ISSN : 1699-4949 nº 11, abril de 2015 Artículos La compétence de lecture et l’enseignement littéraire aux étudiants universitaires d’une langue minor (L3) * Ángeles Sánchez Hernández Universidad de Las Palmas de Gran Canaria [email protected] Resumen El artículo analiza la enseñanza de contenidos literarios dirigido a un nivel intermedio (B1) de lengua francesa en el ámbito universitario. La propuesta metodológica tiene en cuenta las aportaciones de l’approche actionnelle en el proceso de enseñanza-aprendizaje de las lenguas extranjeras. Es preciso una reflexión sobre lo que se ha considerado siempre como imprescindible para poder acceder al texto literario : un buen dominio de la lengua extranjera y un trabajo estilístico del texto. La teoría de la recepción literaria aporta otro enfoque orientado a un público más amplio, teniendo en cuenta los procesos cognitivos y los procesos estéticos del alumnado. Abstract This article focuses on the way to teach French Literature to university students with only an intermediate level of language. We begin by considering the implications of what has always been a key factor needed to fully understand a literary text : an adequate command of the language and the ability to grasp its stylistic features. To solve the problem we are faced with, we have opted for the Reception Theory as it provides a more accessible approach to the literary documents, and at the same time it allows us to cater for the cognitive and aesthetic processes of the reader. Key words: action-oriented approach, FLE (French as a foreign language), literature, reception theory. Palabras clave: approche actionnelle, FLE (Francés lengua extranjera), enseñanza, literatura, teoría de la recepción. 0. Introduction Dans cet article nous nous proposons de faire le point sur l’enseignement de la littérature française dispensé actuellement à des étudiants de niveau intermédiaire * Artículo recibido el 12/05/2014, evaluado el 20/10/2014, aceptado el 24/10/2014. Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández (B1) dans le cadre universitaire. Les apprenants concernés suivent les études de Grado en Langues Modernes où l’anglais est la première langue étrangère enseignée, le français s’inscrivant comme seconde langue d’apprentissage (L3) dans leur cursus. Au moment de planifier les nouvelles études du Grado, l’objectif visait une amélioration de la compétence communicative des étudiants en langue française à travers le développement de leur compétence littéraire. Aujourd’hui, on s’accorde à considérer la littérature comme «le lieu de croisement entre langues et cultures, comme savoir existentiel sur l’homme et le monde et, à ce titre, son enseignement peut répondre à une très grande diversité d’objectifs» (Séoud, 1997 : 65). L’enseignement de contenus littéraires présuppose chez le professeur une conviction qu’il y a là matière très cohérente à améliorer la connaissance de la langue française (langue étrangère) selon le choix d’études effectué par les étudiants. En règle générale, pour accéder à l’apprentissage littéraire, le niveau avancé (soit C1) doit être acquis. L’introduction de ce type de savoirs a pour objet de rapprocher l’étudiant de la littérature étant donné que cette matière constitue un document incomparable de variation linguistique et socioculturelle ; elle lui offre un élément autre d’analyse de la réalité. Et, en outre, le double objectif, culturel et linguistique, se rapporte au nombre des crédits –assez restreints par ailleurs– associés à la langue minor1 (le français) dont douze étaient partagés entre deux matières littéraires : narration (6 ECTS) et théâtre et poésie (6 ECTS). Il fallait d’autre part maintenir un parallélisme entre le parcours des étudiants en langue anglaise (langue maior) et en français, tout en respectant l’adéquation des différents niveaux d’apprentissage de deux langues étrangères. Le défi était donc d’adapter la matière au niveau intermédiaire de compétence linguistique en Français Langue Étrangère (FLE) puisque les étudiants commencent leurs études de français comme débutants pour atteindre un niveau B1 à la fin de la deuxième année. Ce niveau doit être consolidé grâce à des matières complémentaires notamment concernant la culture et des programmes de littérature en 3e et 4e années. Notre objectif n’est pas de rentrer exhaustivement dans l’histoire littéraire française, mais d’offrir une vision multiple des réalités francophones tout en essayant d’introduire les apprenants dans les faits littéraires les plus marquants. Dans cet article nous examinons les dernières approches en pédagogie de la littérature et du FLE. Nous retenons, en particulier, les apports didactiques à la compétence de lecture car celle-ci constitue l’axe fondamental de compréhension des textes, seule voie susceptible de déclencher la réponse personnelle des élèves qui constitue, somme toute, le but de l’enseignement littéraire du moins à notre avis. Nous avons vérifié qu’il existe une culture comparatiste des systèmes éducatifs européens quant à leur organisation et à leurs performances depuis plus de trente ans dans 1 La totalité des crédits du Grado de Lenguas Modernas est de 240 ECTS dont 48 sont en langue, littérature et culture françaises. http://cedille.webs.ull.es/11/22sanchez.pdf 486 Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández l’enseignement des langues étrangères. Par contre, ce comparatisme n’existe pas dans l’enseignement littéraire, pas plus qu’on ne trouve de didactique qui soit symétrique ni d’objectifs définis de façon stable et indiscutable ; et cependant, la littérature constitue un objet d’enseignement partagé universellement. Notre proposition, pour tenter