Les îles et îlets Direction Régionale de l’Environnement de la Guyane 160 VU D’ICI & ARUAG - Atlas des Paysages de la Guyane Fig. 448 : Bloc-diagramme de synthèse de l’unité paysagère Passe créant une fenêtre sur le paysage océanique Côte envahie de cocotiers Chemins panoramiques de tour d’’île avec des variations d’ambiances parfois très contrastées. Infrastructures du bagne constituant des repères sur l’horizon Mont boisé constituant un repère sur l’horizon océanique Vestiges patrimoniaux (bagne-occupation humaine ancienne) parfois envahis par la végétation Versants sauvages pouvant développer des écosystèmes singuliers parfois remarquables Falaises abruptes souvent marquées par un chaos rocheux Infrastructure de communication constituant un repère Structuration en terrasses témoignant d’une ancienne exploitation des versants de l’île et d’un paysage autrefois certainement plus ouvert Port ouvrant une façade de quai donnant sur le littoral Guyanais Direction Régionale de l’Environnement de la Guyane Fig. 449 : Carte de localisation de l’unité paysagère des îles et îlets 161 VU D’ICI & ARUAG - Atlas des Paysages de la Guyane « Le jour était sur son déclin lorsque nous longeâmes les îles du Salut : le soleil inondait de ses derniers rayons le paysage enchanteur qui se développait sous mes yeux, et, devant ce magnifique spectacle, je ne pus me défendre d'un mouvement d'admiration. Si peu rassurante que fût la perspective sous laquelle je devais envisager la résidence qui m'était imposée, si triste que fût la légende dont les feuillets se rouvraient pour moi, j'oubliai tout, préoccupations personnelles, souvenirs lamentables, pour céder à des impressions opposées. En effet, à contempler ces îlots jetés comme autant d'oasis au milieu de l'Océan, et livrant à la brise du soir une végétation luxuriante, était-il possible de résister tout d'abord au charme tout-puissant que respirent les beautés de la nature ? Mais bientôt, hélas ! le sentiment de la réalité m'arracha aux premières illusions de la surprise. […] A l'aspect de ces lieux charmants, on se prend à songer que les esprits fatigués ne sauraient demander un lieu plus propice au repos, et voilà qu'après avoir commencé par en faire un désert, la civilisation en fait maintenant un bagne ! » — De Paris à Cayenne : journal d'un transporté Charles Delescluze (Paris, 1869) In le Grand livre du Bagne, Eric Fougère, Ed Orphie Limites et continuités paysagères de l’unité Les îles et îlets présentent, par définition, des limites très claires et lisibles constituées par l’interface terre/océan. Les îles guyanaises étant toutes des monts rocheux isolés dans l’océan, présentent d’une manière générale des côtes sous forme de falaises plus ou moins escarpées ou de chaos rocheux sur lesquels viennent se briser les vagues. Ces limites abruptes ne laissent, en général, que peu de points d’abordage sur les îles. Structure paysagère identitaire Des monts boisés rocheux en plein océan La Guyane se distingue sur toute la frange littorale entre l’Amazone et l’Orénoque par sa côte rocheuse accompagnée de nombreuses îles et îlets. Leur formation est liée à des éléments géologiques anciens : certaines correspondent à des éléments granitiques du bouclier ancien, d’autres à des filons volcaniques consécutifs à la fracturation du socle, lors de la formation de l’Atlantique. Cette origine géologique identique à celle des monts de l’île de Cayenne explique, non seulement leur proximité, mais aussi la similitude de leurs silhouettes. Ces ressemblances entre monts terrestres et îles marines créent un jeu de co-visibilité intéressant. Ils constituent des motifs paysagers s’exprimant de la même manière dans l’océan et sur terre, ce qui les met en étroite relation visuelle par un effet de répétition. On observe ce même rapport entre les monts de Kourou et les îles du Salut, ainsi que les monts de Cayenne et les îlets de Rémire. Carte de l’unité paysagère Fig. 452 : Les montagnes de Kourou et… Fig. 450 : Falaise rocheuse de l’île Saint Joseph Fig. 453 : …les îles du salut, un même motif paysager dans un contexte différent. Fig. 451 : Côte rocheuse de l’île du Diable Fig. 454 : Jeux de co-visibilité entre les Monts de Cayenne et les Ilets de Rémire Direction Régionale de l’Environnement de la Guyane 162 VU D’ICI & ARUAG - Atlas des Paysages de la Guyane Ce jeu de co-visibilité est d’autant plus marqué au niveau des îles du Salut qui se distinguent par leur proximité. Ainsi les passes entre les îles créent des fenêtres sur l’océan et les îles se mettent en perspective entre elles créant des paysages à la fois terrestres et océaniques. Cette configuration originale donne l’impression de voir en face l’endroit où l’on est. On retrouve cette configuration à moindre échelle sur l’îlet la Mère et les deux Mamelles. dense et varié (comme ceux des îlets de Rémire). Les îles du Salut présentent quant à elle une colonisation forte des cocotiers qui ont envahi les espaces ouverts des côtes. S’ils marquent les vues de leur silhouette graphique renvoyant à des images d’exotisme tropical, ils ferment cependant les perspectives depuis les hauteurs. Fig. 455 : Les passes des îles du Salut, fenêtres sur l’océan Fig. 458 : Une colonisation des cocotiers, qui ferme progressivement les vues. Sur l’île du Grand Connétable, les extractions de phosphates par les Américains ont complètement transformé la topographie