Version française – p. 1 Version anglaise – p. 3 Version espagnole p. 5 Conclusion de « La Question de l’Homme Fossile, Découvertes récentes et Problèmes actuels » - rédigé à Pékin, en 1943 [L’Apparition de l’Homme, volume 2 des Œuvres complètes] … Ainsi, historiquement, il y aurait une genèse globale (c’est-à-dire une anthropogénèse générale) de l’Humanité, exactement comme il y a une naissance et un développement (une anthropogénèse individuelle) de chaque Homme en particulier. Telle est la conclusion vers laquelle convergent et où culminent toutes les découvertes et tous les enseignements de la Paléoanthropologie. Proposition presque banale, en un sens ; et cependant, si on la comprend bien, facteur décisif de progrès scientifique, dans la mesure où nous tenons maintenant la clef qui nous manquait pour une meilleure intelligence de notre passé et, par suite, pour une vision plus nette de l’avenir réservé à notre race. Clef pour le passé, d’abord : Depuis les temps de Lamarck et de Darwin, la question a été et est encore âprement discutée : y a-t-il ou n’y a-t-il pas un sens défini à l’évolution biologique ? A cette question, l’étude de l’Animal n’oblige, absolument parlant, à répondre ni oui, ni non. Mais voici qu’apparaît l’Homme – l’Homme chez qui, nous venons de le voir, se manifeste une tendance définie de la matière organique à s’élever, par cérébralisation croissante, vers une conscience toujours accrue. Pourquoi ne pas étendre et généraliser cette loi, dûment enregistrée sur le segment humain, à tout le reste du monde vivant ? La tige qui nous porte n’est-elle pas un rameau (ou mieux peut-être la flèche même) de l’arbre de la Vie ? Et s’il en est ainsi, la vie peut-elle être différente dans la branche et dans le tronc dont celle-ci se détache ? Plus on approfondit cette idée, et plus on se convainc que ce qui est vrai au niveau de l’homme et de l’Anthropogénèse doit être également vrai (au moins initialement et toutes proportions gardées) à n’importe quel stade antérieur de l’évolution biologique. Un processus défini et universel, poussant une certaine portion du matériel cosmique, originairement formée d’éléments extrêmement simples et en apparence inconscients, à s’organiser, peu à peu, en unités de plus en plus formidablement complexes et corrélativement de plus en plus manifestement animées ; tel est, je pense, le seul type d’évolution dans lequel le « phénomène humain » (tel que nous le révèle la Préhistoire) puisse être incorporé sans déformation ou même sans contradiction. Et clef, aussi, pour l’avenir : S’il est vrai, en effet – scientifiquement vrai – que depuis quelques centaines de milliers d’années, l’Homme n’a pas cessé de se mouvoir (sans reculer jamais dans l’ensemble, et toujours en tête de la Vie) vers des états constamment croissants d’organisation et de conscience, alors il n’y a aucune raison de supposer que le mouvement se trouve maintenant arrêté. Bien au contraire : un simple coup d’œil jeté sur la figure 12 (non reproduite ici) suggère positivement que le groupe sapiens est encore autour de nous dans le plein élan (pour ne pas dire la prime jeunesse) de son développement. Ainsi se trouvent justifiées et précisées, sur une base scientifique solide, nos espérances et notre foi moderne en quelque progrès humain. Non, certes, l’anthropogénèse n’est pas close. L’Humanité avance toujours ; et elle continuera vraisemblablement d’avancer pendant d’autres centaines de milliers d’années encore, à condition toutefois que nous sachions 1 garder la même ligne de marche que nos prédécesseurs, vers toujours plus de conscience et de complexité. En ce qui concerne le facteur « cérébralisation », il est fort possible (bien que non évident) que le cerveau humain, ayant atteint dans l’Homo sapiens le maximum de complexité physico-chimique permis par les lois de la matière pour un organisme isolé, nous ne puissions pas avancer beaucoup plus loin. Auquel cas, il faudrait dire que, anatomiquement et individuellement, l’Homme est définitivement stabilisé. Mais en direction de l’organisation collective ou socialisation (ligne précédemment sur laquelle il semble, ai-je dit, que l’anthropogénèse ait concentré le meilleur de ses efforts depuis la fin du Pléistocène), c’est à peine si nous nous sommes encore engagés. Dans ce domaine, notre avenir physique et spirituel est presque illimité ; et (voilà bien de quoi surexciter notre effort !) il se trouve largement de par sa nature même dans notre tête et entre nos mains. Voilà, objectivement et scientifiquement, où nous en sommes, à l’instant géologique présent, sur la planète. Trop de gens s’imaginent que la Préhistoire abaisse et détourne dangereusement nos yeux vers le bas et en arrière, vers le spectacle déprimant de quelque « sous-humanité » animale. Juste à l’opposé, son véritable effet est de forcer notre regard à se porter vers le haut et en avant, dans l’attente d’une « sur-humanité » dont nous ne pouvons encore dire qu’une chose : c’est qu’elle ne parviendra à se former que si nous développons jusqu’au bout, en nous-mêmes, les énergies exceptionnellement puissantes d’organisation dégagées par une sympathie interhumaine et les forces de religion. 