de donner réponse à cet enjeu, part des théories nées des travaux de Jauss et Iser, à savoir la méthodologie de la réception qui centre l’attention sur le lecteur comme l’instance dynamique de construction de sens des textes. Cette démarche est, à notre avis, capable de stimuler la participation active de l’apprenant en cours pour partager son expérience esthétique et pour lui faire oublier la démotivation face à l’enseignement littéraire telle qu’elle est décrite par Berns et Zayas (2005 : 137) des auteurs qui s’appuient sur des études statistiques. L’enseignement littéraire est complexe car il est difficile de dissocier la littérature de la langue et, en outre, l’évaluation de l’expérience esthétique devient souvent une tâche inextricable car elle est étroitement liée aux savoir-être ou aux savoir-faire plus qu’aux savoirs en tant que connaissances sur une matière. 1. Littérature et enseignement du FLE La recherche dans l’enseignement-apprentissage du FLE a mis l’accent dernièrement sur la dimension actionnelle de l’approche communicative. Il faut d’abord souligner que si la langue est un système de communication, la littérature l’est tout autant car elle se façonne à travers la langue, l’œuvre littéraire étant un message qui transmet une information aux lecteurs. Le texte peut présenter certaines difficultés conceptuelles, mais il est nécessaire qu’il puisse être compris pour que la communication s’installe. Le lecteur retrouve parfois d’autres éléments de difficulté en dehors du domaine conceptuel comme le rythme, l’allitération ou la forme textuelle qui constituent des effets sensoriels repérables dans certains poèmes sans traduction intellectuelle. Pourtant toute œuvre littéraire maintient la langue dans laquelle elle est écrite comme référent idéationnel significatif. Nous ne pouvons pas parler du fait littéraire sans tenir compte du destinataire-récepteur, cet individu qui lit le texte ; et cela nous introduit dans la dimension communicative/actionnelle signalée auparavant. La conjonction d’éléments de l’œuvre littéraire produit chez le lecteur une répercussion précise, son attitude changera en raison de multiples facteurs : sa personnalité, son expérience de vie, son exigence intellectuelle, la société qui l’entoure ou l’époque dans laquelle il vit. Si la communication littéraire engendre des sensations et fait affleurer des sentiments, le texte littéraire n’en communique pas moins des expériences cognitives. Or le lecteur vit à travers l’expérience littéraire des attitudes, face à la vie ou à n’importe quel événement, comme une expérience individuelle. Le corpus d’œuvres à étudier par les étudiants ne reste pas stable, il change d’une époque à l’autre suivant les goûts du moment. Il existe, en outre, certaines con- http://cedille.webs.ull.es/11/22sanchez.pdf 487 Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández ventions dans l’usage de la littérature qui sont acceptées par les lecteurs avisés mais qui peuvent aussi s’apprendre. Par exemple, le lecteur/spectateur doit accepter dans une pièce classique que les personnages parlent en vers, qu’ils emploient des apartés ou que les chambres n’aient jamais de murs pour permettre au public de voir la scène depuis la salle. Si la littérature est capable de créer ces effets, la langue s’en retrouve affermie et amplifiée ce qui pour le lecteur apporte un complément à la réalité qui s’offre au lecteur. Le travail du professeur consiste alors à susciter chez l’apprenant des questions sur le pourquoi de ces textes, sur la réalité et l’imaginaire auxquels ils renvoient ou sur les questions auxquelles répond l’œuvre analysée pour l’impliquer dans les particularités de la communication littéraire (Rouxel, 1996 : 198). La critique littéraire s’occupe de savoir comment un texte précis produit un effet singulier sur le lecteur, mais l’examen qu’elle réalise peut se faire sur des plans différents, créant ainsi telle tendance ou telle autre en fonction de la ligne de recherche suivie. Les différentes méthodologies critiques sont conçues pour tenter de débroussailler les textes sur lesquels reposent les analyses et pour donner une réponse aux problèmes qui vont se poser. La science littéraire –dont l’origine nous ramène à la Poétique d’Aristote– apparaît telle que nous la connaissons au XIXe siècle et le mot science qui l’accompagne suit l’air du temps de l’époque. Premièrement, elle s’identifie à l’histoire de la littérature et devient discipline universitaire, mais les spécialistes comprennent, au fur et à mesure de leur développement, qu’elle devrait suivre une démarche scientifique si elle voulait être considérée comme relevant d’une matière scientifique. Apparaît alors la méthode historico-positiviste qui s’applique à compiler et à épurer rigoureusement les faits. Au XXe siècle, les trois types de critique qui existaient auparavant continuent d’être pris en compte : celle des professeurs, celle des journalistes et celles des auteurs ; mais les rapports entre eux vont subir un changement et leur importance s’en trouvera modifiée. C’est ainsi que la critique des professeurs universitaires va prendre de l’ampleur avec Lanson au début du XXe. Il effectue une étude positiviste éminemment biographique et historiciste, s’occupant des questions extrinsèques à l’œuvre dans la foulée de Sainte-Beuve, Taine ou Brunetière. Toutefois, il faut lui reconnaître la capacité pour rectifier ses idées et, surtout, la richesse de ses contributions car il a su accompagner les savoirs sur l’œuvre de l’émotion éveillée par la lecture (Yllera Fernández, 1996 : 271). Parallèlement à cette modalité critique, de nouveaux éléments d’analyse se sont développés dans la critique littéraire