’on peut faire est
que de nombreux pays sous-développés ou en voie de développement sont mal
234
diversifiés. Certes, comme le souligne Merton, le travail d’identification des vrais
facteurs de risque d’un pays n’est pas chose et ce ne sont pas la comptabilité nationale ou
le bilan de la banque centrale qui sont très éclairants de ce point de vue 292. L’intuition
commande néanmoins que les pays fortement exposés à une poignée de risques peuvent
basculer du jour en lendemain dans le chaos le plus total. Le paradoxe, ici, est qu’il peut y
avoir de bonnes raisons à ce qu’un pays soit spécialisé dans un domaine (avantage
comparatif à la Ricardo etc…) Le problème est alors que l’investissement dans cette
spécialité n’est pas séparable du risque que cette spécialité entraîne. Robert Merton en
donne un bon example avec Taïwan. Taîwan est fortement investie dans le secteur de
l’électronique. Elle y a développé une expertise reconnue. Néanmoins, cela signifie, au
plan macroéconomique, une sous-diversification aux conséquences potentiellement
néfastes en cas de marasme du secteur de l’électronique. Quelle est la plupart du temps le
levier qu’adoptent les gouvernements dans untel cas : celui de la politique industrielle293.
Pour améliorer la diversification nationale et la rendre plus compatible avec le reste du
monde, Taïwan pourrait décider de développer une industrie automobile locale et d’y
affecter une partie de sa main d’œuvre. Est-ce une décision sage ? Non ! Imaginons que
cinq ans plus tard, Taïwan décide de faire marche arrière, pour quelques raisons que ce
soit (et elles peuvent être nombreuses) : les coûts économiques et sociaux seraient
énormes. N’y-a-t-il alors aucune autre solution ? La réponse tient précisément dans
l’ingénierie financière et les formes nouvelles de partage des risques. Elle tient en un
mot : swap. Au lieu de bâtir physiquement une industrie automobile, Taïwan pourrait en
bâtir une virtuelle. Taïwan aurait pour ce faire à entrer dans un contrat de macro-swap
aux termes duquel, elle échange la rentabilité d’un index de l’électronique contre celui
d’un index de l’automobile. Ce faisant, elle devient exposée au secteur de l’automobile
sans avoir eu à y investir physiquement. Le risque est donc géré sans avoir besoin
d’altérer l’investissement. Le jour où Taïwan décide de réduire son exposition
automobile, il lui suffit de renverser tout ou partie du swap.
En somme, Taïwan est débitrice sur le swap précisément quand elle le mieux à même de
payer et créditrice quand sa situation l’exige. On peut même aller plus loin dans
l’argument. Si le secteur électronique de Taïwan fait mieux que l’indice mondial de
l’électronique294 , elle engrange ce surplus tout en bénéficiant de la diversification
procurée par le swap. Ce swap protège en quelque sorte le mariage talent-capital (à la
Brenner) du secteur de l’électronique en le préservant de fluctuations qui pourraient le
mettre en péril. On peut même aller plus loin. Le swap, ou tout autre arrangement
contractuel, peut constituer une solution au sous-investissement fréquent qui sévit lorsque
les risques sont trop dirimants aux yeux des entrepreneurs. Enfin, mentionnons le fait
que la charge de gestion des droits de propriété est moindre dans le cas du swap : inutile
d’investir physiquement à Taïwan. Seuls, les différentiels de rentabilité entre les index
sont échangés.
On objectera à ce montage qu’il n’est pas faisable car le déséquilibre serait toujours du
même côté. Par exemple, personne n’oserait acheter un produit dérivé sur Corporate
292
Notons qu’il en va de même des institutions financières lorsque celle-ci doivent apprécier les facteurs de
risque qui pèsent sur leurs actifs et leurs passifs.
293
C’est le genre de politique dont les gouvernants sont friands.
294
Un gérant de portefeuille dirait que Taïwan génère un alpha positif.
235
Africa. Ceci est tout simplement inexact. Premièrement, il ne faut pas oublier que l’on
parle ici de diversification de portefeuille et d’addition d’une créance contingente à des
portefeuilles existants. Deuxièmement, on peut objecter à cet argument de la malédiction
de la croissance, les examples du Japon de l’après-guerre, du Canada des années 50, de
l’Irlande des années 80 etc… Ce qui est sûr, c’est que les marchés financiers
d’aujourd’hui ne sont pas suffisants pour accomplir la tâche. Ils ont ouverts mais pas
encore « excentriques ».
La question immédiate est alors : Pourquoi ? Certains diront qu’il s’agit d’une preuve
flagrante de la déficience de la main invisible d’Adam Smith. Mais, il faut en la matière
bon sens et raison garder. Hernando De Soto, à propos des droits de propriété, rappelle
que Rome ne s’est pas faite en un jour. Il prend l’exemple des Etats-Unis au XIXième et
début du XXième siècle. Le Far West était endroit où l’on faisait respecter ses droits du
haut de sa selle, Winchester à la main. La plupart des marchés dérivés actuels n’existaient
pas en 1980. Les dérivés de crédit sont une invention récente. On peut ajouter que faire
réussir une innovation n’est pas chose évidente, surtout lorsque qu’elle est susceptible de
remettre en cause les intérêts de groupes de pression (Mancur Olson (1982)). Les choses
peuvent être faites mais elles entrent trop souvent en conflit avec les agendas politiques.
Les marchés apportent la transparence dont ne veulent pas les élites locales. De ce point
de vue les marchés apportent l’ouverture que l’écrivain américain de science-fiction
appelle de ses vœux :
« “Because I'm a brash eccentric, I need a society that is open, tolerant and welcoming
of eccentricity! One whose institutions are accountable enough to minimize the inevitable
capricious power abuses that fester in every human culture. One where competition takes
place under conditions that maximize fair comparison of quality (in goods, services, and
ideas) while minimizing the destructive effects of our most loathsome human trait -- an
ingenious talent for rationalizing, predation, cheating and oppression.”
Il poursuit en revendiquant “a world where coercion is minimized and individuals are
free to achieve the maximum they can by making fair and open deals with each other,
leveraging off others' talents, and benefiting from the mutual criticism that only true
freedom engenders.”
Ce n’est pas de la science fiction. Nous serions bien avisés d’écouter Brin. L’ouverture
est le matériau même dont sont faits les marchés financiers. C’est bien d’ouverture dont
les gens ont besoin. Mais, nous avons besoin de plus. Nous avons besoin d’excentricité
responsable dans tous les sens du terme excentricité. En d’autres termes, et pour
reprendre les termes de Brenner et Briys (2002), “Financial markets embedded in a
proper maze of checks and balances yield this essential accountable eccentricity.” Sans
elle, et donc sans eux, le nouvel ordre mondial du risque ne se fera pas avec toutes les
consequences néfastes que l’on peut imaginer.
236
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239
LIBERALISATION FINANCIERE ET CRISE BANCAIRE :
Une Application au cas d’Haïti à partir
D’un modèle de probabilité
(Période 1993 à 2002)
Magalie Sylvestre CELESTIN295
0- INTRODUCTION
Les crises financières: un sujet de préoccupation contemporaine mondiale.
L’histoire économique contemporaine, notamment celle des deux dernières
décennies, est jalonnée de crises financières de toutes sortes. Ces crises qui se sont
présentées sous forme de crise monétaire et de taux de change, de crise bancaire, de crise
boursière ou des trois à la fois ont frappé, avec sévérité, la quasi-totalité des régions du
monde sans discrimination de niveau de développement. Par exemple, aux Etats-Unis,
première puissance économique et financière du monde, la crise a entraîné la fermeture
d’environ 2,300 sur un total de 4,000 caisses d’épargne (Savings and Thrifts) de 1980 à
1989296. En 1982, la crise de l’endettement, suite à la défaillance du Mexique, du Brésil
et de l’Argentine envers leurs créanciers internationaux, a été un coup dur pour les
banques des pays développés, en particulier celles des USA. « De deux (2) en moyenne
dans les années 1970, les faillites bancaires aux USA sont passées à 130 entre 1982 et
1989. D’autres pays, comme l’Angleterre (entre 1989-1995), la Suisse (1988-2000), le
Japon (1992-1995), la France (1984-1995), les pays membres de l’Union Economique et
Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) (mi-1980), le Sud-Est Asiatique (1997), le Brésil
(1998), l’Argentine (2002) etc…, ont été touchés, à des degrés divers, par le séisme
financier et ont vu disparaître plusieurs de leurs grandes banques297. »
S’appuyant sur cet ensemble de crises et faillites et sur la chute de la capitalisation
boursière (indice boursier) depuis le début de 2001 de : JP Morgan Chase (-69%),
Charles Schwab (-82%), Morgan Stanley (-72%), Merrill Lynch (-60%), Godman Sachs
(-54%), Citigroup (-50%), Lehman Brothers (-48%) et Bear Stearns (-45%), «la crise
bancaire est mondiale », selon Solidarité et Progrès. Cette même source indique que
pour les neuf premiers mois de l’année 2002, les défauts de paiement sur les obligations
de sociétés avaient atteint un niveau record de 140 milliards de dollars américains. Vingt
huit (28) pays, dont l’Argentine, n’avaient pas été en mesure d’honorer le service de la
dette et les banques de placement en Europe et aux Etats-Unis allaient sans doute inscrire
130 milliards de dollars de dettes à la rubrique «Pertes et profits » de leurs états
financiers298. Ces données sont choquantes et expriment la gravité du mal.
295
Brevet en Gestion Bancaire, Licence en Gestion des Affaires, Maîtrise en Sciences Economiques
296
Revue Sénat www.sénat.fr/ap/r96-5213.html « Banques, votre santé nous intéresse »
297
ibid
298
Solidarité et Progrès On-line « La crise bancaire mondiale », numéro du 15 octobre 2002.
240
Sommes-nous concernés ? Y a t-il risques de crise bancaire en Haïti? Les
différentes tentatives d’explication des récentes crises financières donnent la
responsabilité à la libéralisation accrue des marchés financiers et notamment des comptes
d’opérations en capital299. Certains analystes révèlent que partout où il y a eu
libéralisation des marchés financiers, il y a eu crise, en général, au bout de la septième
année300. Or, justement, l’économie haïtienne a entamé un processus de libéralisation
financière au début des années 1980 et plus officiellement à partir de 1990 – 1991, avec
l’adoption d’un régime de change flexible et l’autorisation accordée aux agents
économiques de détenir des comptes de dépôts en dollars et puis encore en 1995 avec la
décision d’abolir la fixation administrative sur les taux d’intérêt 301. Fallait-il alors penser
que le système bancaire haïtien est voué à la crise dans un avenir proche ?
Par ailleurs, en nous référant à divers essais de typologie et d’identification des
causes des crises financières et particulièrement des crises bancaires, d’autres facteurs
tels: _ le surendettement des ménages et des entreprises, les pressions sur les taux de
change, les bulles spéculatives, la dérégulation, l’évolution réglementaire, la
concentration du risque, le changement de régime de marché, l’entrée/la percée de
nouveaux intermédiaires, l’innovation financière, la politique monétaire restrictive, le
rationnement du crédit, la contagion des marchés voisins et donc, la transmission
internationale, l’impact macroéconomique sévère, le défaut de fonctionnement du
système financier, les actions perverses des autorités publiques_, ont joué un rôle donné
quelconque (Kunt et Detragiache 1998 ; Fosso 2000 etc…).
De plus, de nombreux remous ont perturbé le secteur bancaire haïtien depuis 1996
et alimenté des préoccupations au sein des agents économiques. En effet, entre 1996 et
2002, on a observé une évolution en dents de scie de la rentabilité globale du secteur.
Certes, on a assisté à l’entrée de nouveaux acteurs dans la branche, mais, en même temps,
on aura enregistré la disparition de trois enseignes de banques, un accroissement de la
concurrence interne entraînant des difficultés sérieuses au niveau d’institutions jadis
profitables et en bonne santé. La situation semble préoccupante au point que certaines
autorités publiques vont laisser supposer qu’une crise bancaire n’est pas loin, tout au
moins que certaines banques devront s’effacer pour permettre au secteur bancaire de
retrouver un niveau d’équilibre et de rentabilité satisfaisante302.
Notre double position, en tant que banquier et épargnant du système imbu des
conséquences que pourrait avoir une crise pareille sur notre bien-être économique
299
Joseph Stiglitz, « La grande désillusion » p 138
300
Pierre-Marie Boisson, à date, économiste principal de la Sogebank, exprimait vivement son inquiétude, quant à la
fragilité sans cesse croissante du système bancaire haïtien qui peut lui conduire vers une crise (re : Conférence de
l’Association Haïtienne des Economistes (AHE), le 26 novembre 2001, sur « L’ impact de la crise sur le système bancaire
haïtien »: reportée par la presse économique : page économique du Nouvelliste du 27 novembre 2001).
301
Max Etienne (2001) : « La supervision des banques et des institutions financières en Haïti » et http://www.brh.net
302
Fritz Jean, ancien Gouverneur de la Banque Centrale (1998-2001) laissait présager la possibilité d’autres fusions, le
14 août 2001, à l’occasion de l’inauguration de la succursale de la BRH dans la ville du Cap-Haïtien. Aussi, la publication
en 2001 par Max Etienne, ancien Directeur de la Supervision et Membre du Conseil d’Administration sortant de la
Banque Centrale, d’un ouvrage intitulé « La Supervision des banques et des institutions financières en Haïti » est
interprétée dans le milieu comme un avertisseur.
241
personnel et financier et sur celui de l’ensemble des agents économiques, nous conduit à
nous intéresser davantage à ces questions et à vouloir les analyser de façon plus
approfondie. Ainsi, nous nous sommes donné comme objectif d’entreprendre une
évaluation de l’état de santé du système bancaire, afin de mieux apprécier les risques de
crise bancaire en Haïti.
Notre travail est organisé en quatre grandes sections. La première section
présente le profil du système bancaire haïtien, son évolution au cours de la dernière
décennie (1993-2002) et les grands évènements marquants de son histoire. La deuxième
procède à une évaluation purement microéconomique du risque de défaillance du système
bancaire haïtien à la lumière d’un modèle de probabilité (Goyeau et Tarazi, 1992).
L’approche utilisée sera une évaluation à travers les résultats (approche comptable), faite
à partir des données financières annuelles des banques sur une période de dix ans (19932002). La troisième, essentiellement analytique, commente les résultats des tests
conduits. Enfin, la quatrième section présente les conclusions et tente quelques
recommandations pouvant permettre une meilleure performance du système financier.
I-
HISTORIQUE ET EVOLUTION DU SYSTEME BANCAIRE
HAÏTIEN
Le système bancaire haïtien a été, avant les années 1990, un système relativement
statique en terme d’activité. Aucune volonté d’expansion ne se manifestait. Il
démontrait plutôt une absence d’innovation et un maintien de la clientèle traditionnelle.
Ce système bancaire qui ne comprenait que trois (3) institutions : la Banque
Populaire Colombo-Haïtienne (fusion de capital haïtien et colombien, nationalisée en
1973 et renommée Banque Populaire Haïtienne); la Banque Nationale de la République
d’Haïti (BNRH), banque d’état fondée en 1880 ; et la Banque Royale du Canada, en
activité depuis 1919 ; s’est véritablement développé au début de la décennie 1970.
Entre 1971 et 1975, sept (7) nouvelles institutions, dont cinq (5) étrangères et
deux (2) à capitaux privés haïtiens vont s’ajouter au lot: la Citibank (1971), la First
National Bank of Boston (FNBB - 1972) des Etats-Unis; la Bank of Nova Scotia (1972)
du Canada; la Banque de l’Union Haïtienne (BUH - 1973); la Banque Nationale de Paris
(BNP - 1974) ; la First National Bank of Chicago (1974) et la Banque Commerciale et
Industrielle Haïtienne (BICH – 1974). Ces nouvelles entités portent alors à dix (10) le
nombre d’acteurs évoluant dans le secteur bancaire303.
La présence de ces nouveaux acteurs financiers ne va pas dynamiser, pour autant
la concurrence, car à l’exception de la BUH qui se donne pour ambition une présence à
l’échelle nationale et qui va donc tenter de séduire une bonne partie de la clientèle des
banques existantes tout en recherchant d’autres, les banques étrangères notamment la
FNBB et la Citibank sont fondamentalement en Haïti pour suivre leurs clients
domestiques: entreprises privées et ONG qui viennent s’implanter en Haïti dans le
contexte de la nouvelle ouverture économique du pays. Ces banques ne seront pas
303
Max Etienne (2001) : « La supervision des banques et des institutions financières en Haïti » pp 40-58
242
agressives dans la collecte de dépôts, et seront, pour le moins, prudentes et conservatrices
dans la distribution du crédit. A leur sujet, Max Etienne écrit : « Concentrées, pour la
plupart, à la capitale et proposant peu ou prou d’agences dans les villes de province, leurs
orientations au cours des ans ont pratiquement été similaires et ont consisté en la
captation de ressources à faible coût puis en leur ré-allocation à certains groupes jouissant
d’une grande notoriété » Conclusion : elles ne vont pas secouer l’échiquier existant.
Mis à part la fragmentation en 1979 de la BNRH en deux institutions distinctes:
la Banque Nationale de Crédit (BNC), banque commerciale d’état et la Banque de la
République d’Haïti (BRH), banque centrale, et le retrait de la First National Bank of
Chicago, plus rien de bien significatif ne se passera sur ce marché de la fin de la décennie
1970 à la moitié de celle qui suivra.
A partir de 1985, une nouvelle vague d’investissements arrivera avec la création
la même année de la Banque de Crédit Immobilier (BCI), première banque haïtienne
d’épargne et de logement (BEL) exclusivement vouée au financement de prêts
hypothécaires immobiliers ; en 1986 de la Société Générale de Banque S.A. (Sogebank)
société à capitaux privés haïtiens en remplacement de la Banque Royale du Canada; en
1988 de la Société Générale de Banque d’Epargne et de Logement (SOGEBEL), filiale
de la Sogebank. Bien que la Sogebank et la Sogebel dynamisent quelque peu le marché
avec des investissements importants en marketing, la vraie tempête arrivera à partir de
1993 -1994.
A partir de 1993, en effet, le secteur bancaire est en pleine mutation. D’abord, on
assiste à une accentuation de l’intérêt des investisseurs nationaux pour ce secteur et aussi
à la poursuite du processus de transfert de l’actionnariat où le capital privé haïtien prend
la relève du capital étranger. En effet, en plein embargo économique et commercial, il y
a, en 1993, la création de la Unibank par des investisseurs nationaux. Plus tard en 1994,
un autre groupe d’investisseurs haïtiens acquiert les actifs de la branche locale de la
Banque Nationale de Paris et donne naissance à une autre société de banque à capitaux
privés haïtiens: la Banque de Promotion Commerciale et Industrielle S.A. (Promobank).
En avril 1995, un autre groupe de banquiers et d’hommes d’affaires haïtiens achève la
constitution de la Société Caraïbéenne de Banque S.A. (Socabank). En juin 1996, un
autre consortium d’hommes d’affaires lance la Banque Métropolitaine d’Haïti S.A.
(Métrobanque). Au cours de la même année, d’autres intérêts privés haïtiens prennent le
contrôle de la majorité des actions de la branche locale de la First National Bank of
243
Boston (FNBB) qui est devenue la Banque Intercontinentale de Commerce S.A. (BIDC).
Dans l’intervalle, la libéralisation des taux d’intérêt en 1995, donne alors aux banques des
coudées franches pour se faire la guerre des taux d’intérêt (la guerre des prix, du loyer de
l’argent).
Le public ne comprend pas très bien ce qui se passe, il s’interroge sur le soudain
intérêt à investir dans le secteur bancaire. Il n’a pas encore les réponses, lorsqu’en
janvier 1997, la Métrobanque, est déclarée en faillite et doit céder ses opérations à la
Banque Intercontinentale (BIDC). Cette dernière, en dépit de la grande agressivité
commerciale dont elle fait montre, sera à son tour absorbée en novembre 1998 par la
Sogebank. Toujours en 1998, la Banque Nationale de Crédit (BNC), le traditionnel
leader des banques, mais dont la suprématie avait été remise en question dès 1995, se
retrouve techniquement en faillite304. Son propriétaire, l’Etat haïtien, y place un Conseil
provisoire de restructuration et la banque est mise sous tutelle de la Banque de la
République d’Haïti (BRH), la Banque Centrale. On se dit alors que quelque chose est en
train de se passer. En 1999, des rumeurs font état des difficultés de deux autres banques,
la BUH et la Promobank. La Banque de l’Union Haïtienne (BUH) se trouve,
effectivement, dans une situation de dégradation et est forcée par décision de la Banque
Centrale, de se trouver, entre autres alternatives, un partenaire stratégique. Tenue à l’œil
par la BRH, la BUH sera à trois (3) reprises en passe de tomber aux mains de banques
concurrentes. Mais, au lieu d’enregistrer une réduction de sa taille, le système accueillera
en 2000 une nouvelle entité : la Banque Haïtienne de Développement (BHD). En 2001,
les rumeurs persistent autour des difficultés de la Promobank et de son rachat éventuel
par une autre banque du système.
Pourtant, en octobre 2001 encore, une nouvelle banque, la Société Caraïbéenne de
Banque d’Epargne et de Logement (SOCABEL) est créée, alors que le secteur voit les
dépôts de la clientèle se diriger vers les coopératives financières qui offraient des taux
inabordables par les banques commerciales (120% l’an contre moins de 20%) . En
janvier 2002, la BRH procèdera au dessaisissement de la jeune BHD. Globalement, la
disparition d’une cinquième enseigne de banque en moins de dix (10) ans est
symptomatique d’un certain malaise au sein du système305.
En effet, de 1993 à 1997, le système bancaire haïtien commençait à faire montre
d’un dynamisme marqué et d’une compétition plus ardue. Il a connu une période de
304
Techniquement, une banque est en faillite lorsque la base de capital s’est complètement érodée suite à des perte
continues ou inattendues, sans qu’il y ait eu injection de nouveau capital pour la reconstituer (Max Etienne,2001)
305
Les enseignes suivantes ne sont plus :BNP, FNBB, Métrobanque, BIDC, BHD
244
croissance qui s’est traduite pour les banques par une course à la conquête de parts de
marché en termes d’actifs, de prêts, de dépôts.
Globalement, la taille de bilan du système, le volume des dépôts et le portefeuille
de prêts ont doublé entre 1993 et 1997 (ref : annexe 1 graphe # 1). Le volume d’actif du
système en 1997 a augmenté de 104% par rapport à son niveau de 1993, son total de
dépôts de 133% et les prêts de 161%. Par contre, entre 1998 et 2002, la vitesse de
croissance a été, très sérieusement, réduite par comparaison avec celle de la période
1993-1997. Pour la période 1998-2002, les taux de croissance du système ont été de 93%
pour l’actif, 97% pour les dépôts et 53% pour les prêts.
Toutefois, la course à la croissance et la compétition entre les banques ont
entraîné une augmentation considérable de leurs dépenses d’exploitation qui s’est
répercutée sur la croissance de leur profitabilité. Le ratio Dépenses d’Exploitation en
pourcentage du Produit Net Bancaire (PNB) laisse le seuil de 60% depuis 1996, pour
atteindre jusqu’à 2002 la barre minimale de 70%. Un niveau de 82% a même été atteint
en 1998 (ref : annexe 1, graphe #2).
Il est utile de noter que la dépréciation continue de la gourde face au dollar
américain a alourdi les charges d’exploitation, compte tenu du fait que, mis à part
l’augmentation des salaires et avantages sociaux, généralement exprimés en gourdes,
l’augmentation des autres dépenses de fonctionnement, la succursalisation, les
importantes dépenses se rapportant aux systèmes d’information et de communication,
équipements, véhicules etc…se paient en dollars américains.
Le graphe # 4 (annexe 1) montre une évolution non régulière de la rentabilité du
système, une croissance continue de 1993 à 1997, avec entre-temps une légère baisse en
1996. Un taux intéressant de croissance en 1997 pour chuter à nouveau en 1998. Les
bénéfices du secteur ont cru d’environ 106% en 1999 passant de 95,6 millions de gourdes
en 1998 à 196,6 millions de gourdes au 30 septembre 1999. De même, en 2000, ils ont
augmenté de 119% par rapport à 1999 pour afficher 430 millions de gourdes. Par la
suite, c’est-à-dire en 2001 et 2002, les profits nets ont chuté pour atteindre 381 et 327
millions de gourdes respectivement.
Les moteurs de la croissance ont été en grande partie, les gains de change, les
commissions sur services et les placements en bons BRH qui ont cru respectivement de
74%, 41,7% et 30,9% en 1999 par rapport à 1998. Cette croissance des revenus et des
bénéfices s’est opérée dans un contexte de statu quo du volume du crédit à l’économie.
245
Les prêts au secteur privé ne se sont accrus que de 7,3% en 1999 par rapport à septembre
1998.
L’exercice se terminant le 30 septembre 2000 a vu la monnaie nationale perdre
considérablement de sa valeur. Les banques ont su se tirer d’affaire à partir du change et
réaliser le plus haut niveau de rentabilité pour la période 1993-2002, soit 430 millions de
gourdes.
Les dépôts totaux du système ont aussi augmenté, passant de 10 milliards de
gourdes en 1996, 13 milliards en 1997, 15 milliards en 1998, 18 milliards en septembre
1999 pour atteindre 25 milliards de gourdes en 2000. Cette augmentation en volume des
dépôts totaux peut se justifier par l’accentuation de la tendance à la dollarisation de
l’économie, dont le taux qui représentait 27,35% en 1997, compte pour 43,72% en 2000.
En effet, sur la période 1997-2000 les dépôts en dollars sont passés de 3,5 milliards de
dollars américains en 1997 à 10,9 milliards en 2000, soit un accroissement global de
211% en trois ans ; alors que les dépôts réels en gourdes ont cru seulement de 48,94%
pour la même période, passant de 9,4 milliards de gourdes en 1997 à 14 milliards en
2000. La détérioration du taux de change a ainsi gonflé le volume des dépôts totaux du
système. Le taux de change pour un dollar américain était de 16,9496 gourdes au 30
septembre en 1997 et de 28,3337 gourdes au 30 septembre 2000.306
Face à la dépréciation continue de la gourde, la Banque Centrale a réagi en
resserrant la politique monétaire par l’augmentation d’une part, du niveau du taux des
réserves obligatoires sur les dépôts des banques passant de 26,5% à 31% et d’autre part,
des taux directeurs des bons BRH (les bons à 91 jours passent de 11% en septembre 1999
à 27% en septembre 2000)307. Les retombées se font sentir au niveau du volume des
placements en bons BRH qui est passé de 1,1 milliard de gourdes en 2000 à 2,7
milliards en 2001. Cette augmentation a favorisé un accroissement des revenus d’intérêt
sur bons pour les banques liquides. Pour le système, la hausse de ces revenus a été de
20,34%, soit 349 millions de gourdes en 2000 et 420 millions en 2001.
Affaiblie par les conséquences économiques et financières de la longue crise
politique et subissant les contrecoups du ralentissement de l’économie américaine,
l’économie haïtienne, n’a pas su maintenir en 2001 sa faible croissance. Le Produit
Intérieur Brut (PIB) en volume est négatif de –1,12%, en glissement annuel, le taux
d’inflation s’est réduit (12,34% en 2001 contre 15,31% en 2000)308. La BRH préoccupée
par ces résultats macroéconomiques, et aussi par les taux d’intérêt très élevés sur le
marché local alors qu’une baisse systématique de ces taux était observée sur les marchés
internationaux que ce soit dans les économies faibles ou fortes, croit qu’il est nécessaire
de rompre avec la politique des taux d’intérêt élevés pour permettre une reprise de
l’activité économique en 2002. Les taux d’intérêt directeurs ont été ramenés au niveau de
10,2% entre septembre 2001 et septembre 2002 (se rapprochant du niveau du taux
306
Banque de la République d’Haïti, (1997-2000) : Rapport « Statistiques et Indicateurs Financiers »
307
Banque de la République d’Haïti, (2000) : « Rapport Annuel »
308
Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI) : « les comptes économiques en 2001 (résultats
préliminaires) »
246
d’inflation de 2002 qui était de 10% en glissement annuel).
Comme mesure
d’accompagnement d’ordre prudentiel, la BRH a procédé à une baisse du ratio de la
position de change sur fonds propres de 40% à 8%. Cette modification visait à limiter
l’exposition des banques au risque de change dans un contexte marqué par une volatilité
plus élevée du taux de change.
Evoluant dans ce contexte de resserrement monétaire, les banques ont présenté
des résultats mitigés se résumant en : stagnation du crédit à l’économie, augmentation du
passif en dollars américains, réduction en glissement annuel du rythme de croissance des
revenus bruts d’intérêts et ceux perçus sur les bons BRH de -10% et de -4,5%
respectivement, chute de -30,2% des revenus de change et diminution de la rentabilité du
système dont le bénéfice net est passé de 381 millions de gourdes en 2001 à 327 millions
de gourdes en 2002, soit environ une chute d’environ –16%. Ces dernières dispositions
ont mis certaines banques dans de sérieuses difficultés en termes de rentabilité, car leurs
revenus tirés des placements en bons BRH ou des activités de change ont
considérablement chuté. Cette situation traduit clairement la vulnérabilité des banques
par rapport à l’évolution de certains paramètres macroéconomiques et des mesures
d’accompagnement que la Banque Centrale peut éventuellement appliquer.
II-
EVALUATION DU RISQUE DE DEFAILLANCE DU
SYSTEME
Il paraît évident que la situation économique haïtienne difficile, en raison de la
forte volatilité des variables macroéconomiques, de la concentration inhérente de
l’activité économique et la taille réduite du marché financier, du cadre réglementaire pas
tout à fait adapté, amplifie les risques systémiques pour le système bancaire haïtien. Il
s’avère donc important, à ce stade de ce travail, d’évaluer pour ce système les risques
éventuels de défaillance.
2.1 - Présentation du modèle de probabilité de défaillance
Des recherches empiriques n’ont cessé de se développer dans le but de retracer,
avec plus de précision, l’origine des faillites de banques, en raison de l’accroissement du
nombre de faillites bancaires à travers le monde. Les modèles statistiques, généralement,
pratiqués, sont fondés sur une approche comparative de groupes de banques saines et de
banques ayant fait faillite sur une période donnée et utilisent des variables et groupes de
variables spécifiques aux banques, d’une part et des variables macroéconomiques et des
effets de contagion, d’autre part (Meyer et Pifer 1970 ; Sinkey 1973 ; Martin 1977 ; Barr
et Seiford 1993 ; Lane, Looney, Wansley 1986 etc…). Par contre, le modèle utilisé dans
ce texte procède à une estimation de la fragilité bancaire à l’aide d’une mesure de la
probabilité de défaillance, pour des banques encore en opération. Cette mesure globale
tient compte à la fois des risques liés à l’activité bancaire et du degré de couverture de ces
247
risques par les Fonds Propres (Goyeau et Tarazi, 1992). Le modèle considère trois (3)
variables explicatives d’importance propres aux banques qui permettent d’obtenir trois
indicateurs de fragilité bancaire, il s’agit des Fonds Propres, de l’Actif et du Profit net309.
1- L’approche en terme de Fonds Propres sous-entend le niveau du capital.
Avec cette approche : la probabilité de défaillance d’une banque est la probabilité que les
pertes excèdent les fonds propres ou en d’autres termes que la richesse nette devienne
négative (Roy 1952 ; Blair et Heggestad 1978 ; Boyd et Graham 1986 ; Goyeau et Tarazi
1992), soit:
~
Probabilité de défaillance = Probabilité ( ∏ < - E)
(1)
La décomposition de cette équation, en divisant les deux termes de l’inégalité par E,
le capital, donne comme probabilité de défaillance :
~
∏
−E

) = Probabilité ( ~r e < - 1)
Prob.  <
(2)
E
E

~r e : variable aléatoire désigne le taux de rendement du capital
~
~
~
∏ : le profit net de la banque, ∏ étant aléatoire. En supposant que ∏ est
normalement distribué alors :
−1 − r e
r e − re
~
Prob. 
<
 σ re
σ re
r e − re
~
= Prob. 
<-Z
 σ re
~
car ∏ ~ N( r e , σre )
r e − re
~
= Prob. 
> Z )
 σ re
)
)
(3)
r e et σre sont respectivement la moyenne et l’écart type du taux de rendement ~
r e et :
1 + re
(4)
σre
Z est donc un indicateur de la fragilité d’une banque. La probabilité de faillite est
d’autant plus faible que la valeur de Z est élevée.
Z=
2- L’approche en terme de rendement net de l’actif, permet d’obtenir :
309
Actif : total du bilan. L’actif (ou emplois) d’une banque est composé des avoirs et des créances
Fonds Propres : Avoirs des actionnaires n’incorporant pas les provisions, l’emprunt participatif ou subordonné.
Profit Net : Ce poste enregistre l’excédent des produits sur les charges d’exploitation. C’est le bénéfice net avant
distribution de dividendes (après impôts, provisionnement et amortissement)
248
~
∏
−E
Prob.  <
A
A
)
= Probabilité ( ~
ra <
−E
)
A
(2’)
r a et A sont respectivement le taux de rendement net de l’Actif total et l’Actif
Où ~
total de la banque. L’équation (3) devient alors :
r a − ra
− λ − ra
~
Prob. 
<
σra
 σra
(3 ‘)
)
= Prob. (
~
r a − ra
> Z’
σra
),
~
car ∏ ~ N( r a , σra )
Où r a et σra sont respectivement la moyenne et l’écart type du taux de rendement ra ,
λ étant le ratio de fonds propres ( λ =E/A), Z’=( λ + r a )/ σra , en décomposant on
obtient :
Z’ = Z’ 1 + Z’ 2
avec :
Z’ 1 =
ra
σra
et
Z’ 2 =
λ
σra
(4’)
La décomposition de l’indicateur de fragilité Z’ permet de bien distinguer le risque de
portefeuille (Z’ 1 ) du degré de couverture de ce risque (Z’ 2 ). Z’ 1 est la mesure du risque
qui tient compte simultanément de la volatilité du rendement et du niveau du rendement
de l’Actif. Avec la mesure Z’ 2 , la capacité de couverture des Fonds Propres est
relativisée par l’ampleur du risque à couvrir.
3- L’approche en terme de niveau de profit, présente la probabilité de défaillance
comme suit, en partant de l’équation (1):
~
~
E+Π
Probabilité ( ∏ < - E) = Prob.  Π − Π > σ(Π ) )
(1’’)
σ
(
Π
)

~
car ∏ ~ N( Π , σ(Π) )
~
Π
= Prob.  − Π > Z’’ )
(2’’)
 σ(Π )
~
Π et σ(Π) sont respectivement la moyenne et l’écart-type du profit Π et on
décompose:
Z’’ = Z’’ 1 + Z’’ 2
E
Π
Avec
Z’’ 1 = σ(Π)
et
Z’’ 2 = σ(Π)
(3’’)
On obtient de nouveau une décomposition du risque de défaillance (Z’’) permettant
de distinguer le risque de portefeuille Z’’ 1 de sa couverture Z’’ 2 . Les indicateurs Z, Z’
et Z ‘’ représentent trois mesures de risques de défaillance bancaire. Le niveau de risque
249
est faible quand les valeurs de ces indicateurs sont élevées, et élevé quand elles sont
faibles.
Avec les trois approches, les indicateurs Z, Z ‘ et Z ‘’ obtenus permettent de classer
les banques en fonction de leur risque de défaillance. Toutefois, l’indicateur Z obtenu par
l’approche en terme de Fonds Propres ne permet pas de distinguer explicitement l’effet
risque de l’effet de couverture. Par contre, les deux autres approches, se rapportant au
rendement net de l’actif et au niveau de profit ayant comme indicateurs respectifs Z’ et
Z’’, permettent mieux de faire ressortir cette distinction. Dans ce travail, nous avons
privilégié la présentation des résultats obtenus à partir de Z’’.
2.2- Application du modèle
Le système bancaire haïtien étant un secteur très restreint (de petite taille), avec un
nombre peu élevé de banques, nous avons pris en compte dans l’application du modèle
l’intégralité des banques qui le composent. Toutefois, l’estimation est portée sur les
banques dont la taille du bilan représente au moins 1% du bilan global du système à la fin
de l’exercice 2001-2002. Ce critère a pour effet de négliger les banques aux poids
excessivement faibles. Sur la base de cette considération, notre échantillon comporte
(11) onze banques (ref : annexe 2, tableau # 1 présentant le classement des banques en
termes de taille de bilan au 30 septembre 2002).
Pour chacune des banques du système, nous avons calculé des indicateurs de
fragilité pour la période globale 1993-2002 et, afin de déceler d’éventuelles évolutions
différenciées, nous avons procédé aussi à une estimation sur deux sous-périodes 19931997 et 1998-2002. Ces deux sous-périodes correspondent aux périodes de remous se
caractérisant pour le système bancaire haïtien, principalement, par l’entrée de nouvelles
institutions au cours de la première sous-période et par la disparition de certaines
enseignes pendant la deuxième. Le degré de fragilité du système est évalué pour
chacune des trois (3) périodes par la moyenne des indicateurs de chaque banque. A cet
effet, nous avons procédé au calcul des rendements moyens et écarts-types de chaque
variable explicative pour chaque banque et sur chacune de ces périodes. Les mesures de
risque de faillite (ou indicateurs de fragilité) désignées Z’’, selon l’approche retenue
(profit), sont données par la somme des Z’’1 et Z’’2 pour chaque banque.
Plus Z’’ est grand, moins il y a risque de faillite pour une banque prise
individuellement. La fragilité ou pas du système bancaire haïtien, est évaluée pour
chacune des périodes, par la moyenne de l’indicateur de défaillance de chaque banque du
système identifiée par Z ′′ .
Par ailleurs, le tableau # 1 (ref : annexe 2) montre aussi une grande concentration
de l’activité du secteur bancaire. Au 30 septembre 2002, 58,65% de l’actif total du
système sont détenus par trois (3) banques, le reste (41,35%) est partagé entre les dix (10)
autres banques. La concentration était plus modérée pour les années antérieures jusqu’en
1998 (ref : annexe 2, tableau # 2). Cette tendance à la concentration apparaît aussi
250
évidente dans les parts de marché des banques pour certaines variables importantes
telles : le portefeuille de prêts bruts, les dépôts totaux.
Il y a donc certes, inégalité de taille dans le système bancaire haïtien. Compte
tenu de cet état de fait, l’analyse des effets de contagion et de taille paraît indispensable,
car toutes les banques ne présentent pas le même niveau de fragilité.
Si la fragilité du système est appréciée par une moyenne simple de la fragilité de
chacune des banques, il peut y avoir sous-estimation ou surestimation de la fragilité du
système selon que ce sont les grandes ou les petites qui apparaissent plus fragiles. Pour
analyser les effets de contagion, nous avons calculé deux types de moyennes des
indicateurs : une moyenne arithmétique simple Z ′′ et une moyenne arithmétique
pondérée par l’importance relative de la taille du bilan de chacune des banques du
système Z ′′ p pour chaque année. L’écart entre les deux moyennes permet alors d’étudier
d’éventuels effets de contagion. Si la moyenne pondérée est supérieure (inférieure) à la
moyenne simple, alors on peut conclure que ce sont les petites banques qui sont les plus
(moins) fragiles. Notons que cette analyse ne permet en aucun cas une évaluation globale
du risque de système. Celle-ci exigerait l’intégration de bien d’autres facteurs.
Tableau # 1 : Résultats de l’évaluation
Niveaux et évolution de la fragilité du système bancaire haïtien
3.1) Période Globale (1993-2002)
Années
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Moyenne
Z ′′
Z ′′
(a)
(b)
p
Variation (a) -(b)
-3.09
-15.83
0.42
-3.09
-0.16
8.51
-3.09
1.25
-1.68
-6.77
16.80
19.88
23.68
39.51
12.16
11.75
13.27
16.36
28.99
29.16
41.70
33.19
21.53
24.62
17.47
16.22
6.33
8.02
22.37
29.14
20.43
22.78
3.2) 1ère sous-période (1993-1997)
251
Années
1993
1994
1995
1996
1997
Moyenne
Z ′′
Z ′′
(a)
(b)
16.80
23.68
12.16
13.27
28.99
18.98
19.88
39.51
11.75
16.36
29.16
23.33
p
Variation (a) -(b)
-3.09
-15.83
0.42
-3.09
-0.16
3.3) 2ème sous-période (1998-2002)
Z ′′
(a)
Z ′′
p
(b)
Années
1998
1999
2000
2001
2002
Moyenne
Variation (a) -(b)
8.51
-3.09
1.25
-1.68
-6.77
41.70
33.19
21.53
24.62
17.47
16.22
6.33
8.02
22.37
29.14
21.88
22.24
3.4) Ecart entre les moyennes des deux sous-périodes
(b) 2ème sousPériode Globale (a) 1ère sous-période
période
Variation (b) -(a)
(a)
(b)
Z ′′ p
Z ′′
Z ′′
Z ′′ p
Z′p
Z ′′
Z ′′ p
Z ′′
20.43
22.78
18.97
23.33
21.88
22.24
2.91
-1.09
Source : calcul de l’auteur
III-
ANALYSE DES RESULTATS
3.1- Analyse statistique
Les résultats de notre évaluation présentés dans ce chapitre fournissent des
indicateurs d’un certain niveau de fragilité du système bancaire haïtien aux sens Z ′′ et Z ′′
p
. Le groupe de tableaux # 1 ci-devant fournit les indices de fragilité Z ′′ et Z ′′ p pour le
système sur la période de l’étude. Les mesures pondérées et non pondérées présentent
des résultats assez rapprochés quant à l’évolution de la fragilité des banques du système
par année.
Les niveaux de fragilité les plus élevés sont constatés en 1993, 1995, 1996, 2000,
2001 en considérant les moyennes simples et pondérées, car les indicateurs sont plus
252
faibles. Les années 1994, 1997, 1998, 1999 et 2002 indiquent des niveaux de risques
moins importants, car les valeurs des indicateurs sont les plus élevées.
Les moyennes pour le système des Z’’=Z’’1 + Z’’2 , soit Z ′′ et celles pondérées
Z ′′ pour les dix années sont respectivement de 20,4432 et 22,7844. Un important
niveau de Z ′′ et Z ′′ p est atteint en 1998, soit 41,70 et 33,19 respectivement, le niveau de
fragilité est plus faible. En 2001, la fragilité du système se révèle plus forte pour les
indicateurs simples et pondérés.
p
L’analyse des écarts entre les moyennes non pondérées Z ′′ et pondérées Z ′′ p
montre qu’à l’intérieur de ces dix années les petites banques présentent globalement les
niveaux de fragilité les plus élevés. Les résultats décrivent sept écarts négatifs très
significatifs en 1993, 1994, 1996, 1997, 1999, 2001. Par contre, en 1995, 1998 et 2000,
le niveau de fragilité est plus important pour les plus grandes banques, car les
valeurs de Z ′′ sont supérieures à celles de Z ′′ p. Pour les deux sous-périodes, les
moyennes sont différentes, ce qui suppose une non-stationnarité du niveau de fragilité.
Une analyse de stationnarité du niveau de risque effectuée montre que les
variances des niveaux de risques obtenus pour les deux sous-périodes sont différentes à la
deuxième sous-période passant respectivement de 51,55 à 281,44 pour σ 2 ( Z ′′ ). Elle
n’est donc pas stationnaire. Résultat que nous avons confirmé en procédant à un test de
stationnarité de Z ′′ , à partir des tests statistiques de Philipps’-Perron.
Graphe # 1
Evolution de la fragilité
du système bancaire haïtien de 1993 à 2002 (Z'')
45
40
35
30
Z''
25
20
15
10
5
0
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Z'' 16.7986 23.679 12.1608 13.2671 28.9944 41.698 21.5293 17.4712 6.3311 22.3709
253
Globalement, cette analyse fait apparaître des niveaux de fragilité pour le système
bancaire haïtien depuis 1993 jusqu’à 2002. La question, maintenant, est de savoir si cette
fragilité est le résultat d’une exposition plus importante aux différents risques auxquels
les banques sont confrontées ou si elle provient d’une faible évolution des Fonds Propres
(la couverture des risques encourus). Les tableaux # 2 et # 3 suivants qui fournissent une
décomposition de la mesure de fragilité apportent des éléments de réponse.
Le tableau # 2 présente les valeurs moyennes annuelles désignées par Z ′′ 1 et Z ′′ 2
pour la décomposition de la mesure Z‘’, pour les trois périodes. Il est utile de rappeler
que Z ′′ 1 (ou coefficient de variation du profit) et Z ′′ 2 (les fonds propres rapportés à la
variation du profit) représentent respectivement le risque encouru ou l’exposition de la
banque aux risques et la couverture de ce risque. Rappelons aussi que :
• plus Z ′′ 1 est petit plus l’exposition aux risques est importante
• plus Z ′′ 2 est grand plus la couverture est importante
Tableau # 2 :
Décomposition du risque de défaillance
Période globale (1993-2002)
Z 1 ′′
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Moyenne
(1)
1993
1994
1995
1996
1997
4.82
2.88
8.93
2.89
6.81
5.15
3.45
4.17
1.23
3.25
4.358
1ère sous-période (1993-1997)
Z 1 ′′
4.82
2.88
8.93
2.89
6.81
254
Z 2 ′′
11.97
20.79
9.75
10.37
22.17
36.54
18.07
13.3
5.09
19.11
16.716
Z 2 ′′
11.97
20.79
9.75
10.37
22.17
Moyenne
5.266
(2)
15.01
2ème sous-période (1998-2002)
Z 1 ′′
1998
1999
2000
2001
2002
Moyenne
Z 2 ′′
5.15
3.45
4.17
1.23
3.25
3.45
36.54
18.07
13.3
5.09
19.11
18.42
Source : calcul de l’auteur
Pour la période globale (1993-2002), le système bancaire haïtien a connu une
augmentation du niveau de fragilité en 2001 due à la fois à une exposition aux risques
plus forte (1,23) et à une moindre couverture (5,09).
Cependant la moyenne pour toutes les périodes indique, toujours, qu’à la
deuxième sous-période le système est toujours plus exposé au risque (3,45), mais la
couverture est plus forte pour cette même période (18,42). La comparaison entre les
moyennes obtenues par la décomposition du niveau de défaillance pour les deux souspériodes (tableau # 3 ci-après) montre aussi que le taux d’accroissement de l’exposition
aux risques du système (34,53%) croît en moyenne plus vite que le taux de couverture
(22,71%).
Tableau # 3
Moyenne globale de la
Décomposition du risque de défaillance pour les 3 périodes
Période globale 1ère sous-période2ème sous-périodeVariation (2)-(1)
1993-2002
1993-1997
1998-2002
(1)
(2)
Z 1 ′′
4.36
Z 2′ ′
Z 1 ′′
16.72
5.27
Z 2′ ′
15.01
Z 1 ′′
Z 2′ ′
3.45
18.42
Z 1 ′′
-1.82
Z
2
′′
3.41
Source : calcul de l’auteur
En fait, l’analyse de l’évolution des Z ′′ pour les dix années de l’étude, nous
montre que le système bancaire haïtien présente effectivement un certain niveau de
fragilité. Il est de plus en plus exposé aux risques et les efforts de couverture ne suivent
pas le rythme de croissance de ces risques. Ce qui nous porte à avancer que le niveau
255
d’adéquation des fonds propres au degré de risques encourus par les banques est
insuffisant.
3.2- Analyse économique
Au regard des résultats obtenus pour le système au cours de la période de l’étude
et de l’analyse statistique conduite, il est important de statuer sur notre préoccupation
principale qui est de dire si le système est en crise ou s’il comporte des risques de
défaillance, suite aux mesures de libéralisation.
Les expériences de libéralisation dans d’autres pays aboutissent souvent à des
crises coûteuses pour le système bancaire et pour l’économie, en général310. En effet, en
Haïti, le processus de libéralisation du marché initié en 1995 avec la libéralisation des
taux d’intérêt a renforcé la compétition entre les banques et engendré une perte de
contrôle des coûts d’opération qui s’est répercutée sur leur marge d’intermédiation et que
le développement de nouveaux produits ne parvient pas à compenser. Serait-ce à dire
qu’à partir de 2002 (sept ans plus tard), il faudrait craindre une crise bancaire en Haïti ?
L’année 2002 s’est achevée sans l’occurrence de cette crise. Pourtant, le secteur
bancaire a connu des moments difficiles durant les sept dernières années (1995 à 2002).
Non seulement, les profits ont évolué en dents de scie, mais aussi deux faillites de
banques et une fusion ont été enregistrées. La faillite des coopératives d’épargne et de
crédit (qui semblaient représenter une menace pour les banques) a, quelque peu, mis dans
l’ombre la perspective d’une crise bancaire importante. Mais, au regard de la dégradation
accélérée de l’environnement économique et l’intensification de la concurrence, l’on ne
peut s’empêcher d’être inquiet.
Quoique très vulnérable à différents chocs externes et internes, quoique
l’environnement macroéconomique soit tout à fait défavorable pour le secteur des affaires
en général, le secteur bancaire haïtien a su tirer son épingle du jeu, en affichant toujours
des résultats nets positifs. Il n’y a pas lieu, selon nous au vu des résultats du modèle, de
parler jusqu’ici de « crise » qui théoriquement sous-entendrait une « rupture avec la
croissance » si l’on s’en tient à la définition des théoriciens de la régulation (BoyerSaillard). Nous optons, de préférence, pour l’utilisation du terme « fragile » pour parler
de l’état de santé de l’industrie bancaire haïtienne.
Comme l’indiquent les différentes évolutions des valeurs de Z’’, les degrés de
fragilité sont des nombres positifs compris entre environ 6 et 42. Pour la période étudiée,
ces indicateurs de fragilité ne se sont jamais rapprochés de zéro, voire d’un seuil
négatif. Le niveau le plus intéressant a été atteint en l’année 1998, pour laquelle
l’indicateur de fragilité Z‘’ était le plus élevé, ce qui implique donc, à ce moment, une
meilleure santé financière pour le système. En moyenne, cet indicateur se situe pour les
dix années de l’étude autour de 20 pour les Z’’ simples et 22 pour les Z’’ pondérés.
Rappelons que plus Z’’est faible plus le niveau de fragilité est fort. Sur la base du
modèle appliqué, le niveau de couverture de risques bancaires par les Fonds Propres,
310
Max Etienne : « Supervision des banques et des institutions financières en Haïti » p 31
256
n’est pas tout à fait convenable. A ce compte, les risques de défaillance d’unités de
banque dans le système sont évidents.
Ainsi, avec la montée des risques (apparition de nouveaux risques) et la
concurrence accrue au sein du système, individuellement, certaines banques devront
s’effacer car, elles ne pourront pas suivre le rythme de développement de cette
concurrence. Concomitamment, le travail des autorités de supervision des banques
deviendra plus ardu pour assurer la stabilité du système, car, dixit Max Etienne : « la
croissance du secteur bancaire augmente plus vite que les capacités de surveillance ».