2 Conclusion of “The question of Fossil Man, Recent discoveries and present-day problems” - Written in Beijing in 1943 (in The Appearance of Man, volume 2 of the complete works by Fr Teilhard de Chardin) So historically there would be a global genesis (that is to say a general anthropogenesis) for humanity, exactly as there is a birth and development (an individual anthropogenesis) for each man in particular. Such is the conclusion towards which all the discoveries and teachings of paleoanthropology converge, the summit in which they all culminate. In a sense an almost banal proposition; and yet, properly understood, a decisive factor in scientific progress, in that we now hold the long missing key to a better knowledge of our past and, consequently, to a clearer vision of the future in store for our race. Key to the past f first of all: Since the times of Lamarck and Darwin, the question has been and still is bitterly discussed : Is there or is there not a definite direction in biological evolution ? In an absolute sense, the study of the animals does not oblige us to answei this question, yes or no. But now man appears — man in whom, as we have just seen, there is manifested a definite tendency of organic matter to raise itself by a growing cerebralisation towards an evei . increasing consciousness. Why not extend and generalise this law, \ duly documented in the human sector, to all the rest of the living world? Is not the branch that supports us a bough (or rather, perhaps, the leading shoot) of the tree of life? And if it is, can life be different in the branch and trunk from which it springs ? The further this idea is carried, the more convinced one is that what is true on the level of man and anthropogenesis must be equally true (at least initially and proportionately) at any earlier stage of biological evolution. A definite and universal process, driving to certain proportion of cosmic material, originally formed of perfectly simple and apparently unconscious elements, gradually tc organise itself into more and more formidably complex and relatively more and more manifestly animated units; 1 this, I think, is the only kind of evolution in which the ' phenomenon of man ! (as prehistory reveals it to us) can be incorporated without distortion or even contradiction. And key also to the future: If it is true, in fact — scientifically truethat for some hundreds of thousands of years, man has been continuously moving (without ever retreating as a whole and always at the forefront of life) towards constantly increasing states of organisation and consciousness, then there is no reason to believe that the movement has now halted. On the contrary : a simple glance at fig. 13 positively suggests (as I have already said) that the sapient group is still, all around us, in the full flight (not to say the youthful prime) of its development. So our hopes and our modern faith in human progress are justified and clarified on a solid scientific basis. No, anthropogenesis is certainly not finished. Humanity is still advancing; and it will probably continue to advance for hundreds of thousands of years more, always on condition that we know how to keep the same line of advance as our ancestors towards ever greater consciousness and complexity. As for the factor of* cerebralisation ', it is very possible (although not proved) that, the human brain having attained in Homo sapiens the maximum physico-chemical complexity allowed by the laws of matter to an isolated organism, we cannot advance much further. 3 If this is so, we shall have to say that, anatomically and individually, man is definitely stabilised. But in the direction of collective organisation or socialisation (precisely the line on which anthropogenesis seems, as I have said, to have concentrated the best of its efforts since the end of the Pleistocene) we have hardly started on our way. In this realm our physical and spiritual future is almost limitless; and (a good reason for stimulating our efforts !) it is by its nature largely in our own head and hands. This is where we stand, objectively and scientifically, at the present geological moment on our planet. Too many people imagine that prehistory dangerously lowers and deflects our gaze, downwards and back towards the depressing spectacle of some animal " sub-humanity ". Just the opposite. Its true effect is to make us turn our eyes upwards and onwards, in expectation of a 'super-humanity ', of which we can as yet say only one thing : that it will only come into existence if we develop to the end, within ourselves, the extremely powerful forces of organisation released by sympathy between men and the forces of religion. 