au même degré que les autres sciences : psychanalyse, linguistique, anthropologie ou philosophie. À ces nouvelles lignes de recherche, s’ajoutent les principes théoriques des formalistes russes, la critique des années soixante s’éloigne de l’auteur pour se focaliser sur le texte et le langage qui n’est plus au service de la pensée mais qui constitue la pensée même. Les chercheurs de ce courant considèrent le texte comme une unité linguistique et la méthodologie qu’ils proposent tente de découvrir le sens à partir de la structure grammaticale. Dans ces http://cedille.webs.ull.es/11/22sanchez.pdf 488 Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández travaux et dans la multiplicité de leurs dénominations, il existe un manque de délimitations parmi les études axées sur la linguistique où l’emploi confus des termes comme sémiotique, rhétorique ou poétique est habituel (Tadié, 1987 : 266). La critique qui s’oriente vers la structuration du récit et du discours où les composants linguistiques du texte sont essentiels néglige l’autre dimension de la littérature : sa liaison avec l’expérience vitale humaine. Todorov (1984 : 188), qui connaît parfaitement l’œuvre de Bakhtine dont les théories sont bien éloignées de la linguistique saussurienne ou formaliste, explique ainsi ce lien : « Elle [la littérature] ne serait rien si elle ne nous permettait pas de mieux comprendre la vie ». Les théories bakhtiennes ont fort influencé les formulations critiques françaises et anglo-saxonnes à partir desquelles les études littéraires vont entretenir deux courants d’approche aux textes littéraires : ceux qui suivent la tradition herméneutique centrée sur l’objet et ceux qui préconisent une démarche constructiviste centrée sur le sujet (Séoud, 1997 : 67). La plupart des experts sont d’accord sur un aspect : la lecture critique de l’œuvre doit dépasser la simple description des procédés linguistiques pour se fixer comme objectif l’interprétation du texte. Pour ce faire, actuellement la théorie de la réception cède la primauté à la perception de l’œuvre par le lecteur comme conséquence d’« une expérience de lecture » (Culler, 1982 : 64). Ce sont les mêmes conclusions d’Eco (1992 : 12) qui constate que le « fantôme du lecteur » s’est introduit par des différents chemins dans la critique tantôt par la voie sémiotique tantôt par la voie herméneutique. Tous deux, Culler et Eco, se sont intéressés à la lecture et à l’interprétation du phénomène communicatif littéraire. Il ne faut pas oublier que nous avons assisté simultanément à la réapparition de l’intentio auctoris au centre des études littéraires dans le dernier quart du XXe siècle (Paraíso del Leal, 1999 : 118), en constatant la multiplication de tendances en fonction des paramètres repérés de la communication littéraire. Les études littéraires ont produit des changements d’orientations, les objectifs qui centraient autrefois leur intérêt sur la connaissance intrinsèque des œuvres, leur interprétation et leur place dans l’histoire littéraire se sont déplacés pour passer à étudier l’interaction sémiotique et leurs activités les plus représentatives : la lecture et l’écriture. D’ailleurs, il faut signaler que la littérature représente autant un mode de connaissance qu’une émotion capable d’amener l’apprenant à construire sa personnalité en la confrontant aux perspectives du monde extérieur auxquelles elle renvoie. La littérature suppose aussi une mise en scène de la langue car elle a pour matériau premier les mots et leur organisation à travers de formes repérables, elle nous fournit des images et des mots qui contribuent à nous situer et à nous penser (Crinon et al., 2006 : 12-13). Avec l’émergence des théories de la réception dans le champ de la critique, le texte littéraire est déjà saisi comme polysémique et l’on passe ainsi de l’univocité du sens à sa pluralité. Le lecteur est devenu un centre majeur dans l’apprentissage litté- http://cedille.webs.ull.es/11/22sanchez.pdf 489 Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández raire et cet aspect rejoint l’approche actionnelle du FLE qui fait de l’apprenant un agent actif dans son parcours éducatif. Les lecteurs et la manière dont ceux-ci investissent les textes de leur imaginaire, de leur subjectivité, de leurs désirs pèsent sur l’enseignement de la littérature « où désormais le regard portera sur l’apprenant comme lecteur –ce qui signifie qu’en littérature, à l’instar de ce qui se passe dans d’autres didactiques, ledit apprenant sera bel et bien au centre de la démarche » (Séoud, 1997 : 66). Dans cette lignée méthodologique, nous voulons partager l’invitation de Brigitte Louichon et d’Annie Rouxel (2010 : 11) « à mettre l’accent moins sur l’analyse des textes littéraires qu’entre les relations qui se nouent entre le lecteur et le texte littéraire », car l’œuvre littéraire prend du sens comme lieu de lecture et d’échange. Le rapport entre enseignement du FLE et enseignement de la littérature occupe un centre d’intérêt majeur depuis longtemps. En 1988, la revue le Français dans le monde a publié un numéro monographique (Recherches et Applications) dédié à la nouvelle perspective des études littéraires fixée sur le lecteur. Le dossier coordonné par Denis Bertrand et Françoise Ploquin présente le renouvellement des apprentissages dans ce domaine et ouvre les voies actuelles qui introduisent d’autres possibilités d’approche aux textes littéraires et à la manière de considérer la littérature dans les pratiques de classe. Le titre (« Littérature et enseignement. La perspective du lecteur ») permet déjà d’entrevoir le rapprochement des didacticiens du courant critique de Jauss, Iser et Weinrich formulé parallèlement