Les différentes mesures Z, Z’ ou Z ‘’ du modèle sont alternativement retenus
comme indicateurs de fragilité bancaire. Toutefois, ils reposent sur une hypothèse forte
qui prétend que les autorités déclarent une banque en faillite, dès que sa richesse nette
devienne négative (Furlong 1988). En Haïti, le niveau de Fonds Propres de sécurité
exigé aux banques est de 5% au minimum de la valeur de leurs actifs bruts. Ce montant
est, à notre avis, insuffisant, eu égard au niveau de risques auxquels est exposé le système
(risques de contrepartie, risque de taux, de change, de liquidité, d’insolvabilité, risquepays, risque opératoire, risque technique, risque de fraude etc.) Pourtant, le système
bancaire haïtien est régi par un ensemble de règles de protection, surtout en matière de
Fonds Propres, aussi assujetti à des contrôles fréquents, qu’il serait fort difficile que
l’éventualité que les pertes d’une banque excédent ses fonds propres, arrive par surprise.
Toutefois, compte tenu de la complexité de l’environnement économique haïtien
qui ralentit la croissance et compromet, de surcroît, la saine et bonne performance
générale des banques, beaucoup d’entre elles se battent afin de respecter certains ratios
importants, en particulier, celui de l’adéquation d’un coussin minimum de sécurité
équivalant à 5% de l’Actif total. Le ratio est, certes, faible mais, en général, un simple
renforcement des exigences en Fonds Propres peut laisser craindre un comportement plus
agressif vis-à-vis du risque de la part des banques. Autrement dit, un accroissement des
Fonds Propres peut conduire à une augmentation du risque en vue de rentabiliser ces
derniers. La stratégie très coûteuse de succursalisation adoptée par plusieurs banques fait
croître le niveau des immobilisations du système, et leur couverture, depuis quelques
années, a une propension à dépasser le niveau des fonds propres (ref : annexe 2, tableau
# 3). La croissance des immobilisations est, alors, financée par les déposants.
Ces risques et d’autres tant internes (gestion de crédit inadéquate, portefeuille de
crédit peu diversifié, système de recouvrement des prêts inapproprié, non-maîtrise des
risques de liquidité, faiblesse du management, fraudes etc…) qu’externes (instabilité
économique, intensification de la concurrence etc) sont énormes et ne peuvent aboutir
qu’à l’affaiblissement de la solidité financière du système ou d’un établissement bancaire
spécifique.
Certes, certaines banques du système opèrent dans de mauvaises conditions
financières. Les retirer brusquement du marché - si l’on appliquait à la lettre les mesures
appropriées - risquerait de soulever des inquiétudes, engendrer des paniques, voire même
une perte de confiance dans le système, surtout lorsque ces banques ont un certain poids
257
dans le système. Ici doit intervenir la Banque Centrale en tant que gardienne du système
financier. Anticipant le comportement négatif des agents économiques, les autorités
haïtiennes optent, parmi les différentes méthodes pour dévier les crises bancaires, pour
des fusions dans le cas des banques ayant un poids significatif dans le système ou la
liquidation dans le cas des banques de taille moins importante etc.
A cet effet, comme le note Kane (1989), la faillite est, plus souvent, le résultat
d’une décision des autorités monétaires, plutôt que les conséquences immédiates des
forces du marché. En d’autres termes, dès l’instant où les banques techniquement en
faillite peuvent continuer leurs activités, ces mesures de fragilité Z, Z’ ou Z’’ tendent à
surestimer la probabilité réelle de faillite et rendent plutôt compte d’une « probabilité de
rencontrer de sérieux problèmes ».
Globalement, notre évaluation de l’état de santé du système bancaire haïtien
démontre une certaine fragilité et non pas un système en crise. Cette fragilité est liée à un
certain nombre de paramètres, essentiellement :
1. l’instabilité de l’environnement économique, (à cause de la volatilité des variables
macroéconomiques internes et externes), qui produit des chocs exogènes
importants sur la santé du système avec les déséquilibres de l’inflation, des taux
d’intérêt et de change. Une hausse des taux d’inflation et de change engendre un
surpoids des charges d’exploitation des banques, par exemple. De même une
augmentation des taux d’intérêt directeurs peut, par transmission aux taux
débiteurs des banques, rendre le coût du crédit plus élevé pour les opérateurs
économiques entraînant ainsi une hausse des improductifs pour les banques et une
compression du crédit à l’économie.
2. l’intensification de la concurrence qui alimente la course à la croissance au
détriment de la rentabilité et donc des fonds propres. Le volume des dépenses
d’exploitation des banques par rapport au Produit Net Bancaire témoigne, en fait,
de leur faible productivité.
3. l’accentuation de la dollarisation causée par l’instabilité du taux de change.
43,34% du bilan étant libellés en dollars américains, ceci expose les banques à de
sérieux problèmes en cas d’une forte dévaluation de la monnaie locale (gourde).
Le niveau de capital devrait être modifié en conséquence. Sinon, les banques
fortement dollarisées risquent de se retrouver avec un ratio de Fonds
Propres/Actif Total en dessous du seuil requis par la réglementation (les
actionnaires ne sont pas trop ouverts à une augmentation des fonds propres
compte tenu du risque lié à la dévaluation).
4. la trop grande dépendance du système vis-à-vis des bons émis par la Banque
Centrale. Cet instrument de politique monétaire profite énormément aux banques
commerciales, mais s’accompagne d’externalités négatives pour la collectivité.
La non-crédibilité du Ministère de l’Economie et des Finances qui devrait
258
normalement se charger de l’émission de Bons du Trésor adressés au marché
public, a favorisé la création de ce système de Bons de la Banque Centrale, dont
seules les banques en sont les « bénéficiaires ». Ce système a donc été institué
surtout dans un souci d’accommodation du déficit budgétaire de l’Etat. Les
externalités négatives se présentent comme suit : d’un côté, les déposants et
emprunteurs n’en tirent pas profit, le rendement moyen de leurs dépôts demeure
faible et le coût de leurs emprunts élevé. D’un autre côté, cette monétisation du
déficit public qui induit une expansion de la masse monétaire n’est pas sans
impact sur le niveau des prix, partant sur le pouvoir d’achat de la monnaie
nationale qui diminue. L’exploitation abusive du seigneuriage311 est donc à la
source de l’inflation et est négative pour les agents économiques en général.
Au lieu d’utiliser les ressources du grand public dans le financement d’entreprises
ou d’autres projets privés favorisant ainsi la création monétaire et la relance de
l’activité économique, les banques ont une propension à détenir dans leur bilan
davantage de placements en bons BRH (dont le rendement est sans risque) créant
ainsi un effet d’éviction du crédit à l’économie par le crédit à l’Etat.
5. la dépendance des banques aussi vis-à-vis du change. En effet, l’instabilité du
taux de change profite beaucoup aux banques. L’appréciation du taux de change
leur permet de réaliser d’importants gains (selon qu’elles détiennent une position
longue de change) qui viennent renforcer ainsi le volume de leur Produit Net
Bancaire.
Une situation de baisse du taux de change et des taux sur les bons BRH peut être
néfaste pour le PNB des banques, comme c’était, un peu, le cas en 2001 avec la
décision de la BRH de baisser les taux directeurs sur les bons. Ces mesures
avaient provoqué une chute du bénéfice net du secteur, en général, et des résultats
nets catastrophiques pour certaines banques, en particulier. Un revirement de
situation, c’est-à-dire un taux de change stable/équilibré changerait la donne et
beaucoup de banques se retrouveraient en difficulté. Néanmoins, si l’activité
économique reprend aussi, ce que les banques auront perdu en change, elles le
gagneront en octroyant de crédits productifs à l’économie.
En somme, la baisse de la rentabilité du secteur s’exprime aussi au niveau de la
composition de son Produit Net Bancaire. Selon nous, le PNB ne peut plus être
utilisé comme un indicateur d’activité des banques haïtiennes. Il est synthétique.
Olivier Pastré disait que : « le PNB mélange les « choux de l’intermédiation et les
« carottes » des commissions, tout en gommant le facteur « risque »312.
IV-
CONCLUSION
311
Ce terme seigneuriage désigne les ressources réelles que représentent les moyens de paiement fournis au
gouvernement par la Banque Centrale en financement du déficit budgétaire ; il implique une taxe qualifiée d’impôt de
l’inflation.
312
Olivier Pastré (2002): « L’économie bancaire : un nécessaire renouveau conceptuel », Revue d’Economie
Financière vol p 236
259
Les différentes décisions de libéralisation du marché financier haïtien prises par la
Banque Centrale ont concouru, dans une certaine mesure, à la dynamisation du système
bancaire et au développement de la concurrence. Cependant, elles se sont accompagnées
comme toutes mesures de libéralisation d’effets néfastes, car elles ont contribué, à partir
d’effets induits, à une augmentation des risques pour le système bancaire, comme nous
l’avons expliqué.
Néanmoins, tenant compte des résultats de notre évaluation statistique, nous
pensons que l
e système bancaire haïtien, évoluant dans un environnement économique très
défavorable, avec très peu de différenciation de produits et services, une concurrence de
plus en plus vive et présentant une croissance des résultats non régulière, doit être un
sujet de préoccupation. Toutefois, les différentes analyses montrent qu’en dépit d’un
certain niveau de fragilité, le système, en général, n’est pas fortement menacé de
l’intérieur. Nous n’oserons encore moins parler de crise ou de système en voie de crise,
suite aux mesures de libéralisation. Certes, les petites unités auront plus de difficultés à
survivre, avec l’apparition des différents chocs endogènes et exogènes, certaines
disparaîtront, ce qui déboucherait, de plus en plus, sur le phénomène de concentration.
Par ailleurs, nous pensons, que la résorption de toute crainte sur le secteur
bancaire est conditionnée par une réorientation de la stratégie économique générale.
L’économie haïtienne est une économie en voie de développement, elle a besoin de
financement qui doit normalement se manifester en termes d’investissements nationaux et
internationaux. Cependant, l’attrait des investisseurs tant haïtiens qu’étrangers exige
d’abord la stabilité politique dans le pays, une meilleure gouvernance, un système fiscal
efficient etc... Ces pré-requis, mis en place, faciliteraient un meilleur environnement
macroéconomique. Les banques ne pourront plus alors, se démarquer de leur fonction
d’acteur de la croissance économique et le crédit deviendra pleinement « un facteur
d’accélération de l’activité économique »313. En plus de leur métier traditionnel,
consistant en la multiplication des inputs par l’octroi du crédit, elles devront articuler
divers autres métiers financiers selon d’autres formes d’organisation de plus en plus
différenciées (adaptées aux PVD), à des destinations de marchés plus segmentés. Leur
efficacité réelle dépend effectivement de la prise et de la gestion du risque.
313
Magalie Sylvestre (1988) « Le crédit : facteur d’accélération de l’activité économique » Inaghei-Actuel
260
ANNEXES
Annexe 1
Graphe # 1
Evolution de l'Actif, des Dépôts et des Prêts du système bancaire
(en millions de gourdes)
40,000
35,000
30,000
25,000
20,000
Actif
15,000
Dépôts
10,000
Prêts
5,000
0
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Graphe # 2
Evolution du PNB, des Frais d'Exploitation
et du Bénéfice net du système bancaire
(en millions de gourdes)
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
1993
1994
1995
PNB
1996
1997
1998
Frais Expl.
261
1999
2000
2001
Bénéfice net
2002
Annexe 1 (suite)
Graphe # 3
Rythme de croissance du PNB et
des Frais d'Exploitation du système bancaire (en %)
70.00%
60.00%
50.00%
40.00%
30.00%
20.00%
10.00%
0.00%
1993
1994
1995
1996
1997
PNB
1998
1999
2000
2001
2002
Frais Expl.
Graphe # 4
Evolution du Bénéfice net du système bancaire
(en millions de gourdes)
500
450
400
350
300
250
200
150
100
50
0
1993
1994
1995
1996
1997
262
1998
1999
2000
2001
2002
Annexe 2
Tableau # 1
Taille de bilan et part de marché des banques du système bancaire
haïtien
(au 30 septembre 2002)
Banques
Actif total
Part de marché
(en milliers de gourdes)
SOGEBANK
8,635,928.80
24.45%
UNIBANK
7,814,744.60
22.12%
SOCABANK
4,268,479.10
12.08%
BNC
3,018,104.00
8.54%
CITIBANK
2,194,325.00
6.21%
PROMOBANK
2,151,515.00
6.09%
BUH
2,016,819.50
5.71%
CAPITAL BANK
1,652,990.00
4.68%
SCOTIABANK
1,384,635.00
3.92%
SOGEBEL
1,272,044.60
3.60%
BPH
793,586.70
2.25%
SOCABEL
117,066.00
0.33%
BICH
9,807.30
0.03%
SYSTEME
35,330,045.60
100.00%
Source : Banque de la République d’Haïti : « Rapports statistiques et indicateurs financiers «
données financières trimestrielles des établissements bancaires » trimestre 4, 2002
Tableau # 2
Indicateur de concentration Herfindhal-Hirschman du système bancaire
haïtien
Actif
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
1345.1 1224.0 1172.0 1082.4 1132.1 1320.4 1348.3 1416.1 1469.3
Prêts
1163.3 1146.4 1021.5 1012.2 1003.6 1205.7 1307.1 1309.2 1391.2
Dépôts
1332.0 1129.3 1169.5 1119.0 1169.0 1355.6 1420.8 1457.2 1540.8
Source : Banque de la République d’Haïti « Rapports annuels » 1998 à 2002
Tableau # 3
Ratios : Immobilisations sur Fonds Propres pour le système
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
Immo/F.P 79,5% 65,5% 77,6% 106,397,5% 98,3% 111% 97,9%
%
263
2002
100,1 97,2%
%
Source : Banque de la République d’Haïti: « Rapports annuels 1995 à 2002 »
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267
LA REFORME DE LA REGULATION PRUDENTIELLE ET DE LA
SUPERVISION BANCAIRE EN HAITI :
UN TRANSFERT DE SAVOIR-FAIRE
Raulin Lincifort CADET*
1. Introduction
Les années 1990 marquent une nette évolution du système bancaire haïtien, avec la
création de nouveaux établissements bancaires, la diversification des services bancaires
qui deviennent de plus en plus modernes. Au cours de ces années le secteur est devenu
très dynamique comme le reconnaît aussi la banque centrale haïtienne.
C’est au cours des années 1990 que les autorités ont entrepris des réformes au niveau de
la régulation prudentielle et de la supervision des établissements bancaires. Dans certains
pays asiatiques et de l’Amérique Latine, on sait que la réforme de la régulation
prudentielle et de la supervision bancaire fait suite aux crises financières qu’ont connues
ces pays. Bien qu’Haïti n’ait pas expérimenté de crise bancaire, il faut noter que
certaines décisions de libéralisation financière, telle que l’élimination du contrôle des
taux d’intérêt, l’autorisation accordée aux banques de recevoir des dépôts en dollars,
augmentent l’exposition de ces établissements aux risques de crédit et de change. Ainsi,
la mise en vigueur de normes prudentielles et l’établissement d’un cadre de surveillance
moderne se sont révélés importants pour éviter une crise bancaire systémique.
Notre intervention vise à montrer que la réforme de la régulation prudentielle et de la
supervision bancaire opérée par la Banque de la République d’Haïti (BRH) est le résultat
d’un transfert de savoir-faire facilité par la globalisation. Dans la première partie de
notre exposé, nous aborderons la question de la nécessité ou non de la régulation
bancaire. Au niveau des deux autres parties, nous présenterons, d’une part, l’évolution de
*
Raulin Lincifort CADET a décroché une licence en Sciences Economiques, à l’Université Quisqueya, en
2001. Il est actuellement un étudiant finissant au programme de maîtrise en Sciences Economiques de la
Faculté des Sciences Economiques et Administratives de l’Université Quisqueya. Il occupe le poste
d’assistant de recherche au Centre de Recherche en Gestion et en Economie du Développement (CREGED)
de ladite université. Il est aussi membre du groupe de recherche CEDIMES.
268
la régulation prudentielle bancaire sur le plan international, et d’autre part, les réformes
opérées par la BRH à partir de la seconde moitié des années 1990, en ce qui à trait à la
régulation prudentielle et à la supervision bancaire en Haïti. Au niveau de ces deux
dernières parties, nous montrerons comment la globalisation a facilité cette réforme au
niveau du système bancaire haïtien. Puis, nous présenterons nos conclusions.
269
1- Doit-on réguler le secteur bancaire ?
Plusieurs arguments s’élèvent contre la régulation bancaire : elle est coûteuse et crée ainsi
une barrière à l’entrée, elle engendre un aléa moral, on peut faire face à la capture
d’agents régulateurs.
•
Coûts et barrière à l’entrée
La régulation en générale et surtout la régulation financière est très coûteuse. Car elle
exige des ressources humaines très qualifiées et des ressources matérielles coûteuses
telles que les dépenses en informatique et en technologie de communication. Les coûts
s’étendent aussi aux entreprises régulées. Il s’agit des coûts dus à l’application des
normes. Ils constituent une barrière à l’entrée de nouvelles banques dans le système,
favorisant ainsi les oligopoles.
•
Aléa moral
Les opposants à la régulation soutiennent aussi qu’elle crée un aléa moral. Ceci est le fait
que les agents économiques, se sentant protégés contre le risque, prennent plus de risque.
Un cas extrême de l’aléa moral est celui d’un agent qui met le feu dans sa maison sachant
que la prime d’assurance qu’il recevra est supérieure à la valeur de la maison. Dans le
cas qui nous concerne, la régulation bancaire modifie le comportement des agents qui
font des dépôts bancaires sans se préoccuper d’évaluer la santé financière des banques.
•
Capture d’agents régulateurs
Les entreprises d’un secteur régulé peuvent arriver à capturer les agents de l’institution de
régulation. Ces agents sont enclins à ne pas prendre de sanctions extrêmes à l’endroit des
entreprises pour deux raisons : en général, lorsqu’ils laissent l’institution de régulation, ils
vont travailler dans le secteur qu’ils régulaient ; certaines fois les agents régulateurs
reviennent du secteur qu’ils ont à réguler. Leurs décisions risquent d’aller dans le sens
des entreprises et non dans celui de la société.
Ces arguments ne sont pas sans fondements. Toutefois, la nécessité de réguler le secteur
bancaire est justifiée par les défaillances du marché que sont : les externalités et
270
l’asymétrie d’information. Elle est aussi justifiée par la volonté de prévenir les crises
bancaires systémiques et de protéger les déposants. Les dernières crises financières des
années 1990 ont montré qu’une absence de régulation prudentielle ou une régulation
prudentielle et une surveillance trop faible, facilitent l’occurrence de crise financière.
L’exemple de ces pays a permis de comprendre que les coûts de la crise sont plus élevés
que les coûts de la régulation. En outre, les déposants n’ont pas suffisamment
d’information et d’expertise leur permettant d’évaluer les banques. Ainsi, la régulation et
la surveillance des banques par une institution protègent les déposants et permettent à la
société de faire des économies d’échelle. Car, si chaque agent économique devait assurer
lui-même la surveillance des banques la somme des coûts de tous ces agents serait très
élevée pour la société.
La Banque Centrale régule et surveille les banques pour une autre raison importante.
C’est que la Banque Centrale est un prêteur en dernier ressort. Alors, elle impose à ces
clients des normes prudentielles et surveille leur application en vue de s’assurer que ces
clients, les banques, pourront s’acquitter de leurs dettes.
2- La globalisation et la régulation bancaire
Nous ne proposons pas de définition formelle pour le concept de globalisation. Mais,
nous soulignons que la globalisation se réfère à l’idée d’un monde qui serait comme un
village. Elle se réfère à l’augmentation des investissements directs à l’étranger. Elle peut
se référer aussi à l’internationalisation de la finance. Dans ce cas, on parle de la
globalisation financière. Twaites (2000) souligne que le concept du Global Village :
« Evoque l’image d’un contact immédiat et continu avec le monde entier, de la
région la plus proche à celle éloignée. Cela fut rendu possible, dans un premier
temps, par diverses phases de découvertes scientifiques dans le domaine de la
communication : de la diffusion de la page imprimée, à la transmission de signaux ;
de la voix humaine et enfin de l’image. Aujourd’hui, ce monde rapproché s’aborde
sous ses diverses dimensions : culturelle, sociale, économique, politique, etc. nous
influençons le monde qui nous entoure et nous en subissons à notre tour ses
effets. »
La création d’institutions supranationales, la formation de groupes régionaux de pays, la
diffusion d’un ouvrage, d’un film dans plusieurs langues, les associations transnationales,
271
les grandes universités de renommé internationale, les sites web etc., constituent des
expressions de la globalisation.
L’expérience des économies de l’Asie de l’Est a montré l’impact positif que peut avoir la
globalisation financière. Ces pays ont connu une période de croissance élevée résultant
de l’entrée de capitaux apportés par les investisseurs étrangers. Ces pays ont constitué
des modèles de référence. Mais, la crise financière, qu’ils ont expérimenté par la suite est
un indice que la globalisation comporte aussi des risques. L’étude de Demirgüç-Kunt
(1998) a révélé que les crises bancaires tendent à avoir lieu dans les systèmes financiers
libéralisés. L’étude révèle aussi que l’impact de la libéralisation financière sur la fragilité
du secteur bancaire est plus faible lorsque l’environnement institutionnel est fort
(bureaucratie efficiente, moins de corruption, application de la loi). Parmi les leçons
tirées des crises asiatique et mexicaine, nous notons la nécessité d’établir une régulation
prudentielle et une supervision adéquate des institutions financières.
En matière de régulation prudentielle et de surveillance bancaire, le Comité de Bâle sur le
Contrôle Bancaire qui fonctionne sous les auspices de la Banque des Règlements
Internationaux (BRI) constitue une référence au niveau international. Ce comité qui est,
en fait, une expression de la globalisation est créé en 1974, à la suite de la faillite de la
banque Herstatt, en Allemagne. Ce comité, qu’on nomme généralement, comité de Bâle,
est composé des représentants de la banque centrale et des autorités de supervision
bancaire des pays du G 10. Il comprend actuellement treize pays. Il s’agit de
l’Allemagne, la Belgique, le Canada, l’Espagne, les Etats-Unis d’Amérique la France,
l’Italie, le Japon, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni.
Le comité de Bâle n’est pas investi d’autorité formelle de supervision supranationale, et
ses conclusions n’ont pas force de loi.
Sa mission consiste à formuler les lignes directives et des recommandations relatives aux
meilleures pratiques en matière de contrôle bancaire. Les deux principales réalisations du
comité sont les accords de 1988 et de 2004 sur le minimum de suffisance des fonds
propres. Le dernier accord, connu sous le nom de Bâle II, vient d’être endossé le 26 juin
2004. L’influence des travaux du comité de Bâle est très étendue. L’accord de Bâle I est
adopté par plus de 100 pays. L’un des pivots des deux accords est le minimum requis du
ratio des fonds propres.314
Le Comité de Bâle n’est pas la seule structure internationale qui s’implique dans l’effort
de standardisation de la régulation prudentielle et de la supervision bancaire. Le Fonds
314
Ce ratio est le rapport des fonds propres sur les actifs pondérés par les risques. L’accord de Bâle I
prévoit un seuil minimum de 8%. Ainsi, les fonds propres des banques actives internationalement doivent
représenter au moins 8% des actifs pondérés par les risques. L’accord de Bâle II maintient le même seuil
de 8%. Le ratio de capital du second accord ne diffère de celui du premier qu’au niveau du dénominateur
où deux approches permettent maintenant d’évaluer les risques. Pour plus de détail, on peut se référer au
texte du second accord : Basel Committee on Banking Supervion (2004).
272
Monétaire International, la Banque Mondiale, sont aussi très intéressés par la question de
la régulation des systèmes financiers. C’est ce qui explique qu’en mai 1999, ces deux
dernières institutions ont conjointement initié le Programme d’évaluation du secteur
financier. Ce programme vise à augmenter les efforts en vue de la promotion de la
stabilité des systèmes financiers. Les membres du FMI et de la Banque Mondiale sont
requis de respecter des normes énoncées par ces institutions. Mais, on reproche, à ces
deux institutions le fait que ces normes n’aient pas été énoncées sur la base d’une large
concertation comme c’est le cas pour l’accord de Bâle.
D’autres organismes internationaux interviennent dans la promotion pour le renforcement
de la régulation prudentielle et de la supervision bancaire. Il s’agit, par exemple, de
l’Association des Superviseurs de Banques des Amériques (ASBA), du Groupe d’Action
Financière sur le Blanchiment d’Argent (GAFI), du Groupe d’Action Financière de la
Caraïbe (GAFIC), du Groupe des Superviseurs de Banques de la Caraïbe etc.
Ces institutions et organismes internationaux qui sont des expressions de la globalisation,
favorisent la convergence des pratiques en matière de régulation et de supervision
bancaire. Ils formulent et recommandent généralement des normes prudentielles. Le
GAFI, par exemple, a formulé quarante recommandations et huit recommandations
spéciales, dans le cadre de sa promotion de lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme. Ces recommandations sont reconnues par le Fonds Monétaire
International et la Banque Mondiale comme des normes internationales. Le GAFIC aussi
a formulé dix-neuf recommandations sur le blanchiment d’argent. Il faut souligner aussi
l’existence de l’Institut des Auditeurs Externes dont les travaux portent surtout sur les
normes d’inspection.
En Amérique Latine, souligne Stallings (2003), les remaniements apportés à la régulation
et la supervision bancaire constituent une réponse à certains événements telle que la crise
mexicaine. Mais, l’auteur ne nie pas l’impact sur ces pays, des développements, au
niveau international, de la question. Dans la Caraïbe, l’impact des efforts des organismes
internationaux semble être significatif. D’ailleurs, les superviseurs de banques des pays
de la Caraïbe, à travers le Groupe des Superviseurs de Banques de la Caraïbe,
réfléchissent sur les questions relatives à la régulation prudentielle et à la supervision
bancaire. Ces efforts peuvent conduire à la convergence des pratiques en matière de
régulation prudentielle et de supervision dans la Caraïbe. Beaucoup de pays de
l’Amérique Latine et de la Caraïbe ont adopté, par exemple, le ratio de suffisance des
fonds propres.
3- Régulation prudentielle et supervision bancaire : le transfert de
savoir-faire vers Haïti
273
•
Régulation prudentielle et supervision bancaire avant la seconde moitié des années
1990
Beaulieu (1987) présente l’évolution du système bancaire haïtien avant 1979. Au cours
de cette période, il n’y a pas eu de système bancaire structuré avec une banque centrale à
proprement parler. Depuis 1880, plusieurs banques se sont succédées avec le privilège de
l’émission monétaire. L’auteur note que la dernière de ces banques à deux chapeaux315,
la Banque Nationale de la République d’Haïti (BNRH) n’exerçait aucun contrôle effectif
sur les autres banques et qu’aucune réglementation systématique n’avait été décidée.
Contrairement aux autres banques concurrentes de la BNRH, cette dernière n’avait pas à
couvrir les dépôts reçus. Cette banque était donc, à la fois, juge et partie.
C’est avec la loi du 17 août 1979, créant la Banque de la République d’Haïti (BRH) à
laquelle sont confiées les attributions d’une banque centrale, et le décrêt du 14 novembre
1980, que la réglementation des activités des banques a connu une nouvelle phase. Le
décrêt du 14 novembre 1980 règlemente le fonctionnement des banques et des activités
bancaires sur le territoire haïtien. Ces décrets ont donné à la BRH l’autorité qu’il lui faut
pour établir des règles de gestion visant à protéger les déposants.
En ce qui à trait aux règles prudentielles relatives à la suffisance des fonds propres,
l’article 43 du décret du 17 novembre 1980, paragraphe quatre, stipule : « Elle pourra
également édicter des règles visant à s’assurer que le montant des ressources propres des
banques est en rapport avec le volume des fonds qui leur sont confiés ou des risques
qu’elles assument. »
Ce dernier décret accorde aussi à la BRH, l’autorité d’assurer la supervision des banques.
Elle peut, lorsqu’elle le juge nécessaire, procéder à l’inspection d’une banque en vue de
s’assurer qu’elle respecte les normes établies et que sa gestion est saine. La loi fait aussi
obligation aux banques de fournir aux inspecteurs de la BRH tout renseignement et toute
la documentation que ces derniers requièrent lorsqu’ils le jugent nécessaire au contrôle
bancaire. Il est aussi fait injonction aux banques de fournir leurs états financiers à la
BRH suivant le format défini par celui-ci.
Entre 1979 et 1996, la BRH s’est acquitté de cet aspect de sa mission qu’est la
supervision des banques. Au cours de cette période, la BRH assurait la supervision des
banques. Des inspections étaient réalisées et les états financiers des banques faisaient
l’objet d’analyse des autorités de supervision. Mais, la supervision bancaire était très
faible en Haïti au cours de cette période, tenant compte des avancés qu’elle connaissait
déjà sur le plan international.
315
Ces banques remplissaient, à la fois, les fonctions de banque centrale et de banque commerciale.
274
•
Régulation prudentielle et supervision bancaire à partir de la seconde moitié des
années 1990
A partir de l’année fiscale 1996-1997, la régulation prudentielle et la supervision bancaire
a évolué en Haïti, au point qu’on peut même parler de la réforme de la supervision
bancaire. A la seconde moitié des années 1990, la BRH a mis en vigueur un nombre
croissant de normes prudentielles. En 1997-1998, la BRH a mis en vigueur un nouveau
cadre de surveillance bancaire316. Ce dernier est un guide de référence qui définit la
mission de la supervision bancaire et qui développe la méthode utilisée par la BRH pour
la réalisation de cette mission.
Les normes prudentielles
Les normes prudentielles mises en vigueur dans le système bancaire haïtien sont le
résultat d’un Programme de Normes Prudentielles entrepris depuis 1995, par la BRH, de
concert avec la communauté bancaire.
En général, la BRH discute avec ladite
communauté sur le contenu des circulaires avant leur publication. Cette collaboration se
réalise maintenant à partir de l’Association Professionnel de Banques (APB). Depuis la
mise en vigueur de la première circulaire relative aux normes prudentielles, le 1er octobre
1996, d’autres circulaires se sont ajoutées d’année en année. L’encadré de la page
suivante présente la liste des circulaires en vigueur dans le cadre du Programme des
Normes Prudentielles, qui sont au nombre de onze actuellement. On y lit les différents
aspects couverts par ses normes. La Figure de la page 8 représente l’augmentation du
nombre de circulaires sur les normes prudentielles.
Le cadre de surveillance317
Au cours de l’année fiscale 1997-1998, est mis en vigueur un cadre de surveillance. Ce
cadre vise à permettre à la BRH d’améliorer le suivi du système bancaire et d’identifier
rapidement les problèmes de solvabilité des banques et les cas de violation de la
réglementation en vue d’apporter les correctifs nécessaires. Ce cadre prévoit deux modes
de surveillance : la surveillance sur pièces et l’inspection sur place.
Encadré
Contenu du Programme de Normes Prudentielles
Date de mise en vigueur
Intitulé
1ère version
Dernière version
er
Gestion du risque de change
1 oct. 1996
3 déc. 2001
er
Limites relatives à la propriété croisée du 1 avril 1997
15 déc. 1997
capital
Limites régissant la concentration du risque de 1er juin 1997
30 sept. 2000
316
Lorsque l’on écrit 1997-1998, il s’agit de l’année fiscale 1997-1998. En Haïti, l’année fiscale débute en
octobre pour prendre fin au mois de septembre de la prochaine année civile. Par exemple, l’année fiscale
1997-1998 débute en octobre 1997 et prend fin en septembre 1998.
317
Etienne (2001) reproduit l’intégralité du cadre de surveillance. Ce cadre peut aussi être lu sur le site web
de la BRH, www.brh.net.
275
crédit
Normes sur la classification des prêts, la
constitution des provisions pour créances
douteuses et la comptabilisation des intérêts
courus sur les prêts non productifs
Transmission d’états financiers à la BRH
Vérification des états financiers, la certification
des informations statutaires soumises à la BRH
et les relations entre la BRH et les vérificateurs
indépendants de banques
Normes minimales de contrôle interne
Surveillance consolidée des opérations des
banques
Normes en matière de suffisance des fonds
propres
Déclaration de provenance de fonds
Limites relatives au rapport entre les prêts en
devises et les passifs en devises
Source : Rapport annuel 2000 de la BRH ; Site
normes prudentielles actuellement en vigueur.
1er oct. 1997
1er janv. 1998
1er mai 1998
1er mai 1998
1er mai 1998
10 déc. 1998
1er août 2000
18 sept. 2000
1er janv. 2001
web www.brh.net où l’on retrouve les
La surveillance sur pièces consiste à faire une analyse financière des banques à partir des
états financiers et des formulaires de déclaration statutaires que ces dernières acheminent
régulièrement à la BRH, en vue de détecter rapidement les problèmes financiers. Cela
permet de prévenir des crises bancaires. La BRH, dans le cadre de la surveillance sur
pièces, calcul certains ratios financiers clés en vue de suivre l’évolution de la situation
financière des banques et du système bancaire dans son ensemble. Actuellement, la BRH
communique aux banques un document qui contient les états financiers et les ratios
financiers clés du système bancaire et ceux de chaque banque.
Quant à l’inspection sur place, elle permet, entre autres, de comprendre ou d’actualiser sa
connaissance des activités de l’établissement bancaire, de s’assurer de l’exactitude des
documents comptables et réglementaires transmis à la BRH dans le cadre de la
surveillance sur pièces. Suivant le cadre de surveillance, l’inspection sur place est
réalisée une fois l’an pour les trois plus grandes banques en terme d’actif. Les autres
banques sont inspectées tous les 18 mois. Toutefois, des visites trimestrielles sont
réalisées dans toutes les banques. Les banques en difficulté financière reçoivent plus de
visites que les autres. Il est de même pour une banque nouvellement constituée.
Suivant le nouveau cadre de surveillance, la méthodologie de la surveillance bancaire de
la BRH est aussi appuyée par l’utilisation de l’approche CAMEL318. Le cadre CAMEL
318
C’est un sigle anglais : Capital adequacy, Asset quality, Management soundness, Earnings and
profitability, Liquidity.
276
est un indice qui intègre cinq aspects d’une banque. Il s’agit du niveau des fonds propres,
de la qualité des actifs, de la qualité de la gestion, de la rentabilité et de la liquidité. Les
inspecteurs de l’institution de supervision attribuent une note comprise entre 1 (meilleur)
et 5 (pire) pour chacun de ces aspects. Puis, une note finale comprise entre 1 et 5,
intégrant les notes des cinq aspects du cadre CAMEL, est calculée. Une attention
particulière est accordée aux banques qui obtiennent une mauvaise note CAMEL (4 ou
5). Elles sont, dans ce cas, évaluées plus souvent que les autres.
Depuis quelques années, la BRH utilise l’approche CAMELCOM.
Le cadre
CAMELCOM fonctionne comme le précédent cadre. La différence existe en ce sens
qu’on y ajoute : le contrôle, l’organisation et le management. La note obtenue par chaque
banque est gardée secrète par la BRH.
277
Figure
Evolution du nombre de circulaires relatives aux normes prudentielles, en
vigueur en Haïti
2
9
1998-99
1
1997-98
8
Années
11
1999-00
5
3
1996-97
3
0
2
4
6
8
10
12
Nombre de circulaire s
Nouvelles Circulaires
•
Total des circulaires en vigueur
Les canaux de transmission du savoir-faire
Le savoir est considéré par la Banque Mondiale (Banque Mondiale, 1999) comme étant
une lumière qui peut se propager à travers le monde. Elle reconnaît aussi que la création
de savoir, étant coûteux, les pays industrialisés tendent à en bénéficier plus amplement
que les autres pays. Il est clair que de grandes disparités existent entre les pays du Nord
et les pays du Sud en ce qui à trait au savoir.
Pour remédier à ce problème, la Banque Mondiale, sans nier le rôle de l’Etat, insiste sur
l’aide que les institutions internationales peuvent apporter aux pays en développement
« en faisant naître des connaissances nouvelles, en transférant des savoir-faire adaptés
aux besoins de ces pays et en gérant l’information pour la rendre accessible et l’actualiser
en permanence. » (Banque Mondiale, 1999).
En matière de régulation prudentielle et de supervision bancaire, nous avons mentionné
les noms de certaines structures internationales (associations, organismes, institutions)
qui contribuent au développement et à la diffusion de nouveaux savoir-faire. Ces
structures ont influencé les pratiques bancaires dans beaucoup de pays, inclut Haïti. Ces
structures internationales constituent, en quelque sorte, un canal de transmission de
savoir-faire, dont la BRH tire profit.
En effet, l’établissement de plusieurs normes prudentielles et d’un cadre de surveillance
moderne par la banque centrale haïtienne n’est pas une création de cette dernière. Il
278
s’agit de pratiques internationales qui se sont développées à partir d’un processus
continuel de recherche, accompagné de partage d’expériences entre des superviseurs à
travers le monde. Ces changements apportés par la BRH sont le résultat d’un transfert de
savoir-faire facilité par la globalisation.
Parmi les facteurs ayant contribué au succès de la mise en œuvre de la réglementation
prudentielle, Etienne (2001) souligne: les recommandations de l’assistance technique de
la communauté internationale, particulièrement du Fonds Monétaire International ;
l’utilisation de la documentation du Comité de Bâle et de la Banque des Règlements
Internationaux (BRI). Nous notons aussi que l’une des plus récentes circulaires relatives
aux normes prudentielles (voir encadré à la page 7 ) requiert des banques aussi bien que
des agents de change et des maisons de transfert qu’ils obtiennent les déclarations de
provenance de fonds excédant 200,000.00 Gourdes ou l’équivalent en monnaie étrangère
(environ cinq mille dollars américain). Ceci est, en fait, une réponse favorable de la BRH
aux recommandations internationales sur le blanchiment d’argent.
Plusieurs indices laissent croire que l’établissement de normes prudentielles et d’un cadre
de surveillance bancaire en Haïti, est le résultat d’un transfert de savoir-faire. Ces indices
sont :
1) Les travaux devant aboutir à l’élaboration de normes prudentielles ont été initiés alors
que le pays bénéficiait de l’assistance technique du FMI ;
2) La BRH est membre de l’un des quatorze groupes régionaux avec lesquels travaille
l’Institut de Stabilité Financière;
3) Le cadre de surveillance établi par la BRH, comme le souligne cette dernière, est
élaboré suivant un principe du Comité de Bâle319 ;
4) Dans son rapport annuel 1998, la BRH présente un état d’application des principes
fondamentaux du Comité de Bâle par le système bancaire haïtien en vue de prouver
qu’elle suit les recommandations du Comité.
Nous comprenons à travers ces quatre indices que le transfert du savoir-faire en question
est réalisé par le biais d’organismes et d’institutions internationaux qui constituent des
expressions et des moteurs de la globalisation. En fait, Haïti est membre de plusieurs
structures internationales qui contribuent au développement et à la diffusion des
meilleures pratiques en matière de régulation prudentielle et de supervision bancaire.
Nous citons, par exemple, le Groupe d’Action Financière de la Caraïbe (GAFIC), le
Groupe des Superviseurs de Banques de la Caraïbe, l’Association des Superviseurs de
Banques des Amériques (ASBA), le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale,
319
Il s’agit du principe selon lequel tout organisme de contrôle bancaire doit établir des politiques à l’égard
de la portée et de la fréquence de ses travaux de surveillance, en plus d’élaborer des politiques et méthodes
qui permettent d’exécuter les travaux nécessaires de façon constante et en fonction d’objectifs clairement
définis. (voir cadre de surveillance sur le site web www.brh.net )
279
la Banque Interaméricaine de Développement. Bien qu’Haïti ne soit pas membre du
Comité de Bâle, ne faisant pas partie des pays du G-10, il reçoit régulièrement les
dernières informations de ce Comité à travers le Groupe régional de superviseurs de
banques de la caraïbe. Ce dernier est l’un des quatorze groupes régionaux de
superviseurs de banques qui travaillent avec l’Institut de Stabilité Financière créé en
1999, conjointement par la Banque des Règlements Internationaux (BRI) et le Comité de
Bâle.
Parmi les structures internationales qui ont facilité ce transfert de savoir-faire vers Haïti,
nous notons le FMI et la Banque Interaméricaine de Développement. Ces institutions
financent la réforme et accordent aussi une assistance technique à la BRH. Cette dernière
est surtout assurée par le FMI. En effet, un représentant de cette institution internationale
à collaboré avec la BRH en vue de l’établissement des normes prudentielles et du
nouveau cadre de surveillance. En général, l’un des aspects considérés par les missions
du FMI qui viennent en Haïti est la question de la stabilité du système financier. La
mission discute avec la BRH sur la supervision qu’elle réalise, considère les problèmes
des banques et les solutions adoptées par la BRH, et fait des recommandations. Nous
soulignons que les autorités gouvernementales actuelles sont arrivées à un accord avec le
FMI dont l’un des principaux objectifs est la préservation de la stabilité financière.
Même si les trois dernières institutions internationales susmentionnées accordent une
assistance technique et financière au renforcement de la régulation prudentielle et de la
supervision bancaire, l’influence des travaux du comité de Bâle sur la réforme entreprise
par la BRH demeure très importante. Car, les normes mises en vigueur par la BRH se
réfèrent aux principes du Comité de Bâle.
Ce transfert de savoir-faire, il faut le souligner est aussi favorisé par l’Internet qui est
aussi l’un des moteurs de la globalisation. Par exemple, l’Institut de Stabilité Financière
a établi un programme d’information qui fournit aux superviseurs des informations sur
les derniers développements de la supervision à partir de plusieurs publications. Ces
publications sont particulièrement accessibles sur le site web de la BRI320.
Même lorsqu’un pays n’arrive pas à créer certains savoir-faire, il peut les acquérir à
l’étranger, notamment par l’apprentissage. En ce sens, le transfert de savoir-faire, vers
Haïti, des pratiques en matière de régulation prudentielle et de supervision bancaire a
aussi utilisé ce canal qu’est la formation de capital humain à l’étranger. En effet, le
personnel de la Direction de la Supervision continue à se former en participant à des
rencontres internationales telles que des séminaires et des colloques sur la supervision
bancaire.
320
www.bis.org
280
4- Conclusion
Au niveau international, on accorde de plus en plus d’importance à l’amélioration et au
renforcement de la régulation prudentielle et de la supervision bancaire. Cela est dû aux
crises financières enregistrées depuis celle de la Banque Herstatt. C’est ce qui explique
que des organismes et institutions internationaux multiplient leurs activités de recherche
et de partage d’expériences sur la question. Le plus important de ces organismes, par
rapport à l’influence de ses travaux, le Comité de Bâle sur le Contrôle Bancaire (BCBC),
mise beaucoup sur la recherche de consensus entre les pays membres, sans exclure la
participation des autres pays, en vue d’aboutir à la convergence des pratiques de la
régulation prudentielle et de la supervision bancaire.
En Haïti, la banque centrale a entrepris une réforme de la régulation prudentielle et de la
supervision bancaire à partir de la seconde moitié des années 1990. Cette réforme est le
résultat d’un transfert de savoir-faire dont le principal canal est l’ensemble des structures
internationales qui sont intéressées par la question. La BRH est d’ailleurs membre de la
plupart de ces structures, notamment le FMI et la Banque Interaméricaine de
Développement qui ont fourni une assistance technique et financière à la réalisation de
cette réforme. Bien qu’Haïti ne soit pas membre du Comité de Bâle sur le Contrôle
Bancaire (CBCB), l’influence de ce dernier sur la réforme de la régulation prudentielle du
système bancaire haïtien est très importante. Ce transfert de savoir-faire est aussi réalisé
par la formation de capital humain à l’étranger et par l’Internet où des documents sur la
question sont disponibles.
De la seconde moitié des années 1990 à 2004, cela fait près d’une décennie depuis que la
BRH s’applique à renforcer et à améliorer la régulation prudentielle et la supervision
bancaire en Haïti. Elle a certainement enrichi ses expériences. Ce qui lui permet, en plus
de bénéficier du transfert de savoir-faire, de participer au développement des meilleures
pratiques en matière de régulation prudentielle et de supervision bancaire. Cette
contribution d’Haïti se réalise, par exemple, par le partage d’expériences lors des
conférences annuelles du Groupe des Superviseurs de Banques de la Caraïbe.
Alors que l’implémentation de normes prudentielles et de pratiques de supervision
bancaire moderne dans le système bancaire haïtien aborde la décennie, il serait
souhaitable de tester l’impact de cette réforme sur la stabilité du système bancaire haïtien.
281
BIBLIOGRAPHIE
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Pétion-Ville.
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1998-1999, Banque Mondiale, Washington, D.C.
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explanatory note, BIS.
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282
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283
OUVERTURE, MIGRATION, ET INEGALITES DE REVENUS
DANS LA CARAÏBE
Juliette Cordette321
RESUME
La mondialisation dans la Caraïbe est aussi ancienne que l’économie de plantation, et elle
générait déjà depuis la période esclavagiste de nombreux déplacements de populations. Pendant
toute la période, jusqu’en 1980, une dynamique se met en place afin de contenir les crises
conjoncturelles qui génèrent un chômage important. Avec la relance de la mondialisation, l’Etat
perd un certain nombre de ses prérogatives, et joue plus difficilement son rôle moteur dans le
développement industriel. La crise économique qui sévit plus durement dans certains pays de la
région (République Dominicaine, Jamaïque, Haïti…), se double d’une crise sociale et même
politique, entraînant des mouvements sociaux importants.
Le secteur moderne ne peut absorber le surplus de travail, et les salaires offerts par les entreprises
produisant pour l’exportation sont très faibles. La combinaison de ces deux phénomènes incite les
travailleurs des pays les plus pauvres à migrer vers les pays riches,
On observe alors deux types de déplacement de populations :
•
•
Un déplacement intra région, des zones rurales vers les zones urbaines ;
Un déplacement inter régions, des pays les plus pauvres vers les plus avancés.
On constate que la proximité décide aussi du choix de l’installation (des zones urbaines des pays
en développement voisins en grandes difficultés économique, vers les DFA . Dominique vers la
Guadeloupe, Sainte-Lucie vers la Martinique).
Cette brève chronologie, montre que l’on est passé à une migration de peuplement pour mettre en
place l’économie de plantation à une migration économique. Cette seconde migration est
321
Laboratoire d’Economie Appliquée au Développement (LEAD), Université des Antilles et de la Guyane, Campus
de Fouillole, Guadeloupe, e-mail : [email protected]
284
caractérisée par la recherche de salaires plus élevés et de meilleures conditions sociales
d’existence.
Plusieurs modèles théoriques ont fourni des éléments d’explication des deux premiers types de
flux. On constate également que de nombreux travaux se sont intéressés aux flux migratoires à
l’intérieur des pays mais également entre les pays développés et les pays en développement. Dans
le prolongement, il s’agit pour nous d’étudier les mouvements migratoires consécutifs à la relance
de la mondialisation et de les lier non seulement aux inégalités de revenus entre pays riches et
pays pauvres, mais également entre les pays en développement de la zone.
MONDIALISATION, MIGRATION ET INEGALITES DE REVENUS
DANS LE BASSIN CARAÏBEEN
Le problème des migrations internationales est au centre des réflexions menées de nos
jours, car chaque année ce sont des millions d’hommes et de femmes qui laissent leur
foyer pour trouver des salaires plus élevés leur assurant des conditions de vie meilleures.
Le problème semble être assez important pour qu'il soit abordé lors de plusieurs
conférences internationales, notamment au sommet mondial pour le développement
social de Copenhague (1995), et celle contre le racisme, la discrimination raciale, la
xénophobie et l'intolérance de Durban (2001). Pour continuer la réflexion menée à la
conférence internationale sur la population et le développement, un colloque sur les
migrations et le développement s’est tenu à la Hayes en 1998. Il a été suivi de plusieurs
réunions des commissions économiques et sociales des Nations-Unis, pour l’Amérique
Latine, l’Asie et l’Afrique. Toutes les réflexions qui ont été menées laissent penser, qu’il
existe a priori un lien étroit entre les phénomènes migratoires, la situation économique et
le marché du travail des pays d’accueil et des pays d’origine. De même, ces déplacements
de populations ont à la fois des conséquences sur leur évolution économique et sur
l'équilibre de leur marché du travail. Dans le pays d’accueil, les immigrants étant en
partie des travailleurs en quête d’emploi, on enregistre une augmentation de l’offre le
marché du travail. Mais ils sont aussi des consommateurs, ce qui accroît la demande de
biens et services, incitant les producteurs à embaucher, afin de répondre à cette demande
supplémentaire. L’immigration affecte non seulement le volume d’offre de travail mais
aussi sa structure, car les travailleurs employés sont en majorité des non qualifiés.
Globalement, le volume de richesse créé sur le sol national augmente, mais sa répartition
entre les différents détenteurs de facteurs de production est désormais modifiée.
285
Si le marché du travail du pays d’accueil est en excédent de demande, l’immigration peut
être un facteur de croissance économique ; dans le cas contraire elle affecte de manière
négative le marché du travail en aggravant le chômage.
Les pays industrialisés ont été successivement dans ces deux cas de figure. Pendant la
période qui a suivi la seconde guerre mondiale, et qui a vu s’internationaliser les
échanges, les marchés sont en situation d’excédent. Parallèlement, les pays en
développement rencontrent des difficultés économiques, les travailleurs migrent vers les
pays industrialisés et contribuent à leur croissance économique. Après les grandes crises
de la décennie 70, la situation économique des pays industrialisés se détériore au niveau
international, entraînant une dégradation du marché du travail. Les pays en
développement, sauf les pays producteurs de pétrole, ne sont pas épargnés, accélérant le
phénomène de migration vers les grands marchés. La migration des pays pauvres vers les
pays riches est accusée d’aggraver le chômage dans les pays riches. Elle provoque
également une baisse des revenus pour la main-d'oeuvre nationale, car les travailleurs
étrangers acceptent des salaires inférieurs à ce qui se pratique dans le pays d'accueil.
Au début des années 80, la mondialisation et la signature de nombreux accords de libreéchange, a suscité l’espoir d’une plus grande circulation des marchandises, des capitaux
mais également des hommes. Si c’est vrai pour les marchandises et les capitaux, il l’est
moins pour les travailleurs. Un pourcentage non négligeable de l’immigration est illégal,
et les travailleurs clandestins ne sont jamais autant poursuivis qu’au début de ce troisième
millénaire. Il revient à la communauté internationale de mettre en place une bonne
gestion de ces migrations internationales afin qu’elles permettent une amélioration du
développement et de la croissance par une bonne exploitation des marchés du travail.
En réalité, la question de l’impact des mouvements migratoires sur le marché du travail et
celle de la répartition des revenus ne sont pas aussi simples, et il est relativement difficile
de porter des conclusions définitives à cette question. Cependant, il existe des modèles
théoriques analysant le lien entre les mouvements migratoires et la régulation du marché
du travail. Certains concluent à un impact positif sur l’emploi et sur le bien-être social.
D’autres au contraire, concluent sur une note plus négative ; l’immigration par la
concurrence qu’elle créé entre travailleurs nationaux et immigrants tire les revenus vers le
bas dans les pays industrialisés, et bloque la croissance dans les pays en développement.
