Subido por conniesachs

Marc de Papillon de Lasphrise

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POÉSIES
DE
LASPHRISE
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O»
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POÉSIES
DE
L
ASPH RISE
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TIRÉ A CENT EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS,
dont 96 sur papier vélin anglais
et
4 sur papier de Chine
Exemplaire
2NC°
Vincent Bona, Imprimeur de
Çg
S. M., à
Turin.
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MARC DE PAPILLON
Sr
Photogravure
DE LASPHRISE
Dmardm
tized
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MARC DE PAPILLON
Sr
Photocdvure Diuardui
DE LASPHRISE
I
LES
GAILLARDES POÉSIES
DU
CAPITAINE LASPHRISE
publiées d'après
les éditions
de 1597
et
de iSt#
PAR UN MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ
DES BIBLIOPHILES GAULOIS
Tt/ 'R/CSC
.1
GAY ET
FILS,
ÉDITEURS
1870
\
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MARC PAPILLON
SIEUR DE LASPHRISE
SA VIE, SES POÉSIES
(i
555 - 1599)
Le Capitaine Lasphrise jouit d’une réputation
c’est un coureur, un vicieux, un
débauché, un pillard, un arrogant; en un mot
un homme de sac et de corde. D’abord il s’en
vante lui-même; l’abbé Goujet, grand juge en
matière de poètes du XVI* siècle, et tous les
auteurs à sa suite ont confirmé son arrêt. Mais
détestable;
on brûlerait tous
rimeurs qui ont chanté l’amour; et on sait
brûlés
lui-même;
qu’il ne les a pas
car tous
ces chanteurs de sonnets et d’élégies, qu’il a
doctement analysés, et qui lui ont appartenu,
enrichissent aujourd’ hui la Bibliothèque de
Versailles. Les Annales poétiques et les autres
recueils qui ont emprunté des vers au galant
si
l’on écoutait l’abbé Goujet,
les
capitaine ont été
moins sévères,
j’oserai
dire
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MARC PAPILLON
VT
plus justes;
ils
lui
reconnaissent de la verve,
du talent et une certaine allure gasconne, qui
donne à sa poésie un caractère martial et délibéré.
Tout n’est pas également à louer chez lui. On
y trouve une foule de sonnets alambiqués, dans
goût détestable des Pindariseurs d’alors, qui,
ne pouvant s’approprier le génie de Ronsard,
le
se faisaient gloire d’exagérer ses défauts. Mais,
quand Lasphrise s’abandonne à lui-même,,
n’a besoin d’emprunter nî l’esprit,
ni
le
il
style
de personne. Il n’est pas toujours correct, et
ne cherche point, comme on dit, la petite bête ;
mais il n’affecte point non plus de voiler sa
pensée. On n’a pas besoin de lire entre ses lignes pour savoir ce qu’il entend dire.
Loin d’éviter une gauloiserie, il l’aborde gaillardement de front et vous la lâche tout à trac.
Pas plus que Rabelais, son héros et son maître
en fait de langage, il ne mâchera le mot, qui
sort, comme un trait d’arbalète, de ses bonnes
lèvres dilatées par le rire, à travers ses
mous-
taches blondes; et l’on ne songe pas à s’en effaroucher, tant
terie sur
il
sait
mettre d’innocente effron-
son visage ouvert
et
dans ses yeux
brillants de gaîté.
Marc de Papillon naquit, vers i555 , près
d’Amboise, dans le petit fief de Lasphrise qui
appartenait à sa famille et dont
il
prit le non®.
un frère aîné, Jean de Papillon, écuyer,
du Puy de la Source, qui fut tué devant
Orléans, et une soeur Geneviève, qui mourut
U. avait
sieur
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SA VIE ET SES POÉSIES
«n couches.
VU
encore âgé que, de quatre
ans lorsqu’il perdit son père, N. de Papillon,
II
n’était
11 semble
avoir conservé
mère, née Marie du Plessis-Prévost, beaucoup
la mort, la mauvaise fortune était entrée dans cette famille
privée de son chef; si bien qu’à douze ou
quinze ans le jeune Lasphrise, quoique soa
enfance eût été maladive, fut contraint de quitter son éducation commencée pour embrasser
la carrière des armes. Il a pris soin lui-même
de consigner tons ces détails, çà et là, dans ses
poésies; mais ce dont il se vante aussi, sans que
sieur de Vauberault.
sa
plus longtemps. Mais, avec
je
puisse y avoir
n’aurait désor-
foi, c’est qu’il
mais plus ouvert un livre et aurait composé
«es vers, sans étude,
Pour monjtrer la grandeur de fa mufe foldardc
Et pour Gentilhomme ejlre uniquement prifà.
3e crois qu’il fait, en ce cas, parade d’une
fausse ignorance, démentie par ses propres écrits.
Evidemment
il
connaissait le
latin,
l’italien
d’autres langues encore et possédait la
logie, l’histoire, etc.;
le
de
même
il
fait
mythoailleurs
fanfaron de vice, tandis que son bon coeur
et son excellent naturel éclatent,
pit de
comme
en dé-
lui-même.
Nous n’essaierons pas de suivre
'Lasphrise dans
toutes
ses
le
capitaine
garnisons et dans
Vernay , à
Vimory, à La Rochelle, à Lusignan, à Domfroat,
à Saint-L<5, à Brouage, à Fontenay, à Maran,
tous ses combats, à Dormans, au
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Vttt
MARC PAPILLON
en Dauphiné»
en Gascogne et jusque sur mer, où, pendant
une année, il parcourut les côtes d’Europe,
d’Asie et d’Afrique. Nos lecteurs trouveront
dans ses vers le peu de détails qu’il donne luimême sur ses campagnes. Il est plus à propos
de jeter un coup d’œil rapide à travers sa vie
de poète et d’amoureux, afin d’expliquer comment notre édition, sans renfermer toutes les
à Saintes, à Mesle, à La Mûre,
poésies du galant capitaine, offre néanmoins la
physionomie complète de ce talent original.
A vingt ans, il tenait garnison au Mans, lorsqu’il entendit, dans la chapelle d’un couvent
de Bénédictines , qu’il appelle le Pré , une
voix qui lui alla au cœur. Il sut bientôt que la
chanteuse était une novice, qu’il parvint à voir,
à connaître,
l’accès des couvents
étant
plus facile qu’aujourd’hui. Depuis ce
alors
moment
pendant dix années consécutives, ce fut un
déluge de sonnets, d’élégies, de chansons, de
poulets d’amour, pour engager celle qu’il avait
surnommé Théophile à quitter son cloître. Je
crois que les intentions de l’amant étaient pures;
mais ses peines furent perdues. Pendant que
les hazards de la guerre l’éloignaient du Mans,
Théophile prononça ses vœux. Il n’eut plus
qu’à pleurer son désespoir et il put alors révéler, dans deux sonnets acrostiches, le nom de
l’inexorable beauté que Dieu lui ravissait.
Elle se nommait Renée Le Poulchre et tenait
sans doute à la famille de ce François Le Poulchre de la Motte Messemé qui a écrit un voet
—
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SA VIE ET SES POÉSIES
IX
intitulé les Honnestes Loisirs, où
raconte sa vie et l’histoire de son temps ( Les
Paris,
Sept livres des honnejtes Loijtrs, &c.
Orry, 1587, in- 12. Douze ff. prél., un nouveau
titre différent du premier et 288 ff. chiffrés).
Les Amours de Théophile sont le début de
Lasphrise et la moins vigoureuse de ses œuvres.
Nous en avons toutefois reproduit au delà de
ce qu’il fallait, pour qu’on pût suivre les péripéties de sa passion et apprécier les progrès de
son style. Nous avons donné plus de développement à l’ amour passionnée de Noémie, dont
la plus grande partie est conservée. Cette flamme
avait pour objet une dame noble, mariée à un
vieil époux fort peu capable de l’apprécier, dont
la demeure était en Bourgogne. D’après certains
indices elle était quelque peu parente de Lasphrise. Cette passion atteignit rapidement son
paroxysme et fut récompensée autant que le
hardi capitaine pouvait le désirer. Il en dépeint
avec feu tous les désirs, toutes les jouissances,
lume de vers
il
,
toutes les ivresses,
et,
comme
il
n’entrait nul-
lement dans notre pensée de composer un recueil destiné aux pensions de jeunes demoiselles, nous n’avons eu à retrancher aucune de
ces descriptions brûlantes, aucun de ces cris
d’ardent amour où triomphe la verve endiablée de Lasphrise. Hâtons-nous d’ajouter qu’il
n’y a pas un vers, pas un mot en l’honneur de
ces plaisirs contre nature qui deshonorèrent la
cour des derniers Valois. Ses amours sont celles d’un homme passionné, mais honnête, et ses
SA VIE ET SES roÉSIES
La Nouvelle tragi-comique
,
xr
qui a
le
double
mérite d’être courte et amusante, a été res-
me
montré impitoyable
pour les pièces chrétiennes qui terminent le volume, pensant que le lecteur daignera me croire
pectée; mais
quand
même
je lui
je
suis
aurai affirmé qu’elles respirent en
temps l’ennui
le
plus profond et les plus
purs sentimens chrétiens.
Il
faut dire, afin d’excuser l’auteur, qu’il les
composa pendant une grave maladie, qui avait
affaibli en même temps son corps et son e3prit.
Il était pourtant à l’âge où l’homme conserve
encore toute sa vigueur quand il publia ses
premières poésies; il avait à peine quarantedeux ans. Mais il faut penser que, pendant plus
de vingt ans, il avait mené la dure existence
du soldat, à travers les guerres civiles qui n’avaient cessé d’ensanglanter la France; couvert
de blessures, il était en outre perclus de goutte
et de rhumatismes, que l’amour passionnée de
No£mie et d’autres aventures de garnison, n’avaient pas peu contribué à augmenter. Retiré
dans son petit fief de Lasphrise, le vieux loup
s’était fait
ermite,,
moins avec
si
non de son
résignation.
Il
plein gré,
y achevait de
du
vivre-
sur les débris de sa fortune. Soldat des Valois,,
fervent catholique (cela s’alliait alors parfaite-
ment avec les plus profanes amours), il réclamait vainement à Henri IV l’arriéré de sa solde
de capitaine. Le roi, fort chiche pour sesplus dévoués amis, faisait la sourde oreille aux.
doléances du vieux ligueur.
xu
narc papillon
Ce
pas pour lui seul que Marc de Pa-
n’était
pillon insistait.
un
fruit
fille
de
je
Il
ne
avait recueilli, près de lui,
sais quelles
amours, une jeune
Il a écrit pour
qui s’appelait Marguerite.
désaveu du Fléau féminin et une pièce
assez touchante les Regrets de Philasser (c’està-dire Lasphrise). Marguerite semble avoir été
pour lui une garde-malade dévouée, en ces années de souffrances, pendant lesquelles il réunit
ses vers et les publia sous le titre de :
Les Premières œuvres poétiques du Capitaine
Lafphrife, à Cefar Monjieur. Paris, Jean Gesselin, 1597, in-i2' de 14 ff. préliminaires et
612 pages numérotées. Le privilège, donné à
Rouen, est du dernier de Janvier 1597. Il est
suivi d’un beau portrait, finement gravé par
Th. de Leu, représentant le buste du Capitaine,
cuirassé, tenant de la main droite son épée enlacée de palmes et de lauriers, de l’autre s’appuyant sur son casque, environné de myrtes
et de charmes; ainsi qu’il le dit lui-même en
elle le
:
ce quatrain:
Le Paladin heureux couronnera fon chef
De palmes, de lauriers, de myrtes & de charmes.
Il me Suffit qu’ils foyent à l'entour de mes armes.
N'ayant eu pour tous biens qu'honorable méchef.
Ce premier recueil eut beaucoup de succès.
Un imprimeur de Rouen aurait été jusqu’à le
contrefaire (ainsi qu’il le dit page 468 de sa
seconde édition). Mais je n’ai vu signalée nulle
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SA VIE ET SES POÉSIES
XIII
part cette contrefaçon, qui semble, jusqu’à pré-
inconnue aux bibliographes.
Une seconde édition parut deux ans plus tard
sous le titre: Les Premières œuvres poétiques
du Capitaine Lafphrife, reveues & augmentées
par l’Auteur, à tres-illujire S tres-excellent
sent,
Prince Cœfar de Bourbon, Duc de Vendofme,
Gouverneur des Pays de Bretagne & Lyonnois.
Paris, Jean GefTelin, i5g9, in-12 de 18 ff. prélim., dont un blanc et 683 pages numérotées.
Le
privilège est
celui
de
la
première édition.
L’achevé d’imprimer est du 2 5 novembre 1 55 g.
même portrait de Th. de Leu s’y trouve sur
Le
avant dernier des feuillets préliminaires, et
dans quelques exemplaires il est répété à la
page 440.
Cette édition contient un plus grand nombre
de pièces que la première; mais elle n’offre ni
retranchements, ni corrections de quelque importance. Lasphrise était un poète de premier
jet et, quand il avait écrit un sonnet ou une
chanson, il préférait en composer d’autres, plutôt que de revenir sur les premiers, pour les
l’
corriger.
Je croyais que, depuis cette époque, on n’avait
dans
plus entendu parler de lui; mais
les
je
vois
Poètes François publiés chez Crapelet,
à Paris, en 1824 (6 vol.
in-8°),
qu’un éditeur,
désigné seulement par les trois initiales J. B. Q.
recueil des Poésies de
fit paraître un second
Papillon (Lyon, 1600, in-8°).
Ce
recueil renfer-
merait cinquante-six stances sur l’amour con-
MARC PAPILLON
XIV
jugal et sur le mariage de Henri IV avec Marie
de Médicis, plus quatre sonnets au Roi et à la
Reine. Je ne sais trop si ce livre est bien en
effet de Marc Papillon sieur de Lasphrise; toutefois
il
n’a pas,
comme
les
précédents,
été
publié par l’auteur lui-même.
On
conclure que
succombé
pas commencer
à ses infirmités et qu'il ne vit
le
XVII*
pourrait en
le capitaine avait alors
siècle.
P. B.
\
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,
A TRKS-ILLVSTRE ET TRES-EXCELLENT
PRINCE CÆSAR DE BOURBON
‘
Duc
de 'Vendofme
SONNET
le
me
puis bien vanter
comme
ie
me
vante ore
De t’auoir faiâ premier vn prefent glorieux
Dont tu es reconnu en mile ejlranges lieux,
Où ion ne pen/oit pas que tu fuffes encore.
Chacun défia te craint, chacun défia t’honore,
Efperant quelque iour foubsle ciel de tes yeux
Voir reluire le temps de l’aage précieux,
Où fut toute équité, & tous biens qu’on décoré.
le
me fens donc heureux
Si
ie
Pour
en
mon
ingrat ennuy
n’ay faiâ pour moy, d’auoir faiâ pour autruy,
toy, fécond Cæsar, que la Fortune iufie,
Par
ton pere Cæsar (non de nom) mais d’effeâ
Salué heureufement, tant qu’elle te promet
De
te faire
appeler
le
grand Cæsar avgvste.
Lasphrise,
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LASTH^ISE
Mon
Il
livre, ains
OA
SON LIV^E
de Cœfar à qui
ne faut plus tarder,
il
ie
Marche, conte fans peur ton defajlre
Car
t’ay donné,
ne faut plus fe taire,
eflant à Ccefar, qui t’oferoit
obfliné;
malfaire?
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PRIVILEGE DU ROY
Par grâce
&
du Roy ell permis au
Gentilhomme Tourangeau^
imprimeur que bon luy
privilège
Capitaine Lasphrife,
faire
imprimer par
tel
femblera, vendre & dillribuer par tout le
Royaume
fes Œuvres poétiques fans qu’autres que celuy
que ledit Efcuier aura choifi & esleu les puiflent
imprimer ou faire imprimer, & ce pour le temps
& terme de fix ans prochains venans, à compter
du jour & datte de l’impreflion dudiél livre.
Sur peine de confifcation defdi&s livres, defpens,
dommages &
interets
&
par ledit Capitaine
Donné à Rouen
&
de fon régné
le
de l’imprimeur ainfi choifi
d’amende arbitraire.
dernier jour de Janvier 1597
huictiefme.
le
Tar
le
T{oy en fon Confeil
Huillier.
Nous, Capitaine Lafphrife, Gentilhomme Toula permifllon à nous donnée
le Roy, & fon privilège donné à Rouen du
rangeau, fuyvant
par
& datte que deffus, avons donné permiffion
à Jean Gefleiin, de la ville de Paris, d’imprimer
nos Œuvres poétiques, & ce pour & durant le
jour
terme porté par lefdittes lettres de permifllon à
nous odroyées par Sa Majeflé.
Achevé d’imprimer
le
25 Novembre 1599.
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LES AMOVRS
<D
THEOT HILE
E
par
le
Capitaine Lafphrife
STANCES
Si mes Vers ne font tels que vojlre honneur mérité,
S’ils ne font à vos yeux aggreablement doux,
Preneq-vous-en (mon tovt), preneq-vous-en à vous,
Car c’ejl vojlre beauté qui feule les incite.
Alors que
ie
vous vis
ils
n’auoyent feulement
Ni penfé, ni fongé l’ombre d’vne lumière,
Et comme enfeuelis dans l’obfcure poufftere,
Ou comme efiant fans eflre en leur enfantement,
Ils jouoyent
dedans moy,fans cognoijlre leur chance,
raifon fe perdre en toutes pars,
Maisvoyansma
(Par vojlre œil rigoureux)
Sont apparus hardis, pour
lors
comme
bons foldars,
ma feule defence.
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LES AMOVRS
20
ne m’ont dédaigné abfentant vos beaux yeux ;
Car près & loin toujours, ils m’ont prejlê l’oreille.
Ils
Ores chauds, ores froids, ore en couleur vermeille,
ainfi que l'Archer leur efioit gracieux.
Tout
fe trouuent polis d’une mauuaife lime,
logeoyent auec eux quelque fragilité,
l’humble pauureté,
en ont (mes Amours) excufe légitimé:
S’ils
S’ils
Ou s’ils efloyent voyfins de
Ils
Car
eflant tendrelet, fortant de
Mal fur mal
mon
berceau,
& puis comme à l’enuie,
moy la laide maladie,
m’ejlvenu,
S’entrebattoit cheq
Qui par playes m’afaiâ condamner au Tombeau.
Oncques
ie n’ay vefcu vne heure en patience;
Mille bouillans ennuis m’ont toufiours agité,
Ore aux champs de Thetis loing de ma liberté,
Tantoflhaut, tantojl bas, en douteufe balance.
Iamais ie n’ay fuyui que l’honneur Martial,
Qui m’enleua (hélas!) auant ma tendre Aurore,
Me gardant d’adorer Phœbus que tan^i’ honore,
Le félon m’a payé d’vn tourment inefgal.
l’orgueil de ma Mufe animée,
iyauoir ofé chanter fi bas en fi haut lieu,
Sa flamme fche à vos yeux plaife comme vn grand feu,
Croyant quefon ardeur ne confomme en fumée.
Excufeq donc
Car ma flamme efi diuine efprife viuement
Rendant vofire beauté dauantage accomplie,
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;
DE THEOPHILE
2
I
Aujfi ne pouuieç-vous iamais ejire feruie
D’vn plus braue Efcuyer, ni d’vn plus digne Amant.
Alle% donc, compagnons, accoller cejle-là,
Qu’auez pris P our efpoufe (ôplaifant mariage !)
Sus, allez luy donner vofire doux pucelage;
le ne veux rien de vous, mes mignons, que cela.
Vous ferez en bon-heur, les premiers de la terre,
Vous irez en vn ^eu noble fur tous endroiâs,
Aimez de tout le monde, 6 fi oyrez la voix
Des plus fainâes beautez que V Vniuers enferre.
’
Mais ie veux que baifiez ce
bel œil chafque iour
Mille fois, luy comptant mes paffions aufieres,
Mes peines, mes ennuis, mes fortunes ameres,
Et
la glaçante
ardeur de ce bifarre Amour.
Que vous couchiez aujfi
toufiours près de m’amie,
Baifottant ce petit qui m’a tant martelé,
Et ie veux que par vous il me foit reuelé
Celle qui vous fera plus douce courtoifie.
le vous commande aujfi mon honneur en tous lieux.
Si quelqu’un en mefdit rendez fa vie égale,
aduenir, à celle de Tantale
Qui dira vérité pouJfez~le iufqu’aux deux.
Et aux fiens
Adieu donc, mes enfans, courriers de ma mifere
Ce bel œil, mon foucy, vous aille r’accoifant.
Vous ne craindrez alors l’orgueil du mefdifant,
Et viurez bien-heureux auecques
;
vofire pere.
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LES AMOVRS
22
SONNETS
Si pour vous courtifer, ie fay me folie,
Si ie n’efpere rien de cejle grande erreur,
Que tomber temeraire accablé de fureur.
Je ne laifferay point d’en pajfer
mon
enuie.
L’enfant outrecuidé du Prince de Lycie,
Pour ejlre dans les deux fuperbe entrepreneur.
Ne laiffa, trefbûchant, d’acquerre de l’honneur,
L’honorable trefpas
efl
une
belle vie.
On ne doit iamais craindre à s’auancer bien fort,
Bien qu’on fente en montant vne cruelle mort.
Quand
le
braue renom fuit
la
faute commife.
chay donc, Madame, adorant vos beaux yeux,
le me ren immortel par ma vaine entreprife,
Et compagnonneray les magnanimes Dieux.
Si
ie
Ce riche entendement, cejle aggreable grâce,
Ce ieune teinâ ferain de l’Aurore emprunté,
Ces deux yeux foleillans, flambeaux de chajletê,
Ce langage doré qui doucement menace;
Ce poil blond ondoyant, cejle angelique face,
Ce graue-doux accueil, cejle humble priuauté,
Cejl honnejle maintien, cejle belle beauté,
Ce grand front uoir in oit tout honneur fe place
y
;
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,
DE THEOPHILE
23
Cefie petite bouche enfournée d’œillet
Ce ne% affef traitif, cejle gorge de laiâ,
Ces coutaulx emboutis d’vne fraife pourprine
;
Ce bras, ce pied, ce corps qui à Pallas reffemble.
Ce petit mon mignon, que fans voir i’ imagine,
Cela me faiâ languir, mourir, & viure enfemble.
les belles fleurs du Prin-temps deflrable,
veu le Ciel paré des flambeaux lumineux,
I’ay veu calmer la mer, i’ay veu T or précieux,
ray veu du Dieu guerrier l’ordonnance aggreable
I’ay veu
ray
;
l’ay veu du Delien le bel œil fauorable,
ray veu des grands Palais le front audacieux,
l’ay veu les champs, les bois, les monts délicieux,
ray veu gazouiller l’eau d’vn ruiffeau deleàable ;
Pay
Pay
veu
le
bled creflé
ondoyamment
baiffer,
veu l’humble Venus fon Adon careffer,
le bal facré des huiâ fœurs de Thalie;
I’ay veu
Pay veu le bien, l’honneur, la douceur, la fanté,
Pay veu le plaifant fruiâ de chere nouueauté;
Mais ie n’ay rien veu beau, comme ma fiere Amie.
Pourquoy negliges-tu l’extrefme affeâion,
Dont ie te veux feruir, ma gente Théophile ?
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LES AMOVRS
*4
Tu m' amenés
la
EJlant fubieâe
Loy, qui
aux Rois
efi toute mobile,
diuers d’opinion.
au Conuent nulle religion ;
l’effed apparent la voix ejl inutile,
Royalle Amilly Ji belle, & fi fubtile,
S’abufe comme toy en la deuotion.
Ic ne trouue
Sans
La
La
vie
fans plaifir
efi
vne mort hideufe,
L’aife que tu reçois d'eftre religieufe,
Oefi chanter (quel foulas!) iour & nuiâ en Latin.
Bien qu’en pfalmodiant, ton ame s’efiouijfe,
Mais ton honneur mignon, ta bouche, & ton tetin,
Ont mal-gré les fainâs vœus befoing d’autre delice.
le porte habit de blanc en figne d’innocence,
le ieufne
(ma Déeffe) auec fincerité,
le veille, ie fupplie, on
le ne
chomme
me
void contrifié,
iamais, iefay grand.’ penitence
:
Toutesfois (6 pitié!) ie ne trouue allegence,
Et ne m’esbahis pas de voflre cruauté.
Vous penfeq efire faincîe aimant la Deité,
Qui punit l’innocent en fon obfcure offence.
Or
puis qu’il
Du
le
efi ainfi, ie
ne feray plus cas
blanc, mere-couleur ; ie
dormiray mon faoul,
ie
feray deux repas,
ne priray perfonne ;
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DE THEOPHILE
le fuiray le trauail ; pefie
25
du Dieu defir!
Car i’ejlime un grand fot cefiuy-là qui fe donne
De
la
peine en pouuant recevoir du plaijir.
Quand
viendra l’heureux iour que
ie
facrifiré,
Mon Corps fur vojlre A utel que faind désir dedie,
Que
i’efpendray
mon fang en mémoire
infinie,
D’auoir par vn’ erreur fi long-temps foufpiré?
Quand
Vn
viendra l’heureux iour que
benifi
ie vous offriré
Cierge ardent auec ceremonie,
Efiant à deux genoux près de
Afin d’auoir pitié de
vous accomplie,
mon cœur martiré ?
Hé! quandferay-ie orné, dans vofire facré temple,
Seruant vos Deités que deuot ie contemple ;
Quand
accepterés-vous
ma
chere Oblation,
Pour fidelle tefmoing de mes peines fouffertes?
Mais quand en receuant mes diuines offertes
Auray-ie de vos mains
Qvi n’a conneu
la benedidiott?
la perle
de Nobleffe,
Le
bel accueil, le bon-heur plus
Vn
entretien chafiement
heureux,
amoureux,
L’aime beauté éprife de fageffe:
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LES AMOVRS
26
Qui
n’a conneu l’habit d’vne Deeffe,
Et du Prin-temps
les threfors
Qui n’a conneu
mefme Amour de Dieux,
La
Qui
La
le
haine aimée,
&
précieux,
la trifie lieffe,
n’a conneu l’œil, la grâce, le ris,
grauité d’vne fainâe Cypris,
d’ Aniov, & l’ornement du Meine,
L’honneur
Qui
n’a conneu le chef-d’œuure
Qu’il aille voir au pré
Il connoifira
du
mon beau
l’image de
ma
Ciel,
foleil,
peine
!
CHANSON
donc par vofire beauté,
C’efi
belle,
Que ie voy l’enfer Amoureux,
Mais fans moy vous ne feriez telle,
Vofire iour feroit tenebreux.
vous en faides trop à croire,
Ha !
Par ma grand’
libéralité,
Vofire beauté efi vofire gloire,
Vofire gloire efi vofire beauté.
ray
mis fus cefie blanche face
Vne moifjon
Vay
A
d’œillets fleuris,
& la grâce
fur tous exquis.
d’immortelle mémoire
donné
l’efprit
ce beau corps
Qui
efi
Par ma
grand’
libéralité,
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)
DE THEOPHILE
,
27
Vojlre beauté cjl vojlre gloire,
Vojlre gloire ejl vojlre beauté.
Puis donc que vojlre faueur grande
Vient de moy vojlre Jeruiteur,
La fainde raijon vous commande
Que m’aimie 7 de
tout vojlre cœur,
Qui triomphe de ma vidoire
Par ma
grand.’ libéralité;
Vojlre beauté ejl vojlre gloire,
Vojlre gloire ejl vojlre beauté.
mon Roy viâorieux,
Viue ce grand François, viue heureufe la Royner
Viue toujiours Bourbon, viue toujours Lorraine
Viue Neuers, Nemours, le fauorit des deux;
Viue, viue Henry,
Viue tous les Prélats, viue ieunes & vieux,
Viue petits & grands, viue la Dame humaine,
Viue m’Amie aujfi (l’Eternel la maintienne r
Viue
le liberal
&
l’auaricieux ;
Viue le Huguenot, & viue le Papijle,
Viue le Malcontent, viue le Realijle,
Viue l’Enuie encor Jeule nuid de mes ioursr
Viue
Viue
le
Publicain, viue
le
Gentil-homme
le
&
Politique,
le vilain rujlique,
Viue Satan, pourveu que i’aye mes Amours,
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18
LES AHOVRS
CHANSON
L’Amant
au pauvre marinier,
Qui ejl toufiours en douteufe balance,
Sujed, helas ! au vent traijlrement fier :
En mer, en femme il n’efi nulle affeurance.
rejfemble
Tantofi Neptune apparoifi gracieux,
Et tantofi plein de mortelle furie ;
La femme ainfi fe demonfire à noq yeux,
C’efi vn beau temps foudain mué en pluye.
Quand nous voulons voguer deffus la mer,
Elle fe faiâ aggreablement calme,
Et tout ainfi quand nous venons aimer,
On
ne void rien fi beau
Lors que
la
Quelle pitié
Nef efi au
!
la
femme.
milieu des flots,
quelle efirange tourmente
Lors que l’Amour
Efi-il,
comme
ô Dieux
!
ejl
ancré dans noq
!
os,
douleur plus violente ?
Auffi Venus la mere aux Amoureux
Vint de cefie eau, & du traifire Saturne
:
Quiconque donc voudra bien vivre heureux,
Ne fuyue Amour
ne l’impiteux Neptune.
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DE THEOPHILE
29
CHANSOX
le
me
plains,
mes Amours,
Ft
toutes/ois, helas !
Ha
!
&
vous l’entende j bien ,
vous ne refponde % rien.
vous aue% raifon : c’cjl ainfi qu’il faut faire,
Les glorieux vainqueurs fe doiuent toufiours taire.
O mal-heureux vaincus, c’efl à vous de prier,
C’eft à vous de gémir, c'efl à vous de crier.
Bien-heureux qui par pleurs peut deflourner l’orage
De fon fier ennemy qui fe plaifl à l’outrage.
Mais fi tu m’as vaincu, ic n’en perds mon honneur,
C’efl faute de fortune & non faute de cœur,
Non, que dy-ie? il n'efl temps de publier ta gloire,
C’efl chanter le triomphe auant qu’auoir vidoire.
le me repens, Amour, tu ne m’as furmontè,
le fuis toufiours en vie,
&
en
ma
liberté,
ie fois blejjé, fi ay-ie encor les armes
mauuais garçon qui fe repaifl de larmes ;
n’cfloit inuincible, il feroit ferf par moy,
Bien que
De
S’il
ce
Qui fuis
inuiolable en
Amour &
en foy.
TRISTESSE
Faut-il, 0 bons
Dieux
!
Que pour deux beaux yeux,
Pour vn doux propos,
Pour un blanc vifage,
Qui
d’œillets s'ombrage,
Brusler iufqu’aux os?
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,
LES AMOVRS
Non,
ne veulx pas
ie
Plujloji
Saififfe
trefpas
le
mon cœur.
D’vue ardeur cruelle
La mort ejl plus belle,
Qiie n’ejl la langueur.
Adieu donc, Amours,
Mais tout au rebours,
Adieu mon foucy.
Maudite l’année,
L’heure & la iournée
Que
ie vins icy.
Penfant me guérir,
Tu me fais
mourir,
Semblable au poiffon,
Qui cerchant fa vie,
La
trouue rauie
D’vn
traijlre
hameçon.
Tu ris de mes pleurs
Et de mes douleurs
Tu te reftouis,
Comme vn fer corfaire,
Qui
rit
du forfaire,
Toufiours plein d’ennuis.
Donc pour
ton plaifir,
Adieu, cher defir.
Tragique defin !
Bourreau de moy-mefme
,
DE THEOPHILE
3
»
Puis que tu ne m’aime,
veux prendre fin.
le
Quelle Religion trouvez-vous en ce lieu ?
Dites, rare beauté, de la beauté ventée?
En
efiant mal-heureufe ainfi déshéritée,
Sans auoir
offenfé, ni le
monde,
ni
Dieu ?
Quelle Religion, quel defirable vœu,
paifire maigrement & toufiours enferrée ?
Quelle Religion de ne viure honorée,
De
D’efiimer tout
le
monde,
S
de s’efiimer peu ?
Quelle Religion d’aimer la peine dure,
De fuyr le plaifir fouhaitté de nature,
De n’ofer defcouurir des myfieres couuers?
Autheurs de mon malheur, & plus de vofire encombre,
l’attefie V Eternel Pere de l’vniuers,
Si de Religion il y a vn feul ombre.
Tu ne t’enquiers iamais de moy ton humble frere,
Qui languis defolé fous l’Amoureufe loy
ie fay donc plus, ie fay donc plus que toy,
le fçay que tu es pris d’vne douce loliere.
(Sovrces)
Tu
n’as autre
Ton
plaifir te
foucy qu’à mener chere entière ;
commande, exempt d’aucun efmoy »
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LES AMOVRS
?2
Tu baifes ta Franchon, l’amour, l’honneur, lafoy,
Que n’adoré-ie (heureux) fi belle Cordeliere ?
ou font mille dédains,
Qui fe targue toujiours de Dieu & de fes Sainds,
ne daigne approcher du doux feu qu’elle attife.
I’afpire vne Décffe
Et
On gaigneroit pluftojl le fort des ennemis,
Qu’ Amour pût refueiller fes beaux fens endormis,
Soubs l’ombre d’un honneur qui n’ejl qu’une fottife
M’ Amour
tu as dans la bouche un ferment,
Courrier du dueil, dont trijlement ie pleure
tous propos tu uas difant : Ie mevre.
;
A
Bien doux iurer, au deuis feulement.
Helas ! il efl bien cruel autrement,
Car par luy feul, Maifireffc, tu m’affeure
Plujlojl la mort, que de m’eflre meilleure,
Dieux !
fuis-ie pas un miferable
Amant?
Comment feray-ie, hé ! urayement
ie defire
Périr pluftojl d’un funcfte martyre,
Que tu endure un feul poind de douleur.
le
meure
aufft,
par
ton ferment
ie iure,
(Eftrange ejfed d’aimer fa peine dure)
Si ie ne fuis toujiours ton feruiteur.
i
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;
DE THEOPHILE
33
DIALOGUE AVEC L’AMOVR
Sous mefme figne, & fous mefme Planette,
l’an, au mois, au iour, à l’heure, au poind
En
Que ie nafquis vint ma Dame parfaide
Amour, pourquoy ne m’aime-t-elle point?
am. - Si tu ne fens l’or blond de
Qui
ejl
Ne
fagette.
encore ne la poind,
rends pourtant
Vous
ma
au vif dedans fon cœur conioind,
Et fi mon dard
n’ejles nef
ma
vérité fufpcâe.
fous vn afpecl malin ;
Mais ma douceur femble aux femmes
Auant qu’auoir goujlé ma friandife.
ne faut donc fi
Il
tofi
venin,
defefperer,
Mars & Venus aucunement
ne prife
Cil qui paruient fans beaucoup endurer.
