Langue Langage Ferdinand de Saussure / meillet Linguistique Langage comme fait social Le structuralisme Labov https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2021-HS1-page41.htm#np42 Les langues véhiculaires Une langue véhiculaire est une langue qui permet les échanges entre des groupes parlant des langues différentes. C'est le contraire d'une langue vernaculaire parlée à l'intérieur d'un seul groupe. La majorité des humains parle quotidiennement ou régulièrement une langue vernaculaire (dans la famille, dans la tribu, dans le village...) et une langue véhiculaire (dans la rue, au travail, à l'école...). Le cas est courant notamment dans les États composés de plusieurs groupes ethniques, la langue véhiculaire étant alors soit celle du groupe dominant (le chinois en Chine), soit celle de l'ancien État colonial (l'anglais, le français...). Alors qu'il existe plusieurs milliers de langues et dialectes dans le monde, environ 150 seulement sont une langue officielle reconnue par un État L’approvisionnement linguistique A l'heure des sms, des abréviations, de la paresse du langage, de l'appauvrissement du vocabulaire, de la disparition de certains dialectes régionaux, de la standardisation d'un anglais international comme socle commun de communication, L.A. Di Paolo, auteur et biologiste s'interroge sur la disparition des langues et ses conséquences. Intéressant En ce qui concerne la question de la disparition des langues, donc, le consensus est que la mondialisation entraîne déjà la disparition de nombreuses langues (voyez l’article de la BBC, The Death of Language, ou du Wall Street Journal, What the world will speak in 2115). La standardisation et la mondialisation—et peut-être le besoin de se sentir plus éduqués dans un monde globalisé—poussent même les dialectes à l'exil. En Italie, par exemple, où des villages éloignés d'une vingtaine de kilomètres seulement avaient chacun leur propre dialecte, la plupart des jeunes n'utilisent déjà plus le dialecte de leurs parents ou grands-parents, et les plus petits ne le connaissent pas du tout. Dans certains coins du pays, plus personne ne parle le dialecte régional (voir article sur Wikipédia, Languages of Italy). Je ne connais pas personnellement la situation en France, mais cela ne m'étonnerait pas que la même chose s'y passe si l'on en croit les études disponibles (voir la spécificité française : histoire et politique linguistique). Le plurilinguisme Nationalisme lingustique Les variation linguistiques La variable linguistique Les langues changent tous les jours, elles évoluent, mais à ce changement diachronique s’en ajoute un autre, synchronique : on peut sans cesse repérer dans une langue la coexistence de formes différentes pour un même signifié. Ces variables peuvent être géographiques : la même langue peut être prononcée différemment ou avoir un lexique différent en différents points du territoire. Ainsi, un objet aussi simple que la serpillière, pièce de chiffon pour nettoyer le sol, peut aussi s’appeler la panosse (en Savoie et en Suisse), la wassingue (dans le Nord), le torchon (dans l’Est), la since (dans le Sud-Ouest). Un atlas linguistique comme celui de Gilliéron et Edmont nous donne des milliers d’exemples de cette variation régionale. LA NOTION DE NORME Pour mieux comprendre les enjeux, reportons nous sur les deux définitions importantes proposées par Louis-Jean Calvet (op. cit) sur : 1) la politique linguistique 2) la planification linguistique III/ En didactique des langues un exemple avec le FLE : de l’approche communicative à la perspective actionnelle sociolinguistique était nécessairement impliquée dans la mise en place de toute politique linguistique. e néologisme « pratique langagière » a été créé en 1976 (dans Boutet et al., 1976). Il est formé de l’adjectif « langagière » (emprunté à Antoine Culioli qui créa « activité langagière » pour désigner l’activité des locuteurs et la distinguer de l’activité « linguistique » des linguistes) et du substantif « pratique » issu de la théorie matérialiste des pratiques sociales (voir infra). Dans le contexte scientifique des années 1970, dominé par les linguistiques fonctionnalistes et génératives pour qui l’objet de la linguistique est l’étude des systèmes des langues hors de toute situation sociale, il s’agit de proposer un autre objet, les pratiques matérielles des locuteurs, insérées dans des contextes sociaux de production et de réception (on dirait aujourd’hui contextualisées). Ainsi la notion de pratique langagière permet de faire une nette distinction entre le concept de langue, un artefact construit historiquement et institutionnellement nécessaire à la construction politique des États-nations, et la réalité empirique de ce que font les locuteurs dans la matérialité des situations et des interactions sociales. 2Selon ses concepteurs, deux propriétés principales caractérisent les pratiques langagières : rapports de force et praxis. D’une part, elles sont organisées au sein d’une société ou d’une situation données selon des rapports de force, certaines étant dominantes et d’autres dominées. Ainsi dans les usines taylorisées, il existait un régime de domination (allant jusqu’à l’interdiction de parler au XIXe siècle) sur les pratiques langagières des opérateurs qui sont contraints à une expression verbale restreinte. De même lors d’une enquête par observation longue d’une année dans une classe de CP parisien, on a mis en évidence la domination des pratiques langagières orales des élèves par celles de l’écrit, seules reconnues et légitimes (Boutet et al., 1976). Les sociétés, les institutions organisent et règlent les pratiques langagières, en imposant où l’on parle et où l’on ne parle pas, qui parle et ne parle pas, comment on parle, selon quels formats ou quelles langues. Ces structurations sociales des pratiques langagières sont historiques et sujettes à transformations. Par exemple, lors de mouvements sociaux comme des grèves ou comme celui des « gilets jaunes », des personnes aux pratiques langagières dominées, exclues de la parole publique peuvent bouleverser et renverser les rapports de force. 