Les migrations des travailleurs des pays en développement vers les pays industrialisés,
qui a commencé depuis les années 60, se poursuivent encore aujourd’hui. Elles ont même
augmenté au cours des dernières décennies, mais elles ne représentent en 1998 que 4,2 %
286
de la main-d’œuvre totale de ces pays. Nous notons par ailleurs une augmentation des
migrations entre pays en voie de développement.
Dans le bassin caraïbéen, la tendance est la même. On observe ainsi trois types de
déplacement de populations :
Un déplacement vers les grands marchés (USA, le Canada, l’Europe) ;
Un déplacement à l’intérieur des pays, des zones rurales vers les zones urbaines ;
Un déplacement des pays en voie de développement les plus pauvres vers les plus
avancés.
Nous pouvons constater que chaque type de déplacement de population est lié à une
stratégie des pays riches et des firmes multinationales, qui elle-même est liée à une
tendance de l’économie mondiale. Notre objectif ici est d’établir le lien dans le bassin
caraïbéen entre les différentes tendances de l’économie mondiale, les phénomènes
migratoires et les inégalités de revenus qui en découlent.
Pour cela, notre première partie fera un survol de la littérature économique faisant le lien
entre les mouvements migratoires et la période post-coloniale. Une justification est
donnée par des travaux théoriques sur les causes des migrations de travail entre pays
développés et pays en développement, et à l’intérieur des pays en développement. Une
seconde partie se penchera sur les mouvements migratoires consécutifs à la relance du
processus de mondialisation. Elle établira le lien entre ces mouvements migratoires et les
inégalités de revenus. Enfin une troisième partie traitera des perspectives des
mouvements de population de la région.
I – Comprendre les mouvements migratoires dans la Caraïbe
La mondialisation dans la Caraïbe est aussi ancienne que l’économie de plantation, et elle
générait depuis la période coloniale de nombreux déplacements de populations, suscités
par la création de zones d’activités plus intense dans la région (Construction du canal de
Panama, la récolte à Cuba…) et une forte demande de travail dans les pays industrialisés.
Cette émigration qui avait commencé dès les années 60, s’est accélérée dans la décennie
suivante car les crises affectent le commerce des produits primaires sur les marchés
internationaux, ce qui a pour conséquence une diminution de la production agricole
d’exportation dans la région.
Afin de contenir les crises conjoncturelles qui génèrent un chômage important, et qui
poussent les travailleurs à chercher ailleurs des conditions sociales d’existence
287
meilleures, l’Etat s’implique à travers une double stratégie de substitution des
importations et de promotion des exportations. L’objectif est toujours de créer des
emplois pour endiguer le chômage et améliorer les revenus.
Avec la relance de la mondialisation, l’Etat perd un certain nombre de ses prérogatives, et
joue plus difficilement son rôle moteur dans le développement industriel. De même, les
nombreuses politiques d’ajustement structurels, quasiment imposées par le FMI, ont mis
en évidence le caractère artificiel de la compétitivité de nombreuses entreprises au niveau
international. La crise économique qui sévit plus durement dans certains pays de la région
(République Dominicaine, Jamaïque, Haïti…), se double d’une crise sociale et même
politique, qui est le résultat d’une réduction des dépenses sociales, entraînant des
mouvements sociaux importants.
Plusieurs modèles théoriques ont fourni des éléments d’explication des mouvements
migratoires internes. Le premier (de type dualiste) est celui de A. Lewis (1954). Il fournit
dans son modèle des éléments explicatifs du développement par le transfert de l'excédent
de travailleurs du secteur traditionnel qui intègre l'agriculture de subsistance dans les
campagnes vers le secteur capitaliste moderne qui abrite les unités industrielles dans les
villes. Les années 60 marquent un tournant : les pays enregistrent une émigration rurale
massive en dépit d’un chômage croissant dans les zones urbaines. Ce constat remet en
cause la validité du modèle de Lewis qui s’attachait principalement à expliquer le
développement économique par une migration intersectoriel. Le paradoxe sera levé par
M. Todaro (1969), [Harris et Todaro (1970)] dans un modèle (de type probabiliste). Ils
mettent en évidence la présence d'un secteur d'attente, permettant aux chômeurs d'avoir
une plus grande probabilité de trouver un travail dans le secteur moderne urbain tout en
percevant un salaire, même si celui-ci est au-dessous de celui du secteur de subsistance.
Dans la lignée des travaux théoriques de J. Harris et M. Todaro (1970), se sont
développés un certain nombre de travaux, N. Chau (1995), Ph. Antoine (1995), W.
Carrington, E. Detragiache (1996), qui tentent d’expliquer la persistance des mouvements
migratoires des zones rurales vers les villes, malgré les forts taux de chômage enregistrés
dans les zones urbaines. Pour cela, ils introduisent la notion de réseau migratoire.
Avant les années 60, les phénomènes migratoires entre pays sont enregistrés de manière
marginale. Mais, l'économie de plantation reste pendant très longtemps un moteur de
l'émigration dans la Caraïbe. Nous pouvons prendre comme exemple l'émigration
haïtienne et dominicaine respectivement vers la République Dominicaine et la
Guadeloupe sans oublier la forte migration indienne qui remplace les anciens esclaves.
288
Dans les décennies 80 et 90, les phénomènes migratoires prennent une autre dimension.
Les travailleurs du secteur traditionnel des pays les plus pauvres (République
Dominicaine, Haïti, Sainte-Lucie, Dominique….), émigrent dans différents pays de la
région, à la recherche de revenus plus élevés à la fois que ceux perçus dans le secteur
traditionnel et dans la zone urbaine de leur pays d’origine. L’économie géographique
fournit également quelques éléments justificatifs de ces déplacements de population.
1. L’approche néoclassique
Pour ces économistes, les travailleurs migrent parce qu’ils sont pauvres chez eux, et
qu’ils préfèrent de loin être pauvres dans un pays développé. Le salaire d’équilibre est
faible dans les pays bien pourvus en travail, tandis que ceux qui sont fortement dotés en
capital ont un salaire plus élevé. Les déplacements des travailleurs sont donc motivés par
le différentiel de salaire. Les mouvements migratoires résultent des différences
géographiques entre l’offre et la demande de travail. Mais si on s’arrête sur les
mouvements de travailleurs à l’intérieur du pays, on constate qu’ils se sont produits dans
les pays en développement comme dans les pays industrialisés, des campagnes vers les
villes. Ils correspondent à une recherche d’allocation efficiente de la force de travail entre
le secteur rural, davantage tourné vers l’agriculture d’exportation et le secteur urbain, qui
se développe. C'est la thèse que développent Harris et Todaro (1970) à la lumière de
celle développée par Lewis en 1954.
Cependant, il est difficile de comprendre d’emblée le sens de cette migration. En effet, au
plus fort de son développement, le commerce Nord-Sud favorise surtout l’exportation des
produits agricoles du Sud vers le Nord. Les productions qui se développent dans les
campagnes, assurent aux pays de la région de fortes recettes d'exportation, et n’expliquent
pas à priori ces mouvements de population.
1.1 Le modèle dualiste de Lewis
Pour fournir une explication, Lewis a développé un modèle dualiste qui met en évidence
dans les pays sous-développés, l’existence de deux secteurs : un secteur traditionnel de
subsistance avec un excédent structurel de main-d'œuvre et un secteur moderne
capitaliste abritant aussi bien les plantations que les unités industrielles dans les villes.
L'excédent de main-d'œuvre dégagé par le secteur traditionnel est le fruit de la destruction
progressive de l'économie de subsistance au profit de l'agriculture d'exportation fabriquée
par le capitalisme. Ce modèle dualiste fait état de la nécessité pour les pays sousdéveloppés de poursuivre leur processus de développement en réalisant un transfert de
main-d’œuvre des zones rurales où se développent le secteur traditionnel à faible
289
productivité de travail vers les zones urbaines qui abritent un secteur moderne à
productivité plus forte. Ainsi, ces déplacements de population permettent une
augmentation du produit national, et des profits à travers l'utilisation du surplus de maind'œuvre. Le réinvestissement des profits dans le secteur moderne, à travers la
mobilisation de l’épargne permet l’accumulation. Dès que la totalité de l'excédent de
main-d'œuvre est absorbée, l'offre devient inélastique au salaire courant, le dualisme a
disparu, et l'économie est développée. Ce célèbre modèle, d’un très grand optimisme, où
il n’existe pas de chômage urbain, est considéré dans le courant institutionnaliste comme
un modèle de première génération.
Ce modèle n’a qu’une valeur scientifique relative car il n’explique pas pourquoi le même
mouvement n’est pas observé dans tous les pays pauvres, ayant un niveau de revenu
équivalent. De même, dans les années 60, l’urbanisation observée dans les pays de la
région, s’accompagnant d’une augmentation du chômage dans les zones urbaines, révèle
la difficulté du secteur moderne à absorber le surplus de main-d’œuvre du secteur
traditionnel. Là encore le modèle n’explique pas pourquoi, malgré le chômage croissant,
les travailleurs continuent à migrer vers les zones urbaines.
Ce constat empirique de migrations croissantes en dépit d’un chômage urbain croissant,
remet en cause la crédibilité du modèle de Lewis (1954). Le développement apparaît en
sorte comme une cause du chômage.
1.2 Les modèles probabilistes
Pour comprendre ce paradoxe, une seconde génération de modèles allait suivre auxquels
sont attachés les noms de Todaro (1969), Harris et Todaro (1970), mais aussi ceux de
Haberger (1971)322 , Tidrick (1975)323 et Mincer (1976)324, dont l’objectif majeur sera de
concilier migration et chômage. Pour cela, ces modèles remettent en cause l’existence du
plein-emploi, et dépasse le simple raisonnement, qui voudrait que les travailleurs du
secteur traditionnel soient simplement attirés par le secteur urbain, comme s’il existait un
magnétisme urbain dont la cause ne serait pas encore déterminée.
Ces modèles possèdent des caractéristiques fondamentales suivantes :
• une économie dualiste, composée d’un secteur urbain moderne protégé et un secteur
agricole traditionnel livré à la concurrence internationale ;
• un double régime de rémunération s’expliquant par l’existence :
322
HABERGER A. C., “ On Measuring the Social Opportunity Cost of Labor ”, Revue Internationale du
travail,
juin 1971
323
TIDRICK G.M., “ Wage Spill over and Unemployment in a Wage-Gap Economy : The Jamaïca Case ”,
Economic Development and Cultural Change, Vol. 23, n° 2, janvier 1975.
324
MINCER J., “Unemployment Effects of Minimum Wage Changes ”, Journal of Political Economy, août
1976.
290
- d’un salaire imposé, qui est supérieur au niveau d’équilibre du marché dans le secteur
moderne ;
- d’un salaire correspondant à la productivité marginale du travail dans le secteur
traditionnel ;
• des mouvements migratoires dus aux écarts entre les rémunérations escomptées ;
• un chômage urbain persistant.
La construction du nouveau modèle de Harris-Todaro (1970), (le plus célèbre de la
deuxième génération) a nécessité l’introduction de l’hypothèse de rigidité des salaires
dans le secteur moderne, tandis que le différentiel de salaire attendu entre les deux
secteurs serait un élément explicatif de la migration.
Dans ce secteur les industries sont en majorité des industries de substitution, de ce fait
protégées par les pouvoirs publics. Le modèle s’articule désormais autours de deux
secteurs : un secteur traditionnel concurrentiel et un secteur moderne de concurrence
imparfaite. Si le salaire urbain est fixé au-dessus du salaire rural de plein-emploi, créant
ainsi un différentiel positif de revenu, les mouvements migratoires s’accélèrent et créent
du chômage dans les zones urbaines.
Dès lors, la résorption du chômage urbain passe par la mise en place d’une nouvelle
mesure de politique économique. Todaro préconise la subvention de l’emploi urbain,
mais il est très rapidement démontré que cette mesure n’est efficace que si les pouvoirs
publics peuvent contrôler l’exode rural (Paradoxe de Todaro). Dans le cas contraire,
l’augmentation de l’emploi obtenu par cette mesure entraîne de facto une accélération de
l’exode due à l’illusion de croissance.
Bien qu’il enrichisse l’analyse théorique dans ce domaine, le modèle Harris-Todaro, est
incapable de fournir des solutions de long terme aux mouvements migratoires et au
chômage qui en résulte.
Ce type de modèles, dit de deuxième génération, a certainement constitué un progrès
important par rapport à ceux de la première génération. Cependant, il comporte une
lacune importante : sur le marché de travail des pays en développement, outre les
travailleurs du secteur moderne et les chômeurs, il existe une troisième catégorie de
personnes dont l’emploi n’a pas les mêmes caractéristiques que ceux qu’on trouve dans le
secteur moderne. On met en évidence pour la première fois l’existence d’un secteur de
transition qui deviendra en 1972 dans le rapport Kenya du BIT le “ secteur informel ”.
Ainsi, malgré cette lacune, ce type de modèle va servir de noyau pour les travaux qui
vont suivre. Une fois que l’existence d’un secteur informel est reconnue en zone urbaine,
un grand effort de conceptualisation et de modélisation est réalisé. Parmi ces travaux,
celui de Fields (1975)325 nous semble intéressant, d’autant que ses réflexions vont
l’emmener à une quatrième génération de modèles. Il lève dans le modèle originel des
hypothèses qui lui paraissent trop restrictives. Il constate par exemple que la maind’œuvre rurale qui émigre vers les zones urbaines n’a pas vraiment la chance d’être
325
FIELDS G. (1975), “ Rural-urban migration, urban unemployment and underemployment and job search
activity
in LDC’s, Journal of Development Economics, Vol. 2, pp. 165-187.
291
employée. Dans son approche, il considère que ce n’est pas une situation figée, que les
travailleurs qui arrivent dans la zone urbaine subissent simplement une période d’attente
nécessaire à la recherche d'un emploi. Cette période transitoire ne peut subsister dans le
temps que si les travailleurs ont des moyens de subsistance nécessaires. Dans le cas
contraire, l’accélération de l’exode rural, qui se fait parallèlement à l’augmentation du
chômage urbain, met en évidence l’existence d’un secteur de transition.
Dès lors, nous assistons à la construction d’un nouveau modèle à trois secteurs : un
secteur traditionnel, un secteur moderne et un secteur informel servant de tampon entre
les deux premiers. L'analyse de ce troisième secteur, réalisée par Fields révèle les
caractéristiques suivantes :
• facilité d’accès aux activités informelles;
• des possibilités réelles de rechercher un autre emploi en secteur formel ;
• probabilité intermédiaire de succès dans la recherche d’un emploi : les travailleurs du
secteur informel ont plus de chance de trouver un emploi dans le secteur formel urbain
que le travailleur du secteur traditionnel qui arrivent, mais moins que les chômeurs
urbains qui ont tout leur temps pour pratiquer cette recherche ;
• les rémunérations du secteur informel sont inférieures aux rémunérations du secteur
agricole.
• l’emploi dans ce secteur fait la transition entre l’emploi rural et l’emploi urbain. Il
permet à celui qui y travaille d’attendre la création de nouveaux emplois dans le
secteur moderne où les revenus sont plus élevés et moins précaires.
• il permet le développement de l'esprit entrepreneurial : certains travailleurs de ce
secteur sont souvent à l'origine de créations de petites entreprises artisanales,
susceptibles de devenir plus tard des entreprises de substitution des importations dans
le secteur moderne.
Ainsi, nous voyons que les modèles « probabilistes », fournissent un cadre analytique
simple, permettant de comprendre les processus décisionnels conduisant un travailleur à
migrer vers les zones urbaines dans les pays en développement. Cependant, ils ne
prennent pas en compte des mécanismes comme le risque qui, selon Todaro ne remet pas
en cause la rationalité du comportement migratoire en situation de chômage urbain. Mais,
il n’en ait pas moins conscient, de l’existence de réseaux de transferts : « Si le migrant
anticipe une probabilité relativement faible de trouver un emploi régulier à la période
initiale, mais s’attend à voir augmenter cette probabilité au cours du temps, puisqu’il peut
élargir ses contacts urbains, il sera toujours rationnel pour lui de migrer même si le
revenu urbain anticipé pour la période initiale est inférieur au revenu rural attendu »
Todaro (1976).
292
Les modèles probabilistes ont donc ébauché des pistes de réflexions sur les phénomènes
de réseaux de connaissances en milieu rural et urbain, et leur prise en compte dans les
modèles économiques récents de migration.
2. La nouvelle économie des migrations
Bien que les modèles probabilistes ont ouvert d’autres pistes de réflexion sur
l’explication de mouvements migratoires, le marché du travail reste un facteur
déterminant de la migration dans les pays en voie de développement.
Le courant de la « Nouvelle Economie de la Migration de Travail » qui s’appuie sur les
analyses de O. Stark et D. Bloom (1985) et de O. Stark et D. Levhari (1982), réalisent
une avancé dans l’analyse des flux migratoires : l’économie de la migration intégrerait
désormais les interactions sociales. De nouveaux liens sont identifiés entre la migration et
des phénomènes qui seraient tout à fait à l’extérieur du marché du travail.
Ce nouveau courant considère que les mouvements migratoires naissent de décisions
prises au sein de groupes d’individus, dans des situations d’incertitude et d’imperfection
des marchés. Il s’agit d’agir collectivement pour maximiser leur revenu, et minimiser les
risques.
L’analyse des flux migratoires entre les pays de la Caraïbe et les grands marchés qui se
situent à proximité (USA, Europe (DFA), Canada…) semble trouver son explication dans
ce type de raisonnement. Les travailleurs migrent vers les grands marchés, considérés
désormais comme le lieu de création de richesses et donc de revenus substantiels, en
faisant des comparaisons de revenu au sein de leur groupe de référence, qui sont souvent
à l’origine de sentiment de privation relative. La migration naît alors de ce sentiment, et
elle est d’autant plus forte que les inégalités de revenus sont profondes. Le niveau de
qualification des travailleurs dans le groupe de référence est aussi un facteur explicatif.
Les travailleurs les moins qualifiés sont ceux qui subissent les plus faibles revenus. Les
décisions de migrations se prennent souvent entre les migrants et les non migrants, selon
un accord inter-temporel qui prend la forme matérielle de transferts (O. Stark et R. Lucas
[1988]). On dénote ainsi une flexibilité de la famille et l’existence d’une stratégie
migratoire.
3. L’approche par « l’économie monde »
Cette approche s’inspire de l’analyse marxiste, et situe les mouvements migratoires dans
des évolutions globales de long terme. Il ne s’agit plus de choix individuel dans une
logique de maximisation de profit à court terme. Selon M. Castells (1989) 326 ce sont des
facteurs socio-historiques importants qui sont à l’origine de mouvements migratoires.
326
CASTELLS M. (1989), The informational city: information, technology, economic restructuring and the
urban-regional process, Oxford, Basil Blackwell.
293
Les rapports de production capitalistes, en pénétrant les pays en voie de développement
qui ne sont pas capitalistes, ont crée des populations extrêmement mobiles, disposées à
émigrer.
La colonisation a entraîné de profondes modifications dans les sociétés caribéennes. Les
facteurs de production (terre, matières premières et travail) deviennent des marchandises.
On assiste à une substitution de l’agriculture marchande à l’agriculture de subsistance,
bien que les deux restent très liées. La conséquence est une salarisation croissante du
nombre des paysans la production agricole d’exportation et dans la production minière.
Dès lors les relations économiques et sociales traditionnelles disparaissent au profit de
nouveaux rapports de production capitaliste favorisant des mouvements de populations
vers les pays colonisateurs. On peut donc conclure que la déstructuration des sociétés
traditionnelles caribéennes est à l’origine de la première vague d’immigration que va
connaître la région. Mais aujourd’hui encore les mouvements migratoires que nous
enregistrons vers les anciennes métropoles trouvent leur justification dans cette théorie.
Le développement des échanges en suscitant la mise en place de moyens de transport a
tissé des liens matériels entre les métropoles et les anciennes colonies. De même, la
mondialisation a permis aux pays économiquement dominants d’imposer leurs modèles
sociaux et culturels. En conséquence, les mouvements de populations vers les grandes
villes où sont concentrés les capitaux continuent d’être importants encore de nos jours.
Les migrations internationales semblent trouver ici une autre justification que celle des
écarts de salaires. La capacité de pénétration des marchés par les firmes multinationales,
ainsi que la structure de l’économie globale jouent désormais aussi un grand rôle dans les
flux migratoires. Alors que la mondialisation des échanges s’accélère et que les pays en
développement subissent les politiques libérales d’ajustement structurel qui détruisent les
protections traditionnelles, paradoxalement un effort considérable est déployé dans les
pays riches pour obtenir des migrants le retour dans leur pays. Cette tentative semble être
vouée à l’échec, dans la mesure où les salaires qui sont distribués dans les PED sont de
plus en plus faibles, ce qui creuse les inégalités entre ce qu’ils peuvent percevoir dans les
pays riches et qu’ils percevront au retour dans leur pays.
4. Les mouvements migratoires dans l'économie mondialisée
Dans le discours, la mondialisation devait permettre une plus grande circulation des
facteurs de production. Une étude réalisée par Simmons (1997) montre qu’après la
signature d’un accord de libre-échange entre un pays pauvre et un pays riche, les
migrations entre les deux pays ont tendance à se développer. Aujourd’hui, on devait donc
observer une plus grande migration entre les pays, en particulier ceux qui ont constitué
une zone de libre échange.
Dans la réalité concrète, si c’est vrai pour le capital et les matières premières, c’est moins
vrai pour le travail. La migration des travailleurs non qualifiés des pays pauvres vers les
pays riches, est contenue aujourd’hui par des législations beaucoup plus sévères dans les
pays industrialisés.
Après la constitution de l’Union Européenne, nous avons enregistré une augmentation
des mesures de refoulement des travailleurs étrangers, qu'ils soient africains ou européens
294
non intégré à l'Union Européenne, c'est le cas des travailleurs turcs. Plus grave encore, la
mise en place de l’ALENA n’empêche pas les USA de contrôler de manière drastique
aux frontières les travailleurs mexicains et canadiens qui appartiennent pourtant à ce bloc.
La mondialisation qui a également pris la forme de délocalisation des firmes dans les
pays en voie de développement, est présentée comme une possibilité de relocalisation
dans les pays en développement d’un certain nombre d’emplois non qualifiés, pouvant
diminuer la pression migratoire dans les pays riches.
Finalement, les grands perdants des nouvelles mesures prises en matières de migrations
internationales sont les travailleurs les plus pauvres dans les pays en développement,
n'ayant aucun lien dans les pays riches. Les travailleurs qualifiés et ceux qui disposent de
capitaux subissent des contrôles beaucoup plus souples. Ceux qui ont des attaches dans le
pays récepteurs ne sont plus seuls, ils appartiennent à un réseau dans lequel ils doivent
prendre en considération l’impact de leurs décisions sur les membres de leur famille (les
non migrants) dans la gestion des risques, ainsi que la capacité du groupe des anciens
migrants à les intégrer dans l’économie du pays récepteur. Les anciens migrants
deviennent donc une source d’informations pour les candidats à la migration, ce qui
réduit les coûts, les risques et l’incertitude liée à l’émigration comme le précise les
travaux de D. Massey (1987). Ce sont ces réseaux de migrants qui sont à l’origine de la
constitution de communauté dans les grandes villes européennes ou américaines. Nous
pouvons prendre comme exemple la communauté haïtienne à Miami, ou encore la
communauté antillo-guyanaise à Paris, les ressortissants de la Caraïbe anglophone à
Londres. Les mouvements migratoires deviennent des processus autoentretenus, dans
lequel on enregistre une augmentation du taux d’émigration légal et illégal, et la
consolidation des réseaux.
Au début de ce troisième millénaire, se dessine une situation très paradoxale : le
processus de mondialisation qui devrait aboutir à une globalisation, matérialisée par une
plus grande circulation des hommes, des capitaux et des marchandises, génèrent des
mesures restrictives à la circulation des travailleurs. Dès lors, les déplacements de
populations se font de plus en plus dans la clandestinité, alimentant le secteur informel en
travailleurs qui ne peuvent s'établir dans le secteur formel. Nous assistons alors à une
quasi institutionnalisation du secteur informel, transféré dans le pays récepteur, et où les
revenus sont plus élevés que dans les zones urbaines des pays d’origine. Il n’est donc plus
considéré par les migrants, comme un secteur d'attente, où l'on transite rapidement avant
d'obtenir une autorisation et être embauché dans le secteur formel. Le secteur informel
dans les pays riches devient un "justifiant" des phénomènes migratoires entre eux et les
pays en développement, source de revenus substantiels transférés en partie aux non-
295
migrants. Ainsi, la consolidation des réseaux et le développement du secteur informel
dans les pays riches a un double effet. D'une part, ils mettent en place dans les pays riches
les conditions d'exploitation des travailleurs émigrés par les entreprises nationales qui
subissent une concurrence internationale de plus en plus forte, liée à l’accélération du
processus de mondialisation. Le secteur informel devient source de rentabilité, où les
salaires supérieurs à ceux qui sont payés dans les pays en voie de développement, tout en
restant plus faibles que ceux perçus par les travailleurs nationaux dans le secteur formel
des pays riches.
D'autre part, il permet la constitution de nouvelles ressources issues du différentiel de
salaire perçu par les émigrés du secteur informel des pays riches, et qui seront envoyées
dans leur pays d'origine. Mais dans les deux cas, le secteur informel dans les pays riches
peut être perçu comme une source d’accroissement des inégalités de revenus entre les
pays riches et les pays pauvres.
En conséquence, il favorise de nouvelles vagues d’immigration de travailleurs, là où se
sont déjà constitué des réseaux capables de porter l’assistance nécessaire à l'intégration de
nouveaux migrants dans le secteur informel. Celui-ci est amené à se renforcer dans les
pays industrialisés, et devenir un élément déterminant dans les mouvements migratoires à
venir.
La mondialisation accroît la concurrence entre les firmes multinationales. Pour y faire
face elles adoptent différentes stratégies afin de réduire leurs coûts de production et de
différencier leur offre. La stratégie de délocalisation a permis dans un premier temps la
réduction des coûts, mais aujourd’hui les firmes choisissent d’innover pour faire face à la
concurrence. Elles se spécialisent dans de nouvelles tâches intensives en travail qualifié,
comme par exemple la conception des produits ou encore le marketing. Ces produits se
réalisent dans les pays industrialisés et nécessite du travail qualifié, insuffisant dans
l'économie à cause d'une pénurie de travailleurs pour les industries de pointe. Les firmes
se tournent vers les travailleurs qualifiés des pays en développement, qui sont victimes du
chômage ou d'une sous rémunération et qui sont disposés à émigrer.
Cette nouvelle stratégie aura deux conséquences sur les mouvements migratoires:
Premièrement, l’augmentation de la demande de travail qualifié dans les pays
industrialisés accélère la fuite des cerveaux des pays en développement vers les grands
marchés. Ce qui explique l’exode des travailleurs qualifiés caribéens vers les USA, le
Canada et l’Europe.
Deuxièmement, la réduction de la demande de travail provoque un nouveau déplacement
à l’intérieur des espaces en développement. Les pays qui accueillent les industries
296
d’exportation reçoivent les travailleurs des pays les plus pauvres. Nous avons pour
preuve le nombre important de travailleurs haitïens en République Dominicaine, et ceux
des pays voisins que reçoit l’Argentine. Bien sur, comme ces mouvements de populations
se font souvent dans l’illégalité, les statistiques ne peuvent pas les enregistrer.
La réactivation du processus d'intégration régionale peut être une réponse intéressante à
cette nouvelle stratégie des firmes. Dans un programme d’intégration institutionnelle, les
pays peuvent conjuguer leur effort dans des domaines comme par exemple la production
d'énergie propre. Ils peuvent tirer bénéfice des capacités des uns et des autres pour mettre
en place des structures régionales beaucoup plus efficaces afin de traiter les problèmes
auxquels ils sont confrontés, comme la formation des hommes (université commune), les
normes sanitaires, ou encore les normes phytosanitaires et techniques (laboratoires
régionaux) etc. Ces activités communes nécessiteront du travail qualifié, la mise en place
dans la région d'un marché du travail segmenté sera nécessaire pour répondre à cette
demande. L'intégration aura pour conséquence un ralentissement des départs vers les
grands marchés et un déplacement de plus en plus important des travailleurs dans la zone
intégrée.
Nous voyons donc que les mouvements migratoires ne trouvent pas leurs justifications
dans le seul écart de revenus entre pays riches et pays pauvres, mais que d’autres
facteurs, comme la proximité des marchés, jouent également un rôle important.
Nous considérons que le problème des migrations dans la grande zone Caraïbe est
suffisamment important pour que les pays de la région exigent que les négociations qui se
font aujourd’hui pour la constitution de la ZLEA le prennent en compte.
D’une manière générale, les pays riches doivent prendre conscience que la mondialisation
ne peut pas aboutir à une amélioration des niveaux de revenus et du bien-être des
individus d’où qu’ils vivent, s’ils ne prennent pas les dispositions nécessaires pour que le
discours se traduise dans les faits.
297
II. Spécialisation, inégalités de revenus et migration
Pendant la décennie 70, les crises ont affecté les marchés internationaux de produits
primaires affaiblissant la demande mondiale. Dans les pays en développement, ce sont de
nombreux emplois qui sont supprimés dans ce secteur d’activité. Les travailleurs
agricoles émigrent vers les zones urbaines et vers les métropoles car les revenus sont
supérieurs à ceux de la zone rurale. La spécialisation dans l'exportation des produits
primaires s'essouffle. Les pays de la Caraïbe qui sont producteurs de sucre et autres
produits agricoles d'exportation sont touchés par cette crise. Ainsi, pendant toute la
période qui va suivre, une dynamique se met en place dans la plupart des pays en
développement pour réaliser l’industrialisation par substitution des importations, afin
d'éviter un trop lourd déficit de leur balance commerciale.
Le surplus de la force de travail libéré par le secteur traditionnel cherche à s'établir dans
la petite industrie. Ce transfert d'emplois est soutenu par l’Etat par une politique de
subvention, qui permet aux entreprises de rémunérer les travailleurs à un salaire qui est
plus élevé que le salaire d'équilibre du secteur traditionnel. Dans ce contexte de crise, les
pouvoirs publics encouragent vivement les petites initiatives privées en mettant en place
une politique protectionniste. Mais cette stratégie rencontre des difficultés, car le
développement industriel ne peut plus absorber le surplus de travail issu du secteur
traditionnel pour deux raisons:
•
elle nécessite des travailleurs qualifiés qui continuent d'émigrer dans les pays
industrialisés qui leur offre un revenu plus élevé.
•
Pour renforcer l'industrialisation et améliorer la croissance, les firmes proposent une
nouvelle spécialisation dans la production et l'exportation de produits manufacturés
légers comme le textile ou les composants électroniques.
Elle s'accompagne d'une accélération des échanges avec les pays industrialisés, d'un
transfert de technologies et de l'augmentation de l'emploi et des investissements
étrangers. En réalité si on enregistre assez rapidement de nombreuses créations d’emplois
et une augmentation des exportations, il faudra attendre beaucoup plus longtemps pour
percevoir à peine les premiers effets des transferts de technologie. Ce phénomène est
observé dans la quasi-totalité des pays en développement. Les études327 réalisées par les
Nations Unies en 1982, montrent qu’entre 66 et 75, des pays comme l’Argentine, le
Brésil, Hong Kong, l’Indonésie, l’Iran, le Mexique, la Corée du Sud, et la Thaïlande, ont
contribué à plus de 72% de la croissance de la valeur ajoutée industrielle enregistrée dans
les PED alors que leur PNB n’a augmenté que de 57,4%.
On observe désormais une nouvelle tendance dans les flux migratoires. Les migrants se
déplacent d'un pays en développement à un autre, où les écarts de salaires ne sont pas
forcément très importants, mais la proximité détermine le choix. La Caraïbe n'échappe
pas à cette tendance, même si elle est assez marginale.
327
Organisation des Nations Unies (1982), rapport sur le monde en développement.
298
1. Mise en place de la nouvelle spécialisation des PED de la Caraïbe
La spécialisation commerciale qui concerne les produits manufacturés légers se met en
place sans que les salaires relatifs soient réellement modifiés.
Ainsi, Leamer (1996)328 montre que le biais sectoriel du progrès technique se traduit par
un effet type Stolper-Samuelson et diminue la rémunération relative et réelle du facteur
utilisé intensivement dans la production. Nous sommes en présence d’une situation, où la
mise en place de l’industrialisation par substitution n'est pas suffisante pour absorber une
partie importante de la main d’œuvre non qualifiée, libérée par la faillite de la première
spécialisation. Le chômage reste important, car les mécanismes de substitution
factorielles n’ayant pas été mis en place, le marché du travail ne peut retrouver son
équilibre que par l'augmentation de la production du bien intensif en travail non qualifié.
Une condition supplémentaire est réalisée pour accélérer l’ouverture. Si l'on se place dans
l'hypothèse où la structure de la consommation dans les pays développés n'a pas changé,
on assiste à une diminution du prix relatif des biens intensifs en travail non qualifié. Dans
un cadre de salaires flexibles (secteur industriel externe), la conséquence directe en est
une diminution de la rémunération relative des travailleurs non qualifiés. Le secteur
industriel interne voit au contraire son niveau de salaire augmenter, car les travailleurs
qualifiés sont plus rares et le secteur est protégé. Les inégalités de salaires entre le secteur
traditionnel et le secteur moderne se double des inégalités dans le secteur moderne entre
les travailleurs qui produisent pour l’exportation et ceux qui produisent pour le marché
intérieur.
Cette nouvelle spécialisation n'a pas fait disparaître le dualisme qui caractérise ces
économies, elle l’a au contraire accentué. Deux secteurs continuent toujours de coexister,
un secteur externe pour la production destinée à l'exportation et un secteur interne
davantage tourné vers le marché intérieur. Le salaire qui est distribué dans le secteur
externe est généralement très faible, ce qui permet aux entreprises d'être très compétitives
sur le marché international. Avec l'accroissement des échanges, la concurrence se
développe et tire les salaires réels du secteur externe exposé vers le bas tandis que les
salaires du secteur interne abrité suivent la tendance inverse. En effet, les entreprises qui
travaillent dans le secteur interne bénéficient de mesures publiques de protection de la
production.
328
LEAMER E.E., (1996), "In Search of Stolper-Samuelson Effects on U.S. Wages", Working Paper
Series, n° 5427, NBER.
299
Plus tard, la nouvelle spécialisation s'est également accompagnée d'une faible diffusion
de la technologie. On assiste dans certains pays une augmentation de l'investissement en
capital humain, qui a abouti plus tard à la qualification d'une partie de la main d'œuvre.
Dès lors, les travailleurs qui en ont bénéficié d'une petite qualification dans le secteur
externe, sont séduit par des salaires réels plus élevés dans le secteur interne, et
manifestent la volonté d'intégrer celui-ci qui se trouve dans l'impossibilité de les absorber
tous.
300
Dans le bassin caribéen, cette spécialisation est surtout bien développée en République
Dominicaine, en Jamaïque, ou encore à Porto Rico, où elle s'est matérialisée par
l'installation de zones franches d’exportations, accueillant des multinationales très
compétitives dans la fabrication de produits manufacturés légers, comme par exemple le
textile et les composants électroniques. Les investissements directs étrangers qui sont
réalisés par des firmes multinationales américaines, japonaises et européennes engendrent
une amélioration de la croissance des exportations de produits manufacturés. Bien qu'elle
soit faible, l’augmentation de la part de ces produits dans la production industrielle
globale est souvent présentée comme un signe évident d’industrialisation.
Cette nouvelle forme de spécialisation a une incidence sur les mouvements migratoires.
Elle accélère l’exode rural, en raison de la baisse de la production agricole d’exportation.
Une grande majorité des travailleurs non qualifiés des pays voisins qui connaissent des
situations de misère très graves, et qui prenaient jusqu’ici des risques importants dans une
migration illégale préfèrent se déplacer vers ces zones. C'est le cas par exemple des
travailleurs haïtiens qui travaillent en République Dominicaine. Bien que, les salaires
sont plus faibles que ceux perçus dans les pays riches, c'est un avantage pour le
travailleur et pour l'économie qui le reçoit. Ceux dont la situation économique est moins
mauvaise, et qui bénéficient des réseaux de migrants continuent de migrer vers les EtatsUnis, le Canada et les DFA.
L'intégration dans l'économie mondiale a été présentée par le FMI aux pays de la région
comme une chance de relance de leur croissance. Dans une volonté commune de
développement, certaines économies ont réalisé des transformations profondes de leurs
structures sous une quasi injonction du FMI d'appliquer des politiques d'ajustement
Structurel (PAS), qui n’ont pas produit les effets attendus, et qui ont fragilisé leur
économie. Globalement, elles n'ont pas réduit les écarts entre eux et les pays riches. Au
contraire, ils se sont creusés au fil des décennies 70 et 80. Les statistiques de l’emploi
dans le bassin caraïbéen révèlent que la main d’œuvre pendant cette période est très
compétitive, à cause des salaires très faibles et les fortes dévaluations qu’ont connus
certains pays comme la République Dominicaine ou encore la Jamaïque. Dès lors, il est
évident que la dévaluation et la compétitivité sont à l’origine de l’installation de plusieurs
zones franches, de l’augmentation des investissements directs étrangers et des
exportations de produits industriels. Il est indéniable que les multinationales resteront
dans la région tant que ces avantages se maintiendront .
2. L'impact de la spécialisation sur le développement
Plus d'une vingtaine d'année après, peut on affirmer que cette spécialisation a eu des
retombées positives sur la situation économique des pays de la région, et qu'elle a ralenti
301
les flux migratoires vers les marchés extérieurs ? A la lumière de l’analyse des macros
variables, nous pouvons dire que les résultats sont mitigés pour les raisons suivantes :
Certains pays connaissent aujourd'hui un endettement extérieur important.
Les emplois créés par la nouvelle spécialisation ont augmenté globalement la masse de
revenus distribuée. Entre 1990 et 2000, elle s'est accrue de 8,22% en moyenne par an,
mais elle a été insuffisante pour mobiliser une épargne conséquente, nécessaire pour
réaliser les investissements dans le secteur moderne. Les pays demeurent en situation de
besoin de financement, et sont obligés de s’endetter massivement. Le montant de la dette
de la République Dominicaine et de la Jamaïque en 2003 est respectivement de 6,5 et 4,3
milliards de dollars, avec une tendance à la hausse entre 1999 et 2003. L'endettement
absorbe ainsi peu à peu le fruit de la croissance, enlevant toute possibilité aux pouvoirs
publics de continuer à soutenir le développement industriel local. Par ailleurs, les
dépenses pour mettre en place les infrastructures pour l’installation et le fonctionnement
efficient des firmes multinationales sont importantes, ce qui aggrave la dette extérieure.
Pour contenir son accroissement, on propose aux pays les plus endettés comme La
République Dominicaine et la Jamaïque, un rééchelonnement de leur dette, assortis
quelquefois de PAS. Les pays ayant accepté n’ont pas pour autant développé leur
industrie locale. Ceux qui avaient fait le choix d'une double stratégie de promotion des
exportations et d’industrialisation par substitution des exportations, n’ont pas été en
mesure de financer les actions nécessaires à cause des PAS. Car elles exigent un
désengagement progressif de l’Etat, qui ne peut plus prendre les mesures nécessaires pour
que les entreprises nationales soient à l’abri de la concurrence internationale.
Les transferts de technologie qui avaient commencé ne sont plus garantis.
Si les investissements directs étrangers des firmes multinationales permettent rapidement
la création de nombreux emplois et l'augmentation des exportations, les transferts de
technologie sont beaucoup plus lentes. Malgré les créations d’emplois le chômage est
important, les salaires sont maintenus à un niveau très bas, afin d’encourager
l’installation de nouvelles entreprises dans les zones d’exportation. Cependant, ce choix a
l’inconvénient de décourager les transferts de technologie et la remontée des filières, qui
entraînent avec eux l’augmentation du facteur capital et l’augmentation des salaires des
travailleurs des travailleurs qualifiés nécessaires aux transferts. Il empêche ainsi la
dynamisation du marché intérieur qui pourrait jouer un rôle moteur dans la croissance de
long terme. Il y a donc un écart croissant entre le secteur exportateur dynamique et le
secteur interne qui l’est beaucoup moins.
Les importations sont toujours importantes.
302
Trois éléments expliquent l'augmentation des importations :
Premièrement, la production pour l'exportation, est réalisée avec du travail fourni par le
pays, mais les autres intrants proviennent des maisons mères. Les entreprises locales sont
considérées comme incapables de fournir de la qualité et de respecter les délais de
livraison, ce qui entraîne des conséquences néfastes pour la production pour l'exportation.
L'absence de commandes des firmes multinationales aux producteurs locaux, réduit la
production industrielle locale, et contribue à leur faillite.
Deuxièmement, l'exode rural diminue la production agricole nécessaire à l'auto suffisance
alimentaire. Le marché est donc approvisionné par l'importation qui concurrence la
production locale et lui enlève toute chance de se développer par des investissements
nouveaux.
Enfin, les ressources transférées par les migrants étant utilisées pour la consommation de
biens importés, augmentent le déficit commercial du pays.
L'ouverture des pays au marché mondial les a rendu un peu plus dépendants, au fur et à
mesure que les firmes se sont installées.
Par ailleurs, la diminution des investissements dans le secteur interne, et la réduction de
la part des biens d'équipement dans les importations, traduisent pour certain pays un
ralentissement de l'industrialisation.
Les emplois créés sont incertains et ne se sont pas enracinés dans l’économie
Si nous prenons la seule exemple des zones franches d’exportation en République
Dominicaine, à la fin des années 80, la création d’emplois directs est près de quatre fois
plus élevée que celle de l’ensemble des pays du bassin. Le taux de chômage est passé de
21,7% à 16% entre 1983 et 1993, ce qui corrobore un impact important de l’ouverture des
zones franches sur la création d’emplois non qualifiés. Cependant, les multinationales
importent tous les intrants nécessaires à la production, ce qui ne suscite pas la création
d’emplois dans le secteur industriel interne, tandis que les emplois liés à la promotion des
exportations sont à la merci des éventuels déplacements des firmes. On enregistre dans la
Caraïbe la perte de centaines d’emplois à cause du départ de quelques firmes vers l’Asie
et le Mexique; les « Maquiladoras » offrant un meilleur avantage en salaire, leur
permettant de réduire leurs coûts de production. D'une manière générale, les taux de
chômage dans la Caraïbe repartent à la hausse à la fin de la décennie, tandis qu'au
Mexique il ne dépasse pas 2,50%.
Pendant les années 90, nous faisons le constat d'une perte d'emplois dans les deux pays
qui ont joué le jeu de l'ouverture. La République Dominicaine et la Jamaïque perdent peu
303
à peu leur avantage en travail non qualifié au profit des pays comme le Mexique et autres
pays d'Asie. Une des raisons réside dans l'effort qui a été fait pendant cette période pour
augmenter l'investissement en capital humain, encouragé par la croissance et par
l'augmentation de la demande mondiale de travail qualifié. Par ailleurs, les orientations
que semble prendre la demande mondiale ne sont pas en phase avec les choix de
production opérés par les PED de la région (arrivée sur le marché mondial des produits
issus de la biotechnologie tels que les OGM).
Cette dégradation de la situation de l’emploi a des conséquences sur l’évolution des
autres macrovariables. Les salaires perçus dans les zones d'exportation étant très faibles,
la suppression des emplois entraîne une baisse de la masse salariale globale. La demande
de consommation est plus faible ainsi que l'épargne et l'investissement. On constate que
la stratégie d’ouverture par promotion des exportations, choisi par certain pays de la
Caraïbe, ne lève pas ne lève pas automatiquement les freins à l’industrialisation et au
développement. Des efforts constants doivent être assurés par les pouvoirs publics, pour
maintenir et développer le secteur interne. La solution peut résider dans une réactivation
du processus d'intégration. Il s'agit pour les pouvoirs publics de chaque pays de conjuguer
leurs efforts pour exploiter de manière efficiente leurs potentialités.
304
3. L'évolution des inégalités de revenu dans les PED de la Caraïbe
La base de donnée Deininger-Squire (Banque Mondiale, 1996) livre des informations sur
l'évolution des inégalités dans le monde en développement. Entre le début de la décennie
80 et le début de la décennie 90, 33 pays ont subi une augmentation des inégalités tandis
que 34 enregistrent une diminution. Ainsi, il est relativement difficile de cerner une
évolution nette dans des pays qui sont assez différents. Cependant, dans la décennie 90,
de nombreux pays ont réformé leur politique économique. Pour Adelman-Fawa (1994)329
ces réformes ont eu des effets sur la répartition des revenus. A la lumière des tests
économétriques d'une version "augmentée" de l'hypothèse de Kuznets, il apparaît que les
résultats diffèrent sensiblement entre les décennies 70 et 80. A la fin des années 80, il
semble que les économies qui ont appliqué les ajustements structurels, ont vu leurs
inégalités s'accroître. Maintenant, il faudrait démontrer qu'il s'agit d'un effet direct des
réformes qui ont été entreprises pour l'application des PAS.
Dans la Caraïbe et l'Amérique Latine, la libéralisation unilatérale et régionale est assez
avancée. En effet, ces pays ont déjà adopté des mesures allant au-delà des
recommandations des négociations multilatérales. Dans le même temps, elle est
caractérisée par des niveaux initiaux d'inégalités relativement élevés. C'est la raison pour
laquelle les pressions sont apparues plus rapidement pour un retour au protectionnisme.
Cette pression est justifiée par Valdès (1996)330 comme étant le résultat de l'analyse que
font les producteurs du secteur agricole de l'évolution du prix à la baisse des produits
exportés mais également de ceux des secteurs concurrencés par l'importation.
Pscharopoulos, Morley, Fiszbein et Wood (1995) 331qui s'intéressent à l'évolution de la
pauvreté et des inégalités dans cette région, constatent que dans les années 80, la situation
s'est dégradée en zone urbaine alors qu'il n'y pas d'amélioration absolue de la situation en
zone rurale. Il peut s'agir du phénomène que nous avons déjà décrit : les travailleurs des
zones exposées qui ont acquis une certaine qualification partent vers les zones abritées où
les salaires réels sont plus élevés. Ou encore, parce que les pouvoirs publics, confrontés à
des problèmes d’endettement, réduisent l’aide aux entreprises qui sont désormais livrées
à la concurrence internationale. Ainsi, dans cette région l'analyse de la répartition des
revenus laisse apparaître une évolution contrastée. Cependant, globalement, nous
pouvons dire que l'inégalité des salaires s'est accrue, bien qu'il nous est encore difficile de
mettre en évidence une relation stricte entre les épisodes de croissance relative à
l'ouverture et les phases de réductions des inégalités. Désormais, les travailleurs dans les
zones d'exportation sont devant un triple choix :
329
ADELMAN I., FUWA N., (1994), "Income inequality and development, the 1970's and 1980's
compared", Economie appliquée, tome 46, n° 41, pp 7-29.
330
VALDES A., (1996), "Surveillance of agricultural price and trade policy in Latin America during major
policy reforms", World Bank Discussion Papers, n° 349, p 67.
331
PSACHAROPOULOS G., MORLEY S., FISZBEIN A., LEE H., WOOD W.C., (1995), "Poverty and
income inequality in Latin America during the 1980's", Review of Income and Wealth, Vol. 41, n° 3, pp.
245-264.
305
•
accepter une réduction de salaire garantissant le maintient de la firme dans la région
•
accepter d'être en situation de chômage
•
tenter de pénétrer le secteur informel en attendant d'être réembauché dans le secteur
formel.
La décennie 90, trouve les économies de la région toujours partagées en deux secteurs, un
secteur traditionnel et un secteur moderne qui est désormais subdivisé en trois sous
secteurs. Dans le premier, l’activité informelle continue de se développer avec des
salaires très faibles. Dans le second, la production industrielle concerne les produits pour
le marché intérieur, elle nécessite un travail qualifié et distribue des salaires plus élevés,
mais qui restent très en dessous de ceux qui sont versés dans les pays industrialisés.
Enfin, dans le troisième se développe la production pour l’exportation. Ce sont des
produits manufacturés nécessitant un travail peu ou pas qualifié, rémunéré très
faiblement.
Le secteur traditionnel est désormais un secteur marginal, confronté à des problèmes
nouveaux. La demande mondiale continue de baisser, les produits sont progressivement
remplacés par de nouveaux produits intégrant de nouvelles technologies.
L'avancée des nouvelles technologies et la concurrence internationale obligent les firmes
multinationales à changer de stratégie. Elles se tournent progressivement vers des
segments d’industries utilisant du travail qualifié.
Force est de constater que les politiques d'ajustement structurel ne se sont pas toujours
accompagnées d'une réduction des inégalités des revenus entre les pays riches et les pays
en développement, et qu'elles restent un élément déterminant dans le développement des
mouvements migratoires.
4. La nouvelle spécialisation et les flux migratoires.
Il est indéniable que les zones d'exportation sont à l'origine de la réduction du chômage
dans les pays de la Caraïbe qui ont fait le choix de la stratégie d'ouverture. Cependant,
elles n'ont pas créé suffisamment d'emplois décents pour absorber les travailleurs qui
arrivent régulièrement sur le marché du travail. Dans cette situation, l’émigration
constitue un élément favorable de soutien de la demande et donc de la croissance, et cela
pour deux raisons :
•
les transferts de revenus réalisés par les migrants à leur famille restée au pays
permettent l'équilibre des comptes extérieurs;
•
l'augmentation des
l'industrialisation.
importations
de
biens
d'équipement,
nécessaire
à
En revanche, l'exode des cerveaux est un problème qui est d'autant plus préoccupant, car
c'est une force de travail expatriée pour le long terme. En réalité, le retour de la main
d’œuvre qualifiée est incertain, en raison d'une demande internationale croissante,
relative à l'essor des technologies de l'information et de la communication. Les firmes
attirent ainsi les travailleurs les plus compétents des pays en développement par un
système de recrutement et de sélection qui met en avant des salaires plus élevés, de
306
meilleures conditions de travail et plus de perspectives de carrière que ce qu'ils pourraient
avoir dans leur pays. Ainsi en 2000332, il y avait aux Etat Unis près de quatre fois plus de
ressortissants jamaïcains titulaires d'un diplôme de troisième cycle qu'il n'en avait en
Jamaïque. La tendance est la même pour la République Dominicaine et Puerto Rico. Les
médecins formés en Jamaïque ou à Cuba sont plus nombreux à l'étranger que dans leur
pays.
Cette nouvelle stratégie des firmes entraîne l'exode des compétences, qui a des effets
négatifs sur le développement économique de la région. La réduction de ce facteur de
production, nécessaire pour la productivité, freine l’innovation et la croissance à long
terme, qui requiert du travail qualifié. Les retours sur les investissements réalisés dans la
formation et la qualification par les secteurs public et privé ne sont pas assurés.