Vniques fœurs, femence Titanine,
Secoure q-moy (moy vofire cher enfant) ;
Si vofire appuy vifie ne me defent,
C’efi faid, ie voy ma mortelle ruine.
Le
traifirc
Amour allume ma poidrine
En
Où
vn lieu faind où l’on n’entre fouuent,
rien que Dieu ne fe met en auant,
Et m’a bruslé par vne ardeur diuine.
3
LES AMOVRS
34
Dame, voyej
Mon
corps
ma poifon;
& mon cœur en pri/on
l’orgueil de
ejl libre,
D’vne beauté, qui ejl
mefme
captiue.
tort
Sus, tanceq donc l’Amour qui vous faiâ
Car m’offençant
En
il
;
vous outrage fort,
affligeant vojlre vertu naifue.
Toy qui mefprife Amour par vn vouloir teflu,
(Toy, di-ie, où mon defir en efperance tombe)
Encor que tu fois ftmple autant que la Colombe,
Et le facré refuge à la blanche vertu,
Mais ie te pry, dy-moi, quel heur en auras-tu ?
Car alors qu’Atropos la grand’ beauté Juccombe,
Tombe
Ce chef-d’œuure accomply va fous l’ombreufe
Au
lieu d’eftre toufiours
Tu fçay que
ie
de gloire reueflu.
dy vray, mefme de
Non
ton lignage,
douceur fâge,
plus que de perfonne on ne parle plus d eux.
Tant de grands Cheualiers
d'illuflre
Tout fe perd en la nuiâ, au fons de fepulture.
Fors le viuant Amour, par la doâe efcriture,
Aime^-moy donc afin que i’en efcriue mieux.
le fçeu
Par
mes maux foudain
te
voyant fi
iolie,
trois certains Courriers, le premier fu fl ton
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nom,
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t>E
THEOPHILE
35
renommé) & ta Religion,
Puis ton fur-nom Latin qui belle fignifie.
(Si beniji
Voyant fi beau nom ioinâ à l’aime feigneurie,
Et ta demeure encor dans la laide prifon,
Pourquoy ne m’en alloy-ie, ô pauure de raifon ?
La
nature
&
le lieu
m’en deuoient faire enuie.
pourroy-ie accufer de ce retardement ?
L’amadoueux efpoir foncier de mon tourment;
Mais ores que ie fuis defefperemment blefme.
(fui
Que ne m’en
Amour fait
vay-ie donc ? Ha! Dieux, ie nefcaurois,
tout cecy, & me tient fous fes loix,
Pour faire
voir en
moy fa fermeté
extreme.
TRISTESSE
Pleure pleure* mes yeux, fus, payeq
vofirefaute
Par vous ie fuis entré au labyrint d’
Amours,
Noyeq, noyei-moi donc dans vofire humeur
peu caute
Vaut-il pas mieux mourir que de languir
toufiours ?
C’eft trop,
Pefi trop aimer fans
C’efi trop, c’efi trop
auoir recompence
feruy fans
Le forçat miferable a
efire guerdonné!
bien quelque efperance,
Voire le criminel iufiement condamné.
Et moy (ô malheureux!) dont fortune
fe
Las! ie ne pretens rien que le tragique
iouë,
fort,
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LES AMOVRS
36
Compagnon
C’ejl
d’Ixion, ie fuis deffus la roué,
grand cas que l’Amour foit caufe de
Rien ne
me
fert d’offrir
Car ma Dame
mon fidelle
la
mort!
feruice;
reffemble à vn cruel vainqueur,
que mon fupplice!
; rien, rien
Ma rençon ne luiplaijl
Miferable guerdon de VAmant plein d’honneur.
La fainâe
chajleté, dont elle ejl fi ialoufe,
corps vn doux chatouillement,
Vn plaifir fouuerain, qui parfaiâ nous efpoufe.
Qui nous donne la vie, S- le contentement.
Ne faiâ fentir au
Elle ne baille point d’amoureufe
Et
De
C’efi vn abus bigot méritant
En
lieffe,
viure fans cela c’efi comme n’efiant pas,
dire que l’honneur confifie en la trifieffe
cefie
fimple humeur
le
trefpas.
ma fuperbe
efi rengée,
Voire tant qu’elle croit, pour mcfprifer l’Amour,
terre luy efi grandement obligée,
le Ciel diuin luy en doit de retour.
Que la
Et que
le crifiai de vos larmes.
l’ardeur qui m’incite à l’aimer.
forgeron met de l’eau dans les fiâmes.
Alors qu’il veut fon feu dauantage allumer.
Auanceq donc, mes yeux,
Pour embrafer
Comme
le
Et vous, mes grands foufpirs,faides flamber encore,
Comme efi ans les foufflets de V Amoureux fourneau,
le me deferay donc par l’Amour que i’adore,
Faifant de mon cercueil renaifire mon berceau.
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DE THEOPHILE
3?
le fuis accomparable à l’oifeau d'Arabie,
Qui ne pouuant fuyr fa mortelle douleur,
Luy-mefme fait le feu dont il brusle fa vie
Et comme il ejl vnique, auffi fuis-ie en mal-heur.
Que tu ments, Martial, à l’endroit de ma Belle,
Difant que d’autant plus vn beau corps féminin
Ejl mis ejiroiâement, & plus il ejl enclin
Au
plaifir
La
vertu à
Amoureux
qui tous plaijirs excelle.
ma Dame
ejl compaigne fidelle,
Qui veut que chacun ait le mérité bénin,
Doncques par fa prifon en ce Conuent diuin
l'embrafferoy, heureux, l’honneur qui memartelle.
Ton dire ejl pour l’humeur qui retient du mondain,
Mais cejle Deité qui n’a rien de l’humain,
Auec l’humanité ne veut nulle accointance.
Pleujl
aux Dieux
(Martial) que fans exception
Ta parolle fujl vraye,
Comme digne d’ Amour
alors fans pajfton
i’en
auroy
iouiffance.
Cupidon m’efclaua dans vn Pré verdoyant
Aux beaux champs bocageux du bon pais du Maine,
Mettant mes armes bas me dijl en foufriant:
Vien-ça, que t’a feruy ton Mauors qui te meine?
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les amovrs
38
le te
veux faire voir ma puiffance haultaine ;
Tu changeras d’ejlat, tu m’iras fuppliant,
Ton franc cheual fera vn efpoir variant,
Et ton corps de cuirajfe vne Amoureufe peine.
Ton ennemy toy-mefme, & pour feu porteras
Deux beaux yeux dans le cœur que fans cejfe aimeras,
le veux que ton canon fe mué en efcritoire,
efclatante pouldre en vn grondant defdain,
Tes balles en papier, l’amorce en ris ferain,
Ton coutelas en plume, & ton mal-heur en gloire.
Ton
Tout eflonné d’vne heureufe venuê,
long fommeil
Comme l’on void, après vn
En regardant la clarté du
Soleil,
Qu’on n’ofe ouurir apertement
la
veué:
Ainfi voyant l’honneur qui m’efuertué,
Tout esblouy ie craignoy d’ouurir l’œil,
Mais fon beau luflre, auec fon bel accueil,
Eut peu remettre vne vie efperdué.
Elle ejloit là parmy vn fainâ troupeau,
Et comme on void au doux prin-temps nonueau
Des belles fleurs en vn pré deleâable,
Dont
l’vne
aggrée entre toute à nos yeux,
Ainfi (Dechovrsse) en ton Pré gracieux
Dame luift fur toute autre agréable.
Ma
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DE THEOPHILE
que demy-certain
Voulus baifer l’honneur fainâ que
3
9
Il s’anuitait lors
ie
chante,
Mais de fa bouche vne voix arrogante
Incontinent fijl changer mon dejfain.
le m’en courus de grandes fureurs plain,
En protejlant de
La foy d’Amour
mon Amante ;
comme vn vent qui
laiffer
ejl
vente,
le l’allay voir dès l’aube au lendemain.
Pourquoy, luy dy-ie, ejles-vous Ji
Comme
Et
ie
cruelle
vn chagrin vous me dédaigne
ne fuis defaggreable ainjt.
?
Belle,
Le vingtiefme an mon beau chef ne furmonte,
Mil cinq cens foixante & quinze on compte
ma mort & de ma vie aufft.
L’an de
O Lasphrise, où vas-tu? — le m’en retourne au Mexne.
— Que faire? — Y voir l’Amour borne de mon dejlin,
Dont
Me
les rais foleillans de fon bel œil bénin,
rendent furieux triomphant de ma peine.
— Puis qu’elle tient l’honneur de ta gloire certaine,
Pourquoy la fers-tu tant? — I’ay cela du diuin:
Car i’vfe de bonté à ce qui m’ejl malin,
L’efperant conuertir par ma foy fouueraine.
—
Si l’efpoir
te
déçoit?
—
I’ay vn los mérité,
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LES AMOYRS
4o
Ayant
La
fouffert pour elle, immortelle beauté,
beauté fans pitié ne peut ejlre infinie.
Le propre aux Deiteç c’eft la douce douceur.
Sa rigueur efi donc feinte, ainfi i’auray mon cœur:
Car il ne fufi iamais beauté plus accomplie.
Comme
Ayant
Lors
Se
vn Nocher fauué de la tourmente,
vaincu les flots iniurieux.
qu’il voifine
refiouifi
vn terroir gracieux,
pour fon heureufe
Reuenant fain de
la
attente ;
guerre fanglante,
le veux donc ejlre à cefie heure ioyeux,
Voyant de près
Où mon
deuotieux,
efpoir iufiement fe prefente.
Mais comme on
Ne
le lieu
void les Matelots expers
craindre tant la tourmente des mers,
Qu'à l’approcher de
la terre efiimée,
Car il ne faut qu’vn peu frayer le banc,
Pour fubmerger: ainfi Amoureux franc,
l’ay peur, l’anglois, touchant
ma Dame
aimée.
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DE THEOPHILE
4»
ELEGIE
De
tout ce que les Dieux icy bas ont donné,
Pour rendre de tout point l’homme bien fortuné.
Pour le faire admirable afin qu’on le renomme,
Ainfique s’ils vouloyent pour compagnon vn homme,
C’ejl d’auoir un efprit galant & Amoureux,
ma Dame , là le bon-heur plus heureux,
Chajfant l’ombre mal-fain de l’afpre humeur farouche,
C’ejl là,
Autrement nous ferions comme vne
C’ejl
à
la
feule
Amour
vieille fouche.
nous faut paruenir,
qu’il
Qui douce ne fe peut par
la
mort
diffinir.
le croy que ne doubtez de la bouillante flame,
Ni d’vn mal intefiin qui fans ceffe m’entame,
Que ie fouffre pour vous qu’on me void adorer,
le ne fay que gémir que triflement pleurer,
le m’en vay, ie reuiens, i’ay foi, i'ay défiance,
le ne fçay que ie dy, ie ne fçay que ie penfe,
le pers
par vous toufiours
&
repas
&
repos,
Vn cruel feu glacé m’outrage iufqu’à Vos,
Vn chaos de penfers dedans moy s’amoncelle,
Defefperant i’efpere, & qui plus me martelle,
C’efi vne froide peur qui me vient ajjaillir.
(O maudite nouvelle !) Amour, il faut faillir,
Vagabondant plufiofi, plufiofi mourir perdué,
Qu'acceptiez le bandeau de Profefie renduë.
le crains que le preniez
;
non, ne le prenez pas,
C’ejl en viuant fentir mille horribles trefpas.
Vfez de mon confeil, & vous ferez plus fage,
Ne laiffez perdre ainfi le Printemps de vofire c'ge.
Venez en terre ferme, & laiffez l’ombre faind
A
l’
efprit ignorant de la fottife atteinâ :
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LES
42
AMOVRS
Car y ejiant aittji ce n’ejl pas ejlre au monde ;
Certes vous reffemble aux mariniers fur l’onde,
Qui des morts ni des vifs ne tiennent point les rangs,
font vifs entre morts, morts entre les viuatts.
vous, pour morte on vous reclame,
Ils
On ne faict cas de
Monjlre%
à vos parens que vous aueç de l'ame,
Que vous reconnoiffeq & le bien & le mal.
On faiâ de vous ainfi comme d’vn beau cheual,
n’ejl predefliné que pour vne bataille,
ne voyage point iufques à tant qu’il aille
rude choc guerrier, dont le tragique effort
Qui
Il
Au
Lemeine miferable à l’impiteufe mort:
ma Dame, ainfi on vous faid prifonniere,
Ainfi,
Iufqu’à temps qu’Atropos vous
donc, qui fe fait befie il efi
Or
Et
cille la
paupière.
mangé
des Loups,
trop tard quelquefois nous rabattons les coups.
dy efi fans hypocrifie,
bonne Amour n’vfe de tromperie,
Tout ce que
Jamais la
ie
vous
Et l’on doit en
Mais la vraye
tout temps de l’Amy auoir foing,
amitié fe connoifi au befoing
Qui méfait vous eferire, ayant fçeu qu’eftes prefie
De faire à vofire dam cefie mortelle fefte.
Lifeq bien, ie vous prie, auant que d’efpoufer
Ce fard Religieux qui vous fait abufer;
Vrayment fi vous trouueq en la fainâe Efcriture
Qu’on doiue viure ainfi en vne prifon dure,
le me condamneray, mais Dieu veut autrement,
Et
veut efire prié d’vn chacun librement.
Qui vous retient donc là ? Vn but de grand richeffe;
Afpiren-vous l’honneur de Madame l’ Abbeffe?
Ce vous feroit vrayment folle legereté,
Mal-heureux efi celuy qui vend fa liberté.
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DE THEOPHILE
Que nous feruent
43
vous fupplie,
Si ce n’ejl pour paffer ioyeufement la vie?
Dieu les a ordonneq à cejle intention,
les biens, diâes, ie
Et fi beaucoup auoyent vofire Religion,
Pour néant nous aurions tant de bien en ce monde.
Or doncques déformais nageq fur vne autre onde.
Croyeq-moy (Théophile) & n'ayeq point de peur,
Hommage q l’Amour grand du grand monde vainqueur.
On ne trouve toufiours les odorantes rofes,
Le temps ameine tout & mine toutes chofes.
Tandis que
la
faifon eft belle à
Mandeq-moi que
i’y aille
&
les cueillir,
i’iray fans faillir.
Amour, ma douce affeâion,
L’Antiphile bien tofim’ett fera la vengeance;
Si tu n’accepte.
Non, non, i’en aimeray quelque autre d’excellence,
Et l’Amour contre Amour fera punition.
Bien que tu n’aye en
Mon
moy
nulle dileâion,
change toutesfois t’apportera fouffrance,
Ialoufe fans m’aimer, blafmant
mon
inconfiance,
Defpite, tu auras extreme affliâion:
Et pour plus
te
fafcher
i’en
aimeray quelqu’une
De tes diuines fœurs, qui courent ta fortune,
Que familièrement tu hantes chaque iour;
Bray-haut, la belle Poissonnière,
l’aggreable, ou Vesins finguliere,
vengeant ainfi de l’Amour par l’Amour -
le feruiray
Ou Daniov
En me
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LES AMOVRS
44
Que
nefuis-ie ore Prejlre au Pré deuotieux
(Auiourd’huy que chacun confeffe fon offence),
le te verrois venir pleine de repentence,
Te mettre à deux genoux deuant moy glorieux
;
Tu me dirois pourquoy- ton bel œil gratieux
M’a ejlé fi cruel par les feux qu’il élance,
Puis
A
ie te
donnerois, pour iufle penitence,
pleurer trente iours ton orgueil ennuieux.
le ne te baillerois
l’
Abfolution fainéte
Que ie n’euffe tafoy de me baifer fans fainâe
;
1 aurois licence après, du pape fouuerain,
De me
defpreflifer ;
s’il
ne luy plaifoit faire,
le me rendrois plujlofl Huguenot volontaire,
Pour embraffer ton cœur que i’ aurois fait humain.
Quoy? voulez-vous toufiours mefaire maigre mine ?
Amour, craignez-vous point qu’ Amour nojlre feigneur
Aduifant ma pitié ne bleffe voflre cœur,
Ainji qu’il fait là bas cefle beauté diuine?
Ne fçauez-vous pas
bien (diâes, belle
Angeuine )
Qu
Le
vne fufl emmarbrée, ayant trop de rigueur?
defdain lui dcfplaifl, il chajfe fon honneur;
Ne
le
mefprifez donc qu’il ne vous extermine.
Moy fon ferf &
le voflre,
en fortant de ce lieu
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;
DE THEOPHILE
Pour vous
le ne
45
dire vn bon-iour auec vn trifle adieu,
demande
rien qu'vn baifer dejirable.
Donne f-m’ en doncques vn,finon i’en prendray deux.
L’Amant doit entreprendre en vn lieu honorable
le te vay donc baifer & la bouche & les yeux.
tq» mille
ie veux, ma Lyre,
& mille endroiâsfredonner de beaux vers,
^oh
ie veuille
'Xauy d’vne beauté, ores
t*in
1*1 1
que
auoir renom par l’Vniuers,
de fi grands honneurs ma ieuneffe n’afpire ;
veux-ie pourtant mon Amour faire luire,
fi
t*’an, le iour, la faifon que ie vis fes
Enflant la feule ardeur de
*0
ar qui
O
r
r*
ie
ie fuis, chétif,
vais t'accorder
yeux vepds,
mes trauaux
diuers,
encomblé de martyre.
pour fonner baffcment,
ne pitié toufiours fe doit dire humblement,
Amour veut les douceurs, bien qu’ellefoit cruelle,
’
n ourage
>3
donc,
ma
Lyre, encommence
tes coups,
enomme ma
t^t
la dis
Maiflreffe en vn ton aigre-doux,
hardiment outrageufement belle.
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; ,
46
LES AMOVRS
DOVBLE ACROSTICHE
^ adame, quand Amour Regarde vos beaux yeux,
Wife de fa fortune
Entièrement aimable,
en neluyfait terreur,
on la mort redoutable;
O ar l’Amour brusle-cœurs tq ft toujîours valeureux.
b<? grâce aime;-le donc,
Jlime^-le Amoureux,
tqf vous fie% en luy,
bar
luy vous paroiftre\
l’acceptant honorable,
ti\xtrefmement louable,
W infi qu’vne beauté
b rinceffe de fon cœur,
b laifante aux mefmes Dieux.
olympe de fon ame,
vous offre fes vers,
E’Vranie en leur chant
rj rais tefmoins de fa Jlame
Euira d’un fainâ renom.
l
d’humble difcours eft haut
fi elebrant Théophile,
On
^e
Réclamant fi beau
ne
le
peut blafmer
defdaigneq donc
le
Nom
tqn vous feruant utile.
Ton
voile noir te fait
Il te
déguife en cachant tes beaux yeux,
conuient à ton vœu foucieux,
Et fi
Qui
eft
approuuer fainâe ;
couuert de Religion fainâe.
Certainement toute chofe contrainâe
Eft haiffable aux hommes & aux Dieux:
Par force on entre au Conuent odieux.
Qui rend
Tu me
la vie
eftroiâement eftrainâe.
ay deuotion !
Quelle folie, aimer l’affeâion !
Veu que bonté eft fouuent dangereufe.
diras: l’y
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DE THEOPHILE
47
Ainji plufteurs fe gafient du bon vin;
En bonne terre eft le mauuais chemin,
Et
ta vertu eft ainfi vicieufe.
Afin qu' Amour-oyfeau ne foit plus fi volage,
le veux qu'il ait la forme ores d’vn Papillon,
Il
en fera plus gay, plus mignard, plus mignon,
celefie efueillé, plus reluifant, plus fage.
Plus
Il
ne fera plus
trifte,
eftrangement fauuage.
Mais ioyeux, mais priué,
toufiours beau, toufiours bon,
Immortel renaijfant en la prime faifon,
Bien humble voletant fans faire aucun outrage.
Le
foleil eft le
pere à
cefi oyfillon
doux,
Qui d’vn ver précieux s’engendre ydoine à tous,
Filant pour le public, s’emprifonne foy-mefme,
Pour eslargir fes biens à qui le gardera.
l’honneur de mon nom l’Amour doncques fera,
Déformais plus aimable, aimant comme l’on l’aime.
En
CHANSON
Adieu, Opiniaftre, Adieu,
l’endure vn trop cruel martire,
Vofire glace m’a mis en feu,
Et fi vous
n'en
faiâes que
rire.
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LES AMOVKS
48
Que m’a feruy vous honorer
Comme
l’honneur que l’on honore ?
Que m’a feruy vous adorer
Comme les Dieux que ion adore ?
Chacun me monjlre auec le doy,
Difant: Voyla le miferable,
Qui deffous i Amoureufe loy
Fuji à luy-mefme dommageable.
Faudra-il, chétif, que
ie
fois
Touftours auec fi foible force,
Et que i’aye planté le
Pour ne iouyr que de
Or
bafie,
bois
l’efcorce
?
aimez qui vous voudrez,
Toufiours ie vous feray Jidelle,
en fin vous repentirez
Mais
De
m’auoir
ejlé fi cruelle.
Compagnon Chappellet, fur tous biens bien heureux,
D’auoir touché les flancs de ma belle Maifireffe,
Tu m’es donné afin que ma prompte ieuneffe
Supplie au lieu d’ Amour le maifire Dieu des dieux.
O dejfein
efgaré
!
i’en
fuis plus
Amoureux ;
Car efiant à genoux retiré à la Meffe,
Soufpirant ie te baife & mignotte fans ceffe,
Arrofant ton crifial du criftal de mes yeux.
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DE THEOPHILE
40
Puis regardant le Ciel, bajfement ie proféré:
Qu’à ma deuotion i’eujfe ainji ma Cithere !
le V accolleroy mieux pour n’ejlre ejlimè fot
ten oy qui en pajjfant vont prifant ma borne artie,
Ce ieune Gentil-homme ejl (difent-ils) deuot;
Mais ils ne fçauent pas quel Sainét c'eji qui m’enflame.
pour n’ejlre fouldoyé,
Le braue cheualier pour n’auoir recompence,
le plains le bon foldat
le plains l’Eglife aujfi allant en decadance,
Et
le
marchand fur mer du
pillart cojloyé ;
païfant dejlruiâ S guerroyé.
Le ieune homme accafant fa gaye adolefcence ;
le plains le voyageur qui n’a point de finance.
Et me plains (moy chétif) de l’Amour foudroyé.
le plains
Mais
ie
le
plains les beautcq mifes
aux
monaflaires,
Qu’on nomme fottement les prifons volontaires ;
Car là le doux plaifir rarement ejl trouuè,
comme vn corps fans ame,
Nonnains, mefme ma belle Dame,
l’honneur
Et l’aime de Iovy,
de Pellevé.
Et
qui n’en
ioüijl point c’eji
Brefie plains
les
4
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LES AMOVRS
CHANSON
O
venimeufe enuie
Que ie te doy haïr,
Par toy ma belle vie,
Chetiue tragédie,
Eft contrainâe à finir.
La guerre eft redoutable,
La mer, la pauureté,
La pefie abominable,
La faim plus miferable,
Et
le
feu agité
:
Mais non tant que ta rage
Laide enuie à l'œil roux,
Qui vn chacun outrage
De ton vilain langage
Par ton faux cueur ialoux.
Vieille
hideufement faite,
Tu ris de nofire dueil,
Si la faueur fatalle
Nous paroifi
liberalle,
Lors tu creues d’orgueil.
Va, va, que ta nourrice
Puiffe fentir vn iour
Le feu de ton fupplice,
Vers
la
douce delice
Du paradis
d’ Amour.
,
DE THEOPHILE
5l
SONNET EN VERS LYRIQVES
La
gentille bergerette
Gardant
le
beliant troupeau
Pirouettant /on fufeau
Dit la gaye Chanfomette ;
Le
Pelerin fe deleéte
Peinant en /on veu nouueau,
rid /ur Veau
Attainâ de douleur /uieâe ;
Le /orçaire
Le Capitaine
re/ouls
S’efiouijl /ouffrant des coups,
Et moy de me/me,
le
/rere
Du
Au
Cocher ambitieux,
comble de ma mi/ere
le chante à ce/le heure mieux.
Avant que l’ennemy triomphe de ma vie,
le m’en/anglanteray de l’œuure de ma main',
Quelqu’un (/ans
pen/er) dira l’aâe inhumain,
Ignorant le fiubieü de fi efirange enuie.
y
Au /ront
de mes /oldats, plus braue compagnie,
Hardy ie paroifiray /uyuant mon beau deffain,
Tu en fieras de me/me, & d’vn courage hautain,
le m’ajjfeure
/ur toy, compagnon labatye.
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LES AMOVRS
52
Nous courons grand fortune en cefle afpre faifon,
L’ennemy nous attend près de ta garnifon,
Dans les champs englace 7 aux plaines de Bayane.
il nous faut pajfer ou mourir en chemin,
Quifinijl combattant meurt d’vn trefpas diuin ;
le mourray ou feray gouuertteur de Marsane.
Bafle,
STANCES
Tu t’enquiers, mon Amour, par
la
dure abfence ores
(Qui longue fembleroit t’auoir faiâ oublier)
Comment ie fuis venu & deuenu encores,
Tu le pourras apprendre en lifant ce papier.
Auant mon gay Prin-temps Pay couru
Soldadin tendrelet
aux pais
la
Fortune,
eflrangers.
Maintenant trauerfant le périlleux Neptune,
Et maintenant en France entre mille dangers.
En
Auril, en EJlè, fans trefue l’ay fuyuie,
Bref ie luy ay donné le plus cher de mes ans.
Et Mars m'ayant caufé la pasle maladie,
le me fuis retiré au rang des Mal-contents.
Luy
qui
me fut
ingrat (non pas luy,
ie l’offence).
Car par mon fang verfé il m’a faiâ de l’honneur,
Mais fes fils opulents, pleins de meconnoiffance,
Qjû foilleillent du fruiâ de mon digne labeur.
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;
,
DE THEOPHILE
A
la
guerre fouuent, voire à
53
la
Cour pompeu/e
l’ay faiâ voir ma valeur & mon gentil efprit,
Et pour rendre ma gloire encores plus fameufe,
aux champs de Mars efcrit.
l’ay feul, fans ejludier,
donc feul honoré Amour, fcience & armes.
puis que Dieu m’a faiâ vit Palladin nouueau,
Combattant, compofant au milieu des allarmes,
le fuis fans compaignon deffus le Mont iumeau.
ray
Et
On
n’en a veu efpris de l’ardeur qui m’allume,
Ainfi naifuement fans Hure compofer
Nul que moy n’a encor ofé tailler fa
Entre
les bataillons,
&
plume
là poétifer.
Refiouis-toy, Tourene, 6 ma chere Nourrice,
Tes champs circonuoijins n’auront du tien vanté,
Si Phœbus les aima tu feras fa delice,
Par moy qui, feul, fans art, en guerre
Comme
ie
fuis vnique, 6
Dame
l'exalté.
qui m’efclaue,
U âge en âge par moy luireq uniquement
Car onc nulle beauté n’eut feruiteur fi braue,
Et pource, comme feul, aime\-moy feulement.
Si vous pouuieq, Poulets, voler iufques au Mans,
le vous priroy, mignons, de porter des nouuelles
A ma Dame, m’ Amour, belle fur toutes belles,
A qui vous conterieq mes trifles accidens.
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,
LES
54
AMOVRS
Mais quoy? plus que lamort iecrainsles mefdifans,
Qui pourraient, vous trouuans, defempenncr vos aisles.
Et
blafonner l’honneur des plus chajles pucelles
ie fers depuis dix ans.
Qu’enflé de paflion
Ma vérité fe
void ; car craignant voftre perte,
vous feuls ne fera recouuerte,
La mienne fans
Sans vous, volans au Pré d’vn air librement douxT
Vous pourrie^ affurer ma Dame apprehenfible.
Vous V afferenerieq en defpit des ialoux,
Dont ie meurs connoiffant le voyage impojfible.
POVLETS D'AMOVR
En forme
de Poulet
Amour
s’efl
deguifé,
Afin que fans foupçon il peut voir ta belle ame:
Reçois-le doncque bien ; car s’il eft mefprifé
Tu fentiras
l’orgueil de
fa bruslante
Voleq, Enfant Oifeau, dans
Dites-luy,
mon Mignon,
le
fl ame.
fein de m’Amie,
qu’elle
prenne pitié
De moy fon
cueur, fon tout, fon ame, fa moitié.
Qui l’aimeray touflours d’vne ardeur accomplie.
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;
DE THEOPHILE
55
Petit babouin d’ Archer,
Tu fainâs vue borgne veué,
Afin de mieux décocher
Sur nous ta fléché poinâué ?
Mais garde que ton beau fard
Par ma
pitié ne t’abufe
:
Car l’artifan par fon art
Se peut tromper en fa rufe.
loly Poulet
Mignardelet,
Va-t'en, volette
Vers
ma
nonnette
Dy-luy, belon,
Mon mal félon;
Si la bellotte
Ne
te mignotte,
Pour que tu bines
Ses fœurs poupines.
Tu peux du clin
Voir fi le moulle,
De Lethé roulle,
Ou
Riualin;
Puis reuolette
En ma
chambrette,
Sors vifiement
Où
Subtillement,
Suis efcarté.
defpité
Vous, ô vous qui aue% le beau commandement
la fainâe beauté, maiftreffe de mon ame,
Vous que ie feruiray d’vne prudente flame,
Vous qui par vos bontc\ m’efiimcj dignement ;
Sur
Vous, Abbejfe admirable, honneur de l’ornement
Du vœu de faind Benoifi
(que fi bon Von reclame),
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LES AHOVRS
56
vous pry, commandeq à ma Dame
Qu’elle aye à me traiâer vn peu plus doucement.
De
grâce,
ie
pas que le Ciel, dont vojlre ame diuine
Prit fi fubtilement. fa parfaiâe origine,
N’efmouue vos beauteq à la douce pitié.
Il n’ejl
Dechovrsses, rendes donc
ma Dame pitoyable.
Dieu (que vous chante^ tant) enioinâ l’humble amitié
Il n’ejl rien de fi fainâ que paroifire amiable.
Comme
l’on voit
aux champs
:
vne troupe feruile
Quand l’enfeigne guerriere erre de toutes parts.
Alors qu’elle oyt l’Echo de la fureur de Mars
Poureufe habandonner fon pauure domicile,
Ces Ruffifques s’en vont deçà, delà en ville
Penfant gaigner chétifs pour efire ainfi. efpars ;
Mais ils font beaucoup plus ruifnès des fouldars
Et voudroyent n’auoir point delaiffé leur famille.
Ainfi
En
moy, pauure
entendant
le
ferf,
quand en
ton
Pré
i’efiois.
miel de ta diuine voix,
Defpit, ialoux des
Dieux ïefgaroy
l’audience
;
Mais or ie cognois bien que i’ay beaucoup perdu
Et que de ne bouger il m’eufi bien mieux valu,
Car rien n’efi à l’Amour fi fâcheux que l’abfence.
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;
*
DE THEOPHILE
57
Si après les efclairs, le brouillart, le tonnerre,
Le foudre, les frimats, les tourbillons, les vens,
L’eau, la glace, la neige, il furuient vn doux temps.
Qui gayement ferain nous embellifl la terre;
Ainfi après l'orgueil de cejle longue guerre,
Après tant de trauaux qui me font Ji cuifans ,
Mon plus cher des Movlins, ie pourray voir le Mans
Ou
vaincueur des dieux cruellement m’enferre.
le
Les armes font la paix, la nuiâ pouffe le iour,
Et puis que tout honneur commande à mon Amour,
Elle en m’eflimant plus ne fera fi cruelle.
Là
Là
ie
Et
là tu
t’honoreray comme Amant plus heureux,
i’admireray, là ton Soleil Amovrevx
me
diras toute vraye nouuelle.
Théophile, quelqu’un qu’ Amour ne tyrannife,
Dira, fi ie vous euffe aimé extrêmement,
Que i’auroy
quitté
Mars & fon commandement.
Afin d’aller feruir vojlre beauté exquife.
Il
dira que l’Archer toute chofe maiflrife
Mais
cejle vérité s’entend diuerfement,
C’ejl alors
que l’Amour fert mutuellement.
quand on le mefprife.
Ou
bien gonflé d’efpoir, non
Icy
ie
comprens
bien, et là ie
perds mes fensh
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LES AMOVRS DE THEOPHILE
58
Adorant fans fubjeû voj yeux cjlinccllans,
Voylà les tours d’ Amour embrouillant ma ceruelle.
Vayme,
Si
vit
ie
n’aime pas, ie ne fçay que ie fuis.
ie luy ferme roy l’huis;
autre venoit
Mais pour remettre
tout, content e^-moy,
ma
Adieu, adieu, efperance, & fortune!
Adieu mon tout, adieu cheres Amours !
Adieu bel œil, adieu fages difcours,
La feule ardeur de maflame importune
belle.
!
Ma
nef ne peut plus combattre Neptune,
C’efl faiâ de moy, ie n’attens plus fecours.
Bifarre Ciel, fay au moins que mes iours
Soyent remarque { comme ejlrange infortune
!
Qu’ après mille ans on entende ces vers;
T0V610VRS La6PHRISE evst des mal-hevrs divers.
Mais las! estant de la Royale armée
En garnison dans la vtlle dv Mans,
MoVRVT AV PRÉ (non DE MARS NI DES ANS),
Ains de l'orgveil de sa Dame estimée.
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;
L’A MOV R
T>E
PASSIONNÉE
^OEmiE
vne beauté doucement homicide
Qui du commencement n’avoit le cueur humain,
le chante
Mais comme
Difpofant
Ainfi
les
me fut
vu fier Æole abonnifi le temps vain,
mortels par fon attraiâ humide:
l’aigreur de fon
Amour
timide
Auant que m’adjourner l’ardeur d’vn feu ferain,
Et comme il n’efi pas bon au Prince fouuerain
D'auoir trop de clemence
&
priuauté fluide
Ainfi trop de beauté^, trop de douces douceurs
M’ont caufé mille morts, mille aueugles fureurs.
