léon-gontran damas

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SALDO
Para Aimé Césaire
Tengo la sensación de verme ridículo
con sus zapatos
con su esmoquin
con su pechera
con su cuello postizo
con su monóculo
con su bombín
Tengo la sensación de verme ridículo
con mis dedos de los pies que no están hechos
para sudar de la mañana a la noche que desnuda
con la fajadura que debilita mis miembros
y le quita a mi cuerpo su belleza de taparrabo
Tengo la sensación de verme ridículo
con mi cuello de chimenea de fábrica
con estos dolores de cabeza que cesan
cada vez que saludo a alguien
Tengo la sensación de verme ridículo
en sus salones
con sus maneras
con sus zalemas
en su múltiple necesidad de monerías
Tengo la sensación de verme ridículo
con todo lo que cuentan
hasta que por la tarde te sirven
un poco de agua caliente
y pasteles constipados
Tengo la sensación de verme ridículo
con las teorías que ellos condimentan
al gusto de sus necesidades
de sus pasiones
de sus instintos que despiertan por la noche
en forma de alabancero
Tengo la sensación de verme ridículo
entre ellos cómplice
entre ellos partidario
entre ellos degollador
con las manos terriblemente rojas
de la sangre de su ci-vi-li-za-ción.
SOLDE
Pour Aimé Césaire
J’ai l’impression d’être ridicule
dans leurs souliers
dans leur smoking
dans leur plastron
dans leur faux-col
dans leur monocle
dans leur melon
J’ai l’impression d’être ridicule
avec mes orteils qui ne sont pas faits
pour transpirer du matin jusqu’au soir qui
déshabille
avec l’emmaillotage qui m’affaiblit les membres
et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe
J’ai l’impression d’être ridicule
avec mon cou en cheminée d’usine
avec ces maux de tête qui cessent
chaque fois que je salue quelqu’un
J’ai l’impression d’être ridicule
dans leurs salons
dans leurs manières
dans leurs courbettes
dans leur multiple besoin de singeries
J’ai l’impression d’être ridicule
avec tout ce qu’ils racontent
jusqu’à ce qu’ils vous servent l’après-midi
un peu d’eau chaude
et des gâteaux enrhumés
J’ai l’impression d’être ridicule
avec les théories qu’ils assaisonnent
au goût de leurs besoins
de leurs passions
de leurs instincts ouverts la nuit
en forme de paillasson
J’ai l’impression d’être ridicule
parmi eux complice
parmi eux souteneur
parmi eux égorgeur
les mains effroyablement rouges
du sang de leur ci-vi-li-sa-tion.
Traducción de Teyeliz Martínez
LÉON-GONTRAN DAMAS
Léon-Gontran Damas nació en 1912 en Cayena en la isla de la Guyana francesa.
Poema tomado de Pigments suivi de Névralgies, Présence Africaine, París, 1972.
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