aux théories d’Umberto Eco –rôle de coopération interprétative du lecteur– et aux théories du reader's response criticism. Quelques années auparavant, la publication de Literature and Language Teaching (Brumfit et Carter, 1986) contribuait déjà à intégrer la littérature dans les études de l’enseignement-apprentissage de la langue étrangère. La monographie éditée par Bertrand et Ploquin perce une nouvelle voie d’étude où les contributions s’attardent sur les aspects principaux de la matière : justification de la littérature dans l’apprentissage de la langue étrangère, fondements d’un programme de cette matière réalisé en fonction des intérêts des étudiants auxquels il se dirige, formation et développement de la compétence littéraire, rapport entre compétence de lecture et didactique de la littérature, la composante esthétique et le processus d’apprentissage de l’apprenant. Ces didacticiens insistent sur le caractère connotatif du texte littéraire parce que l’œuvre crée un contexte à elle seule, le lecteur a le défi de le décoder et d’inférer le sens et, pour ce faire, il est obligé de prêter une attention particulière à la langue. Ces arguments sont aussi attestés par M. Bénamou et J. Peytard (Adam, 1991 : 14) qui insistent sur l’avantage d’introduire en cours de FLE des documents authentiques pour déployer des activités axées sur l’apprenant et l’interaction avec ses camarades ou son professeur. Les documents littéraires sont propices à la réalisation des activités variées en contexte d’authenticité sur le sujet exploité : débats, tâches d’anticipation, dramatisations ou réécriture à partir du thème http://cedille.webs.ull.es/11/22sanchez.pdf 490 Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández qui sont plus motivantes que d’autre type d’exercices. L’apprentissage littéraire déploie des compétences formatrices de la personnalité des étudiants comme indique Yves Reuter (1999 : 191) : Développer l’esprit d’analyse, développer les compétences linguistiques, développer les compétences en lecture et en écriture, développer les savoirs en littérature, développer le bagage culturel de l’élève, développer son esprit critique, lui permettre de s’approprier un patrimoine, développer son sens de l’esthétique et sa sensibilité, lui faire prendre du plaisir, participer à la formation de sa personnalité. Le point de vue de cette méthodologie axée sur la réception du texte littéraire est contraire à la croyance générale parmi les enseignants qui considèrent ce type de texte comme un matériau linguistique qui ne peut se travailler qu’à des niveaux avancés. Leur argument est qu’il exige de l’étudiant des capacités trop complexes pour décoder les messages (Pérez Valverde, 2002 : 81) ; pour ces enseignants, l’analyse stylistique reste la seule méthode efficace pour développer la capacité de lecture et d’interprétation, et ils estiment que les étudiants en langue étrangère sont incapables d’avoir les mêmes inférences qu’un lecteur natif. Dans l’approche méthodologique centrée sur l’étudiant comme agent premier de son parcours d’apprentissage, le professeur devient celui qui aide à dépasser leurs difficultés qu’il doit prévoir en fonction de leur niveau de langue. Pour ce faire, il choisira des textes comportant des difficultés susceptibles d’être surmontées selon le niveau des apprenants et qui répondent à leurs intérêts. Il conviendra alors d’établir des tâches adéquates pour susciter la capacité d’inférence et de compréhension notamment concernant les intentions de l’auteur. La Revue internationale d’éducation de Sèvres (2012) prend acte des difficultés actuelles de l’enseignement que cette discipline entraîne même en langue maternelle et consacre un dossier spécial intitulé « Enseignement et littérature dans le monde ». Les spécialistes y traitent, la fonction de la littérature dans l’éducation des apprenants en tant que matière porteuse de valeurs qui leur permet de partager un certain nombre de références, parmi d’autres comme celle de l’appartenance à une communauté nationale et/ou linguistique. Par ailleurs, les articles distillent la notion de littérature et de sa pratique, en signalant que son enseignement est inhérent à sa nature car l’acception courante du terme est fondée sur l’idée d’un corpus d’« œuvres d’esprit fondées sur leur qualité d’expression en langue nationale, leur capacité à produire de l’émotion chez le récepteur et leur contenus formateurs » (Fraisse, 2012 : 42). Ces experts remarquent que l’enseignement littéraire continue figé beaucoup plus sur la lecture, la réception ou les connaissances que sur la production ou les pratiques créatives. On tient évidemment compte de l’évaluation de ces pratiques en soumettant l’apprenant à des exercices qui sanctionnent ses connaissances –les savoirs sur lesquels http://cedille.webs.ull.es/11/22sanchez.pdf 491 Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández on reviendra plus loin– qui passent par l’acquisition d’un code canonique, ce qui est toujours plus facile à évaluer que l’expression d’une sensibilité esthétique engageant l’individu de façon intégrale. Ces derniers temps, le texte littéraire est resté un peu dans l’oubli dans l’enseignement d’une langue étrangère. D’un côté, l’importance progressive de la compétence orale dans l’apprentissage a mis à l’écart la littérature, domaine souverain de l’écrit. D’un autre côté, la stylistique de l’écart doutait du rôle de la littérature comme modèle car elle était considérée comme étant trop éloignée de l’usage courant ; et, dans cette perspective stylistique, le texte littéraire était envisagé comme promoteur d’une communication très spécifique et « donc comme inadapté à l’enseignement du FLE » (Desbois, 2009 : 4). La primauté de l’oral des dernières méthodologies a fait oublier d’autres habilités langagières capitales dans l’acquisition d’une langue. Parallèlement à ces pratiques de classe, les professeurs voulaient compenser ce manque avec des explications grammaticales exhaustives aboutissant à la fin à ce qu’on tentait d’éviter avec la méthode communicative ; mais les didacticiens ont rectifié certains aspects pour corriger les déficiences en rétablissant l’équilibre parmi les habilités langagières (Bally et Cohen, 2006 : 5) : […] une deuxième génération de l'Approche Communicative voit le jour dans les années 90 lors de nouvelles instructions officielles mettant en avant les lacunes en ce qui concerne l'absence de la langue écrite et de la grammaire. Quatre compétences indispensables pour le cours de langue sont définies dans un ordre précis, à savoir la compréhension orale, la compréhension écrite, la production orale, et la production écrite. Ainsi, on met l'accent sur le principe d'une progression cohérente dans un parcours d'apprentissage qui va du simple au complexe, du général au particulier et du connu vers l'inconnu. S'ajoute également une cinquième compétence dite "méthodologique", qui rejoint l'idée d'autonomie et de centration sur l'apprenant. Ce dernier est encouragé à acquérir des stratégies d'interaction, d'auto-évaluation et de réflexion sur son apprentissage. Ces dernières années, un autre débat sur la compétence communicative est relancé dans l’enseignement/apprentissage du FLE, surtout dans la partie des niveaux d’adéquation dans les actuations en langue étrangère et leur évaluation. La première percée qui a retenu l’attention des chercheurs a été posée par Bachman (1990) qui présente le besoin de changer la notion de compétence communicative par celui de communicative language ability ; cette « habilité langagière à communiquer » est définie comme la capacité de la personne qui parle pour exécuter ou adapter sa compétence aux contextes communicatifs situationnels. L’apprentissage du français a repris les présupposés du CECRL sur tous les niveaux rétablissant ainsi l’équilibre http://cedille.webs.ull.es/11/22sanchez.pdf 492 Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández parmi les habilités langagières. Le cadre théorique de la compétence communicative contient les composantes fondamentales que nous allons signaler. D’abord, la compétence linguistique qui se compose de deux éléments essentiels : la compétence grammatique et la compétence pragmatique. Puis la compétence stratégique qui est définie comme la capacité de mettre en rapport la capacité linguistique avec les structures cognitives de l’individu qui parle et avec les éléments du contexte dans lesquels s’établit la communication. La compétence stratégique est comprise dans un sens très large d’après le postulat de Rebecca Oxford (1990). Et, finalement, les mécanismes psychophysiologiques, ces procès neurologiques et psychiques mis en fonctionnement au moment de l’usage de la langue (Cuq et Gruca, 2005 : 265-266). En conséquence, l’enseignement de la langue étrangère se focalise sur les compétences pour répondre aux défis de la société contemporaine en profonde mutation. Les didacticiens se sont aperçus que, face à l’extraordinaire développement des savoirs et de leur rapide obsolescence, les savoirs appris à l’école deviennent très vite des savoirs morts ; alors il faut s’interroger sur les savoirs-clés que l’apprenant va devoir acquérir et sur la façon de favoriser une culture orientée vers les pratiques autonomes et les transferts d’apprentissage dans un monde en perpétuelle évolution. Le professeur doit s’investir pour aider l’étudiant à acquérir les compétences en littérature, mais aussi pour rendre l’apprentissage littéraire vivant et proche de l’expérience de l’apprenant, ce qui lui permettra d’élaborer son jugement personnel. Instruire suppose transmettre de connaissances, mais il n‘y aura pas d’apprentissage si le sujet ne s’approprie pas de connaissances qu’il a lui-même construites ; ce qui serait plus proche de l’acquisition de la langue maternelle. La littérature est une « assise fondatrice de l’enseignement de la langue » (Papo et Bourgain, 1989 : 8) où le lecteur/apprenant peut exercer ses compétences langagières car le texte littéraire lui procure des pistes en contexte qui deviennent une incitation puissante à l’observation, à la réaction et à la réflexion. Il convient de faire la distinction entre savoir et compétence pour justifier davantage notre point de vue de ce type d’apprentissage. Les savoirs désignent les connaissances savantes de disciplines de référence, transposés à des fins d’enseignabilité et de l’apprenabilité. C’est donc autour d’eux que prend forme et se développe le projet d’enseignement, ce qui justifie l’institution scolaire qui cherche l’acquisition d’un savoir distinct de celui acquis dans la vie quotidienne. La compétence est définie par trois paramètres : tout d’abord elle comprend plusieurs connaissances savantes mises en relation, puis elle s’applique à une famille de situations et, enfin, elle est orientée vers une finalité : la résolution d’une situation ou d’une tâche (Canvat, 2002 : 7879). La compétence possède, par ailleurs, une composante cognitive (ce sont les connaissances déclaratives –les savoirs–, les connaissances procédurales –les savoir-faire– et les connaissances conditionnelles ou contextuelles), une composante métacognitive (les méta-connaissances et les régulations métacognitives qui interviennent dans la http://cedille.webs.ull.es/11/22sanchez.pdf 493 Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández mobilisation et la gestion active de la compétence en situation) et une composante socio-affective. Compte tenu de ces présupposés, il est nécessaire de développer la compétence de lecture dans les études littéraires car elle est fondamentale et doit être maîtrisée par l’élève. 