Cent mille paffions bourrelles de
Je n’accufe m’ Amour, ains
moy
ma
vie.
trop
Amoureuxr
Mais lifant ma delke en mes vers doucereux,
Dames, fans vous fonder ne blafmej Noëmie.
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bo
l’amovr passionnée
La
honte à l’œil baiffè ne
le ne craindray l’orgueil
Je ne
me cacheray pour
Laiffant la fainde
me fera point taire,
du caufeur affeté,
n’ejlre fréquenté,
Amour qui ne me veut complaire.
connoy maintenant mon humeur temeraire,
C’ejl trop pour vn mortel qu’vne Diuinité,
J’aymeray (comme humain) la douce humanité.
Dont l’inuincible mort ne me fçauroit dijlraire.
Je
J’ay adoré longtemps, gonflé de belle ardeur,
Théophile aux beaux yeux, Déeffe de l’honneur.
Qui a d’vn chajle vœu repeu ma tri/le vie.
Adieu donc, feu m’ Amour, miracle glorieux;
Je fuis trop peu pour vous digne des mefmes Dieux,
Je
vay
voir les douceurs de l’humble Noemie.
le penfois amortir l’Amoureufe poifon,
Que
cefollajlre
Enfant me faifoit fouuent boire,
feiour du beau pays de Loire,
Abfentant
le
Et comme
vn douloureux i’efperoy guerifon.
O penfer
eslongné de la douce raifon
!
Car voyant ton bel œil lumière de vidoire,
Et ton chajle entretien compagnon de la gloire,
le fuis plus
que iamais en facheufe prifon.
Ma maiftreffe, mon cœur,feul honneur que t’honore.
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DE NOEMIE
6l
du tourment qui cruel me deuore,
Et qui nouueau Roland mé fait voir en tous lieux.
Prends
pitié
veux qu’vn feul traiâ de ton œil fauorable,
Attendant que le fort me foit plus gracieux:
Toute Dame d’honneur doit eflre pitoyable.
le ne
le vous
ay pris
Que
garde mignon, que
Si
ie
ie
vn gan, affeurance de foy,
l’auoy en don
ie
baife à toute heure;
ma fortune
meilleure
Se promettrait icy de viure fans efmoy.
Larronnejfe d’honneur, vous aueq plus à moy,
Tenant mon cœur vainqueur fur qui l’Amour s’ajfeure.
Le ciel au fein doré veut qu’il face demeure
Dedans mus feulement, foubs l’ Amoureufe loy.
Cheriffe^-le donc bien qu’ Amour ne vous punijfe
Si vous l’auie % perdu, qui vous feroit feruice ?
Quelque riche vieillard accompagné d’enfans?
;
O
l’aduantage heureux pour la douce pucelle !
Tout petit que ie fuis, auecque telles gens
paroy comme l’Aigle entre la Colombelle.
le
Vous diâes ne fçauoir ce que ie fay icy;
Ces vers, Villfpion, l’apprendront fans faintife
:
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6i
l’amovr passionnée
le pourchaffe l’honneur d’vne braue entreprife,
Ore humble, ore fuperbe, ore chaud
&
trancy.
difne de foucy,
le goujle de colere, ardeur qui me maijlrife,
le defieune d’ennuis,
ie
le foupe de chagrin, des rigueurs ie deuife,
Et
gonflé de brouillars
ie
dors en
l’air aufli.
La
fortune à ce coup m’eft ennemie extreme,
Si bien que ie ne fay aucun cas de moy-mefme,
voyant mal-heureux fans efpoir de fecours.
Me
Le plus grand bien que i’ay, helas.'c’efl que ie penfe,
Que vous, mon cœur vainqueur, plaindrez ma doleance ;
Ne
mefdifeq pourtant de mes belles Amours.
ELEGIE
Touflours en vous voyant ie fuis pafflonnê,
puis l’on m’aperçoit triflement forcené,
Et
Rien n’aggrée à mes yeux, pour vous trouuer trop belle;
Gardez que ne foye\ compagne à Philomelle.
Vn iour, mais las! trop tard, vous vous repentirez,
Puis mon mal-heur eflrange aigrement vous plaindrezReconnoiffez-vous donc, tandis que la lumière
Illumine noz cœurs d’vne ardeur Printemniere.
Tout le bien, mes Amours, que nousauons des Dieux
Cefl afin d’en iouyr doucement en tous lieux.
De quoy vous feruira cefie grâce accomplie?
L’on vous dira vrayment de vous-mefme ennemie,
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Google’
DE
N O E M
I
63
E
laiffe \ perdre ainfi Vhonneur de vos beaux ans.
ceffe nous n’auons les douceurs du Prin-temps ;
Venez donc à ce coup fous l’enfeigne Amoureufe,
Si
Sans
Enflame z
En
ccjle glace, helas
!
trop froidureufe,
vojlre opinion vous n’auez nul plaifir
;
Ceffe % donc, ie vous pry’, ceft aueugle defir,
Et me faiâes ce bien, qui vous ejl neceffaire.
D’accepter mon feruice aggreable à Cythere.
O
doubles Bourguignons voifins de ma Déeffe,
vous, buueurs Germains, qui l’efies d’m cojlé,
Gardez-vous de fâcher V agréable beauté
Que les Dieux ont voulu me donner pour Maiflreffe.
Et
Encores qu’elle afflige ardemment ma ieuneffe,
le ne veux que fon œil foit par vous irrité ;
N’entreprenez donc poinâ aâe d’hojlilité,
Et tout ce qui s’ejlend aux champs de fa Nobleffe.
le vous feroy mourir! N’ay-ie pas les moyens?
I’ay l'indontable appuy du plus grand des Chrejliens,
Henry
troifiefme
Roy
de France
S
de Polongne,
Qui vous mettroit en pouldre entrants en fon Pais.
Heureux en mon malheur, puifque les Ennemis
N’oferoyent voir l’amour qui de V Amour m’elongne.
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l’amovr PASSIONNÉE
64
ELEGIE
Coufine,
femble à voir que l’Amour boute-feux
Me vueille maintenant efire plus rigoureux ;
le voy bien, ie fçay bien que maperte efi prochaine.
Et vous diray pourquoy ie connoy cefie peine.
On ne doit iamais rien celer à fes amis,
il
Ni
déclarer aufit à fes fiers ennemis.
I’vferay enuers vous comme vn feruant fidelle,
Qui efiant opprefié d’une douleur cruelle,
Ne pouuant requérir luy-mefme fon Seigneur,
Supplie quelque
De mefme,
amy
qu’il parle
connoiffant
mon mal
à fa grandeur:
ineuitable,
Coufine, ie vous pri’de m’ efire fauorable,
Et de parler pour moy trifiement afiligé,
A
vofire humble parente, où mon cueur efirangé,
tous, fors à moy qui trefpaffe pour elle.
Maintenant (ô bons Dieux) qu’vn départ me bourrelle.
Qu’afaiâce traifire Amour pour me perdre efionnè ?
Comme Diable cruel il a tofi fuborné
Vn grand de mes Amis, en luy donnant entendre
Que ie perdoy la fleur de ma ieunefie tendre,
Que ie n’apprenoy rien en ce trifie feiour,
Et qu’il mevaudroit mieux que i’allafie à la Cour.
Humble à
Le traifire n’a failly à fa caulte entreprife,
ay reçeu la lettre, 6 maudite faintife 1
Hé! quoy? ne fçait-onpas que ie fuis à mon dam
J’en
Depuis dix mois en ça deuenu Courtifan ?
Vois-je pas tous les iours le Roy qui me commande?
Je le fers humblement, ie fupply, ie demande,
J’aimeroy mieux mourir qu’outrepafier fa loy.
le me fuis obligé de luy garder la foy
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DE
N O E M
I
65
E
(Ce/le obligation e/l toute volontaire),
Car de mon beau labeur ie ne reçoy falaire;
Mais ce trauail m’e/l doux, & meplaifl beaucoup mieux
Que Vair Parifien fur tous délicieux,
le fuis comme vn forçat efiant fur lesgallées,
Qui ne veut point bouger des campagnes falées,
C’e/l
abus de crier
la
douce liberté;
On ne fçauroit muer fon vouloir arre/lé :
Mais comme vn clair Soleil enuironné de nues
Rompt les empefchemens de ces ombres cornués,
Ainft, certes, ainfi
malgré l’aueugle Enfant
(Qui de mon beau trauail va toufiours triomphant),
Voire en defpit encor de la ialoufe enuie,
Et d’vn tas de Medors qui redoutent ma vie,
le feray plus confiant. Ainft que le Soleil
le
veux
eflre
nommé l’amovrevx
nompareil.
Que
Que
ta Confine foit comme vu Tygre inhumaine,
d’vne fiere ardeur elle foit toufiours plaine,
Qu’elle ait ioye en mes maux , riant de mon foucy
,
Que fon cœur
foit de roc
durement endurcy,
Qu’elle parle à cheual, outrément arrogante,
Bafe pour tout cela, i’auray l’ame confiante,
Sa rigueur me fera mefme glorifier;
Car comme les Oignons qui font près du
Rofter
Caufent que
la fenteur de la Rofe ejl meilleure,
Tout ainft la vertu, où mon efpoir s’affeure.
Plus elle a de trauaux, plus elle a de douleur,
Et plus
tant plus on void fa gentille valeur.
Ainft donc plus i’auray de rigoureufe attainte.
Et plus on
De
connoiflra mon amitié non fainte.
quel œil la verray-ie? ô miferable alors I
Mais
ie le
fuis défia
;
ja,
ja mon
trifie
corps
5
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,
l’amovk passionnée
66
Efl mornement trancy, & ja mon œil defplore
Vu larmoyant Crijlal voyant s’approcher ore
Le
funejle defpart qu’on ne peut retarder.
En cejl eslongnement ie vous pry’ me garder
La pure affeâion que vous m’aue ; iurée
Et
eflre de la
La femme
Que
mienne ardamment afleurée.
femme en vn mot fera plus
vers la
cent mille difeours des
C’efl vn rocher certain que
Amants
refolus,
fa feule parolle,
comme
vnefriuolle.
(fufi-elle fainâe) efl
Incite j donc (ma Dame) en m’obligeant à vous
D’accepter mon feruice Amoureufement doux,
Et vous iure fes yeux, comme chofe plus belle,
De l’adorer toujours, bien qu’elle fufl cruelle :
Car comme l’Oliuier, qui ne vient ai]émeut,
L’autre
Et
qui ne finijl pas aufli facilement,
Amour, mon Amour, de long temps enflamée
Cejl
Ne pourra
s’encendrer ni aller en fumée.
Courage, le defajlre efl aucunesfois bon,
Vn mal auant-court l’autre, vn flux efleind l’audace
D’vne fiebure prochaine où la mort nous menace;
La blefleure enrichijl le guerrier de renom.
marry de ma prefomption,
Offençant tes beautés; que loyal ie pourchafle,
ie puifle auoir la mercy de ta grâce,
le ne fuis donc
Pour que
Couppant chemin aux coups de
ta punition.
Pardonne donc, Maijirefle en beauté fouueraine
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DE NOEIIIE
67
Le propre à la grandeur c’ejl de paroijlre humaine;
Dont
ie
penfe défia eftre libre
&
Efperant d’appaifer mes pajfions
le ne
le ne
abfous.
cruelles,
demande point de vo{ richcffes belles,
veux qu’m baifer Amoureufement doux.
Le languifiant malade afpire la fanté,
Le pauure fouffreteux Vaggrcable richefie,
L’ambitieux guerrier
Le
trifie
les
allarmes fans cefie,
prifonnier la doulce liberté ;
De mefme l’Amoureux
de fiâmes agité
Defire incefiamment iouyr de fa Maifirefie
;
Quand auray-ie la mienne, où tout honneur s’addreffe,
Qui vergongne Cyprine en plaifante beauté ?
Son
Le
efprit efi parfait, fes grâces font parfaites,
Soleil de fes
Font reluire vn
yeux, mes fatales Cometes,
clair iour dedans l’obfcure nuid.
En fa bouche toufiours l’ éloquence s’expofe,
Son teind efi furfemé d’œillet, de lis, de rofe,
Quoy, de ces belles fleurs n’aura-elle aucun fruid ?
C’eft
Vn
grand cas que
le
fort plus fouuent fauorifc
ruftre mal-habile, vn muguet, vn jafard,
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68
l’amovr passionnée
Quelque gallant mufquè, compagnon du Renard,
Qu’vne ame valeureufe entièrement exquife.
Non, ce
n’efl point le fort, mais défi noflre fottife.
laiffons deceuoir la raifon à vn fard,
Aueuglans noflre efprit par vn efpoir baflard:
Car qui fe rend efclaue à peine efl en franchife.
Nous
(Ramefort) ie le fçay, i’ay tenté les ha jars,
L’ufage & le fçauoir font les maijlres des arts.
Dont fage déformais ie fcray comme en guerre.
Où deuant qu’affaillir on va toufiours fommer.
Ainfi, pluflofl qu’entrer en l’Amoureufe terre,
Les Dames me priront tres-humblement d’aimer.
Gentille fleur, courriere du Prin- temps.
Dont
le
Quand
nom efl duifable à m’Amie,
voy fur toute autre iollie,
Amans.
beau
ie te
Je te baifotte en l’honneur des
le fuis fi aife alors que ie te fens
Que ie beny ma douloureufe vie,
Par toy, Mignonne, efl mon ame rauie
Songeant à l’œil qui or’ te void aux champs.
Sur toutes fleurs tu parois la première,
Quelle Cyprine efgale ma meurtrière?
S’on ne te cueille, on te void tofl fleflrir.
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DE
N O E M
I
E
69
Si fa beauté de mefme n’eft cueillie,
En peu de temps elle fera fanie.
Donc par Amour
le l’œilladoy
Par
ie la
veux fecourir.
my-nue, efcheuelée,
vn pertuis defrobé finement,
battoit d’vn tel debattement,
Mon cœur
Qu’on m’eufi iugé comme en peur defreiglée.
Or
i’efloy plein d’vne
ardeur enflamée,
Ore de glace en ce friffornement,
fus rauy d’vn doux contentement,
Tant que ma vie en fujl toute pafmée.
le
Là follajiroit
le
beau Soleil ioyeux,
Auec vn vent (Zephyre gracieux)
l’or blond de fa treffe ondoyante,
Parmy
Qui haut volante ombrageoit fes genoux.
Que de beauteç ! mais
Ne me
permijl de voir
le dejlin
ma
ialoux
chere attente.
Voyant que ma douleur efloit continuelle,
Que ie dependoy tout paroiffant mal-heureux
Que preferiej la crainte au deuoir Amoureux,
(Chofe indigne d’ Amant fi braue & fi fidelle)
,
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j
l’amovr passionnée
7°
Pay iuré de quitter cefie amitié mortelle,
le pars vifie, en colere, indigné, furieux,
Je
fus cinq ou fix mois abfent de vos beaux
ma
Sans dire mes tourmens brouillans en
yeux
ceruelle.
amis, s’en doutans, pour me donner fecours,
Connoijfant bien qu’vn clou chaffe l’autre toufiours,
Me firent carefier me Déejfe grande.
Mes
l’auoy
le
Mais en
Me fifi
vent en pouppe affeurê d’vn beau port,
dÆole vn inuincible fort
defpit
r’ ancrer
au haure où
commande.
ta beauté
m
Comme
corps féminin que la mere Nature
N’a point fauorifé de prefcns gracieux,
S’efforce vainement d’vn art indufirieux
A
vouloir déguifer
fa première figure
:
par qui ma vie endure,
Sans efire attaind du dard du premier né des Dieux,
S’ombre inutilement pour complaire à mes yeux ;
Ainfi l’illufire honneur,
Car
la bonne amitié n’a point de couuerture.
dauantage ; hà! taife^-vous, mes vers,
decouurej l’ardeur qui vous rend fi diuers;
Si, faides, pourfuiue j, n’ayej aucune doute.
le fçay bien
Ne
permis de plaindre aux pauvres
De mefme aux Amoureux traifirement
Il efi
Mais non, ne dides
rien,
ma Dame
afflige {,
licence
nous efcoute
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!
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E
DE
N O E M
I
7
1
LETTRE A NOEMIE
Pourquoy n’excufcq-vous un Amant
Retiré loing
d’
Amour à
la
miferable,
guerre effroyable,
?
S’il fe plaint de fe voir cruellement traitté
N’a-il pas grand fubied de paroijlre irrité?
croit que, fi Dieu Jon deffein veut permettre,
Et Ji
Il
fera là plufiofi que cefte
trifie lettre;
Quand
il deuroit courir mille impiteux hasards.
Puis, après t’auoir veuë, il reuerra fon Mars.
y
Eft-ce faillir cela? S’il
a de l’offence,
Il s en faut prendre à vous, non à mon innocence
’
ne penfe errer difant ma paffion,
Auffi que i’ignoroy de vofire intention.
Que fage i’apprendray d’humeur plus continué
Puis
!
ie
:
Car, t’efcriuant icy, nouuelle m’efi venue
Que mon Prince efi mandé pour aller à la Cour,
Et moy par confequent pour te faire l’Amour.
En attendant cefi heur, ô doux feu de ma fiame.
Le crifiai de mes yeux, le foufpir de mon ame,
Efprit de ma raifon, plaifir de mes plaifirs,
Penfer de mes penfers, fouhait de mes defirs,
le vous prie & reprie, & par vous vous coniure
D’aimer Lafphrife ainfi que vofire créature !
le prie encor le Ciel, brillant d’ aimes clartés;,
Qu’il vous vueille enuoyer toutes vos volonté ;
q
Et vous baife cent fois, en humble obeyffance,
La
bouche, l’œil, la main, vous donnant affeurance
ie fus, que ie fuis & feray de bon cœur
Vofire à iamais, tout vofire, intime feruiteur.
Que
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l’amovr passionnée
7*
ELEGIE
me deliberoy de courre la fortune,
Non point fous Veftendart de Venus importune ;
Mais comme auparauant au milieu des hasards,
le
Suyure le Dieu guerrier, le pere des foldards.
Qui l’honneur immortel veut braucment acquerre.
Il fe doit hasarder au foudre de la guerre,
l'accomply mon vouloir, on le fçait, Dieu mercy 1
On m’a veu obeyr & commander auffi ;
Mais Mars ayant paffé fa colere fanglante,
Ainfi qu’vn bon Pilotte attaint de la tourmente
Craint d’approcher
L’air
doux
la terre, ainfi ie
redoutoys
Parifien, frequent feiour des
Rien ne fert quelquefois de caler toutes
D’ejludier
le Soleil,
Roys.
voiles,
d’efpier les efloilles,
D’ancrer hajliuement ou s'eslongner d’vn port,
Nous ne pouuons fuyr nojlre incertaine mort
Ainft pour dejlourner mon humeur Cyprienne,
:
Craignant de retomber en l’ardeur primerene,
le prié quelque Amy de m’ apprendre vn fejour
Defert, voire ennuyeux, feparé de la Cour.
Car ie fçay vrayement que nojlre nourriture
Surmonte le defir de la mere Nature,
le fus lors confeillé, pour vomir ma poifon,
D’aller couler le temps en vne gamifon
;
Que l on ne verroit là que corcelets, que picques.
Et que là n'eftoyent point de beauteç magnifiques.
Pauure mal-aduifé !
ie
me
confeffe lour,
le m’enquis de la ville, & non pas d’alentour
!
Deuoy-ie pas fonger qu’au plus près des efpines
Naijfent
les belles
fleurs
S
les
rofes pourprines ?
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Googl
E
DE
Aujffi,
On
7*
I
void plujieurs beaute j, belles parfaiâement,
Dont
m’a mis fous l’Amoureux feruage,
mon dommage.
dormyd’vn fort fomme mal-fain,
le lufire
Tefmoings
Si
NO EM
près cejle place aggreable vrayment,
ces dignes vers courriers de
ie n’euffe
connu mon defaflre prochain.
N’auoy-ie pas prefage, auant coureur fidelle,
Du mal-heureux mal-heur qui toufiours me bourrelle?
Le matin que i’ entré aux fiâmes de fes fers,
Vn de mes gens me mijl ma chemife à l’enuers.
Ce que ie vy premier, cefle ombreufe iournée.
I’euffe aifément
t
Ce fujl vue Chouette (ô veuê infortunée !)
Puis, la nuiâ, me fembla que i’efloy efchangé
En
petit ver à foye en mon ploton rengé.
Qui pourroit trouuer plus d’apparence certaine
D’vne douleur future ardemment inhumaine ?
le raconté mon fonge à mes plus familiers,
Qui ingèrent mes maux prochainement meurtriers,
Me prions pour le moins de changer de patrie.
Mais quoy! la vérité efi toufiours ennemie.
Pauure, qui ne fçait pas que l’on void de tout temps
Plufieurs Jignes certains, courriers des accidens!
Rien ne nous vient des deux qui parroijfe
Mais
Ma
Que
La
las! ie
me
déclaré
chemife à l’enuers
cefl
homme fort
efloit
inutile;
mal-habile,
ftgne euident
Amour
finiflre
fera comme le precedent:
Chouette efloit-ce pas encore
Vn meffager
certain d’vn mal-heur qu’on déploré?
Mon fonge Aurorien, qui m’efchangeoit en
Enfeigne ma prifon du tout à defcouuert.
Car
ver,
que le ver foy-mefme s’emprifonne,
Ainfi (ô mal-heureux!) i’ enferme ma perfonne.
ainfi
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;
.
l’amovr passionnée
74
Ce lieu n’efi enfermé comme le Pré Manceau
(Où ejl le fainâ Amour honorablement beau).
Mais il ne laijjc pas de refclauer ma vie ;
Théophile ejloit là, icy ejl Noemie,
Qui ne m’ejl pas plus doulce, encores que
Ne Vaye
le
fort
captiuée en fi cruel effort.
S’elle ejl auffi retiue en V Amoureux office,
le ne
ie luy feray feruice
veux pour néant me reuoir enflamé
C’efi
le
D’vn Adieu reuerend
.
propre d’vn fot d’aimer fans eftre aimé
le donne à
Mon
La
ma
Déeffe,
!
ouurage de Pandore,
efprit que l’honneur daigne bien honorer.
liberalle auffi,
pour me rémunérer,
M’offre fa grand beauté qu’ uniquement i’adore.
Fauorable defiin ! ce prefent me décoré,
Me faifant comme Amour clairement defirer.
Le mien plus haut-volant la faiâ tant admirer.
Que comme vn fier ialoux Apollon m’enuie ore.
Bénifi foit doncques l’an, le mois, l’heure, le iour
ie vy les douceurs du fauorable Amour !
Que
Benifi foit
Et
le
pays de fa
belle naiffance,
tout ce qui agrée à l’afire de
fes yeux,
Voire ce beau vallon, fejour délicieux,
elle me promijl la douce iouyffance.
Où
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DE NOEH1E
7^
Ha! mon Tovt, ha! ie meurs!pour Dieu,fecoure^-moy,
Si ce
O
n’ejl l’amitié, la pitié
l’amc de
De fecourir
mon ame,
vous conuie ;
hé! n’as-tu point d’enuie
celuy qui trefpajje pour toy?
Pourquoy m’es-tu cruelle ? Hé! ie ne fçaypourquoy,
Si i'ay failly en rien, dy-le, ie te fupplie !
Mais hajle-toy, m’Amour, mais hajle-toy, m'Amie;
Car ja défia la mort me talonne chej foy.
Vrayment
ce te fera vne
pauure
victoire
D’ejleindre le flambeau qui fait luyre ta gloire
;
u perdrois ton honneur, approche donc, mon T ovt,
T
Et me baifotte vn peu de ta bouche mignonne,
Frayant mignardement, langues bout contre bout,
Vien, l’Amour en bon lieu ne redoute perfonne.
Jamais ne me
Nager à mon
veray-ie, après tant de regrets,
plaifir dedans l’ Amoureufe onde,
Pignotant, frifottant ta cheuelure blonde,
Preffottant, fucçottant ta bouchette d’œillets!
Mignottant, langottant, ammorcillant l’acçès
;
Mordillant ce teton (petite pomme ronde),
Baifottant ce bel œil (digne Soleil du monde),
Follaflrant dans ces draps délicatement nets?'
Ne fentiray-ie point,
auec mille careffes.
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l’amovr passionnée
76
Le doux chatouillement des plus douces
Ne feray-ie Amoureux mignonnement
lieffes
?
aimé,
Receuant le guerdon de mes loyaux feruices.
Remuant, ejlreignant, mignardant les delices.
Haletant d’aife, efpris, vaincu, perdu, pafmé ?
CHANSON
Sus, baifotte^-moy, m’ Amie,
Approchez-vous, ma douceur,
Ce gay Printemps nous conuie.
Embrafiez~moy donc, mon cœur.
langue en
Frayez
ma
bouche,
Sucçottez-moy, ferrez~moy,
Et d’vne belle efcarmouche
Donnons congé à l’efmoy.
Voyez
Voyez
Voy
Voy
la
le
Voyez
la
gaye Aronde lie.
l’ardent Pafiereau,
chajle Tourterelle,
Jimple Colombeau,
toutes chofes en
Iouyfient du
doux
fomme
plaifir,
Fors que moy mi/erable homme,
Et vous fans aucun dejir.
Allons nous feoir à F ombrage
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;
DE
N O E M
I
E
77
Près des gaqouillans ruijfeaux;
Venus aime le riuage,
Car
elle nafquijl
des eaux.
Non, ne bougeq d’où vous ejles,
Les Abeilles vont aux fleurs,
De mefme mes Amourettes
Se défirent aux verdeurs.
Quoy?
tu ne fais point refponce,
Ton cœur n’efl donc refiouy?
Mais la femme ne prononce
Au
premier baifer, ouy.
DIALOGUE AVEC ECHO
ma parolle,
Et refpons fans faintife à l’ardeur qui m’ajfolle,
Toy qui vois & entens les ruijfeaux de mes pleurs
Et l’éclat de pitié que pouffent mes douleurs
S’il te plaifl d’éclaircir ma douteufe lumière,
Echo
la defolée, efcoute
>
Reconnoiffant ce bien ie te maintiendray chere.
Dy-moy,fuiuray-ie encor l’Amour que ie pourfuy?
écho. Suy.
Mon
cœur en fera-il quelquefois refiouy ?
écho. Ouy.
Qui recompenfera mon
feruice fidelle?
écho. Elle.
deuiendra donc fa cruauté rebelle ?
écho. Belle.
Et que
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,
l'amovr passionnée
78
Qu’auray-ie incejfamment du feigneur Cupidon ?
écho. Don.
le ne laifferay donc l’honneur de fon renom ?
écho. Non.
Ayde-moy donc, Phœbus, à fin que ma Maifireffe
Qui change fa rigueur en plaifante allegreffe,
Viue éternellement ; car l’Amoureux obieâ
(Trop fertile argument, & trop fécond fubieû)
M’a faiâ mettre long temps fous ton obeyffance,
Et toufiours vn bienfaiâ mérité recompenfe.
CHANSON
Ma
maifireffe,
Ayant fon
mon foucy
air addoucy,
M’appelloit vn iour fon ame,
Son cueur, fon tout & fa fiame.
le luy dis foudain alors,
Approchant de fon beau corps,
Embraffe-moi, ma chere ame.
Mon cueur, mon tout & ma fiame ;
doux commencement.
Et plus doux acheuement,
le perdis adonc mon ame,
Mon cueur, mon tout & ma fiame.
Puis, d’vn
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!
DE
M’ Amour,
N O EM
tu as trahy
ma
le brusle t’œilladant, certes
Voy ma
1
E
79
ieuneffe
ie
;
peu caute
n’en puis plus,
couleur changeante & voy mes fens efmeus,
du péril de l’aggreable faute.
le fuis près
le ne quiers ft tu es Papijle ou Huguenotte,
Amour n’a point de loy. Mal-heureux font tenus
Ceux
qui ne font fubieâs de la belle Venus,
Qui fuit l’ombre d’honneur comme vne chofe fotte
Quel bon-heur, quelle ioye
C’ejl vn abus
Où l’Amour
commun
efl
!
ejl-ce qu’on en reçoit?
qui les femmes déçoit,
vn bien qui refiouifl noflre ame.
C'efl trop diâ, ie
me perds, ha mon Dieu! ie me
me pafme:
meurs,
le fens vne liqueur qui doucement
Bien heureux qui finijl entre tant de faueurs
Quoy ? qu’efl-ce que cecy, ma Mignonne, es-tu folle ?
Ne te mocques-tu point? penfes-tu appaifer
L’audace de mon feu par vn fimple baifer,
D’vn gracieux regard, et vne douce parolle?
Ni pour
Ne
la
compagnie
! il faut que ie t'accolle.
defcouure ; on ne peut l’aduifer,
plaijl ore auec toy deuifer
crains qu’on
Selon qu’il
AJfis
fur
me
le
cejle chaire
aggreablement molle.
Puis chacun parle à part, s’entretenant tout bas;
Faifons ainft afin qu’on ne s’en doute pas,
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l'amovr passionnée
8o
Prenons
l'occajïon qui
douce nous faluë.
Là, feignant d'admirer ton bel entendement.
Te ferrant près de moy, i’haufferay virement
Ton
linge délié
par
ta iuppe fendue.
me fens bien-heureux en mon trijle mal-heur,
Quand ie voy ton feiour & lors que i’y arriue.
le
Si
Vn
ie
prens vn baifer de ta beauté naïfue,
baifer defrobé qui efl beaucoup meilleur,
Vne efpingle me femble me grande faueur,
Ayant tout à l'entour de ta douce faliue,
Que ie mords, que ie fucce, efpris d’vne Amour viue,
Que i’ attache fur moy au plus près de mon cœur.
Non point pour me
feruir d’vn fouuenir notoire,
(Les Dieux en foyent loüej) i’ay l’heureufe mémoire,
Et
certes ie ne fuis que trop ingénieux
!
le voudroy bien fouuent n’auoir tant de ceruelle,
le ne
Ni
comprendroy point ma fortune
defreglé du régné vicieux.
cruelle,
l'eflat
Qu’en dites-vous, mon Cœur ? le vous pry’ de le dire.
Quoy ? vous refue\, ce femble ? O quelle ejlrange humeur!
Mais ce beau teinâ changeant m’auant-court vn bon-heur,
Et ce vent tremblotant qui doucement foufpire.
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,
DENOEMIE
8
1
Las!
ce bel œil baijfé, dont le iour fe retire
Pourrait bien mejjager quelque ejlrange douleur !
Non , ce foufris bénin prefage vne douceur,
Pour donner à ce coup trefae entre mon martire.
Quoy? vous ne diâes rien?
taifl il confent; vous le voulez donc bien.
Approche-toy, m’ Amour, baife-moy, ma chere amel
Parler donc, mon foucy.
Qui fe
me veux enyurer de la douce poifon.
Qui tant & tant de fois fuborna ma raifon....
Seigneur Dieu, ie me meurs, ie me perds, ie me pafme!
le
veux plus aucunement mefdire
mere au folia (Ire Garçon,
yuoire beffon,
Vne bouche poupine où l’humble Amour foufpire.
le puis, ie ne
De
la DéeJJe,
le baife maintenant vn
Tantofl ie meurs rauy quand la Belle m’admire ;
Tantofl nous difcourons d’vne braue façon,
Et tantofl nous parlons en langage enfançon,
Qui fert d’vn doux appas en Amour qu’on
defire.
Tantofl, en folliant, (Dassez) nous nous baillons
Mille beaux petits traiâs, mille gefles mignons,
Mille ioyeux brocards, mille œillades exquifes.
Tantofl nous difons haut des propos inconnus.
Si ce n’efl à nous deux chers enfans de Venus ;
Puis tantofl nous venons ioyeufement aux prifes.
6
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;
l’amovh passionnée
82
mé, mé, bine-moy ; bine-moy, ma pouponne,
Cependant que Papa s’en efi allé aux champs
ne le fo^a pas, il a mené fes gens,
Bine-mé donc, Maman, puij'qu’il n’y a paffonne.
He !
Il
Ayant frayé l’œillet de ta leue bejfonne,
Je me veux regadé en tes beaux yeux luyfans ;
Car ce font les mifoirs des Amoufeux enfans,
Après
ie
modefay
ta goge,
ma
menonne.
Soudain ie laichefay ton ioliet tetin,
Puis ie chatouillefay ton beau petit tounin,
Maintenant de ma pine, ores de ma menotte.
Si tu n’accode à moy, le folâte Gaçon,
Guefiffant mon bobo, agadé tu es fotte ;
Car l’Amour fe fait mieux en langage enfançon.
Au Ciel de voq beauteq l’Amour me déifié !
Preffe-moy, ferre-moy, tiens-moy, ioins-moy,
Car ja défia ie fens vne douce liqueur.
Qui donne enfemblement & la mort & la vie.
mon cœu
Sois plus prompte au combat;
ie trefpajfe d’enuie,
veux amortir ta prochaine chaleur ;
donc, d’vn bond mignon incite ton ardeur,
d’vn bransle poupin plein de douce furie.
le ne
Là
Et
Touftours
ie
temporife en vn fi beau defir,
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Googte
E
DE
NO E U
,
83
I
Pour rendre plus parfait vn fi plaifant plaifir,
Et pour le faire aufii de plus longue durée.
Mais Vaife
toutesfois
me
tranfporte beaucoup,
le n’en puis plus, follafire, ho...!
Vous l’auez trouué bon,
ie
meurs à ce
fucrée ?
coup...!
ma petite
Ma follafire, me
nuiâ, auoit fi grande enuie
fureurs de ce mauuais Garçon,
trouuer pour payer fa rançon.
Hasardant fon renom que l’honneur glorifie.
D’efchapper
Qu’elle
les
le vint
Hà mes yeux! h à mon cœur! hà mon
Tout! ha
ma
vie!
Hé mon
Las,
bien! hé mon fils! hé m’ Amour, mon mignon!
mon Tout! las, moy-mefme, hélas, cher compagnon!
Faifons à corps perdu l’aggreable
Ce
Le petit
difant le baifa,
&
puis mena
follie.
tout
doux
capitaine au ioly rendez-vous,
Qui, fier d’vn triple coup,
fifi
vn nouueau deluge.
Quel heureux paradis, d’allegrejfe luifant !
Puijfé-ie donc toufiours en vn fi beau refuge
Trefpaffer au trauail d’vn plaifir fi plaifant !