3D’autre part, les pratiques langagières sont des pratiques sociales et, comme telles, elles sont à la fois déterminées par les situations sociales et agissantes sur elles, elles ont un pouvoir de transformation du monde, ce sont des praxis. Les pratiques langagières sont bien déterminées par un ensemble de facteurs (données sociographiques des locuteurs, situations sociales, etc.) mais ce déterminisme mécanique de la théorie du reflet ne rend pas compte de leur agir propre. Par exemple, l’évolution historique de l’expression « cotisations sociales » vers celle de « charges sociales » fortement connotée négativement, oriente la conception que l’on se fait désormais du salariat : les « charges » pèsent sur le patronat et l’on passe sous silence que ce sont pourtant les salariés qui créent la richesse (Boutet, 2016). 4La conception de la pratique dans « pratique langagière » relève de la tradition philosophique matérialiste, celle du premier Karl Marx des Thèses sur Feuerbach de 1845, en particulier la Thèse VIII : « Toute vie sociale est essentiellement pratique. Tous les mystères qui détournent la théorie vers le mysticisme trouvent leur solution rationnelle dans la pratique humaine et dans la compréhension de cette pratique. » Marx y conçoit la vie en société et les hommes comme fondés sur des activités pratiques, matérielles et non sur des idées, ce qu’il reprendra plus tard avec Friedrich Engels dans L’Idéologie allemande : « La production des idées, des représentations et de la conscience est d’abord directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. » 5Si l’agir propre du langage est largement ignoré par les linguistiques du système, il est théorisé dans d’autres courants et disciplines, et au premier chef en anthropologie. Citons Bronisław Malinowski dans les îles Trobriand qui, dès 1935, affirmait : « En fait la principale fonction du langage n’est pas d’exprimer la pensée ni de reproduire l’activité de l’esprit, mais au contraire de jouer un rôle pragmatique actif dans le comportement humain. » (tr. fr. 1974, p. 242) ; ou Geneviève Calame Griaule étudiant les usages de la parole chez les Dogons en 1965 ; et encore Jeanne Favret-Saada sur le terrain de la sorcellerie dans le bocage normand en 1977. En (socio) linguiste, Marcel Cohen consacre toute la troisième partie de son ouvrage de 1956 Pour une sociologie du langage à ce qu’il nomme les « puissances du langage ». On trouve aussi cette vision actionnelle du langage dans le programme de l’ethnographie de la communication de Dell Hymes (1972). Proche de la conception des pratiques langagières, le courant montpelliérain de la praxématique fondé par Robert Lafont s’oppose lui aussi aux linguistiques structurales et avance les concepts de praxis linguistique et de praxème. La pragmatique linguistique (la philosophie du langage anglo-saxonne, puis en France les travaux de Ducrot et Anscombre) s’intéresse aux actions proprement langagières (dont la performativité) mais, contrairement aux travaux qui précèdent, elle s’est développée de façon introspective hors de tout terrain d’observation. 6Depuis plus de quarante ans, le concept de pratique langagière a connu une double évolution : un vif succès en sciences sociales, comme dans les travaux en sciences de l’éducation d’Élisabeth Bautier (1995), et conjointement un certain affaiblissement théorique, ce qui est fréquent lorsque les notions se diffusent. Largement repris dans différentes disciplines, employé par de nombreux chercheurs comme un synonyme d’usages, de façons de parler, de conduites de langage, de paroles (par exemple dans Bornand & Leguy, 2016). Les notions théoriques de pratique sociale et de rapports de force y sont souvent perdues. Une cause en est le recul certain de la pensée marxiste en sciences sociales, bien qu’un regain d’intérêt se fasse jour depuis quelques années. On peut y voir aussi l’influence des courants d’obédience phénoménologique où l’on donne un sens différent à « pratiques », renvoyant aux compétences, aux capacités pratiques des membres d’une société. 7Aujourd’hui, ce qui demeure heuristique dans la notion de pratique langagière, c’est qu’elle permet de dépasser le dilemme de la langue en sociolinguistique. D’une part, la langue n’existe pas comme réalité empirique, c’est une construction institutionnelle, et ce que le sociolinguiste rencontre, observe, recueille sur ses terrains ce sont des dialogues, des interactions, monolingues ou plurilingues. D’autre part, dans une partie de la sociolinguistique, on continue de parler de codes, de langues, de contact de langues, de code mixing ou de code switching. Qu’on l’ait souhaité ou non, cela revient à poser l’existence de langues distinctes. Recourir à la notion de pratique langagière, comme le fait par exemple Isabelle Léglise dans sa description des situations linguistiques complexes et hétérogènes (2017), permet de sortir de cette aporie. Boutet, J. (2021). Pratique langagière. Langage et société, , 281284. https://doi.org/10.3917/ls.hs01.0282