L'industrialisation des pays de la région nécessite une internalisation des connaissances et
une capacité d'innovation des entreprises, ce qu'ils ne peuvent pas avoir si les travailleurs
les plus compétents émigrent vers les pays industrialisés. De même, on aurait pu penser
que la volonté des firmes de constituer un avantage en travail qualifié les inciterait à aller
vers cette région. Au contraire, elles préfèrent se tourner vers les pays d'Asie, en
particulier vers l'Inde. Ils offrent un savoir faire de très haute qualité dans les nouvelles
technologies, contre un salaire très en dessous de celui des pays riches, et inférieur à ceux
distribués dans la Caraïbe.
La seule note positive réside dans les transferts des fonds des migrants aux non migrants.
Une étude de la Banque Mondiale333 indique que les transferts de fonds réalisés par les
travailleurs émigrés dans leur pays d'origine constituent la deuxième source de
financement externe des pays en développement, juste après les investissements directs
étrangers.
Certains pays de l'Amérique Latine vont même à les présenter comme garantie afin
d'obtenir des prêts des organismes internationaux.
Année République Dominicaine
Jamaïque
Taux de migration
Croissance
nette/an (%0)
Démographique
Taux de migration Croissance
nette / an (%0)
démographique
2000
- 4.04
1.64
- 8.39
0.46
2001
- 3.81
1.63
- 7.52
0.51
2002
- 3.59
1.61
- 6.65
0.56
2003
- 3.43
1.36
- 5.78
0.61
2004
- 3.22
1.33
- 4.92
0.66
332
Source : Tableau 5, R.H. Adams International Migration Remittances and the Brain Drain : A study of
24 Labour-exporting countries, Working Paper N° 3069, 27 mai 2003
333
Banque mondiale: "Workers' remittances: An important and stable source of external development
finance"; D. Ratha, Global Development Finance 2003 (Washington, DC, 2003).
307
Tableau 1 : Taux d'émigration nette en République Dominicaine et en Jamaïque.
La nouvelle spécialisation a permis aux pays de la région d'expérimenter une nouvelle
forme d'intégration dans l'économie mondiale, mais en dépit des promesses faites par le
FMI, ils n'ont pas eu vraiment les gains attendus. L'installation de zones d'exportation
devait permettre l'amélioration de la croissance économique de long terme, le
développement industriel local, et un ralentissement de l'émigration. Malheureusement,
cet objectif n'a pas été atteint, car la situation économique des pays de la région reste
préoccupante et l’émigration s'intensifie dans certains cas, comme nous le montre le
tableau ci dessous. Elle absorbe les nouveaux travailleurs qui arrivent sur le marché du
travail, ainsi que ceux qui étaient en attente dans le secteur informel.
Comme nous le montre les graphiques suivants, cette nouvelle forme de spécialisation a
eu des effets positifs de court terme, comme la création d’emplois et l’amélioration de la
croissance, cependant elle n’a pas eu les effets d’entraînement nécessaires pour
l’installation d’une croissance durable. Les emplois créés n'ont pas été suffisants pour
ralentir les flux migratoires vers les grandes villes, tandis que les salaires toujours aussi
faibles maintiennent des inégalités profondes de revenus entre les pays riches et les pays
de la région.
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10
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e Dom
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Jam aïque
Répu
Dom inicai
ne
-10
Graphique 1 : Evolution du chômage et de la croissance dans les pays ayant choisi la
stratégie d'ouverture
Nous constatons que le chômage s'est réduit et que l'augmentation des exportations a eu
un effet sur la croissance de court terme. Cependant, cela n'a pas été suffisant pour
ralentir de manière substantielle le départ des travailleurs vers les grands marchés. En
particulier, ceux qui ont obtenu une qualification. En somme, nous ne pouvons pas dire
que c’est une franche réussite, en Amérique Latine on parle même de la "décennie
perdue".
III. Quelles perspectives pour les pays de Caraïbe?
308
Après vingt ans d'expérimentation de la nouvelle spécialisation, les pays de la Caraïbe
n'ayant pas eu les résultats escomptés cherchent à se réaliser dans une troisième voie :
l'intégration régionale. Ils constituent des zones de libre échange, leur permettant
d’abaisser les barrières tarifaires entre eux progressivement jusqu'à leurs suppressions
totales et d'ériger un tarif extérieur commun aux pays étrangers. Cette dynamique est née
depuis les années 60 par la création de plusieurs zones d’intégration Caraïbe/ Amérique
Latine (MCCA, CARIFTA, CARICOM…). Le processus est mis en sommeil pendant la
période de la spécialisation puis réactivé lors de la relance du processus de
mondialisation, car il est présenté comme une solution pour meilleure insertion dans
l'économie mondiale. Pour les petits pays de la Caraïbe, ce qui est recherché avant tout
c'est la constitution d'un plus vaste marché, permettant aux producteurs de réaliser de plus
grandes économies d'échelle et de profiter de la mise en place d'infrastructures régionales.
L'intégration régionale est la solution pour une meilleure efficacité économique, capable
de créer de la richesse, source de croissance économique durable. Mais cela constitue
également un moyen pour les petits pays de participer aux négociations internationales, et
de participer à la définition des règles du jeu de la mondialisation. Pour atteindre cet
objectif la coopération régionale semble être une voie intéressante, car les résultats des
premières actions de coopération sont globalement positifs.
1. L'intégration régionale source de croissance durable
Depuis la décennie 90, et dans la perspective de disparition des SGP, livrant la production
caribéenne à la concurrence internationale, les pays conjuguent leurs efforts afin de
réaliser l'intégration régionale. Un nouvel accord, l’accord de Cotonou prend le relais de
la convention de Lomé. Il prévoit la mise en place d’Accords de Partenariat Economique
(APE) entre l’Europe et les pays ACP regroupés dans des blocs régionaux. Les pays de la
Caraïbe expriment une certaine crainte, car il est très probable que les APE concurrencent
les programmes d’intégration régionale qui mettent en avant les intérêts nationaux et qui
relèvent de la volonté des pays eux-mêmes.
Cette nouvelle coopération doit jeter les bases d’une plus grande compétitivité des
économies et conduire les tentatives d’intégration à leur terme tout en encourageant de
nouvelles. Il s'agit de mettre en place les infrastructures nécessaires et de développer les
activités de manière cohérente et rationnelle, pour qu'elles soient source de croissance
durable. Pour que cet objectif soit atteint, toutes les actions d'échanges dans des domaines
comme la recherche, l'éducation et la formation doivent être développées. Les théories de
la croissance, en particulier les concepts récents de la croissance endogène ont apporté
des justifications solides quant à l’identification et, quant au rôle des facteurs qui sont
susceptibles de générer la croissance. Les décideurs doivent s'y référer, car elles
présentent un argumentaire et des analyses empiriques sérieux quant aux effets positifs de
la formation et de la recherche sur la croissance économique de long terme.
1.1 La coopération dans la recherche
A la fin des années 90, l’intégration entre dans sa troisième phase. L’AEC, en prenant le
train de la CARICOM, ouvre un processus qui doit conduire la région vers la formation
309
d’un grand ensemble. Il s'agit pour les pays de la Caraïbe d'établir entre eux un
partenariat économique, qui implique la mise en place de projets de coopération dans le
domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et technique. Il s'agit
par exemple de mettre en place des actions de mobilités des étudiants, des enseignants et
des chercheurs dans des domaines aussi divers que l'agronomie, la chimie, la biologie
végétale, l'économie, les énergies renouvelables. C'est un excellent moyen de mettre en
synergie les compétences de chaque pays, qui pourrait déboucher par une action de
coopération institutionnelle : la création de laboratoires communs. Nous avons pour
preuve l’actualité de ces dernières années, qui n'a eu cesse de montrer combien la
recherche est déterminante pour le développement
La coopération n'est pas seulement institutionnelle, elle implique également le monde de
l’entreprise. Les entreprises qui sont au cœur du succès de la nouvelle économie, aussi
bien dans le champ de l’informatique et du traitement de l’information sont nées de
l’exploitation des résultats de programmes de recherche.
1.2 La coopération dans le domaine du transport
L’élaboration d’une stratégie commune pour résoudre le problème du transport, garant de
la circulation des hommes et des marchandises, est essentielle dans ce processus
d'intégration. Elle pourrait trouver ses fondements dans la consolidation des compagnies
actuelles assurant les dessertes aériennes et maritimes entre les pays du bassin caraïbéen.
La clé de la réussite, réside dans la constitution de zones de production, liée à leurs
avantages respectifs, ce qui augmenterait les échanges commerciaux sur un plus vaste
marché. De même, les liens historiques entre les pays de la région et leurs anciennes
métropoles doivent faire davantage de place à la création d'une nouvelle communauté
caraïbéenne. Les compagnies aériennes caribéennes (la BWIA, la LIAT, Tobago Express,
TIA, Air Caraïbe et Carib Aviation) sont les principaux producteurs de services aériens
dans la région. Certaines d’entre elles sont en proie à de graves difficultés financières
depuis la fin des années 70 et leur situation ne s’est toujours pas améliorée aujourd’hui.
La BWIA et la LIAT qui sont les plus anciennes compagnies et qui sont partenaires
n’échappent pas à cette logique. Elles dépendent des fonds du secteur privé, réticent à un
accroissement des investissements, et du secteur public qui assure leur survie. La mise en
place de compagnies aériennes viables et efficaces, capable de fournir des services à un
prix raisonnable, est l’une des principales conditions du développement des échanges
dans la région et de la réussite de l'intégration régionale
Cependant, une organisation régionale qui exploiterait les avantages et compétences de
chaque compagnie, afin de fournir des produits complémentaires à un prix attractif, peut
être un choix à l’origine d’une rentabilité durable pour chacune des compagnies, capable
et d’attirer les investisseurs privés. Le secteur public pourrait alors créer les conditions
favorables à l’émergence d’une dynamique de développement du tourisme et du
commerce.
S’agissant du transport maritime qui concerne d’abord les échanges de marchandises, son
développement passe notamment par l’amélioration des infrastructures portuaires et la
formation du personnel lié à ce type d’activité. C’est cette politique qui est déjà en œuvre
depuis 1989 par le biais du programme TRAINMAR-Caraïbe. Grâce à l’implantation de
310
nombreux centres de formation, ce programme guadeloupéen se développe à travers toute
la Caraïbe, jusqu’en Colombie.
Aujourd’hui, le problème du transport se présente encore comme un nœud gordien
difficile à démêler. Mais avec une coopération régionale ancrée de plus en plus dans les
actes, les perspectives dans ce secteur offre des motifs d’espérer. En outre, les DFA
disposent d’équipements modernes, de zones de commerce international et de
technologies récentes qui sont autant d’atouts nécessaires au développement des échanges
de marchandises avec le reste de la Caraïbe.
Ces actions de coopération nécessitent des fonds importants dont ne disposent pas
toujours les pays de la Caraïbe qui rencontrent encore des difficultés. Au début de ce
troisième millénaire, beaucoup de résolution ont été prises par l'Europe qui veut continuer
à jouer un rôle dans le développement de cette région. Avec l'adoption du paquet
« Agenda 2000 » contenant les perspectives financières pour la période 2000-2006 et
regroupant de nombreuses réformes à mettre en œuvre pour répondre aux défis auxquels
elle sera confrontée, l’Union Européenne s’est résolument inscrite dans cette démarche.
En redéfinissant les objectifs et les moyens et aides structurelles, la Commission
européenne a affirmé ses stratégies politiques pour s’approcher au mieux de ses grandes
ambitions.
Avec des dispositifs repensés, comme le Programme d’initiative communautaire (PIC)
INTEREG III-B, c’est probablement les moyens et instruments qui sont désormais
disponibles pour rendre plus concrets et durables les projets de coopération régionale des
DFA dans la Caraïbe. De même, les politiques nationales ont prévu des financements, tel
que le Fonds de coopération régional (FCR). Couplé avec d’autres outils de financement,
ce fonds peut être utilisé pour le financement des actions de coopération économique,
sociale et culturelle, en liaison avec les plans d’action des ambassades de la région. Ainsi,
quelques programmes nouveaux voient le jour et s’ajoutent à ceux qui ont démarré
depuis les années 80.
Dans quel contexte économique se développe ce processus d'intégration?
Le taux de chômage de l'Amérique Latine et de la Caraïbe a augmenté de 2,1 points
pendant les dix dernières années, avec une variation importante d'un pays à un autre (2 %
au Guatémala, 3,2% à Cuba, 23% à la Dominique, 15,5% en République Dominicaine,
9,1% à Bélize). Les ratios emploi/population sont aussi très différents d'une région à
l'autre. Il est de 58, 4 en Amérique Latine et 53,8 dans la Caraïbe. Et enfin, les taux de
croissance de la population active, bien qu'ils varient d'une région à l'autre, ils ont partout
diminué pendant les dix dernières années. A la lumière de ces chiffres, il semble que les
marchés du travail de la région se sont remis à la fois de la période de récession, et des
crises locales des dernières années.
En matière de croissance économique, bien que la reprise se soit amorcée dans la région
Amérique Latine/Caraïbe en 2002, elle ne permet pas encore de retrouver le taux de
croissance des dix dernières années. L'analyse par sous-région révèle que 2002 a été une
assez bonne année pour la Caraïbe, qui a atteint un taux de croissance autour de 3%.
Essentiellement exportateurs de produits primaires et de produits manufacturés, générant
de moins en moins de croissance, les pays de la Caraïbe s'orientent vers le tourisme
durable et les services financiers qui devraient contribuer à stabiliser la croissance du
311
PIB. Ce contexte nous semble propice pour que se mette en place un marché du travail
caribéen, offrant des emplois décents et favorisant la circulation de la main d'œuvre non
qualifiée et qualifiée, garant d'une croissance durable dans la région. Cela constitue la
base de l'intégration régionale.
2. Intégration régionale et flux migratoires dans la Caraïbe
Dans les décennies 80 et 90, des mouvements migratoires, enregistrés de manière
marginale dans les années 60, prennent une autre dimension. Les travailleurs du secteur
traditionnel des pays les plus pauvres et ayant de fort taux de chômage (République
Dominicaine, Haïti, Sainte-Lucie, Dominique….), émigrent dans différents pays de la
région, à la recherche de revenus plus élevés à la fois que ceux perçus dans le secteur
traditionnel et dans la zone urbaine de leur pays d’origine. Ce sont près de 500 000
personnes d'origine haïtienne qui résident en République Dominicaine, ayant une
frontière commune avec la République d'Haïti.. De même, la Guadeloupe et la
Martinique reçoivent respectivement des travailleurs de la Dominique et de Sainte-Lucie.
Il semble ainsi que la proximité décide aussi du choix de l’installation du travailleur
migrant, car souvent ces mouvements se réalisent dans une illégalité complète, l'obligeant
à vivre et travailler dans une situation précaire. Parallèlement, nous observons des
déplacements de travailleurs dans tous les pays de la Caraïbe. Nous retrouvons des
travailleurs caraïbéens ailleurs que dans leur pays d'origine, même si ces flux sont mal
recensés à cause de leur caractère illégal dans de nombreux cas.
L'intégration régionale avec plus de coopération entre les Etats devrait réduire cette forme
d'immigration, qui ne trouvera de solution définitive que lorsque les pays de la région
seront suffisamment développés pour offrir à leur population active des emplois décents.
Peut-on espérer à court ou moyen terme une amélioration de la situation?
Nous avons enregistré à la fin de la décennie 90 une diminution générale de l'activité
économique dans la Caraïbe mais également en Amérique Latine de l'ordre de - 0,5%, en
raison des incertitudes liées à la croissance des Etats-Unis, de l'Asie, mais également de
la récession brésilienne et de l'Argentine. La diminution généralisée des prix des matières
premières sur les marchés internationaux a accentué la morosité. Malgré cette situation, le
retour de la croissance aux Etats-Unis et les bonnes prévisions pour l’Europe,
l'amélioration de la situation en Argentine, conjugué avec le ralentissement des taux de
croissance de la population active, laisse augurer une amélioration à court terme de la
situation économique de la Caraïbe. Les prévisions de 2005 laissent percevoir une
amélioration de la croissance, avec des taux de croissance autour de 2%, mais nous
pensons que l'intégration n'est pas encore assez avancée pour qu'elle se traduise en
création d'emplois décents, capable de réduire les activités du secteur informel.
Dans ce contexte, la coopération institutionnelle se justifie encore davantage pour
améliorer la situation du marché du travail. Elle est nécessaire pour obtenir une
officialisation du secteur informel, qui gagne davantage en productivité, depuis que les
flux migratoires se sont développés dans la région. L'esprit entrepreneurial se développe
plus rapidement dans le secteur informel, car il s'agit pour le migrant de se créer une
activité lui permettant de faire vivre sa famille, lorsque le chômage est trop important
pour que ce secteur soit lui aussi capable de lui offrir un emploi salarié; il doit alors le
créer.
312
Conclusion
Depuis plus de deux décennies, la relation entre inégalité salariale, intégration au
commerce international et développement économique réel a donné lieu à de nombreuses
discussions. Celles-ci tournent en priorité autour de l'hypothèse de Kuznets : les premiers
stades de développement économique relatifs à la croissance des exportations (élévation
du produit par tête) s'accompagnent d'un accroissement des inégalités jusqu'à un point de
retournement à partir duquel toute croissance supplémentaire du revenu par habitant
réduirait les inégalités. Bien que de nombreuses questions restent sans réponses, les
analyses empiriques réalisées ne l'invalident pas complètement. Mais les conclusions de
Kuznets rendent facultatif l'accompagnement des stratégies de croissances de mesures
redistributives, pour la simple raison que la correction des inégalités est naturelle.
Cependant, l'analyse de l'intégration au commerce de plusieurs pays en développement
laisse à penser que la soutenabilité sociale des réformes dans biens des cas est impérative
pour empêcher l'accroissement des inégalités salariales.
Or, l’effort de l’Etat pour inciter les investissements étrangers réduit sa marge de
manoeuvre sur le plan social. Cela se traduit par un désengagement progressif à la fois
social et économique. Les emplois publics dans certains pays sont encore moins
rémunérés que dans les zones d’exportations.
Les inégalités de revenu ainsi se creusent avec la mondialisation sans atteindre les taux de
croissance nécessaires à leur suppression.
Les débats théoriques sur la nécessité d’une intégration régionale menés tout au long de
ces dernières décennies, souvent focalisés sur le cas d’école que constitue l’Union
Européenne, ont abouti à des résultats qui mettent en avant un certain nombre de
consensus sur les bienfaits d’un tel processus visant principalement la suppression des
barrières douanières, la coordination des politiques économiques et l’organisation des
échanges et des systèmes financiers.
Des points de vue exprimés dans la littérature riche consacrée à cette thématique, il
ressort clairement que l’intégration économique offre de multiples avantages. Elle
constitue un moyen pour surmonter les obstacles liés à l’étroitesse des marchés en
permettant aux producteurs et investisseurs de réaliser de plus grandes économies
d’échelle et de bénéficier de la mise en place d’infrastructures. Avec la rationalisation et
la réorganisation de la production et de l’investissement, elle permet aussi aux pays
concernés de bénéficier d’un meilleur développement technologique.
En ciblant l’analyse sur le territoire de la Caraïbe, le constat empirique qui prédomine est
celui d’une intégration largement inachevée. En discutant avec pertinence de la
coopération régionale dans les Caraïbes, Rubio (2000) explique le pourquoi de cet état
d’avancement et rappelle les enjeux pour les DFA : « La coopération régionale dans les
Caraïbes est un grand chantier où les actions ponctuelles se multiplient et se succèdent.
Malgré une volonté convergente de coopérer, aucune stratégie globale ne s’est imposée,
comme si la coopération était vouée à une surenchère entre les différents acteurs désirant
mettre en avant leur singularité. Pourtant, la coopération n’est pas une activité accessoire,
313
elle pourrait devenir un instrument de développement des départements antillais dans leur
zone géographique. »
Aujourd’hui, le temps ne peut plus se faire attendre pour pallier cette absence de stratégie
globale et commune des acteurs décideurs caribéens, car le contexte économico-politique
a changé pour présenter au moins une double contrainte.
Premièrement, avec les nouvelles règles du commerce international, les accords
préférentiels jadis accordés par l’UE aux pays ACP de la Caraïbe devraient être
progressivement supprimés. Deuxièmement, l’élargissement de l’Union Européenne aux
pays de l’Europe de l’Est sonne le début d’une période qui s’annonce difficile non
seulement pour les DFA mais aussi pour les pays de la Caraïbe signataires des accords de
LOME.
Malgré ces difficultés, une voie sûre pour le devenir des petits pays insulaires de la
Caraïbe reste l’achèvement de ce chantier de l’intégration qui passe par une approche
régionale dans des domaines structurels clés. Cette approche couvrirait au moins les
objectifs suivants : la réduction et l'harmonisation tarifaires ; la restructuration des
secteurs financiers ; l'harmonisation des incitations à l'investissement et des régimes
fiscaux ; la coordination des politiques agricoles ; la mise en place de stratégies
communes pour les échanges commerciaux. Ce sont autant d’objectifs à atteindre pour
qu’ils puissent trouver les voies et les moyens de continuer le processus d’intégration,
afin de s’insérer dans le commerce mondial dans les meilleures conditions. A terme, ces
pays pourraient ainsi se doter, au niveau régional, d’infrastructures et de moyens
institutionnels leur permettant d'arriver à un niveau de compétence technique et un degré
de puissance économique auxquels ils ne pourraient pas prétendre en agissant seul.
Avec une AEC cohérente et forte, bénéficiant de l’appui de la CARICOM, du
MERCOSUR et des autres blocs constitués, les chemins seraient tout tracés pour aboutir
à la grande Caraïbe, formant un bloc suffisamment puissant, et possédant une capacité de
négociation certaine, nécessaire à la défense de leurs intérêts face aux autres blocs. De
même, ce renforcement de l’AEC doit permettre aux pays de la « grande Caraïbe » de
s’affirmer face aux Etats-Unis dans leur projet d’intégration « hémisphérique », par le
biais duquel ils comptent contrôler l’ensemble des Amériques. De même, il doit
permettre une meilleure exploitation du capital humain de la région, au service de la
croissance économique. Ce qui à terme réduirait les flux migratoires vers l'extérieur, pour
les redéployer dans la zone intégrée, sur des marchés du travail leur offrant du travail
décent.
314
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316
Intégration économique régionale et développement humain :défis et
perspectives pour Haïti au début du nouveau millénaire.
Professeur Narcisse Fièvre
Doyen Faculté des Sciences
Economiques et Administratives
Université Quisqueya ( Haïti )
[email protected]
0. - Introduction.
La mondialisation est considérée par certains comme le moyen d’arriver au
bonheur tandis qu’elle est pour d’autres la cause de notre malheur. Elle semble être un
processus irréversible auquel nous sommes tous soumis. Nous sommes tous mondialisés,
c’est-à-dire que nous connaissons tous à peu près le même sort (Bauman,1998).
L’expression de cette opinion n’empêche cependant l’existence d’un véritable débat pour
ou contre la mondialisation avec des arguments de poids dans les deux camps.
Thwaites (2000) reconnaît que les coûts de l’ajustement sont grands et que la
libéralisation des échanges ne doit se faire qu’avec prudence, en prévoyant des mesures
qui amortissent les effets sociaux des périodes de transition. Selon lui, les pays nonintégrés à un bloc économique sont dans une position particulièrement fragile puisqu’ils
ne peuvent compter sur le marché d’un tel bloc pour leurs exportations. Hugon ( 2003 )
constate que la totalité des pays en développement se trouve engagée dans des processus
d’intégration régionale dont les formes vont des coopérations sectorielles jusqu’aux
unions politiques avec transferts de souveraineté.
Ce travail s’articule en six sections. La première section développe brièvement
les relations entre la mondialisation et l’intégration économique régionale en mettant
l’emphase sur la Caraïbe. La deuxième section analyse les tendances récentes de
l’économie haïtienne.La troisième section fait le point sur la position d’haïti face à
l’intégration économique régionale.La quatrième section discute de l’accroissement des
échanges et du développement humain. La cinquième section contemple les défis et
perspectives pour l’économie haïtienne face à la dynamique de l’intégration économique
régionale. La dernière section présente les conclusions.
I. Mondialisation et intégration économique régionale
317
La mondialisation en cours se caractérise par une interdépendance entre quatre
phénomènes (GEMDEV, 2000) : 1) une intégration des marchés résultant notamment des
mesures de libéralisation unilatérale, multilatérale et régionale, 2) une globalisation
financière, 3) une organisation mondiale de la production par les firmes multi ou
transnationales avec accélération des fusions-acquisitions et des alliances stratégiques,
4) une instantanéité de l’information et de la communication.
Parallèlement à la dynamique de cette mondialisation, il a été enregistré un
renouveau de l’intégration regionale. Selon Hugon ( 2003 ), on peut interpréter
différemment le processus de régionalisation. Pour certains, la régionalisation constitue
une réaction à la tendance unificatrice et homogénéisante qui accompagne la dynamique
de la mondialisation. Pour d’autres, elle apparaît comme une condition nécessaire à
l’intégration au mouvement de la mondialisation, une étape pour conduire à une
libéralisation multilatérale et une garantie contre le risque de marginalisation. En ce sens,
la constitution de zones intégrées peut favoriser le consensus
nécessaire au
multilatéralisme dont les accords régionaux sont souvent des préalables.
Par ailleurs, on peut aussi comprendre le mouvement d’intégration régionale
comme fondement d’un multilatéralisme coopératif en tant que réponse à un
multilatéralisme universel et asymétrique. Les arrangements régionaux réduisent les coûts
de transaction, favorisent des stratégies coopératives et réduisent les incertitudes en étant
stabilisateurs et en permettant des anticipations des agents.
En effet, on a observé, dans le contexte de mondialisation et de régionalisation
autour des trois grands blocs de la Triade, une évolution du processus d’intégration. Les
relations Sud/Sud tendent à céder la place à des accords Nord/Sud. Les constructions
régionales volontaristes visant à une déconnexion vis-à-vis du marche mondial font
place à des accords de libre-echange. L’espace regional est une des échelles de régulation
de l’économie mondiale .
On a ainsi noté au cours de la décennie 90 une explosion des accords de libreéchange et des accords d’intégration régionale signifiées à l’Organisation Mondiale du
Commerce alors que le nombre d’unions douanières a relativement moins augmenté.
Tableau No. I. Les tarifs douaniers et leur situation après les négociations
d’Uruguay dans certains pays ou groupe de pays (%)
Catégories de
Union Européenne
Etats-Unis
Pays Pauvres
produits
Tarifs
Réduction
Tarifs
Réduction
Tarifs
Réduction
douaniers
douaniers
douaniers
15.5
-5.9
10.8
-1.5
17.4
-43.0
Agriculture
Textiles
8.7
-2.0
14.8
-2.0
21.2
-8.5
Métaux
1.0
-3.9
1.1
-3.8
10.8
-9.5
Produits
Chimiques
3.8
-3.3
2.5
-4.9
12.4
-9.7
Source : Rapport Mondial sur le Développement Humain, 2003
318
Ta
do
26
8.4
0.9
2.2
Face à cet environnement, la région Caraïbe a tenté de renforcer son processus
d’intégration comme réponse à la globalisation. Effectivement durant les années 90, le
régime commercial de la Caraïbe a subi d’importants changements traduisant un desir
de réaliser un passage des politiques tournées vers l’interieur à une politique de
régionalisme ouvert (CEPAL 2003). Cela a signifié non seulement une diversification des
liens commerciaux avec des partenaires extra régionaux mais aussi et de manière plus
importante un approfondissement et un perfectionnement des régimes et institutions
actuels d’intégration.
Parallèlement à d’autres accords régionaux qui ont proliféré dans les années 90,
la réponse caraïbéenne avait pour but de garantir et de protéger l’accès régional aux
marchés face au processus de globalisation qui, en principe, était supposé fournir un
accès égal au marché à tous. La sous-région a donc mis en place des mécanismes pour
renforcer l’integration du groupe de la CARICOM.
Klark (1998) présente un point de vue critique des impacts du processus de
globalisation dans la Caraïbe à partir d’un ensemble de thèses dont les principales
peuvent s’énoncer ainsi :
1) Les caraïbéens sont peut être le peuple le plus globalisé des régions mondiales.
Depuis la fin du XVème siècle, la Caraïbe a été contrôlée par des pouvoirs extérieurs
basée économiquement sur de la main d’oeuvre importée pour produire de la
monoculture, la banane et surtout le sucre exporté pour être raffiné en Europe, et
important tout pour la survie des populations locales.
2) Les bénéfices de la globalisation sont concentrés dans les pays industrialisés tandis
que les pays en retard constituent la vaste majorité du monde incluant la Caraïbe. Les
sacrifices faits sous l’impulsion des programmes néolibéraux du FMI et de la Banque
Mondiale ont eu peu de gains économiques.
3) Contrairement à ce qu’écrivent les écrivains de la globalisation,les relations centrepériphérie restent très significatives pour comprendre la Caraïbe malgré le fait que,.
depuis les années 80, la plupart des intellectuels de la Caraïbe admettent de moins en
moins une affinité intellectuelle résiduelle avec la théorie de la dépendance et les
relations centre-périphérie. L’écart s’accroit entre le centre et la périphérie.
4) L’enthousiasme pour les niches d’exportation rendues disponibles par la globalisation
et le néoliberalisme devrait être tempéré. Pour des régions phéripheriques comme la
Caraïbe, les niches de marché sont étroites, hautement compétitives et remplies
d’obstacles. Elles sont largement caractérisées par la vente de produits et de
services non –traditionnels (fruits, bananes, fleurs, produits électroniques,
tourisme.. ) à des consommateurs riches de l’occident. Ces niches ont une
ressemblance structurelle aux cultures d’exportations permises aux Afro-Caraïbeens
sous le colonialisme.
5) Les influences culturelles et médiatiques ne reflètent pas un équilibre entre le centre
et la périphérie. Malgré l’influence du reggae jamaïcain, il faut aussi reconnaître que
le zouk antillais, le compas direct haïtien et la merengue dominicaine n’arrivent pas à
percer tout l’espace des grandes capitales des pays riches. Inversement dans les pays
319
caraïbéens, la télévision américaine est la plus regardée suivie de la télévision
française pour les antilles françaises et Haïti.
6) Les tendances vers la globalisation économique et le néo-libéralisme dans la Caraïbe
ont été accompagnées paradoxalement par la marginalisation économique et politique
de la région. Contrairement à la notion universelle du village global, la Caraïbe peut
être dépeinte comme une région qui est devenue de plus en plus non significative en
termes économiques et géopolitiques. L’échelle massive de l’émigration
contemporaine et les transferts sont le résultat de la marginalisation croissante et du
pessimisme en regard des perspectives économiques dans la région.
II. Les tendances récentes de l’économie Haïtienne : une économie de plus en plus
ouverte mais de plus en plus informelle, avec un faible niveau de développement
humain et prise dans une trappe de pauvreté
II.1- Les caractéristiques macroéconomiques
Haïti est le seul PMA de l’Amérique Latine. Avec ses 8,1 millions d’habitants,
elle a une densité moyenne de quelque 292 habitants au km². L’espérance de vie à la
naissance est de 56,3 ans. Sa croissance démographique est estimée à environ 2,08 % par
an et son PIB par habitant à 480 dollars US pour l’année 2001. Le PIB par habitant n’a
pas augmenté en termes réels par rapport aux années 70 et, de plus, est en baisse quasi
continue depuis le début des années 80.
Dans ce contexte, la croissance démographique accentue à la fois la pression sur
les ressources naturelles ainsi que les tendances à la migration. Les ressources forestières
sont, à toutes fins pratiques, épuisées. Le déboisement et la mise en culture de terres de
moins en moins propices à l’agriculture, dans un pays où les superficies cultivables sont
limitées au tiers de la superficie totale, ont pour corollaire la dégradation de
l’environnement dont le symptôme le plus évident, l’érosion, est en progression continue
et menace de plus en plus les ressources en eau et la productivité des zones de plaines.
La migration rurale vers les villes, ainsi que des haïtiens vers l’étranger, est
relativement importante. Le taux d’urbanisation est passé de 21,7 % en 1975 à environ 35
% en 2000. La population de Port-au-Prince, la capitale, qui était estimée à moins d’un
million d’habitants en 1982, est passée à plus de deux millions au début du XXI ème
siècle. En 1999, plus de 1,5 millions d’haïtiens vivaient en dehors du pays,
principalement en République Dominicaine et aux Etats-Unis d’Amérique. Les transferts
d’argent des émigrés estimés à un peu plus de 800 millions de dollars US constituent un
apport indispensable à la survie de nombreuses familles ainsi qu’à l’équilibre de la
balance des paiements.
La dette externe n’a pas beaucoup progressé. Elle est passée actuellement à 1 248
millions de dollars américains après avoir longtemps stagné à 1 milliard de dollars. Les
avoirs extérieurs nets en devises de la Banque de la République d’Haïti se sont détériorés
passant de 103 millions de dollars en octobre 2002 à 45,53 millions en octobre 2003.
320
Haïti fait face à un phénomène récurrent de déficit budgétaire. Les raisons de la
persistance de ce déficit sont multiples, mais on note en particulier les faiblesses
structurelles de production et le faible taux de recouvrement fiscal, le poids des salaires
dans la structure du budget de fonctionnement et les difficultés récentes de financement
par la coopération internationale depuis les élections contestées de 2000. L’ouverture du
pays aux transactions internationales, la contrebande et la corruption ont donné la
prééminence aux recettes internes, lesquelles dépendent largement des conditions
dégradées de l’emploi et des activités économiques.
Le pays s’est engagé depuis les années 80 dans une politique d’ouverture dans le
cadre de différents programmes d’ajustement structurel (1986-1989,1996-1999) mais les
problèmes de gestion macroéconomique et d’instabilité politique n’ont pas permis de tirer
les conséquences positives attendues de ces politiques et stratégies sur la capacité
productive de l’économie.
Tableau No.2. Tableau Comparatif des Taux Moyens de Taxation des Tarifs Douaniers à
l’Importation Groupés selon la Classification Type pour le Commerce International
(CTC)
Février 1987 & Avril 1995
Sections
C.T.C.I
0
1
2
3
4
5
6
7
8
Groupe de Produits
Produits Alimentaires
Boissons & Tabacs
Matières premières autres
que les combustibles
minéraux
Combustibles minéraux,
Lubrifiants & Produits
assimilés
Huiles & Graisses
d’origine
Animale ou végétale
Produits Chimiques
Articles Manufacturés
classés par matière
Machines & Matériels de
Transport
Articles Manufacturés
Taux de
Taxation
Tarifs de 1987
24
29
321
Taux moyen de
Taxation/Tarifs Variation
d’Avril 1995
8
-66.67
10
-65.52
17
10
-41.18
22
6
-72.73
14
1
-92.86
17
18
6
9
-64.70
-50.00
12
15
25.00
22
7
-68.18
divers
9
Articles faisant l’objet de
transactions diverses
Total
Source :Tarifs Douaniers 1987 & 1995, Haïti
16
9
-43.75
19
8
-97.89
De plus, l’ampleur et la rapidité de la mise en application des mesures de
libéralisation de 1995-1996334 ont eu une influence nocive sur la production nationale et
les industries d’exportation surtout dans le secteur agricole qui étaient incapables de
bénéficier des opportunités créées par cette libéralisation.
La libéralisation des marchés agricoles a aggravé le problème de la
commercialisation des produits locaux au niveau interne et n’a pas permis de garantir un
prix rémunérateur à l’effort du paysan. De plus, la baisse du pouvoir d’achat de la
population agricole, suite à une dégradation des termes de l’échange ville-campagne, a
engendré un mouvement migratoire de plus en plus important en direction des villes et
plus particulièrement de Port-au-Prince, ce qui a donné lieu à une nette informalisation
de l’économie.
En ce qui concerne le secteur industriel, la libéralisation du commerce extérieur a
révélé la faible compétitivité des entreprises industrielles haïtiennes face aux produits
importés. Le poids du secteur secondaire dans le PIB est passé de 14,66% en 1997 à
seulement 15,32% en 2001,
avec une nette prépondérance des industries
manufacturières. Les exportations d’articles manufacturés sont passées de 25,41 % en
1997 à 32,08 % des exportations totales en 2001.
D’un autre côté, si on calcule la mesure de l’intensité du commerce comme
indicateur d’ouverture, le ratio y relatif qui était de 36. % en 1997 a atteint 48.% en
2001et 63 % en 2003 avec, en parallèle, un taux de couverture des importations par les
exportations de 39.53 % en 1997, 34.20 % en 2001 et 34.73 en 2003. Durant cette
période, le taux d’exportations reste relativement faible et le taux d’importations affiche
une nette tendance à la hausse, 26 % en 1997, 29 % en 1999, 33.00 % en 2001 335 et 47
% en 2003.
Tableau No III.
pourcentage)
Années
Exp.(X)
Intensité du commerce d’Haïti (en millions de gourdes et en
Imp.(M)
PIB(Y)
X/Y
M/Y
X+M/Y
334
Il s’agissait de lever les contraintes à l’expansion du commerce extérieur, plus particulièrement d’éliminer les mesures nontarifaires, d’éliminer les taxes sur les exportations ainsi que les licences d’importation. La réforme tarifaire s’est orientée vers la
simplification du système et une baisse du niveau des taux. Le tarif douanier qui, en 1989 incluait 1562 positions tarifaires et 13 taux
variant entre 0 et 57.8 % fut simplifié à 4 taux : 15, 10, 5, 0 %. Des mesures de facilitation en douane ont été envisagées pour
simplifier et améliorer les procédures de dédouanement.
335
Ces informations confirment, d’une part, la nette tendance à l’ouverture de l’économie haïtienne mais traduisent, d’autre part,
l’incapacité de cette économie à augmenter et à diversifier ses exportations. Elles révèlent aussi sa forte dépendance vis-à-vis d’un
seul partenaire commercial, les Etats-Unis.
322
1990
1,781
3,769
1991
1,864
5,332
1992
1,587,
5,167
1993
2,513
8,780
1994
2,052
7,898
1995
3,720
11,695
1996
5,284
13,479
1997
5,646
14,280
1998
6,237
16,770
1999
8,482
20,568
2000
9,849
25,923
2001
10,594
30,973
2002
11,403
33,363
2003
19,389
55,815
Source : Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique
13,681
18,077
20,696
23,162
31,959
40,729
46,647
54,005
62,997
69,254
77,580
85,700
93,840
118,869
0.13
0.35
0.07
0.11
0.06
0.09
0.11
0.10
0.10
0.12
0.12
0.12
0.12
0.16
0.27
0.29
0.24
0.38
0.24
0.28
0.28
0.26
0.26
0.29
0.33
0.33
0.35
0.47
0.40
0.39
0.32
0.48
0.31
0.37
0.40
0.36
0.36
0.42
0.46
0.48
0.47
0.63
Il faut aussi admettre qu’au cours de ces vingt dernières années, les
gouvernements haïtiens ont été incapables de créer, de manière durable, l’environnement
socio-politique et macroéconomique devant sous-tendre la mise en oeuvre effective des
programmes d’ajustement structurel dans des conditions qui pourraient permettre
d’arriver à une réduction de la pauvreté tant urbaine que rurale. Egalement, il ne leur a
pas été possible pour les mêmes raisons d’augmenter le niveau de l’emploi soit à partir
du tourisme, de l’artisanat lié au tourisme et à l’exportation, des industries à haute
intensité de main-d’oeuvre tournées vers l’exportation.
Il en est résulté malheureusement, dans cet environnement d’instabilité sociopolitico-économique une diminution du niveau de vie de la population, une aggravation
de la situation de pauvreté et une informalisation de l’économie..
Charmes (2000) en utilisant les résultats de l’enquête Budget–Consommation de
1999-2000 trouve que, dans son ensemble, le secteur informel représente 92.6% de la
population active occupée non agricole et 51.4% de la population active occupée.
Tableau IV: Les grandes composantes de l’emploi en Haïti en 1999
Effectifs
%
Agriculture
1.239.954
44.5
Secteur informel
1.438.002
51.4
Secteur formel – administration
36.300
1.3
Secteur formel – privé
78.240
2.8
Ensemble population active occupée
2.787.096
SECTEUR INFORMEL EN % DE LA POPULATION OCCUPÉE
NON AGRICOLE
Source : Charmes ( 2000 )
100.0
92.6
Roitman avait trouvé que en 1988, le secteur informel représentait 80.5 % de la
population active occupée non-agricole, ce qui montre qu’entretemps la situation s’est
dégradée.
323
II.2 - Les caractéristiques territoriales
Les statistiques récentes (FAFO, 2003) montrent à nouveau que la pauvreté est
répartie de manière inégale sur le territoire haïtien. L’aire métropolitaine connaît une
incidence de la pauvreté extrême de 20 %, nettement inférieur au niveau qu’on trouve en
milieu rural (59 %) et en milieu urbain hors Port-au-prince (50 %). La grande majorité
de la population rurale (82 %) tombe en dessous de la ligne de 2 $ US par jour, comparé
seulement à 41 % de la population en aire métropolitaine.
Tableau NoV.
Aire
métropoLitaine
Autre milieu
urbain
Milieu rural
Total Haïti
Pauvreté par milieu de résidence
Incidence de
la pauvreté
extrême
(%)
Incidence de
la pauvreté
(%)
Contribution à la
pauvreté
extrême
(%)
Ratio
d‘écart
revenu
20
41
9
0.45
0.09
1 847 302
1 006
50
59
55
69
82
76
14
77
100
0.58
0.56
0.56
0.29
0.33
0.31
1 118 758
5 136 695
8 102 754
1 182
4 998
7 186
de
Profondeur
de
la
pauvreté
Wn
Source : FAFO ( 2003)
Il faut noter que les autres milieux urbains enregistrent des taux de pauvreté et de
pauvreté extrême plus proches de ceux du milieu rural que de ceux de l’aire
métropolitaine. Comme la majorité vit en milieu rural, ceci implique que la pauvreté en
Haïti se trouve surtout dans le milieu rural. En effet, plus des trois quarts des
extrêmement pauvres (77 %) se trouvent en milieu rural, ce qui implique qu’il est
nécessaire de cibler la population rurale dans toute politique visant à réduire la pauvreté.
Par contre seulement 9 % des extrêmement pauvres vivent en aire métropolitaine et 14 %
vivent en autre milieu urbain.
Globalement, la décennie 90 consacre une chute de la production nationale et un
renforcement de la tendance à la paupérisation. On doit donc constater que les décennies
80 et 90 ont été des décennies perdues pour le développement
324
Uwn
Dans ces conditions, on peut s’expliquer la détérioration du niveau de vie de la
population haïtienne et aussi le fait qu’Haïti continue de faire partie des pays à
faible niveau de développement humain ( IDH< 0.500)336.
III - Haïti et l’intégration économique régionale
Dans cette section, nous considérons la participation d’Haïti à la CARICOM et à
la ZLEA
III.1 - L’intégration d’Haïti à la CARICOM337
Le 7 juillet 1999, la Conférence des Chefs d’état et de Gouvernement de la
CARICOM a admis Haïti comme quinzième Etat-Membre de la Communauté de la
Caraïbe, impliquant pour le pays une série d’avantages à caractère politique,
économique et social et un ensemble d’obligations dans le cadre régional.
Au terme des négociations, les deux parties se sont entendues sur ;
1) l’octroi à Haïti du statut de Pays Moins Développé ( PMD ) pour une période de
10 ans.
2) l’acceptation de la liste haïtienne de suspensions tarifaires portant sur environ 500
produits pour une période de 5 ans avec possibilité de renouvellement.
3) l’octroi par la CARICOM d’une assistance pour la formation en langue anglaise.
4) l’application du régime d’exemption pour les produits alimentaires reçus en dons
Par contre, les deux parties n’ont pas pu statuer sur la requête haïtienne quant à
l’octroi d’une dérogation au régime de libre-échange intra – CARICOM ;
III.1.1 - Les avantages
L’intégration d’Haïti à la CARICOM représente une rupture avec la tradition
d’isolement qui a caractérisé le pays pendant plus de deux décennies. Elle intervient au
moment de la constitution de blocs économiques qui coexistent avec le système
336
On peut également se rendre compte de la gravité de la situation socio-économique en Haïti en comparant l’évolution de la
croissance économique et de l’indice de développement humain entre Haïti et la République Dominicaine, deux pays qui se partagent
la même île. Les deux pays avaient en 1960 le même PIB per capita de 386 dollars U.S et un IDH de 0.174 pour Haïti et de 0.385
pour la République Dominicaine.Le PIB per capita est passé à 839 dollars US en 1994 et a atteint 7020 dollars U.S en termes de
parité du pouvoir d’achat en 2001 pour la République Domincaine alors que pour Haïti, il a régressé à 226 dollars US en 1994 et a
atteint 1860 dollars U.S en termes de parité du pouvoir d’achat en 2001, soit presqu’un rapport de 1 à 4 en faveur de la République
Dominicaine. L’IDH était de 0.718 en 1994 et de 0.737 en République Dominicaine en 2001 alors que pour Haïti, il a été de 0.338
en 1994 et de 0.467 en 2001.
337
La Communauté de la Caraïbe, plus connue sous la dénomination anglaise CARICOM, ( Caribbean Community and
Common Markets ), a été créée en juillet 1973 par le Traité de Chaguaramas.. Elle regroupe 14 Etats-Membres qui sont
dans la totalité d’anciennes colonies anglaises. Cette entité représente le point culminant du mouvement d’intégration
économique de la région Caraïbe qui a débuté par la création en 1958, de la Fédération des Indes Occidentales et, en 1965,
par l’établissement de l’Association Caraïbéenne de Libre-Echange ( CARIFTA ).
325
commercial multilatéral géré par l’OMC.Elle constitue un avantage majeur pour le pays
qui pourra désormais mieux se positionner dans les négociations réalisées dans le cadre
de l’OMC, de post-Lomé, de la ZLEA.
Selon le Bureau de Coordination et de
Suivi des Accords
CARICOM/OMC/ZLEA (2001),sur le plan économique, l’intégration permettra à Haïti
d’exploiter les débouchés potentiels induits par le processus de libéralisation des
échanges intra – CARICOM. Du fait des dispositions relatives aux règles d’origine et de
l’absence de droits de douane et de mesures restrictives à l’importation, les producteurs
exportateurs haïtiens auront la possibilité d’accroître leur présence sur le marché des
autres Etats - Membres. Mais il s’avèrera impératif pour ces opérateurs économiques de
procéder aux ajustements
de structures nécessaires à l’amélioration de leur
compétitivité, de transformer leur organisation encore axée sur le marché haïtien, d’avoir
une meilleure connaissance des mécanismes de commercialisation de la CARICOM et
de moderniser leurs techniques de production et leurs modes de gestion.
A court terme, l’artisanat, le café, la mangue, le rhum, les produits artistiques et
musicaux représentent les créneaux potentiels qui pourront mieux tirer profit des
opportunités commerciales offertes par la Communauté de la Caraïbe.
La libre circulation pronée par le Protocole II pourra, dans certaines conditions,
induire des flux d’investissements directs qui favoriseront le développement des secteurs
agricole et de services. Les investisseurs haïtiens pourront alors mettre à profit l’expertise
de leurs homologues de la région.
Si des ajustements de structure s’avèrent nécessaire pour les secteurs nationaux
de production, il est aussi impératif pour le secteur public d’oeuvrer afin de permettre à
Haïti de réussir son intégration définitive à la CARICOM et de faire face à ses
obligations.
A cet effet, il devra entreprendre certaines actions visant entre autres :
1) la création d’un climat favorable à l’investissement
2) le renforcement des institutions publiques, en particulier, celles impliquées dans
la gestion des volets du dossier CARICOM nécessitant un degré de priorité
3) l’allocation des ressources financières orientées vers l’amélioration des
infrastructures ( électricité, routes, eaux, ports télécommunications, …)
4) l’harmonisation des politiques tenant compte de la mise en place progressive du
Marché et de l’Economie Uniques. Il s’agit notamment des politiques
économiques, commerciales, étrangères, fiscales et monétaires.
5) l’intégration du système financier haïtien à celui de la région.
6) l’articulation de politiques orientées vers le développement et l’accroissement de
l’offre exportable de biens et de services, l’augmentation de flux
d’investissements directs, en particulier ceux tournés vers l’exportation, et la
captation à moyen terme, de flux d’investissements de portefeuille.
7) l’adaptation de la législation haïtienne à celles en vigueur dans la CARICOM
8) la participation régulière aux réunions qui se tiennent dans les différents organes
et institutions de la CARICOM.
326
III.1-2 Les obstacles à l’exportation vers la CARICOM
Le Marché Commun de la Caraïbe prône le Libre-Echange des marchandises
entre les Etats Membres.En d’autres termes, aucun droit de douane ne serait appliqué sur
les produits originaires de la région. Par contre, il existe encore des mesures de taxation
intérieure au niveau de certains Etats Membres représentés par des surcharges
commerciales et certaines barrières tarifaires..
Dans l’immédiat, Haïti se trouve pénalisée avec la structure de ses tarifs qui sont
très faibles globalement par rapport aux tarifs en vigueur dans la CARICOM.
Tableau No. VI - Comparaison des tarifs douaniers à l’importation en Haïti
avec ceux du CARICOM(1998) (en %)
Produits
Haïti
CARICOM
(Tarifs extérieurs communs)
Riz
Farine
Sucre
Maïs
Banane
Sorgho
Pois(haricot)
Viande de porc
Viande de poulet
Lait
Œuf
3
0
3
15
0
0
5
5
5
0
0
40
5
25
40
30
40
30-35
5
40
30-35
40
Source : Tarifs Douaniers 1987 & 1995, Haïti
Cependant, l’évolution au sein du marché communautaire tendrait vers une
annulation progressive de ces différentes mesures.
Toutefois, le statut de PMD dont bénéficient les entreprises haïtiennes dans la
CARICOM doit être mis à profit par le secteur privé pour pénétrer ce marché et faire les
ajustements requis au niveau du système productif national . Dans cette perspective, le
secteur public a une importante partition à jouer notamment dans :
1) l’initiation d’une réflexion approfondie sur les priorités commerciales du pays
pouvant faire converger les efforts publics et privés vers des objectifs
susceptibles de structurer, d’adapter et de moderniser l’économie nationale
327
2) la conception et la mise en œuvre d’une politique commerciale et industrielle
adaptée au contexte évolutif de l’environnement régional et international
3) le développement et le renforcement des capacités de contrôle sanitaire des
produits et la protection des consommateurs ainsi que l’obtention de
l’homologation internationale des certifications de qualité et des standards pour
les produits fabriqués en Haïti.
4) L’intégration régionale qui entrainera de fait certaines restructurations sectorielles
5) Le renforcement ou la mise en application des structures de facilitation d’affaires,
le développement d’une structure de prospection permanente d’opportunités pour
les entreprises haïtiennes capable de lui fournir les informations sur le commerce
extérieur, en particulier sur la CARICOM.
6) L’amélioration des infrastructutres concourant à l’accroissement de la
productivité et de la compétitivité des entreprises haïtiennes par la réduction des
coùts et des aléas
7) L’adaptation des systèmes de formation technique et professionnelle, l’incitation
au développement d’une offre locale de main-d’œuvre adaptée et de services aux
entreprises
8) L’adoption ou l’adaptation des législations qui rapprochent les conditions
d’opérations des entreprises installées en Haïti à celles des autres Etats Membres
de la Caraïbe.
