LINGUISTIQUE VI. I−L'EMPLOI DU TEMPS. 1−L'aspect. 2−Opposition passé simple/passé composé. a−emplois habituels. b−enchaînement narratif. 3−Opposition passé simple ou passé composé/imparfait. a−valeur aspectuelle. b−la mise en relief. c−l'imparfait de rupture. 4−Autres emplois de l'imparfait. 5−Le présent. a−le présent d'énonciation. b−les présents décalés par rapport à leur énonciation. c−le présent atemporel. d−le présent dans le récit. II−GRAMMAIRE TEXTUELLE. 1−L'anaphore, la cataphore, coréférence. 2−Types d'anaphores. a−anaphore pronominale. b−anaphore fidèle. c−anaphore infidèle. d−anaphore associative. e−anaphore conceptuelle. 3−Contraintes propes aux pronominalisations. 1 4−Cataphore. a−CE cataphorique. III−LA GRAMMAIRE TEXTUELLE. 1−La cohérence textuelle. 2−La réparation de l'information: thème, rhème. a−thème et rhème. b−test linguistiques. c−thématisation et focalisation. • l'extration. 3−La progression thématique. a−la rupture thématique. b−combinaisons. L'EMPLOI DES TEMPS I.L'ASPECT. Avant d'aborder l'étude des temps verbaux, il faut présenter la catégorie de l'aspect. Il constitue une information sur la manière dont le locuteur envisage le déroulement d'un procès, son mode de manifestation dans le temps. En français, l'aspect concerne surtout le verbe, c'est l'aspect verbal. En français, la catégorie de l'aspect permet d'opposer d'une part la perfectivité à l'imperfectivité, d'autre part l'accompli à l'inaccompli. Le passé simple est un temps perfectif. Il présente des procès comme un tout indivisible saisi du dehors à un moment déterminé. Le déroulement se reduit à une sorte de point qui fait coïncider début et fin d'un procès. EXEMPLE: Il écrivit. Par contre, si on a: Il écrivait. Ici, la manière dont on envisage l'aspect n'est pas la même. L'aspect imperfectif saisit le procès de l'intérieur dans son déroulement sans prendre en compte son début et sa fin. Les divers temps sont affectés d'un aspect spécifique, au passé, le passé simple et le passé composé sont des formes perfectives qui s'opposent à l'imparfait qui est un temps imperfectif. La passé composé constitue le passé perfectif du discours et le passé simple, celui du récit. L'opposition entre l'accompli et l'inaccompli relève aussi de l'aspect. Cette opposition est clairement marquée 2 par la morphologie verbale, et correspond à l'opposition entre formes simples et les formes composées. On parle d'aspect inaccompli lorsque le procès se réalise au moment indiqué par l'énoncé. EXEMPLE: Je marcherai bientôt. Je marchais quand il est arrivé. Dans ces deux énoncés la marche prend place Bientôt ou Quand il est arrivé. L'aspect accompli est utilisé lorsque le procès est antérieur à un autre repère temporel et qu'il est présenté comme achevé au moment considéré. Les formes composées s'emploient de manière privilégiée dans les subordonnées temporelles pour marquer une antériorité par rapport au procès exprimé par le verbe de la principale, qui se trouve à la forme simple correspondante. EXEMPLE: Dès que Paul a bu, il sort. Dès que Paul avait bu, il sorait. Aspect accompli. Dès que Paul eut bu, il sortit. Dès que Paul aura bu, il sortira Ces formes composées marquent une antériorité par rapport au procès du verbe de la principale. C'est un aspect accompli. Le passé composé peut marquer l'accompli par rapport à un autre procès en présent. Mais, le passé composé c'est aussi le temps perfectif du discours. II. OPPOSITION PASSÉ SIMPLE/PASSÉ COMPOSÉ. 1−Emplois Habituels. Contrairement à ce qu'on dit parfois le passé simple n'est pas en voie de disparition en français. Il n'est pas réservé non plus à la langue savante et recherchée comme c'est le cas des subjonctif imparfait et les plus−que−parfaits. Il est vrai qu'il apparaît essentiellement à la langue écrite, ce qui est une conséquence de sa valeur énonciative. Le locuteur qui rapporte au passé simple un événement passé, ne se considère pas comme prenant part effectivement au fait qu'il énonce. Le passé simple est le temps principal du récit, qui envisage les événements comme coupés du moment de l'énonciation. Il suppose une absence d'embrayage. En opposition avec le passé simple, le passé composé présente un rapport étroit avec le présent. C'est l'un des temps du discours. On rapportera au passé composé toute action passée, même si elle est achevée au moment où l'on parle, et supposée exercer des conséquences sur le moment de l'énonciation, ou encore toute action passée par laquelle le locuteur se sent encore concerné d'une façon ou d'autre. EXEMPLE: Pourquoi cette canne? Je me suis cassé la jambe, il y a deux mois. On a un passé composé parce que c'est un événement passé avec des conséquences évidentes au moment de la parole. EXEMPLE: César a vaincu Vercingétorix à Aléria. 