2. La compétence de lecture en LE et la réception littéraire La didactique de la littérature qui suit la voie de la réception s’occupe de la compétence de lecture de l’apprenant. Mais il importe de délimiter la partie spécifique qui correspond à l’apprentissage littéraire et la partie qui correspond à la compréhension linguistique du récit, étant donné qu’une réponse à une question littéraire exige plus d’efforts qu’une simple formulation dans la langue. Les difficultés linguistiques rencontrées par les apprenants étrangers sont à l’origine d’autres difficultés de lecture. Non seulement leur manque de vocabulaire ou leurs incertitudes syntaxiques déclenchent des incompréhensions face aux événements décrits, mais la simple lecture du texte littéraire constitue incontestablement un défi pour l’apprenant ; l’élève qui réussit à décoder le texte éprouvera une fierté2 qui est toujours motivante. Pour atteindre ce but, il importe avant tout de faire travailler les stratégies de lecture dans le domaine contrastif comme celles soulignées par Fernández Toledo (2006 : 10) : aides techniques, stratégies de clarification et de simplification, d’identification de la cohérence ainsi que celles employées pour le contrôle et la vérification de la tâche. La caractéristique essentielle d’un bon lecteur consiste à dépasser le niveau littéral du texte en allant plus loin que la simple lecture compréhensive des mots et de phrases dans leur agencement linéaire. Souchon (2000 : 3) définit compétence lectrice « comme l’ensemble des processus de déconstruction /reconstruction à travers lesquels le texte va progressivement s’intégrer au discours propre du lecteur ». Les lecteurs francophones d’une page de Proust peuvent méconnaître quelques éléments du texte (vocabulaire ou autre) mais cela n’empêchera pas de formuler une réponse à une question posée sur le sens du texte. C’est pourquoi, pour s’approprier d’un texte, la compétence lectrice doit être éveillée par des activités d’intégration dans lesquelles la compréhension textuelle découle des tâches qui aident l’étudiant à appréhender le texte littéraire comme un discours cohérent. Nous devons alors nous poser la question pour savoir comment travailler la lecture littéraire. Le modèle pédagogique proposé par Brumfit (1989 : 188) est à ce sujet très pertinent. Il est fondé sur les critères suivants : - Tous les aspects du texte doivent se développer de façon simultanée. - La capacité fondamentale d’un bon lecteur consiste à mettre en rapport les éléments contenus dans le texte avec la tradition littéraire qu’il connaît déjà, ainsi qu’avec la réalité sociale, culturelle et personnelle. Il doit rattacher les lectures aux champs externes à la fiction. 2 Adeline Desbois (2009 : 9) en donne des exemples provenant de son expérience aux États-Unis. http://cedille.webs.ull.es/11/22sanchez.pdf 494 Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández - La capacité de l’apprenant de percevoir et d’explorer les liens entre les différents textes littéraires est formée par la lecture des textes mis en relation sur des fins spécifiques (thématique, similitude formelle et structurelle, etc.). Même si le texte possède une signification, c’est le lecteur qui, par sa lecture, va la construire ; et sa lecture sera déterminée par des facteurs comme la connaissance de la réalité extratextuelle, la compétence linguistique, le capital social et culturel possédés, et d’autres variables telles que l’âge, le but de l’activité visée, le degré d’implication affective, etc. Les lecteurs emploient des stratégies variées où interviennent plusieurs facteurs, tout en établissant un dialogue avec l’auteur dès lors que la négociation du sens acquiert une dimension psychologique et sociologique. Les implications didactiques dérivées de cette exigence dans le procès de négociation et dans les procédés cognitifs qui interviennent dans l’acte de lecture convergent pour se concrétiser dans une réévaluation du rôle du professeur qui se doit de guider et d’évaluer le parcours et les objectifs de l’apprentissage, ainsi que la construction des signifiés de la part de l’apprenant, de même que c’est à lui que revient la tâche de juger la validité des diverses interprétations (Pérez Valverde, 2002 : 93-94). Pour conclure cette partie dédiée à la lecture, nous signalerons que les recherches sur la littérature considèrent que savoir lire embrasse un domaine plus large que le simple décodage des signes linguistiques car il suppose une interprétation du texte qui permet d’exprimer les opinions et les appréciations personnelles, de savoir interagir avec ledit texte. La lecture est une activité de déduction et un acte personnel réalisés isolément, mais elle suppose aussi l’échange avec le texte pour arriver à l’interprétation (Mendoza Fillola, 1998 : 175). Nous déploierons nos efforts pour que nos apprenants élargissent leur compétence lectrice par les moyens déjà cités afin de les rendre capables d’élaborer une interprétation singulière, de savoir argumenter à partir des indices textuels, linguistiques et non-linguistiques. À ce sujet, nous partageons l’avis d’Amor Séoud (1997 : 68) qui souligne que « l’on se rend compte que, dans l’ordre actuel des choses, plus on va à l’école, et moins on lit à titre personnel ; qu’on peut réussir à l’école et ne pas lire ; pire, qu’on peut lire et ne pas réussir ». Notre option est d’aller vers une pédagogie de la lecture en libérant celle-ci du modèle scolaire dominant : l’explication de texte. 