4 Conclusión de “La cuestión del hombre Fósil, Descubrimientos recientes y Problemas actuales”- escrito en Pekín en 1943. (El principio del hombre, Volumen 2 de las Obras Completas) Parece que históricamente habría una génesis global (una especie de "anthropogénesis" general de la humanidad) como hay un nacimiento y un desarrollo ( una anthropogenesis individual) de cada hombre en particular . Esta es la conclusión hacia la cual convergen y culminan todos los descubrimientos y todos los estudios de la "Paleoanthropologia". Es una cuestión casi banal, pero si lo pensamos bien, es un factor decisivo del progreso científico, porque en ello está la llave que nos faltaba para comprender mejor nuestro pasado y en consecuencia tener una visión más clara del porvenir que está reservado a nuestro linaje. Primero es una llave para el pasado: Desde la época de Lamarck y Darwin, la cuestión es, y ha sido, discutida muy duramente: Existe o no existe un sentido de la evolución que pueda definir la evolución biológica? Si estudiamos el Animal no podemos responder a esta cuestión, más que " ni si, ni no" . Pero cuando aparece el Hombre -el Hombre en el que, como acabamos de ver , se manifiesta en él una tendencia que hay en la materia orgánica a elevarse , a causa de una "cerebralisacion" cada vez mayor, para llegar a una conciencia en pleno desarrollo.- Porque no podemos extender esta ley, que ya tenemos comprobada y asumida en la parte humana, al resto del mundo viviente ? La rama que nos sostiene, no es ella misma una parte ( o tal vez la flecha) del árbol de la Vida? Y si es así, es que la Vida sería diferente en la rama que en el tronco de donde la rama nace? Cuando mas profundizamos esta idea, mas estamos convencidos que lo que es verdad al nivel del hombre y de la "Anthropogénesis", tiene que ser igualmente verdad (al menos en su inicio y teniendo cuenta de todas las proporciones) en cualquiera etapa anterior de la evolución biológica. Es un proceso definido y universal, que empuja una parte de la materia cósmica, al origen formada de elementos extremamente simples y en apariencia inconscientes, a organizarse, poco a poco, en unidades cada vez más complejas y al mismo tiempo más evidentemente animadas; esto es lo que yo pienso, el único modo de evolución en el que el "fenómeno humano", (como nos lo demuestra la Prehistoria) puede estar incorporado sin ser deformado ni desmentido. 5 Es también una llave para el porvenir: Si es cierto que - de una forma verdadera científicamente, desde hace unos cientos de miles de años, el Hombre no ha dejado de evolucionar (sin retroceder nunca y situándose siempre en la cabecera de la Vida) hacia etapas continuamente crecientes en organización y consciencia, esto significa que no hay ninguna razón para suponer que el movimiento se encuentra ahora interrumpido. Más bien al contrario: Si miramos la figura 12 (que no tenemos aquí), esta imagen nos dice que el grupo "sapiens' se encuentra aun en pleno arranque de su desarrollo ( como una primera juventud). Así se encuentra justificada y precisada, sobre una base científica, nuestra esperanza y nuestra fe moderna en un progreso humano. Seguro que el progreso de la Anthropogenesis no está terminado. La Humanidad progresa siempre; y ella continuara de progresar durante otros centenares de miles de años, a una condición, que sepamos, guardar la misma línea de conducta que tuvieron nuestros antepasados, la de ir hacia "más conciencia" y "mas complejidad". Por lo que se refiere a la "cerebralizacionl" es posible (pero no es evidente) que el cerebro humano que ya ha llegado en el Homo sapiens, al máximo de la complejidad "físico-química" que permiten las leyes de la materia para un solo organismo, no pueda ir mucho más lejos. En este caso podríamos decir que anatómicamente e individualmente el hombre está estabilizado definitivamente. Pero en cuanto a la organización colectiva o sociabilización (tema sobre el cual me parece ya haber dicho que la anthropogenesis ha concentrado lo mejor de sus esfuerzos desde el Pleistoceno), casi que no estamos ni empezando. En este proyecto, nuestro porvenir físico y espiritual es casi ilimitado; (una razón más para motivar nuestro esfuerzo) y este porvenir lo encontraremos, a causa de su naturaleza, en nuestro pensamiento y en nuestras manos. Este es el punto que estamos viviendo objetivamente y científicamente, en nuestro planeta, en el instante geológico presente. Demasiada gente se imagina que la Prehistoria rebaja y dirige de una forma peligrosa nuestra mirada hacia abajo y hacia detrás, fijándose en un espectáculo deprimente de una especie de animal que vendría a ser un "sushombre". 6 Al contrario su verdadero trabajo consiste a obligar nuestra mirada a dirigirse hacia arriba y a delante, en búsqueda de una "sur-humanidad" de la cual no podemos decir mas que; ella no podrá formarse si no desarrollamos al máximo en el interior de nosotros mismos, las energías extraordinariamente fuertes de organización que emanan de una simpatía entre los hombres y los impulsos de la religión. 7