3 C'est un événement historique. On pourrait avoir un passé simple. Le passé composé présente l'événement comme ayant des répercussions dans le présent. Il prend une certaine actualité avec le passé composé. Le passé composé est employé de façon presque exclusive dans la langue parlée courante (par rapport au passé simple). Il est aussi en usage dans le style épistolaire et dans l'autobiographie fictive ou réelle. EXEMPLE: Longtemps, je me suis couché de bonne heure. C'est une autobiographie fictive. C'est le tout début de Á la recherche du temps perdu. À l'écrit, on pourrait employer le passé simple dans un récit de type journalistique à la première personne. EXEMPLE: Nous fûmes un voyage qui me laissa fort malade. Le ton à ce moment−là est très différent. Les événements rapportés sont présentés comme quelque chose de lointain et d'objectif. Il paraît ainsi rejeté de la sphère immédiate de l'énonciation. De même le passé simple n'est pas tout à fait impossible à l'oral. EXEMPLE: J'ai rencontré M.Legrand qui fut mon professeur de sixième. Ce passé simple présente un sous−entendu du type Tout cela est bien lointain!, Comme le temps passe!... Le locuteur considère son propre passé comme entièrement coupé de son présent, c'est un passé revolu. C'est ainsi qu'on a entendu à la T.V française un ancien résistent qui énoncait au passé simple tout un récit autobiographique: Je fus arrêté en janvier 1943. Je reussis à m'évader dès fevrier... C'est là un phénomène exceptionnel mais significatif. Le locuteur considère son passé comme coupé de son présent, il y a une séparation complète entre le JE du récit et la personne qui parle. En dehors d'exemples de ce type le passé simple a entièrement disparut de l'usage oral du français standard. Au siècle dernier et au debut de ce siècle, les journaux utilisaient couramment le passé simple, aujourd'hui, ils ne l'utilisent plus guère, sauf dans la rubrique sportive où il est nécessaire de raconter des séries succesives d'événements. Parfois dans les faits divers nous le trouvons aussi. Autrement le passé simple subsiste dans les récits des historiens et pas toujours, le passé composé produirait un effet étrange celui de la présence du sujet de l'énonciation. Certains historiens utilisent cependant le passé composé (Jacques le Goff, Georges Duby). Quant au roman contemporain, ils illustrent divers possibilités, certains utilisent exclusivement le passé simple, d'autres le remplace par le passé composé, le présent historique ou l'imparfait narratif. Mais il est exceptionnel que le passé simple soit complètement absent. Même dans l'Étranger de Camus (je + passé composé), il y a quatre ou cinq passés simples. Le passé simple apparaît dès que le récit doit s'objectiver. 2− L'enchaînement narratif. Le passé simple est le temps narratif du récit. Une forme de passé simple n'est qu'associé à un autre passé simple. Chaque passé simple sert de repère à celui qui lui suit sans qu'il y ait repérage par rapport au moment de l'énonciation. Une narration au passé simple se présente comme un enchaînement rigoureux d'actions succéssives. En revanche, le passé composé est peu compatible avec l'enchaînement narratif. Il pose le procès comme disjoint, tous passés par rapport au moment d'énociation. Le passé composé peut avoir une valeur d'accompli (il est un temps perfectif dans tous les cas, mais dans les propositions subordonnées de temps il peut y avoir cette valeur). 4 On doit se souvenir que le passé simple est un temps perfectif du récit, le passé composé est le temps perfectif du discours (narration par exemple). Cela, selon la distribution de Benveniste. L'aspect: c'est la façon dont on envisage le procès. Passé simple=Passé composé # Imparfait=imperfectif. EXEMPLE: Dès qu'il a bu, il sort. C'est un aspect accompli par rapport au verbe de la principale: il sort. Normalement le passé composé est un temps perfectif, mais comme on vient de dire, il peut y avoir une valeur accomplie. En raison de son lien avec l'accompli, il présente le procès comme statique au lieu de le tourner vers les événements qui suivent. C'est ainsi, que si on a: EXEMPLE: Il acheta un gâteau et il prit le train. C'est une succession des événements su passé simple. Si on a: Il a acheté un gâteau et il a pris le train. Ça peut dénoter des faits indépendants, parce qu'il pose le procès comme disjoint. De même, il est impossible d'exprimer au passé simple une autorité par rapport à un autre passé simple dans une proposition postposée. EXEMPLE: *Marie épousa Paul qu'elle rencontra dans un café cet été−là. On devrait utiliser qu'elle avait rencontré parce que celui−ci est un temps antérieur et achevé par rapport à l'autre verbe de l'autre proposition. On doit faire attention au problème que suppose pour les hispanophones l'apparition dans notre langue de la possibilité de le dire avec le passé simple. Si on le traduit au français, on doit être conscients que dans cette langue ça n'est pas correct, qu'il s'agit d'une faute. Le passé simple ne peut pas marquer une antériorité à un autre passé simple. Le plus−que−parfait marque l'antériorité à cause de sa valeur d'accompli. Le passé composé par contre peut marquer l'antériorité car il a une valeur d'accomplie. Marie a épousé Paul qu'elle a rencontré dans un café cet été−là. EXEMPLE:Quand il revint du métro, le boulevard Richard−Lenoir était désert, et ses pas résonnaient. Il y avait d'autres pas derrière lui. Il tressaillit, se retourna involontairement...(Simenon, Maigret et son mort). Texte au récit d'un narrateur omniscient. C'est un récit au passé simple, succession de passés simples, les événements sont racontés du dehors. Si on le remplace par un passé composé, on aura: Quand il est revenu du métro le boulevard Richard−Lenoir était désert et ses pas resonnait. Il y avait d'autres pas derrière lui. Il a tressailli, s'est retourné involontairement... Le passé composé suppose une relation avec le sujet d'énonciation. Ce n'est plus un récit, une histoire racontée par un romancier, mais plutôt le propos d'un temoin qui raconte l'histoire, et qui par ailleurs, semble peu naturel. L'emploi de l'adverbe involontairement s'explique très difficilement : privilège d'un narrateur omniscient dans le récit. Mais cela résulte bizarre dans le cas d'un temoin. On a vu que le passé composé qui présente les événements succésifs isolés les uns des autres, le passé composé n'est pas bien adapté à la narration. L'usage du passé composé dans l'Étranger de Camus, est très significatif. Il utilise presque exclusivement la combinaison JE+Passé Composé. En l'utilisant, l'auteur donne l'impression d'une série des faits qui ajoutent les uns aux autres sans qu'il y ait de rapport de cause à effet. Les actes du personnage s'accumulent en quelque sorte sans qu'aucun ne semble pas impliquer le suivant. Le passé composé provoque une décomposition de la continuité narrative. La narration ne paraît pas orienté vers une fin. Cela coïncide avec la vision d'existence qui encarne le personnage de Mersault: l'absurde, il n'y a pas de totalisation signifiante de l'existence. C'est une série d'actions séparées. 5 L'intérêt de ce roman est qu'il ne developpe pas entièrement cette thèse au départ. Il y a adéquation entre histoire racontée et la technique narrative. Celle−ci traduit l'emploi du passé composé dans la narration. Le passé composé n'est pas bien adapté à la narration, et c'est pour cette raison que lorsqu'on veut éviter le passé composé dans le récit au JE, on utilise de préférence le présent (présent histoire, ou encore aoristique pour quelques auteurs). III. L'OPPOSITION PASSÉ SIMPLE OU PASSÉ COMPOSÉ/IMPARFAIT. 1.Valeur aspectuelle. L'imparfait est un temps imperfectif, par opposition au passé simple et passé composé (perfectifs). Il existe une complémentarité aspectuelle entre l'imparfait et les temps perfectifs (passé simple et passé composé). L'imparfait constitue un micro−système avec d'autres temps. Le passé simple ou le passé composé peuvent être employés isolément, ils marquent par eux−mêmes un repère temporel. Ils suffisent à inscrire un énoncé dans la temporalité. En revanche, un énocé constitué uniquement par des imparfaits sera reçu comme incomplet ou il sera interprété comme exprimant l'habitude: EXEMPLE: a) Ce matin, je me suis levé de bonne heure. b) Ce matin, je me levais de bonne heure. c) Chaque matin, je me levais de bonne heure. Dans A le passé composé sufit à inscrire des événements dans le temps. Par contre dans B à l'air incomplet comme en suspent, il faut lui adjoindre un repère. On devrait avoir: Ce