3. Planification d’un programme de littérature à l’université Si la lecture d’un texte littéraire va bien au-delà de la compréhension littérale de la signification des mots, nous devons chercher une pédagogie adéquate pour permettre à l’apprenant d’atteindre la compétence littéraire qui complète la compétence discursive. La combinaison ou l’interaction de ces deux compétences va ainsi fournir à l’apprenant l’explication (entendue comme celle qu’il va construire personnellement) dont il a besoin. Pour l’élaboration d’un programme d’étude en FLE, il est http://cedille.webs.ull.es/11/22sanchez.pdf 495 Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández conseillé d’y introduire le texte littéraire parce qu’il permet à l’étudiant d’appliquer les stratégies de compréhension et d’émettre des messages réels ; celui-ci est amené à manifester son jugement personnel. Il y a donc là une capacité facile à atteindre pour tous les apprenants, même pour ceux qui ne possèdent pas un niveau avancé (Courtillon, 2003 : 94). L’étudiant en sera d’autant plus capable qu’on lui donne les outils pour reconnaître les indices, pour faire des comparaisons, pour réaliser des inférences en faisant « appel à la somme des connaissances qu’il possède, connaissances linguistiques et connaissances du sujet » (Courtillon, 1996 : 42). Établir un texte d’une difficulté adaptée, c'est-à-dire d’un niveau un peu plus élevé que celui où se situe l’apprenant, lui permettra d’exercer sa capacité d’attention, de reconnaître certaines pistes et d’en déduire le sens. L’enseignant doit oublier son réflexe inné d’aller, tout d’abord, donner l’explication ; il devra modifier sa pratique, posant des questions de vérification de la compréhension et d’autres questions qui favorisent les inférences sur le texte proposé afin d’obtenir l’objectif visé chez les apprenants. Cela leur permettra d’investir leur imaginaire, leur subjectivité, leurs désirs pour trouver la signification du texte qui leur a été soumis. Nous constatons parfois un refus des étudiants face à la littérature qui répond à des motifs hétérogènes : les textes proposés ne correspondent pas à leurs besoins et leurs attentes, la complexité du niveau linguistique est inadaptée ou les référents culturels trop éloignés ou méconnus. Nous sommes convaincus que le développement de la sensibilité et l’appréciation esthétique ne peuvent pas s’enseigner de manière explicite et que c’est plutôt par l’éveil de ses aspects qu’on obtient des résultats. L’enseignant doit être méthodique avec les principes de sensibilisation essayant d’éclairer les difficultés que présentent les textes littéraires. Ces difficultés peuvent être, comme l’indique Galani (2010 : 266) de plusieurs types. De type linguistiques (difficultés lexicales, syntaxiques voire d’organisation du discours). De type culturel (il convient alors d’éviter des sujets où abondent les implicites et on aura plutôt recours à des universaux thématiques3). De type référentiel (l’enseignant devra expliquer les allusions aux contextes référentiels du hors texte). De type conceptuel (texte très complexe sur le plan des idées développées qui s’exprime dans un langage simple), enfin nous ajouterions un dernier type qui répond à un écueil lorsque la difficulté est due à la longueur du texte proposé (bien adapté à la séance programmée). Étant donné les objectifs qui doivent canaliser les contenus et les compétences communicatives et littéraires de la langue étrangère en milieu universitaire, et essayant de respecter les besoins et de répondre aux expectatives des élèves de la matière, nous allons exposer les orientations que nous croyons essentielles pour l’enseignement de la littérature au niveau intermédiaire. Tout d’abord, il est important d’établir les conditions nécessaires pour qu’il existe un apprentissage efficace et susceptible de 3 Elle reprend la terminologie d’Isabelle Gruca (2009). http://cedille.webs.ull.es/11/22sanchez.pdf 496 Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández développer chez l’apprenant les réponses qu’on attendrait d’un lecteur compétent suivant les principes décrits. Il faudrait aussi tenir compte de la phase de développement où se trouvent les élèves pour pouvoir établir le point de départ dans la gradation et le classement des textes ainsi que dans les tâches qu’on leur proposera. Nous n’oublierons pas non plus que la progression des savoirs scientifiques, le renforcement des savoir-faire et de savoir-être s’avèrent fondamentaux. Selon les orientations de Brumfit et Carter (apud Pérez Valverde, 2002 : 8992) le programme de littérature embrasse deux temps. Dans une première étape, le professeur prépare les étudiants à aborder la lecture et engendrer l’expérience esthétique, essayant pour ce faire de choisir les textes accessibles à leur niveau. Il procure les instruments linguistiques pour une pleine compréhension du sens dépassant les barrières qui entravent la compréhension, il proposera des tâches pour qu’ils découvrent par eux mêmes la solution aux difficultés rencontrées, ou bien il donnera des explications illustratives. La seconde étape devra guider les apprenants pour qu’ils parviennent à consolider et expliquer leur expérience. L’analyse doit venir après la réponse littéraire. Le cursus de littérature doit se fonder sur trois bases : la langue employée, les idées contenues dans le texte et les aspects formels de ce texte car, n’oublions pas que, quand nous lisons, nous suivons la ligne de nos connaissances en fonction d’une tradition linguistique, conceptuelle et formelle de sorte que nous partons, malgré nous, de nos acquis en langue maternelle. Le programme de