Toutefois des réserves peuvent être émises sur les conditions de cette
participation et sur des incidences connexes ( CLED,2001). D’abord, ce dossier
d’intégration n’a pas été largement débattu au sein de la société civile et du secteur des
affaires. Ensuite, les différences de niveau socio-économiques entre les deux parties
pourraient etre un obstacle pour les objectifs communautaires de créer une Communauté
économique. De plus, le commerce intra-régional est très faible et les échanges entre les
pays de la CARICOM et Haïti sont très limités, ce qui peut permettre de revenir toujours
sur un questionnement de l’opportunité pour Haïti de rejoindre le Marché Commun
Caraïbéen. En outre, il faut craindre que l’adhésion telle que négociée n’enlève à Haïti
la possibilité de négocier un accord commercial avec la République Dominicaine puisque
en tant que Membre de la CARICOM, Haïti admet automatiquement l’accord de Libre
Echange CARICOM-République Dominicaine alors que vu la complexité des relations
historiques entre les deux pays, Haïti devrait pouvoir négocier un accord particulier avec
son voisin
( Lafontant 2001).
III. 2 -
De la Zone Américaine de Libre- Echange (ZLEA )
Pour les adversaires de la ZLEA, l’objectif de ce Marché est essentiellement de
renforcer le pouvoir des Etats-Unis et celui des grandes firmes des pays riches sur le
marché et les ressources de la zone. C’est une option qui privilégie les questions de
commerce et d’investissement mais qui ne propose pas un pacte social pour le
développement de l’Amérique. Plus spécifiquement pour Haïti, il y a un risque
d’accélération de la dégradation de l’environnement et de destruction des petites et
moyennes entreprises avec l’entrée en scène de multinationales américaines spécialisées,
328
le risque de dégradation des conditions des classes laborieuses et de destruction de la
notion de services publics. ( Charlmers, 2001). La ZLEA risque également d’augmenter
les inégalités, d’accroitre la pauvreté, et risque de saboter le processus démocratique en
accélérant le processus de perte de légitimité des états et en créant ainsi de nouveaux
problèmes de gouvernance.
Cependant, il faut bien reconnaître que l’objectif des Etats-Unis d’Amérique est
de libéraliser davantage les économies continentales ou des marchés sont encore
protégés. Les exportations des USA vers l’Amérique Latine ont plus que triplé de 1990 à
2000.
Cependant cette réalité favorable aux Amériques peut aussi l’être pour l’ensemble de la
région à moyen et à long terme Pour les petits pays de la zone, l’objectif principal est
justement de garantir l’accès à long terme au marché nord- américain et de favoriser les
investissements étrangers.
Dans le contexte de la ZLEA, le niveau de développement différent des pays
participant représente un élément fondamental. A cet effet, il faut mentionner que la
CARICOM a accordé une importance capitale à la question des économies de petite taille
en raison notamment de l’implication de huit de ses Etats Membres dans le Traité de
Chaguaramas et de son Annexe établissant le Marché Commun de la Caraibe. Elle
soutient toute approche visant à octroyer un traitement particulier au niveau des domaines
négociés dans le cadre du processus de la ZLEA.
Ainsi Haïti doit impérativement se positionner dans les discussions qui se
déroulent sur tous les aspects de la ZLEA, en particulier au niveau du Groupe Consultatif
sur les Economies de Petite Taille.
Pour le Bureau de Coordination et de Suivi CARICOM/OMC/ZLEA, Haïti doit
plaider en faveur d’un traitement spécial axé sur les éléments suivants :
1) octroi d’une période de dix ans pour la mise en œuvre de l’Accord ou des
Accords de la ZLEA. Cette période probatoire lui permettra de procéder aux
ajustements de structure nécessaire à cette mise en œuvre.
2) recherche d’une assistance technique capable de prendre en considération les
besoins d’Haïti dans tous les domaines des négociations de la ZLEA :
développement des ressources humaines, réforme institutionnelle, technologie de
l’information et de la communication, études d’impact sur l’économie Haïtienne )
3) incorporation dans les accords définitifs de la ZLEA visant les domaines négociés
de dispositions spécifiques qui tiennent compte des besoins particuliers d’Haïti en
matière de finances et de commerce
Pour Tardieu ( 2001 ), Haïti peut tirer certains avantages à moyen et long terme
de la ZLEA, à savoir :
1) La participation d’Haïti dans ce marché favorisera une harmonisation des
pratiques politiques et des stratégies économiques du pays à celles existant dans la
région.
329
2) L’évolution continue de l’environnement hémisphérique et le besoin de
considérer de plus grands efforts de réformes et d’harmonisation peuvent aussi
influencer positivement la nature, la portée et la direction des actions
gouvernementales haïtiennes durant les décennies à venir et activer ou faciliter les
prises de décision importantes qui tarderaient à se matérialiser en fonction du cout
politique trop important.
3) Des transferts de production peuvent s’opérer au profit d’Haïti dans le cadre de la
délocalisation de certaines activités à cout élevé vers des pays à plus faibles
salaires mais pour des produits spécifiques ( fruits, fleurs, artisanat, industrie
légère. .)
4) L’attraction d’investissements étrangers à travers des incitations et cela suite aussi
à la mise en place d’infrastructures sur la base de conditions intéressantes de
financement des investissements.
Nous pouvons donc conclure que dans les deux axes de l’intégration régionale
pour Haïti, à savoir la CARICOM et la ZLEA, la question de la compétitivité industrielle
demeure une question prioritaire à laquelle des solutions durables doivent être trouvées
tant de la part du secteur public que du secteur privé.
IV - Les échanges commerciaux et le développement humain.
Dans cette section, nous traitons brièvement des liens entre le commerce, la croissance et
le développement ainsi que des implications pour les pays pauvres à travers la déclaration
du millénaire.
IV.1 - Bref rappel sur les
développement humain
liens entre le commerce,
la croissance et le
Soulignons d’abord que l’existence d’un effet favorable de l’ouverture sur la
croissance est reconnue depuis longtemps ( Balassa, 1961), mais qu’il faudra attendre
l’avènement des nouvelles théories de la croissance au milieu des années 80 pour une
formalisation des fondements microéconomiques de l’hypothèse d’un impact permanent
de l’ouverture sur la croissance. Les travaux de synthèse de Krueger (1997 ) et de
Edwards ( 1998) ont mis l’emphase sur l’accumulation de l’évidence d’une corrélation
positive entre la croissance des exportations et la croissance du PIB.
Toutefois, d’autres économistes doutent de cette évidence et pensent qu’il y a
des cas où il y a une corrélation positive, des cas où il y a une corrélation négative et des
cas où il n’y a pas de corrélation (Greenaway 1993, Rodriguez et Rodrik, 1999)
En outre, la libéralisation commerciale peut aussi accroître la vulnérabilité des
pays en développement ( Guillaumont 2001) et elle est aussi susceptible d’abaisser les
recettes fiscales et d’accroître les dépenses liées aux coûts d’ajustement sociaux
(Baudassé et Montalieu 2001).
Selon Malhotra ( 2001 ), le commerce peut générer des gains statiques
significatifs de bien-être en augmentant l’efficience d’allocation, en élevant l’utilisation
330
des capacités, en permettant d’obtenir des capacités d’échelle dans la production et en
rendant une plus grande quantité de biens disponibles pour la consommation.
Toutefois, aucun de ces bénéfices n’est garanti et, le commerce peut imposer des
coûts d’ajustement pour certains segments de la population et, dans certains cas, pour
l’économie globalement. Le commerce a aussi des effets dynamiques.La façon dont le
commerce affecte la croissance économique et, par la suite, le dévelopement humain est
plus difficile à établir.
La croissance peut contribuer au développement humain de deux façons : 1)la
croissance de l’emploi élève le revenu des ménages et ce revenu additionnel peut être
utilisé pour améliorer la nutrition, l’éducation des enfants, ce qui renforce les capacités
des gens ; 2)la croissance augmente les revenus des gouvernements, ce qui peut leur
permettre de réduire les inégalités de revenu et d’investir davantage dans la santé et
l’éducation.
Mais le niveau de développement humain influence aussi les résultats de
commerce :1)les pays pauvres, avec un faible niveau d’éducation, des infrastructures
insuffisantes et d’autres contraintes d’offre peuvent avoir une capacité limitée à
bénéficier du commerce
2) Il faut aussi ajouter que les pays qui investissent dans les capacités peuvent s’engager
dans la production et le commerce, augmentant ainsi leur productivité et générant de ce
fait un cercle vertueux du développement humain et du commerce.
IV.2 - La Déclaration du Millénaire et ses implications pour les pays pauvres
Il faut rappeler que ce nouveau siècle s’est ouvert par une délaration de solidarité
dans précédent, affirmant la volonté de débarrasser la planète de la pauvreté. En 2000,
par la Déclaration du Millénaire aoptée aux Nations-Unies lors de la plus grande réunion
des chefs d’Etat et de Gouvernement jamais convoquée, les pays riches et pauvres se
sont engagés à faire de leur mieux pour éradiquer la pauvreté, défendre la dignité
humaine et l’égalité et parvenir à la paix, à la démocratie et à assurer la durabilité des
ressources environnementales. Les dirigeants mondiaux ont promis de s’allier pour
remplir des objectifs concrets de nature à faire avancer le développement et à réduire la
pauvreté au plus tard en 2015.
Pour le Pacte du Millénaire pour le Développement, les pays les plus pauvres ont
besoin d’injections significatives de capitaux extérieurs pour parvenir aux niveaux
minima de développement humain. Mais il ne s’agit pas pour autant de demander un
financement illimité aux pays riches. Les pays pauvres doivent mobiliser leurs ressources
intérieures et renforcer leurs politiques et leurs institutions, combattre la corruption et
améliorer la gouvernance, autant d’étapes essentielles sur la voie du développement
durable.
Il existe un large consensus sur la nécessité d’un cadre unique pour la
coordination des efforts de développement reposant sur les stratégies de développement
331
et les programmes d’investissement publics élaborés par chaque pays. Pour les pays à
bas revenu, ce cadre est fourni par les documents de stratégie de réduction de la pauvreté
( DSRP), déjà adoptés dans une vingtaine de pays et en cours de rédaction dans une
vingtaine d’autres. En reprenant de manière plus systématique le défi des Objectifs du
Millénaire pour le développement, ces documents doivent commencer par s’interroger
sur les conditions nécessaires à leur réalisation, et à évaluer les moyens qu’il reste à
trouver et les réformes encore à mettre en oeuvre.
L’élaboration du DSRP, qui remplace l’ancien Document de Politique
Economique présenté jusqu’ici par les Etats, constitue un pari sur la capacité de gestion
locale et participative de la réduction de la pauvreté.En effet, la nouvelle stratégie insiste
sur le fait qu’une réduction de la pauvreté ne peut être réalisée de l’extérieur, car elle doit
tenir compte des valeurs, des contraintes économiques spécifiques et des structures
sociales du pays. La stratégie doit être définie dans ses objectifs comme dans ses moyens
par les nationaux. Plus précisément, elle doit être défnie par les différents groupes
sociaux et faire entendre en priorité la voix des pauvres. Ce n’est pas seulement la
définition de la stratégie mais aussi le processus de mise en oeuvre et de contrôle qui doit
être démocratique ( Jean Coussy, 2002 ). Pour Booth et Lucas ( 2002), ce Document338
doit être élaboré au cours d’un processus de négociation nationale sur les objectifs et les
moyens, et les relations entre les objectifs et les moyens devraient être considérées
comme des relations politiques et non plus comme des relations techniques.
V - Défis et perspectives pour Haïti.
Les défis majeurs pour Haïti s’identifient non seulement en termes de
convergence macroéconomique à moyen terme par rapport aux pays de la Caraïbe et à
long terme par rapport aux pays de la zone des amériques mais encore et surtout en
termes de développement humain339, Haïti étant le seul pays de la région avec un indice
de développement humain inférieur à 0.500.
En effet, Haïti fait partie des 59 pays absoluement prioritaires et prioritaires
( CNUCED, 2002 ) qui ont besoin d’un changement urgent par le fait qu’ils conjuguent
338
La structure –type d’un DSRP peut se résumer ainsi : a) un état des lieux ( contexte économique et social, rappel des politiques
passées et en cours, profil de la pauvreté..), b) la description du processus particpatif ( essentiellement les modalités d’organisation),
c) identification des objectifs et axes stratégiques pour réduire la pauvreté (cadre macroéconomique adéquat pour favoriser la
croissance, développement des services sociaux de base, acroissement des oopportunités d’emplois et de revenus des pauvres,
protection et sécurité des plus démunis, renforcement institutionnel et bonne gouvernance), d ) évaluation des couts et des allocations (
définition précise des acctions et des mesures envisagées accompagnées d’une évaluation des ressources nécessaires ), e) suivi et
évaluation ( définition d’un dispositif de suivi/évaluation adéquat) (Cling, Razafindrakoto et Roubaud, 2002 ).
339
Pour le PNUD, le développement humain concerne donc :
1)
l’élargissement des choix pour chaque être humain qui doit acquérir des capacités et les possibilités de les utiliser
2)
la participation des gens dans le processus qui façonne leur vie
3)
l’égalité des sexes
4)
la non-réduction des choix des générations futures par ceux des générations présentes pour s’assurer du processus
332
un développement humain faible et une progression insuffisante vers la réalisation des
objectifs.
Selon Malhotra ( 2003 ), malgré le fait qu’Haïti aît mis en place le programme
de libéralisation commerciale en 1995 et soit membre de l’OMC, le pays a fait peu de
progrès en termes d’intégration dans l’économie globale, ses exportations totales ayant
passé de 36 millions de dollars US en 1995 à respectivement 61,310,et 290 millions de
dollar US en 1997, 1999 et 2001.
L’analyse du tableau VII montre que les exportations de biens, de services et de
revenus sont beaucoup plus importantes dans les pays ayant un niveau de développement
humain élevé et également que la croissance de ces exportations est de loin beaucoup
moins élevée dans les pays à faible niveau de développement humain.
Tableau No. VII. Echanges : ceux qui tirent parti des opportunités… et les autres
Exportation de biens, de services et de revenus
(en milliards de dollars de 1995)
1990
Niveau de Développement Humain
Développement humain élevé (IDH>0.800)
3 959
Développement humain moyen (0.500<
IDH<0.799)
Développement humain
Faible (IDH<0.500)
780
41
Source : Rapport mondial sur le Développement Humain, 2003
Dans le cas d’Haïti, on peut voir clairement, à partir du tableau VIII ci-dessous
une nette décroissance des exportations à partir de 1998 et du PIB à partir de 1999, et
une croissance négative en 2001 et 2002. L’indice de développement humain qui était
de. 440 en 1998 a connu une légère hausse en 1999 à. 467, une stabilisation à cette
même valeur jusqu’en 2001, puis une baisse en 2002.
Tableau NoVIII . Croissance des exportations, Croissance du PIB et évolution de
l’IDH
Années
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Taux de croissance
des exportations
14.29
23.29
16.51
6.31
-2.17
-2.08
Taux de croissance IDH
du PIB
2.77
.430
2.18
.440
2.71
.467
0.87
.467
-1.04
.467
-0.55
.463
333
Source : Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique
On peut relier ces statistiques aux résultats d’autres travaux qui traduisent
l’ampleur du drame haïtien.Selon la FAFO, la pauvreté rurale représenterait les ¾ de la
pauvreté extrême du pays et la pauvreté urbaine en dehors de la zone métropolitaine
atteindrait 20.5% en 2000. Pour cette même année, les résultats de l’enquête budgetconsommation des méages (EBCMII) indiquent que plus de 31 % de la population
n’arrive pas à se procurer la ration calorique quotidienne nécessaire.
Ces chiffres traduisent non seulement l’importance des manques ou des déficits à
combler en termes de niveau d’instruction, d’alphabétisation des adultes et de faiblesse
du PIB per capita et de l’espérance de vie à la naissance, mais encore la non-existence
d’une correspondance positive entre la libéralisation commerciale, la croissance
économique et l’augmentation du niveau de développement humain en Haïti. La situation
aurait pu être plus catastrophique sans l’existence de mécanismes de solidarité tels l’aide
internationale et les transferts haïtiens de la diaspora qui ont joué un rôle majeur
d’amortisseur.
Cette situation permet de préciser deux points importants, à savoir :
1) le leadership en termes d’engagement dans le développement et le support
d’une stratégie cohérente de croissance ont plus de poids qu’un programme
de libéralisation commerciale en soi;
2) l’intégration dans l’économie mondiale est le résultat d’une stratégie réussie
de croissance mais non un pré-requis.
V. 1 - Les implications pour le secteur public
Il convient de souligner à cet effet que l’intégration d’Haïti dans la dynamique de
mondialisation ne doit pas déboucher sur une croissance économique en contradiction
avec la réduction de la pauvreté340. L’intégration dans l’économie mondiale doit être le
résultat d’une stratégie réussie de croissance mais non un pré-requis comme mentionné
plus haut. Pour cela, il doit être clair que la stratégie commerciale doit faire partie d’une
stratégie plus globale d’industrialisation et de développement.
L’application du principe de bonne gouvernance demeure un préalable
indispensable à l’appropriation du processus de gestion de l’aide et à l’augmentation des
volumes de l’aide.Le Rapport de Synthèse du cadre de Coopération Intérimaire (CCI,
340
Il faut aussi mentionner que la République d’Haïti semble vouloir honorer ses engagements relativement à l’élaboaration du
Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté. Cependant, on n’en est malheureusement qu’au début du processus et sur la base
des travaux en cours d’élaboration au sein du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, la version finale du DSRP
intérimaire prévue pour janvier 2004, sera retardée à cause des derniers troubles politiques de décembre 2003 à février 2004.
toutes
choses restant égales par ailleurs. On comprend donc que plus le temps passe, plus il deviendra difficile pour Haïti d’atteindre les
objectifs fixés pour 2015. Il faut bien saisir que c’est à travers ce DSRP qu’Haïti peut et doit présenter sa vision de lutte contre la
pauvreté en définissant d’une part les cibles à atteindre et les moyens à mobiliser et d’autre part le rôle des partenaires nationaux et
internationaux.
334
2004) relate que l’état des lieux en matière de gouvernance économique est accablant. Il
se caratérise par une pauvre coordination institutionnelle, par l’inefficacité et le manque
de transparence des finances publiques,
par l’absence d’un véritable plan
d’investissement public, par la faiblesse des institutions- clé de collecte des recettes de
l’Etat, par l’extension de la fraude et de la corruption, par la faiblesse des structures de
contrôe financier, par la gestion peu transparente des entreprises publiques utilisées
pendant les dernières années pour servir d’autres intérêts que le bien collectif, et par le
dysfonctionnement du sytème de passation des marchés publics.
Ainsi les problèmes de gouvernance de l’Etat haïtien nécessitent une solution
urgente afin d’améliorer la capacité d’absorption du pays. Les difficultés liées à la fois
aux capacités managériales des cadres locaux, à l’inefficience des processus
administratifs de traitement, à la corruption et au manque de transparence affectent sans
aucun doute négativement le processus de décison mais leur non-solution affectera
négativement la mise à disposition des fonds des donateurs dans le cadre de la mise en
oeuvre d’un DSRP définitif.
Le DSRP implique une forte composante participative à tous les niveaux
d’élaboration, d’exécution, de suivi et d’évaluation. C’est une occasion idéale pour la
société civile haïtienne et les différents groupes de pression de donner non seulement leur
point de vue sur leur vision du développement local et national mais encore et surtout
d’être des acteurs à part entière du début à la fin du processus. A cette fin, le
Gouvernement doit d’une part inspirer confiance à ces acteurs mais d’autre part accepter
le fait de subir la participation de ces acteurs à tous les niveaux du processus.
Il devient aussi impérieux pour le gouvernement de renforcer sa capacité
d’élaboration, de mise en oeuvre et de suivi des politiques publiques.
V.2 - Les implications pour le secteur privé
Il faut aussi la mise en place d’un tissu de Petites et Moyennes Entreprises de
façon à disposer d’acteurs capables de s’approprier les transferts de technologie et de
savoir-faire.
Cela nécessitera de la part des entreprises haïtiennes un changement de
comportement afin de :
1) mieux saisir les tendances du marché régional via des études spécifiques de
créneaux ;
2) développer des stratégies de neutralisation des contraintes et obstacles afin de
renforcer leur capacité d’exportation ;
3) anticiper les tendances associées aux normes et spécifications régionales et les
intégrer dans leurs paramètres techniques de production.
Les contraintes dont doivent tenir compte les entreprises haïtiennes sont à la fois
d’ordre interne et externe.
Les principales contraintes internes sont les suivantes :
335
1) l’absence de structures et de canaux de diffusion d’informations techniques et
commerciales ainsi que la faiblesse d’offre locale de services à valeur ajoutée.
2) l’insuffisance de ressources et d’antennes locales dédiées au financement des
activités productives, particulièrement celles tournées vers l’exportation ;
3) les coûts élevés de l’énergie, du transport, la carence des infrastructures ;
4) les faiblesses institutionnelles et le contexte politique accroissent les incertitudes
du milieu et font douter de la capacité des opérateurs haïtiens à respecter les
délais ;
5) l’actuel système de formation et d’encadrement de la main-d’œuvre qui conduit à
une incompatibilité entre l’offre et la demande de qualification ; les coûts élevés
d’adaptation ( temporels et financiers ) qui inhibent dans certains cas la capacité
d’expansion et d’accès à certains marchés d’exportation ;
6) la problématique de la capacité à respecter les normes et les spécifications
techniques.
Les contraintes externes auxquelles les entreprises haïtiennes doivent s’adapter
sont :
1) les garanties de la qualité totale sont plus contraignantes pour les produits qui ne
sont pas connus à l’étranger, contrainte renforcée par l’inexistence de système de
marketing international ;
2) la capacité limitée des entreprises à assurer une fourniture importante et régulière
de produits aux clients étrangers ;
3) la méconnaissance des spécificités des produits d’exportation.
VI - Conclusion
Le désengagement de l’Etat et l’ouverture de l’économie au reste du monde ne
suffisent pas pour atteindre des résultats intéressants en matière de croissance et de
développement humain. Il n’est pas certain que la libéralisation commerciale soit
toujours associée à la croissance économique, ce qui entraîne donc la non-évidence du
bénéfice de la libéralisation commerciale pour le développement humain.
La question significative est celle de savoir si des politiques commerciales
ouvertes produisent significativement une croissance économique plus élevée, une plus
grande réduction de la pauvreté et un développement plus humain.
Un régime commercial multilatéral permettant aux pays en développement de
tirer des bénéfices de l’ouverture et d’améliorer leur niveau de développement humain
est possible. Ce régime doit :
1) conduire une évaluation en termes de développement humain,
2) augmenter l’accès aux marchés pour les pays en développement,
3) permettre la mise en place de règles asymétriques,
4) réconcilier les règles asymétiques avec les besoins d’accès aux marchés,
5) assurer sa durabilité.
336
En outre, il faut ajouter que pour relever le défi du développement , il est
impératif pour l’économie haïtienne de créer une base industrielle large permettant de
réaliser d’importants gains de productivité et d’élever les revenus, et de se doter des
capacités techniques et sociales nécessaires dans le cadre du processus de transformation
structurelle qui accompagne le développement économique. Du côté de l’offre, ces
avantages devraient résulter d’économies d’échelle, de la spécialisation et de
l’apprentissage tandis que du côté de la demande, ils résulteraient de l’élargissement des
débouchés sur le marché mondial et des effets sur les prix.
En conclusion, on ne peut pas dire que l’intégration d’Haïti au marché mondial a
conduit à date à une amélioration du niveau de développement humain. Dans ces
conditions, il convient d’insiter sur le fait que :
1) Il est impératif que, suite à la solution partielle de la crise politique, les différents
acteurs de la vie nationale aient une vision claire du développement souhaité à long
terme. Les stratégies de croissance et de réduction de la pauvreté seront plus
efficaces si elles sont plus solidement ancrées dans des stratégies de développement à
long terme.
2) La croissance économique souhaitée doit être inclusive et soutenue. Elle doit
s’appuyer sur une base diversifiée et permettre une augmentation substantielle du
revenu moyen des ménages.
3) Le gouvernement haïtien doit manifester d’une part, une volonté claire de combiner
les opportunités offertes par la globalisation des marchés avec des stratégies visant à
dynamiser l’investissement domestique et à créer l’environnement institutionnel
adéquat, et d’autre part, faire montre d’un effort conscient d’intégration d’une
répartition des dépenses publiques favorable aux pauvres dans des réformes
structurelles plus profondes et plus larges.
4) Le gouvernement doit revoir et dynamiser sa politique commerciale dans le contexte
d’une intégration positive à la CARICOM et à la Zone Américaine de Libre-Echange.
5) Les stratégies de développement retenues doivent aussi accorder une place importante
à la décentralisation et au développement local, seul moyen effectif de tenir compte
des disparités régionales et des besoins réels des populations.
337
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340
LA POSITION DE LA CROATIE DANS LE SUD-EST DE
L’EUROPE:
LES EFFETS DU COMMERCE ET DU DÉVELOPPEMENT
Vinko Kandžija341
Nela Vlahinić Dizdarević,342
1. Introduction
L'Europe du Sud-Est, au sens large du terme, est la région composée de sept pays, tous
engagés dans le Pacte de stabilité, à savoir : l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la
Bulgarie, la Croatie, la Macédoine, la Roumanie et la Serbie-et-Monténégro. Au sens le
plus strict du terme, l’Europe du Sud-Est est composée de cinq pays : les quatre pays de
l’ex-Yougoslavie et l’Albanie. Pour ce dernier groupe de pays, on emploie le plus
souvent le terme de Balkan occidental, bien que cela ne convienne pas en Croatie.
Il s’agit de pays en transition, qui, dans les années 1990, ont connu des instabilités
politiques et économiques, des conflits et une dite « crise de transition », qui a été
considérablement plus profonde et plus longue que celle des pays d’Europe centrale et
orientale. Dès l’année 2000, commence une période de croissance économique dans tous
les pays de la région avec des indicateurs macroéconomiques quelque peu plus
favorables, bien que ces pays souffrent encore du chômage et connaissent un fort déficit
de la balance commerciale et de la balance courante.
La position de la Croatie est spécifique : son PIB par habitant de 6 400 $ est 2,5 fois plus
élevé que celui de la Roumanie qui arrive en deuxième position, et 3,5 fois plus élevé que
celui de l’Albanie, dernière du classement. Tous les autres indicateurs montrent que la
Croatie a le plus haut degré de développement et que ce développement diverge des
autres pays. Dans la mesure où les initiatives de l’Union Européenne rangent la Croatie
parmi les pays d’Europe du Sud-Est, l’objet de ce travail est donc d’analyser la position
économique de la Croatie au sein de cette région, notamment d’analyser les effets du
commerce et du développement. En plus du fait que la Croatie soit le pays le plus
développé de la région, ses exportations sont relativement orientées de façon massive
vers les pays de la région, principalement vers la Bosnie-Herzégovine, et de plus en plus
vers la Serbie-et-Monténégro. Au contraire, ses importations en provenance des pays
d’Europe du Sud-Est sont plutôt faibles. Les possibilités d’accroissement du commerce
intra-régional sont considérables, ce que confirme une étude récemment publiée par la
Banque mondiale qui, d’après les résultats du modèle de gravité, prévoit une croissance
du commerce intra-régional. La plus grande barrière est la structure même du commerce
qui est à dominante interindustrielle, ce qui accroît les mesures protectionnistes et réduit
la croissance potentielle.
341
342
Professeur agrégé de la Faculté d’Économie de Rijeka; [email protected]
Professeur agrégé de la Faculté d’Économie de Rijeka; [email protected]
341
L’hypothèse principale de ce travail s’appuie sur le postulat que la Croatie doit tirer profit
de ses avantages au sein de l’Europe du Sud-Est. Nous pensons tout d’abord à son
développement possédant le plus haut degré, à la réalisation relativement plus efficace de
ses réformes économiques qui la rendent plus intéressante aux investissements directs
étrangers, à la structure plus variée de son économie et de ses exportations. Nous pensons
également à l’histoire commune de ces pays dans le cadre de l’ex-Yougoslavie, les
marques de produits auparavant bien connus pouvant désormais surmonter plus
facilement les barrières d’importations sur le marché des pays voisins. En exploitant ces
avantages et en accroissant les importations à l’intérieur de la région, la Croatie peut
produire des effets notoires pour le développement. Le modèle de développement fondé
jusqu’à présent sur la croissance de la consommation nationale a atteint ses limites et le
développement futur de l’économie croate n’est possible que s’il se fonde sur l’expansion
des exportations. Naturellement, la Croatie s’oriente en premier lieu vers l’Union
Européenne, ce qui a été formalisé récemment par son obtention du statut de candidat.
Toutefois, ce fait n’exclut pas son orientation économique en direction de la région de
l’Europe du Sud-Est où la Croatie doit tirer profit de ses potentiels.
2. Degré de développement atteint et environnement macro-économique des
pays d’Europe du Sud-Est
2.1. Degré de développement et niveau de convergence
L’Europe du Sud-Est est la région européenne la moins développée qui, pendant les
années 90, a subi des instabilités politiques et économiques. En une période historique
très courte de seulement quelques années, le développement économique de ces pays a
sombré d’une manière irréversible. En comparaison avec les pays d’Europe centrale et
orientale avec lesquels ils partagent une histoire semblable d’une économie centrale
planifiée, des différences considérables demeurent. Bien que leur position initiale au
début de la transition ait été très similaire, aujourd’hui, d’après le montant du PNB par
habitant, leurs différences correspondent à celles entre les pays d’Europe centrale et
orientale et les pays de l’Union Européenne dont ils sont devenus membres à droits égaux
à partir du 1er mai 2004. En comparant le niveau de développement des pays d’Europe du
Sud-Est avec les pays du sud (méditerranéens) de l’Union Européenne qui jusqu’à
l’élargissement récent étaient parmi les membres les moins développés, les lacunes du
développement n’en sont que plus éclatantes. D’après Bićanić (Bićanić, 2003, p.468), si
le PIB des pays de la région augmentait même de 7% d’après les taux, ce qui est difficile
à atteindre, il leur faudrait encore un grand nombre d’années pour atteindre la moyenne
de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce : au plus, 25 ans pour l’Albanie, au moins, 12
ans pour la Croatie. Si hypothétiquement ce pourcentage augmentait annuellement de
5%, projet toujours ambitieux, il faudrait alors 32 ans pour l’Albanie et 17 ans pour la
Croatie.
A la différence de ces nouveaux membres de l’Union Européenne qui déjà en 1994 ont
réussi à sortir de la dite « crise de transition », les pays d’Europe du Sud-Est ont tous
342
connu un taux de croissance négatif jusqu’à la fin des années 90. Il apparaît qu’en 2000
exactement, la croissance de ces économies a repris, comme nous pouvons le voir d’après
le tableau 1.
Tableau 1. Degré de développement atteint dans les pays d’Europe du Sud-Est en
2003
Pays
PIB
par
habitant
Albanie
B&H
Bulgarie
Croatie
Macédoine
Roumanie
Serbie-etMonténégro
1.765
1.857
2.505
6.409
2.357
2.520
2.507
PIB
PPA
par
habitant
3.781
5.970
6.890
9.170
6.110
5.830
2.950
Taux
de
croissa
nce du
PIB
PIB
(en
milliards
de. $)
6,0
3,5
4,5
4,5
2,8
4,9
2,0
4.8
5.6
15.5
22.4
3.8
38.7*
15.7
2002.
Nbre
d’années
de
croissan
ce
négative
(19892001)
4
6
5
7
6
5
Structure du PIB par
secteur (en %)
Agricult Indust Service
ure
rie
s
50
15
14
9
11
15
15
23
31
29
33
31
35
32
*Note : Données pour l’année 2001
Source : EBRD, 2004
Les pays d’Europe du Sud-Est forment une région assez hétérogène au vu du degré de
développement atteint. Ce développement économique est très divergent, ce qui
complexifie l’analyse complète de ces pays en tant que région uniforme.
On analyse le plus souvent les convergences entre ces pays à l’aide des indicateurs du
PIB par habitant. D’après les données du tableau ci-dessus, il apparaît que l’Europe du
Sud-Est est composée de pays ayant des degrés de développement différents. La
différence entre le plus développé, à savoir la Croatie avec 6 409 $ de PIB par habitant, et
le moins développé, l’Albanie avec 1 765 $, se mesure à hauteur d’un rapport de 3,5. La
différence entre la Croatie, qui se distingue nettement de tous les autres pays, et le second
pays le plus développé (la Roumanie) est également très élevée (2,5 fois). Si l’on exclut
la Croatie de ce groupe, le reste de la région est assez homogène, avec des différences
négligeables – de 1 765 à 2 505 $.
Le second indicateur, le PIB par habitant en parité du pouvoir d’achat (PPA), offre une
image plus réelle de la convergence effective des pays. Si l’on observe le groupe entier en
incluant la Croatie, les différences sont toujours très grandes entre l’économie la plus
développée et la moins développée, quoiqu’elles soient un peu moins prononcées qu’avec
les chiffres précédents. En analysant le groupe entier sans inclure la Croatie, nous
pouvons remarquer une divergence plus nette qu’avec les chiffres précédents. Les
343
26
55
57
58
58
50
53
différences sont plus accentuées : de 2 950 $ en Serbie-et-Monténégro à 6 890 $ en
Bulgarie.
Le taux de croissance du PIB s’élève à 2% en Serbie-et-Monténégro jusqu’à 6% en
Albanie, ce qui représente des taux relativement hauts, voire même légèrement plus hauts
que dans les pays d’Europe centrale et orientale (3,6% en moyenne en 2003) (EBRD,
2004, p.6). Toutefois, il faudra encore de nombreuses années avant que les pays de la
région s’approchent des nouveaux membres de l’Union Européenne qui, il y a encore 10
ans, se trouvaient au même niveau de développement économique. La décennie des
années 1990 est perdue de façon irrémédiable pour ces pays ayant connu pendant
plusieurs années un taux de croissance négatif.
Les changements structurels indiquent également le degré de développement atteint. La
structure du PIB est relativement identique dans tous les pays, à l’exception de l’Albanie
où l’agriculture joue un grand rôle avec 50%. Il faut noter que ces 50% sont le résultat
d’un secteur mal développé, au travail intensif et à une productivité agraire insuffisante.
Les secteurs secondaire et tertiaire sont quant à eux totalement non développés. Avant le
commencement de la transition, le secteur industriel des pays générait la majeure partie
du PIB et de l’emploi. La transition et la guerre dans la plupart de ces pays ont provoqué
la faillite des industries traditionnelles comme la métallurgie, l’industrie textile, la
production de chaussures, l’industrie alimentaire, mécanique, etc. Le retard
technologique, le manque d’intérêt des investisseurs étrangers et une restructuration
insuffisante sont le résultat de l’écroulement brutal de la production industrielle dans tous
les pays d’Europe du Sud-Est qui en 2002 atteignaient à peine 45% du niveau de leur
production industrielle avant la transition de 1989.
Parallèlement à la chute des secteurs primaire et secondaire, le secteur tertiaire devient la
principale source de l’accroissement du PIB et de l’emploi, non seulement dans les pays
de la région mais aussi dans toutes les économies de transition. Néanmoins, il faut
souligner que cette grande contribution des services dans l’exemple de l’Europe du SudEst ne traduit pas la tendance habituelle caractéristique du développement post-industriel,
mais traduit un manque qualitatif de ces pays où les services publics et les entreprises
publiques représentent la plus grande part du secteur (Broadman et.al., 2004, p.8). La
restructuration plus intensive à la fin des années 90 a permis d’accroître les services de
télécommunication, le tourisme (surtout en Croatie), le commerce, et à partir de 2000,
l’accroissement du secteur financier, toutefois pas dans tous les pays de la région.
344
2.2. Les mouvements macro-économiques dans les pays d’Europe du Sud-Est
A partir de l’an 2000, ces pays ont réussi à stabiliser les mouvements macroéconomiques, comme nous pouvons le voir d’après le tableau 2.
Tableau 2. Indicateurs macro-économiques des pays d’Europe du Sud-Est
Pays
Albanie
B&H
Bulgarie
Croatie
Macédoine
Roumanie
Serbie-etMonténégro
Inflation
(prix à la
consommation)
(%)
2000
2002
0.0
5.3
5.1
1.0
10.3
5.8
6.2
2.2
10.6
1.5
45.7
22.5
85.6
19.3
Taux de chômage
(fin de la période)
%
Balance courante
(% du PIB)
2000
16.8
38.7*
16.9
16.1
32.2
7.1
12.6
2000
-7.2
-20.8
-5.6
-2.3
-3.0
-3.7
-4.2
2002
14.0
40.0*
18.1
15.2
30.0
9.0
13.0
2002
-8.1
-22.0
-4.1
-5.0
-6.9
-4.0
15.5
*Note : Ces données se rapportent uniquement à la Fédération de Bosnie-Herzégovine
Source : WIIW, 2003.
D’après ces données, la plupart des pays ont réussi à ramener le taux d’inflation annuel à
un chiffre avant la virgule. Le niveau moyen de l’inflation pour toute la région est de
8,2%.
Le taux de chômage est toujours très élevé, surtout en Bosnie-Herzégovine (40%,
uniquement pour la Fédération, seule donnée disponible) et en Macédoine avec 30%.
Toutefois, ces données officielles doivent être interprétées avec réserve. En effet, elles ne
prennent pas en compte la grande part de l’économie souterraine, qui, d’après des
estimations (Schneider, 2002) représente un tiers voire presque la moitié du PIB. D’après
des recherches de la Banque mondiale (Word Bank, 2002, p.xi), seulement 40% des
chômeurs enregistrés en Bosnie-Herzégovine en 2001 étaient vraiment sans emploi,
pendant que l’économie souterraine assurait du travail pour 36% des employés. De
même, plus de la moitié des chômeurs enregistrés en Serbie-et-Monténégro en 2001
travaillaient en réalité au noir. La situation était identique en Macédoine où, d’après les
appréciations de la Commission européenne (European Commission, 2003, p.15), plus de
57% des chômeurs enregistrés avaient un travail dans des activités non enregistrées,
c’est-à-dire dans l’économie souterraine.
Pourtant, sans tenir compte des données présentées ci-dessus, le chômage est très fort
dans tous les pays d’Europe du Sud-Est (à l’exception de la Roumanie avec un taux de
chômage de 9%). Leur fort taux de chômage est dû à la baisse du PIB et de la production,
surtout industrielle, ce dont on a déjà parlé précédemment. Il est également le résultat
345
d’une productivité médiocre, de la restructuration des grandes entreprises d’Etat qui
reçoivent aujourd’hui moins de subventions directes et indirectes qui entretenaient
l’excédent d’employés. De même, ce fort taux de chômage résulte de la rigidité du
marché du travail de ces pays, d’une faible mobilité de la force du travail, d’une trop
grande inflexibilité de la régulation, ainsi que des mesures insuffisantes pour la création
d’emplois.
Le problème macro-économique essentiel de tous les pays d’Europe du Sud-Est est le
déficit de la balance des transactions courantes qui est dû au fort déficit commercial.
Alors que les exportations stagnent ou se développent lentement, les importations quant à
elles progressent très rapidement comme conséquence du processus de restructuration et
de la grande dépendance des importations de ces économies. Bien que les flux basés sur
les exportations de services, d’assignations privées ainsi que de transferts officiels soient
importants, ils restent modérés et ne compensent pas le grand solde négatif de tous les
pays de la région.
Pour conclure, on peut désigner définitivement la Croatie comme le pays le plus
développé de la région. D’après le montant de son PIB par habitant, elle est
considérablement plus proche des pays de l’Europe centrale et orientale que les autres
pays de la région. La Croatie a réussi à atteindre une stabilité économique que les
investisseurs étrangers ont su reconnaître malgré les lacunes du développement. Le
développement atteint jusqu’à présent est fondé sur la croissance rapide de la
consommation, tout particulièrement de la consommation des ménages, ainsi que sur la
croissance des investissements depuis dans ces dernières années. Toutefois le
développement futur se réalisera difficilement sans des exportations fortes et
dynamiques. Dans la suite de ce travail, nous allons observer la position actuelle de la
Croatie au sein de l’Europe du Sud-Est, notamment l’aspect des effets commerciaux et de
développement.
3. Position de la Croatie dans l’Europe du Sud-Est
3.1. Structure du commerce
Les recherches théoriques sur les effets de l’accord de libre-échange commercial des pays
membres diffèrent selon les modèles d’intégration régionale, du modèle Sud-Sud
représentant les pays en voie de développement, du modèle Nord-Sud qui se rapporte aux
pays développés et aux pays en voie de développement, ainsi que du modèle Nord-Nord
dont les signataires sont des pays fortement développés. Sans avoir la prétention de faire
une analyse théorique détaillée, nous pouvons toutefois souligner que dans le modèle
Sud-Sud qui correspond indubitablement aux pays d’Europe du Sud-Est, on peut
s’attendre à ce que le pays le plus développé de la région dont la structure du commerce
est la plus proche de la moyenne internationale tire des avantages. C’est pourquoi dans la
suite de ce travail nous analyserons la structure du commerce de la République Croatie,
afin de mettre en valeur ses priorités potentielles sur les marchés étrangers,
spécifiquement dans les pays de la région.
346
Le marché des exportations le plus important de la Croatie est le marché de l’Union
Européenne avec une proportion de plus de 50% de l’exportation totale, plus précisément
à l’intérieur de l’Union, les marchés de l’Italie et de l’Allemagne. En dehors de l’Union,
les partenaires significatifs de la Croatie sont la Bosnie-Herzégovine et la Slovénie.
(Tableau 3)
Tableau 3.
Orientation géographique des exportations croates de 1992 à 2002
(en millions de dollars et en %)
Pays
ENSEMBLE
Union Européenne
- Italie
- Allemagne
AELE1
ALECE2
- Slovénie
- Hongrie
- Bulgarie
- Roumanie
AUTRES PAYS
- Bosnie-Herzégovine
- Serbie-et-Monténégro
- Macédoine
1992
4,427
53.98
20.53
17.46
1.38
25.71
23.27
0.93
0.05
0.05
1997
3,981
50.21
19.77
18.74
1.23
16.53
11.93
1.18
0.23
0.38
2002
4,899
52.68
22.70
12.47
0.78
12.35
8.72
1.69
0.24
0.16
4.40
0.45
1.97
15.70
0.18
1.88
14.37
3.51
1.20
Source : Statistiques annuelles de la République de Croatie, Institut national pour la
statistique, 1992, 1997, 2002
1
2
Association européenne de libre-échange
Accord de libre-échange centre-européen
En observant la période des 10 dernières années, nous pouvons remarquer une stagnation
des exportations vers le marché de l’Union Européenne en chiffres absolus, c'est-à-dire
une diminution relative de la part de l’UE dans la structure géographique de 50% en 1994
à 48% en 1998, puis un accroissement graduel à 53% en 2002. A la différence des autres
pays de transition, la Croatie est le seul à avoir diminué ses exportations en direction du
marché de l’UE ce qui est consécutif à une structure inadéquate et à la compétitivité des
exportations croates.
Comme on peut s’y attendre, la Croatie importe le plus de l’Union Européenne (plus de
60% de l’ensemble des exportations), suit ensuite la Slovénie et quelques pays de
l’ALECE (Hongrie et Tchécoslovaquie), qui sont le 1er mai 2004 devenus membres de
plein droit de l’Union Européenne. Pour cette raison, on peut s’attendre à un
accroissement considérable de la concentration marchande du commerce extérieur croate.
L’orientation géographique des exportations est étroitement liée à la structure de ses
exportations. La structure du commerce extérieur de la République de Croatie, basée sur
les données portant sur les 99 produits de la nomenclature du Tarif douanier, est
347
présentée sur les graphiques 1 et 2 qui indiquent les produits exportés et importés les plus
significatifs dans les échanges internationaux de la Croatie.
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Autres
64
94
39
44
61
84
62
85
02
20
01
20
00
20
99
19
98
19
97
19
96
19
95
19
19
19
94
27
92
% part
Graphique 1. Structure des exportations des produits de la République de Croatie de
1992 à 2002
années
89
89 – Bateaux, navires et autres engins flottants ; 27 – Combustibles minéraux, huiles
minérales ; 85 – Machines, appareils et matériels électriques et leurs parties ; 62 –
Vêtements et accessoires du vêtement, autres qu’en bonneterie ; 84 – Réacteurs
nucléaires, machines, appareils et engins mécaniques ; 61 – Vêtements et accessoires du
vêtement, en bonneterie ; 44 – Bois et ouvrages en bois ; 39 – Matières plastiques et
ouvrages en ces matières ; 94 – Meubles, matelas, oreillers et lampes ; 64 – Chaussures et
parties des chaussures.
Source : Calculs d’après les données de HIDRA Zagreb
Les bateaux, les combustibles minéraux et huiles minérales, ainsi que les machines
électriques représentaient dans la dernière décennie environ 1/3 des exportations. Parmi
les exportations croates figurent également les produits textiles, les chaussures, ainsi que
le bois et les matières plastiques.
Dans la dernière décennie, les dix produits d’exportation les plus importants
représentaient plus de 60% des exportations croates, tandis que l’indice de concentration
des exportations était entre 21 et 24%. 343 En général, on peut conclure que la structure
343
Le calcul des indices de concentration du marché dépend du niveau d’agrégation des données servant à
calculer l’indice. C’est ainsi que le calcul basé sur la classification NKD (« Classification nationale des
activités économiques croates ») fait apparaître une concentration des exportations plus grande. L’indice
obtenu de la concentration du marché des 99 produits est le suivant (selon les années analysées) : 21,11
(1992), 21,62 (1994); 22,15 (1995); 22,21 (1996); 21,57 (1997); 24,39 (1998); 24,14 (1999); 23,64 (2000);
24,03 (2001); 22,53 (2002). D’après Škuflić, L. i Vlahinić-Dizdarević, N., (2004), Koliko je hrvatska robna
348
n’a pas considérablement changé344, les différentes répartitions ont conservé leur
moyenne, en notant toutefois un net accroissement des machines, appareils et engins
électriques, ainsi que des vêtements. De plus, on observe une diminution de la part des
vêtements en bonneterie ainsi que des matières plastiques. Concernant le produit croate
d’exportation le plus connu, à savoir le bateau, il est caractérisé par sa forte composante
d'importations et par son instabilité exceptionnellement élevée.
Parmi les quinze produits d’exportation les plus représentés, cinq sont également classés
en tête des importations, ce que nous pouvons voir dans le graphique suivant.
part en %
Graphique 2. Structure des importations de la République de Croatie de 1992 à 2002
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Autres
94
30
72
48
73
39
85
87
27
1992 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 godina
84
84 – Réacteurs nucléaires, machines, appareils et engins mécaniques ; 27 – Combustibles
minéraux, huiles minérales ; 87 – Véhicules terrestres, leurs parties et accessoires ; 85 –
Machines, appareils et matériels électriques et leurs parties ; 39 – Matières plastiques et
ouvrages en ces matières ; 73 – Ouvrages en fer et acier ; 48 – Papiers, cartons et
ouvrages en ces matières ; 72 – Fer et acier ; 30 – Produits pharmaceutiques ; 94 –
Meubles, matelas, lampes, oreillers, etc. ; 345
razmjena intra-industrijska? (« Dans quelle mesure l’échange croate de marchandises est intraindustriel ? »), Ekonomski pregled, en publication.
344
Si l’on compare les changements structurels des exportations en Croatie à ceux des pays de transition
plus développés, les résultats sont encore plus défavorables. La plupart des pays en transition,
principalement la Hongrie, la Roumanie, l’Estonie et la Pologne, ont augmenté de façon conséquente les
exportations de produits faisant partie des marchandises les plus dynamiques sur le marché international
(biens de consommations électroniques, composants électroniques), alors que la Croatie n’a pas réussi à
accroître l’exportation de ces produits. Voir plus en détail : IMF (2002), Republic of Croatia: Selected
Issues and Statistical Appendix, Staff Country Report, August, 02/179, p. 47.
345
Industries moins exigeantes (niveau de qualification faible) : 27; 39; 72; 73; 94 ; Industries
moyennement exigeantes (niveau de qualification moyen) : 48; 84; 85; Industries utilisant la technologie –
30; 87;
349
Les machines, appareils et engins mécaniques, les combustibles minéraux et huiles
minérales ainsi que les véhicules terrestres représentent plus d’un tiers des importations.
Si l’on fait la comparaison de la structure des importations avec celle des exportations,
nous pouvons conclure que la Croatie importe davantage de produits technologiques plus
avancés qu’elle n’en exporte. L’indice de concentration des importations est un peu plus
bas 346 que celui des exportations.
Il est clair que le problème essentiel du manque de compétitivité de la Croatie sur le
marché des pays de l’UE résulte de l’absence de dynamisme et de l’insuffisance
technologique et sophistiquée de la structure de ses exportations. Pour ces raisons, les
exportations croates ont été en partie orientées vers le marché de l’ex-Yougoslavie, moins
exigeant. Il faut souligner que ces quatre pays d’Europe du Sud-Est, dans un passé récent,
avaient déjà constitué un marché commun dans le cadre de l’ancien Etat, ce qui a
contribué à une bonne connaissance sur ce marché des marques de nombreuses
marchandises croates, tout particulièrement des produits alimentaires. Dans ce contexte,
nous pouvons affirmer que les barrières de pénétration pour ces produits sont moindres,
ce qui représente un avantage par rapport à la pénétration sur les autres marchés des pays
développés.
L’accroissement futur du commerce à l’intérieur de la région, ainsi que des exportations
croates vers les autres pays d’Europe du Sud-Est est freiné essentiellement par la
structure du commerce qui est plutôt interindustrielle, ce qui signifie qu’on échange
diverses sortes de produits. Ce type de commerce est caractéristique des pays moins
développés et accentue les mesures protectionnistes et ralentit sa croissance potentielle.
En se servant du modèle de gravité, il est possible de projeter un commerce potentiel
intra-régional et d’évaluer le degré « naturel » du commerce intra-régional en comparant
le commerce réel et le commerce simulé. Etant donné que cette analyse exige une
statistique du commerce réciproque complète et détaillée, décomposée à 3 chiffres, et que
celle-ci n’a pas été accessible aux auteurs, nous commenterons donc ci-dessous quelques
recherches récentes.
3.2. Résultat du modèle de gravité pour l’Europe du Sud-Est
Le modèle de gravité sert à mettre en corrélation le commerce entre deux pays en
fonction de leur taille relative (mesurée d’après le montant de leur PIB) et de la distance
géographique (entre leur capitale). Plus leur économie est importante et leur distance est
proche, plus on peut alors s’attendre à un commerce réciproque intensif. L’étude de la
Banque Mondiale (Kaminski, Rocha, 2003) a basé son modèle de gravité sur les données
obtenues en 2000 : elle a dégagé la répartition de la réalisation en comparant le
commerce réel au commerce simulé (tableau 4).