matin, je me levais quand le téléphone a sonné. À ce moment−là, l'essentiel du message porte sur le procès au passé composé a sonné qui constitue le rpère par rapport auquel se situe l'imparfait. Dans C, Elle est tout à fait possible, mais l'imparfait marque l'habitude, la répétition. Il faut comprendre que l'imparfait ne constitue pas un temps du passé, il indique tout simplement un procès est contemporain d'un repère qui lui est passé. EXEMPLE: Paul dormait quand je l'ai vu. Dans cet énoncé, c'est je l'ai vu qui relève du passé. Paul dormait est présenté comme contemporaie de cet événement. Rien a priori ne permet d'affirmer que le sommeil de Paul appartient au passé car il peut dormir encore au moment où l'on parle. Nous avons vu que que l'imparfait s'oppose au passé composé et au passé simple par son aspect imperfectif. Par rapport à un repère temporel donné par un circonstanciel de temps ou par d'autres verbes au passé simple ou passé composé, l'imparfait présente un procès non limité dont la durait dépasse dans le passé et l'avenir le temps de ce repère. Ce qui veut dire que l'imparfait ne tient pas compte du début et de la fin du procès. C'est ça la valeur aspectuelle imperfectif. De ce fait l'imparfait ne peut guère être utilisé tout seul. Il a besoin d'un repère explicité par le contexte et ce rôle est tenu par les temps perfectifs. EXEMPLE: Les élèves chahutaient abominablement quand le proviseur entra. 6 Le passé simple prend en considération les deux limites temporels de l'entrée du proviseur qui est sensé ici d'être plutôt bref. Mais qui pourrait être long aussi. Le chahue est considéré dans son déroulement, rien indique qu'il y a eu un commencement et son éventuel achèvement n'est pas marqué non plus. 2−La mise en relief. Dans l'usage ordinaire de la langue l'imparfait dénote des procès contemporains d'un repère passé marqué par les temps perfectifs, passé simple et passé composé. Cette complémentarité entre l'imparfait et les formes perfectifs joue un rôle essentiel dans la narration littéraire. Dans la narration, il faut distinguer deux niveaux, d'une part les verbes à un temps perfectif constituent les événements qui font progresser l'action et d'autre part il y a les verbes à l'imparfait qui présentent la toile de fond des indications sur le décors, des commentaires du narrateur. Le passage à l'imparfait correspond toujours à une interruption dans le déroulement, un suspend du temps narratif. Cette complémentarité de l'imparfait et des temps perfectifs s'explique assez bien: alors que les formes au passé simple impliquent une succession, l'imparfait d'un point de vue aspectuel marque que le procès est ouvert. EXEMPLE: Il pleuvait quand il arriva. Le procès Pleuvoir n'est pas limité sur sa droite, il se prolonge et il prend une valeur stative, le procès reste ouvert et par conséquent il reste extérieur à la dynamique narative. EXEMPLE: Les jours commencèrent à s'allonger mais le froid resserra son étreinte. A moins d'entretenir sans relâche un feu d'enfer dans la cheminée de la maison forestière, les nuits canadiennes devenaient une épreuve assez rude, et Tiffauges les épaçait tout en appréciant leur pureté tonique après la moite promiscuité des baraques. Un matin que les étoiles rendues pelucheuses par le gel intense brillaient encore dans le ciel noir, il fut réveillé par un coup frappé à la porte. À moitié endormi encore, il se leva en maugréant, et alla quérir quelques ronds de rutabaga qu'il avait posés sur le bord de la cheminée. Il savait qu'il était inutile de faire la sourde oreille aux invites de l'élan dont l'insistance devenait inlassable dès lors qu'il avait senti une présence dans la maison. Il dut lutter un moment avec la porte que le gel avait bloquée et qui céda tout à coup, s'ouvrit toute grande et découvrit la haute silhouette d'un homme botté et en uniforme. (Michel Tournier, Le roi des Aulnes). Il faut distinguer dans ce texte deux niveaux différents. On a d'une part le passé simple qui assure la progression de l'histoire et d'autre part les imparfaits qui marquent les procès qui ne partcipent pas à cette progression. Les formes d'imparfait sont associées aux formes perfectifs. Les formes en italiques: on voit qu'il y a une cohérence parce qu'on voit qu'il y a de la progression dans l'histoire. Dans le passage à l'imparfait, on voit qu'il n'y a pas cohérence, ils ne participent pas à la progression du récit. Les formes à l'imparfait