C’efi beaucoup vers les Dieux de douceur fauorable
S- gaye honnefiement
Gracieufement graue, affable priuèment,
D’efire belle, opulente
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l’amovr passionnée
84
De
fortir d’vn beau
fang noblement honorable.
Cejl beaucoup vers les Dieux de paroiflre aggreable,
Dire bien à propos, d’efcrire fçauamment,
Luire en discrétion d’vn braue entendement.
Et mignonne & mignarde ejlre toute amiable.
Cejl beaucoup, mais c’ejlplus à la Dame d’honneur,
D’auoir vn Paladin, fidele feruiteur,
Qui donne abondamment les delices friandes.
Douce vertu qui rend
Mefme
Deite^
les
Que vous aueq vn
;
les plus parfaids ialoux,
donc en vous vantez-vous
bien enuié des plus grandes.
Hà
Dieu! que i’ay de bien alors que ie baifotte
ieune folion dedans vn riche liâ.
Dieu! que i’ay de bien en ce plaifant conflid.
Perdant mon plus beau fang par vne douce flotte.
Ma
Hà
Hà Dieu! que i’ay de bien lorfque ie la mignotte,
Lorfque ie la chatouille & lorfqu’elle me rid.
Hà Dieu! que i’ay de bien, quand i’ entends qu’elle diâ
D’une foufflante voix Mon Mignon, ie fuis morte!
:
Et quand
ie
hà Dieu! que i’ay de bien
mocquette en m’efbattant pour rien.
que i’ay de bien de pinçotter fa cuijfe,
n’en puis plus,
De faire
la
Hà
Dieu
!
De
lecher fon beau fein, de
mordre fon Tetault.
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.;
DE
N O E M
85
'
E
I
Hà
Dieu! que i’ay de bien en ce doux exercice,
Maniant l’honneur blond de fon petit Tonnault!
I’ay mille
Le beau
&
mille fois baifé
petit connin de
ma
&
rebaifé
gente Maijlreffe
le l’ay tant carejjé de fi douce car efie,
Que mon feu violent s’efi vn peu appaifé.
Mais
fi ie
fuis vn iour de fon iour deuifé,
ayant
le brusle à petit feu
trifie liefie ;
Car ie pers maugré moy la fécondé richefie,
Ce doux flux qui d’ Amour a fon nom déguifé.
le ne
fay,
Qu’en
ie
ne dy, ie ne penfe & ne fonge
en moy, qui toute en moy fe plonge.
elle tout
Sans
elle les plaifirs
Sans
elle ie
defplaifent à
mes yeux.
ne fuis point fans elle
en extafe en vn goulfre orgueilleux ;
ie
comme
me faut donc, pour efire, accompaigner ma Belle.
le fuis
Il
ne fuis,
Faiâes-moy
cheualier, accoleq-moy,
ma
Belle,
le l’ay bien mérité en ce combat dernier,
Qui
s’efi efprouué braue en duel fingulier,
Eft digne de damer la fimple damoifelle ;
Mon fçauoir
Ma
naturel,
mon amour
gentille valeur, redoutable
naturelle,
au guerrier,
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;
86
l’amovr passionsèe
Demande l’accolade & le noble collier,
Non d’vn Roy, mais d’ Amour qui tous les Rojrs
exce
AuJJi en ce bon-heur ejl fondé mon fouhait.
Quelque affamé d’honneur, qui n’a iamais rien fait,
Riche pourra l’auoir par faueur éblouye.
veux feul ce beau grade, honorable toujîours,
Sus, accole^-moy donc, afin que ie me die
le
L’vnique cheualier de la
Royne
d’ Amours.
Hé! que n’efioy-ie aueugle & plein de furdité.
Quand ie veis ces beaux yeux, efiincellans d’enuie
De iouyr
des douceurs lumière de la vie,
Et quand
i’ouy ce mot que i’ay tant fouhaité !
En peu
de temps
i’eujfe
eu l’aggreable fanté
le ne ferois épris d’ardente ialoufie,
Qui me fait (Belleville) entrer en frenaifie,
Mefmes efiant au liâ fanglamment arreflé.
Voulant
Car mon
me
contenter elle attriple mes peines:
efprit ejl gros de fureurs inhumaines.
Quel extrefme tourment
ejl
comparable au mien ?
au moindre bruit, que l’on baife ma Dame
Viue le defefpoir ! quand ie n'efperoy rien,
le n’auoy tant de mal, ni au corps ni à l’ame.
le penfe,
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DE
A
moment
tout
De
la
NOEH1E
87
i’auois toute nouuelle,
beauté qui embellijl
le iour,
Et qui alors demouroit à la Cour,
Dont en mon mal i’eu faueur immortelle.
le m'ejlonnois d’vne vifite telle,
(Eflant fain prefque, & près de fon fejour)
Lors que Svzon, mejjagere d’ Amour,
Arriua feule encore de par
Me
De
comme ayant
elle ;
Clef de fon humeur,
l’a dit ejlre en foupçon de fon cœur,
moy logé chés vne belle hofleffe.
Qui,
Quoy ?
la
le Soleil doit-il ejlre
ialoux
U vne EJlincelle? Or, dolent de fes coups,
le
m’en allay où voulut fon
Alteffe.
Quand le iour ejl leué ie deftre la nuiâ,
Pour ne voir point l’orgueil d’vne trouppe importune.
Et, quand
il
(Chandelle
ejl
aux
couché, l’argent vif de la Lune,
efpions) trop clerement reluit:
Ainji, Villegomblain, toute chofe
Si bien que
le
bon-heur
Ne pouuant pas, fuyvy
me
nuit,
me femble
vne infortune,
de l’ardente rancune,
Iouyr des biens qu’ Amour m’a doucement produiâ.
Que maudite foit donc
cefie race ialoufe
!
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l’amovr passionnée
88
Que
la pefle, la
L’amoruide,
rage
&
la lepre l’efpoufe !
le tac, la laide
pauureté
!
la peur, l’auarice, l’enuie,
Que l’efpoir, que
La tenaille toujours
Sans
d’vne immortelle vie,
moment de fanté
qu’elle puiffe auoir vn
!
le veux pour ne voir point ce troupeau charitable
(Mais plujlojl enuieux de mon defir gaillard),
Loger loing de la cour, en vn bois à V efcard,
Ou feindre ejlre guery de mon mal honorable.
Là ma douleur fera beaucoup plus fupportable.
Bien que ie n’entreuoye Amour m’aimant fansfard.
Peinds-moy donc (Dv movtier) tout ioyeux & fongeard,
Tenant vne grenade efiant en champ de fable.
Puis, pour reprefenter mes effranges dejlins,
Peinds le chef de Gorgonne auecque deux Daulphins,
Qui feront près de moy, fans mes liberté^ franches.
Endurant accablé tant de bifares coups,
Et tout le monde encor eft de mon bien ialoux ;
Car quand l’arbre efl à bas vn chacun court aux branches.
Grand Dieu
viuifiant,
Seigneur,
le rends grâces (deuot) à ta
Qui m'a
leué
du liâ où
ie te
falué,
fainâe bonté,
i’efloy arrejlé,
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,
DE
NOEM
Sans penfer recouurer
1
E
89
ma fanté
difparué.
fembloy à celuy que la marine efmeué
Outrage incejfamment, deçà, delà porté,
Qui plus vogue plus ejl des ondes agité,
Sans efpoir d’aborder à la rade connué.
le
Et
en vn tourne-main il void calmer les flots :
Ainfi tu m’as donné l’aggreable repos
Auec
la
guerifon de la mortelle playe,
Qiiand i’efperoy le moins le doux foulagement.
donc perdre cœur au comble du tourment ;
Nature par miracle à l’heure nous égaye.
Ne faut
veux fourmiller en ton ioly fourneau ;
quoy efleindre & allumer la flame.
veux chatouiller iujqu’au profond de l’ame
Et vous faire mourir auec vn bon morceau.
Ça,
Car
ie
i’ay de
le vous
Ma petonne,
inuentons vn pajfe-temps nouueau.
Le chantre ne vaut
Faiâes donc
le
game ;
dame
rien qui ne dit qu’vne
feigneur,
Serreq, pouffeq, entrer
&
&
ie
feray
la
retireq tout beau.
le remu’ray à bons d’vne vifteffe ardente,
Nos pieds entrelaceq, noflre bouche baifante,
La
langue fretillarde ira s’entremouillant,
louons
affls,
debout, à coflé, par derrière,
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l’amovr passionnée
go
(Aron à
l’italienne)
&
toujours babillant.
Cejle diuerjité ejl plaifante à Cythere.
O qu’il eft doux le plaifant ieu d’aimer!
Qui eufi penfé vne telle delice?
cela que l’on appelle vice,
Si
c’efi
Le
vice ainfi ioye fie
Il falloit
donc
le
peut nommer.
faire plus amer,
Chagrin, pleurant, mauvais, plein d’artifice,
Non gay, riant, naturel, fans malice,
Comme eft l’Amour qui me fait enfiamer.
Si
La
le vice eft
d’auoir douce ailegreffe,
Vertu donc
eft pleine
Chaque chofe a fa
Si Vertu pleure
&
de trifieffe;
contrariété.
que
le vice rie,
Le Philofophe eft gonflé de folie;
Car rire duift à noftre humanité.
CHANSON
O
que
c’eft
D’eftre bien
En
chofe belle
Amoureux,
iouyffant de celle
Dont on
eft
defireux ;
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,
DE N0EU1E
Ceft
Et
la
9‘
douceur naïfue
la fuperlatiue.
Mais
las ! quel plaïjir eft-ce
U approcher au matin
Sa
gentille Maiflreffe
Mordillant fon tetin,
Puis donner fur la couche,
La
iolie
efcarmouche ?
Et fur V après-dinée
La mener dans le bois,
Puis l’ayant proumenée
L’embraffer quelquefois ;
Quand la Dame efl vejlue,
L’Amour s’en éuertue.
Lors que
l’on la defrobe
Vejlue richement,
Le fricfric de fa robe
Eguillonne l’Amant,
les ramages
oyféaux fauuages.
Entendant
De
mille
Là, là l’on fe baifotte
Bien mieux que fus vn liû ;
On
void l’Amour qui flotte ,
L’on
babille, l’on rid,
On fe mire
en la veuë,
Donnant à l’impourueuë.
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l’amovr passionnée
91
Parcequ’ Amour a des ailles,
Et qu’en Cour ne faut voler,
( Cela s’entend deceler
Ses douces fureurs iumelles).
Il nomme vn Povlet toujours
Sa brefue lettre ajournante :
Car il ne vole & ne chante
Et fe muffe aux fins détours:
Au]/i que
pour peu de chofe
L’Amour fe metamorphofe.
POVLETS COURRIERS D’AMOVR
De
prolonger tu t’abufe.
Le pluflofl efl le meilleur.
Le temps s’en va qui tout vfe,
Et fi faicl changer d’humeur.
mon mignard, pour payer
Tant & tant d’Amoureufes debtes,
bien me fay vijle enuoyer
Vole,
Ou
De
bons refpondans
Ce font Poulets
Empennej
tels
d’ Amourettes.
que vous
Chantans en de riches
Ou
efles,
des plumes d’ Amour,
tablettes.
papier doré tout autour.
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;
Alors que viendrez l’approcher,
Sufon, gardes; bien qu’il ne crie
Feigne \ de vouloir attacher
La manche richement garnie,
Puis fourre {
EJlreignant
le
le
poulet foudain,
le lis
de fa main.
croy qu’on a couppé
Au courrier
de
mon
l’aille
defir,
Puis que ie n’ay pas nouuelle
De mon aimable plaifir ;
Mande-le-moy, ma mauuaife,
Si tu veux que ie m’appaife.
Ce Poulet plus heureux que moy
S’en va où
Par luy
ie
n’ofe paroi /ire;
verrez
le trifle
efmoy
Qu’a voflre feruiteur fon maiflre
Prenez le temps fauorifé
Pour venir à la mafcarade ;
Vous m’y pourrez voir deguifè.
:
Et y guérir mon cœur malade.
La
On
bonté gifl en l’ame intérieure;
ne fçauroit bien iuger d’vn beau corps
l’amovr passionnée
94
De
La
au dehors.
au dedans plus feure.
ce qu’on void feulement
feureté
Donc
(Qui
Ne
eft
ta beauté, des beauteq la meilleure,
ejl
emprainte en mes efpris accors)
doit m’orner d' extérieurs threfors,
Puis qu’aux penfers
Non,
ma Mignonne,
ie te
il
baife à toute heure.
n’ejloit
pas befoing
(Bien qu’ô malheur! ie fois de toy fi loing)
De m’enrichir de ta monjlre fornante,
Pour
à ton doux fouuenir.
m’éueiller
L’heure en
A
tous
Quand
Amour
ejl
trop longue à venir,
moments l’Amant fonge en l’Amante.
ie
me plains à
vous de vofire négligence,
Mefprifant refolu l’irrefolution,
Vous m’accufe f toufiours d’vne indifcretion,
Et
ne confidere \
Vous diâes que
ma
le
cruelle fouffrance.
temps donnera l’allegeance,
Que ie modéré vn peu ma grande paffion,
Que ie ne dois douter de vofire affeüion,
Et que ie m’entretienne en heureufe efperance.
moy ie diray mieux:
; mais
faut que vous facieq d’vn art ingénieux
temps
beau
que
vofire foy m'affeure.
Approcher ce
C’efl bien parler cela
Il
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,
DENOEMIE
g5
Comme
vn bon Médecin pour plus eflre ejlimé,
Auance
la
fanté du malade enflamé,
qui aydent à Nature.
Par de fubtils moyens
Si i’auoy le pouuoir comme la volonté
bien tojï r orgueil de mon martyre,
EJlrange paffion que Von ne fçauroit dire,
Comme incomprehenfible en fiere extrémité.
V appaiferoy
Vous feriez chaque nuiâ couchés à mon cojlé ;
Nous cueillerions lefruiâ que nojlre cœur defire ;
Le iour nous ne ferions que danfer & que rire,
Que chanter, que eaufer de quelque nouueauté;
Que
ioüer diuers ieux auecque mignotife ;
Cela mettroit
le bois
au feu de friandife,
ri auriez point foucy
Vous
d’vn train tout-confommant.
Ni de
Ma
baifer vn fot. Voflre plus grande affaire,
Dame, ce feroit feulement de vous plaire,
La mienne
ce feroit vous plaire feulement.
En mon affliâion mon ameejl rejiouye,
Au feiour de mon cœur où ie vay finement ;
Car là l’occafion me fait voir viflement
Ce beau petit mignon, cher honneur de m’Amie.
le le baife foudain,
foudain
ie le
manie,
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,
l'amovr passionnée
96
yeux & des mains humblement ;
Après, d’aife rauy, ie m’en vay bellement
Par chemins defiournej, craignant que l’on m’efpie.
le fais ainji des
Quand
ie
fuis retiré d’vn fi plaifant fejour,
le rumine les biens que i’ay eus de m’ Amour,
A
qui
Puis
le defiin
i’inuente,
veut que toufiours Vobeyjfe.
amoureux,
cent mille inuentions.
Afin de la revoir fans foufpçonneux indice,
Et afin de garder nof belles paffions.
Ne penfe%, fainâ Thomas, ne penfej, S. Sauueur,
Que
fainâe Eglife,
que beaucoup, vous prier fans faintife.
Vaille quelquefois en vofire
Pour,
ainji
De prier Dieu pour moy
le ne ment iray point, i’y
Où
la
blanche vertu eft dignement éprife:
me tyrannife,
Car le defiin ialoux ore
Si bien qu’en autre lieu
Et
miferable pecheur.
vay pour voir mon Cœur
ie
n’ay
cefie
faueur.
bourreaux de l’ennuy qui me tué,
n’ofe encor ouurir du tout la veuë,
l’vn des fiers
Cefi que
ie
Parce qu’en l’œilladant (tefmoing d’affeâion)
Le fang me monte au
teinâ,
& i’ay peur qu’on
Aimant trop mieux mourir
Que
l’on
fafchafi
ma Dame
le
voye.
(tant i’honore fa ioye)
à mon occafion.
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DE
Mignonne,
Et
ie
N O E K
1
me meurs quand
qu’il ne m’efi permis,
par
B
97
ie te
voy
fi belle.
parens ialoux,
tes
De baifotter ton teinâ aggreablement doux.
De me mirer au iour de ta gaye prunelle.
Mignonne, ie me meurs alors que Vefiincelle
Du rayon de tes yeux me conuie aux bons coups ;
Mais ie me meurs furtout quand, pris d’vn beau courroux,
le combats auec toy ma partie immortelle.
Mignonne, ie me meurs après ces coups friands.
nos ioyeux regards, de nos propos rians,
tant dtesbas fucreq, de tant de follatrie.
De
De
ie me meurs
y fongeant feulement ;
Et fi, ma foy, mon cœur, c’efi là ma feule vie ;
Mignonne,
La
belle
mort
d’
Amour
efi le
contentement.
Où font les beaux difcours de ce beau fouuenir?
Aueq-vous oublié la delice pajfée?
Vous efies pareffeufe ; hà ! vous fereqfeffée!
Vrayment vous en aureq fi
Par
ie
vous puis tenir.
Amour
abfent fe veut entretenir,
le connoy bien que c’efi; vous efies courroucée
lettre
De me
Au
voir loing de vous,
mon
trauail de la guerre, où
il
te m’en doy- plaindre à vous, qui
vnique penfée,
faut paruenir :
comme
bien nourrie
7
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Google
,
,
.
l’amovb passionnée
98
Me
deue\ confoler par quelque lettre amie,
Difant que mon honneur vous fera honorer,
Qu’il faut prendre courage auecque patience.
Qu’on n’acquiert les Lauriers fans beaucoup endurer,
Que
meilleure
efl
après la bonne iouy-Jfance.
Je fuis défiguré d’vn defafire inhumain
Dont
l’on
me
mefconnoifi là où
ie
foulois efire,
Ne faifant qu’entrevoir le lieu d’ Amour mon maifire.
Quand i’y fuis (Sainct-vincknt) ie m’en reuiensfoudain
Encor n’y puis-ie aller fans vn figne certain,
Ore vn vafe d’argent deffus vne fenefire,
Ore vn chaffis hauffé, & craignant de paroifire
Il me faut déguifer du iour au lendemain.
le m’habille à cefie heure en
homme mechanique,
Tantofi en Procureur qui pourfuyt fa praâique.
Et Dieu
Que
Que
fçait feulement
ma
dure paffion .
de fois, eftourdy, ie trauerfe, ie tourne
de fois renfrongné çà & là ie fejourne.
Attendant
le
fignalde chauue Occafion
l
!
Maintenant que ie fuis par vn Vulcan ialoux
Abfent de vos beautej, adorable Maifireffe,
V ay lafiebure en
l’efprit, i’ay
au corps
telle oppreffc,
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Googti
;
DE NOEMIE
•
Mais
vojire feule idée alentira
le ne treuue tel bien que
Aux
Aux
Aux
quand
99
mon poux.
ie
penfe en vous,
plaifirs fouuerains de la gente carejfe,
diuerfes façons de noflre douce greffe,
baifers babillars que faiftons à tous coups,
Aux Jignes, aux regards, aux mots hieroglifiques.
Aux endroits confacreq, aux lettres héroïques,
En
ce
profond penfer
Si bien
qu’il
Dont pafmé
ie
me
fuis refiouy ;
me fembloit
i’ajr
fuccer ta belle bouche,
fouillé l’albajlre de ma couche:
Ainji (vertu d' Amour) i’efgare
mon ennuy !
Entre tous mes trauaux mon plus cruel tourment
Cefl
qu’il ne m’efl permis de
le n’ofe defcouurir la
Ni
nommer maMaiJlreffe,
me bleffe.
douleur qui
l’incroyable ardeur de
mon
dueil vehement.
croy bien qu’on fçait bien que i’ adore ardemment;
Mais on ne fçait pas où, ni qui ejl la Déeffe
Déguifée en mes vers, craignant qu’on la conneffe
Car ie veux obeyr à fon commandement.
le
Cefle difcretion, ferme-bouche à l’enuie,
Ne me poind fans
Et qui
O
n’ejl
raifon intereffant
ma
fçeue encor que du cœur de
qu’ Amour monjlre bien
vie.
mon cœur.
fa grandeur admirable !
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:
:
l’amovr passionnée
IOO
En
,;
quelque lieu qu’il s’ancre,
Et (Gordes) comme
vn Dieu,
ejl
il
il
grand, immuable
pardonne à l’erreur.
Si vous ne connoijjie\ l’amitié qui m’enflame.
Et l’immuable roc de ma fidelité,
Si vous ne iugiez bien ma franche intégrité,
Et ce que i’ay de beau pour l’honneur d’vne Dame
Si
la
Ne
longueur du temps que i’afferuy mon ame.
ma blanche fermeté,
tefmoignoit ajfeq
Si le difcret Amour que ie vous ay porté
Vous eufi faid feulement l’ombre d'vn petit blafme:
Si vous ne fçauieq bien quel ie fus, quel ie fuis
Et fi vous ignoriez mes pleurables ennuis,
Aux chemins defioumez de ma rage Amoureufe
Si vous n’imaginiez ces obligations,
le vous excuferoy, petite pareffeufe.
Et prendroy patience en mes afflidions.
le n’ay pas craint de perdre
ma fortune.
Abandonnant la Court de mon Seigneur,
le n’ay pas craint d’efgarer mon honneur,
Chery de Mars, de Miner ue & Neptune
le n’ay pas craint l’impiteufe rancune,
Ni d’approcher
la mortelle
douleur,
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Google
DE
'»
'
K OE M
*
,
,
t
lOt
K
•
,
.
En
t’embrajfant de gayeté de cœur,
laloux gonflé d’vne rage importune.
le n'ay
pas craint de
mon
laiffer
D’oublier Dieu, mes parens
pais,
& amis,
ma vie.
Defpendant tout au péril de
Bref ie ne crains ce qu’on doit redouter,
Pour te feruir & pour te mignotter.
Pour f obliger à demeurer m’ Amie
fçay bien, ie croy bien qu’il n’efl rien de fl beau
Que ta grâce apparente humblement recherchée,
le
bien, ie croy bien que ta beauté cachée
douce delice au Dieu porte-bandeau.
fçay
le
Efl
la
Sçache 7, croyez
Qu’il n’efl
auffl,
mon vnique flambeau,
Dame d’honneur, tant foit-elle bien née,
ma Dame fortunée,
chere Amour d’vn Paladin nouueau.
Heureufe plus que vous,
Eflant la
'
*
'
.
•
»...
Qui pourrait fouhaitter vne chofe plus belle,
Qu’vn honorable Amy difcretement fidele,
Qui loing efl en s’ Amie & ne veut que fon vueil,
Souhaittant fon deflir, efperant fon attente,
Qui parle par fa bouche, & qui void par fon œil,
Qui aime mieux mourir
qu’elle Je mefcontente
?
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,
f
l’amovr passionnée
02
Il ejl
,
vray,
ie le
veux, vous ejles bien jolie.
Vous joüej bien du Luth, vous chante% doucement.
Vous dites mots nouveaux, vous danfe q grauement
Vojlre riche beauté paroijl toute accomplie.
Mais vojlre plus grand bien
Inuiolable
Amour que
ie
c’ejl cfejlre bien
m’Amie,
fers brauement,
Heur que
vous n'efperieq dès le commencement,
Sçachant que l’Amitié d’vu digne homme s’enuie.
Garde^-moy donc, ainfi que l’habile guerrier,
Qui gaignant au combat quelque bon prifonnier
Sans l’outrager, foigneux, le nourrijl amiable.
Si ie n’égale, Amour, l’opulente grandeur.
Si ne le quitteray-ie en foy, ni en honneur,
braues pompeux de la terre habitable.
Aux plus
M’ Amour, quand vous ferieq la Royne vniuerfelle
On ne vous feruiroit de plus d’affeâion.
De plus humble refpeâ, de bonne intention,
De plus braue dejir, ni d’ardeur plus Jldelle.
Vous ay-ie oncques parlé, dides, Madamoifelle,
Qu’en toute reuerence & fupplication ?
Ay-ie oncques faid vn pas fans la permiffion.
Durant le temps ferain de nojlre Amour nouvelle ?
Apres, qu’ ay-ie entrepris qui vous aye defpleu
?
Ay-ie penfé, fongé, ay-ie did, ay-ie veu
Digitized by
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DE
N
O E M
I
io3
E
Chofe indigne de vous aggreablement pure ?
Combien, combien de fois ay-ie efcrit, arreflé,
Pour apprendre l’honneur de vojlre volonté,
A eaufe de plufieurs furuenans d’ auenture ?
Le merueilleux Démon,
C’efl cefl
Amour
le
qui rend
plus puiffant de tous,
les
chofes
difficiles
En
vn infiant (Masaire) entièrement faciles
Et
fait trouuer l’amer aggreablement doux.
Par luy
couards font vaillamment refouds ;
fe plaifl aux befongnes fertiles,
diuinement habiles,
Les habiles auffi miferablement fous.
Il
les plus
s’efgaye,
il
Il fait les idiots
Chymon fut
Le
imbecille
rendit galand
Salomon ,
Et moy
le
i’en
&
homme
l’Amoureufe rage
épris d’vn beau courage;
plus fage, en perdit la raifon.
defefpere égarant connoiffance.
Voylà comment l’ Amour, pour mon flrer fapuiffance.
Fait d’vn Oifon vn Aigle,
&
d’vn Aigle vn Oifon.
Ponsonas, nous allons au bataillon tragique,
Et parce que tu m’es Amy entièrement,
Tu es l’ exécuteur de ce mien tejlament,
S’il plaifl à Dieu me prendre en fa Cour magnifique.
Digitized by
Google
,
l'amovr passionnée
104
Tu conduiras mon corps en Eglife publique
Où tu feras bajlir quelque beau monument.
Mes Armes, mon Enseigne en feront l’ornement,
Auec
ces quatre mots:
Cy
gist l’Amant vniq.ve.
mon bien à ma Maiflreffe Amour:
Sa figure fur moy t’apprendra fon fejour ;
Puis porte-luy mon cœur auecque cefle image.
le donne tout
Tu luy diras ainji, pleurant gros de douleur:
Noemie, honorez le dernier tesmoignage
De la fidelité de vostre servitevr.
TRISTESSE
Las!
ie
ma Dame,
penfoy vous esloignant,
N’eflre Ji douloureux ;
Mais plus
s’accroît le tourment qui m’enflame,
Dejiin trop
malheureux
!
Que doy-ie faire ?
Tout m’ejl contraire,
Près vofire veuè
L’Amour me tué
aux enfers Amoureux.
,
Et
loing ie fuis
Comme
le Cerf qui bleffé fe retire
Efperant de guérir, v.
esloigner le lieu de fon martyre ;
Mais fon vifte courir
,
:
Pour
.
.
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,
DE
NO EM
Plus fort
le
I
foule
io5
E
;
Son fang s'efcoule
Son humeur prompte
Plufofl
Qui
O
le
le
dompte,
contraint en peu de temps mourir.
iujle Ciel !
Et
ma priere.
ma Dame, auffi,
exauce f
vous,
Qui m’efles plus que la guerre guerriere,
DeJloume\ mon foucy !
Aime% ma vie,
Qui vous fupplie,
Ou
Donner
dès cejle heure
Fais que ie meure;
mort ou l’Amoureux mercy!
la
Ou
eft le temps ferain que l’Amour à fouhaid
Viuoit paifiblement auecque fon Amante,
Enuié de perfonne, épris d’humeur contente,
S’entretenant toujiours de parole ou d’effaiâ ?
Honoré de fa
table auec vn
doux
attraid,
Careffé bellement d’vne main ejlreignante,
D’vn regard defrobé, d’vite bouche riante,
parlans comme vn enfant de laid
De petits mots
Où
temps ferain
f
auecque elle.
Sans foufpçon des ialoux, au foir à la chandelle.
eft le
qu’il danfoit
Qu’il ioùoit diuers ieux, ore
au gage
touché,
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l’ahovr passionnée
io6
A
la chaffe,
au propos, à vendre, à courfe prompte?
quelque beau conte
elle couché?
Où ejl le temps ferain qu’ après
Amour s’affeuroit d’ejlre auec
Sacrilege Apojtat, infidèle heretique,
Athée, Libertin, Sot, Epicurien,
Pire cent mille fois qu’un barbare Payen,
Tu continues donc en ton humeur inique ?
Toy, qui deurois auoir la bouche Euangelique,
Reprenant les erreurs, comme vn homme de bien,
Chaffant de ton troupeau celuy qui ne vaut rien.
Et feruir de miroir à vne Republique J
Ceux là que
Tu les veux,
Il faut
tu ne peux par effeâ diffamer.
médifant, inceffamment blafmer.
mourir, Iudas, puifque l’Amour l’ordonne
!
Va! va te confeffer ; repens-toy de ton mal !
Par Dieu ! tu en auras deffus l’os coronnal,
Tu feras plus que prefire, ayant double coronne.
ODE
De
bonne pepiniere
Leue le bon arbriffeau,
De la digne ame guerriere,
Procédé le Mars nouueau.
la
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,
DE NOEXIE
De l’Amour
Vient
De
le
107
inuiolable
pudique entretien,
la fcience honorable
Sourd
la
fource de tout
Nous deuons à nos
bien.
Ancejlres
Tout cela que nous auons,
Puis à nos eloquens maijlres
Le fçauoir que nous fçauons.
Mais
A
la
pomme
d’or ejl deué
cejle belle beauté:
De
De
grâce ejl venué.
la Cithere a flotté.
là la
Sus donc, Amants
pleins d'enuie,
Venej adorer fes yeux;
Mais non faides, le vous prie
Car il n’ appartient qu’aux Dieux.
1
En
baifant ie fuis fi ioyeux,
Efteignant ma douce furie,
ie ne porte point d’enuie
Que
A
la félicité des
Dieux.
Amoureux
Ayant vne fidelle Amie,
Quel heur égale
En
l’
beauté la plus accomplie,
D’un
illufire
fang généreux ?
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l’aMOVR PASSIONNER
!o8
Mais
cefie
grandeur
eft
fafcheufe,
A la grandeur me/me odieufe,
On V accompagne nuiâ & iour.
Combien de fois t’ay-ie mauditte
Importune & ialoufe fuitte?
Car folitaire
ejl
l’humble
Amour.
Pourquoy n’ay-ie de vous quelque lettre Amoureufe ?
Hé !
qui a coupé l’aisle à l’Amoureux Poulet,
Qui ioly m’apprenoit le lieu de mon fouhait.
qui maugré les maux rendoit ma vie heureufe ?
Et
Vous couurireq cecy d’vne excufe menteufe,
Difant que ie fuis loing, que ce ferait fubied
De faire caqueter, & que, quand ie l’ay faiét,
On le connoijl foudain à ma face ioyeufe.
On ne fçait ou ie fuis, & puis vouleq-vous bien
Que i’aye incejfamment le teinâ Saturnien?
Peut-eflre vous aueq
le
naturel d’vn Prince,
Qui ne fai£t plus d'ejlat d’vn feruiteur acquis.
Dont fouuent (mais trop tard) il s’en repent depuis:
Gardeq de faire ainfi, Amour mord qui le pince !
ma fafcheufe abfence,
Tout
le
C’efl
quand ie fonge en toy, Pouponne, mon foucy
bon-heur que i’ay en
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!
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;
DE
Tantojl
De
il
N O EM
me fouuient
1
B
IO 9
d’vn courroux addoucy,
nos brocars mignons, au ieu
Tantojl
il
me
Tantojl
il
me fouuient quand
Sà
la dance.
fouuient de ta riche éloquence,
Qui m’a rauy le fens, qui au feu m’a trancy,
Mourans au doux combat de
nous crions mercy,
noflre iouyffance.
Tantojl il me fouuient des efpions ialoux,
De nos propos couuerts, que nul n’entend que nous
De nos baifers larrons, de nos lettres dorées,
Des fignes, des
En
regrets, poflesde nos
ces profond penfers,
le paffe ainfi, feulet,
Faut-il abandonner
pafmé en
ma
moitié defirable,
Pour vn renom guerrier qui n’ejl
Pour aggrandir les grands par
La guerre
Il efl
ejl le
Amours.
ce difcours,
mes heures defafirèes.
qu’vn ombre vain
le fer inhumain ?
furjon de tout vice abhorrable l
bon pour vn temps d’y paroijlre honorable.
D’y perdre de fon fang & de fon beau moyen
;
ren fuis efiropié, ien’y conquefie rien
Qu’vn nom de Capitaine ores efpouuantable.
Demande % recompenfe, on Je rid de vos
Et fous vn beau-femblant on Je mocque
Si
la
guerre
efi finie auffi efl bien ta
coups,
de vous.
gloire
;
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,
I
l’amovr passionnée
10
Et quand tu ferois fainâ, on t’ejiime mefchant
Donc déformais (Dvrbois) l’Amour eji ma viâoire ;
AuJ/i qu’vn bel Amour va mon cœur recherchant.
paix,
fi nous auons la defirable
faut fe refiouir, il faut coiffer Mignonne,
faut ioûer, danfer ; mais il ne faut perfonne
Qui parle de debas, de liure ou de procès,
Viart,
Il
Il
Sinon du paffe-humain, l’vnique Rabelais,
Nojlre bon patriot’, que la gloire couronne.
plaifir efl plaifant, fa bonté toute bonne
A nous encourager aux defireux effaiâs.
Son
Mais il ne faut auoir en noftre compagnie
Des mal-nais, des bigots, des foufeurs d’alquemie.
Ni de ces vieux refueurs ialoux du temps paffé.
Il
nous faut Clavaison, dv Bovrg, dv Parc, la F vye.
Blajan, Basmaison, Ponsonas & Dassés
lors ie te diray les grandeurs de m’Amie.
Mon
*
Et
La vehemente
Que
ioye efprijl mes fens foudain
i’apperçeus,
mon cœur,
la belle
Noémie,
Difnant en vne table opulamment garnie,
Dont ie ne peus repaiflre, encor que i’euffe faim.
le m’efforçoy affeq, mais las ! c’ejloit en vain J
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E
DE
N OEH
I
! I I
Sainct Ferriol, mon ame ejloit d’Amour rauie,
Et craignoy qu’en ce lieu l’honnefte compagnie
Ne
defcouurijl l’ardeur de
mon feu
fouuerain.