littérature devrait réunir les caractéristiques suivantes : a) Offrir une approche à la tradition littéraire dont la connaissance est nécessaire pour une compréhension ajustée à cette tradition. b) Accepter que la discussion sur les œuvres soit un besoin indispensable et enrichissant. c) Apporter les outils pour l’amélioration croissante des habilités nécessaires pour que les apprenants soient capables de réagir esthétiquement face à l’œuvre. d) Reconnaître que la lecture d’un texte s’enrichit avec l’emploi de matériel contextuel. e) Profiter des approches de l’enseignement de la langue quand l’élève en a besoin pour aller au-devant dans l’apprentissage littéraire. f) Employer les critères de sélection de textes linguistiques et extralinguistiques capables de motiver les élèves. Les critères pour procéder à la sélection des textes dans un cadre universitaire où se situe cet apprentissage doivent tenir compte des aspects suivants : a) Niveau linguistique : il peut se mesurer selon le vocabulaire ou la complexité linguistique mais en tenant compte que la simplicité syntaxique n’implique pas forcément la simplicité littéraire, retenons pour exemple la complexité du passé composé de L’étranger de Camus. http://cedille.webs.ull.es/11/22sanchez.pdf 497 Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández b) Niveau culturel : certains ouvrages sont plus proches que d’autres des attentes des apprenants. c) Extension du texte : élément à surveiller soigneusement d’après les compétences requises chez l’apprenant. d) Rôle pédagogique : lié aux rapports intertextuels et interdisciplinaires, ainsi qu’aux relations étroites entre le texte et les événements contemporains signifiants pour les lecteurs-étudiants. e) Représentation des genres différents : la variation des genres doit se souligner si nous visons à augmenter la compétence littéraire. f) Classic status : la motivation des étudiants envers la lecture doit être un facteur fondamental. Parfois, le fait de lire un texte sacré peut contribuer à dépasser les difficultés de lecture. g) Adéquation aux besoins et au niveau des apprenants : ce critère doit prendre les devants sur d’autres faits (choix d’un auteur d’après son importance dans un courant littéraire ou conformément à son influence dans l’histoire littéraire française), même si cela peut sembler insolite. Tous ces éléments doivent être pris en compte pour élaborer un programme motivant afin que l’apprenant intègre la littérature comme moyen d’amélioration linguistique et culturelle de la langue étrangère. 4. Conclusion Il existe une question capitale à l’égard de l’enseignement/apprentissage littéraire liée à la dimension fondamentale des humanités : celle du doute et de l’interprétation, en relation étroite avec l’éveil de l’esprit critique chez l’étudiant. Notre but est d’instaurer une méthodologie active à fin de guider celui-ci dans la résolution des difficultés affleurant dans les textes présentés à travers les tâches d’inférence proposées. L’usage d’un extrait littéraire ne doit pas être un prétexte pour un exercice de grammaire. Au contraire, il devrait être accompagné de questions permettant une approche globale, facilitant la compréhension par des stratégies utilisées hors de la classe (Riquois, 2010 : 250). Nous pensons qu’il faut encourager les activités d’observation, de compréhension et, surtout, celles de l’expression personnelle qui correspondent davantage à la lecture littéraire authentique. Le texte littéraire peut être un outil approprié pour favoriser la lecture, l’écriture et les échanges d’idées en langue étrangère, tout en permettant d’intégrer aussi bien des éléments culturels que des aspects linguistiques et esthétiques. L’apprenant doit adopter une posture de lecteur essayant d’oublier la lecture scolaire pour laisser la place à une lecture-plaisir. Il faudrait proposer aux lecteurs/apprenants des tâches qui stimulent tant les composantes cognitives de la créativité que les affectives à partir de leur expérience de lecture (Bertocchini et Constanzo, 2012 : 25). Le professeur doit trouver l’équilibre entre les compétences linguistiques, esthétiques, socioculturelles et http://cedille.webs.ull.es/11/22sanchez.pdf 498 Çédille, revista de estudios franceses, 11 (2015), 485-500 Ángeles Sánchez Hernández affectives adaptées au niveau des apprenants en tenant compte de leurs intérêts et leur expérience de vie pour qu’ils puissent intégrer les ‘savoirs’ sur la littérature dans leur formation. Nous avons présenté une possibilité qui nous semble assise sur des recherches fondées pour approcher les étudiants d’une maîtrise du niveau de langue intermédiaire (B1). Notre choix part de la conception du lecteur/apprenant comme constructeur de sens, de ce sens qui dépasse la langue pour atteindre une expérience esthétique laquelle répond aux connaissances acquises par l’élève à travers sa vie, la formation scolaire dans sa langue maternelle et la première langue étrangère. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ADAM, Jean-Michel (1991) : Langue et littérature. Paris, Hachette BALLY, Nadine et Michael COHEN (2006) : « L’approche communicative », in Tourdetoile, 9. [En ligne : http://flenet.rediris.es/tourdetoile/NBailly_MCohen.html; 22/02/2013]. BERNS, Anke et Francisco ZAYAS MARTÍNEZ (2005) : « DaF y literatura. ¿Cómo incluir contenidos literarios en el nivel inicial sin desmotivar a los alumnos? ». Porta Linguarum 4, 135-145. BERTOCCHINI, Paola et Edvige CONSTANZO (2012) : « La notion d’oral (2) de la classe de conversation d’hier à la libération de la parole en classe de langue aujourd’hui ». Le français dans le monde 383, 24-25. 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