de l’île et ouvert l’espace. Cette dernière, dont les pentes escarpées, occupées par les oiseaux marins, lui avait valu le nom d’île aux oiseaux. Ces colonies d’oiseaux investissent encore aujourd’hui l’île mise à nue. Ces îles par leurs configurations et leur isolement (les éloignant de fortes pressions liées à l’homme) constituent des ressources de biodiversité (animale et végétale) spécifiques. Ces richesses naturelles remarquables et originales par rapport au contexte guyanais font d’ailleurs l’objet de protections spécifiques. Fig. 456 : Vue de l’île Saint Joseph depuis l’île Royale Fig. 457 : l Ilet La Mère et les deux Mamelles (source J. Guirado Agence ARUAG) Du fait de leur escarpement ou de la pauvreté de leurs sols rocheux, les îles sont en général recouvertes de boisements. Des écosystèmes forestiers spécifiques pour leur adaptation au milieu océanique s’y implantent et referment l’espace. Ils instaurent un contraste réel entre les ambiances internes fermées et ombrageuse et les franges de l’île ouvertes sur l’océan et lumineuses. En fonction de l’histoire du site, le couvert végétal peut prendre aujourd’hui différentes formes. Les îlets ayant été peu investis par l’homme gardent un couvert forestier relativement Fig. 459 : Caractère dépouillé de l’île du Grand Connétable (source J. Guirado Agence ARUAG) Direction Régionale de l’Environnement de la Guyane 163 Des îles marquées par l’histoire Les îles guyanaises par leur proximité de la côte ont souvent été utilisées dans l’histoire pour leur capacité d’isolement. Ainsi, Jean Hubert de La Rüe identifiait : « Des îles qui sont des lieux d’isolement, choisies par les hommes eux-mêmes afin de permettre d’isoler leurs semblables, cela pour des motifs divers. Ce sont d’une part, les îles- lazarets ; d’autre part, celles qui servent de réclusion et d’exil, que l’on peut appeler les îles prisons. » Les îlets de Rémire ont donc longtemps servi de lieu de convalescence ou d’isolement pour les esclaves malades ou les lépreux. Ils fixèrent rapidement la légende d’une famille de géants figés dans la vase : le « père » la « mère » et les « deux mamelles » et le domestique « le Malingre » parti chercher « l’enfant perdu » Habités, ces îlets devaient être cultivés et donc plus ouverts. De même, après leur échec malencontreux sur les marais de Kourou, les colons se sont réfugiés sur les îles du Diable qui prirent alors le nom d’îles du Salut. Leur réputation se ternit à nouveau avec l’installation sur les îles du centre de déportation du bagne. L’implantation des bâtiments de réclusion, d’intendance et des infrastructures du bagne va complètement remodeler le paysage de l’île. Les pentes sont structurées en terrasses successives pour accueillir les différents bâtiments d’architecture caractéristique ou de petites zones de culture ou d’élevage. Ces terrasses offrent aujourd’hui des belvédères intéressants dominant les îles et les paysages marins. Ces lieux de mémoire laissent encore aujourd’hui lire la dureté de l’univers carcéral. La valorisation culturelle et touristique de ce patrimoine sur l’île Royale offre une mise en perspective intéressante de l’histoire du bagne dans un contexte d’île paradisiaque très en décalage avec son passé. L’île Saint Joseph offre quant à elle le paysage surprenant des ruines carcérales emprisonnées et lacérées par la végétation (et notamment les figuiers maudits qui envahissent les cellules de leurs racines). Le contraste est saisissant et émouvant. Ces deux îles accessibles sont ceintes d’un chemin de ronde qui offre des vues sans cesse renouvelées sur les îles, le littoral continental et l’océan au détour des falaises et entre les cocotiers. Certains îlets de Rémire présentent des restes du bagne mais ne font pas encore l’objet de valorisation. En résumé : Les îles et îlets guyanais constituent des paysages à part entière qui font échos sur l’océan aux monts boisés qui ponctuent le littoral. Par leur échelle et leur diversité ils constituent autant de micro paysages où peuvent encore se lire les traces émouvantes des formes d’isolements que l’histoire coloniale ou la période du bagne leur ont laissées. Outre cette dimension culturelle forte, les îles constituent aujourd’hui un patrimoine naturel souvent remarquable. Difficilement accessibles pour la plupart, elles renvoient à l’horizon leur silhouette d’île mystérieuse qui fait écho à l’imaginaire ou plus simplement renvoie aux légendes maritimes. VU D’ICI & ARUAG - Atlas des Paysages de la Guyane Fig. 460 : Vestiges Îlet La Mère (source J. Guirado/ Agence ARUAG) Fig. 461 : Plan des bâtiments du bagne sur l’île Royale (Musée de l’île Royale) Fig. 463 : Hôpital du bagne sur l’île Royale Fig. 464 : Quartier des surveillants sur l’île Royale Fig. 466 : Cellules envahies par la végétation sur l’île Saint Joseph Fig. 462 : Terrasses successives, structurant les pentes de l’île Royale Fig. 465 : Chapelle de l’île Royale Direction Régionale de l’Environnement de la Guyane 164 Fig. 467 : Petite plage sur l’île Saint Joseph VU D’ICI & ARUAG - Atlas des Paysages de la Guyane Direction Régionale de l’Environnement de la Guyane 165 VU D’ICI & ARUAG - Atlas des Paysages de la Guyane Direction Régionale de l’Environnement de la Guyane 166 VU D’ICI & ARUAG - Atlas des Paysages de la Guyane Direction Régionale de l’Environnement de la Guyane 167 VU D’ICI & ARUAG - Atlas des Paysages de la Guyane