Ce fujl vn facré iour de l’Alteffe diuine.
Ce n’ejl pas pour néant que Phœbus le domine;
Par luy ie vy l’honneur de la gloire prifé.
Mars
vn an
me priua
de ce bon-heur extrefme ;
Qu’euJJe ejlè donc au prix fi
ie l’eujfe
baifé?
L'aife m’eujl transformé en Deité fuprefme
Il efloit
nuiâ,
&
!
la neceffxtè
D’vn bel haqard, qui vient à l’impourueué,
Charma les fens & aueugla la veué
Du bon Vulcan parauant defpité:
Si bien que Mars coucha à fon coflè,
Et à celuy de fa Cyprine esleuë,
Dont bellement de façon inconneué
Il recueillit le doux fruiâ fouhaitté.
Mon
Dieu, que d’heur! quelle grande fortune
!
De voir, maugré la rancueur importune,
Mars fans foufpçon des chaifnes de Vulcan,
Eflre près luy,
& nud près
de Cythère.
O
que Venus force bien fon contraire,
L’ amadouant d’vn inuifible ahan !
.3
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,
lit
l’amovr passionnés
CHANSON
Déformais
ie
Aux fuperbes
le veux,
ie
ne veux plus ejlre
lieux frequente q;
veux aux champs paroifire,
Laiffant les Palais habiteq.
Parce que l’Amour enfantçon
Se plaifl en vn ioly biffon.
aux beaux deferts folitaires
Que l’Amour marche ajfeurément ;
C’efl
Là
Ne
les babillars volontaires
peuuent diffamer l’Amant,
pourquoy l’Amour enfantçon
C’eji
Se plaifl en vn
ioly biffon.
Là les ialoux n’ont pas puiffance
De fuborner le beau defir,
Là l’on reçoit la iouyffance
Sans auoir trifle
C’ejl pourquoy
defplaifir.
Là
iamais perfonne n’efcoute
Ni
les plaintes, ni les regrets.
Là
les
Amans fans
nulle doute
Peuuent éuanter leurs
C’ejl pourquoy
fecrets.
Là le doux peuple ejl fans
Et fans fainte corruption,
Il
n’ayme point par
malice
artifice,
Mais
d’vne entière affeâion.
C’ejl
pourquoy
\
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Vous efpris d’Amoureufes fiâmes,
Voye 7
le
buiffon fleuriffant
Ou demeure l’honneur des Dames,
Par qui le plaijîr va naiffant.
C’efl
Se
Et
pourquoy l’Amour enfantçon
plaifl en vn ioly buiffon
c’cfl
;
pourquoy chacun toufiours
belles Amours.
Bénira mes
SONNET EN VERS LYRIQVES
L’Amour
L’Amour
L’Amour
L’Amour
efl fier
en fon langage,
efl fier
à
ejl fier
en fon maintien,
l’entretien,
efl fier en fon vifage
;
L’Amour efl fier en fon paffage,
L’Amour efl fier en fon moyen,
L’Amour efl fier en fon lien,
L’Amour efl fier en fon feruage ;
L’Amour efl fier
L’Amour efl fier
L’Amour efl fier
en fon efprit,
en fon efcrit,
en toute chofe,
Fors en fa mort, qui promptement
(Par efirange metamorphofe)
Rejfufcite gaillardement.
,
l’amovr passionnée:
4
ODE
ma peine s’accoife
EJlant au beau bout du pont;
le n’auoy veu cinq ans font
La delicieufe Amboyse.
Io,
Dieu vous gard, chere patrie,
Bon-foir, riuiere au long cours,
Que
honore en mes Amours
eau qui me glorifie.
i’
Comme
Car ie croy ton onde, ô Loyre,
Eflre vn beau fleuue diuin.
Défia le braue Angeuin
L’a rendu affeq notoire.
Pour
le
le
voy
croire dauantage
le Pleffis
Preuofl,
Qui, d’efprit & de cœur haut.
Fait admirer ton riuage.
Tout de mefmes ie n’ignore
Que par moy, Lasphrise, vn iour,
En l’honneur de mon ^imour
On t'eflimera encore.
le n’vfe de vanterie
Qui ne foit digne de los,
Dont les iniurieux fots
S’y perdroyent en mocquerie.
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C'ejl donc pourquoy ie me loué,
N’ayant des mal-nays foucy,
Reconnoiffant bien aujfi
l’habille m’en aduouê.
Que
Et que mille dodes âmes,
Mefmes après mon trefpas,
Où l’enuie ne mord pas,
Béniront mes douces fiâmes,
Et comme en Pèlerinage
Iront voir mes champs fleuris,
Remportons en leur pais
De ma fleur pour tefmoignage.
C’efl de la Noemiette
L’Amourcufe d’Apollon
Tantojl perfe du rayon,
Puis blanche,
Et
&
puis vermeillette,
en regardant Lasphrise,
(Fief de baffe valeur)
de bien, beaucoup d’honneur,
Peu
Me
donneront pour deuife.
Fameufe Loyre féconde,
Par moy ton los s’accroiflra ;
Un peuple eflranger boira
En
Touraine de ton onde,
Ou
de la liqueur diuine
Sourdante en fon
bois tortu,
i
l’amovr passionnée
16
Qui excedc
De
la
la vertu
fource Cabaline.
Amboyse,
ville iolie,
Par là tu t'agrandiras,
Et après mille ans feras
Honorée de ma
vie.
CHANSON
Si
c'eftoit
Que
ie
d’aujourd’huy folia /Ire
fuffe vojlre idolajlre,
Vous pourrie\
De
bien
me foufpçonner
ne vous affeâionner.
Mais quoy? le temps qui tout expofe,
Le temps maijlre de toute chofe
T’a peu apprendre mon humeur,
Qui
ejl
Ha !
La
ie
depuis dix ans ton heur.
defcouure ta fineffe.
ialoufe fureur foppreffe,
ejl plus attirant
Dont l’Amour
Feignant
aufft la
là, ie t’en baife,
Cour
ma
d’vn grand.
Belle,
Mais ne fonge en ardeur nouuellc.
Les vieux Amis & les vins vieux
Sont ceux-là qui valent le mieux.
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;
DE
If
O
Que feray-ie, Billard?
Pour demeurer content
EU
IE
Jl 7
quel pais doy-ie eslire
le refte
de mes iours?
ray dans le champ Manceau mes premières A mours
Dont
l’adorable honneur
fainâement me foufpire.
En ma chere Touraine me Nymphe m’admire
Sous l’air Parijien l’on m’afpire toufiours;
En Bourgogne vn bel œil, lumière au doux fecours,
Fauorife mon
le feray
Cœur que
comme on
ce vainqueur deftre.
void les deuots Pèlerins,
Qui dans vne fore/l trouuans plujieurs chemins,
Suyuent la plus grand’ voye (&fujl-elle doutable).
Mais quoy? mes Dames font efgales en beauté.
Quelle guerre chef moy ! paix ! le fort ejl ietté
Pour celle qui m’a faiâ plus de plaifir aimable.
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,
CES
ST cA
DE LA DELICE D’A MOV R
A MONSIEVR DE MAVG1RON
Toujiours auecques Mars ejl Ta belle Venus,
Dont récréant l’orgueil de mes trauuaux connusr
Paladin,
Il
ie
t’enuoye vne Delice exquife.
faut que l’œuure foit conuenable à l’ouurier ;
es Amoureux beau, tu es braue guerrier,
Tu
Tu
mon Maugiron &
es
ie
fuis ton Lafphrife.
Dy-moy
donc Eraton, gloire de mon tourment.
Quel tu voudrois choifir l’ejlre de ton Amant,
Et les perfections d’vne aggreable Amie?
Toy qui m’as tant de fois, deffus le mont iumeau r
(Interprété des Dieux) abreuué de ton eau,
Faifant que d’âge en âge on beniffe ma vie?
Quand
Qu’il
il
e/l
entre en TAuril de fes ans,
plus aggreable
le ne regarde point
s’il
Encores que ce bois efehauffe
Et quiconque fe
Ne
c’ejl
aux Amoureux
a de la
alors
accors;
richeffe,.
le
foyer ;
plaijl en ce plaifant me/lier r
fouhaitte rien tant que la
gaye
ieuneffe.
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,
ug
LA DELICE D'AMOVR
Tous hommes naturels aggréent à mes yeux,
Mais de tous les eftats celuy que i’ayme mieux
C’ejl le vray Paladin, qui ioind l’efpée au Hure,
Il me defend tuant, fauorifé de Mars,
Et puis me perennife en mille S mille pars,
Par luy feul feulement gay’ment ie puis reuiure.
l’abhorre entièrement Vinfidelle flatteur,
Mais pour plus enfeigner les fouhaits de mon cœur.
Je veux que mon Amy foit de moyenne taille,
Encor que
Sa
Et
le
petit
me
cherche (Tvn cœur haut,
colere ejl trop prompte,
le
Mon
grand
ejl
il
fe tué à
l’affaut,
trop long à mourir en bataille.
mignon fera donc d’vn poil blond bruniffant.
Son front grand, esleué, d'vn marbre blanchiffant.
Son œil verd bien fendu, fon oreille bien ronde,
Sa bouche bien petite, enfournée d’œillet,
Son menton court, fon ne f traitif ajfeq longuet,
Au moulate camard mon cher defir n’abonde.
Son teinâ fera vermeil, plein de graue douceur.
Son vifâge riant, grajfelet en rondeur,
Son col accourciffant , fa taille bien carrée,
Ses bras longs
& chamus, fa main longue & fes doigts.
Sain, allaigre, difpos; mais
Que fes reins foyent garnis
le
ie
veux
veux qu’en plujieurs lieux mon
D’vn beau poil crepelu, poil que
Comme m’aduant-courant
Et principalement
ie
le
toutesfois
d’vne force ajfeurée.
Amy foit ombré
ie tiens
facré,
doux fruiâ que ie cueille
veux que fon menton
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;)
LA DELICE
120
Aye
vn petit duvet d’vn blondoyant coton.
L’arbre eji bien mal plaifant quand il n’a point de fueille.
Ofcroy-ie oublier ce que
Le fregon de mon four,
Mon
ie
veux fur
tout,
baflon qui n’a qu’vn bout,
mignon boute-feu de
ma flame
amiable,
Lithiphale gaillard qu’il ne faut amorcer,
Qui fans careffe peut vn monde carejfer,
.De grandeur naturelle,
&
de grojfeur femblable.
Toufiours prompt, vif, ardent, ayant vn fang altier,
Et deux braues tefmoings, pour me certifier
Qii’il ejl prefl, bien en-poind , gonflé d’ardeur fécondé.
Encores que fa forme enfeigne fa valeur,
Son
chef, fon front, fon ne?, n’efl-ce pas vn beau
.Qtti
fans
le
le
ceffe
combat
veux appeler
le
la
cœur
*
plus grand part’ du monde.
doux-merueilleux Dieu;
Car il brusle la glace, il englace le feu,
Et fait changer la flame en vne onde plus douce
Par fes pleurs il fait rire & viure en vne mort,
Par fa guerre il fait eflre en aggreable accord,
Et cfl plus gracieux alors qu’il fe courrouce.
Or pource que
l’on did mon cœur inajfouuy,
iamais vaincu d’ allegrcffe rauy,
(Qui plaind maugré le bruit les funejles encombres
Mon cœur
Il
fe contentera lors que l’aiguillon doux
iour trois, cinq, ou fept bons coups,
Le poindra chaque
C’efl toufiours
au premier qu’il faut
Oultrc cela
veux cent baifers doucereux,
ie
les premiers
nombres.
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,
d’anovr
Comme feurs
12
pojiillons des plaifirs
I
Amoureux.
Communément
le pain s’enfourne par la bouche?
Fm baifer bien donné vn baifer bien reçeu
Baille l’eau au bruslant, baille au frilleux le feu ;
,
C’efl le
cher compagnon de
ma
belle
efcarmouche.
Mille beaux petits noms naifuement nommés,
Mille brocars mignons de ioye furfcme q.
Il me dira fans ccffe au milieu des allarmes;
Auec vn doux fupport attendant
la liqueur.
Qui fait enfemblement viure & mourir mon cœur,
Il temporifera prefl à rendre les armes.
!»
le ne defire
Comme
pas que
l’on cueille
Ni comme vn courtifan
Au
mon fruicl,
vn peuple ignorant dedans l’ombreufe nuiâ.
folitaire bois,
tant à la defrobée,
au gafouil des oifeaux.
me plaifl fort le iour, & le foir aux ruijfeaux,
La Royne de beauté nafquit de la marée.
Il
Là mon plaifir me guide employant bien le temps
Et fi ie temporife, alors c’ejl que i’attens
Le beau flot Amoureux de la marine enflée,
Là
ie
vaincqs
le
vainqueur,
&
là
fuperbement,
Adextre au jeu d’aimer, par vn beau remu’ment
le
me perds,
ie
me meurs, en fi douce
meslée.
Quelle aife penfeq-vous que ie reçoiue après,
Quand léuente hardiment mille dignes fccrets,
Et
mille ardens foufpirs mejjagers de
ma flame.
Baignant de pleurs joyeux ce gracieux fejour.
Quand en mourant ie vy au paradis d’ Amour,
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;
LA DELICE
121
Sans redoubter
Le braue chef
l’orgueil
d’vn
ofl,
du lafard porte-blafme?
bien qu’il foit
nay
foldat.
Ne fe
met au péril d’vn hasardeux combat,
ejl proprement fauorable ?
Le digne Amant ne doit doucement embrajfer,
Ni ioindre ejlroiâement pour mieux la carejjer.
Si la place du choc ne luy ejl fauorable.
Si
le
champ ne luy
le n’aime ces recoins tant efpieq par tout,
Où
Où
plus communément on bataille debout,
ne s’ efpreuve point ma douce-vnique enuie
Si au commencement l’occajfbn s’offroit,
l’ejlimeroy vn fot qui la refuferait,
choc dejire ejlre rauie.
La femme au premier
Cejl
amas fomptueux de
ieunes Courtifans
Diffame ma beauté, richejfe de mes ans,
Et penfe recevoir vn honneur de ma honte,
Après qu’il a iouy il me jette vn brocard,
Et fi veult que l’Amy en aye quelque part,
Faifant toujours de moy quelque fot petit conte.
Or donc, monfauory, mon Ame, mon Mignon,
Sera de bonne foy , fera bon compagnon,
Prompt à executer, ajfeq lent au langage,
Bien appris, bien nourry, bien conditionné,
Et, encore qu’il fujl pauvre ou infortuné,
le ne laijferay point de luy faire auantage.
Voylà comment
L’Ame de ma
ie
belle
veux mon digne feruiteur,
ame, S le coeur de mon cœur.
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D’
A MOV R
12 3
me plaijl maintenant de dépeindre l’amie.
Quand ce Dieu clair-voyant, ce pere liberal
11
A par
dix 6 fept fois reueu le iour natal
D’vue gaye Beauté, elle ejl d'âge accomplie.
veux que l’Amie ait vn bel efprit Jubtil,
Orné de la fcience, vn courage gentil,
Vn mignard entretien, vne plaifante audace,
Vn accueil accojiable, vne humble priuauté,
Vn langage naïf, voire vne maieflé,
Regente des douceurs d’vne fi bonne grâce.
le
Ma
Mignonne aura donc l’efprit bien auifé,
Qui ne fera iamais fottement déguifé,
Qui ne laiffera point le vin pour le vin-aigre,
Pour la fueille le fruiâ, pour la paille le grainPour l’efcorce le bois, pour la perte le gain,
Et qui ne languira fe pouuant rendre allaigre.
Elle aura fur fon chef, feiour de la raifon,
Vn riche poil luifant, pretieufe toifon,
Treffe qui librement volera blondoiante,
D’vn or
efparpillé, long, efpais, crepelu,
Frifotté, délié, hanelé, houpelu,
Vagabondant toufiours en onde flot-flottante.
Son front, Jiege à l'honneur, fera grand & polyr
Arrondy, large, plein, fans fronceure, fans plyr
N’eflant chargé du poil qui la te/le enuirome ;
Il
fera de crifiai reluifant comme
l’eau,
Roufeyante au matin, au plaifant renouueau,
Quand on y voit ioûer le clair fis de Latonne -
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.
1
LA DELICE
24
Son
aureille bien ronde,
(O beau
S
'•
fufil d’ Amour!) ie
bien petite aujp,
veux que fon fourcy
Soit noir, fort délié, fait! en voûte iolie,
Ayant bonne dijlance entre les deux, afin
Que
l’on puiffe connoiflre
Meffager de
vn prefent fi diuin,
Iris de la pluye.
mon but, comme
le ne veux oublier l’aflre de fon bel œil,
Qui
ejl
affeurément
le
iour de
mon
Soleil,
Qu’il fait doux, pénétrant, grand, esleué encore,
Attrayant, rond, fendu, bien gros
bien ouuert;
Mais ie veux par fur tout qu’il foit toufioursbien verd:
Le verd efl plus plaifant que n’ejl la couleur more.
Rien que fur fon fourcy le noir ne fe verra,
Qui comme vn fil de foye en arc apparoijlra.
Pour donner luflre au teinâ de fa face albajlrine
Où feront
les œillets ndifuement fleuris,
Rofes & de Lis,
machotte ayant le defir qui m’incline
Vtie riche moiffon de
Que
ie
Son vifage que
i’aime
&
que i’ay bien esleu,
Sera fait en rondeur, graffelet, pommelu,
Humble-graue, riand, plaifant à l’abordée,
Surfemé d’vne honte où l’honneur efl gardé,
N’eflant iamais chagrin, foucieux ni fardé.
La beauté n’ejl pas belle alors qu’elle efl fardée.
Son
nés fera traitif, d’vne tendrette peau,
Et nullement
Ne
voûté, fort ejlroit du nafeau,
tenant rien de l’air de l’orde punaifie,
l’abhorre
cefl
ardeur infenfible au dolent ;
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,
SS
f
d’amovr
Car
Ne
123
de Mariolaine ou parfum excellent
fçauroit empefcher fi. grande villennie.
l’eau
bouche de m’ Amour fera pleine d’att raids,
(Grande comme fon œil) mejfageant les doux traiâs,
Si bien que fans parler la Belle reprefente
Vn baifer colombin, le doux auant-coureur.
Sa leure vnpeu grojfette aura telle couleur
Qu’vne rofe de May fraîchement fioriffante.
La
Après dans cefie bouche, amorce de mon bien,
Qui belle (fors que moy) ne fouhaitte plus rien,
On y verra deux rangs de luifantes perlettes,
Rangs fi bien arrangeq & fi mignonnement
Qu’auec la bonne odeur de cefi embouchement,
L'Amant trefpajera gros de fiâmes fecrettes.
Son menton fera rond, court, fojfelu, ioly,
Mignon, mignard, poupin, frais, blanc, douillet, poly,
Vn peu haut pour monfirer cefie gorge marbrine,
Qu’on verra tout ainfi qu’vn beau laid cailloté.
le la veux grojfe, grajfe, en molle dureté,
Et fon col affeq long borné de fa poitrine.
D’vn beau marbre amolly elle aura fes deux bras,
Qui feront gros & longs, fort douillettement gras,
Sa taille carrée, haute, où fe campe la gloire,
Sur fa main on verra le beau Lis fleuriffant,
Qui polie fera longue en efireciffant ;
Ses doigts bien délié % tous entourneq d’iuoyre.
Large & blanc comme neige on verra fon beau fein.
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,
LA DELICE
ni6
Digne couche facrée où ie repofe à plein.
Et pour mes oreillers, quand difpofant ie veille,
le veux ces deux tétons petits freres iumeaux,
Durs, albafirins, douillets; pour les rendre plus beaux,
le les veux emboutis d’vne fraife vermeille.
Je veux qu’à l’entre-deux de ce marbre voûté,
Soit vn large ruijfeau nullement fréquenté,
(L’adrejjfe
du chemin de
ma
douce fontaine)
Et pour ne s’ efgarer fur le milieu i’y veux
Vn nombril, petit œil, miroir délicieux.
Comme
prochain parent de l’ardeur qui m’ameine.
Son beau ventre arrondy fera bien potelé.
Gras, poly, tremblottant, né pour ejlre foulé,
Toujiours ferme & gamy de beauté deledable,
Vne motte ajfeurée, approchant le beau but,
Par qui tout le monde eft, par qui toufiours il fut.
Bornera
les
attraids de ce ventre amiable.
qu’ Amour a referué
bas de fon vallon, vn peu haut esleué,
Ce globe audacieux
Au
Pour mieux me maintenir aura vne tranchée
De tres-petite garde, où le doux ennemy
Sera trouvé vaincu, pafmé, voire endormy.
l’enfant oyfeau ait nouuelle bechée.
Pour que
qu’elle porte, heureufe, vn fruidage fi beau
le combat ne fufi point fi nouveau,
(Nouueauté pajfe-temps de l’amoureufe enuie)
Si fait-il bon pourtant l’animer à l’ajfaut,
Si elle eft en bon poind (delice qu’il me faut);
Lors
Encor que
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,
D*
Car
elle
A M O V R
»»7
a plus d’ardeur, ejjence de
la vie.
Mais depuis qu’on l’a veuè vne fois reclamer
Lucine à l’œil piteux, ne parler plus d’aimer !
Si vous voulez iouir de ma delicatejfe,
Les poudres, ni les bains proprement compofej,
Les receptes, les fards finement déguifez,
Ne la fçauroyent garder du goulfre de largeffe.
veux tel le connin de mon gay iardinet,
Mignon, mignard, mouflu, esleué, ferme, net,
le
Petit, gros, rebondy, couuert de blonde foye,
Que
Car
ce terroir dedans foit toufiours fec & chaut ;
tant plus on le baiche & plus beau, mieux il vaut.
Aux champs marefcageux l’Amour n’a point de
Hà! folaflre
terroir! honneur de
Quiconque
labourre auec ces
Ne
te
ioye.
mon pourchas,
doux appas,
voudroit ejlre au Ciel vn domte-dieux fuprefme :
Car outre
vrayment
Qu’on reçoit par les flots de ton beau mouuement,
On a mille autres biens que ton pouuoir nous feme.
la delice ineffable
Pluflofl on contera les bejles, les oyfeaux,
Tout le peuple muet qui efl dedans les eaux.
Les fables d’alentour que Von fçache le conte
Des careffes, des biens que ce petit mignon
(Duquel l’honnefleté me defend le vray nom)
Fait couver, fait efclore auec fa douce honte.
Par
luy, en follajlrant quelquefois dans les draps
Son Amoureux s’ efbat gayement bras à
bras,
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;
LA DELICE
128
fucçotte fa bouche, où le bafme s’enferre,
fon œil (digne flambeau des deux),
Efcratigne, s’allonge auec defir ioyeux
Il manie amorçant le fucre de fa guerre.
Il
Il baifotte
Dieux ! quel plaifant plaifir ! mais quel foulas entier,
Quand heureux il fe void au milieu du brafier,
Mignottant, frétillant, à petite fecouce,
Quand fa Dame fousleue auec agiles bonds,
Comme vne fource fait fautiller les fablons,
Et quand chacun fe meurt d’vne fiebure fi douce
S’il lui plaijl redoubler ce
Defirant s’enyurer en
!
gracieux accès,
fi gentil excès.
va becqueter fa bouchette empourprée,
Fleurotter ce beau teinél à l’Aurore pareil,
Il s’en
Et morçurer goulu
Chatouillant
le
ce teton, ce bel œil,
chalant de fon
ame
altérée.
Sa Maijlreffe a auffi belles inuentions
Pour r’ entrer au combat de fes affeâions,
Où
l’aggreable Auril inceffamment fe voué ;
Ores d’vn coup de pied la mauuaife l’affault.
Ou
d’vn bec tourterin, s’efueillant en furfault.
Sans
la
friande amorce vn bon canon ne ioüe,
Encor qu’il foit gentil toujiours prompt au combat;
Mais le plaifir s’augmente & le cœur au foldat.
Quand il oyt le tambour meffager des allarmes.
Ainjt quelque Jignal d’vn doux attouchement,
Quelquefois d’vn fommeil déguifé finement
Efl fort délicieux
aux Amoureux gens
d’armes.
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q
ï’axovj
i»9
Bien fouuent, affouuy des douces volupté
le rendent plus dieu que les diuiniteq,
Qui
meJure fa
cuiffe où l’iuoirc fe treuue;
rondement grojfe, on n’y fent point les os,
rocher, abois des fâcheux flots.
Bien-heureux eft l’Amant qui telle chofe efpreuue !
Il
Elle
eft
Ferme comme vn
il petrift, poujfottant fes genoux
Qui font mignardelets, délicatement moux,
Puis ores
Ores il fraye vn peu la greue de fa iambe,
Bien longue, bien vuidée & bien eftroiâe encor,
Et
ore, en gaudijfant,
Ce
petit pied douillet colonnel de
Et
puis quand
le
il
chatouille bien fort
fommeil,
le
fa flambe.
pere du repos.
Les accable tous deux, incontinent difpos
Se
r’ attaquent
Maintenant
le
encor, non d’vne
mefme forte ;
deffous fera plus haut monté,
Ore il baife la couche, ore il eft de cofté.
Le chantre ne vaut rien qui ne dit qu’vne
Il
notte.
fuit les nouueauteq, l’inuention luy plaift.
Vous, Amants fortune^, approche q donc d’où
defir fucrin qui braue emparadife,
Defrobeq librement, allumeq voq flambeaux,
Parmy ces ieux facreq, délicatement beaux,
E t lors vous benireq fi douce friandife.
eft
Le beau
A dore q
donc l’Amour,
&
en toute faifon
Que chacun m’ait, heureux, au feft de fa maifon
Nouueaux venus, vene% folaftrer dans fa couche,
!
Langottant mignottej, mordille f fucçotant,
9
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LA DELICE d’aMOVR
tio
Baifotant riotez, babille z combattant,
Et mourez glorieux en fi belle efcarmouche.
Ores dedans vn champ tapijfé de verdeurs,
Ores deffus vn liât paré de belles fleurs,
Voire
mefme
en plein iour auecques torche ardente ;
Frifottez, pignottez, tortillottez cefi or,
mon feu, pillottez mon threfor,
L’amorciliant toufaours d’vne ardeur alléchante.
Encendrillez
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SONNET A MES ENIGMES
que ï offre
A
MADAME DE BEAVVAIS
Joyeux
Que
Aile
Voir
ie
NANGY
mes douleurs tragiques.
Royal champ de Mars,
mignonnement gaillards,
efbats en
reçeus au
volez
la
beauté des
Dames
Héroïques.
Sortez du camp, mes vers Enigmatiques,
Et ne craignez les dangereux hafards,
Ni de la Cour les in/olens brocards:
Telle grandeur dejlournera leurs piques.
Si toute France auoit
Il ne
Ji
dode
e/prit,
faudroit expliquer nul efcrit,
Dont feriez mieux
confidereq encore.
Bafle, marcheq, la peine eft vn plejir,
Quand on va voir le but d'vn beau dejir,
Sans qui l’honneur de l’honneur ne
s’honore.
LES ENIGMES
W
m
CAPITAINE LAS PHR1SE
Ejlant couchée en foule, ejlant couuerte toute,
Elle ondoyé ejchauffée au maslefeu nouueau,
Effrange effcâ qu’vn feu face fortir vne eau.
Qui par
la roide
queue entièrement
s’ efgoûte.
EXPLICATION
C'elt quelque herbe que l'on met dans vn
& par l’ardeur du feu il en diftille
de l’eau goutte à goutte par la queuê de la
chappelle, qui eft de plomb, & qui, encore
qu’elle foit courbée, ne lailîe pa6 d’eftre roide
alambicq,
&
forte.
le mets fouuent le Roide entre les
De
piquer befongnant
ie
fay
deux velus,
voir les cornus.
vn bouuier qui charroye tous les iours,
pour ce faire il faut qu'il etelle & qu'il
C’efl
&
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ENIGMES
mette
tymon
le
33
1
entre fes beufs velus de na-
& eftant à fa befongne charroyant
pique de fon éguillon, faifant plus voir
ture,
il
les
ainfi
ces belles cornues.
Quand dans
le
La foye fe
rebouche
Mais on
ejl fi
Qu’on fait
trou aiueux mon grand manche
ioyeux
S
la reuerence,
C’eft quelqu’vn qui
& fait
fou
La multitude qui veut de
aux grandes
goutte,
&
&
villes efl aife
fait lors
treffaillir.
met vn afpergès dans
benellier, dont la foye fe rebouche,
l’eau.
ie boute,
quelquefois dégoûte.
lors qu’on fient l’eau iaillir,
dans
&
le
dégoutté
l’eau benifle
en fentant quelque
l’Eglife la reuerence,
quand on en donne à quelque
éuenté, qui entrant brufquement en l’Eglife n'y
aucunes
fois
fonge pas, cela
le fait tressaillir.
1
Mon fruiâ eft fiplaifant que la plufpart le prifie,
Les
illufires feigneurs, les
dames,
les plus
grands
En font plus que tout autre amoureux et friands,
Aufifi que ma douceur femble entre toute exquife.
Apollon
le
crinu fouuent
Encores que fon fils
Me
&
me
La Cour
ne
laiffe
fauorife,
tous fes adherans
veulent mefprifer, mais
pour
pas d’aimer
les
mefdifans
ma friandife.
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ENIGMES
34
1
Mefme l’homme plus fainâ
la
daigne bien prifer.
Quand mon temps eft venu l’amy me vient baifer,
On me met deuant luy auec rejiouyjfance.
il me fend foudain, mais quand le bon morceau
EJl entré dans le trou , on fent vne douce eau
Qui fait ioyeufement changer de contenance.
Puis
C’eft
vn Melon, que
la
plufpart
du monde
aime, mefme les grands & les Dames: fa douceur ell des plus aggreables, l’ardeur du foleil
meilleur, aufli aux pays chauds valentmieux. Les Médecins & Chirurgiens n’en
le fait
ils
veulent que bien peu vfer
&
le
défendent, di-
fans n’etlre fain, qui ne peuuent pourtant faire
mange beaucoup, mefme les homque
mes d’Eglife quand la faifon e(l venuë. On
l’on n’en
connoifl fa maturité à le baifer au cul. Celuy
qui aime
en
fert,
&
quand
le
Melon
efl
fort aife
quand on luy
&
foudain de fon coufleau le couppe,
en a vn bon morceau dans la bouche, & fent fondre la fauoureufe eau, il ne fe
peut tenir qu’il ne face quelque gefte d’admiil
ration ioyeufe.
l’ay tant branslé
le
le
nefçay quoy de
cul que fen
A force de
ay mis dehors
blanc, dont la vie eft conneué.
Cefte effence deuient
liée, efpaiffe,
accreué,
lafcher la matière en fon corps.
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ENIGMES
Le
fec
efl liquidé
Du gros membre
En vn commode
D'où
l’on la fort
par
l3S
les frequens efforts
mouillant la chofe toute nue,
lieu de fon long efiendue,
plus molle en barbouillant les bords
Voulant fentir foudain
la
grande ftdme ardente,
Dans vn fendu obfcur farfouillé fans attente,
Pour »’ aigrir, pour ne perdre vn bien qui efl fi doux
Lequel auec le temps qui toute chofe apporte,
Vient à perfeâion fi defiré de tous.
Que la vie fans luy fembleroit efire morte.
C’efl
&
vne perforine qui
ne peut
faffer
ou
faffe
de bonne farine,
blufler fans bransler le
cul; ainfi la fleur blanche fort
du
faa,
&
d’elle
nous fommes nourris ; eflant meslée auec force
eau elle fe lie, s’efpaiffifl & s’accroît. La farine
qui
efl
feiche deuient liquide, par les bras qui
paiAriffent
&
qui font la pafle, qui
efl
eflen-
due dans la met, d’où l’on la fort plus molle,
quand elle eA leuée, &, laiffe du radon aux
bords. Il faut la mettre promptement dans le
four chaud, que l'on fourgonne & efcouétte
foudain, craignant que fi on lailfoit trop leuer
la pafte, elle ne fuA trop aigre de leuain, pour
ne perdre vne chofe qui efl û bonne, qu’eflant
bien cuitte vient à la perfection, fans qui no Are
vie ne pourrait viure.
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ENIGMES
i36
au mois d! Amour celle que t'aime tant.
Puis le bout de fon ventre efperant ie manie.
Et remuant le cul de rendre a telle enuie.
Que prefque fans toucher fon cas va dégoûtant.
le prens
Quand l’injlrument
ejl plein
le leue le beau linge,
& au
après tout chaudement
trou de
ma
vie
Je lafche tellement qu'elle en ejl refraifchie.
Et la fait fommeiller quelquefois longuement.
Puis mon cœur, enuieux d’vne
fi douce chofe,
M’induit foudain encore, & maniant ie pofe,
Quelque chair rongnonneufe en lieu vieil ounouueau,
le dur, & d’vne humeur liquide
en faquant fort vne chofe folide,
le r amollis
l’en
fay
Qui efchauffe
le
fang S
r’allonge la peau.
vne femme qui tire fa vache au mois
de May, où le laid plus abonde, qui ayant
C'eft
efperance d’auoir du laid luy manie le pis,
& la vache fe remue, & eft bien aife qu’on la
car fes trayons dégoûtent quelquefois fans
tire,
qu’on la touche eftant bonne laidiere.
Quand
la vachere a emply fon tiroir
elle en aualle
quelque efculée, fi bien qu’elle s’en refraifchifl
&
s’en
endort fouuent: car le laid eft froid,
& fait dormir ; & après celle mefnagere le fait
tourner, mettant de la tourneure,
qui eft dure
& l’amollift, la mettant au pot, & l’ayant efcremé, faid quelque fromage, puis de
la creme
qui eft mollej en la battant
fort dans la
baratte.
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INISKES
elle
en
fait
vne chofe ferme, qui
lequel efchauffe le fang,
la
peau, cela
la ramollilt
r?7
eft
du beurre,
& quand on en graille
& l’allongne mefme le
frais.
Quand ie pen/e au plaiftr que m’afaiâ mon efpouxr
le mets vn bout de chair dedans fa chair fenduë,
Nature m’y contrainâ
ejlant de ioye efmeué,
le ne puis refufer vn office fi doux.
Quand
ce que i’aime plus efi près de mes genoux,
que m’ efchauffant bellement ie remué.
Q’efi lors
Je l’embraffe
Et
toufiours
fur
par
iour, bien
le
que
ie fois vefiué.
bout s’appaife
le
courroux.