sont associées aux formes perfectives: A moins...des baraques est inséparable de la première phrase à laquelle elle se repère. Il savait qu'il était... dépend de celle qui la précède. C equi vaut pour le passé simple vaut aussi pour le passé composé même s'ils sont peu propices à la construction d'un enchaînement narratif (le passé composé présent les faits comme disjoints). EXEMPLE: J'ai fait quelques pas vers la source. L'Arabe n'a pas bougé. Malgré tout, il était encore assez loin. Peut−être à cause des ombres sur son visage, il avait l'air de rire. J'ai attendu. La brûlure du soleil 7 gagnait mes joues et j'ai senti des gouttes de sueur s'amasser dans mes sourcils. C'etait le même soleil que le jour où j'avais enterré maman et, comme alors, le front surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. A cause de cette brûlure que je ne pouvais plus supporter j'ai fait un mouvement en avant. (A.Camus, L'Étranger). La répartition des verbes se font parfaitement dans les deux niveaux. Les verbes−formes au passé composé font obtenir une succession. Le linguiste allemand Harald Weinrich a proposé d'appeler Mise en relief à ce phénomène dans son livre Le Temps. Il recourt à une métaphore de type pictural, et il parle de première plan pour les formes perfectives et d'arrière−plan ou second plan pour les formes d'imparfait. Cet arrière−plan sert essentielllement à la description par opposition à la progression narrative. L'arrière−plan est destiné à la fois à préciser le caractère, les émotions des personnages à fournir des informations sur l'atmosphère sur l'identité des personnes, les locations spatiaux−temporels, sert à donner des commentaires...C'est−à−dire la toile de fond. Il y a donc complémentarité entre le premier plan et l'arrière−plan et ce que Weinrich appelle le mise en relief. Ce phénomène fonctionne aussi bien dans le discours que dans le récit. selon Benveniste. Mais il est particulièrement efficace dans le récit littéraire. Si on élimine les formes d'arrière−plan chez Tournier, on obtient un texte encore relativement cohérent. Il n'en va pas de même pour l'opération inverse si on met les formes d'arrière−plan l'une après l'autre isolées du premier plan lesquels ils s'appuient, on obtient une sequence assez décousue. Il faut bien comprendre qu'il n'existe pas à priori des verbes de premier plan et d'arrière−plan. C'est le narrateur qui opère la répartition et non le sens des verbes. EXEMPLE: a−Jeanne alla à la grange. Le soleil brillait davantage; le chien sautait de joie. Elle comprit qu'elle était seule. b−Jeanne allait à la grange. Le soleil brilla davantage; le chien sauta de joie. Elle comprenait qu'elle était seule. De l'un à l'autre fragment, seul les verbes sont inversés; il y a une répartition différente des deux plans. Cela suffit à changer complètement la signification des deux textes. Dans la fiction littéraire la répartition des énoncés entre les deux plans obéit à des contraintes essentiellement textuelles. Tout dépend de la façon dont l'auteur veut présenter le procès. Le sens des énoncés n'a pas de rôle déterminant dans la répartition des deux plans. La répartition des actions entre passé simple/passé composé d'une part et l'imparfait d'autre part se fait en fonction du status qui est accordé à cette action dans la narration. On trouvera au passé simple ou au passé composé les événements qui ont une importance particulière dans le déroulement du récit. Les événements qui font progresser le récit. À l'imparfait, on aura ce qui relève du cadre, du décor ou des circonstances accessoires de la narration. L'auteur peut distribuer à sa convenance les énoncés sur les deux plans. Et en effet, la proportion des formes d'arrière−plan varie considérablement d'un texte à l'autre. En tout cas, on doit bien comprendre que ce n'est pas l'imparfait en tel que tel qui distribue à un énoncé le status de forme d'arrière−plan. C'est la relation entre l'imparfait et les formes perfectives (passé simple, passé composé et présent historique). Employé différemment l'imparfait peut prendre d'autres valeurs (itératif, 8 répétition). 