346
L'indice de concentration du marché calculé sur la base des 99 produits du Tarif douannier est le suivant
(selon les années analysées) : 19,7 (1992); 22,8 (1994); 21,9 (1995); 21,2 (1996); 22,8 (1997); 21,7 (1998);
22,5 (1999); 24,1 (2000); 23,9 (2001); 24,5 (2002).
350
Tableau 4. Répartition de la réalisation dans le commerce réciproque des pays de la
région
Albanie
B-H
Albanie
B-H
0
Croatie
4
156
Macédoine
11
15
S-et-M
1
129
Total
4
102
Bulgarie
12
5
Roumanie
4
14
Source : Kaminski and Rocha, 2003.
Croatie
Macédoine
S-et-M
39
18
53
3
4
142
58
41
6
65
84
32
Total
4
102
53
58
65
57
34
13
D’après les données ci-dessus, une situation de sous-commerce (under-trade) entre la
Croatie et la plupart des pays de la région se dégage avec évidence. Le commerce avec
l’Albanie était 96% au-dessous du niveau prévu en 2000, le commerce avec la Serbie-etMonténégro 82% au-dessous, avec la Macédoine, 61% au-dessous du niveau évalué par
le modèle de gravité. D’autre part, le commerce entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine
peut être caractérisé comme excessif (over-trade) par rapport à leurs caractéristiques, car
en 2000, le commerce était 56% au dessus du niveau simulé. D’après ces résultats, la
Croatie peut s’attendre à avoir des difficultés dans ses futures exportations sur le marché
de Bosnie-Herzégovine, c’est-à-dire une recherche diminuée des produits croates.
D’après les estimations, le commerce entre la Croatie et la Serbie-et-Monténégro possède
un grand potentiel, mais, pour des raisons politiques essentiellement, est exploité bien en
deçà de tout son potentiel. Il est à espérer que la mise en place d’une Entente de libreéchange, déjà soussignée, entre ces deux pays va diminuer les barrières douanières, mais
aussi et surtout non-douanières.
Une analyse encore plus détaillée du commerce réel et simulé a été rendue dans le
nouveau Transition report (EBRD, 2003), où l’on utilise des données pour la période de
1995 à 2002. Pour l’évaluation de base, cinq éléments influençant le commerce
réciproque ont été inclus :
1- la taille du pays ; les pays plus grands supportent des frais de transport plus grands, ce
qui peut freiner les échanges,
2- le nombre des frontières d’Etat que les marchandises doivent traverser pour atteindre
le marché d’exportation visé ; un plus grand nombre de frontières augmente les frais
de transport et de transit, ce qui peut freiner les échanges,
3- la qualité de l’infrastructure de transport ; plus elle est importante, plus les échanges
se font facilement,
4- l’intensité de la libéralisation commerciale ; plus le régime commercial est libéral,
plus la participation aux échanges est forte,
5- le développement des institutions ; les pays avec des institutions développées dues à
un environnement plus stable échangent plus.
351
Tableau 5. Rapport du commerce réel et du commerce simulé dans la région (en %)
Modèle
1
Scénario de
base
2
Scénario de
base
Taille
du
pays
Albanie
8
9
B-H
11
14
Bulgarie
59
72
Croatie
47
51
Macédoine 35
40
Roumanie
33
38
S-et-M
18
20
Total
24
27
Source : EBRD, 2003, p.87.
3
Scénario
de base
4
Scénario de
base
5
Scénario de
base
6
Scénario de
base
Taille du Taille du pays
pays
Taille du pays
Taille du
pays
Frontières
Frontières
Infrastructure
Frontières
Infrastructure
Politique
commerciale
8
20
72
51
55
39
20
30
9
22
75
54
60
39
21
32
7
23
62
36
80
28
30
30
Frontières
Infrastructure
Politique
commerciale
Institutions
13
34
81
52
100
42
42
42
Ces résultats évaluent aussi le potentiel significatif de l’accroissement du commerce
intra-régional. Il apparaît clairement que les institutions ont un rôle déterminant dans le
commerce réciproque de la région. Si l’on compare les résultats obtenus en Croatie avec
la moyenne de la région, on s’aperçoit que le commerce réalisé en Croatie par rapport au
commerce simulé est supérieur, ce qui signifie que la Croatie a atteint son potentiel
commercial avec d’autres pays.
3.3. Coopération régionale comme stimulant au développement
La coopération régionale dans les pays d’Europe du Sud-Est est définie dans le cadre du
Pacte de stabilité et du Processus de stabilisation et d’association. Bien que ces deux
initiatives aient été initiées par l’Union Européenne, il existe certaines différences. Le
Pacte de stabilité est en premier lieu une initiative politique se rapportant aux pays
d’Europe du Sud-Est, au sens large du terme. Il incluse donc la Bulgarie et la Roumanie.
Son but est de stabiliser et de développer les pays de la région grâce à une coopération
régionale dans différents domaines :
- commerce et investissement,
- infrastructures et énergie,
- démocratie et collaboration entre les frontières,
- médias,
- lutte contre le crime organisé,
- mouvement des habitants.
352
Le plus grand progrès obtenu jusqu’à maintenant touche le domaine du commerce, c'està-dire la libéralisation du commerce, puis le domaine des infrastructures et de l’énergie.
Le Processus de stabilisation et d’association quant à lui concerne l’Europe du Sud-Est au
sens strict du terme (l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine, la
Serbie-et-Monténégro), et son but est de leur prêter une aide dans l’accomplissement des
conditions indispensables pour devenir membres de l’Union Européenne, d’abord de
manière contractuelle, puis de plein droit. Du point de vue politique, les Accords de
stabilisation et d’association mettent l’accent sur la nécessité d’une coopération régionale
dans le domaine de la stabilisation de la région d’Europe du Sud-Est. Il est clairement
défini que la disposition pour la coopération régionale se reflète dans la mise en place du
réseau des conventions bilatérales entre les pays engagées dans le Processus de
stabilisation et d’association.
L’importance de la coopération régionale est due à différents effets économiques, d’abord
dynamiques qui à long ou moyen terme auront un effet positif sur le développement de
ces pays. En effet, la coopération régionale engendre des effets économiques de volume
concernant les services et biens publics, comme par exemple l’infrastructure du transport
et de la communication, l’exploitation des ressources en énergie et en eau, la protection
de l’environnement, etc. Le phénomène du « dilemme du prisonnier » (prisoner’s
dilemma), expliqué dans la littérature, signifie en vérité qu’il s’agit d’une perte pour tous
les pays s’ils ne collaborent pas et n’internationalisent pas les effets de l’utilisation des
biens publics. (Schiff, 2002, p.11) Les frais de l’utilisation des biens et services publics
peuvent être considérablement diminués et leur efficacité peut augmenter s’il existe une
collaboration internationale. Dans ce contexte, la collaboration internationale est d’une
grande importance, ainsi que l’élaboration d’une stratégie commune de tous les pays de la
région, notamment dans le domaine du transport qui recouvre le réseau transeuropéen et
les corridors paneuropéens.
La coopération régionale influence indirectement la création d’un environnement macroéconomique plus stable, ce qui est un élément essentiel pour attirer l’intérêt des
investissements étrangers qui peuvent considérablement stimuler la croissance et le
développement de ces pays. L’importance de l’accès aux services collectifs et autres
services infrastructurels ainsi que la situation dans les pays d’Europe du Sud-Est est
analysée dans une étude de la Banque Mondiale et de la Banque Européenne concernant
la reconstruction et le développement (Broadman, et.al., 2004). Les auteurs concluent que
l’accès régulé aux services collectifs s’est généralement amélioré dans la plupart des
pays, mais qu’il reste toujours des éléments de l’ancien système, comme par exemple la
détermination des prix inefficace, les multiples subventions et la concurrence insuffisante
dans les services collectifs. Cette situation décourage l’investissement et devient un des
plus grands obstacles de la croissance, surtout pour les petites entreprises.
Une amélioration de l’environnement des affaires et en général de l’environnement
macro-économique, une plus grande stabilité, et une certaine transparence de l’économie
353
influencée par la coopération régionale diminuent les risques et augmentent l’intérêt des
investisseurs étrangers. Si on exclue la Roumanie et la Croatie, qui ont attiré le plus
d’investissements directs étrangers, jusqu’à aujourd’hui, le montant des investissements
directs étrangers de la région est presque nul, principalement en raison d’un grand risque
d’investissement. Grâce à l’apaisement des tensions politiques, la transformation de ces
économies s’accélère et l’intérêt des capitaux étrangers augmente, quoiqu’il s’agisse
encore exclusivement d’investissements « brown-field », c'est-à-dire que cela correspond
à des privatisations de grandes entreprises publiques ayant une position monopolistique
sur le marché intérieur et dégageant un extra-profit. Les effets de Spillover de ces
investissements sont certainement plus faibles que les investissements de type
« greenfield », mais ils possèdent cependant des effets positifs prédominants sur le
développement du pays.
4. Conclusion
La recherche a démontré que les pays d’Europe du Sud-Est appartiennent au groupe des
pays en voie de développement, un groupe très hétérogène car les différences dans
l’intensité du développement sont très prononcées, que ce soit en coûts préétablis ou en
coûts réels. Si l’on exclue la Croatie dont le PIB par habitant est 2,5 fois plus grand que
celui du deuxième pays le plus développé, la région est assez homogène. Les
ressemblances sont évidentes notamment dans les changements structurels. Parallèlement
à la diminution du secteur de l’agriculture et de l’industrie, le secteur des services devient
la source principale du croissement du PIB et de l’emploi, bien que cette caractéristique
du développement post-industriel représente en vérité un défaut qualitatif des pays de
l’Europe du Sud-Est en raison de la trop grande part des services publics et d’autres
services non-productifs. La situation macro-économique est négative dans la plupart des
pays, ce qui apparaît tout particulièrement à travers un fort taux de chômage et à un fort
déficit de la balance des transactions courantes. Cependant, il faut remarquer également
qu’une rupture s’est produite à partir de 2000 avec des avancements positifs.
La Croatie a réussi à atteindre une stabilité économique qui a été reconnue par les
investisseurs étrangers, bien qu’on puisse constater qu’une restructuration plus
dynamique de l’économie suivie d’un perfectionnement technologique aient manqué.
Ceci est confirmé par notre analyse de la structure des exportations de la Croatie qui n’a
pas beaucoup changé au cours de ces dix dernières années. Elle reste traditionnelle, avec
un indice de concentration du marché relativement élevé, les dix produits primaires des
exportations représentant 60% des exportations croates totales. Pourtant, en comparaison
avec d’autres pays de la région, cette structure des exportations est considérablement plus
proche de la moyenne européenne, ce qui peut être un avantage important pour la
compétitivité de la Croatie sur le marché de ces pays. Il faudrait souligner également que
4 pays de l’Europe du Sud-Est dans un passé pas si lointain avaient un marché commun
dans le cadre de l’ancien Etat, ce qui a contribué à une bonne connaissance de
354
nombreuses marques de produits croates sur ce marché, tout particulièrement des produits
alimentaires. Dans ce contexte, nous pouvons affirmer que les barrières d’entrées pour
ces produits sont moindres, ce qui présente un avantage par rapport à l’entrée sur d’autres
marchés de pays développés.
Ces résultats sont conformes aux résultats du modèle de gravité, fait par la Banque
Mondiale et la Banque Européenne pour la reconstruction et le développement. D’après
ces résultats, il existe des potentiels considérables pour l’accroissement du commerce des
pays d’Europe du Sud-Est. Le plus grand potentiel est le commerce entre la Croatie et la
Serbie-et-Monténégro, en considération de leur taille équivalente et de leur proximité
géographique. Avec le développement des institutions, on peut s’attendre à une
développement économique plus stable, qui va essentiellement augmenter la croissance
du commerce intra-régional, ce qui statiquement mais aussi dynamiquement peut avoir
des effets positifs sur la croissance et le développement de ces pays, principalement par
une plus forte affluence des capitaux directs étrangers. Pour réaliser tous ces effets et
accélérer le processus d’intégration dans les structures économiques et politiques
européennes, une coopération régionale de tous les pays d’Europe du Sud-Est est
indispensable.
Bibliographie
1. Broadman et.al., (2004), Building Market Institutions in South Eastern Europe, The
World Bank, Washington D.C.
2. EBRD, (2003), Transition report 2003: Integration and regional cooperation
3. EBRD, (2004), Spotlight on south-eastern Europe – An overview of private sector
activity and investment, London
4. European Commission, (2003), Former Yugoslav Republic of Macedonia:
Stabilisation and Association Report 2003. Commission Staff Working Paper.
Brussels
5. http://www.wiiw.ac.at/balkan/data.html
6. IMF, (2002), Republic of Croatia: Selected Issues and Statistical Appendix, Staff
Country Report 02/179, August
7. Kaminski, B. and de la Rocha, M., (2003), Stabilization and Association Process in
the Balkans – Integration Options and their Assessment, Policy Research Working
Paper No. 3108, World Bank, August
8. Schiff, M., (2002), Regional Integration and Development in Small States,
Development Research Group, The World Bank
9. Schneider, F., (2002), The Value Added of Undergound Activities: Size and
Measurement of the Shadow Economies of 110 Countries All over the World,
Johannes Kepler University, Linz, Germany
10. Škuflić, L. i Vlahinić-Dizdarević, N., (2004.), «Koliko je hrvatska robna razmjena
intra-industrijska?», Ekonomski pregled br. 7-8 (u tisku)
355
11. UNECE (Unated Nations Economic Commission for Europe), (2002), Economic
Survey of Europe No. 1, New York and Geneva
12. World Bank, (2002), Labor Market in Postwar Bosnia and Herzegovina – How to
Encourage Businesses to Create jobs and Increase Work Mobility. Washington, D.C.
13. World Bank, (2004), World Development Indicators
356
DESARROLLO INTERNO Y GLOBALIZACIÓN
Lic. Wilfredo Irías H.347
Agradecemos de manera especial la invitación girada por la Facultad de Ciencias
Económicas y Administrativas de la Universidad Quisqueya y la Asociación Haitiana de
Economistas, para exponer sobre este tema de la Globalización, que aunque ya discutido
ampliamente, requiere aún de conclusiones fundamentales, por su impacto real
especialmente en los países más débiles de la región. Trataré brevemente de traer al
tapete de las discusiones algunos temas de carácter teórico, de los muchos que se han
analizado respecto a este tema, para después tratar de aterrizar en algunas propuestas de
solución para países pequeños que como Honduras, Haití, Nicaragua, Bolivia y Paraguay
requieren aplicar con mayor brevedad, para bien de sus respectivos pueblos. El tiempo es
realmente apremiante y sin embargo es aún desperdiciado a pesar de la violencia del
nuevo escenario económico generado por la globalización como corriente capitalista de
nuestros tiempos y es por ello que devenimos obligados a encontrar la solución.
Inicio mi presentación retocando lo relacionado con la terminología, sin importar tanto
profundizar en aspectos de semántica, sino más bien entendiendo a la globalización
actual como una etapa más en el desarrollo de la economía mundial que obviamente
influencia de diferentes formas a cada país de la tierra.
Según el Banco Mundial, globalización es “La interdependencia económica en el
conjunto de los países del mundo, provocada por el aumento del volumen y de la
variedad de las transacciones transfronterizas de bienes y de servicios, así como de los
flujos internacionales de capitales, al mismo tiempo que por la difusión acelerada y
generalizada de la tecnología”348.
Tras la simpleza de la definición se esconden verdades comprobadas en los últimos años
respecto a grandes asimetrías, las diferencias Norte-Sur y las tendencias de inclusiónexclusión que indiscutiblemente perjudican a las grandes mayorías del mundo
concentrados en los países con menor desarrollo y con ello desde luego el incremento de
la pobreza, ya global a principios del nuevo Siglo.
Con respecto a la terminología, globalización, mundialización e internacionalización,
algunos académicos encuentran diferencias, sin embargo, al fin y al cabo, lo real es la
347
Profesor Titular Facultad de Ciencias Económicas-Universidad Nacional Autónoma de Honduras.
348
“Las Perspectivas de la Economía Mundial”. Washington, Mayo de 1997. F.M.I.
357
existencia de una nueva forma de capitalismo que conlleva aspectos positivos y aspectos
negativos que expondré más adelante dentro de esta ponencia.
En el análisis de la actual economía mundial es evidente que nos movemos entre dos
perspectivas; la del bienestar general producto del desarrollo basado en la tecnología, el
conocimiento, la ciencia y la competitividad y la de la pobreza extrema producto del
atraso interno y del nuevo escenario económico de desigualdades y de exclusión.
Es evidente que detrás de la globalización no existen buenas intenciones y que la
pretendida igualdad de las naciones no será posible, sino que las brechas tienden a
ensancharse, a menos que a nivel de las naciones subdesarrolladas se produzcan
verdaderos “milagros”, tipo los del Sudeste Asiático.
No se vislumbra en la actualidad un escenario de armonía internacional y de estabilidad
económica, y mucho menos la ruptura definitiva de las desigualdades, no hay esa
intención de fondo en los grandes capitales, no es el centro y sustento moral de la
globalización, en eso debemos estar concientes y realistas.
Conviene analizar el concepto de Estado-Nación a la luz del papel que juega en el marco
de una economía global. Siempre hemos creído que el único responsable del bienestar
del pueblo es el Estado, sin embargo, por las características de la globalización, se está
pasando de lo nacional a lo mundial y que el Estado ha llegado a un nivel de
obsolescencia y que por lo tanto constituye un obstáculo para el progreso que hasta el
presente no han podido lograr. Según Javier Martínez Peinado, de la Universidad de
Barcelona “El Estado es demasiado grande para las cuestiones locales y demasiado
pequeño para las cuestiones globales” y “que una cosa son los intereses de los capitalistas
(nacionales), en los que tradicionalmente el Estado cumplió un papel, y otra los intereses
del capital (mundializado).
Esta visión toca profundamente aspectos de soberanía que no deberíamos estar dispuestos
a aceptar, sin embargo, en nuestros países sí debemos aceptar que el Estado hasta el
momento ha sido y es el principal responsable de los fracasos y del atraso, y que de
continuar bajo los mismos esquemas, los resultados son impredecibles. Es necesario
entonces que se produzca una verdadera voluntad política hacia la transformación y el
desarrollo y un nuevo esquema de paradigmas y valores que nos conduzcan, no a ganar,
pero sí a perder lo menos que sea posible en este nuevo entorno económico generado por
la globalización.
Otro aspecto que ahora es necesario considerar es referente a los procesos de integración
y a los T.L.C.s que a nivel de América se han estado gestando a partir del Tratado de
358
Libre Comercio México, USA – Canadá.- En Centroamérica está por ratificarse el
CAFTA en condiciones que no garantizan beneficios reales para los cinco países
pequeños de la región, especialmente para los menos desarrollados –Honduras y
Nicaragua-; y en América del Sur se pretende negociar o se está negociando un TLC con
los países Andinos. Esto parece ser el camino más corto o expedito para el Área de Libre
Comercio de las Américas. Bajo nuestro criterio sería fundamental que previo a
cualquier TLC se concretaran las viejas aspiraciones de integración que frente a la
globalización fortaleciera al bloque de países para competir en los mercados del mundo
con mejores posibilidades de éxito.
Por lo anterior, y siendo que no podemos sustraernos de la globalización; para los países
en vías de desarrollo, lo más conveniente es la conformación de bloques, asunto no tan
simple, si consideramos que solo en Centroamérica, el proceso de integración ha
consumido 42 años y aún los resultados son muy incipientes. Es necesario y urgente que
los gobiernos de Latinoamérica y El Caribe tomen muy en serio la necesidad de procurar
el desarrollo interno y de conformar los procesos de regionalización.
Respecto a éste particular es bienvenida la intención de los Parlamentos de MERCOSUR
y de la Región Andina, de conformar la Unión de Países de Sudamérica.
En medio de los retos que plantea la economía mundial existen realidades que a nivel
Latinoamericano padecemos unos más, unos menos. Últimamente se han inventado las
estrategias para la reducción de la pobreza, programas ridículos que enriquecen a unos
pocos en detrimento de las mayorías y a costa de éstas. A nivel interno, esto no resuelve
la verdadera problemática de nuestros países puesto que se atacan los síntomas de las
verdaderas causas, que residen en las grandes deficiencias de los que gobiernan y que al
fin y al cabo deberían responder por lo mal que lo hacen y por todo lo que dejan de hacer.
Los ciudadanos de los países pobres carecen de lo básico, para sobrevivir. Las Cumbres
Presidenciales, como la de Monterrey en México en el 2002, que reunió a los Jefes de
Estado de los países ricos con los Jefes de Estado de los países pobres para revisar las
relaciones Norte-Sur y la financiación del desarrollo. En ambas reuniones lo mismo: La
pobreza crece y se vuelve extrema. No existe infraestructura sanitaria, desempleo,
ingresos miserables. En los países pobres las políticas públicas privilegian intereses
creados, protegen mercados cautivos y respaldan monopolios de élites neomercantilistas,
que rechazan la competencia y el libre comercio.
Grandes debilidades constituyen en la actualidad un verdadero freno al desarrollo que
obligatoriamente necesitamos para trascender a la nueva economía del Siglo XXI.- El
359
enriquecimiento inmoral, el peculado, el contrabando, la defraudación, los delitos
aduaneros, la destrucción de la moral pública, el lavado de dólares, la falta de voluntad
política, la inexistencia de verdaderos proyectos de nación, la política vernácula, la
incapacidad de dirección estratégica, el desinterés por resolver la verdadera problemática
que nos aqueja, etc.
Es obvio que en estas condiciones, la solución es “cuesta arriba” y que hacen falta
verdaderos héroes al frente de los gobiernos para poder resolver cada situación interna y
poder enfrentar en mejores condiciones las exigencias que impone la globalización. No
todo es culpa de los países ricos, del F.M.I. y el Banco Mundial, a la hora de pasar la
cuenta, la responsabilidad es más a lo interno de cada país.
Raúl Prebish no estuvo equivocado con el Modelo de Sustitución de Importaciones, el
Modelo Neoliberal promovido por la CEPAL, tampoco ha sido malo, la falla ha estado
siempre a nivel interno. Ahora la globalización nos alcanza en condiciones difíciles, más
débiles aún que en la década de los 70.
Propongo que la solución sigue estando en cada país y que nadie desde afuera propondrá
la salida a nuestras crisis.
En mi transitar por la Asociación de Facultades, Escuelas e Institutos de Economía de
América Latina (AFEIEAL), he podido ver el talento Latinoamericano que necesitamos
para salir de nuestras crisis. No merecemos ésta situación a la que nos han llevado y
podemos resolverla.
DESARROLLO INTERNO VRS. GLOBALIZACIÓN
PROPUESTA DE SOLUCIÓN
Dada la precariedad de nuestra situación de países pobres en vías de “subdesarrollo”, la
única salida posible es el desarrollo interno acelerado, para lo cual existe un marco vital
adecuado:
1. Somos países pequeños y medianos lo cual facilita cualquier proceso de desarrollo.
2. Es posible el apoyo internacional sano para un proyecto nacional de desarrollo.
360
3. Existen mecanismos para que países pequeños y medianos, en un plazo máximo de 10
años produzcan verdaderas transformaciones.
4. Otros países pequeños como la República de China en Taiwán han logrado altos
niveles de desarrollo y autosuficiencia en 12 años.
5. Existen en cada nación los talentos necesarios para llevar a la práctica un proceso
acelerado de desarrollo.
6. Se cuenta a nivel interno con los recursos naturales necesarios.
7. A nivel latinoamericano puede lograrse la solidaridad y el apoyo internaciones.
La clave central del desarrollo reside en el desarrollo de los sectores productivos tan
endebles a partir del modelo de sustitución de importaciones y de la reforma total de la
administración pública, con un Estado asumiendo el papel que nunca ha asumido, lo cual
no es imposible, a menos que hayamos perdido la capacidad de sorpresa, de
sorprendernos ante la gravedad de nuestras situaciones, lo cual casi nos ubicaría en la
condición de seres inanimados.
Hasta el presente en Latinoamérica, es evidente que no se han creado las bases para el
desarrollo económico y social endógeno y mucho se ha discutido sobre el tema, pero lo
que más ha faltado es la voluntad política, y cabe recalcar que con el paso de los años se
presentan nuevos factores en el ambiente, que complican la salida o el despegue, sin
embargo, creo que no podemos ni debemos continuar únicamente con el factor de análisis
excelentes, críticos, veraces, que a lo que más nos llevan es a llorar sobre la leche
derramada. Debe continuar el análisis inteligente pero paralelamente debe producirse la
acción inteligente que provoque el cambio hacia donde los economistas latinoamericanos
señalen, como lo han venido señalando especialmente en foros como éste, a lo largo y
ancho de toda Latinoamérica.
El Dr. Mario L. Fernández Font del Centro de Investigaciones de la Economía Mundial
de Cuba en el desarrollo de su tema: “Globalización, Innovación y Competitividad;
361
Espejismos y Hechos”349 presenta un triángulo interesante cuyos tres componentes
básicos son globalización, competitividad e innovación, como pilares del crecimiento
económico.
Globalización
Competitividad
Innovación
Crecimient
o
En su análisis establece que éstos componentes constituyen las nuevas condiciones que
impone el sistema para el “desarrollo” y que “estas características se expanden
esencialmente mediante las acciones y en beneficio de algunas relativamente pocas
naciones, sectores y grupos que, por distintas razones, se han podido ubicar en las
posiciones más ventajosas respecto a los tres componentes del mismo”.
“Todo lo anterior no debe ser interpretado en modo alguno en el sentido de que los
agentes económicos, grupos, países o regiones que no se encuentren en el selecto círculo
349
La Globalización de la Economía Mundial. UNAM, 1999.
362
de los beneficiarios de estos procesos no tengan nada que hacer y que todas las puertas
estén cerradas, no quedando más remedio que resignarse a ver aplastados definitivamente
sus aspiraciones e intereses”.
Bajo estos conceptos podemos concluir que la competitividad de los países y la
innovación si constituyen elementos muy valiosos para la inserción exitosa en este
mundo globalizado. Sin embargo cabe mencionar que detrás de cada uno existe el
requisito de un reenfoque de la cultura de trabajo en los sectores productivos y en las
Empresas del gobierno. Mientras la innovación permite la creación de mejores formas de
producción, comercialización y servicios, también facilita la generación de valores para
los clientes, los trabajadores, el capital y el Estado; y por su lado la competitividad
facilita la inserción en base a productividad y alta calidad. Obviamente, no bastan ambos
elementos sin una atención especial al desarrollo científico y tecnológico y de manera
aún más vital, al desarrollo humano.
A partir de estos conceptos se plantea la solución para los países más atrasados de la
región, pero es de suyo necesario e imprescindible, que todas las fuerzas sociales
comprendan la esencia e implicación de estas “tendencias mundiales profundas” para que
se produzca el cambio de actitud que se requiere para enfrentar y resolver la
problemática, lo cual desde luego no es imposible, pero sí difícil. Es necesario crear y
poner en operación un proyecto de país que de manera estratégica y firme resuelva cada
una de las debilidades ya planteadas y que fortalezca rápidamente las capacidades
nacionales aprovechando el recurso interno.
En México se hacen esfuerzos esplendorosos en el campo del desarrollo de las fuerzas
productivas, la Sociedad Mexicana para el Desarrollo de la Calidad Total, ha encontrado
363
una forma muy práctica para llevar a las Empresas a altos niveles de innovación y
competitividad. El Ingeniero José Giral Barnés, está contribuyendo en mucho con su
concepto de Empresas de Clase Mundial. En Uruguay y Bolivia también se han iniciado
proyectos en este sentido.
La clave de todo lo expuesto sobre este tema de innovación y competitividad reside en el
cómo hacerlo, al respecto deseo llamar la atención en el sentido de que para México es
más difícil y para Haití y Honduras es más fácil, precisamente por su tamaño. Luego el
cómo hacerlo tiene su respuesta en la aprobación de un proyecto nacional que en primer
lugar obligue al desarrollo y transformación de los sectores productivos y de las
Empresas estatales, bajo estándares internacionales de calidad. Esto supone como
axioma que Empresas desarrolladas (públicas y privadas) país desarrollado.
Para concluir deseo recalcar que frente a cualquier corriente de la Economía Mundial, la
solución reside en mucho al interior de cada país sobre una base de valores, desarrollo
humano sostenido, tecnología, ciencia, capacitación, espíritu de compromiso y de lucha y
con un apoyo inicial temporal de países realmente amigos. Es donde reside la solución a
la problemática interna y a la falta de capacidad para generar una mejor forma de vida
para nuestros pueblos. Sumado a lo anterior requerimos de Jefes de Estado
verdaderamente líderes identificados con las grandes mayorías.
BIBLIOGRAFÍA
364
-
La Globalización de la Economía Mundial. Colección Jesús Silva Herzog. UNAM,
1999.
Tópicos de Actualidad. El Mito de la Globalización. Centro de Estudios EconómicosSociales. Guatemala, Octubre 2002.
365
IMPACT DE LA MONDIALISATION SUR LES MARCHES DU
TRAVAIL DANS LA CARAIBE:
Un Etat des Lieux Théorique et Empirique
Juliette Cordette
Eryc Edinval
La mondialisation est parée de tous les maux ou de toutes les vertus. D’une part, elle est
la cause des difficultés et des crises financières ou des crises du système productif,
d’autre part, elle a entraîné la fin de toutes les réglementations étatiques qui gênaient le
commerce international. Depuis sa relance en 1980, une double logique
d’internationalisation des économies s’impose : d’une part on assiste à la formation de
blocs régionaux, de zones de libre échange, de l’autre la globalisation s’intensifie. La
suppression sans précédent des frontières, permet ainsi une localisation internationale
plus aisée des firmes. La globalisation, nouvelle forme d’intégration mondiale, plus forte
et plus dynamique que les relations internationales, traduit une certaine aggravation de la
polarisation des échanges de marchandises et de capitaux dans les pays les plus
industrialisés. Dans les pays à économie de marché, la régulation fordiste a entraîné des
gains de productivité avec une augmentation de la demande de biens de plus en plus
standardisés. Puis l’apparition de nouvelles technologies crée de nouvelles formes
d’organisation dont les multinationales vont très rapidement s’accaparer. Les échanges
extérieurs se libéralisent et s’amplifient, suivi par les mouvements de capitaux : la
régionalisation et la mondialisation remodèlent le monde. Si le début de cette période est
surtout marqué par un accroissement des échanges entre les pays industrialisés, la
concurrence qui fini par s’installer dès le début des années 80 accompagnée d’un progrès
technique agressif les oblige à chercher de nouveaux avantages. L’objectif à terme est la
réduction de leurs coûts de production et l’augmentation de leurs gains de productivité
par la compétitivité prix. De même, les trente glorieuses ayant épuisé l’effet kénésien, la
coexistence de l’inflation et du chômage maintient ces pays dans une situation de
déséquilibre permanent. L’opportunité d’une forme nouvelle d’intégration des pays jadis
exploités en tant que colonies devient une solution. C’est dans cette logique, que les
firmes multinationales commencent leur implantation dans les pays en développement
dans le but d’exploiter les avantages tant en travail qu’en ressources naturelles.
Bien que cette démarche soit initiée par les pays développés, pour régler les problèmes
qui se posent à eux, très rapidement elle a été présentée comme une solution pour les
pays en voie de développement, afin de sortir d’un chômage important et chronique.
Depuis la décennie 90, le changement dans les modes d’organisation de la production et
d’internationalisation des firmes ainsi que la modification de la nature des savoirs dans
l’entreprise transforme la division du travail, qui glisse d’une logique technique et de
rendement à une logique de compétence et d’apprentissage Moati et Mouhoud (1994)350.
350
MOATI Ph et MOUHOUD E. M., 1994, “ Information et organisation de la production : vers une
division
366
Ces changements modifient profondément les flux internationaux de biens et des
investissements directs étrangers.
Le débat théorique, depuis les années 50, tourne ainsi essentiellement sur les bénéfices
que tous les pays peuvent retirer de la mondialisation, tant en terme de croissance,
d’emploi et de convergence de revenus. Lorsque les multinationales exploitent
l’avantage en travail dans les pays en développement, cela entraîne une augmentation de
la productivité mondiale issue d’une augmentation de la productivité dans ces pays.
Selon Krugman (1998), cette amélioration de la productivité se retrouve dans une
progression des salaires dans les pays en développement, mais la croissance générée
augmente également le nombre d’emploi. Les défenseurs de la mondialisation pensent
que le processus doit se poursuivre afin que les retombées sur la croissance et l’emploi
soient encore plus évidentes. Dans son dernier ouvrage : « La mondialisation et ses
ennemis », Daniel Cohen s’applique à démontrer que ce qui est frustrant pour les pays en
développement, ce n’est pas que la mondialisation est déjà advenue, mais qu’elle
n’advient pas pour de nombreuses populations.
Dans le même temps, se mêle au débat la voix des ennemis de la mondialisation qui
voient en elle la mise en place d’un modèle unique, un capitalisme qui continue
l’exploitation des peuples sous-développés sous une forme plus moderne, mais plus
dangereuse.
Mais que l’on se situe dans un camp ou dans l’autre, de solides arguments sont
développés, démontrant l’impact de la mondialisation sur le marché du travail des pays
en voie de développement.
La Caraïbe, dans ce contexte, cherche à s’organiser, sortir de son morcellement en micro
Etat et échapper aux contraintes de l’économie de plantation. Elle définit de nouvelles
relations avec les anciennes métropoles, afin de sortir du sous développement.
Cependant, on doit se rendre à l’évidence que toutes les mesures qui ont été mises en
place pour assurer leur décollage économique se sont soldées par une sous
industrialisation et un marché du travail marqué par un déséquilibre chronique : les taux
de chômage avoisinant les 30 % pour certains pays.
De même, la tentative de régionalisation amorcée dans les années 60 pour développer le
commerce intra zone n’a en rien perturbé le développement du commerce avec les
grands marchés américains et européens. Tandis que le commerce intra Caraïbe a
beaucoup de difficulté a démarré.
Dans ce vaste mouvement de délocalisation, les multinationales américaines qui sont les
pionnières se déplacent dans la grande Caraïbe, en exploitant tous les avantages
possibles tout en bénéficiant d’une réduction du coût de transport, dû à la proximité de
leur marché.
Tout au long du processus de mondialisation, la présence des pays industrialisés va se
manifester dans la Caraïbe, successivement sous plusieurs formes de la colonisation avec
un système esclavagiste, jusqu’à nos jours où un libéralisme impose les lois d’une
économie de marché.
cognitive du travail ”, Economie Appliquée, t. XLVI, n° 1
367
Dans une première partie, et en nous appuyant sur les travaux théoriques récents,
nous tenterons d'établir le lien entre mondialisation et marché du travail dans les pays en
voie de développement. Une seconde partie, s'arrêtera sur les différentes stratégies mises
en place par les firmes multinationales et leurs conséquences sur les marchés du travail
des pays de la Caraïbe. Enfin une troisième partie posera le problème de la
transformation des marchés du travail caribéens dans une perspective d'intégration
régionale.
I.
LES EFFETS DE LA MONDIALISATION SUR L'EMPLOI DANS
LES PED
1. Dynamique de la mondialisation
Trois phases sont généralement identifiées dans le processus de mondialisation.
De 1870 à 1914 la caractéristique principale de la première phase est la baisse des coûts
de transports due aux modifications technologiques dans la navigation, l'installation du
chemin de fer, l'invention du télégraphe et les changements dans les conditions de
production. Le capitalisme s'affirme ainsi que la colonisation comme corollaire.
L'accélération des échanges requiert des matières premières à bas prix, d'où l'exploitation
des pays du sud qui vont les produire pour les pays européens et les Etats-Unis. Le
commerce nord sud naît. Les analyses théoriques sont divergentes selon qu'elles sont
issues du courant libéral: depuis la théorie ricardienne, suivi de celle de HECKSHEROHLIN SAMUELSON qui vont démontrer les avantages tirés de l'échange et de la
spécialisation. Quant au courant marxiste il met en avant l'exploitation du sud par le nord.
Une de ses théories "l'échange inégale" développée par EMMANUEL démontre que le
368
sous développement est la conséquence de l'intégration dans le marché mondial des pays
du sud. Dans le commerce entre le nord et le sud on enregistre une dégradation des termes
de l'échange entre produits primaires fournis par les pays du sud contre produits industriels
Daniel COHEN (2004) réfute ces analyses pour lui: "toute l'histoire enseigne que la baisse
des coût de la distance ne s'associe jamais à une diffusion de la prospérité mais bien
d'avantage à une polarisation de celle-ci". L'échange n'est pas avantageux pour les pays du
sud, de même que ce n'est pas le différentiel de prix entre les marchandises échangées
entre le nord et le sud qui crée la pauvreté "les pays pauvres ne souffre pas d'être exploités
mais d'être exclus".
Pourtant lors de la première phase, les pays du sud vont produire des denrées agricoles en
constituant des domaines pour l'essentiel aux mains de la puissance colonisatrice donc
entièrement à son profit on comprend bien alors que la première phase va aussi influencer
le marché international du travail. D'un côté l'industrie sera à la recherche d'une maind'œuvre. Une grande partie des populations européennes va émigrer soit vers les EtatsUnis d'Amérique soit vers la Nouvelle Zélande l'Australie. Les colonies spécialisées dans
l'exportation de matière première vont connaître un dépérissement de leurs structures de
production interne pour aboutir à un dualisme sectoriel LEWIS (1954).
La première phase d'internationalisation de échanges crée un inégalité dans le
développement des pays et une division nord/sud en même temps qu'une division du
travail défavorable et productrice d'exclusion dans les pays du Sud. "Exemple de la
Caraïbe".
La deuxième phase de 1945 jusqu'à la première crise pétrolière est d'abord un
approfondissement des mécanismes de la première. La principale nouveauté est
l'apparition de grandes firmes multinationales qui vont s'affirmer sur les marchés
369
internationaux, profitant des nouvelles baisses tarifaires mises en place par le GATT. Le
commerce s'intensifie particulièrement entre les nations occidentales où s'investit la plus
grande partie des capitaux nécessaires à l'accroissement des capacités productives et à
l'abaissement des coûts. C'est la période de la consommation de masse, de la
massification de la force de travail dans des processus productifs fordistes.
La deuxième phase c'est aussi l'effet d'agglomération MUCCHELLI, KRUGMAN (1999)
et l'exploitation des économies d'échelle, introduisant une spécialisation sectorielle. La
plupart de échanges entre les pays riches sont des échanges intra branche liés à
l'abaissement des barrières tarifaires. On assiste alors à une concentration verticale des
secteurs consécutive à l'abaissement des coûts provenant de la proximité des entreprises et
de la partition fine du processus de production. La production automobile japonaise est un
modèle de l'économie d'agglomération. Selon SUTTON (2000): "Two thirds of
manufacturing out-put consists of intermediate goods, sold by on firm to another. The
presence of rich net work of manufacturing firms provides a positive externality to each
firm in the system allowing it to acquire in put locally, thus reducting the costs of
transport, of coordination, of monitoring, of contracting."
En ce qui concerne les pays du sud la situation est tout autre. La décolonisation,
l'attractivité du socialisme comme solution à la pauvreté et à l'exploitation s'ajoutent à la
transformation du processus productif dans les pays du nord. L'insertion du sud dans le
commerce mondial n'évolue que très peu dans la forme. Si les barrières douanières
disparaissent pour les produits manufacturés, il n'en est pas de même pour les matières
premières et plus particulièrement pour les produits agricoles. Les théories nouvelles du
développement cherchent à dépasser les conséquences de la spécialisation par les coûts
comparatifs. Les modèles de Lewis, la stratégie d'industrialisation par substitution, puis la
370
politique d'invitation des capitaux étrangers cherchent à trouver des voies propres pour les
pays en voie de développement, en vue d'augmenter et de modifier la structure de leurs
échanges avec l'extérieur. Les économistes du tiers monde trouvent dans le socialisme des
modèles prônant le protectionnisme et la fermeture des frontières pour empêcher la fuite
des capitaux et protéger l'industrialisation naissante. Les nationalisations, les barrières
douanières, les contingentements d'importation se veulent une réponse radicale à
l'économie de marché.
La division internationale du travail subit les contre coup des nouveaux mécanismes du
marché mondial. Dans les pays du nord l'extension rapide de la production crée les
conditions du plein emploi. L'appel à une main d'œuvre extérieure devient indispensable.
On assiste nous dit Schumpeter à des innovations destructrices et créatrices d'emploi. La
mondialisation à travers l'accroissement des possibilités d'exportation est à l'origine dans
les pays développés de la destruction d'emplois non qualifiés au profit de la création
d'emplois qualifiés.
Dans les pays en développement l'effet attendu de la politique d'invitation sur le marché du
travail n'a pas atteint complètement ses objectifs, car elle n'arrive pas à résorber
déséquilibre du marché du travail. Pour certains cet échec relatif provient de la non
maîtrise de la variable démographique. Sur le marché du travail arrive des jeunes, que la
production ne peut absorber. D'autre part, l'effort d'investissement en capital humain reste
insuffisant. Le peu de travail qualifié créé continue d'alimenter la demande des marchés
développés. Pour d'autres l'échec provient de la faiblesse de la productivité due au travail
non qualifié; L'Etat interventionniste fixe les règles et se substitue au marché ce qui
occasionne des dépenses qui grèvent les budgets publics et freinent la croissance
économique. L'Etat employeur essentiellement de fonctionnaires et de personnels de
services sociaux ne peut absorber en particulier le surplus de main d'œuvre peu qualifié.
371
La concurrence internationale qui s'intensifie sur le marché international a vite fait de
s'adapter. Les firmes multinationales vont changer de stratégie en modifiant leur processus
productif, la délocalisation devient alors un procédé qui se développe dans la troisième
phase. Mais la stratégie de promotion des exportations n'aboutit pas à une croissance de
long terme, ni à la qualification de l'emploi dans les PED. Les avancées technologiques
sont à l'origine d'une nouvelle concurrence entre les firmes, qui sont obligées d'être de plus
en plus compétitives.
La troisième phase s'analyse comme l'émergence d'une nouvelle mondialisation. Les
grands groupes qu'ils soient dans la production, dans le secteur financier, ou dans les
services sont les vecteurs de la mondialisation.
Une des caractéristiques principales de cette phase, est que la mondialisation
s'accompagne d'une très forte régionalisation. Le commerce international est d'abord
l'échange entre pays riche et plus spécialement s'effectue dans des régions constituées de
pays voisins. L'Europe est constituée de 25 nations qui produisent les mêmes produits et se
les échangent. Il en est de même pour l'association de libre échange nord américain. Il n'est
plus question d'avantages comparatifs ni de spécialisation aux coûts des facteurs de
production, mais plus d'échange de voisinages les entreprises recherchant des "économies
d'échelles" leur permettant de diminuer leurs coûts.
Les multinationales font jouer une concurrence essentiellement basée sur les techniques
nouvelles et se faisant utilisent leur potentiel mondial dans une division des tâches, et
dans une division du travail qualifié et du travail non qualifié. Très souvent d'ailleurs l'on
cite l'industrie de la chaussure. En amont la conception salaires élevés se crée dans les
pays du nord. Elle fait appel à la conception assistée par ordinateur. La confection à bas
salaire dans les pays du sud où l'on fait jouer la concurrence et l'avantage en niveau de
372
salaire .Enfin le marketing, la publicité, la vente du produit près des consommateurs
possédant des revenus. Les bénéfices sont alors importants à chaque stade de la
production. Les pays du sud ne participent pas au marché mondial en créant de la
marchandise mais bien comme pays capables de fournir aux multinationales, tantôt du
travail qualifié ou non mais toujours à bas salaires. C'est par la délocalisation de bloc de
production que s'opère la participation d'une grande partie des pays pauvres à la
mondialisation.
373
On pourrait penser que les productions de biens manufacturés même à des coûts très bas
pourraient profiter à la croissance des pays où sont implantés des entreprises étrangères.
En réalité, ce n'est pas le cas et les pays sont obligés de chercher des solutions ailleurs.
L'une d'elles est la création groupes régionaux pour essayer de commercer en captant le
commerce régional. Se sont généralement des "zones de libre échange" avec disparition
des barrières douanières. Mais faut-il encore, lorsque la production existe, que l'on puisse
faire naître la consommation en distribuant du revenu. Il faudrait aussi que le travail
hautement qualifié puisse profiter de salaires équivalents à ceux distribués dans les pays
riches, pour empêcher la fuite des cerveaux. Les multinationales profitent de ce fait des
zones régionales soit par des investissements directs soit par des investissement de
participation au capital. Aujourd'hui le combat se mène près des instances internationales
pour revendiquer le droit vendre aux pays riches, c'est-à-dire pour l'abaissement des
barrières douanières des pays riches, qui freinent l'entré de certains produits sur leur
territoire. Le combat se mène pour en finir avec l'exploitation de la main d'œuvre à bon
marché qui prive un certain nombre de pays de revenus sans lesquels on ne peut créer de
la consommation, donc de l'emploi.
L’organisation économique mondiale s’est donc modifiée au cours des dernières
décennies. La logique des entreprises a été facilitée par l'arrivée de nouvelles
technologies et le triomphe du libéralisme. La structure des entreprises s’est aussi
modifiée pour répondre aux mutations technologiques.
Les entreprises ont une stratégie mondiale décidant de leurs localisations en prenant en
compte le différentiel de salaires, les avantages financiers et fiscaux offerts par des
territoires. Elles mondialisent ainsi les filières de production en maintenant sur le territoire
national la conception du produit et le marketing. Elles créent alors de véritables "pays
atelier" avec pour conséquence une nouvelle division du travail, qui ne dépend pas d’une
quelconque spécialisation originelle, mais bien d’une volonté des firmes à la recherche de
sources de profit à l’échelle planétaire.
Les investissements étrangers (IDE) jouent un rôle primordial dans cette dynamique de
mondialisation. Il a été étudié par de nombreux économistes parmi lesquels nous retenons
Michalet (1990)351, Beaud (1989)352, Dockes (1975). Pour Michalet, la logique de
l’internationalisation comporte trois formes : les échanges commerciaux, l’investissement
productif à l’étranger, le capital financier. Cependant, la forme la plus développée est
l'IDE, avec une croissance qui s'est considérablement accentuée. Tous les économistes
s’accordent pour considérer les premiers investissements étrangers comme faisant partie du
mouvement de colonisation. Dunning (1993)353 démontre que les premières firmes
internationales à intégration verticale se sont constituées dans les secteurs miniers et
agricoles. Chenais (1997) affirme qu’ “ En passant sous silence le rôle des exportations de
capital (facteur postulé immobile) dans la détermination des spécialisations, la théorie
dominante du commerce international, d'origine ricardienne, mais surtout néoclassique,
révèle ses fondements idéologiques"
351
MICHALET C.A. , 1990, “ Où est la notion d’économie mondiale ? ” in HUMBERT.M.,
Investissement international et dynamique de l ‘économie mondiale, Economica, Paris.
352
BEAUD M., 1989, L’économie mondiale dans les années 80, la Découverte, Paris.
353
DUNNING J. H., 1993, Multinational Enterprises and the Global Economy, Addison Welsey Publishing
Co., Wokingham.
374
19
70
19
74
19
78
19
82
19
86
19
90
19
94
Investissement
Dans la mondialisation, les échanges se situent dans un contexte de libéralisation mis en
place par le GATT et accentué par l’OMC.
L’économie mondiale comprend trois pôles en
Investissements étrangers
Amérique, en Europe et en Asie entre lesquels les échanges internationaux se sont
développés. La part des pays
du sud n’a cessé de diminuer si bien que la revendication
3000
actuelle de ces pays est 2500
de pouvoir introduire sur le marché des pays nantis leurs
marchandises, sans entraves2000
tarifaires et de quotas, c’est le cas du textile et certains produits
Investissements
agricoles. Lors de la conférence
de St Domingue, les pays d’Afrique,
des Caraïbes et du
1500
pacifique (ACP) ont mis en 1000
garde l’OMC contre les dangers d’uneétrangers
libération trop brutale des
échanges. Le président de Madagascar
s’est attaqué à la mondialisation en ces termes : " La
500
mondialisation / globalisation 0est pour nous une doctrine totalitaire, sous tendue par une
pensée unique, imposée par la plus grande puissance de l’heure. L’OMC, institution
privilégiée de la mondialisation a imposé ses règles à toutes les activités humaines
354
dorénavant définies comme objet de commerce
. La mondialisation et sa nouvelle
années
dynamique va-t-elle encore accentuer l’écart entre pays riches et pays pauvres? Depuis les
années 80, il nous semble que l'une des caractéristiques du développement de la
mondialisation et de la diffusion du libéralisme, c’est qu’elle permet l’augmentation des
échanges des biens et services entre nations et groupes de nations industrialisés. Les pays en
développement ne participant que de manière marginale au commerce international, sont
exclus quasiment du partage de la croissance de la richesse mondiale.
La mesure des écarts entre pays riches et pauvres dans les dernières décennies montre
que la mondialisation n’a pas permis aux PED d’augmenter leurs parts de marché dans
le commerce mondial. Certes une grande disparité existe entre ses pays, comme le note
Adda (1998)355. On distingue deux catégories :
•
Les nations qui ont fondé leur développement sur l’exploitation de leur avantage
comparatif provenant de leurs ressources naturelles et qui se sont marginalisées. On peut
penser qu’il s’agit des pays les moins avancés dont la part dans le commerce mondial à
la fin de la décennie 90 n’est que de 0,25%.
Les nations qui se sont industrialisées en transformant leurs spécialisations initiales, et
ont gagné des parts de marché, en contrepartie d'un lourd endettement La part des
354
.cité par J.M CAROIT "le Monde" novembre 1999
355
ADDA J., 1998, Mondialisation de l’économie, la Découverte, Paris.
375
produits manufacturés dans les exportations de l’Amérique Latine et de l'Asie qui
représentaient en 1970 respectivement 12% et 42% passe en 1990 de 34% à 74%. Mais
en 1995, la dette de l’Amérique latine et de l'Asie représente respectivement 33,7% et
35,5% de la dette des pays en voie de développement.
Cette augmentation n’a profité qu’à un nombre restreint de pays, tout particulièrement les
quatre dragons et certains pays d’Amérique latine, tandis que l’Afrique connaît une nette
détérioration. Fortes des avancées technologiques dans le domaine du génie génétique,
les multinationales de l’agro-alimentaire se sont intéressées aux produits de base des pays
en voie de développement et les accords internationaux vont cloisonner le marché
mondial en zones de préférence tarifaire. On assiste alors à une organisation nouvelle des
produits de base du fait de la concurrence que se font les multinationales. L’offre va
considérablement augmenter entraînant une baisse des prix et une détérioration des
termes de l’échange entre produits manufacturés et matières premières. Les cultures
tropicales ont nécessité de moyens nouveaux tel que les engrais, les machines agricoles
pour accroître leur productivité. Ils sont devenus de plus en plus tributaires des pays
industrialisés pour leur approvisionnement. La hausse du prix du pétrole va entraîner la
hausse du prix des engrais conjuguée à un ralentissement de la consommation mondiale.