Car il en fort vn fuc qui efi plein de merueille.
Ce iufifait efueiller, & fait que l’on fommeille,
Qui le baille efi fort aife allégeant fon defaut.
Mais quiconqne
reçoit l’efi encor dauantage,
Cela luy donne vie, & fi porte dommage:
Car qui en prend par trop a vn efprit lourdaut.
vne mere nourriffe qui aime fort fonà toute heure penfe à luy, & donne
à teter à fon enfant qu’elle aime de douce nature; elle le tient quelquefois près de fes genoux; remuant l’enfant auprès du feu, tout le
iour elle le tient embraffé, & quand il crie elle
luy baille le bout du tetin ; fon laid, quand
C’efl.
mary,
&
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ENIGMES
i38
U fommeilleroit, l’efaeilleroit, &
La mere ayant beaucoup de laid
d’eftre
tetée,
cela
l’allege,
encore plus, car cela
que
mais
le nourrit!
l’endort.
fi
eft fort aife
l’
;
enfantçon
il
eft
vray
qui tette trop longtemps en
l’enfant
eft
plus lourd.
Quand on me
void durable
& propre en diuers lieux,
lefuisfaiâ parperfonne
au meflier bien fçauante,
Qui me maniant fort de fa main diligente,
Rend dur ce qui eft mol afin qu'il entre mieux.
aux Amoureux,
ma queuê a quelque beauté luyfante,
ma petite fente
le fuis plein, bienfourny pourplaire
L’honneur de
Auffi veux-ie vrayment que
En aye
tout autour de fon trou gracieux.
Amis de Nature,.
Qui s’affroidifl foudain par la gente ouuerture,
le conferue l’ardeur des
Mefme
auecques l’Auril des follaflres mignons.
& du cul vn chacun me mefnage.
Qui en ioué à la Cour en payant bien l’ouurage
Reçoit communément plufieurs bons compagnons.
De
la
poinâe
G’eft
foye
vn bouton
&
ou enrichie de
vne boutonnière ou de
d’or ou d’argent, qui
fil
eft faift par les maiflres en ceft art,
ligence de la
main
coton dur pour
le
eft
où
la
di-
où l’on rend le
mieux entrer. Il faut
requife,
faire
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que
le bouton foit bien plein poureflreachepté
de ceux qui propres en veulent de beaux, que
fa telle foit bien couuerte des enrichiffemens
fufdits, & la boutonnière de mefure. Cela
garde la chaleur de l’homme ellant boutonné,
& fe déboutonnant il n’ell li chaudement; fut-ce
les plus ieunes qui fe deboutonnaflent, ils fe
pourroient quelquefois morfondre. De la pointe
& du cul de l’efguille on le mefnage, le r’ac-
quand il ell rompu. Qui faiét de
beaux boutons à la Cour, li on le paye bien,
il a beaucoup d’accouciers.
coullant
Vn mot de ma vertu que la vertu reclame
Fera foudainement connoijlre qui ie fuis,
On diâ l’or tout puiffant, mais plus que luyiepuis
Efiant falubre au corps & falutaire à l’ame.
L’or
eft materiel,
moy
de fubjlile flamme,
Et fay peupler le monde aggreable à Cypris,
Le propre à mon humeur c" eft la ioye & le ris,
Ma douce iouyjjance endort l’homme S- la femme.
refgare les mal-heurs, ie fuis beau nompareil ;
Quelle aube efgalera mon teind blanc & vermeil ?
Sans moy toute delice ejl vne pauure chere.
Mon
terreftre eft celefte, hardy, braue, inuentifV
alors vindicatif,
Mais à qui me gourmande,
le deviens
furieux
&
le
brusle en colere.
ENIGMES
140
C'efl le vin
que tout
le
monde
ellime, qui
beu en tempérance elt fain au corps humain,
pour l’ame le ligne du fang de nollre Sauveur Iesvs Christ. L’or elt pefant, luy chaud
&
&
fubtil,
qui incite
le jeu d’ Amour,
qui
fait
dormir, qui refiouyll l’affligé, qui n’a point
de femblable, qui elt de couleur blanche &
vermeille,
Il
&
elt diuin,
d’inuentions
trop,
il
fans vin bonne chere ne fe fait.
prouocque la hardielfe, elt plein
mais à l’yurongne qui en prend
;
luy brusle le foye accourciffant fes
iours.
Bien que
ie fois petit,
fi
fuis-ie
aimé des grands,
commun gros & long me defire,
Mais pour fembler plus doux on me tourne, on me vire,
On me touche, on me frotte auant qu’entrer dedans.
Toutesfois
le
Efiant là ie m’enflamme & amortis mes fens,
Dont i’ amoindris beaucoup, & fi n’en fuis pas pire,
l’entre en ce lieu bien dur, bien mol on me' retire,
Et rendant vne humeur aggreable aux aimans,
l’engendre quelquefois, mais cefie geniture
Caufe vn vifâge honteux, vn brocardant murmure,
Dont on la defauoué, helas ! le plus fouuent.
En
diuerfes façons on iouyfi de
ma
vie,
Mefmes les animaux en pajfent leur enuie,
Et fi toufiours mon bien fe conuertifi en vent.
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ENIGMES
*
4
*
vn Naueau, qui tout petit qu’il efl, efl
aimé des Seigneurs bien que la populace l'ai—
maft mieux gros pour le bien manger il le
faut rafcler, frotter, & lauer auant que le metC’efl
;
dans
tre
le pot,
s’amoindriflant,
&
bouillant là
il
s'efchauffe,
n’en eftant pas plus mauuais.
met dur au pot, on l’en retire mol &
rend vn bon bouillon, qui plaid à ceux qui
aiment les Naueaux. Ce qu’il engendre le plus
fouuent c’eft vn pet, qui eft chofe que ceux
On
le
qui
le font rougiflent
On mange
des
de honte
&
le
maux en
&
d’Inde,
defauoûent.
Naueaux diuerfement
beurre, à la mouflarde, fricaffez,
repaiffent
,
comme
&
porcs,
les
,
au
ani-
poulets
fon aliment objecte force ventofitez.
On me cherche beaucoup afin de m’empongner,
Et lors que l'on m’empongne on me voit dédaigner,
Mais fi l’on ne me trouue on n’a fi grand liefie,
Et fi de m’emporter auec foy on ne laifie.
vn poux ou vne puce que l’on eflaye à
on les iette comme chofe
; les tenant
on ne les prend, la perfonne n’en efl fi
à fon aife parce que telle vermine la pique &
mord, ne laiflant de l’emporter auec elle.
C’efl
prendre
fale
;
fi
Quand
le
long infirument entre en
mon
trou barbu,
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,
ENIGMES
142
En
langottant
& le remuant dru
flux auec rumeur fi douce,
que i’en touffe.
ie faufile,
le lafche quelque
Que
l’on s’en reiouyfi encores
C’eft vn homme qui met vne flutte dans fa
bouche barbue tout autour, & faut que pour
en bien ioüer il remue foudainement les doigts,
ne fe peut faire ainfi qu’en foufflant & ianla faliue; quiconque
il ne lafche de
entend le doux bruit & doux fon fe refiouyft:
mais de la peine qu’a le ioûeur il en touffe
&
gottant
ordinairement.
On me treuue douillette en ma tendre ieunejfe
On iouyfi de mon corps, voir fans me defpouiller;
Mais lors que ie fuis vieille on me void lors fouiller:
Car voyant mon cul noir au commun on me laifie.
C’eft la
Febue nouuelle, qui
friande eftant fricaffée,
drette
efcorce.
On
eft
vne chofe
mefme auecques
n’en
fait
fa ten-
pas d’eftat eftant
dure, ce que l'on connoift à fon cul noir,
n’efl plus bonne que pour les gros varlets
gens de iournée, pour qui on
la
&
&
garde le plus
fouuent.
Madame
le
void rouge efiant en
Ee prend à pleine ntainpour
le
grand chaleur,
mettre en fa fente,
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ENIGMES
Puis ayant
143
£ vn
bon coup reçeu cefie liqueur,
Soufflant foufpire d’aife & n’efi plus fi ardente.
C’eft
vne
Dame
ayant chaud, qui void vn
verre plein de vin clairet, qu’elle prend à plein
poing pour le boire,
après auoir beu ce grand
&
coup, elle foufpire
d’aife,
l’on fai£l toufiours,
&
leur n’efl plus
fi
&
en fouffle
comme
eflant defalterée, fa
cha -
grande.
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,
VqâLLVSÎON
DV CAPITAINE LASPHR1SE
A MONSIEVR DE BOIS-DAVLPH1N
Les palmes de vertu aux
Toy
illujlres font deues.
V unique (Laval) race des mieux connues,
Qui honores l’honneur de
tes
braues ayeux,
Comme l’or le faphir, & le bon fruiâ fon tige
Toy toute honnefleté, qui tout Amour oblige,
Prens plaijir aux plaijirs de mes carmes ioyeux.
Tu
connoiflras
comment
ie
monjlre à une
Dame
Les diuerfes façons du defxr de fon ame,
(Voire à d’autres qu’ Amour a voulu furmonter).
Il
ne faut d’interprete en fi douce harmonie,
Auffi que priuément tu as peu voir l’Amie,
Et voudroy auoir mieux pour mieux
te prefenter.
Fefiois en Daulphiné glorieux Capitaine,
Au premier camp vainqueur du grand Prince du Maine
Quand F entendy qu’auiej agguerry le guerrier ;
J’admire le beau traiâ de fi gaye brauade,
Mais vous eufies, Madame, vne douce efiocade.
La fortune
fouuent fauorife vn dernier.
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l’
allvsion
145
bonne Amour s’e/preuue ;
A cefie occajion maintenant ie vous treuue,
le m’offre à vous feruir d’vn feruice parfaiâ,
le vous confeilleray, i’ entends l’art militaire,
le fuis bon compagnon, ie fçay comme il faut faire;
On difi qu’au grand befoing
Ce
n’ejl
pas peu d’auoir
la
la fcience
Mais comme vn Médecin en
&
l'effaiû.
vain donne vn remede
Au
pauure douloureux, fi ce dolent ne s’aide
Enfuyuant l’ordonnance ; ainfi ie-ne pourray
Alléger vofire mal qui vous rend le teinâ blefme.
Si vous ne me croyez, vous efforçant vous-mefme :
Or fecoureç-vous donc, & ie vous fecourray.
Quand
ie
vay
affieger quelque ville efiimée,
le fay bruire vn renom de ma gloire allumée,
De loin bien aduifé ie fay fommer foubs main,
S’ elle veult
refitfier,
qu’elle foit difficille,
le donne force argent à quelqu’vn de la ville,
intelligence elle efi prife foudain.
Dont par
Si quelque braue fort fe tient toufiours en garde
Pour vergongner ma gloire, adonc ie me hasarde,
le fay bonne tranchée & de bons gabions,
le m’en vay ferpentant pour qu’il ne me commande,
le gaigne pied à pied, lors il faut qu’il fe rende
Quand il me void logé au bas des baflions
Ou,
s’il fait le mauuais, iamais il n’en efchappe.
iour (mefme la nuiâ) ie m’en vay à la fape,
le renuerse aifément Monfieur le fort à bas,
Le
Ou
bien cherchant le fond ie fouille creux, ie mine,
10
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l’a
146
LLVSIO
S
Quand on
y met le feu, il fait beau voir la mine
Des rebelles mourans au milieu des cons bas.
Quand
elle a bien ioûé on faute l’vn fur l’autre,
font bien retranchez, dans le fang on fe vautre,
Et de cul & de telle on entre viuement,
On fe poufTe, on s’enfonce, on s’abat, on fe fouille,
On s’anime en ce ioinét, on choque, on fe defpouille ;
On faiâ trembler la terre en ce beau remuement
S’ils
!
n’y a pont-leuis que
Il
ie ne puiffe prendre,
En ayant vn volant qu’il faut finement tendre,
Sinon comme à plufieurs qu’il
aye vn faux huis,
y
Ou
quelque tour couverte auec grand artifice ;
y mettre la faulïice,
Toutesfois, fi ie puis
le la fais bien bondir
par
le
petit pertuis.
Pour fonder
le foffé i’ay la pique guerriere ;
marefcageux ie me retire arriéré,
a de l'honneur, ie pouffe audacieux,
Si bien que de mes coups ioints aux paroles graues,
L’imprenable fe prend abattant les plus braues.
Qui dompte les vainqueurs efl compagnon des Dieux.
S’il efl
S’il
y
ie fuis campé fur la fuperbe terre,
C’efl alors que ie fay divinement la guerre ;
Le plus beau Régiment n'ofe affaillir mon Gros,
Lors que
Celle que i’inueflis a beau faire la fine,
Endurant les fureurs de ma grand’ Couleurine,
Sans qu’elle tire aux fiege’ elle monftre le dos.
Quand
i’en refie
vainqueur, defirable vidoire.
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l’
auvsion
«47
De peur que tonfe fauue amoindriffant ma
gloire,
le tire entrant en garde en rechargeant refous,
Sur
A
la
minuiâ ie donne alarmes fur alarmes,
Diane vn chacun prend les armes.
la belle
Le mot du guet faind
Iean, le patron des ialoux.
fay pas la ronde
(Cejl à faire à ceux-là qui commandent au monde),
Si euitay-ie bien la laide trahifon
le patrouille parfois, ie ne
;
Car fans monjlrer mon feu ie vay, ie viens, i'efcoûte,
reconnoy fans cejfe exempt d’aucune doute,
le
le
prends langue
le fay
le
iour près de
ma
garnifon.
mon corps-de-garde auprès des aduenues,
le pofe en diuers lieux fentinelles perdues,
Que
ie
vay
vifiter
fur
le
ventre abattu,
Craignant qu’on me defcouure aux defpens de ma
ma belle compagnie,
le ne dors point qu’ après auoir bien con battu.
vie.
le caufe, i’entretiens
Les approches toufiours font les plus mal-aifées.
Quand les perfonnes font au meflier bien rufées
On court fortune auant que boucler, çu’aflieger,
Il faut prendre vn moulin puis vne montagnette.
L’arche d’vn petit pont, vn preau, vne islette.
Et fouuent au faux-bourg, où il y a danger.
Lors que i’ay abattu quelque grande courtine,
Craignant qu’on
Et par
la
s’affultall dejfus cejle ruine.
canonnière en occire quelqu’un,
le tens tout à l’entour vne grand’ toile vfée,
Qui empefehe de
voir l’inuention ru fée,
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148
L.'
Dont quand
A L L V S
donne au trou
ie
le ne fuis point de
I
ON
il
n’ejl
ceux qui vont
fceu de pas vn.
la telle baffe;
l’enfonce brauement, ie donne, ie terraffe,
gaigne
le
Ou
foit
les deflroi&s
de diuerfe façon,
par parlement, par force, par famine,
Vainqueur du con vaincu
Qui
refijle le
plus
Quand
la ville ejl
le n’en
dy mot
enfin ie le
domine:
paye plus de rançon.
pour moy, & le chafleau rebelle,
dormir la fentinelle,
laiffant
l’y pofe mon pétard qui chargé fait beaucoup,
Car plus tant plus il treuue vne grand’ refifiance.
L’ayant mis à propos d’vne roide affeurance,
Il
fait fauter,
iaillir
&
enflammer à coup.
donner bataille. Amoureux de la peine
le cherche incontinent vne aggreable plaine,
Qu’on ne prend fans gaigncr vn foffé bien profond,
Encor ejl-il couuert d’vne groffe montagne,
Où ell vn bois fueillu qui orne la campagne,
Mais le combat le fouille & quelquefois le rompt.
S’il faut
Là mon canon braqué fait
(Il n'ejl rien
efcarter le
monde,
que l’ardeur de fon feu ne confonde:)
Car
rien ne fe fait bien maintenant fans canon ;
Auffi tofl qu’on le void, on fe couche, on fe baiffe;
Il
fait belle ouuerture,
Sans luy
le
il perce tout, il froiffe,
plus vaillant n’acquiert vn beau renom.
Puis mon arriéré garde ejl prejle de bien faire,
Si l’ennemy vouloit en tel choc me défaire,
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l’aLLVSION
Qu’il voulujl attaquer
mon
1
4y
bataillon d’ef.at,
Qui ejl bien ordonné auecque belle ru/e,
Entre le corcelet y a vne harquebufe,
La pique fans
le
feu ne rend vn beau combat.
le fuis bon efcuyer, i’ay bien bonne tenue,
Si
la bel\e
farouche hautement fe remue,
le
fcay piquer à temps, lafcher la refne aufli,
fcay bien faire aller, ores à balotades,
A
courbette, au galop, en diverfes pafl'ades,
le
Et
ores bellement
Quand
Ayant
fentant
l’ air
addoucy.
prompte, ieune, orgueilleufement fiere
(à la grandeur) vne large carrière,
Alors ie fuis contrainâ de me tenir au crin;
Le remuement leger de la croupe mouuante
Me
elle e/l
desarçonneroit, chofe fort
Dont
il
la
faut piquer
le
foir
mal feante,
&
le
matin
:
Parce qu’il n’en ejl point (tant foit-elle mauuaife)
Qui la cheuauchant bien peu à peu ne s’appaife,
Dont la plus ombrageufe aime l’ombre incertain;
On la paffe partout, elle n’a plus de crainte,
Et fi Von la touchoit de quelque faufle attainte,
Le vray charme
croifé la
guérira foudain.
ie fuis galland homme,
l’ay mille autres vertus que la France renomme,
comme vous du beau lue renuerfé
(Non pas que ie trahiffe aucunement Cythere).
Iamais les gens d’honneur n’attaquent par derrière.
Ce
n’efl
en cela feul que
le ioué
Mal-heureux
le
vainqueur, mal-heureux
le bleffé !
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;
l'allïsion
3o
Alors que vous fere; de trifle humeur efprife,
le vous refiouyray , bouffy de mignoiife,
Or’ ie tendray le nerf, or’ ie l’ accourciray,
Egaux à l’argument des vers beaux vers i’entonne,
Deffus vn chant nouueau doucement ie fredonne,
Le Prin-temps porte-fleurs efl toujours defiré.
l’inuente de
beaux Airs que quelquefois
ie
Je tiens bien
mon
Dont
retentir le beau logis voulté;
ie
fay
le redouble fort bien, ie
Ma
taille
Car
ie
monffre.
delîus avec la baffe-contre,
fay plufieurs paffages,
aggrée aux mariages
& l’haulte-contre
fçay
doux & regringotté.
le refrain
le
fçay le bransle gay, la volte, la courante,
vay bien au balet, le monde s’en contente,
le
fay
le
la capriolle, ore bas, ore haut,
Auecque beau maintien
le ne
me
lajfe
danfe
ie
la gaillarde,
point en fonnant toute aubade.
Jamais au braue cœur
le
courage ne faut.
Pour m’accorder aux voix mignonnes de la Mufe,
î'ay prou bel infiniment; i’ enfle la comemufe
A uec mon gros bourdon dont l’on fringue en tout temps,
le mets la flûte
au
le racle le boyau,
Le vy au long
Quand
ie
trou, en langottant ie crache,
mon
violon s’attache,
n' aggrée, il
fuis à la
Cour
fied bien
ie
mieux dedans.
vay en mafcarade,
le couure le moumon, ie tiens tout de brauade.
Et craignant de faillir ie fay fans faire bruiâ ;
Je baffe-dance vifle auecques ces fillettes,
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U*
ALLV
«
|
ON
i
in
Par degré, au priué, aux allées fecrettes,
Le iour on parlemente & l’on fe rend la nuid.
En beaucoup d’autres points on me void plein
de grâce,
l’entens la Venerie, expert en cejle chajjfe,
Je rends ce que ie lance en peu d’heure aux abbois.
le brofle viuement aux forejls Damoifelles,
Sept en une alfemblée ont tombé dans mes toiles,
ne peut euiter l’enceinte dans mes bois.
On
Mon bon limier vigros fe plaijl dans la brifée,
Au premier coup de trompe il court à la curée
;
membru, rablu,
Il ejl douillet,
il ejl rouge en mufeau,
poly, d’vne couleur blanchaflre,
Mouchetée de
noir,
Il ejl
Quand
il
il
ejl
void vn relais
il
mignon, folia fire,
prend vn coeur nouueau.
Vous direz qu’en defaut quelquefois on demeure,
continuer ce plaifir à toute heure
tant foit-il bien formé
Que pour
Vn feul n’y peut fournir,
Tu
diras vérité, Déeffe que
i’
;
adore,
Mais i’ay de bons Amis, tu prejleras encore
Con luy vaut, ton mignon, d'vn chacun renommé.
Quand
i’auray ce baueux, ce goulaffre, qui quelle
Couplé auec vigros, aimant viande prejle,
Je me vanteray lors alors au premier coup
D’ejlre le grand veneur digne de cejl office,
N’en defplaife aux picqueurs de France ma nourrice
Car
ie
Quand
:
tiendray la belle efchappée à beaucoup.
ie
veux recevoir quelque
plaijir
fans peine,
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;
I
l'allvsion
52
C’ejl
au bourdel ombré, bien fertile garenne.
Où les liffes de Cour déguifent leurs maintiens ;
Là fans abayer, là on ne faut point à prendre
Le barbelu connin au clapier fe vient rendre,
Mais on treuue bien peu de ces iolis cons nains.
le fors incontinent de
Mon
ma
gente pochette
furet affamé à la double fonnette,
Qui creté, qui friand, qui chaud, qui furieux,
Se fourre dans le trou auecques fiere monjlre.
Si de cas fortuit le mignard fait rencontre,
La bourrafque fe fait l’vn fur Vautre enuieux.
Je pourroy prendre encor
Sur le foir à i’efpere auec
Fai
le
bandage bon, i’ay
Incontinent qu’il
ejl
cejle petite belle
vojlre harbalefle,
le
garrot très-fort,
deffus la noix cochée,
droidement à la belle couchée,
Qui foufflant fait la morte en fe débattant
Il
lafche
fort.
Outre cela ie fçay vne chaffe plaifante,
Alors que la froidure apparoijl fort cuifaute,
le fuis bon gibayeur, ie cherche les eflangs,
Bien profonds bien herbus , propres pour le mefnage ;
Mais les marefcageux ne font de mon vifage,
Féslongne par fus tous tous ceux-là quifont grands.
Nul
ne peut euiter
mon
le tire en toutes eaux
plaifant exercice,
amoureufe
delice,
Madame, vous verre; vn plaijir fingulier,
Et fi dedans le gay la bejle fait la morte,
Goulu
vojlre barbet naturellement porte;
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,
l’allvsion
C’ejl là le feul
Ce
n’eft rien
Maugré
de cecy,
ie
ilTant le
le
f\fflet
&
route
ie flotte,
agilité,
ore ore i’ameine.
pendant on fçait
D’vu coup de gouuernail
le la pouffe en auant,
le donne /'eftribort,
le
ie
ma
tourne
& puis
le ne crains les efforts
le
ma
bourcet, la voile, la mifenne,
papefigue,
Par mon
53
gibier.
fuis maiflre pilotte,
l’orgueil des vents vers
Faifant de bande en bande auec
Ore
Ore
1
moyen pour auoir du
,
volonté.
la nauire,
ie la retire,
du grand flux & reflux,
compas me Venfeigne,
connoy les mellraux brauons, ie les délaigne,
veux point mentir, i’aime le vent defîus.
le ne
Quands
ie
cours la fortune où
mon
deflr
abonde
le ne doute Z’efcueil caché fous la noire onde.
Afin de naufrager le voylier butineur.
Rien, rien, ie ne crains rien, on ne me peut furprendre
Que ie n’aye rendu, que ie n’aye faiâ rendre
Ma
nef enuitaillée au riuage vainqueur.
Efiant
là ie
me
plais, i’ay la ligne tendue,
le mesle le rouget auecque la barbuô,
Defcouurant dextrement les iolis mannequins,
Qui d’vn mot déguifé, honorant la Nobleffe,
Parce que la marée efl aimable fans ceffe,
Ont emprunté le nom de grands vertugadins.
•
le ne prens point la raye, o puanteur extrefme !
Ni le bon maquereau bien qu’vn grand monde l’aime
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1
l'allvsios
54
Mais quand
le
Cancre atteint mon friand 'hameçon,
Fafché ie crie haouf! maudifiant pefcherie,
Je rejeâe la Seiche, & vous la molle Plie,
Jamais femme de cœur n’achepte ce poiffon.
Le
deftreux pefcheur fur la barque legere
craindre l’orgueil de Th etys la meurtrière
Ne doit
Qu’il s’affeure gaigner en pelerinifant,
Jl
verra poulignac, pelade, chancre
lie,
S- venant par Sutie
pourra rapporter quelque Ruby luifant.
Grincepifle, Bauiere,
Il
Je n’ay eu l’heur, chétif, d’auoir faid ce voyage,
Bien que i’aye couru la fortune volage,
Venant du haut en bas iufqu’aux pais Flandrins,
Hé! pourquoy ,mais pourquoy ne me fuis-ie allé rendre
Je ne le con prens point fi aimay-ie à con prendre
Icy, en toute place, & iufques aux cans fins.
Quand
Que ie
ie quitte les flots
pejfche feulet
des ondes marinières,
aux
eflrohes riuieres.
Je mets dedans l’engin la perle des poifions,
Le fauoureux brochet ferme, doux & propice,
le prends tout
à mon
reth, fors Vhorrible efcreuice,
le n’aime point cela qui nage à reculons.
Virons
le cabefian, hiffans,
largons l’efcoute.
Alerte, appareillons, reprenons autre route,
Qui reuienne toufiours à nofire beau chemin.
On diâ que vous aimeq l’art de Fauconnerie,
le monte à toutes mains, i’entens la Volerie.
On m’admire à l’entrée, on m’adore à la fin.
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,
l’allvsion
Mon
1
55
maheutté a la ferre fi forte.
Qu’il abat tous oifeaux d’vne vifieffe accorte ;
lafnier
Vray efi qu’il craind vn peu le dangereux faux con,
Dont l’outrageufe main efi ajfeq reconnue,
le ne le mis iamais dans la purgeante mué,
le luy
ay
bien
donné
le
ioly chaperon.
vous plaifi voir ioüer en bonne compagnie,
I’entens fort bien la paulme ayant belle partie,
le bande roidement, ie donne le reuers
S’il
le ne fuis point faut ier, i’ay la bricolle prompte,
le prens /’elleuf au
bond craignant la
laide honte,
le mets dans la beloufe à l’heure que ie fers.
Qui ioué en ce
Il
fe corrompt
tripot d’vne
ardeur continué
lajfé ; la violence tué,
.
Mefme l’efprit ioyeux en deuient plein d’efmoy;
Si me play-ie au ballon que t’enfle d’arriuée,
Mettant dedans fon trou ma feringue mouillée,
Quand ie le iette à bas il bondifl maugré moy.
le
fçay
bien dauantage, en quelque part que
le gaigne les gaigneurs
Ma
i’ aille,
au jeu de Pallemaille,
Mon mail bien emmanché fait
des coups merueilleux.
lieue eniaiue bien, fi bien que i’outrepaOTe,
le débuté affeuré toufiours j’entre en la parte,
Tant plus
elle efi petite,
&
plus ie Taime mieux.
prime au jeu de prime, & le fay de ma relie,
le gaigne au plaifant flux, mon gain efi manifefie,
Et fur la fin du mois mon jeu va iufqu’au cent,
Momifiant tout me fert, i’ay quelquefois barbouille.
le
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1
l’allvsion
56
Qui iouê auecques moy
il
Le parieur
&
s’efchauffe,
faut qu’il fe defpouille,
chacun le confent.
Le changement aggrée,
aucunesfois
Aux Tarots
&
tejle
à
tefle
ie
iouê
toujiours ie fecouê
.L'ame affeâionnée en Ji doux paffe-temps,
S’elle veut mon bagat ie triomphe fur elle,
le fay toujiours atout d'vne façon
Que perdant
au
ie
me fauue
en
Jif belle
me mocquant des
Ians.
au poinft, fredonnant ie triconne,
le n’aime le grand poinét, ni la ronfle fi bonne,
ray toujiours vn beau i’ay, approchant mon defir,
Quand ie ioué à la belle, ô Dieux ! quelle allegreJJe?
le truque fort au truc, & iamais ie ne cejfe
le iouê
De
i’ay,
m’efbattre en tous lieux quelquefois pour plaifir.
le iouê
au lanfquenet, voire à
Car
deuine bien, i’entends la reuirade,
ie
la
condamnade,
croy cefie beauté qui tient fi bien fon rang.
Qui perd le fouuenir d’vne chofe fi belle ;
le me trompe vrayment, elle efi fpirituelle ;
Car ie luy ay donné du fubtil de mon fang.
l’en
le fuis
Au
Grec aux efchets, de mon pion ie matte,
du Cheualier il faut que ie m’esbatte,
faut
Et puis au
trou madame (humble occupation;
Si l'enjeu vaut beaucoup i’entre dans le neufiefme,
Sans faillir ie redouble auec honneur fuprefme.
On
prife
l’entre
aux beaux
& choque au
effe£ts la
billard
grande ambition.
voyant
belle
monnaye.
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l’allvsion
aux beaux
Je bransle
i57
ionchets perdant auecque ioye;
aux martres, jeu commun,
qu’il m’apperçoiue
porte franche, afin qu’on me reçoiue,
le change, ie bondis aux defpens d’vn chacun.
Mais
ie fuis Jingulier
le bicque auprès
le
fay
Mes
du monde, & fans
la
paffetemps ne font d’efchines morfondues,
dames
Le
tric-trac qui fait Ian, les
Où
fuis gentil gentiment efprouué,
forçat efl ioyeux, le plaifant recreable,
Le
ie
rabattues,
me
ne m’ennuye en cefl esbat aimable:
du damier fe iouê à eu leué.
Iamais
ie
Car
ieu
le
Puis donc que nous auons fi grande fympathie,
Viuons paffans pays, viuons, ie vous fupplie,
Vous aure% auec m °y des gracieux plaifirs,
Et fi comme plufieurs vous difie\ d'aduenture
Que ces douces douceurs ne donnent nourriture,
Tefpere contenter
Car moy, moy
feu de vo%
le
tout fçauant ie
deftrs.
fçay
le neceffaire,
Si doneques vous auez quelque importante affaire,
Quelque fac embrouillé, quelque paillard procès,
Cela, qu’efl-ce cela? l’ay la lur ifprudence,
Les
loix logent
Cefl pourquoy
chez moy,
me
l’on
l’on m’appelle éloquence,
void fi fouuent au palais.
aux Dames gracieufes,
ParoiJJant au parquet ardemment copieufes,
Qui ne faillent iamais aux aflignations.
le conferue le droiét
le ne confulte point
Quand
il
pour de
petites chofes
me faut dépendre aux
;
principales caufet,
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1
l’aulvsio»
58
cautions.
Alors i’ay corps pour corps de bonnes
perfonne qui fait fottement la galande,
voulant con paroiflre, elle paye /'amende,
Mais à Z'adiournement qu’on nomme perfonnel,
qui font grojfes :
Il fe faut prefenter fur peines
Car pour cela l’on entre au eu des baffes foffes
La
Ne
Maugré
l’
effort plus fort
du couflumier appel.
On n’excepte perfonne aux villes bien réglées,
Ni à la Cour où font les belles affemblées,
On ne recule point , on obferue Z’edict,
partie,
Auffitofl que poulet adjourne la
Elle s’en vient au Jiege où elle s'humilie,
Mefme on va procéder iufques dedans le liâ.
Par vn con mittimus
i’exhibe toutes pièces,
Si /'appointe aifément, i’ entre alors en lieffes,
l’aime le con tenu mieux que le con promis.
Au criminel fans grâce il n’ejl point de remedes,
Aides,
le vay du Parlement dedans la Cour des
On con fronte, on recole, on con figne entre amis.
le puis ce que ie
J’informe,
le ne
I’ay
& puis
veux,
le
la peine m'efi plaifante,
i’efery de
manque iamais
ma plume
bon ganimal, i’ay
le
cornet duifable,
Mais craignant de chômer en
le vous pry’,
ce trauail aimable,
prejleq-moy vojlre ioly encrier.
Je befongne en beau temps
Je ne
fçauante,
d’encre, ni de papier,
chomme
ayant Vceuure de mefme.
iamais que iufques au feptiefme.
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l’allvsion
Le
bien n’ejl bien acquis fans pénibles efforts
Aujft toute perfonne,
En
i5g
gaigne
La femme
&
L’orgueilleufe au grand
L’humble
la
femme fur
;
toute.
Tuant à groffe goutte,
porte-faix n'efpargne point fon corps.
trauaillarrt,
cœur aime à venir aux prifes.
n’aimant point les feintifes,
Et la poureu'fe encor’ feule n’ofe coucher,
La liberale donne, en tous lieux elle prelte,
La mefnagere met gros 6 grands à l’emplette,
La
s'abaiffe bas,
Courtifane en veut encore qu’il foit cher.
La
Celefte Nonnain, qui n’ejl plus de ce monde,
Ne
veut
ouyr parler de
la
Toufiours auant Con plie
matière ronde,
elle
abhorre l’erreur.
S’ elle ieufne elle inuoque, elle fait bien 7'aumone
;
Elle chaffe par là le Turc de Babylone,
Et reçoit à con feffe vn entier Créateur.
La
honteufe honorable aime à couurir fa honte,
Et fouuent
La
d’vn coquin, de qui l’on ne fait conte
Papijle bigotte aime fort l’afpergès;
;
L’Atheifle ne croit fans voir de près /’effence ;
L’ Hypocrite à toute heure ombrage fon offence ;
La Huguenotte
veut de la chair en tous mets.
La gourmande veut tout pour fa pance affamée,
La fobre d’vn petit n’ejl pas rafTafiée,
La friande aime bien les andouilles de Trois,
La dolente fans fin aualle le breuuage,
La patiente endure & fouffre dauantage,
L’ambitieufe en veut demy pied quatre doigts
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1
Que
le
l'allïsioü
60
defire^-vous plus ? i’entens
fçay proigner
ray
la vigne,
S-
mefnage,
bon
le
fçay
le
labourage,
mon verçoy verfe-tout,
poignant, ïay vn foyt admirable,
vn foc acéré,
l'ay /'aiguillon
Pay bcfoin feulement de terre cultiuable:
i’ay vn bon harnais qui ejl toujiours debout.