3−L'imparfait de rupture (c'est un emploi très particulier de l'imparfait). Dans certaines séquences passé simple/passé composé suivis d'un imparfait, l'imparfait peut ne pas marquer l'arrière−plan. EXEMPLE: a− Paulette se tut; on arriva à Rome et on n'en parla plus. b−Paulette se tut; on arrivait à Rome et on n'en parlait plus. c−Paulette se tut; le lendemain on arrivait à Rome et on n'en parlait plus. Le a marque une succession d'événements du premier plan. Le b, il y a des passés simples et des imparfaits: opposition entre les deux plans qui est tout à fait normal. Dans c, nous trouvons l'imparfait der rupture. Ici l'imparfait ne marque pas l'arrière−plan. L'énoncé peut être interprété comme une succession de procès perfectifs. On ne serait attendu à trouver un passé simple. L'imparfait appartient au premier plan. EXEMPLE: Le premier septembre 1939, les troupes allemandes envahissaient la Pologne. Le procès est vu dans son déroulement: la fin n'est pas marquée. C'est encore un imparfait de rupture. On aurait pu avoir un passé simple: Le premier septembre 1939, les troupes allemandes envahirent la Pologne. L'imparfait prend la place du passé simple dans ce cas−ci pour exprimer un événement important dont il modofie la preception. Conformément à la valeur aspectuelle de l'imparfait les deux limites temporelles du procès: le début et la fin ne sont pas prises en compte (c'est la perfectivité qui fait ça). Le procès est présenté dans son déroulement et l'imparfait efface ces limites qui sont pourtant réelles. Ce procédé sert paradoxalement à mettre en relief l'effet évoqué qui acquiert de l'importance par le temps qui est ouvertement consacré à la considérer dans son déroulement (c'est l'effet de la mise en relief). Certains linguistes comparent l'effet produit par l'imparfait de rupture avec celui qu'est au cinéma le ralenti. Cela est une des analyses possibles de l'imparfait de rupture, il n'est pas très courant. C'est un procédé surtout littéraire. Les imparfaits de rupture sont apparus pour la littérature dans la seconde moitié du XIXème siècle. Ils sont souvent employés pour clore un récit passé. On les rencontre à la fin de nombreux contes de Maupassant. EXEMPLE: La nuit vint. Il fallait partir. Il se mit en route avec trois voisins à qui il montra la place où il avait ramassé le bout de cordre; et tout le long du chemin il parla de son aventure. Le soir, il fit une tournée dans le village de Bréauté, afin de la dire à tout le monde. Il ne rencontra que des incrédules. Il en fut malade toute la nuit. Le lendemain, vers une heure de l'après−midi, Marius Paumelle (...) rendait le protefeuille et son contenu à maître Houlbrèque, de Manneville (G. de Maupassant, La ficelle). C'est la fin du conte la ficelle de Maupassant. Ce qu'on a ici c'est un récit au passé simple basé sur l'opposition premier−plan, arrière−plan. Le lendemain... jusqu'à la fin, on aurait pu avoir un passé simple, mais nous avons là un imparfait de rupture qu'évite au récit une fin nette et brutale, et il lui confière une fin ouverte parce que l'imparfait ne marque pas les limites du procès. Il donne l'impression d'inachevé et il laisse attendre la suite. L'imparfait ne peut pas situé temporellement les énoncés. Et de ce fait, l'imparfait de rupture devra suivre nécessairement une forme perfectives qui introduit le cadre narratif. Dans le cas Le 1er septembre, on imagine de même que pour l'exemple de Maupassant dans le contexte plain de passés simples. Il ne peut pas 9 fonctionner tout seul. De même, il est accompagné obligatoirement d'une circonstance temporelle que joue le rôle de repère narratif indispensable sur lequel s'appuie tout imparfait, il faut dans ce cas−ci une circonstance temporelle. Cette circonstance insiste sur la rupture chronologique, sur l'apparition d'un nouvel événement. L'imparfait est plus présenté comme lié au reste du récit, mais il est du même coup souligné. Le procès à l'imparfait n'est pas un événement de plus qui viendrait s'ajouter à une succession d'événements au passé simple. L'imparfait de rupture marque un événement qui se détache de façon spéciale par rapport aux autres. EXEMPLE: Sur le coup de huit heures, Pietr−le−Letton sortit de sa chambre (...). Il fumait encore une cigarette russe à tube de carton. Il passa très près de Maigret, marqua un temps d'arrêt, le regarda comme si l'idée le séduisait de lui adresser la parole, puis, préoccupé, il se dirigea vers l'ascenseur. Dix minutes plus tard, il prenait place, dans la salle à manger, à la table de M. et Mrs Mortimer Levingstone, qui était le centre de l'attention (...). Tous trois bavardaient gaiement. Pietr−le−Letton parlait beaucoup...(G.Simenon. Pietr−le−Letton.) C'est un récit basé sur l'opposition passé simple/imparfait (premier−arrière−plan) 10