Pour les tracteurs comme le note Bairoch(1997)356 "dès 1973 le nombre de tracteurs dans
le Tiers-Monde atteignait 1,6 millions, soit dix pour cent du total mondial (contre trois
pour cent en 1950). Les 5 millions seront dépassés en 1989 ; le Tiers-Monde possédait
alors 19% du parc mondial". On comprend dès lors que les entreprises multinationales
face aux prix des inputs et à la baisse de la consommation ont pesé sur les salaires pour
continuer à engendrer du bénéfice. Elles vont donc organiser le marché mondial entre
consommateurs des pays importateurs au détriment des pays exportateurs. On assiste
ainsi, à une hiérarchisation du marché mondial et une hétérogénéité des PED, dues à la
répartition des capitaux et à l’impossibilité pour certain pays de tirer profit de leurs
spécialisations. Les multinationales des pays industrialisés ont accentué leur domination
tant sur le marché des produits manufacturés, que sur celui des matières premières
compte tenu de leur avance technologique. L’apparition des OGM après les produits de
substitution augmente elle aussi l’écart entre pays pauvres et riches. Cette nouvelle
tendance a pour effet de modifier la répartition de l’emploi dans le monde. On assiste à
356
BAIROCH P. , 1997, Victoires et déboires, tome III, Gallimard, Paris.
376
deux mouvements : un transfert d’emploi des pays émergents vers les PMA et dans le
même temps une perte d’emplois des PED vers due aux transferts de nouvelles
technologies dans les secteurs d’activité réservés jusqu’ici aux emplois non qualifiés.
On pourrait penser que les productions de biens manufacturés pour l'exportation,
réalisées à très faibles coûts dans les PED pourraient profiter à leur croissance de long
terme. Cependant, le principe de rechercher toujours des salaires les plus faibles entraîne
des délocalisations en cascade ; un pays n'est jamais sur de l'installation d'une
multinationale plus ou moins à long terme. L'organisation et les revendications des
travailleurs pour l'amélioration de leur revenu, font fuir les firmes, qui n'ont aucune
difficulté à trouver de meilleur avantage ailleurs. COHEN (2004)357 souligne en parlant
du Mexique que :" Tout le débat actuel au Mexique est de savoir jusqu'à quel point la
Chine se prépare à le déloger des places difficilement acquises. En dépit de sa proximité
géographique qui le met à 24 heures de camion de ses clients, le Mexique se sent
menacé". Il faut rappeler qu'au début des années 90, de nombreuses firmes ont quitté les
zones franches d'exportation de La République dominicaine et de la Jamaïque pour le
Mexique. Ce qui leur donne des raisons de s'inquiéter. La conclusion de Cohen est assez
réaliste sur la question : "Un pays ne peut compter sur la seule division internationale du
travail pour espérer prospérer. Pour se développer un pays doit devenir à son tour un
centre, c'est-à-dire un lieu dense de production et de consommation". On en revient à une
conception du centre et de la périphérie.
Certains PED sont déjà sensibilisés à cette question. C'est la raison pour laquelle, les pays
émergents ont créé des groupes régionaux pour tenter de capter le commerce régional. Se
sont généralement des "zones de libre échange" avec disparition des barrières douanières
et mise en place d'un tarif extérieur commun. Aujourd'hui, ces pays mènent un combat
des instances internationales pour que soient levées les mesures protectionnistes des pays
riches, et pour en finir avec l'exploitation de la mains d'œuvre à bon marché qui prive un
certain nombre de pays de revenus sans lequel on ne peut créer de la consommation
donc de l'emploi.
2. Spécialisation internationale et emplois dans la Caraïbe
La Caraïbe est composé d'un ensemble de pays qui compte tenu de leur dimension et de
leur histoire ont toujours été intégrés au marché international. L'étroitesse des marchés est
un handicap qui limite les possibilités de production destinée aux marchés intérieurs. Il en
résulte que l'essentiel du marché du travail est toujours fortement dominé par la
production de biens pour l'exportation. Dans une communication au Caricom Single
Market (2004), Steven MAC ANDREW358 (specialist mouvment of skills/labour) montre
les handicaps auxquels la région et plus principalement les Etats de la CARICOM
doivent encore faire face aujourd'hui
357
D. COHEN, 2004, "La mondialisation et ses ennemis", ed° Grasset, Paris.
S. MAC ANDREW (specialist mouvment of skills/labor) : All members of our community are small and
vulnerable states. In some cases it might be even better to refer to them as vulnerable micro states.
However, our smallness does not only concern landmass, but more importantly the sise of the labor force,
the consumer population and existing natural resources, while or vulnerability relates to economics and
others chocks, natural disasters and the rigid structure of our economies."
358
377
Contrairement aux autres PED, les pays de la Caraïbe ont été créés de toute pièce en tant
que zone économique par les puissances européennes colonisatrices. Après le génocide
des populations d'origine, le système économique esclavagiste est mis en place, et
produit essentiellement pour l'extérieur. Cette thèse est exposée dans la théorie de
l'économie de plantation de Best et Levitt (1975)359. Le sucre, le café, d'autres matières
premières, plus tard les productions minières la bauxite, le pétrole sont les principales
exportations de la région. Cette spécialisation ne crée que des emplois agricoles non
qualifiés à bas salaires. Après la période de décolonisation, les pays demeurent dans cette
forme de spécialisation, qui continue de générer de nombreux emplois non qualifiés et
des recettes d'exportation que les firmes investissent dans les pays et industrialisés. Elles
ne peuvent donc contribuer à l'industrialisation des pays de la région. En s'inspirant de la
thèse de Lewis (1950)360, certains pays tentent d'attirer à eux des entreprises de la
métropole pour développer leur secteur industriel. Ils espèrent ainsi la création de
nombreux emplois et un transfert de technologie, qui aura pour conséquence la
modification de la structure du marché du travail et l'augmentation des revenus assurant à
terme une croissance économique durable. Pour atteindre cet objectif, il était nécessaire
de mettre en place une batterie de mesures fiscales et une politique de subvention des
entreprises étrangères dans des productions industrielles. L'évaluation de cette politique
révèle une création non négligeable d'emplois, une amélioration de la croissance globale
dans la première décennie, mais la contribution du secteur industriel à la croissance est
moins nette et le chômage continue de progresser. Si nous prenons le cas de Trinité et
Tobago, on enregistre dans la décennie 50 un taux de croissance annuel de 7,5% et un
taux de chômage qui passe de 6,4% à 13,9% entre 1956 et 1966 Best (1980)361. Bien que
cette stratégie ait généré quelques résultats positifs, ils sont bien en dessous des
espérances des pouvoirs publics, ce qui emmène certains économistes à la considérer
comme un échec. Le savoir faire de l'économie domestique d'après guerre n'a pas été
transposé dans le secteur industriel. Cela aurait eu pour conséquence l'utilisation des
matières premières locales et un développement industriel intégré, générant des revenus
et l'épargne nécessaire à l'investissement interne.
Dès la fin des années 60, l'échec de la politique d'invitation des capitaux étrangers incite
l'Etat à reconsidérer son rôle dans l'économie et particulièrement dans le développement
industriel. On observe dans des pays comme la Barbade, la Jamaïque, Trinité et Tobago,
une intensification de sa participation dans des actions tant économiques que sociales.
C'est comme si les pays de la région, encouragés par la crise pétrolière qui affecte toutes
les économies, prenaient conscience de la nécessité de prendre en main leur destiné. Des
le début des années 70, on enregistre d'une part une volonté d'intégration régionale qui
abouti plus tard à la création en 1973 d’un marché commun des Caraïbes : la CARICOM.
359
Best L. et Levitt K. : "Character of Caribean Economy" in G. Beckford (réd) Caribbean Economy.
Institute of Social and Economic Research, 1975
360
Lewis W.A. : "Industrialization of the British West Indies", Caribbean Economic Review N° 2, 1950
361
Best L. : "International Cooperation in the Industrialization Process : The case of Trinidad and Tobago"
in UNIDO. New Perspectives, Tome 6, 1980
378
D'autre part, on note un affaiblissement de l'intégration totale du XIXe et de la première
moitié du XXe siècle, lié au désengagement des firmes exportatrices de produits
primaires, devenus abondants et très concurrencés sur le marché mondial.
La petite taille des marchés qui étaient souvent avancée comme obstacle au
développement après la décolonisation devenaient un avantage pour ces pays en situation
de crise économique. En effet, dans leur grande majorité, ils ont reçu un volume d’aide
internationale non négligeable, car il est d’autant plus important que la population et le
PIB soient plus petits [Srinivasan (1986)]. Cependant, celle-ci s'est avérée insuffisante
pour sortir les économies de la crise.
Les deux chocs pétroliers des années 70 ont fortement ébranlé les économies de la région.
Les biens manufacturés qui commençaient tout juste à sortir du secteur industriel
moderne perdent en compétitivité. La croissance diminue considérablement pour
atteindre dans certains cas, des taux négatifs (Barbade – 6% et Jamaïque – 1,50 % en 75).
Dans le même temps, les prix des produits primaires ont chuté considérablement
entraînant une baisse des recettes d’exportation pour les pays exportateurs de produits
agricoles et miniers. La production et les exportations de produits manufacturés, suite à
l’augmentation des prix des facteurs de production, connaissent également de sérieux
problèmes. De nombreux investisseurs abandonnent les marchés caribéens, le processus
de diminution des investissements étrangers dans le secteur moderne commence (Watson
1992)362.
362
WATSON H.A. (1992), "The US Free-Trade Agrement and the Caribbean With a case of Study of
Electronics Assembly in Barbados", Social Economy Study, Vol. 41, september.
379
Au début des années 80, la récession frappe les pays de la région, excepté Trinidad et
Tobago qui bénéficie de la rente pétrolière. Ces économies se tournent vers les
organismes internationaux (F.M.I., Banque mondiale) pour tenter de trouver une solution
de sortie d'une crise. Pour relancer la croissance, diminuer le taux de chômage et
rembourser leur dette, ces pays dans leur grande majorité sont invités par le FMI à
appliquer des politiques d’ajustement structurels, caractérisées par l’ouverture, entraînant
une délocalisation massive des firmes, en majorité américaines. A cette situation, les pays
de la Caraïbe réagissent de manière différente. Certains, renforcent leur intégration dans
le commerce international par une nouvelle forme de spécialisation. D'autres font le choix
d'une double stratégie d'augmentation des exportations et de substitution des
importations. Ce changement s’opère soit à travers le développement du tourisme et du
secteur industriel interne (Barbade, les îles vierges, Bahamas...) ou encore par le
développement de zones franches d’exportation (République dominicaine, Jamaïque...).
La Banque mondiale intervient également, par une politique qui a pour but essentiel de
réduire l’intervention des Etats et de développer un secteur privé moderne, ouvert vers
l’extérieur. Cependant, une grande interrogation demeure sur les résultats de cette
politique qui encourage la production dans le secteur externe.
L'analyse de la structure du PIB et de la croissance en Jamaïque et en République
dominicaine, qui ont fait l'expérience de l'ouverture par l'installation des zones franches
d'exportation dès la fin des années 70, confirme leur spécialisation dans l'exportation des
produits manufacturés légers. Les pouvoirs publics sont impliqués directement, ils
améliorent les infrastructures pour attirer les investissements étrangers dans ces zones.
Pour la République dominicaine, cela se traduit par la création de 115 885 emplois entre
80 et 90, malgré un taux moyen de croissance annuel de 1,5 % avec des taux négatifs en
1987 et 88. La structure du marché du travail n'est pas vraiment modifiée; la demande est
essentiellement une demande non qualifiée. Ce sont les travailleurs du secteur
traditionnel, frappés par le chômage qui sont embauchés en majorité dans l'industrie
textile et celle de la chaussure. Les firmes multinationales bénéficient d’un avantage en
salaire, mais également d'un cadre juridico-économique nouveau, très approprié à la
réalisation de profits substantiels. Ce sont ainsi des milliers d’emplois qui sont crées,
réduisant le taux de chômage et augmentant globalement la masse des salaires distribués.
Les graphiques ci-dessous traduisent bien un impact de la croissance des exportations sur
la réduction du chômage. Le premier objectif est atteint, puisque ces deux pays perdent
globalement sur la période entre cinq et sept points de taux de chômage.
Le second objectif est plus important, il s'agit pour ces pays d'entamer un processus de
croissance de long terme, leur garantissant à la fois une modification structurelle du PIB
et du marché du travail. C'est cette tendance que nous devrions observer dans la décennie
suivante.
380
30
25
20
15
Chômage
10
Croissance
5
0
-5
1983
1984
1985
1986
1987
1988
République Dominicaine
GRAPHIQUE : Evolution du taux de chômage, et du taux de croissance du PIB
dans la décennie 80
30
25
20
15
10
5
0
1983
1984
1985
1986
1987
1988
-5
-10
La Jamaïque
GRAPHIQUE : Evolution du taux de chômage, et du taux de croissance du PIB dans la
décennie 80
381
Au début des années 90, la situation est globalement préoccupante, on assiste à une
érosion des avantages comparatifs qui ont été un atout pour ces pays. La tendance semble
s’inverser, de nombreux PED voient leurs avantages se réduire progressivement.
Mouhoud (1995)363 met en évidence une double érosion des avantages de certains pays en
développement à la fois dans le domaine des industries intensives en travail (substitution
du capital au travail) et dans celui des ressources naturelles (substitution de nouveaux
matériaux et de nouvelles biotechnologies aux matières minérales et agricoles naturelles).
Plus de 15 ans après l'installation des premières zones franches dans la Caraïbe, la
situation économique est préoccupante, le secteur traditionnel cherche un second souffle
et la stratégie d'ouverture rencontre des limites pour atteindre les objectifs fixés. Son
évaluation en la République dominicaine au début de cette nouvelle décennie, révèle :
•
Une diminution du taux de croissance de 8,3 à – 1,8 entre 1999 et 2003
•
Une augmentation de la dette de 4,8 à 6,5 milliards de dollars entre 1999 et 2003
•
Une augmentation du taux de chômage de 13, 8 à 15,5% entre 1999 et 2003
•
Une diminution du taux de croissance de la production industrielle de 6, 3% à 2%
entre 1995 et 2001
Dans les zones franches, la situation se dégrade également. On enregistre :
•
Une baisse de 18,8% des emplois dans les zones franches
•
Une quinzaine de fermeture d'entreprises entre 1998 et 2000 ralentissant la
progression de l'emploi;
•
Une baisse de la création d'emplois.
S'il est indéniable que les zones franches ont généré quatre fois plus de devise en 2000
qu'en 1990, doublé les exportations et triplé le salaire moyen hebdomadaire, les effets ne
se font pas ressentir sur l'économie nationale pour deux raisons :
•
Les devises sont utilisées pour l'amélioration des infrastructures nécessaires pour
attirer les firmes multinationales;
•
Initialement le salaire moyen hebdomadaire est si faible (648,19 $ et 297,19 $
respectivement pour les techniciens et les ouvriers) qu'il demeure encore très faible en
2000.
Parallèlement, la qualification des jeunes n'est pas vraiment assurée, 75 % d'entre eux
n'ont pas véritablement accès à l'éducation. Globalement, la main d'œuvre disponible sur
place est majoritairement non qualifiée, ce qui freine le transfert de technologie. Le
travail qualifié n'a que très peu évolué, puisque les faibles revenus distribués par les
zones franches et le secteur traditionnel, n'ont pas une capacité à mobiliser l'épargne
nécessaire à l'investissement dans le secteur industriel moderne.
363
MOUHOUD E.M, 1995, Régionalisation, globalisation et polarisation de l’économie mondiale : quelle
place pour
les pays en développement ?, Revue Région et développement n° 2.
382
Evolution de la croissance du PIB et de la part
du PIB industriel dans le PIB
Croissance et PIB indust dans
PIB
25
20
15
10
5
0
-5
1990
1991
1992
1993
1994
1995
-10
Année
Le graphique ci-dessus révèle que le secteur industriel, capable de créer des emplois
qualifiés ne bénéficie pas vraiment de la croissance générée par les zones franches en
République Dominicaine. La part du PIB industriel dans le PIB garde un niveau constant
pendant la première moitié de la décennie 90, pour ensuite décroître et passer en dessous
de 17 % en 2000.
Cette tendance est confirmée par le tableau suivant, qui montre que depuis le début de
l'installation des zones franches en République dominicaine, c'est surtout le secteur
tertiaire qui a profité de la croissance et qui a absorbé une partie non négligeable de la
main-d'œuvre peu ou pas qualifiée.
BRANCHE D'ACTIVITE
1984 (%)
1998 (%)
Agriculture
40.6
18.2
Mines
1.6
0.2
Industrie
12.3
17.9
Energie
0.6
0.7
Construction
5.4
5.5
Commerce
20.9
27.8
Transport
4.3
6.4
Ets financiers
1.3
1.6
383
Services
13
21.7
TOTAL
100
100
Graphique : La population active occupée par branche d'activité
La nouvelle tendance observée aujourd'hui semble partager désormais le monde en zones
d’emplois non qualifiés à faibles salaires et zones d’emplois qualifiés à salaires plus
élevés. Dans cette nouvelle configuration, la Caraïbe est devenu une zone particulière,
que l’on peut qualifier d’intermédiaire. Si nous comparons le coût horaire pour un ouvrier
semi qualifié en Thaïlande et en Barbade, l’écart est substantiel. En 1988, il est
respectivement de 0.35$ et 1.72$364. L’étroitesse du marché semble générer des coûts en
travail plus importants, ce qui constitue un handicap pour les pays de la région. En ce qui
concerne les emplois non qualifiés, l'écart est encore plus important entre un travailleur
mexicain et un travailleur jamaïcain. C'est ce qui semble expliquer le départ des
entreprises des zones d’exportation de la Caraïbe pour les pays asiatiques et le Mexique.
Les multinationales qui restent sont en majorité américaines et européennes. Cette
attitude a été souvent expliquée par la proximité du marché américain, qui a pour
conséquence la réduction des coûts de transport et les liens particuliers avec l’Europe.
Aujourd'hui, d'après F. BENAROYA et E. BOURCIEU (2003)365:" L'économie
mondiale, à en juger par l'évolution des échanges et des investissements internationaux,
paraît plus intégrée qu'elle ne l'a jamais été, même à la fin du XIXe siècle [BALDWIN et
MARTIN] (1999); FRANKEL (2000). Les firmes multinationales, acteurs majeurs de la
mondialisation, semblent avoir atteint une véritable couverture planétaire". Cependant,
les PED, y compris ceux de la Caraïbe n'ont pas vraiment bénéficié du fruit de la cette
mondialisation qui paraît aux yeux de certains assez injuste. La stratégie de promotion
des exportations qui a été présenté comme LA solution pour sortir du sousdéveloppement, n'a donné que des résultats sont mitigés.
Un effort est donc fait pour poursuivre le processus d'intégration régionale. Les Etats de
la région doivent se donner les moyens pour mettre en place les biens collectifs
nécessaires pour l'éducation, et l'amélioration des compétences. Ce sont des conditions de
création de travail décent, nécessaire pour une croissance de long terme.
II. Intégration régionale et perspectives d'emplois pour la Caraïbe
Dès le début des années 70, un certain nombre de pays ont fait naître la volonté
d'expérimenter l'intégration régionale pour le développement de la région. Cela a donné
naissance au CARICOM marché commun de la Caraïbe en 1973 à Chaguamaras. Les
résultats obtenus par les pays ayant tenté l'ouverture au commerce international les ont
364
Statistiques de la Banque mondiale, 1988.
F.BENAROYA et E.BOURCIEU; "Mondialisation des grands groupes: de nouveaux indicateurs";
Economie et Statistique N° 363 -364-365; 2003
365
384
conforté dans ce choix. La solution préconisée est de développer et d'accélérer un
commerce intra-caraïbéen par la suppression des droits de douanes, de régionaliser les
échanges et d’ériger un tarif extérieur commun. Le but est de trouver un développement
harmonieux et de parler d’une même voix à l’extérieur.
Au début de ce troisième millénaire, la Caraïbe s'organise à nouveau face aux grands
blocs régionaux. Les Accords de Lomé puis de Cotonou font de L'Union Européenne un
partenaire privilégié dans le commerce mondial, il en est de même pour le commerce
avec les Etats-Unis qui reste d'ailleurs le principal partenaire de la région. Cependant
l'organisation mondiale du commerce institue la règle de la préférence généralisée qui
oblige la région à repenser son intégration dans l'économie mondiale. ALEEM
MOHAMED (2002)366 s'inquiétait des conséquences de la présence des grandes unions
régionales qui sont des concurrents redoutables pour notre région. Il peint un sombre
tableau pour sensibiliser son auditoire en imaginant la région produisant du sucre dans un
monde où la préférence généralisée est la règle pour ce produit. Il prend l'Exemple de
Trinidad and Tobago où les coûts de production élevés freinent alors toute possibilité
d'exporter. La situation est identique pour les DFA.
Pour mieux approcher la réalité, l'étude du marché du travail dans la Caraïbe doit être
complétée et corrigée, de données provenant du secteur informel. Bien que son existence
soit reconnue par la théorie économique, les activités du secteur informel ne peuvent être
qu'estimées, ainsi que le facteur travail nécessaire à leur réalisation. Certains travaux sur
cette question ont été réalisés à Trinidad and Tobago par Watson, Maurin, Sookram,
(Istanboul (2003)), en République Dominicaine et Haïti par Lamaute-Brissac (2002), et
en Guadeloupe par Maurin et Edinval (2002). Ils ont tous montré l'importance du secteur
informel et son impact sur le marché du travail dans la Caraïbe. On constate que le
secteur informel est plus ou moins développé dans la région, selon le degré de pauvreté
du pays ou du secteur économique. En Haïti près de 90% de l'économie et de l'emploi est
de l'informel. Dans d'autres pays, de la région il s'agit de secteur de services: les taxis à
Trinidad. Les secteurs de distribution de proximité dans quasiment tous les pays de la
Caraïbe. Pour faire face à la concurrence internationale, liée au phénomène de
mondialisation, les grandes entreprises réduisent leurs coûts en travail. Elles profitent des
taux élevés de chômage et de l'obligation absolue de respecter les législations du travail
en vigueur pour offrir des salaires de plus en plus faibles. Ce comportement est en partie
responsable de l'augmentation des activités dans le secteur informel.
D'autres causes sont aussi à l'origine du développement du secteur informel, parmi
lesquelles nous retenons:
•
Le dépérissement de secteurs traditionnels dans l'agriculture qui libère de la force de
travail. Elle cherche à s'occuper en créant leur propre emploi en liaison avec les
faibles revenus.
•
L'apparition de besoins de services de proximités dans les villes créés par les
travailleurs qui ont quitté les campagnes. Cela constitue un moyen de percevoir un
revenu pour échapper à l'extrême pauvreté quand il n'existe pas de législation ou
lorsque la lutte contre la pauvreté est insuffisante.
ALEEM MOHAMED, Movment of goods issues and challenges for the CSME ;
Caribbean transnational conference; Jamaïca 2002.
366
385
•
Le manque d'emplois même pour le travail qualifié qui est à l'origine de la créations
de nombreuses petites entreprises modernes, mais ne disposant pas de possibilité
d'investir en capital et qui développent des capacités d'emplois dans l'informel.
•
Une législation du travail qui peut entraîner pour certaines entreprises de diminuer le
coût social en employant des travailleurs en grande partie étrangers.
Le développement de l'emploi informel provient de la grande souplesse de ces activités et
aussi de leur participation à des réseaux locaux. L'informel agit alors comme variable
d'ajustement lors de crises économiques. Lors de la récession des années 1980 et les
chutes de croissances observées, le chômage a augmenté dans tous les pays de la Caraïbe,
c'est l'économie informelle et les emplois qu'elle génère qui a permis à certains pays de
pouvoir maintenir un certain niveau de revenus.
Les recherches au-delà du recensement des emplois informels cherchent à en mesurer
l'impact sur la croissance et le niveau d'emploi et de revenus pour s'assurer d'indices et de
statistiques plus objectives.
Avec le développement du processus de mondialisation, le secteur informel continuera
d'exister dans les pays de la région, on constate également dans les pays développés un
développement de l'économie informelle en marge des productions des grandes firmes.
386
1. Bilan du processus d'intégration régionale
Malgré un désir profond d'unité pour répondre aux grands défis de la globalisation, la
région reste de par les statuts politiques de ces différentes composantes divisée. Le bilan
économique de la région reste mitigé et très contrasté. Certes le regroupement comme
effort d'intégration a tout de même permis de maintenir un certain niveau de production,
d'accroître la part de l'industrie au détriment de l'agriculture, d'augmenter la part du
commerce intra caraïbéen dans le commerce global. Cependant, plus de trente après, les
modifications structurelles importantes ne sont toujours pas réalisées, et l'intégration
régionale rencontre des difficultés importantes.
Jusqu’au début des années 80, sous les effets du premier choc pétrolier et, de plus, dans
un contexte de tension politique dans toutes les Caraïbes, les économies caribéennes vont
vivre des moments difficiles. Ainsi, la stagflation et les fluctuations des prix vont freiner
les perspectives d’accroissement du pouvoir d’achat et du bien être matériel des
populations. De même, les gouvernements ont eu à combattre la volatilité des taux de
change et des taux d’intérêt tout en étant confrontés aux difficultés des finances externes.
Dans ce contexte, il ne semble pas que le CARICOM, un des regroupements les plus
dynamiques, ait pu contribuer à une meilleure croissance des pays. Au cours de la
première décennie d’intégration, les taux de croissance enregistrés sont d’ailleurs assez
modestes et voire négatifs pour les plus grands pays. Ceux des décennies 80 et 90 sont
disparates sur l’ensemble des pays, relativement faibles et parfois négatifs pour les pays
les plus développés tels que la Barbade, Montserrat et Trinité-et-Tobago. En revanche, de
façon globale, il apparaît que les performances sont plus satisfaisantes pour les petits pays
tels que ceux de l’OECS. Un cas singulier est celui du Guyana : très nettement, sa
croissance est largement la plus forte de tous les pays depuis 1991.
Tableau 2. Croissance du PIB réel
Pays
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
00
4.6
3.5
Antigua et 8,8
Barbuda
7,7
6,3
3,5
4,3
4,3
3,5
3,0 -4,2 5,0
Barbade
2,6
3,5
3,6
-3,1
-4,2
-6,2
0,6
4,0
0,4
4,7
Bélize
11,4 6,8
12,5
8,9
4,6
10,3
3,5
1,6
3,4
1,7
5,0
Dominique
6,8
7,4
-1,1
6,3
2,0
2,6
2,2
2,1
1,8
3,2
4,7 2
6
5,3
5,7
5,2
3,2
0,6
-1,3 2,3
2,7
3,0
1,7
5
7
Guyana
0,8 -2,6
-4,9
-3,0
6,0
7,8
8,2
8,5
5,5
7,9
3,2
1.8
3
Jamaïque
7,7
6,8
5,5
0,5
1,4
1,2
1,0
0,5 -1,7 3,0
Grenade
2,9
387
4.4
2.8
4
4
0.5
-0.5 0.2
Montserrat
5,3
9,4
11,5
14, -23,7
7
-1,5
-0,3 0,2
Ste-Lucie
6,3
8,6
7,2
7,1
3,1
6,5
1,4
2
4,1
3,7
StKitts/Nevis
7,4
9,8
6,7
3,0
3,9
3,0
4,5
3,0
3,9
5,8
St-Vincent 1,7
et
les
Grenadines
12
9,1
4,4
2,3
7,1
2,3
2,2
4,4
3,3
4
2
Trinité-etTobago
4
-0,7
1,5
2,7
-1,7
-1,7 4,0
2,4
3,2
5
5
-4,6
-1.8
-1.5 -1.5
2.9
0.5
Sources : CDB Annual Report, World Bank.
Les explications de l’ensemble de ces constats sont à rechercher dans plusieurs
directions.
Une première est que les économies caraïbéennes ont été ébranlées par un nombre
important de programmes d’ajustements structurels qui ont affaibli la capacité de
concurrence de leurs activités traditionnelles d’exportation. La croissance économique
n’a pas été suffisante pour absorber une main-d'œuvre sans cesse croissante et peu
qualifiée, non pas comme l'exposait LEWIS parce que le différentiel de salaire n'était pas
conséquent mais bien parce que la mondialisation affaiblissait les productions jusque là
dominantes.
Une seconde explication confirme le fait que toutes les activités de production à
l’exportation susceptibles de rapporter des bénéfices sont en déclin. Primo, la production
sucrière est en phase d’être supprimée tandis que la production bananière dépend trop des
aléas climatiques et des accords préférentiels avec les pays développés qui sont de plus en
plus remis en cause. Deuxio, la production minière perd de son importance globale. Elle a
des capacités instables de profit et, ne peut même pas constituer le moteur de la
croissance pour des pays à secteurs miniers viables. Enfin, tertio, les matières premières
ne représentent plus une garantie pour le futur. Une exception pour la production
pétrolière qui subit les effets des fluctuations de prix sur le marché international. Les
industries ont enregistré des contre-performances et, se sont orientées uniquement vers
les marchés nationaux et régionaux.
Seul le tourisme a pu montrer une croissance soutenue initiée depuis plus de deux
décennies. Certaines îles sont donc passées du tourisme chic, souvent anglais, de la
première moitié du vingtième siècle, à un tourisme de masse, stimulé par la proximité du
marché nord-américain. Mais, malgré cette embellie dans le secteur touristique, la
richesse des ménages caribéens ne s’est pas pour autant accrue ; en particulier, celle des
388
populations du Guyana, du Surinam et de Trinité-et-Tobago. Sans conteste, cette situation
trouve ses origines dans la baisse des dépenses publiques et est liée au besoin financier
croissant des gouvernements pour rembourser la dette. La baisse de l’activité économique
n’a pu que causer des dégâts sociaux : un recul du niveau de vie des ménages et, en
prime, un accroissement des pertes d’emplois. Cette baisse de l’activité économique a
également causé la dépréciation de la monnaie qui est bien plus préjudiciable aux petites
économies ouvertes qu’aux grands pays, vu les petites dimensions des marchés internes.
Ainsi en Jamaïque, la production locale n’est absorbée que par 10% des besoins
domestiques.
S’agissant des flux d’échanges commerciaux qui concernent l’un des objectifs premiers
du CARICOM, le bilan apparaît tout aussi très mitigé. Le régime du libre échange a fait
progresser le commerce intra-régional dans un premier temps, passant de 7,3% des
exportations totales en 1970 à 13,1% en 1983, mais il a diminué par la suite pour ne
représenter que 12,3 % des exportations totales en 1990. Ce pourcentage des années 80
était d’ailleurs inférieur à celui des années précédant l’existence de la Communauté.
Après cette période de stagnation, une revitalisation de ces échanges s’est faite au cours
de la décennie 90. Ainsi, des 12,3 % observés 1990, le pourcentage des exportations
totales s’est élevé à plus de 19,1 % en 2000. Mais, ce dernier résultat est bien en deçà de
ce qu’il devrait être dans le cadre d’une union économique.
Pour assombrir encore plus ce constat, il est apparu que ce sont les pays tiers qui ont le
plus profité du régime du libre échange à travers leurs inputs importés qui entrent dans la
production de la CARICOM pour former le plupart des exportations et importations intra
CARICOM. L’explication se trouve dans la difficulté qu’il y a eu de faire appliquer les
règles d’origine.
Globalement, on peut dire aujourd’hui, que l’économie de la Caraïbe qui reposaient
essentiellement sur l’agriculture au début du 20ème siècle, a connu des avancées réelles.
Les services ont remplacé l’agriculture dans la plupart des pays, améliorant ainsi le
revenu moyen, qui se situe à la fin de la décennie 90 à US$7 666 avec 13 pays dépassant
cette moyenne.
Cependant, l’écart entre les pays les plus riches et les pays les plus pauvres de la région
s’est creusé considérablement. Certains ont connu une croissance rapide, d’autres une
croissance modérée, tandis que d’autres stagnaient, sans vraiment trouver une stratégie
leur permettant de décoller. Cet écart est de 65 à 1 entre le pays le plus riche (les îles
Caïmans) et le pays le plus pauvre (Haïti). Pour trouver les raisons de cet écart en matière
de croissance économique, La Banque Interaméricaine de Développement et le Conseil
de Recherche sur les Sciences sociales à New York ont sponsorisé et confié une étude à
une équipe de chercheurs. Il s’agissait de mesurer la contribution relative de quatre
389
facteurs à la performance de la croissance: le commerce extérieur, les investissements en
capitaux humains, la qualité des institutions et la gestion de l’environnement naturel. Les
premiers résultats, publiés courant juin 2002, présente le commerce extérieur comme
l’élément moteur de performance de la croissance. Cela montre très clairement que c'est
la nouvelle intégration dans la mondialisation qui décidera des performances des
économies caraïbéennes. Les zones franches industrielles absorbent une partie de la main
d'œuvre mais son trop dépendantes des délocalisations stratégiques des multinationales.
Au sein de l'AEC comme au sein du CARICOM, les services sont présentés comme le
moteur de la croissance et du développement. Déjà la région possède un avantage certain
dans le secteur du tourisme de part son environnement, ses équipements, son savoir faire.
La caraïbe est la zone qui a le moins souffert des retombés négatives des attentats du 11
septembre 2003. D'autre part la région possède les infrastructures dans le transport aérien
et maritime en plus l'effort de qualification de la main d'œuvre permet de s'intégrer dans
les technologies nouvelles de l'information.
2. Intégration régionale et emploi: quelles perspectives pour la Caraïbe
Dans la décennie 90, l'évolution conjointe des exportations selon leur origine (nationales
ou zones d'exportation) met en évidence un fléchissement des exportations des zones
franches. L'analyse de la balance des paiements de la République Dominicaine et de la
Jamaïque, les deux pays de la région qui ont consenti des efforts conséquents
d'intégration au commerce international, est révélatrice du type de difficulté rencontré par
ces pays. Les fermetures d’entreprises enregistrées sont le résultat des nouveaux accords
passés entre les Etats-Unis, le Mexique et Canada. L’avantage en salaire étant meilleur
dans les maquiladoras du Mexique, de nombreuses entreprises ont préféré transférer dans
ces zones. Cela s’est traduit globalement par un ralentissement de la croissance dans les
zones d’exportation de la Caraïbe. La Barbade enregistre des taux négatifs pendant les
trois années et la République Dominicaine a vu cette tendance rattrapée par 380 millions
de dollars qui lui ont été octroyés par les organismes internationaux pour la relance des
exportations non traditionnelles. La Jamaïque, comme la Barbade, a subi fortement des
fermetures d’entreprises. Ainsi, pour ces deux pays, les pertes d’emplois ont été
importantes. Cette situation, qui s’est révélée assez perturbante pour la croissance, qui est
très faible pour certains pays, et qui atteint même des taux négatifs en 2002 pour d'autres
(Graphique ci-dessous). Les pouvoirs publics n'ont autre choix que de chercher des
solutions, penchant davantage vers l'intégration régionale et la constitution d'un marché
de travail caribéen, en particulier pour le travail qualifié.
390
25
20
15
10
5
0
-5
-10
1990 1993 1996 1999 2002
République Dominicaine
Graphique : Evolution conjointe du chômage et de la croissance
Conclusion
La Caraïbe est née de la mondialisation et a été modelée par la mondialisation depuis des
siècles, les marchés du travail de la région ne sont que le résultat des phases d'évolution
de cette mondialisation.
La relance de la mondialisation dans la Caraïbe est caractérisée par le développement des
IDE réalisés par les firmes multinationales afin de bénéficier de l'avantage en travail qui
existe dans ces pays.
Deux périodes peuvent être identifiée dans ce processus.
Dans la première, qui s'étend de la fin des années 70 au début des années 80, les marchés
du travail de la région sont fortement déséquilibrés. On assiste avec le dépérissement des
productions traditionnelles à une perte d'emplois essentiellement agricoles que le secteur
moderne de substitution des importations ne peut absorber. On enregistre des forts taux
de chômage pouvant atteindre jusqu'à 25% pour certains pays, ainsi que des salaires
moyen qui restent à des niveaux très faibles. Les salaires mensuels dans les zones
franches sont très faibles, de l’ordre de 804 pesos en moyenne en 1990 (soit environ 67
dollars US) en République dominicaine, il n'a pas connu d'augmentation substantielle. La
masse des travailleurs libérés par le secteur primaire à cause de la diminution des
391
exportations de sucre, et par la désagrégation du secteur de substitution aux importations,
n’a d’autre alternative que d’accepter de travailler pour ce niveau de salaire.
Les entreprises nouvelles d'exportation provenant essentiellement des industries de
premières génération à forte intensité en travail non qualifiées (textile, chaussure,
composant électronique...), l'Etat s'est fait employeur pour palier le chômage des cadres
issus d'un effort éducatif dans la plupart des pays.
Dans la deuxième période, qui s'étend jusqu'en fin des années 90, les investissements sont
en net ralentissement. On enregistre de nombreuses pertes d'emplois à cause du départ
des entreprises pour le Mexique et l'Asie. Cette situation à des répercussions sur la
situation économique et sur l'emploi des pays. La Caraïbe cherche les moyen de se
développer en se spécialisant dans des secteurs de service en bénéficiant de technologie
avancée. En effet elle bénéficie d'un avantage comparatif du fait qu'elle dispose d'une
main d'œuvre qualifiée qu'il s'agit de maintenir sur place en luttant contre l'attrait de
salaires élevés dans les pays développés. Dans le CARICOM est mis en place une
législation du travail permettant aux travailleurs les plus qualifiés de se déplacer dans la
région vers les secteurs qui offrent des possibilités d'emploi. C'est l'ouverture du marché
du travail une marche vers l'union, car il n'existe pas d'intégration et de développement du
marché sans une liberté de déplacement des moyens de production. Le libéralisme
imposé au monde oblige la région à sortir du morcellement en micro Etat.
Il existe donc une possibilité de restructuration des marchés du travail dans la
perspective d'intégration régionale.
392
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394
RÉFORMES NÉO-LIBÉRALES EN HAÏTI :
COHÉRENCE, IMPACTS SUR L’ÉCONOMIE PAYSANNE,
ET PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT
Sergot JACOB367
CREGED - Université QUISQUEYA
I.
Les années 80, le retour aux stratégies libérales comme mécanismes
de régulation de l`économie et de promotion du développement
Vers le début de la décennie 80, les économies sous-développées (non exportatrices de
produits pétroliers) ont été confrontées – pour la plupart – à de sérieuses distorsions
macro-économiques (inflation élevée, déficits de la balance des paiements et du secteur
public, surendettement, croissance léthargique, dégradation des termes de l’échange,
chômage chronique, pauvreté accrue, etc.) qui ont sérieusement hypotéqué leurs efforts
de développement. Les organismes internationaux (créanciers et fournisseurs d’aide) ont
alors remis en question le modèle auto-centré de développement axé sur
l’industrialisation substituée aux importations qui s’est révélé finalement incapable de
favoriser la croissance économique dans les pays en développement et qui a prévalu
jusqu’alors (ce, depuis l’avénemment du règne keynésien marqué par l’interventionisme
étatique qui aura duré quelque 25 années). L’expérience de quelques pays ayant adopté
des stratétgies de marché montrant le chemin, et les exigences additionnées et peu
convaincantes de la planification centrale dissuadant, les réformes néolibérales ont ainsi
été imposées au Sud comme une thérapeutique obligée non seulement pour retrouver les
voies de la croissance et du développement mais également pour renouveler les contours
des relations Nord-Sud tout en facilitant l’accès de ces pays au financement international.
Beaucoup de pays en crise se sont alors lancés dans de vastes politiques de réformes
macro-économiques radicales (libéralisation des prix et des marchés, restructuration du
cadre économique de production, assainissement des finances publiques, privatisation des
entreprises publiques, élimination des restrictions au secteur privé, dévaluation de la
monnaie) imposées et supervisées par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire
International (FMI) – dans le cadre de ce que l’on convenait d’appeler le Consensus de
Washington – afin de jouir de certains avantages bi- et multilatéraux. Les
programmes/politiques d’ajustement structurel (PAS) ont ainsi connu durant la période
1980-2000 une extension à la dimension des déséquilibres internes et externes auxquels
étaient confrontées les économies sous-développées qui étaient appelées à terminer leur
367
L’auteur est ingénieur agro-économiste (Université d’État d’Haïti), diplômé d’Études Supérieures en Planification
économique (Centre de Techniques de Planification et d’Économie Appliquée, CTPEA, Haïti) et détenteur d’un Master
en Gestion et Évaluation de Projets (Université d’Anvers, Belgique). De nationalité haïtienne, il est enseignantchercheur à l’Université Quisqueya et consultant en Gestion et Évaluation de projets/programmes. Courriel :
[email protected].
395
phase d’ajustement avant de pouvoir entrer dans celle dite de la mondialisation de
l’économie. Le bilan de ces politiques s’avère aujourd’hui très mitigé. Dans certains
pays, les PAS sont restés dans une impasse totale. Très peu d’autres ont pu bénéficier des
retombées escomptées de cette nouvelle stratégie de développement. Les raisons sont à
chercher naturellement tant dans la sphère économique et dans d’autres variables nonéconomiques. Mais face à leur impopularité, les PAS ont été vite rebaptisés Programme
de réduction de la pauvreté et de facilité de croissance (poverty reduction and growth
facility).
La République d’Haïti, empruntant le même chemin, a recouru au programmes du FMI
depuis 1982. Plusieurs obstacles non-économiques – pour l’essentiel inhérents à la longue
crise socio-politique et aux insuffisances institutionnelles qu’a connues le pays – se sont
pourtant opposés aux contributions nettes qu’aurait pu avoir, au niveau de l’économie
dans son ensemble368, cette nouvelle stratégie de développement. Ces obstacles, qui ont
représenté (ou continuent d’être) la principale force d’inertie de l’économie, ont
handicapé le calendrier, la cohérence, la continuité et partant, l’efficacité des réformes
économiques mises en œuvre durant ces 20 dernières années.
Si Haïti n’a pas su appliquer les accords conclus avec les institutions de Bretton Woods
dans leur intégralité en raison notamment de ses turbulences socio-politiques
ininterrompues et ses insiffisances institutionnelles – et encore moins de mettre en œuvre
des mesures d’accompagnement adéquates -, elle a décidé de démenteler brutalement la
totalité de ses barrières tarifaires et non-tarifaires. Paradoxalement, Haïti est aujourd’hui
le seul pays moins avancé et, en même temps, le pays le plus libéral de l’hémisphère
Ouest. Quelles sont les incidences des réformes néolibérales mises en œuvre en Haïti sur
les secteurs agricoles et agro-alimentaire, sur les revenus ruraux, le niveau de vie, la
production et la productivité des paysans-producteurs et la sécurité alimentaire ? Tels
sont entre autres les enjeux de cette communication. Un tel intérêt est motivé par le rôle
encore crucial du secteur de l’agriculture dans l’économie du pays. Mais d’abord, un
regard croisé sur le processus de mondialisation et sur les réalités agricoles diverses des
pays en développement s’impose.
II.
Mondialisation et agriculture paysanne sous-équipée : Quelles
conjugaisons ?
Les deux dernières décennies ont vu s’accroître à un rythme accéléré l’intérêt pour la
mondialisation des économies. Certes, cette mondialisation n’est plus ce qu’elle était
dans le passé. Ce ne sont plus des nouveaux territoires que certains pays conquièrent
militairement. Les nouvelles cibles sont des marchés convoités par des entreprises privées
supra-nationales qui s’imposent, détruisent des équilibres déjà fragiles (s’il en existe),
abusent de la force de travail, etc. envers et contre tous. Mais si cette mondialisation
galopante crée des opportunités pour certains (sous certains angles), pour d’autres, elle
Pour un exposé plus complet à ce sujet, voir Jacob (2000) Ajustement structurel en Haïti : Évaluation et étude
d’impacts, Université d’Anvers (Belgique). (Prix de la Province d’Anvers pour la Coopération Internationale Belge au
développement en 2000).
368
396
est synomyme de marginalisation, d’exclusion, de pauvreté accrue, etc. Les réformes
néolibales – censées précédées la mondialisation – ont donné quelques résultats positifs
sur la stabilité des prix et la croissance économique, mais le dogme libéral a vite montré
ses limites quant à la recherche d’une croissance équitable et durable (Naim, 2000 : 20).
La croissance économique – pour peu qu’elle soit enregistrée dans dans certains pays –
est souvent précaire et se double d’une augmentation des inégalités sociales - en ce qui
touche à l’accès à l’éducation, à la santé, etc – en milieu urbain comme en milieu rural.
Le capitalisme mondialisé est donc une doctrine dominante en marche, mais … dans
l’impasse. « En bref, l’expérience néolibérale des deux dernières décennies s’est tout
simplement révélée incapable de tenir sa principale promesse : l’accélération de la
croissance. C’est pourtant en son nom que l’on nous avait demandé de sacrifier tout le
reste, de la simple équité à l’environnement. Malgré ce lamentable échec, le dogme
néolibéral sur les vertus du libre-échange continue à s’imposer grâce à un appareil
économico-politico-idéologique qui, par son ampleur et son pouvoir, n’a d’équivalent
que celui de la papauté au Moyen Age. » (Chang, 2003).
Les économies peu développées se retrouvent aujourd’hui, malgré elles, face à une mise
en concurrence inconsidérée au nom de la mondialisation néo-libérale. Cette manière de
penser uniformément l’économie (la pensée unique) sous prétexte qu’il n’y a pas
d’alternatives, entraîne pourtant dans son sillage de nombreux « dommages collatéraux »
dans les pays du Sud. Le secteur de l’agriculture des pays sous-développés, qui mobilise
une grande partie de leur main d’œuvre économiquement active et contribue de manière
substantielle dans la formation de leur Produit intérieur brut (PIB), est le secteur qui paie
le plus lourd tribut de la stratégie du libre-échangisme, somme toute asymétrique, de
l’époque actuelle. Comme conséquences dévastatrices du libéralisme, certains de ces
pays en développement deviennent de vrais déversoirs pour des produits étrangers bas de
gamme. Mais également, des cultures de rente se sont vues soit abandonnées, soit laissées
aux femmes pour la subsistance ou régressées vers l’autoconsommation familiale. Et, par
ailleurs, les exportations de plusieurs produits agricoles ont fortement diminué en raison
non seulement de la baisse des cours internationaux de ces produits, mais également des
barrières tarifaires et non tarifaires (normes sanitaires, phytosanitaires, et de qualité)
imposées par le Nord. Les petits producteurs agricoles du Sud qui opèrent dans des
conditions inégales d’équipements et de productivité369 par rapport à leurs homologues du
Nord ne sont guère en mesure de faire concurrence à ces derniers qui d’ailleurs
bénéficient de fortes subventions à la production et des aides massives à l’exportation. La
mondialisation constitue donc une mise en concurrence … qui appauvrit et affame le Sud.
Les réformes mises en place dans les pays en voie de développement (PVD) dans le cadre
des mesures néolibérales ont touché à la fois les secteurs politiques, économiques,
Mazoyer établit que le rapport entre la productivité d’un paysan du Sud (équipé d’un outil manuel) et d’un
agriculteur du Nord (muni d’un tracteur) est de l’ordre de 1 à 1000 alors que cette fourchette était de 1 à 50 au début
du vingtième siècle. Et, il est appelé à s’augementer. (voir à ce sujet Grain de sel – Inter-Réseaux. No.27. p. 16.
Dossier : Les politiques agricoles en jeu.)
369
397
agricoles et agro-alimentaires et sont marqués notamment par le désengagement de l’État
en ce qui concerne certaines fonctions directes de production, de gestion et de
distribution, par la libéralisation des marchés agricoles et la privatisation de certains
services aux agriculteurs. La mise en œuvre de ces réformes a entraîné des situations
nouvelles sur le plan agricole (déprotection des marchés, concurrence accrue des denrées
en provenance des pays industrialisés, intégration régionale, privatisation des sociétés
publiques, réforme des structures de vulgarisation, etc.) pour tous les acteurs des filières
agricoles et agro-alimentaires. De tels changements se sont traduits en des termes
différents pour les acteurs, les pays et les régions. Depuis plusieurs années déjà, certains
auteurs ne cessent d’attirer l’attention sur les inégalités criantes des équipements, des
rendements, des revenus et des niveaux de vie entre les agriculteurs du Nord et leurs
homologues du Sud. La mise en concurrence des agricultures sous-développées s’est
donc traduite dans une asphixie des économies paysannes du Sud (Mazoyer et Roudart,
1997, 1998). Beauval (2004) démontre que les accords de libre commerce sont
catastrophiques pour les paysans et la sécurité alimentaire des petits pays, notamment en
Amérique centrale. Le premier forum européen sur la coopération au développement
rural tenu à Montpellier du 4 au 6 septembre 2002 organisé conjointement par le Centre
Technique de Coopération Agricole et Rurale (CTA) et l’Inter-Réseaux a permis de
mettre en lumière la grande déconvenue des agricultures paysannes africaines (du
Caméroun au Sénégal en passant par le Bénin et le Togo) où les productions locales sont
mises hors compétition du fait des importations alimentaires.
Pour les pays africains, toutefois, l’évaluation a posteriori des politiques d’ajustement
montre que l’ampleur, le rythme et les priorités diffèrent selon les pays. Et, les résultats
sur le plan des performances agricoles sont contrastés (Blein et d’Andlau, 2003 : 10). Ces
auteurs notent, pour la période 1980-2000, que la production de céréales est passée de 15
à 36 millions de tonnes métriques (soit une augmentation de 140%), la production de
tubercule a été multiplié par 7 et la production de coton graine par 4 pour la zone de la
CEDEAO (Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest). Ils attirent
cependant l’attention sur le fait que ces augmentations de productions ne sont pas liées à
l’accroissement de la productivité mais à l’extention des superficies cultivées tout en
invitant également à prendre en compte d’autres facteurs comme : l’existence ou non des
circuits d’approvisionnements en intrants, l’accès au financement, l’existence de
débouchés assurés tant au niveau local, régional qu’international.
En Haïti, la libéralisation du commerce agricole s’est traduite dans des résultats négatifs à
plusieurs niveaux. C’est à cette démonstration que s’attelle la présente contribution. Mais
au préalable, une mise en perspective des réformes mises en œuvre s’avère nécessaire.
398
III.
Économie politique des réformes néolibérales en Haïti
III.1. 1986 : l’année de la double rupture
Haïti a commencé son expérience des PAS depuis le début des années 80. Mais la plupart
des programmes mis en œuvre ont été interrompus en raison de la logue socio-politique
(et partant, institutionnelle) qu’a connue le pays depuis les 20 dernières années. L’année
1986 marque en effet une double rupture en Haïti (Lévy. s.d. : 184-185):
(i)
sur le plan politique, c’est la fin de la dictature trentenaire des Duvalier. La voie
était ouverte, croyait-on, pour un nouveau départ de la première république noire
indépendante, la seule à avoir réussi une révolution anti-esclavagiste370 ; et
(ii)
sur le plan économique, c’est la fin du protectionisme ouvert en 1957 avec le
régime des Duvalier qui voulait favoriser la paysannerie pauvre au dépens de la
bourgoisie mûlatre agro-exportatrice. Les filières locales de production ont alors
été protégées contre les importations massives des produits agricoles provenant
des pays étrangers. Mais l’agriculture n’a nullement profité de cette protection
tant les prélèvements des chefs de section (milice de Duvalier) sur les paysans
étaient élevés (Iram et Group Croissance, 1998).