Car
le defrouche affe \ bien la bonne terré en frifche,
mon grain, car ie ne fuis point chiche;
Mefmes deiTus les champs qui font bien façonnez,
La motte du gueret doit eflre releuée,
le feme efpais
Les gazons esbarbez en terre cultiuée
Plaifenl
aux
laboureurs fort affectionnez.
Les «murailles fe font iufqu’à la fin d’ Automne;
Quand on met le refin dedans la creufe tonne.
Pour emplir
Comme
Du
le poinçon i’ay vn bon entonnoüer,
vous fur tous vins i’aime le vin de goûte,
nous degoufle,
vin tant prefTuré la râpe
Si eflregnay-ie bien
la
motte au preffoûer.
le meine paiftre après les brebis camufettes
(Non dans f’vnique pré efmaillé de fleurettes^)
Car trop i’ejlime trop ce plaifant patureau,
;
Defiré des bergers, enuié des bergeres,
Qui tondent comme toy les oylles palTageres,
Laplufpart toutesfois garde bien fon troupeau.
La grand" bergere tient vn berger de defence.
Et le matin d’attache abayant fans offence,
La chambrière auffi qui fçait faire bon guet,
Chacune a
le
pafteur bien
foumy
de houlette,
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l’allvsion
Encore y en
Et
i6f
a-il qui veulent la fillette,
qui n’a rien s’amufe à gratter fon goret.
Après m’eftre efueillé ie vais à la fontaine,
l’y boy deux ou trois coups fans reprendre V haleine,
Puis ie me mire au iour de fon front criflalin,
le m’affieds fur le bord maniant l’herbe tendre,
le me plais près cefle onde où Von me void entendre
Par con duicfs, par tuyaux, Veau s’efcoule au iardin.
En ce champ ie con fons, & y voulant con fondre,
Ty vy vn fou tondant la chofe qu’il faut tondre,
Qui me monflroit le eu du curé iardinant,
Lequel tondoit près luy l'herbelette qui tremble,
Dont ie luy dis alors: Çà ! fou, tondons enfemble;
La bordure tondue aggrée maintenant.
Quand vous
fere% malade, expert en Medecine,
connoy à l’vrine*,
l’ordonne incontinent au fire Priapeur,
le tafle bien le pouls, ie
Le
catce rafraichifï le foye
Puis
ie
fay
éuanter
la
&
la
membrane,
veine médiane,
le corrige par là toute peccante
humeur.
Si vous eftes naurée, enfant de Podalyre,
le gueriray la playe, afin qu’on ne foufpire,
Fujl-ce en folution de continuité,
L’vnguent de mon boîtier, auec la tante exquife,
plus grande fillule en l’inflant cicatrife,
Mon inie&ion rend l’aggreable fanté.
La
Il cjl
vray que beaucoup ont
cefle maladie,
u
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l6a
ALLV»
L*
I
ON
Que ï appelle à la Cour la douce hydropifie,
Et font fubiedes fort au mal contagieux,
Mal
Qui
caduc, mal S. lan, haut mal qui fait abattre,
les
Dont
fait elçumer,
le
fidele
&
Hymen
qui les fait débattre,
s’eslongne de leurs
yeux.
Incrédule beauté, qui portez couleur pasle,
Voyez l’entrée vn iour du bon Roy Ithyphale
Et vous aurez foudain la difpolïtion ;
Fuffxeq-vous
aux
abbois, en extreme agonie
;
Car
luy, luy tout diuin, compofe l’eau de vie,
Qu’il donne à ce qu’il aime enflé d’affedion.
pere du monde, il cfl bien raifonnable
quelque hommage honorable,
reffource des humains,
Iardinet que i’adore, & qu’vnique i’appelle.
C’eft le
De luy faire fouuent
Et à fon compaignon,
Il n’efl
iour qu’à genoux
Deuant fon
bel Autel
ie n’offre
ma
chandelle
con facré des plus fains,
Vous poétifeq
On
La
les
bien, vos œuures font plaifantes,
achepte cher pour eflre doux-coulante*.
cheuille n’efl là (qu’en parentheiifant)
Qui cœuure l’honneur grand de
la fcience obfcure.
La
fentence ejl auprès de la docte figure,
Toute fors Synecdoch’ vous plaifl en compofant.
Vous aime q les grands vers qui piquans vous chatouillent,
S’ ils font rudes, greffiers, pourueu qu’ils ne barbouillent,
Vous les retenez tant que vous en accouchez,
Vous en faides deuant, vous en faides derrière,
la corne de Cerf, on les met en lumière
De
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l’allvsion
Par
le
beau fondement d’où vous
i
les
63
approcheq.
Encores m’a-t’on-diâ qu’ejles bien charitable,
Que vous couurez les nuds, que vous leur tenez table
belle, vous aimez vos voifins comme vous,
Que vous rendes ioyeux l’affligé plein d’oppreffe,
Que,
Que vous logez Paueugle auecques allegreffe,
Et que vous employer voftre honneur enuers
tous.
Eflhnable vertu (digne de ma loüange) !
Mais, Madame, efcouteq la mienne fainâe-eflrange
Dont vous pourrez auoir la confolation,
par mes graues paroles
démons d’entrer en mes efcoles,
le veux, ne puis-ie pas,
Coniurer
les
Et félon mon
plaiftr mettre en tentation.
S’ à l’inuocation vous prefleq les aureilles,
Vos yeux brillans verront de plus grandes merueilles,
^ar ie mettray le diable au profond de l’enfer.
ruflre ne faudra de s’y engouffrer ville,
Le
le l’en retireray iettant de l’eau benifte,
Cefie onde
efl
aggreable à l’Amour
C’efl trop diét, ie
me perds ;
les
lucifer.
paroles femelles
Sans les masles effeâs ne fçauroyent eftre belles,
Il faut, il faut con vaincre, hardiment affaillir
(Con vaincre toutesfois efl chofe difficile),
Mais moy, l’vnique moy, tout en tout plus habile,
le Vous veux faire voir que ie ne puis faillir.
le faute allègrement, iamais ie ne m’efforce,
le lutte corps à corps, ie carillonne
à force,
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164
L’
Par Dieu
iure icy) fi vous fçauie q comment
au dortoyr, vous voudriez, ie m'afleure,
(ie
le brinbale
Bifcotter auec
moy
On peut en moins
le
t’
quelque petit quart d’heure.
de rien con battre brauement.
import uneroy au bal de
Mais parce qu’à
Et
ALLVSION
te voir tu
cefie fefle,
me fembles
honnefie,
nourrie à la Cour ennemie au foucy,
me contenteray ne t’avoir did ma vie,
Mais toutesfois mon cœur, pouponne, ie vous prie,
Que vous portieq au moins en ma Joueur cecy.
le
Le patron du creon de ma digne
peinture,
Ou que
ie peigne au vif vofire belle figure,
au naturel de mon ioly pinceau.
le ne l'ay fi tofi mis dans la coquille ouuerte,
le tire
Que ie nefafle bien; car mon huile efi experte,
Et fi ie rends le teinâ plus vermeillement beau.
Bien que ce foit le propre à la femme de prendre,
Si tu crains toutesfois qu’vn blafme s'en engendre,
le ne fuis fi honteux, en parle qui voudra,
Fay-moy doneques prefent de ta bague en ouale
Afin d'accompagner ma pierre Orientale,
Puis ie feray après tout cela qu’il faudra.
Ne me
refufe pas, Afire de ma lumière,
le foldat porte vne enfeigne guerriere
Lors que
cher enfant du furieux Mauors),
Superbe il monte mieux à la breche effroyable ;
vferay ainfi fi tu m'es fauorable.
Par la douce faucur les foibles fe font forts.
( Bien
qu’il foit
l’en
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l’allvsiok
i
65
firay doncques voir dans ta terre connue,
le
Troufotier beau pais d’incroyable ejlendue.
Pour l’Amour de l’honneur
ie marche à fort grand
ne faut pour cela augmenter l’ordinaire,
Le furcroy à l’entrée efl pourtant neceffaire,
train,
Il
C’efl
le
La
le
au commencement
feray chere
qu’il
faut paroijlre bien.
entière en la falle, en la chambre,
nature aime fort
la
chair d’vn beau gros
fçay hacher menu faifant
venir
membre,
le ius,
du cochon rend nojlre ame gaillarde,
Le morceau de boudin auecques la mouftarde,
L’entre-vit
Et
le paflé
en pot arroufé de verjus.
Voylà mes appétits, ma Dame, ma coufine,
On en faid (ce did-on) dedans vojlre cuifine
De diuerfes façons pour vos diuers repas,
le fçauray s’il efl vray, fi douce tu m’accojles,
Chaque iour fi ie veux car ie cours plufieurs portes
Sans mettre aucunement mon beau couflinet bas.
:
En
attendant cela approchez-vous, mignarde
!
le fuis prompt, ie fuis vif, i’ay l’humeur fretillarde.
Çài que
vous culbute, il vous faut donc rauir ;
le vous tiens, mon tonnant ma fy tu es mon ame
Qu’en dis-tu, lolion? tu te meurs, tu te pafme;
ie
;
Cefl cecy qu’à
la
Cour on appelle
!
feruir.
Rions après le coup, comme le coq qui chante
en l’Almanach, nous parferons nouante!
Sept ans auant la fin on a fterilité ;
Les filles aux doux yeux font pudiquement belles,
Ne fonge
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i66
l’allvsxon
Et nous fommes au temps des inchajies pucellùs,
Vn monde d’auortons faiâ voir ma vérité.
Vos premiers feruiteurs n’entendoyent pas l’hifioire,
Bien qu’ils eujfent fué dans l’ardent purgatoire,
Sçauoyent-ils comme moy ce farfouillant deflour.
Ce beau bransle poupin, cejle alte chatouillante.
Ce remuement leger, cejle grâce blutante?
Vn dedans, deux dehors, dejl le ieu de la Cour.
I
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DIVERSES STANCES
CD’
cAqMOV'R
le n’aime point la perfonne qui blafme,
Ni
qui fans front deçà delà diffame
efl hors du combat redouté;
Ce qui
>
le n’aime auffi ces conteurs de friuoles,
Ces flagorneurs, ces doubles en paroles
On
O
doit
aimer qui did
Vérité! Déeffe peu conmê,
Belle, c’efl vous
qu’humblement
Pour vous prier de
venir voir
Qui mefdira de leur yoix
Comme
On
;
la vérité.
ie
falué,
mes
vers.
véritable.
effronté fera plus mefprifable.
doit fuyr le
menfonger pçruers.
Des blafonneurs ie ne fais point de conte
Car mon honneur, effence de leur honte,
Ne
;
dépend pas de leur intention ;
le diray donc, pris de vérité fainde,
Que l’Amour fort, dont i’ay fenty l’attainde,
N’habite en nous fans grande paffion.
1
68
DrVERSES STANCES
Si vn
Si vn
mary aime beaucoup fa femme ,
Amant defire fort fa Dame,
Il eft,
Si
Il
De
Si
il
fujl,
ou doit
Amy
quelque
aggreablement doux.
elle pleure, il la croit irritée
Pour fon Mignon,
Si
Si
Si
ejlre ialoux;
elle rid pleine d’vne humeur belle.
iuge alors qu’elle a bonne nouuelle
dort,
qui ne
l’a vijitée;
fonge en luy;
à luy-mefme;
elle lit pour tromper le temps blefme,
C’ejl pour couurir fon Amoureux ennuy.
elle
c’ejl qu’elle
elle efcrit, elle efcrit
Si chuchottant
elle parle,
Changeant couleur,
il
il
friffonne;
efcoute,
il
C’ejl l’hojle, helas! d’vn eternel
Car
le
foupçonne,
foucy ;
chétif ejl fi gonflé d’encombre,
Qu’il efi ialoux feulement de fon ombre,
Et la ialoufe en ufe tout ainfi.
Si vn mefchant auoit tué mon pere,
Qu’il eufi couppé les cheueux de ma mere,
Mangé mon
bien,
&
violé
mes fœurs.
Premièrement que luy
ofier la vie,
le le voudroy, bouffy de ialoufie,
Pire trop plus que tous autres mal-heurs.
Las !
efl-ce viure ? helas ! ce n’efi pas ejlre,
Qu’en fe plaignant à toute heure, paroifire,
Gros de brouillars, de rages oppreffé,
Dormir
en
l’air,
manger de mefme
forte,
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Auoir toufiours
foupçott à fa porte,
le
Marcher confus comme vn pauure
Mais puis
infenfé.
qu’ Amour enfante cejle peine,
Sçachons d’où vient fon audace inhumaine,
D’où vient Amour tant & tant defiré.
Le vray furjon de fon ardente flamme
Premièrement procédé de la femme
(Beauté qui m’a tant de fois martyré).
Or fi
quelqu'un
ejl
tellement infâme
Qu’il fait vaincu des douceurs de la
N’eflant plus
homme
Mais emporté de
Il
il
femme,
n’a plus de raifon ;
telle frenefie,
fe rend ferf d’ire & de ialoufte,
enfers de fi chere poifon.
Et des
Voylà pourquoy
Bien que
ie
ie
les femmes,
d’Amoureufes fammes,
mefprife
fois plein
ie
Dont abufé
me vay confumant,
Efiant ainfi que
le trifie
hydropique,
Qui iour & nuiâ trop altéré pratique
le met au pâlie monument.
L’eau qui
La femme
humide, orgueil qui tout furmonte,
N’efl tant que l’homme à la volupté prompte,
Mais
froid marbre efchauffé ardemment
Retient bien mieux la chaleur allumée
Que le plomb chaud ; & l’Amante enflammée
Garde l’ardeur plus que ne fait l’Amant.
le
On ne fçauroit
affouuir fon courage.
DIVERSES STANCES
170
Depuis qu’elle ejl animée au carnage.
Cent mille flots n’englaceroyent fes feux
;
Comme vn cloaque engloutifl tout ordure,
La femme ainfi addonnée à Luxure
Reçoit, vilaine, vn
Ce qui induiâ
Aux
les
monde
d’ Amoureux.
femmes enuieufes
grands furcrais des douceurs Amoureufes,
fubieâes nuiâ & iour.
C’efl qu’on les tient
Le prifonnier
la liberté regrette
;
Plus on l’enferme, & plus il la fouhaitte ;
Tout ainfi font les femmes en Amour ,
Qui voudra donc,
efiant en mariage,
N’eflre tant ferf du cornu cocuage,
Qu’il fe refie en fa femme toujours.
S’il ejl ialoux, toutes les fentinelles,
Les forts plus forts, toutes les
Ne garderont qu’il n'ait riual
citadelles
d’ Amours.
ejl fa Dame aimable
Qu’en luy donnant, en endroiâ conuenable,
Cent mille efcus pour iouyr de fon corps,
Qui jifl la chafle? Hé! qu’elle n’auroit garde
A ins tresbuchante auec humeur gaillarde,
Elle mettroit vn dedans, deux dehors.
Qui me niera où
De mefme
aufft,
des petites
!
aux grandes,
Cent millions de bon or pour offrandes
Pourroyent fléchir vne Principauté ;
Mais de fortune, au fier temps où nous fommes,
Jl n’efl befoin de tant de groffes
fommes;
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;
D’
Rien
n’ejl fi
.
A M O V R
1
7
1
cher que la commodité.
Qui trouuera dans
la fuperbe terre
Lieu conuenable à V Amoureufe guerre,
a du cœur il ne peut s’excufer.
Nous aurons bien grâce plus accomplie;
Car déformais les Dames que l’on prie
S’il
Supplieront l’homme afin de
Qui voudra donc
Qu’en tous endroiâs
il
les baifer.
aimé de chacune.
eftre
pouffe fa fortune,
Et qu’on le die honnefiement foubs main,
Pour efire hay fans qu’on querelle ou plaideT
faut fans plus l’appeler
Cela luy deult plus qu’vn
Il
Mais
vieille
ou layde;
nom de
putain.
vaut mieux eftre neutre auec elles :
(far leurs faueurs, leurs defpites querelles
Ne
il
fçauroient pas ni nuire, ni aider.
le temps (chofe qui efi plus chere)
On perd
En
recherchant cefie trouppe legere
trois fois qui s’en peut engarder.
Heureux
le ne fuis point
ennemy de
le defire efire en leurs
ces filles;
grâces gentilles;
Mais en voulant me lier en leurs laqs,
le feroy lors comme vn bon Capitaine,
Qui, preuoyant la paix fouslage-peine.
Se
retirant licence fes foldats.
y
en a qui font bien au contraire,
Feignant lier vne ame volontaire,
Il
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;
DIVERSES STANCES
172
Ils ont la fleur
dont quelque autre a
Et puis après forgent me
i
le
fruiâ,
querelle,
Afin d'ombrer leur parole infidelle
Voylà comment le bon fainâ Iean reluit.
le ne
voy
rien dans le
Lowre
que braue,
le n’entens rien que feruiteur, qu’efclaue
;
Chaque fille a cinquante Courtifans.
Mais vn mary mal-aifément fe treuue ;
Car peu, fort peu veulent femme à Vefpreuue,
Qui fe peut faire auecques beaux prefens.
Vn diamant auec vne Elegie
Fait tofl iouyr d’vne Amoureufe enuie;
Auffl n’eft-il vn plus excellent don :
Car par les biens nous viuons en franchife,
La Mufe après brauement éternife ;
L’or & Phœbus furmontent Cupidon.
Ainfl l’honneur des plus honnefles
Dames
Gifi en l’argent, enrichy d’Epigrammes
(Bien qu’vn bien feul les puifle conquérir).
Vous donc, ô vous, ma Dame la pudique,
Pardonneq-moy fi ie vous dy publique;
Car l’or commun vous peut toute acquérir.
Il
me
D’où
fuffit; ie
le defir
L’aueugle
vous
ay faiâ
entendre
délicieux s’engendre,
Pour borne icy
ie le
rediray mieux:
Amour vient des yeux pleins de flambes ;
Il fort rauy par l’entre-deux des iambes,
Qui iouyt bien n’efi plus bien Amoureux.
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D*
Toy
A M O V R
donc, qui dis que Cupidon
173
t’
enflamme,
Embrajfe fort, embraffe quelque femme ;
Ton feu cruel s’efleindra gayement,
Tu te riras
Comme Von
amoureufes,
Dames dédaigneufes,
doux contentement.
des ardeurs
void les
Pour auoir eu
ce
1
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SVR LE FLEAV FEMININ
Si compofant ces vers
Vay faiâ
Femmes, accufe\-en l’Enfer de
vne folie,
voflre trou,
Qui de iour qui de nuiâ donne à chacun
De faire par humeurs
diucrfement
le
l’enuie
fou.
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FLEAV FEMININ
PAR LE CAPITAINE LASPHRISE
Femme, Fiebure, Fureur, Flamme, Faim & Froidure
Sont fix maux féminins par qui le monde endure.
Du premier nous avons double damnation,
Du fécond les douleurs d’efirange paffion,
Du tiers fommesdeflruiâs pour trop vouloir prétendre,
Du quatriefme on nous voit fouuentreduiâs en cendre,
Du cinquiefme mourons en miferables maux,
Du fixiefme noyé p par le glacis des eaux.
En tous ces fers tourmens il Je trouue remede,
Fors au premier, cruel qui tous mal-heurs excede.
ne peut pas toufiours nous allumer,
confommer
Par drogue, par faignée, ou bonne medecine.
La cruelle fureur n'efl fans cejfe mutine ;
Car la guerre s’ appui fe ; hé ! quoy ? n’efi-elle pas
Communément changée en gracieux esbas?
Son orgueil par orgueil fe peut aufit refraindre;
Toute bruslante flamme on peut de mefme efieindre,
La gloutonne famine en tout temps ne paroifi,
Encor l’affouuit-on, & peu à peu décroifi.
La fiebure
Fufi-elle pefiilente on la peut
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La froidure, eau
glacée
&
l'onde toute froide
S’arrefle, s'alentijl, tant coure-t-elle roide.
Voylà : toute douleur fe peut diminuer,
Fors le fléau par femme. On ne fçauroit muer
Son
traifire naturel ,
bourreau de nojlre vie,
ni par autre indujlrie.
Par force, par douceur,
Qui
veut efchanger abufe fon cerueau,
Et fait comme celuy laiffant choir fon anneau
le
Dans
la
profonde mer, lequel tant plus s'effaye
A
le vouloir reprendre, & plus il perd fa voye:
Tout de mefme vrayment, tout le mefme fera,
Qui au cœur féminin le ften addreffera.
Mais qui fe peut garder d’vne femme fçauante,
Qui a l'œil doux, riant, qui a l’ame attrayante?
Non pas quand ce fcroit, ce croy-ie, vn mefme Dieu.
Regarde ie vous pry’, ce grand Prophète Hebreu,
Dauid, ce grand guerrier, luy qui pour Berfabée
Sentit de V Eternel la colere enflambée
Adam
le
;
par vne offcnfê,
en deuint infenfé.
plus parfaiâ a
Le fage Salomon
Qui s’en peut empefcher? fes appafls & fes charmes
Domptent la fainâeté & la force des armes.
Samfon le plus puiffant, qui fi fort a vefcu,
Par Dalile foudain vergongneux fufi vaincu.
Vne autre fufi de Loth ainfi viâorieufe.
Par elle feule lob d’ame religieufe,
Que mefme l’Antechrifi n’auoit fceu esbranler,
Et de fa fimple humeur faire en rien vaciller,
A murmuré beaucoup, & par la femme encore
Saind Pierre a renié Iefus-Chrifi que i’ adore.
L’incomparable Hercule, inuincible vainqueur,
D’iole fufi taché, puis fa mortelle ardeur,
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;
FEMININ
*77
Cefar qui par Tefpée acquiji telle viâoire
Que l’on combat fon nom d’ Impériale gloire,
Par la femme attiré dedans les rhets d’ Amour
Faillit à fe brifer en tombant d’vne tour ;
Mais Achille plus grand, fi fuperbe en proùeffe,
Qu’on tenoit comme vn Dieu, que fa mere Déefje,
Pour le rendre immortel, porta au preux Chiron,
A faid par Brifeis le fat & le poltron.
Et voyeç, mes Amis, la belle Cléopâtre,
Qui Anthoine rendit tellement idolâtre,
Que, fous ombre d’vn rien, fe feignant au tombeau,
Le fifi,
ô fier defiin ! de foy-mefme bourreau.
(ce diâ-on) ouurit d’enuie immonde
Pandore
La
boüette épandant la maladie au monde,
Et pour voir mieux la femme, il faudroit voir Cypris,
Que chaque Dame adore. Elle eufi les fans efpris
D’vn ieune Bergerot couchant deffus la dure,
De Mars, le Dieu d’honneur, elle n’a plus de cure
Cefi autre efi fon defir,fon cœur, fon tout, fes yeux ;
Sa cabane luy plaifi cent fois plus que les deux,
Elle brusle, elle meurt d’Amoureufe furie,
Et puis, quand par defafire Adon perdit la vie,
On
eufi did, auifant fes larmes, fes fanglots ,
Ses foufpirs, fes regrets, fes gefies, fes propos,
Qu’ Amour iamais Amour n’allumeroit fa flamme ;
C’eufi efié mortel crime en foupçonner fon amel
Et toutesfois le mort n’efioit pas mort quafi
Qu’vne nouuelle ardeur fon courage a faifi,
Oubliant
le
Pour aimer
Ligde
Efire
vfoit
chaffeur qui l’auoit fi bien prife.
vn bouuier, le Phrygien Anchife.
fagemcnt de vouloir le berceau
aux filles foudain
le
funefie tombeau.
12
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. ;
,
Mais il ne fe deuoit fier en Teletufe ;
Car la femme infidèle eft trop pleine de
rufe,
Elle fceut efmouuoir par fes gemijfemens
La Déeffe qui peut fur les accouchemens,
Qui trop par trop piteufe à
De
l’enfant déguifé
Helene
fit périr
cejle geniture
efchangea la nature.
les Jiens
&
fon Paris,
Les filles d’Egyptus tuerent
leurs maris,
y en a de rnefme une innombrable exemple :
Tefmoin fainâ Jean Baptifle. Enfin que fon contemple,
Pour prouuer ce fléau d’vn fard pippeur caché,
Que la femme au cœur fainâ fifl le premier péché.
Eue (tel ejl fon nom) qui fufl née innocente
Par les mains du grand Dieu, ft defobeijfante
Il
Qu'elle ne peufl fans faute vn infiant demeurer.
contente encor fon mary fifl errer
(Erreur qu’inceffamment nous portons mal-heureufe
Pour auoir voulu croire à la femme enuieufe).
Qu’on ne blafme en ce lieu l’homme plein d’amitié
Où efl qui penferoit que fa rnefme moitié
Le trahift mefchamment? Croiroy-ie ma main dextre
Ejlrefaiâe, ô bons Dieux J pour couper ma feneflre ?
Au commencement donc de la création
La femme fuji inique, aimant la fiâion,
Après de iour en iour elle fe monftra pire,
Et plus fubfequemment que l’on ne fçauroit dire
Or fi Eue innocente, œuure du Çreateur,
N' a peu viure vn momçnt fans detefiable erreur.
Comment s’en garderoyent celles dont la naijfance
Vient par la puanteur de fragille femcnce?
Chofe toute impoffble ! & aitffi void-on bien
Et non
Son
viçe qui pullule en ce val terrien
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FEMININ
179
defafire & le mal où elle nous enferre.
D’elle l’enfer fourdit, d’elle l’auons fur terre,
Le
Donc d’elle nous fouffrons double damnation.
Qui pourroit fupporter fon imperfeâion?
Comme cil qui voudroit combattre la tempejle
Faifant la reuerence auec parolle honnefte.
Encores par faifons void-on l’onde calmer ;
Elle de plus en plus ne fe fait qu’animer,
Cefiuy-là ejl vrayment de fens paralytique
Qui endure l’orgueil <T Animal tant inique,
Qui de fon poil occijl les iujles innocens.
De fes cheueux pourris s’ engendrent des ferpens,
C’ejl (ce croy-ie) pourquoy le dejlin en ordonne
(Ainfi qu’à fes deux fœurs) à l’orde Thifiphonne,
Et m’efbahis comment le fage Socratais,
En riant fupportoit fes œuures imparfaits.
Sa femme vn iour bruyant auec menace rude,
Jl ne refpondit rien, attentif à l’ejlude,
Dont elle defpitée empoigna vn grand feau,
Et furieufement luy ietta toute Veau:
T’esbahis-tu, dit-il, à la troupe esbahie,
Si après le tonnerre il furvient de la pluye ?
Platon, Hyppocrates, fi grand & fi diuin,
Ayant examiné la femme au cœur malin,
Dit ne fçauoir le rang où elle efi colloquable,
S’il efi du dur brutal ou du bon raifonnable.
Il accufoit Nature, & puis d’vn fubtil art
Difoit qu’en la faifant elle auoit eu efgard
deleâation pour croiftre le lignage,
A
Plus que pour
Ayant
A
ie
la bonté d’vn
Amour fi
ne fçay quoy dans
l’intefiin
toute heure mouuant, infatiable
volage.
honteux,
aux ieux
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,
l80
FLE A V
»
Que Cyprine defire, & en qui elle ejl née.
Bien que fa femme fuJl d’honorable lignée,
recommandoit à vn de fes amis,
L’enuoyant à fa mere abjentant le pais,
Non que i’en aye objeâ d'vn infidèle blafme,
Mais, dit-il, mon Amy, à caufe qu’elle ell femme.
Et les Romains, voyant fa fresle opinion,
Il la
La
forclurent d’auoir nulle fucceffion.
la loy qu’on appelle Salique,
Pharamond, par
L’a déboutée ainji du throfne magnifique,
En France, en quelques lieux, près Dvre mefmcment
La femme au double cœur n’herite nullement.
Les Sainâs n’ont pas voulu qu’elle regifl l’Eglife,
Vne infâme paruint qui au Tybre fut mife.
Le Philofophe encor luy defend fon fçauoir,
Et le Iurifconfulte, où elle n’a que voir.
Le barbare l’efclaue, & de rien ne difpofe,
Et de fon paradis Mahommet l’a forclofe;
Bref prefque tout le monde, au vent de fa fierté,
N’a voulu luy permettre aucune authorité,
La connoiffant plus propre à l’Amoureux office.
Qu’à régir, qu’à prefeher, qu’à fçauoir, qu’à luflice.
On dira, par mcrueille, vne a prophetifé;
Telle a iugé, vaincu, en habit deguifé.
On
en dira quelqu’vne en fçauoir finguliere,
Quelque autre ennobliffant, l’autre digne guerriere
L’autre fainéle, pudique, S- bien qu’il foit connu.
Tout cecy efl miracle & par hafard venu.
Puis il ne s’enfuit pas qu’vne gaye Hirondelle
Auant-coure feulette vne faifon nouuelle.
Qu’on prouue, fi l’on veut, fon péché fouuerain ;
Nofire damnation vient pourtant de fa main.
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FEMININ
t
8
I
Féminin, chante-nous l’Ama^onne AJienne,
Et la pudicité de la braue Lorraine,
Si doit-on s’esbair que ce petit trouppeau
N’a crû depuis ce temps redeuenant plus beau ;
Car clairement on feme Effence fi louée *;
Elle a donc beau venir s’eue n’eft enclouée.
Féminin, chante-nous que d’elle nous naiffons,
Que doncques par
la femme au monde paroiffons.
Si l’homme pouuoit naiftre entre plus ficre bejle,
Il n’en feroit que plus habilement honncjle,
Et n’ejl moins pour entrer en fon gouffre punais.
Le beau Soleil va bien dans les fales retrais,
En perd-il pour
Qui fur
De
cela
fa grandeur accomplie.
tout, toute chofe, en tous lieux viuijic
?
mer ne vois-tu pas pecher
plus doux qu’on efiime plus cher?
l’eau falée en
Du poiffon le
Ne vois-tu pas fortir,
de terre tres-mefchante,
Le bon arbre fruidier & la meilleure plante ?
Car la vigne, qui ejl hors de comparaifoit,
En maigre fable
apporte vn vin fur tout vin bon.
L’excellent diamant vient d’vne roche dure,
La
& l’or, fans nulle iniure,
Sort d'vn puant terroir; le clair argent auffi ;
chofe belle fort de la plus laide ainfi;
Dont l’homme plus parfaiâ fort defemme imparfaiâe,
Pour plus faire admirer l’ouurage & le Poète.
perle en l’eau marine,
La
Priferoit-l’on tant l’or fi
Auffi pure que
La
luy? on
fa minière
le
efloit
negligeroit.
beauté fe fait voir toufiours par fon contraire.
* Qui
fert
pour de l'argent, ne
fe
prenant
là
pour louange,
ains pour louage.
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;
F L E
182
AT
La nuid faid
eftimer le iour qui nous efclaire.
Defejlimant
femme
la
;
ainfi
l’homme
cft
prifé
Par
le vent de la femme on void l’homme pofé,
C'efl l’vnique bon-heur que nous receuons (Telle.
Il n’auroit iamais faid qui diroit fa cautelle ;
Qui entreprend nommer fes faids malicieux
Aura
plufiofi » ombré les efloilles des Ceux,
la mer, les befles terriennes.
Les poijjons de
Le fueillage
des bois,
le
fablon, les areines,
May, aux pre% & aux fores.
dons iaunijfans de la riche Cerès.
le veux en peu de mots fon naturel apprendre,
Qui donneront icy facilement entendre
Et fa vie & le cours de toute fon humeur .
Elle efl le mefme vice & le mefme mal-heur,
L'herbe, les fleurs de
Et
les
Deux beaux tiltres vrayment, & qui valent la peine
D’en faire plus de cas ! ô grand Dieu qui me meine I
Seigneur fur tous feigneurs, Pere, pardonne^-moy r
Si i’outrepaffe en rien les bornes de ta loy.
Si i’ofe prononcer, & fi i’ofe te dire
Que tu ne deuois point, pour accoifer ton ire,
A caufe des pecheç que nous auions commis,
Nous faire accompagner de nos vrais ennemis I
Car efiant feuls autheurs de noftre laide faute,
Sans offencer beaucoup ta diuinité haute,
Nous ne fçaurions pas viure auec tels Animaux
Car qui feroient ceux-là qui aimeroyent leurs maux?
Dieu ! que n’as-tu pennis à l’homme, ton image,
Que de foy-mefme il peufi peupler l’humain lignage?
Comme vn bon vigneron, qui
En proignant, d’vn beau cep
en engendre plufieurs,
N’empruntant que de luy ce
bois diuin furplante.
d’exerçans labeurs,
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l
;;
I‘
EM
1
M
1
N
*
83
Ou comme vn masle
Lieure en foy d'autres enfante ?
Pere, fi tu voulois tu as bien le pouuoir
Que l’homme honnefiement peufi ainfi conceuoir:
Mais parce que par Eue il mangea de la pomme,
Pour
cruel chafiiment tu l’as laifiée à l’homme.
Ou, Dieu, qu’il ne s’engendre ainfi que cefi oifeau,
Qui mourant, de fa cendre en renaifi vn nouueau.
Tu peux bien dauantage, ô Dieu! tu peux plus faire
Laifier as-tu toufiours l’homme en telle mifere?
Vois-tu pas que la femme eft des vices autheur,
Vices qui font noircir en terre ta fplendeur?
D’elle nofire fléau tes fléaux nous aduienncnt,
Broüillans tes volontéf que les hommes foufiiennent.
Comme la froide neige a pouuoir d’enflammer,
De mefmes elle peut vn monde confumer;
Comme
la froide neige efchauffe en
fa froidure,
glace aufii incite la bruslure
différé à la neige d’vn poinâ,
Elle fond près du feu, la femme n’y fond point,
Ains plus fort s’en approche & plus elle efi ardente,
Elle en
la
Mais
femme
la
Et fi (quoy que l’on fafie) oneques ne fe contente;
Car fi fan fauorit luy aggrée auiourd’hui,
Demain luy feul fera fon detefiable ennuy.
Que dy-ie, vn fauorit? plufiofi vue centaine
(Vray efi qu’elle efi encor fi doucement humaine,
Maugré les mefdifans qui ont mué fa voix)
Qu’elle n’en veut fur elle auoir qu’vn à la fois.
Non, non ! ie l’accompare au gouffre infatiable,
Et au ioüet du vent legerement muable ;
C’ efi vn mal necefiaire, à guérir mal-aifé,
Vn diable domefiique en Ange defguifé
O bel œuure imparfait que l’on ne peut parfaire
!