Cependant, peu de temps après, tous les espoirs se sont effondrés, car le pays a basculé
dans une anarchie alimentée par les différents régimes militaires. Tous les efforts de
développement consentis (ou presque) ont été anéantis. La section suivante met en
évidence l’incapacité du pays à créer un environnement social stable indispensable à la
stabilité des prix, à l’investissement privé direct et à la croissance économique, précondition pour le développement et la réduction de la pauvreté.
III.2.L’insuffisante faisabilité socio-politique des réformes néolibérales engagées en
Haïti
Dans une classification élaborée par Monier(1998 :814), Haïti se retrouve parmi les pays
ayant appliqué en continuité les PAS durant les décennies 80 et 90, c’est-à-dire qui ont
signé des accords durant les années 80 et les ont renouvelé durant la décennie dernière.
Mais la singularité d’Haïti réside surtout dans son incapacité à mettre en œuvre
intégralement les accords conclu. De 1982 à date, plus de 6 accords financiers ont été
signés entre Haïti et le FMI371. Le tableau 1 présente les plus importants de ces accords
avec leur prêt respectif. Toutefois, les engagements dont sont assortis ces derniers n’ont
pas tous été appliqués intégralement en raison des crises socio-politiques et
institutionnelles récurrentes qui ont secoué le pays durant ces deux dernières décennies.
Si l’accord de 1982-83 a fait l’objet d’une application reconnue correcte par les instances
tant internes qu’externes et donné lieu à des résultats satisfaisants, celui de 1983-85 - qui
aurait dû être le prolongement du premier - a été suspendu en 1984 à cause de violentes
Voir à ce sujet Goutier (1997).
L’ensemble des accords financiers conclus par le pays au titre des programmes d’ajustement structurel le sont avec
le FMI mais la Banque Inter-Américaine de Développement, la Banque Mondiale et le Fonds Européen de
Développement (FED) ont appuyé - par des financements de soutien à la balance des paiements assortis de
conditions de faveur - les efforts d’ajustement consentis.
370
371
399
protestations sociales quasi-généralisées. En 1988, la gravité de la situation sociopolitique du pays a entraîné l’abandon du programme de Facilité d’Ajustement Structurel
(FAS) approuvé en 1986 pour couvrir les exercices fiscaux 1986-87, 1987-88 et 1988-89.
Pour cette même raison, un accord de confirmation signé en septembre 1989 et devant
couvrir la période 1989-90 n’a pas pu être appliqué. Les ressources mises à la disposition
d’Haïti par le FMI ont été récupérées par celui-ci au titre du remboursement des arriérés
de paiements accumulés jusqu’alors par le pays. Et aucune des mesures
d’accompagnement qui auraient dû être prises ne l’a été.
Vers le mois de septembre 1991, un autre accord de confirmation a été conclu avec le
FMI, mais le coup d’État militaire en a empêché la mise en œuvre. En définitive, depuis
le départ des Duvalier en 1986, hormis l’accord de confirmation de 1995-96 et le premier
volet annuel de la Facilité d’Ajustement Structurel Renforcée (FASR) approuvée en
octobre 1996 pour couvrir les trois prochains exercices (1996-97, 1997-98 et 1998-99),
les accords n’ont été que très partiellement respectés. En avril 1998, face à la persistance
de la crise conjoncturelle marquée par l’absence de gouvernement372 qui a empêché la
signature du deuxième volet annuel de la FASR avec le FMI, un programme financierrelais couvrant l’exercice fiscal 1997-98 a été mis en œuvre, en accord avec le FMI, dans
le but notamment de poursuivre les efforts de stabilisation financière et les réformes
structurelles. La décennie 2000 s’est ouverte sur une crise politique toute aussi grave née
des élections contestées de mai et novembre 2000. L’assistance financière externe est
gelée et conditionnée à la résolution de la crise. Un premier Staff Monitored program
(SMP) devant couvrir la période avril 2003-mars 2004 a échappé sous le contrôle des
autorités en décembre 2003 face à la dégradation de la situation financière et politique.
Un nouveau SMP est intervenu pour la période avril-septembre 2004 qui doit stabiliser
l’économie fraichement sortie d’un conflit armé. Son objectif principal est de préserver la
stabilité financière, supporter la récupération économique, et de mettre en place un
processus de suivi de la politique économique, ce qui devait permettre au pays d’avoir
accès aux ressources du FMI (IMF, 2004 :6). Le SMP – s’il était correctement suivi –
était censé permettre au pays de bénéficier d’un prêt de réduction de la pauvreté et de
facilité de croissance (PRGF) assorti d’un montant de 150 millions de dollars américains
(Lahens, 2004 :13).
372
Née de la démission du Premier Ministre Smarth en juin 1997.
400
Tableau 1 : Principaux prêts du FMI aux réformes économiques en Haïti
(jusqu’au 31 Août 2000)
Type d’accord
Période couverte
Montant approuvé
(en millions de Droits de Tirage
Spéciaux373)
34,5
Programme
de
1982-83
stabilisation
Programme
de
1983-85
60(374)
stabilisation
Accord FAS
1986-89
30,87
Accord de confirmation
1989-90
21
Accord de confirmation
1995-96
20
Accord FASR
1996-99
91,05
Source : Compilation de l’auteur à partir de MONTAS (1989), CADET (1996) et FMI
(1996 et 1997) et site internet du FMI.
Force est de constater qu’en dépit des efforts d’ajustement initiés dès le début des années
80, Haïti n’a pas su mettre à exécution de façon ininterrompue les mesures
recommandées. Ces non-conformités aux conditionnalités pourtant préalablement
acceptées ne sont guère sans conséquences sur les résultats attendus des programmes dont
le bilan économique global est aujourd’hui très maigre. On retiendra que la quasi-totalité
de ces programmes de réformes mis en œuvre ont été entachés de turbulences pour la
plupart internes et conjoncturelles qui ont handicapé leur efficacité. Ces turbulences ont
rendu vulnérables les réformes et paralysé leur impact net. La croissance économique
reste lente et aléatoire (figure II.g en annexe II). Les équilibres macro-économiques, la
stabilité des prix et du taux de change n’existent pas encore (figure II.b). Les déficits de
la balance des paiements sont persistants et croissants. Les coefficients d’investissement
et d’épargne, déjà faibles, le sont restés et se sont même détériorés (Jacob, 2000). L’offre
globale de biens échangeables et non-échangeables a périclité, et la désindustrialisation
s’accentue de plus en plus375. Les salaires réels ont baissé de manière continue tant au
niveau urbain que rural. La qualité de vie et les services sociaux ne se sont pas améliorés.
La politique néolibérale a laissé inchanger, sinon aggrever, le schéma de la répartition des
richesses nationales dont 50% sont accaparés par les 5% de la population détenteurs de
revenus les plus élevés. Les résultats des dernières enquêtes budget-consommation des
ménages de l’IHSI font état d’un coefficient de Gini de 0,65. En outre, malgré une
certaine attention accordée à la dimension sociale dans les accords FASR, la plupart des
indicateurs concernés ne sont pas allés dans le bon sens, la pauvreté de masse s’amplifie.
La persistance de la crise socio-politique et la détérioration institutionnelle qui s’en est
suivie en sont les principales causes. Cette instabilité interne s’est également doublée
d’une instabilité externe qui raréfie l’aide publique au développement et rend encore plus
précaires les résultats.
Sauf indication contraire.
En millions de dollars ($) courants des États Unis.
375
JACOB, Op. cit., p.51. Voir aussi figure II.f en annexe II.
373
374
401
En clair, il ressort que l’engagement politique du pays est très faible en ce qui concerne
les accords conclus. Trop souvent, les mesures d’austérité ont été suspendues à cause de
la crise socio-politique pour être reconduites sous la pression financière renouvelée, ce
qui a contribué à aggraver leurs coûts humains. Les avancées ont été rapidement
anéanties par des reculs. On s’est aperçu, dans le même temps, que les mesures
d’ajustement et les événements politiques se sont influencés mutuellement. Tout en
subissant l’influence de l’environnement socio-politique, les efforts de réformes ont aussi
donné lieu à des coûts politiques lourds en faisant capoter des gouvernements, ce qui a
paralysé – à n’en pas douter – la continuité et par conséquent, la performance des
réformes (annexe I). La mise en œuvre des politiques économiques ne s’est donc pas
inscrite dans une logique durable et planifiée en anticipant leur suspension (par une
implication des entités concernées directement ou indirectement, par une résolution
définitive de la crise multidimensionnelle interne, etc.), ce qui aurait permis d’en élargir
la base sociale en expliquant à la population les choix qui sont faits.
Pendant tout le temps qu’ont déjà duré les efforts d’ajustement, le paysage sociopolitique et institutionnel d’Haïti est resté marquer par une série de troubles internes tous
azimuts et ininterrompus dont la complexité et la gravité rendent a priori aléatoire toute
possibilité de réussite des programmes de réformes. Les contributions nettes qu’auraient
pu avoir ces efforts de réformes consentis jusque-là étant compromises, le développement
économique et social du pays piétine, voire régresse, et le coût social s’alourdit
conséquemment. La stabilité socio-politique et des capacités institutionnelles sont à
conquérir. Et tant qu’elles ne sont pas installées durablement, Haïti ne pourra nullement –
semble-t-il - mettre en œuvre efficacement des politiques publiques. Mais la pauvreté, à
son tour, risque de miner la stabilité politique. L’annexe I, en retrancant brièvement la
chronologie des événements socio-politiques en Haïti durant les 20 dernières années, met
en évidence l’insuffisance de la faisabilité socio-politique des politiques publiques et
l’hostilité de la conjoncture à des politiques macro-économiques saines et stables.
Il semble donc indéniable que si Haïti n’avait pas à réagir spontanément à ses crises
politiques récurrentes, elle aurait pu mieux concentrer ses énergies sur les défis
fondamentaux de l’heure que sont la réduction de la pauvreté, la protection de
l’environnement, la création des capacités institutionnelles, l’assimilation des
technologies nouvelles, le développement de ses capacités de production, la maîtrise de la
croissance démographique, la promotion d’une croissance équitable et durable, … bref
sur un processus de développement équitable et durable. Il se révèle alors que les
déterminants de la croissance et du développement social et économique sont à la fois
nombreux, complexes et variés, et souvent doivent être recherchés dans des secteurs non
économiques comme la stabilité politique, le calme social, la bonne gouvernance, etc376.
A ce niveau du débat, il ne fait aucun doute quant au manque de cohérence tous azimuts
qui a accompagné les efforts de réformes : ces dernières ne sont pas menées à leur terme,
Voir à ce sujet Jacob (2000) pour une comparaison d’Haïti avec des pays engagés sur la voie de l’ajustement
structurel et qui ont bénéficié de conditions socio-politiques intérieures beaucoup plus favorables. Cette étude met en
lumière quelques éléments instructifs en faisant ressortir des différences significatives notamment en ce qui concerne
la croissance, l’investissement et les exportations.
376
402
les mesures d’accompagnement n’ont pas été mises en place, la déprotection a été
brutale, etc. Quels en sont les impacts sur l’économie paysanne ?
IV.
Haïti : Une économie dominée par une agriculture traditionnelle
de petite expliotation … et de faible productivité
L’économie Haïtienne est fortement tributaire de son secteur agricole traditionnel qui
continue de mobiliser la plus forte377 partie de sa main-d’œuvre active (50,6% dans
l’ensemble du pays et 68,4% en milieu rural selon l’IHSI)378 et contribue pour 25,8% à la
formation du PIB379.. Les principaux produits vivriers sont : le riz, le maïs, les haricots, le
sorgho, la banane et les tubercules. Les principaux produits animaux sont constitués pour
l’essentiel de viande de bovins, de caprins, d’ovins, de porcins et de poulets. Tandis que
les principaux produits d’exportation sont le café, le cacao, la mangue et les huiles
essentielles380 dont seulement les deux derniers ne semblent pas être soumis au risque de
saturation des marchés d’exportation.
Le secteur a toujours souffert d’un manque cruel d’investissements productifs et
d’innovations. Plusieurs handicaps structurels (faiblesses des infrastructures d’irrigation
et de mécanisation, précarité de l’outillage, insuffisance de recherche et de vulgarisation,
absence de crédit381 à la production, faiblesse de l’utilisation d’engrais382, de semences
améliorées et de pesticides, exiguïté383 des parcelles de production, insécurité384 de la
tenure foncière, etc.) condamnent ce secteur à une faible productivité et à des rendements
de plus en plus médiocres.
A ces éléments de handicap, il convient d’ajouter la récurrence des périodes de
sécheresse385 et des cataclysmes naturels386 dans la zone inter-tropicale. Il en résulte que
le secteur agricole – déjà caractérisé par un très faible niveau d’équipement (donc, une
faible intensité capitalistique) et de productivité (tant au niveau du facteur terre que celui
de la main d’œuvre) – s’amenuise de plus en plus. Sa contribution dans la formation du
PIB accuse en effet des proportions de plus en plus réduites ; évaluée 51,87% en 1950,
elle est passée à 43,60% en 1974 avant d’atteindre 31% en 1997-98 (selon les statistiques
de l’IHSI), alors que les autres secteurs (notamment l’industrie) ne se sont pas développés
On notera que la population haïtienne est majoritairement rurale.
Institut Haïti en de Statistique et d’Informatique (2001).
379
Données de la Banque de la République d’Haïti (2003, Rapport annuel 2002, p.138).
380
Haïti est même redevenue en 2003 le premier producteur mondial d’huiles essentielles (Lahens, 2003 :11).
381
Le non-accès du secteur agricole au crédit bancaire s’est aggravé passant de 1,2% à 0,6% et à 0,4% du crédit
bancaire relatif aux prêts supérieurs à 75.000 gourdes en 1996, 1997 et 1998 respectivement selon la Banque de la
République d’Haïti (cité dans FMI, 1999b, p. 29). Les secteurs commerce et industries manufacturières en ont reçu
45,6% et 20,7% respectivement en 1998.
382
2,9 kg/ha contre 16 kg/ha pour ses voisins de l’Amérique Latine et de la Caraïbe pour la période 1989-94 selon les
estimations de la Banque Mondiale (1996, p. 147).
383
Elle est le résultat du régime de transmission des terres d’une génération à l’autre. La Banque Mondiale (2000, p.
244) estime à 0,08 hectare (ha) la surface de terre arable par habitant en Haïti en 1994-96 contre 0,10 ha en 1979-81.
384
Cette situation décourage les investissements de long terme et s’accompagne de ce fait d’une réduction de la
productivité des exploitations.
385
Sont classées années de sécheresse : 1982-83, 1986-87, 1990-91 et 1996-97 (IHSI, 1999).
386
Cyclone Allen (1980), Cyclone Gordon (1994), Ouragan Gilbert (1997), Cyclone Georges (1998).
377
378
403
pour autant. Cela rend problématique le transfert de la main d’œuvre excédentaire du
secteur rural (traditionnel) vers le secteur moderne de l’économie. Malgré ce déficit
d’industrialisation, l’urbanisation a bien lieu et atteint aujourd’hui 40,4%387. Selon les
statistiques disponibles, le taux d’accroissement de la population urbaine est de 4 à 5%
l’an, ce qui accroit exagérément le secteur informel urbain. Cet accroissement est le
résultat de l’effet combiné de la croissance démographique et de l’exode rural. Déjà en
2000, la Commission économique pour l’Amérique Latine et les Caraibes (ECLAC)
estimait à plus de 90% la population économiquement active non agricole travaillant dans
le secteur inormel urbain. En outre, le secteur agricole – dont la production est
essentiellement pluviale - n’est pas arrivé à remplir l’une de ses fonctions premières qui
est d’alimenter une population en rapide croissance388.
Dans le contexte protectionniste des années 70, des initiatives (maitrise de l’eau, accès au
crédit et aux intrants, commercialisation) ont été formulées en vue de relever le revenu
paysan et la production vivrière (PNUD389, 2000). Ces mêmes initiatives, reprises dans les
années 90 marquées par la libéralisation de l’économie, n’ont pas donné les résultats
escomptés tant les investissements nécessaires ont fait défaut.
V.
Une libéralisation trop rapide et … mal maitrisée des marchés
agricoles
Deux des accords précédemment évoqués sont d’une importance cruciale dans le débat
d’aujourd’hui : celui de 1986 qui a entamé la libéralisalisation des marchés, et celui de
1996 qui a démantelé totalement les tarifs douaniers. Si les accords conclus par Haïti
n’ont pas été appliqués dans leur intégralité à cause notamment des turbulences sociopolitiques ininterrompues – et encore moins des mesures d’accompagnement adéquates
mises en oeuvre correctement-, la libéralisation des marchés agricoles a été (quasi)totale
et brutale. Et, comme l’économie est dominée par l’agriculture, ce secteur a été le
premier à subir les méfaits de la politique macro-économique. Puisque les réformes
néolibérales ont focalisé leur intérêt principal sur la libéralisation – l’une des pièces
maitresses de l’actuelle mondialisation – du commerce extérieur (élimination de toutes
les barrières aux importations et aux exportations), cet aspect a fait l’objet d’une
application sans discernement en Haïti, comme quoi cela suffisait pour permettre à ce
petit pays (aux conditions de production non-compétitives) de s’insérer spontanément
dans une économie devenue mondialisée et de plus en plus concurrencielle. Et, comme
dans le cas des économies classiques peu développées, souvent axées sur un modèle de
croissance tiré par l’exportation de quelques produits primaires non transformés, les
conséquences dévastatrices de la libéralisation des marchés sont à mesurer aujourd’hui
Données de l’IHSI cité dans PNUD (2004).
Le taux moyen annuel de croissance de la population globale est de 2,08% (IHSI, 2003) sur les deux dernières
décennies.
389
Programme des Nations Unies pour le Développement.
387
388
404
dans tous les secteurs (ou presque) de l’économie Haïtienne. Même l’environnement a dû
payer très cher cette politique mal maitrisée et dont le rôle a été surestimé.
La libéralisation du secteur agricole (et de l’ensemble des marchés, en général) a débuté
durant l’année fiscale 1986-87. En effet, dans le cadre du programme dit de « Facilité
d’ajustement structurel » conclu avec le FMI devant couvrir la période 1986-89, les taxes
à l’exportation, les restrictions quantitatives à l’importation ont été abolies390 et certains
monopoles commerciaux éliminés. Par la même occasion, les tarifs douaniers ont été
revus à la baisse391. L’idée était de réduire les interventions gouvernementales sur les prix
(World Bank, 1988 : 39).
Tableau 2 : Comparaison des tarifs douaniers d'Haïti avec ceux de la CARICOM
(1998)
(en %)
Produits
Haït CARICOM (Tarifs extérieurs
i
communs)
Riz
3
40
Farine
0
5
Sucre
3
25
Maïs
15
40
Banane
0
30
Sorgho
0
40
Pois
5
30-35
Viande de
5
5
porc
Viande de
5
40
poulet
Source : IRAM et Group Croissance (1998) rapportés dans ANDAH & PAPDA (2000,
tableau 1, p. 9).
A la faveur des réformes post-embargo, les mesures de libéralisation ont été rapidement
renforcées en 1995 par l’élimination totale (ou presque) des tarifs douaniers à
l’importation (passant de 45-50% à 5%, 3% et 0% pour les produits vivriers, seul le maïs
est soumis à un tarif de 15%) alors même que les autres pays de la région ont su garder
(et gardent encore) des tarifs extérieurs communs de l’ordre de 40% sur leurs produits
agricoles. La République Dominicaine a le régime commercial le plus protectionniste de
la région en pratiquant de tarifs entre 60 et 100% sur les produits agricoles (Banque
mondiale, 2000 citée dans Vaugues, 2003 : 7). Le tableau 2 permet de comparer les tarifs
douaniers à l’importation d’Haïti et des pays de la CARICOM392.
Seuls 7 produits (le sucre, le maïs, le sorgho, le riz, les viandes de porc et de poulet, et le haricot) ont été soumis à
une licence préalable mais sans limitations quantitatives.
391
Les nouveaux taux ont atteint une moyenne de 20% ad valorem et, pour la plupart des produits vivriers, un
maximum de 40-50%.
392
Caribbean Commun Market (Marché commun des pays de la Caraïbe).
390
405
Tableau 3. Part des importations dans la consommation nationale en Haïti
Produits Part estimée des
Produit
Part des importations
importations dans la
dans la consommation
consommation totale
totale
Riz
64%
Lait
56%
Sucre
85%
Pois
20%
Farine
100%
Viande de
27%
porc
Maïs
5%
Viande de
75%
poulet
Banane 1%
Oeufs
78%
Sorgho 0%
Source : IRAM & Group Croissance, 1998
Comme conséquences, le pays s’est transformé en un vaste déversoir de produits
agricoles (animaux et végétaux) étrangers (notamment nord-américains et dominicains)
soumettant les producteurs nationaux à une distortion de concurrence qui élimine la
rentabilité de leurs activités. Le tableau 3 fait ressortir l’importance des importations
commerciales dans les disponibilités alimentaires du pays qui est devenu en fait un
importateur net.
Figure 1 : Évolution des importations alimentaires commerciales (en tonnes), 1982-1995
1982
252,000
527,000
1990
594,000
1995
Source : Gagnon (1996) cité dans PNUD (2000)
Dans ce contexte, les importations commerciales alimentaires ont augmenté de plus de
135% entre 1982 et 1995 (figure 1) condamnant la production locale à un recul constant
(figure 3) et modifiant profondément les habitudes de consommation de la population au
profit des produits importés et commercialisés à un prix plus bas, tel que le constatent
406
plusieurs études thématiques dont celles menées par le PNUD (2000) et Christian Aid
(2001).
VI.
1986-2004, 18 ans de régime libéral en Haïti : Quelle évaluation
pour l’économie paysanne ?
VI.1.L’impact des réformes néolibérales sur le secteur agricole
Avec les mesures de libéralisation, dictées par la politique néolibérale et appliquées sans
discernement aux prix et aux marchés agricoles,.les handicaps structurels du secteur se
sont renforcés, d’autant que l’État devait se désengager de certaines fonctions d’appui à
la production (qu’il n’a du reste jamais occupées comme il le fallait). Les filières de
production agricole sont les principaux témoins de cette démarche mal maîtrisée. La
libéralisation des marchés agricoles est venue donc aggraver le problème de la
commercialisation des produits locaux au niveau du marché intérieur qui dès lors ne
garantit plus un prix rémunérateur à l’effort du paysan (Jacob, 2003). Ce dernier est alors
incapable d’écouler ses produits en raison de la concurrence déloyale exercée par les
importations commerciales (en provenance des Etats-Unis notamment dont la
compétitivité est acquise à coup de fortes subventions) et la contrebande (largement
répandue, du moins tolérée, sinon institutionnalisée). Le secteur agricole est donc devenu
de moins en moins compétitif.
Il en ressort une chute effrénée de la production agricole et alimentaire telle que le
montre le test avant-après393 ci-dessous (figure 2). La productivité agricole, mesurée en
valeur ajoutée par agriculteur, déjà très faible, a encore baissé passant de $578 au début
des années 80 (soit avant l’ouverture des marchés) à $407 durant la deuxième moitié des
années 90 (après les mesures de libéralisation), soit une diminution d’environ 30% en
plus ou moins 15 ans, accentuant ainsi le déficit vivrier et la baisse du niveau de vie de la
population agricole.
Figure 2 : Productivité agricole et production agro-alimentaire en Haïti
Les faiblesses de la méthodologie avant-après - qui consistent ici à attribuer à la libéralisation elle-même tous les
changements survenus après en négligeant les effets des autres facteurs - sont bien connues mais elle est très
instructive ici faute de pouvoir mener une analyse de type avec-sans en raison notamment de la difficulté d’imaginer la
situation contrefactuelle, c’est-à-dire celle qui aurait prévalue en l’absence des mesures de libéralisation afin de
corriger pour les autres phénomènes ayant intervenu dans le même temps. En tout état de cause, on retiendra que les
autres facteurs (les trois années d’embargo économique et commercial, la récurrence des cataclysmes naturels dans
une zone inter-tropicale, …) exercant un certain impact sur les variables étudiées ne jouent qu’un role relativement
marginal.
393
407
700
110
600
105,5
105
500
100
400
95
300
200
100
90,5
578
407
0
90
85
80
1979-81
Valeur ajo ut ée p ar ag ricult eur
1995-97
Ind ice d e la p ro d uct io n alimentaire
Source : Données de la Banque Mondiale, 2000
La figure 3 fait ressortir que dans l’ensemble, la production des principales denrées
vivrières était plus ou moins stable jusqu’en 1992394(exception faite pour la banane qui a
amorcé une régression depuis l’année 1987). Au-delà de cette période, les produits les
plus exposés à la concurrence internationale n’ont pas resisté. C’est le cas de la bananne
(0%), du riz (3%) et des haricots (5%). Le cas du riz est très évocateur du déclin du
secteur agricole. Le pays, qui en était auto-suffisant en 1980, produit aujourd’hui 76,000
tonnes métriques (figure 3), soit moins d’un tiers de la consommation nationale annuelle
estimée à 300,000 tonnes. Le maïs, qui est soumis au plus haut tarif douanier (15%),
arrive à retrouver son niveau d’avant la libéralisation du marché après une forte chute en
1997. Comme autres conséquences des mesures de libéralisation, le PNUD (2000) a
constaté un changement qualitatif dans le type d’aliments produits : « favorisant les
racines, fruits et légumes passent de 65% de la production dans les années 50 à 75% en
1990 au détriment des céréales ». Mais cette effet de substitution est loin de résoudre
l’équation de la survie dans le monde paysan. Déjà en 1999, les actes de la semaine du
développement rural constataient qu’aucun des systèmes de production pratiqué n’était
rentable.
A l’échelle micro-économique, les systèmes de prix et les revenus agricoles sont
négativement influencés par la forte réduction et/ou l’élimination des tarifs douaniers sur
les produits agricoles concurrents (ce qui se traduit en bout de ligne dans des pertes de
revenus pour les agriculteurs). Les termes de l’échange villes-campagnes se sont
dégradés (augmentation des prix des produits non agricoles plus vite que celle des prix
des produits agricoles)395. Cette diminution des prix relatifs s’est accompagnée d’une
déperdition de pouvoir d’achat plus forte pour les agriculteurs que pour les urbains. Cette
baisse du pouvoir d’achat de la population agricole – qu’il convient de relier en premier
lieu à la concurrence déloyale exercée par les produits alimentaires importés et la
contrebande (elle même liée au démantèlement des barrières tarifaires) – s’est suivie d’un
mouvement migratoire massif en direction des villes et plus particulièrement de Port-auPrince. Ceci a donné lieu à un élargissement important du secteur informel qui occupe
Première année de l’embargo économique et commercial imposé par les Nations Unies à la suite du coup d’état
militaire.
395
Selon une étude réalisée par l’Association Nationale Des Agro-professionnels Haïtiens (ANDAH) et la Plate-Forme
Haïtienne de Plaidoyerie pour un Développement Alternatif (PAPDA) (2000 : 21) dans trois zones agricoles du pays,
en l’occurrence Kenskoff, la Plaine des Cayes et la Vallée de l’Artibonite (voir figure II.c en annexe II).
394
408
plus de 90% de la population économiquement active non agricole selon l’ECLAC (voir
supra). Les inégalités de revenus se sont donc amplifiées entre les secteurs urbain et rural
(en pénalisant beaucoup plus directement les détenteurs des revenus agricoles) du fait des
mesures de libéralisation brutales. La déprotection a donc poussé l’économie au-delà de
ses limites d’efficacité et le secteur de l’agriculture, structurellement sous-équipé, qui
occupe la plus forte partie de la main d’œuvre active du pays et fournit une part
importante du produit intérieur brut (PIB), est le premier à en avoir pâti. Face aux
importations alimentaires commerciales massives, le producteur local s’est trouvé obligé
de s’aligner sur des prix inférieurs à son coût réel de production, ce qui compromet
l’équilibre financier de son exploitation et l’accule à un exode rural massif.
409
600,500
500,500
400,500
300,500
200,500
100,500
Riz
Mais
Sorgho
Bananes
200
3
200
1
200
2
199
9
200
0
199
7
199
8
199
5
199
6
199
3
199
4
199
1
199
2
198
9
199
0
198
7
198
8
198
5
198
6
198
3
198
4
500
198
1
198
2
Production annuelle (en tonnes metriques)
Figure 3 : Volume de production des principales denrées vivrières (en tonnes métriques),
1981-2003396
Haricots
Source : IHSI, MARNDR, CEPAL, CNSA
Une stratégie axée sur les lois du marché semble indiquée pour stimuler le
développement économique en absence de rigidités et de distorsions à la concurrence et à
la compétitivité. Toutefois, chez les défenseurs même du libéralisme, un doute subsiste
depuis le début des années 90 quant à l’efficacité des mesures de déprotection mises en
œuvre dans les pays en développement. Dans le cas d’Haïti, où aucun échéancier n’a été
préalablement et soigneusement étudié, il parait hasardeux d’espérer une dynamisation du
secteur agricole à partir des seuls mécanismes d’un marché mondialisé caractérisé
pourtant (sur les plans agricoles et agro-alimentaire en particulier) par des protections,
des subventions, des normes et des règles sanitaires, phyto-sanitaires, etc. qui limitent
l’accès des PVD aux marchés du Nord. Une telle politique se révèle en fait défaillante et
mal inspirée sur le plan des filières de production agricoles locales. A ce titre, il s’avère
inaproprié et injustifié, compte tenu de ses faiblesses et rigidités structurelles, de
soumettre le secteur agricole à une concurrence internationale qu’il ne pouvait (et ne peut
encore) nullement supporter.
La baisse de la production agricole a des effets néfastes sur les exportations
traditionnelles dans la mesure où le secteur a fourni une grande partie de celles-ci. Selon
le Ministère de l’Économie et des Finances (1996 :15), l’apport du secteur agricole aux
exportations totales est passé d’environ 50% en 1980 à moins de 10% en 1990. Ce
pourcentage n’est plus que de 5,5% actuellement (voir figure II.h en annexe II). En outre,
le secteur a été victime de la baisse des prix de ses principaux produits échangeables sur
La CEPAL (ECLAC), la FAO (Food and agriculture organization), le Ministère de l’Agriculture des Ressources
Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) et l’USAID (Uited States Agency for International Development)
sont les principales institutions qui fournissent des statistiques sur la production agricole en Haïti. Mais les estimations
de la production ne sont guère concordantes. Et, il est frappant de constater que les estimations du Marndr sont de
loin plus élevées. Elles sont tout de même retenues pour les analyses menées ici étant donné leur régularité sur une
longue période.
396
410
le marché international. Par ailleurs, le café – qui est encore la principale denrée
d’exportation – a vu sa production régresser (passant de 43,000 tonnes en 1980 à 27,000
en 1998) en raison notamment d’un manque de partenariat entre l’État, les exportateurs et
les producteurs. La valeur des exportations de café a été divisée par 6 entre 1996 et 2001
(passant de 24,58 à 4,12 millions de dollars américains selon les données rapportées par
la BRH, 2001 : 65). Le système de commercialisation de ce produit est resté depuis
toujours contrôlé par un petit groupe - intéressé plus que tout autre chose à gonfler ses
bénéfices - qui n’a pas transféré aux producteurs ne fût-ce qu’une partie des rentes
bénéficiées à partir de l’exportation de ce produit, ce qui aurait pu avoir l’impact
d’améliorer tout au moins les pratiques culturales et donc, la productivité de cette
spéculation (Jacob, 2000, 2003).
VI.2.L’impact sur le secteur agro-alimentaire
La forte baisse et/ou l’élimination brutale des tarifs douaniers ont accéléré la chute des
indices de productions non seulement agricole mais également alimentaire. Elles se sont
suivies d’une aggravation de la non-compétitivité de la production agricole nationale et
ont favorisé sa mise en faillite. La limitation de l’offre s’est donc aggravée. La production
alimentaire quant à elle a décru en moyenne de 0,28% l’an depuis 1970 (Jacob, 2000)
alors que la population n’a cessé de croitre à un rythme estimé à 2.08% l’an. Ainsi, la
production per capita a chuté. En 15 ans, l’indice de la production alimentaire a reculé de
15 points de pourcentage, passant de 105,5 à 90,5 (1989-91 = 100) (figure 2). La figure 4
fait ressortir l’impact négatif de l’ouverture économique décidée en 1986 en montrant
l’évolution inquiétante de la croissance de la production des biens agro-alimentaires qui
s’est aggravée à la suite aux mesures de libéralisation. Le creux de la vague est atteint en
1990 et s’est maintenue pendant une bonne partie de la période de l’embargo (1992-93).
La reprise amorcée avec le « retour à l’ordre constitutionnel » en 1994 a été vite anéantie
en 1995 sous l’impulsion des réformes ultra-libérales post-embargo. Dans ce contexte, il
est devenu plus avantageux pour les agro-insdustriels de se convertir en importateurs.
D’ailleurs, les importations d’oreilles et de pieds de porcs, d’ailes et de cuisses de poulets
ont entrainé une chute de 50% de la production locale de viande de porc comme le
constate le bilan commun de pays du PNUD (2000), et avec cette chute, la perte de
revenus pour les producteurs de viande.
411
Figure 4 : Évolution de la croissance annuelle (en %) de la production agro-alimentaire
en Haïti
4
3,5
3
2,8
2
1,8
1,4
1
0,5
-3
1997
-1,1
1996
1995
1994
1993
1992
1991
1989
1988
1987
1986
0
1985
1982
1980
1970-80
-2
0
-0,5
1990
0
-1
2,2
1,8
-2,2
-2,6
-3
-4
-4,2
-4,9
-5
-6
Source : Données de l’ECLAC
VI.3.L’impact de la libéralisation sur la sécurité alimentaire
L’agriculture haïtienne, qui a satisfait 70% des besoins alimentaires397 de la population en
1975, n’a couvert que 55% de ces besoins en 1999 (Avin, 1999 : 36), l’autre brèche étant
comblée par les importations commerciales, la contrebande et l’aide alimentaire. Les
dernières estimations statistiques sur les disponibilités alimentaires laissent entendre que
ce pourcentage serait tombé à 54% en 2002 selon les données de la CNSA. Le pays
devient donc de plus en plus dépendant des importations pour assurer l’alimentation de sa
population. Le recul de la production, de la productivité et les exportations agricoles (voir
supra) ont considérablement aggravé l’insécurité alimentaire des familles paysannes. La
satisfaction des besoins énergétiques par personne et par jour serait passée de 1987
kilocalories en 1965 à 1794 en 1995398, soit une diminution d’environ 10% alors que
2260 kilocalories sont nécessaires par personne et par jour pour mener une vie saine et
active. Un haïtien sur deux est victime de l’insécurité alimentaire en 2003399. Même pour
les producteurs agricoles, la sécurité alimentaire s’est donc davantage détériorée en
réponse à la diminution de la production alimentaire par tête (figures 2 et 5).
Nonobstant des importations commerciales de plus en plus massives (figure 1), il reste
que la disponibilité des aliments est instable dans le temps et dans l’espace, et qu’il faut
compter avec un déficit structurel de 200.000 Tonnes-Equivalents Céréales (TEC)400, la
production nationale n’étant que 980.000 TEC (PNUD, 2000). Les données de la FAO
sont accablantes : elles offrent à constater que l’indice de la production céréalière per
capita (1989-91 = 100) serait passé de 136,2 en 1979 à 73,6 en 2001, soit une diminution
d’environ 63 points (figure 5).
Les besoins théoriques nationaux sont évalués à 1,8 millions de Tonnes Équivalent Céréales par la Food and
Agriculture Organization (FAO) pour l’année 1996.
398
FAOSTAT cité par Avin. 1999.
399
Inter-entreprises (INESA) (2003).
400
L’équivalent-céréale est la quantité de céréales ayant la même valeur calorique que la production agricole
considérée.
397
412
Figure 5 : Indice de production céréalière per capita (1989-91=100)
136.2
124.3
119.8
109.2
106.2
90.8
90.4
20
03
20
00
19
97
19
94
19
91
19
88
19
85
19
82
19
79
73.6
Source : Données de la FAO
VI.4.Les implications sociales et environnementales des mesures néolibérales
A n’en pas douter, les réformes néolibérales ont un impact, somme toute indirect mais
indéniable, sur l’environnement. Contraints de s’aligner sur des prix de vente inférieurs à
leurs coûts réels de production en raison de la concurrence déloyale des produits importés
et de la contrebande, les petits producteurs aux abois se sont vus acculés à adopter
d’autres stratégies de survie.
L’une de ces stratégies est l’exode rural massif401 en direction des villes de province et
plus particulièrement de la capitale (qui a contribué énormément au phénomène de
bidonvillisation constaté dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince qui compte
actuellement plus de 357 bidonvilles402, et par conséquent à un élargissement important
du secteur informel urbain dont les conséquences sur l’environnement physique urbain
sont désastreuses. L’urbanisation s’opère de manière anarchique. Du coup, une certaine
marginalité rurale semble s’être déplacée vers le milieu urbain étant donné les
opportunités limitées d’emplois en ville403 (le chômage touche environ 70% de la
population active haïtienne) tout en alimentant l’insécurité physique dans les villes. Le
flux des migrants laissant le secteur agricole se dirige également vers les pays voisins (la
République Dominicaine404, les côtes de la Floride, les Bahamas, etc.). Le paysan se fait
Si l’exode rural apparait comme un corollaire du développement de l’industrie dans un schéma plus ou moins
classique de développement, Haïti a plutôt connu pendant les deux dernières décennies un phénomène de
désindustrialisation accélérée alimentée notamment par la récurrence des troubles socio-politiques et des sanctions
économiques internationales consécutives, le manque d’infrastructures appropriées, les défaillances du cadre légal, le
manque d’incitation à l’investissement, les distortions de concurrence, etc. La participation de l’industrie
manufacturière dans la formation du PIB est passée de 18,3% en 1980 à 7,3% en 1996 en prix constants de 1990
selon les données de l’ECLAC (figure II.f en annexe II). Voir à ce sujet (Jacob, 2000). En d’autres termes, la main
d’œuvre qui laisse le secteur agricole n’est pas absorbée par un secteur industriel formel, d’où l’expansion de
l’économie informelle en milieu urbain.
402
Selon une estimation de Jean Goulet (2004 : 1).
403
Ce commentaire remet à l’esprit la conclusion similaire pour l’Amérique Latine de Salgado Wilma (2003 : 73).
401
413
donc boat people ou braceros à mesure que la situation socio-économique du pays se
dégrade.
Une autre stratégie de survie est la coupe effrénée des arbres (y compris les arbres
fruitiers dont les paysans ont besoin pour leur propre subsistance) pour la fabrication du
charbon de bois (combustible très utilisé pour la cuisson des aliments dans les villes
haïtiennes et dont la production annuelle est estimée à 300.000 tonnes métriques par J.A.
Victor (Fondation Haïtienne de l’Environnement) au cours d’une émission radio-diffusée
en novembre 2003). Là encore, les incidences sont très néfastes sur l’environnement. Car
l’érosion s’acccélère suite à la coupe des arbres et aggrave le déséquilibre agro-sylvopastoral, ce qui rend encore plus vulnérables les familles paysannes. La couverture
forestière serait de moins de 1,5% selon les estimations disponibles. Chaque année, 42
millions de tonnes de terres arables (soit l’équivalent d’une dizaine de milliers d’hectares)
sont irréversiblement emportées vers la mer par l’érosion, ce qui représente une réduction
de 1 à 2% de la superficie cultivable du pays (Latortue,1998 : 24). Dans la foulée, la
fertilité des sols diminue également. Il faut noter que la superficie des terres arables du
pays est estimée par l’ECLAC à 560.000 hectares au total dont 350.000 sont cultivés en
permanence. Selon les données de la Banque mondiale, à peine 10% de cette superficie
est irrigué.
Entres autres corollaires, ces deux stratégies alimentent un cycle infernal de la pauvreté
qui réduit les opportunités d’accès aux soins de santé, à la nutrition et à l’éducation de
base des enfants des paysans, qui dans certains cas sont confiés à des répondants en ville
comme « domestique » mais sans une réelle possibilité d’insertion sociale ou
professionnelle. Cela ne fera que reproduire la pauvreté405 de génération en génération si
rien n’est fait dans les meilleurs délais.
VII. Le capital social au niveau communautaire dans le contexte de la
mondialisation
La forte mobilisation de la société civile née de l’après-Duvalier s’est traduite par une
émergence et un foisonnement sans précédent des organisations de base tant en milieu
urbain que rural. Trois facteurs fondamentaux sont retenus comme étant les points de
départ de ce mouvement organisationnel : (i) le processus de « démocratisation » initié en
1986, (ii) le désengagement de l’État de certaines fonctions directes de gestion et
d’exécution et (iii) l’aide internationale cherchant à responsabiliser les bénéficiaires
directs en vue de faciliter une prise en charge et une appropriation (empowerment) des
réalisations. En ce qui concerne la paysannerie, trois caractéristiques se dégagent de
l’analyse du mouvement organisationnel : (i) les organisations paysannes sont de nature
hétérogène et ont des modes de fonctionnement variés, (ii) elles présentent un faible
niveau de structuration et d’autonomie et (iii) les objectifs qu’elles poursuivent sont à la
Curtis (2001 :154) attire l’attention sur le fait que les hommes s’orientent vers l’industrie de la construction ou la
coupe de la canne à sucre, tandis que les femmes sont employées comme ménagères ou finissent dans l’industrie du
sexe. Mais, en réalité, les quelque 500.000 à 800.000 haïtiens et descendants d’haïtiens (selon les chiffres de la
Banque mondiale) sont à répertorier dans toutes les sphères de l’économie dominicaine comme le laisse entendre
Alexandre (2004 :8).
405
En 1995, 81% de la population rurale vivaient en dessous du seuil de pauvreté (Banque mondiale, Ibid).
404
414
fois nombreux et peu réalistes. Les conditions dans lesquelles ces organisations ont
émergé et se sont multipliées sont assez diverses : (a) environnement politique favorable
(chute du régime des Duvalier en 1986, arrivée au pouvoir du prêtre Jean Bertrand
Aristide en 1990, retour à « l’ordre constitutionnel » en 1994 marquant le chute du
régime militaro-répressif issu du sanglant coup d’Etat de 1991 ; (b) opportunités de
financement de la part des bailleurs de fonds et (c) initiatives locales en réponse à des
problèmes communs.
Dans le département du Nord du pays, ces organisations sont regroupées depuis 1994,
sous l’impulsion du Ministère de l’Agriculture, en Chambres d’Agriculture. Celles-ci
sont dotées pour la plupart de caisses populaires (afin de disposer sur place des services
financiers) et de boutiques d’intrants agricoles (pour l’approvisionnement et la
commercialisation des intrants nécessaires au fonctionnement des systèmes de production
agricole pratiqués dans leur communauté) dont elles sont appelées à en assurer la gestion
afin de dynamiser et de pérenniser le mouvement organisationnel. L’objectif de cette
initiative était de favoriser l’émergence d’une plate-forme de concertation et de
coordination des organisations paysannes, et une représentation professionnelle agricole
pouvant jouer le rôle d’interface entre les pouvoirs publics, les acteurs privés du
développement rural et les filières agricoles.
Ces organisations professionnelles agricoles sont autogérées et porteuses de solutions
locales. Elles veulent assurer certaines des fonctions libérées par l’État. Ces organisations
étaient en principe appelées à devenir des partenaires privilégiés du Ministère de
l’Agriculture (dans la définition de sa politique agricole) et des organismes nationaux et
étrangers intervenant dans le milieu rural. Ceci laisse augurer des perspectives fortes en
vue d’un développement agricole et rural participatif (et peut-être durable), mais encore
faudrait-il que les déficiences fonctionnelles, organisationnelles et financières de ces
associations soient d’abord comblées. Ces organisations doivent sortir de leur attentisme.
Leur manque d’assise financière, de transparence et de participation fragilise leur
existence. Mais un cadre juridique approprié pour le fonctionnement de ces organisations
n’existe pas encore. En cela, l’État peut jouer un rôle fondamental.
VIII. Quelles perspectives
équitable ?
pour
un
développement
durable
et
Les développements qui précèdent ne constituent en aucune manière un parti pris
idéologique en faveur ou contre telle ou telle doctrine même lorsque l’orthodoxie du
néolibéralisme est difficilement défendable. Ils constituent plutôt un bilan objectif d’une
réalité vérifiable qui montre l’échec cuisant, l’impasse totale et les limites des réformes
néolibérales trop brutales en Haïti. Ayant dressé le bilan de cette libéralisation
économique mal organisée sur l’économie paysanne, cette contribution établit en outre
que cette libéralisation spontanée a poussé l’économie au-delà de ses limites d’efficacité
et que le secteur de l’agriculture, structurellement sous-équipé, qui occupe la plus forte
partie de la main d’œuvre active du pays et fournit une part importante du produit
intérieur brut (PIB), est le premier à en avoir pâti. Au final, sur tous les azimuts, l’impact
des mesures néolibérales sur l’économie paysanne est négatif. La croissance économique
415
en Haïti semble finalement n’avoir été qu’un phénomène de courte durée, soit de 1975 à
1980. La quasi-suppression des tarifs douaniers a eu très peu d’impacts au niveau du
consommateur urbain (Iram et Groupe Croissance, 1998 :14), et les prix ont conservé leur
tendance à la hausse (voir figure II.c et II.d en annexe II). Les autorités gouvernementales
ont déposé un projet de loi vers 1997 au parlement et visait un relèvement du tarif sur le
riz importé de 3 à 5% et sur le sorgho de 0 à 10%, et une diminution du tarif sur le maïs
importé à 15 à 5 %. Ce projet n’a pas encore été voté, mais les perspectives qu’il laissait
entrevoir étaient totalement marginales (Iram et Groupe Croissance, ibid).
En ce qui concerne l’intégration régionale, Haïti est admise en juillet 2002 comme 15ème
membre du Caricom, ce après une longue période d’attente avec un statut d’observateur.
Mais il ressort d’un point de vue quasi-général que cette intégration ne semble pas être
synonyme de dividendes économiques, à court ou moyen terme, tant qu’Haïti n’améliore
son offre de produits échangeables, ne renonce avec son passé socio-politique
tumultueux, et que les politiques économiques et financières régionales (qui restent à
définir) ne soient harmonisées en tenant compte des particilarités des Etats-membres et
que leurs législations ne soient adaptées. Toutefois, l’adhésion d’Haïti devrait impliquer
un relèvement de ses tarifs douaniers conformément aux tarifs extérieurs communs
(TEC) du CARICOM. Mais, les autorités haïtiennes ont préféré solliciter une dérogation
pour une période de cinq années renouvelables. Cette dérogation concerne 500 produits
importants pour Haïti. La raison avancée est que l’offre du CARICOM est insuffisante
face à la demande haïtienne d’importations à court terme. Au niveau régional, Duroseau
(2003) fait remarquer que la demande régionale de produits agricoles n’a pu être
satisfaite à plus de 25% par l’offre du CARICOM. Celui-ci devra par ailleurs envisager
les concessions nécessaires quant à ses TEC dans le cadre des négociations de la Zone de
Libre Échange des Amériques (ZLEA) dont il fait partie. L’entrée en vigueur de la ZLEA
est prévue pour 2005.
L’ouverture économique d’Haïti apparaît donc comme un médicament proposés par les
docteurs ès développement qui, au lieu de guérir le malade l’affaiblit et aggrave ses
douleurs. Cela suggère de se poser une question fondamentale : cette mondialisation
annonce-t-elle la fin de l’économie paysanne haïtienne ? La réponse peut être individuelle
et plurielle. Mais il convient de noter que, pour l’heure, la majorité des petits paysans
sont dans l’incapacité de renouveler, même à l’identique leurs moyens de production
(outillage, produits de traitements, semences, etc.). Cela condamne la production ellemême, mais aussi la demande solvable des paysans et des ruraux. Cela compromet – à
n’en pas douter – à n’en pas douter la possibilité pour des milliers d’enfants d’être
scolarisés, soignés ou nourris correctement.
Cependant, il faut souligner le peu de marge de manœuvre du pays étant donné sa forte
dépendance de la communauté des bailleurs sur le plan financier. Ces derniers – trop
pressés d’obtenir des résultats – laissent rarement le temps à la nécessaire concertation
des vrais acteurs. Mais pire, ils ne subissent jamais les conséquences des options qu’ils
font prendre à d’autres, et n’en acceptent pas la responsabilité. Il faut malheureusement
416
remarquer aussi l’absence d’une politique agricole clairement définie406, insérée dans un
cadre macro-économique cohérent et articulée avec le reste de l’économie. Sans un
ralentissement prudentiel et ciblé des importations alimentaires, les actions destinées à
améliorer le niveau de vie du petit agriculteur (à travers un accroissement de son revenu)
sont toutes vouées à l’échec en raison de la mise en concurrence inconsidérée du secteur
de l’agriculture.
Par ailleurs, la couverture forestière est de moins de 2% aujourd’hui. Or l’essentiel de la
problématique de l’environnement doit être posée au sein de l’exploitation paysanne. Les
problèmes de déboisement, d’érosion et de dégradation de l’environnement resteront,
eux-aussi, posés tant que des revenus suffisants et stables ne soient garantis aux petits
producteurs. Il y va également de la qualité de vie, de la santé …, bref du bien-être du
plus grand nombre, en l’occurrence la population agricole et rurale. En outre, 48% de la
population globale vit avec moins d’un dollar par jour (seuil international de pauvreté
absolu) et la sous-alimentation frappe 45% de cette population selon les statistiques
disponibles. Or, toutes les tentatives de mesure de pauvreté réalisée en Haïti laissent
entendre - à juste titre – que la pauvreté est plus élevée en milieu rural (on n’oubliera pas
que le pays est majoritairement rural).
L’état des lieux est donc inquiétant à plus d’un titre. Il importe d’agir vite et
efficacement. Mais que faire ? Quelles alternatives sont possibles pour une agriculture
paysanne multifonctionnelle et une approche de développement rural et agricole mieux
ciblée, légitimée et durable ? Quels sont pour l’heure les défis à relever en vue d’infléchir
de manière irréversible le processus de développement durable?
IX.
Pour une agriculture multifonctionnelle et une stratégie de
développement rural mieux ciblée, maitrisée et légitimée
La récurrence des crises socio-politiques de plus en plus graves a indéniablement
compromis les efforts de réformes économiques réalisés en Haïti. De ces crises, peut être
dérivée la plupart des autres éléments de handicap qui ont expliqué – ne fut-ce que
partiellement - l’insuccès relatif de ces réformes. Le processus n’est pas terminé à cette
date. Il importe de retenir cependant qu’aucune réforme macro-économique ne semble
viable dans un environnement interne instable. En outre, il 
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