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;
F L E A
184
On a beau befongner
V
faut toufiours refaire.
Toute (£ plus la plus grande) en grandeurs S- beauté
il
Retient de la laideur d’vne difformité ;
Car on voit (mefme au temps que Vennemy refpie)
Qu’elle a deffaut d’vn Membre où ejl fa chere enuie.
L’habile pare bien cefle imperfeâion
Et
la
doâe
efludiant en compofition
Toute autre femme
Efiant
deffous
;
aufft (tant foit-elle
Hymen) pere
imparfaiâe,
de Ian Cornette
Mais où efl celle (& fuffe vn œil de chafleté)
Qui près d’vn beau fubiet n’en aye volonté?
I’affeure donc chacune, ou de vucil ou d'ouurage,
Rendre fon Mary ferf du cornu cocuage,
Et fi le prompt vouloir & l'effaicl n’ejloyent qu’vn,
Chacun feroit cocu plus fouuent de chacun,
Car toute a l’ythiphale ou en corps ou en Ame.
Pour faire mieux couurir fa honte qui fenflamme,
Son defdain en Amour efl fort pernicieux ;
Car fans ccffe on y perd le temps qui vaut le mieux,
On y dépend fon bien, on y fert de rifée,
Pour auoir fait la bcjle après telle rufée.
Si le mefpris abufe, vn baifer plus déçoit
(Et ne vaut rien ainfi à chofe que Ce foit) :
Car la femme en Amour femble à la fiere Louue,
Qui plus fouuent le laid plus aggreable trouue,
Et puis le fait meurtrir auec fes hurlements
(Les propos féminins querelles des Amants).
Si quelqu’un plus accort euite telle trappe,
Lors par agguets mortels le chétif n’en efchappe ;
plus grande adion ne tend qu’au vain déduit.
honte efl fon honneur, effrontée au doux fruiâ !
Le ferpent Tentateur efl deuenu Andouille;
Sa
La
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FEMININ
Ores
la paillardife ejl
Vfef de mon
Ne
1
85
tombée en quenouille.
confeil, vous, ieunes
Amoureux,
vous allume q point d'vu fang fi vigoureux.
n’efi aimé de fa Dame,
Celuy qui aime tant
Elle l’efiime ferf, en balance elle enflamme.
Non, non, foyeq certains qu’il ne ioüyra pas
Du
gracieux
plaifir des
Amoureux combas.
Elle auroit peur de perdre, offrant cefie delice,
Ce cœur paffionné prefi à faire feruice,
Et bien qu’il en ioüyfi il ne pourra pourtant
rendre fon cœur content:
Car la femme reffemble à l’vfurier qui prefie,
Qui ne fe laffe point de receuoir fa debte;
Tant plus on luy en baille, & plus y prend plaifir,
On ne peut contenter fon auare defir ;
Mais l’habile debteur n’a pas cefie puiffance.
Ni n’a point comme luy double refioûyffance,
(Fifi-il cent mille efforts)
Encores qu’il foit bon de s’acquitter du tout,
Si efi-il mal-aifé d’efire toufiours debout.
vaut trop mieux deuoir qu’efire entièrement quitte.
& plus fort nous incite;
Il
Cela nous rend foigneux
II
fied
mal de payer & defire pauure après,
L’ordinaire
Le
efi
plus beau que
n’efi
pas
le
furcrais.
fon aumofne,
laffera plufioft que l’autre à qui l’on donne.
n’efi pas malaifé de toufiours receuoir,
liberal auffi, en faifant
Se
Il
Mais
il
Il efi
vrai que ce bien mille
efi difficile
Car Dieu
inceffamment d’auoir.
maux luy engendre.
auprefier, mais le Diable efi au rendre ;
Créditeur ne peut le terme prolonger,
efi
Le
Quand Lucine l’adioume
il
vuide en grand danger.
Voire mais, ce dira quelque bonne Huguenotte,
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,
,
FL
186
E
,
AV
Ou quelque Catholique, & tnefmù là bigot tel
La femme ne veut rien feulement que le droid
!
Quelle chofe plus iufle afpirer fe pourroit?
Si la raifon gijl là, tu gaigneras ta caufe,
Partout (mefme au Palais) on t’offre telle chofe.
Ainfi tu as grand tort en te plaignant de nous.
Nous tous qui te baillons le beau droitt à tous coups.
Je veux continuer d'vne ardeur volontaire,
Garçon maifire de moy, à qui ie veux complaire
Et pluftofl
ie
ferois de
moy-mefme bourreau,
Que ie fuffe fubieâ au féminin fléau.
Je ne m’amuferay à deferire la rage
Qu’a l’homme plein d’honneur au ioug de Mariage.
Ne foyeç donc fi prompts; nous voyons le bleffé
Mourir d’vn petit coup pour n’ejlre bien panfé,
Mais médiocrement aimons ce qui nous aime,
Sans nous lier bruslans d’vne Amour fi extrefme.
La femme eft babillarde & de peu d’amitié,
Son cœur n’ejl point confiant qu’en grande mauuaifiié.
L’amour femble au laiâfrais quifraifehement aggrée ;
Mais cefie beauté là eft de peu de durée ;
Car fi
le
laiâ fe garde,
il
a plufieurs caillons
Il eft foudainement plein de corruptions,
Auffi nouuellement la femme eft amiable,
Puis, eftant mariée, ardemment hayffable.
Pieux maris, fçaue^-vous pourquoy tant vous fouffreç
?
Efcouteq ma parolle & vous le connoiftreq,
Bien que ces vers foyent faiâs en l’Auril de mon âge,
Que mille flots bouillans animent mon courage,
Que mon Aftre fatal me foit fi. tenebreux
(Qu’ homme de bien ie fois entre autres mal-heureux)
Toutefois il me plaift de monftrer que ma terre
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FEMININ
Peut
187
bien ejlre paifible en fa cruelle guerre;
C’e fl qu’efles
au vouloir trop brauement aâifs,
A l’execution trop lafchement pouflifs,
Aux penfers trop rufcf, foupçonneux à la rufe,
Au foufpçon trop aifef à croire quelque excufer
Importuns aux defirs, aux defirs trop ialoux,
Et puis la ialoufie ameine le courroux,
Et le courroux la hayne, & la haync vn débat,
Dont chef vous vous logef vn difcordant combat;
C’ejl pourquoy quiejl fage &qui craint le doutable r
Ce fléau féminin fur tout fléau fuyable,
ne fe doit lier d’indiffoluble nœu,
Ains aimer librement d’vn volontaire feu;
Ou cil qui par mefgarde efl de fi trifle fejle,
Il
doit prier les Dieux de finir la tempefle ;
Car on ne peut baifer de bonne affection
Il
La
perfoiute objeâant diuerfe paffion.
Quelle aggreable Amour ! quelle douce delice !
D’embraffer le bourreau qui nous met au fuppliceî
Qtti peut donc aduifer fa femme de bon œil ?
Vous, martyrs marief, lorfqu’en prendre f
le
dueil,
Qu’il foit en violet; porte f -le à la Royale,
Et ne chommef iamais l’infefle nuptiale .
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a
SONNET
SVR LA PERTE DV MAL-HEVR MASCVLIN
cAux
Filles.
Le mal-heur mafculin n’afaiâ
tefie
au rauage
temps iniurieux qui talonne nos pas.
Filles il fut perdu à l’infolent amas
De Paris reuoltê, caufe de fon dommage.
Du
Receueq ces deux vers pour certain tefmoignage,
Mary, Métal, Marais, Mauors, Minos, Midas,
Sont fix noms mafculins, courriers du trille helas !
Apprene^-les par cœur en attendant l'vfage.
Voylà l’efchant illon de mille vers perdus,
Comme ceux de la femme ils ne fe verront plus
(Signe que fon erreur dure eflant plus felonne).
Le fléau qui luy refie au mal-heur mafculin,
engin,
Cefi le Mary mal-né, offrant vn mol
Dont en
vofire faueur
grand cocu
ie l’ordonne.
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DIVERSES POESIES
DK CATJTAINE
LASTHRJSE
SONNETS
Prens-moy Yejleuf au bond, ne temporife point ;
Mets le marché en main de l'honneur qui marchande,
Et, afin de n’errer en fortune
Ne
t’y hasarde pas
fi
s’il n’efioit
grande,
bien en poinâ.
Si la commodité s’apparoift en ce poinâ,
Enfonce fort tes coups, offre droiâ ton offrande;
Et, pour la nouueauté de fi belle viande,
Demonfire-toy friand aux appétits conioinâ.
Fay
halte au rendez-vous, tant que ta compagnie
Se perde au doux combat de l’Amoureufe enuie;
On doit toufiours bien faire, & mefme au premier choc.
De
renom des douccreufes flammes;
foyent vu mur d’vn immuable roc,
là vient le
Ces vers
te
Si tu veux Courtifan efire chery des Dames.
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DIVERSES
190
le voudroy,
De me
mon
Saler, auoir cefie licence
ioüer auec les filles de la Cour,
Ore auec Bourdaifiere, heureux flambeau d’ Amour,
Ore auecques Roufiin, le renom de la France,
Ore auec
Et auec
la
Verné
S
Vitry l'excellence,
Stauaî, délicieux fejour.
Chacune à cul leué s’esbattroit à fon tour ;
Au beau ieu du damier on fait telle fequence.
Cher troupeau filial du famail enuié,
Pour defrober le coeur du braue Amant lié,
Si i’auoy ce bon-heur en ma ieuneffe tendre;
Vous ne veifies iamais fi aggreable efbat,
Vous me gaignerie \ tous, fi voudroy-ie entreprendre
Faire de mon pion vn bel efchec & mat.
l’aime de la Venté la plaifante beauté,
De la doâe Vitry l’efprit incomparable,
De Fouchaut
De la chafte
tout l’honneur, la bonne grâce aimable,
Certeau
l’aime de Stauai
la
De
La
la
grande honnefieté.
douce maiefié,
De Pons aux beaux
Des deux
la
attraits le maintien aggreable,
Duthier
la fcience admirable,
Rochefoucault la fage gayetê.
taille
belles
de Crcuan,
le
foufris de Picnne,
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POESIES
La douceur
Kjl
de Plainual, V accueil de Licherenne;
ie vous aime du tout.
Differentes beauté
Mais chacune de vous porte vne mefme chofe
Que i’aime encores mieux, encor qu’elle foit clofe,
lufqu’à tant que fentieq V Amour iu/ques au bout.
SONNET DES MOTS DES FILLES DE LA COVR
le l’aime extrêmement,
il
a braue apparence,
fort honnefte homme, infiniment diferet;
meure fi ie n’ay vn extreme regret,
Voire vn mal infiny d’eslongner fa prefence.
Il ejl
le
Cefi autre n'efi qu’vn fat, gonflé d’outrecuidance ;
fe croit fort habile, il dit plus qu’il ne fait,
Il
lefus, qu'il efi badin! hà,
Il
mon Dieu,
tranche trop du grand, qu’il
efi
qu’il eft laid!
plein d' inconfiance m
Que vous efies ioly ! mais ie vous pry, Monfieur,..,.
Vrayment il vous fixed bien ! vous faiâes le feigneur ;
le ne vous
veux plus voir, vos difeours font profanes.
Dieu vous gard,mon efprit; bon iour, mon bien acquis,
le vous baife les mains. Voylà les mots exquis
Qii’ont ordinairement les bcauteq Courtifancs,
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;
;
;
SONNET DES GESTES DES DAMES
S’habiller brauement, s’ombrer de fards menteurs,
D’vn mauuais mot nouueau nousfeindre vneeloquence,
Apprendre à begayer, n’aller qu’à reuerence,
Et n’efre aucunement fans feruans feruiteurs
le poulet, le plumer par humeurs,
Porter vn éuantail qui fert de contenance,
Auoir plus d’appareil que de vraye apparence,
Receuoir
Et hieroglyphiquer
en bifarres couleurs
Nauiguer à tous vents, adorer la fortune,
Faire bien les doux yeux, faire toufiours la
Babiller, brocarder, mefdire nuiâ & iour,
ieune,
Se mirer à toute heure, hauffant la cheuelure,
Mettre (en parlant d’ Amour) des pièces fans couflure;
Ce font les aâions des Dames de la Cour.
chaud? fait-ilfi oid? pleut-il? que fait leRoy?
le temps efl fafcheux! il faut que Vaille efcrire;
Sçacheq quelle heure il efl & me le veneq dire.
A u’ous de bons cheuaux ? que dit-on ? qu’efl-ce ? quoy ?
Fait-il
Que
Leueq-vous du matin, trouueq-vous près de moy;
le veux courir le Cerf, mon Limier n’efl pas pire
Mes oifeaux font fi bons que chacun les de/ire ;
Nous combattifmcs fort ; l’ennemy
prifi l’effroy.
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POESIES
Comment
le ne vous oubli’ ray
Cejluy-cy
L’vn
ejl
Voylà
«
93
va de V Amour? qu‘ ilfait beau voir la dance,
;
ejl habile,
vn peu de patience
&
cejluy-cy
!
ejl fot.
beau, l’autre ejl laid, l’vn ejl gros, l’autre ejl mince.
cramoify de la bouche du Prince,
Qui, en Je Joufriant, diâ à chacun fon mot.
le
La
Courtifane au moins a trois Amants:
L’vn pour iouyr de la douce rofée,
L’autre pour ejlre humblement court ifée.
Et cejluy-cy pour auoir des prefens.
Enfin
les trois
Je treuuent mal-contents ;
Le premier fent fa vie mal aifée,
Le fécond plainâ fa ieunejfe abufée,
Et le tiers ejl ruiné en defpens.
femme, objecl de nos miferes,
Nous faiâ fentir fcs douceurs bien ameres,
Ce n’ejl que vent que de fa fermeté.
Ainji la
l’Hyuer fe verra fans froidure,
Printemps fans gaye la verdure,
Plujlojl
Et
le
Qu’elle ait fon
cœur en vn
lieu arrejlé.
«3
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,
DIVERSES
•94
SONNET A VNE MESD1SANTE
Ton poil noir argenté où croutelle la taigne,
Ton gentil front de poule & tes yeux de furet.
Ton grand neq de faucon, qui fent le vieil retraiâ,
Tes jautereaux pendans à couleur de chaflaigne,
Ta
bouche vn four à ban,
tes larges
dens d’ebaine
Ton menton gracieux, comme vn chauffe-pied faiâ,
Signalé noblement d’vn petit poil folet,
Ton beau col héronnier, où l'on void chaque veine.
Ton fein de fueille-morte, & tes biffacs pendans,
Ton corps en Cabefian, farcineux en tout temps,
Ton grand Cloaqueuille où vn monde s’enfonce,
Et où mon gros Picard pourroit
Me
De
entrer armé,
donne occafion de vous faire femonce
ne fonger iamais que vous m’ayeq aimé.
le grand cœur pere aux braues combats,
doâemcnt vif, l’effence de nobleffe,
Ejlre bien à cheual auecque belle addreffe,
Danfer de bonne grâce, habile aux doux efbats,
Rien ne fert
L’efprit
Sortir (filluflre fang, dont on doit faire cas.
Bref auoir la beauté conioinâe à la proüeffe ;
Si tu n’es fauorit de la chauue Déeffe,
Des Soleils de la Cour tu ne iouyras pas.
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Mais en ejlant chery, fuffiej-vous vne bejle,
Vn yurongne, vn brigand digne de la tempefte,
Vous pouueq affeurer d’auoir
Chacune vous rira
voftre dejir.
et vne
façon gentille;
fœur, & la mere la fille
La fœur vendra la
La fortune iamais ne manque
de plaifir.
CHANSON
Vous qui foubs l’Amoureufe flamme,
Bornei le but de vos foulas,
Sçachej que c’efl que de la femme.
De
qui vous faiâes tant de cas.
De matière fubtilifée
On la forma premièrement ;
faiâ fi aifée
changer chaque iour d’ Amant,
C’efl ce qui la
A
Par
cefie fubtille naiffance
Elle veut defendre fon tort,
Difant que la foible inconfiance
Ne peut
refifier
L’Amour, dont
à
l’effort.
elle eft tant attainte,
Semble à la chandelle qui luiâ ;
Elle eft au premier vent efieinte.
Et conuient à l’ombreufe
nuici.
:
;
DIVERSES
196
le l'accompare
à
la
marée;
Auffi Venus vint près l’efcueil.
Elle
&
ejl belle
Et puis après
calme à
l’entrée,
pleine d’orgueil.
L’air, le vent, le brouillard, l’orage,
En fa
tefle
Et mefme
Meine
les
font habitons,
Lune volage
la
fleurs de fon beau temps.
On trouue à tous mal-heurs remede.
Quelquefois ils font ajfoupis
Mais la femme tous maux excede,
Qui va toujours de mal en pis.
Toute créature fubjede
fe fouler fur le deuant,
fçauroit eftre Ji parfaiâe
A
Ne
Qu’elle ne bronche bien fouuent.
leunes gens, qui coureq fortune
Sous la Déeffe de Beauté,
Gardeq que la flamme importune
Ne
brusle vofire liberté.
dy pas, non, qu’il ne faille
Quelquefois refjouir nos fens,
Donnant VAmoureufe bataille
le ne
Par maniéré
de pajfe-temps.
La femme dira qu’elle enfante,
Que les hommes font d’elle extraiâs
;
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POESIES
La
‘97
diuine ardeur foleillante
Entre bien aux fales retraits.
Bref, qui l’efpoufe
ejl
miferable,
Et rejfemble à vn pauure fol,
Qui fous l’ombre de quelque fable
Se met la corde dans le col.
CHANSON
le fuis plein de fermeté
En
inconfiance,
Cejl par la legereté
Que
l’on s’auance.
raime mieux une Bergere
Auecques la nouueauté
Qu’vne Royne Jinguliere
A me garder loyauté,
le fuis, &c.
Ce qui auiourd’huy m’agrée,
Demain m’efl fort deplaifant,
La
belle
Sur
Amour fe
l’air,
recrée
fur Veau, fur
le vent.
Je fuis, &c.
Celuy a famé maline
Qui n’aime l’Amour ifnel,
Ou
impuijfant vers Cyprine
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,
DIVERSES
N’entend bien
le
beau duel,
le fuis, &c.
Ces fideles mal-habiles
Semblent aux hommes couars,
Qui ne bougent de leurs villes,
Craignans les fureurs de Mars,
le fuis, &c.
Celuy qui ne court fortune,
Çà &
là en tout abord
EJl indigne que Neptune
Le faJje ancrer à bon port,
le fuis, &c.
La gloire, ornement des hommes,
Ne s’acquiert en vn feul lieu,
On doit, au temps où nous fommes,
Sçauoir ioüer plus d’vn jeu.
le fuis, &c.
& les grandes
Couchent fouuent en mon liâ;
Les
petites
Diuerfité de viandes
Caufe nouuel
appétit,
le fuis, &c.
Ce grand tout toufiours chemine,
Tout va & vient doucement.
Tout foubs la ronde machine
EJl fubjeâ au changement,
le fuis, &c.
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POESIES
199
L’efprit leger eft louable
Plus qu’vn corps ou qu’vn fens lour,
Donc mon
defir variable
Paffe vn confiant en Amour.
Je fuis, &c.
Si
ie
n’auoy
cefie
grâce
D’efire des plus inconfians,
le ne
fuiuroy pas la trace
Des plus
belles
de ce temps,
le fuis, 6c.
Vous aue% beau mentir, vous n’efieindreq ma gloire;
Huguenotte gaillarde, on ne vous croyra pas.
le fuis prou reconnu, tay fuiuy tes combas,
Tefmoins mes coups mortels d'immortelle mémoire.
Ha, vrayment, vous irés demain au Confifioire ?
le prouueray comment vous prenés vos ébas,
Auecques vn Mifier qui purge vofire bas,
Et diâes blafphemant
qu‘ Amour eft purgatoire.
Pourquoy me blafmés-vous, moy preud’ homme féal?
Je rends, comme l’on fçait, le bien au lieu du mal.
N’euffay-ie,
Au
s’il
m’eufi pieu, logé
ma compagnie
bourg de ton mignon, que ievas careffant?
Encor
fuis-ie fi bon qu’ alors qu'il eft abfent
Je donne du plaifir à
fa femme
iolye.
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,
DIVERSES
200
A MADAMOISELLE DIANE D’ESTRÉE
ie fçay bien que tu es auffi belle
Que Madelon ta tante , où reluijl Cupidon,
Diane, ie fçay bien que la doâe Saphon
Fleurira de ta fleur comme furjonnant d’elle;
Diane,
Diane,
ie
fçay
De Diane
bien que ta gloire pucelle
accroiflra la réputation,
Et, Diane, ie fçay que ta chafle CJion
Te fera admirer comme toute immortelle.
Diane,
ie
fçay
bien que vojlre accueil diuin
Defrobe incontinent
Bref la
le
cœur du Paladin
beauté, l’honneur, efprit, fcience
S-
grâce
Chez vous, paffe-Diane, ont faiâ leur rendez-vous ;
Heureux donc
Qui baifera
mille fois, ô bien-heureux l’efpoux
l’œillet
de vofire belle face!
Ces vers font mafculins: car
la
Dame aime
le
masle.
Honorât, i’ay veu fes cheueux gris,
Qu’vne fauffe perruque ombre d’un poil menu,
l’ay veu fon front de poule, où le fard efl connu,
le l’ay veûe,
l’ay veu fes
yeux
cauez tenebres de Cypris.
l'ay veu fon neq camard, i’ay veu fon maigre ris,
l’ay veu fa grande bouche , S fon menton pointu,
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;
POESIES
201
Vay
veu
Yay
veu /es patins blancs, i’ay veu /on large pié,
de Grue, & /on fein abattu,
l’ayveu /on corps contrainâ qui en porte à tout prix.
fort col
Vay veu /a courte greue, & ji i’ay manié
Son ras honneur honteux, rendez-vous du
coujtn.
me /uffe en/ourné.
le rends grâce au Démon qui m’en a dejloumé ;
Car il e/l dangereux comme l’or Touloufin.
Où Ji
i'euj/e
voulu
ie
Cou/tnons la coujine ; elle e/l cointe & iolie.
Elle aime à cou/mer & ne re/u/e rien
coufin cou/mant, qui la cou/me bien
Car il a bouche à Cour, & la chambre garnie.
Au
En Ji
beau coufinage vn cou/m ne s’ennuye ;
S miel, ce n’ejl qu’humble entretien ,
Cen’ejl que Jucre
Il
ne manque d’attraiâs, de Jaueurs, de moyen.
Tant
qu’il
peut coujtner /a coujine, s’amie.
Coujinons donc, coujins, vn chacun à /on tour,
Coujinant à rengette, on cou/me en Amour,
Que chaque cou/tneux
Mais
en cou/inant s’affemble.
Juyons ce cœur paillard;
au cou/m grand pendard;
la cou/me rejfemble.
non, nobles cou/ins,
Lai/fons-le cou/mer
Car au cheual Sejan
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2
DIVERSES
02
CARTEL
ENVOYÉ AVX ENNEMIS A BOVTE VILLE
PAR DES CAPITAINES MES COMPAGNONS ET MOY
Vous autres qui viuej pleins de delicateffe,
Fauorits de Cerès & de Cypre aux beaux yeux.
Et du ieune esbarbé qui trop délicieux
Efgare
vojlre fens
par fa fumeufe oppreffe ;
Encor que nous foyons fans faueur, fans Maijlrejfe,
Que n’ayons comme vous ces doux prefens des deux.
Nous vous mandons pourtant, par ces vers glorieux,
Que
veniez contre nous monjlrer vojlre proüeffe.
Nous fommes Jix foldats au Jeruice du Roy,
Qui vous irons trouuer nous donnant vojlre foy,
Pour vous combattre hardis auec efpée & cappe.
Six de vous foyent donc prejls pour acquérir honneur.
au danger que reluijl la valeur;
Maisilejl bien-heureux qui de nos mains efchappe!
C’ejl toujiours
Cependant que tu vis heureux en ton mejnage,
Mignardant, careffant & baifottant toujiours.
mille & mille endroits, tes Jideles Amours,
Qui t’ont tenu long temps en douloureux feruage,
En
Nous
tenons ajftege\ les mutins de Broüage,
Qui nous trauaillentJort, foit de nuiâs,foit de iours ;
Mais auec la faueur de Neptune au long cours
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POESIES
Nous dompterons
De me/me
203
l’orgueil de leur haultin courage.
que Von void vn vent audacieux
Se perdre en vn injlant ainfi ces furieux
Iront foudain par nous au cours de l’onde
,
noire.
vray de cela nous auons reconfort,
Fujftons-nous, Belleville, ejiouffe j de la mort;
Car mourant au combat on acquiert de la gloire.
Si
n’eft
ELEGIE
Quelle extrefme fottife en ce régné où nous fommes
(Sottife qui ne vient feulement que des
!
hommes)
ne trouuent eftrange & prennent à tous coups
Des femmes qui ont eu plufieurs fortes d'efpoux,
Ils
Deux,
A
trois,
quatre, cinq,fix, dont quelque laide, ou belle
mary diuers ans auec elle.
eu chaque
De
naturel eftoit luxurieux,
louant (Saincte Covlombe) au jeu délicieux.
qui
le
Et ne voudroient pour rien (tant ce grand monde eft
Prendre femme ayant eu vn feul Amy honnejie,
Dont on void qu’en cela leur fuperflition
bejl e)
N’efl rien, rien feulement que folle opinion;
Puis que toute leur crainte eft d’efpoufer la femme.
Qui douce aura iouy de l’Amoureufe flamme,
Et qui n’en prennent point d’autre le plus fouuent*
Ils me pourront peut-eftre ores mettre en auant
Que c’eft par mariage & non point à cachette?
,.
Elles ont toufiours fait la gaillarde chofetter
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DIVERSES
204
Le
feul principal poinâ du dejir violant,
Qui leur mine Vefprit en Amour aveuglant.
Penferoyent-ils qu’ Hymen
Qu’ayant faiâ vne femme
Pour
eufi cefie vertu
il
telle,
la refift pucelle
?
leur plaire i'aduoüe vne fidelité
(Qui en
l’vne
&
en l’autre a bien pojfible
Dont hommes vous trompe z, &
fi vofire
efié)
Hymenée,
De
qui vous affeuble z, n’a toufiours beauté née,
Ofieq-luy les couleurs dont vous le peinturez,
Voyej-le au naturel; laid vous le trouuerez,
au chafieau d’apparence aggreable,
Il reffemble
Qui dedans
n’efi fitnon
qu’vne prifon fuyable.
Que fies liens foyent d’or ? mais c’eft captiuité ;
Et mon naïf Amour efi gros de liberté,
Sans qui toutes douceurs font pleines d’amertumes.
Changez doncques d’humeurs, reformez voq coufiumes.
Et,
fi
vous marie%, ne vous efiimez plus
Que vof bons compagnons, honorables coquus,
Que i’aime de bon coeur. Volontiers ie les hante ;
Car rien que gens d’honneur iamais ie ne frequente.
La femme plus habile au beau mefiier d’ Amours
Aime mieux le galand qui l’a mieux faiâ toufiours,
Sçachant bien que l’vfage en cefte mignottife
Inuente attrayemment quelque autre mignardife ;
C’efi pourquoy ie l’admire, efiant de fon humeur,
En defirant comme elle addoucir la douceur,
Et par la nouueauté d’vne bonne viande
La rendre en Yaccoufirant meilleurement friande;
Tu en feras de mefme, ou ta complexion,
Mon gentil Colombet, ma chere affeâion,
Efi depuis nofire Adieu muablement changeante ;
Mais non, ie croy que non ; car ton ame efi confiante.
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.
POESIES
Le fage marinier fauué du
îo5
mutin
flot
Efl bien aife d’ancrer à bon port fon nauire,
lajjé des trauaux content il fe retire,
Et
N’ apportant quelquefois que l'honneur pour
butin.
l’ay voulu faire ainfl (Des Tovches, cher voifin)
Imitant ta vertu que la vertu deflre,
En
Beauffe habitué, foulageant mon martire
Par vn
libre
vœu fainâ, où
Ton humeur &
ton
cœur
efl enclin.
mienne ont de la fympathie.
Tu es franc, tu es bon, plein d’humble courtoifie ;
Mais (à mon grand regret) nous différons d’vn poinâ:
la
(Non que mon ame en
foit d’afpre enuie attachée)
Tu
ne
es
pecunieux
&
ie
le
fuis point
Car quand
i’ay de l'argent i'en
le prife de
Marot
En
la
Mufe
le prife de
Et du
ionchée.
le chef-cfœuure chanté
Françoife ores plus accomplie,
Ronfard
Pleffîs
;
fay foudain
la fcience hardie,
Preuofl la doâe grauité
Je prife de Bellay la grand’ facilité,
Qui fl fçauamment fluè en parfaiâe harmonie,
Du foudroyant
Et du profond
le prife de
Iodelle vne braue furie,
Belleau la gracieufeté.
Bar tas vne Vranie heureufe,
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DIVERSES
•200
Des-Portes l’ardeur doucement Amoureufe,
Garnier que Melpomene appelle Jon mignon,
De
Bartavlt, Sonan, Billard d’âmes toutes
gentilles,
Je prife ces fçauans tant prijej des neuf Filles,
N’oubliant Rabelais, qui ejl fans compagnon.
SONNET EN GALIMATIAS
Cheualiers Flamans de Bretagne la grande
M’ont pris auant que d’ejïre ou ie ne fus iamais,
Deux
ejl cruelle, il ejl vray que la paix
croyfeu mon compere) en tout temps y commande.
La guerre y
(J’en
L’aueugle y aperçoit l’inuifible friande.
Qui a les reins rompus, qui porte bien le faix,
Qui ejl chauue du tout, qui a le poil efpais,
Qui ne veut ejlre ouye, & qui veut qu’on l’entende.
ejl goutteux, fort difpos,
Gentil-homme, vilain, grand, petit, menu, gros,
Cejl vn perclus, manchot, excellent couppe-bource.
Son feruiteur perfonne
Il n’ ejl
Le
point parcffeux,
Ciel ejl fon ayeul,
Il jijl,
ce fera
il
fe leue à midy,
en reuinjl leudy.
il
mon: car pourquoy ŸJaind leanpource.
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,
,
POESIES
207
RIME RONFLANTE A GROS GRAIN
Qui croira aux vertus de l’ancien prouerbe,
Le grand Monarque doit faire rafer fa barbe,
perd fa lance ayant la ioyeufe bouteille.
En coutelaflant mieux il gaigne la bataille.
S’il
SONNET
EN AVTHENTÏQVE LANGAGE SOVDARDANT
Accipant du Marpaut la Galiere pourrie
Griuolant porte flambe enfle le trimart.
Mais en
A
la
defpit de Gille, ô Gueux, ton Girouart,
mette on lura ta biotte conie.
Tu peux gourd piailler me credant & morfle,
De Lornion du Morme & de l’oygnan criart,
De l’Artois blanchemin; que ton riflant chouart
Ne riue du courrier l’andrimelle gaudie.
Ne
ronce point du fabre au mion du taudis,
Qui
n’aille
Que fon
au Gaulfarault, Gergonant de
tefis
iournal oflus n’empoupe ta fouilloufe.
N’embiant on rouillarde, & de noir roupillant^
la gourde frétillé, & fur le gourd volant
Sur
Ainfi tu ne luras l’accolante tortoufe.
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DIVERSES
208
Traduction du précédent sonnet,
par l’éditeur du
du badaud
b uis
livre.
l'ignoble paresse
porte-flamberge, enfile ton chemin
!
soldat
;
mais, en
dépit de ta finesse et de ta beauté, pauvre diable
que
tu es, ta carcasse ira pourrir dans
un
trou.
Tu peux
boire ton saoul à crédit, te régaler
de chapons, de moutons ou de cochons criards
et manger du pain blanc ; mais que ton pailmembre ne fasse pas l’œuvre de chair
avec la femme du bourgeois.
Ne roue point de coups de bâton le garçon
lard
du
logis,
qui
irait
rapporter contre
toi
capitaine, et ne remplis point ta bourse
à ton
de son
gain journalier.
Bois gaiement
ta
bouteille;
va dormir
la
nuit sur une botte de paille, dans ton large
manteau;
mettre
la
c'est
ainsi
qu’on évite de se
faire
corde au cou.
VERS SENTENT1EVX NON RIMEZ
Sel femad ed truoc, euqleuq ertua rocne,
Tios enud elliu gruob egaliu,
Va ertuof el ri/elp nud l'erutan fert XuoJ,
Te fulp ruop Vcel no eruuo el uc.
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POESIES
209
CHANSON
A
la Cour vue humble Dame,
Admirant mon doux efcrit,
Me
Et
Je
dift
:
Que ie
mon
tu feras
fois ton ame,
efprit.
veux paroiflre
alliée
Auec toy de mefme nom ,
Pour eflre mieux publiée
D’un honorable renom.
Puis qu'humain vient du nom d’homme,
Comme humains (luy dy-ie alors)
Cherchons des noms qu’on renomme
Plus délicieux au corps.
Nous trouuafmes l’alliance
Sur vn liâ incontinent ;
Elle fufl
Et
Coujin,
Bien
ie
il n'ejl
qu’il
ma
contenance,
fus fon Con tenant.
Poète,
&
le
veut faire accroire
fçache du Grec en fon corps défendant,
Qu'il crache quolibets en Latin prétendant.
Qu'il able mots dore {, qu’il entende l’hifioire,
Qu’vne Majeflè mefme eflime plus fa gloire,
(L’aueugle opinion renomme vn Petit Grand)
14
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2 IO
DIVERSES
Mais tel qui ne fçait rien n’eft pas tant ignorant,
Quand de Nature il va dedans Pegafe boire.
Si tous qui parlent Grec & qui parlent Latin
Sçauoyent (mon cher Plessis) le fçauoir Paladin,
L’honneur ferait honteux, & le Laurier l’Ortie.
Car vn monde Pédant, mechanique, coyon,
Sçait Marot, fçait Homere, S- non la Poéfie,
Qu’on apprend fans eflude, infpiré de Cuon.
LASPHRISE CAPITAINE ENTRETENV AV ROY
Pardonne f à l’orgueil de ma Mufe qui ofe
Saluer la grandeur de voflre Majeflé,
Dont la grâce diuine a fans ceffe efcouté
L’honorable vertu, Soleil de toute chofe.
Mais puisqu’on ne fait cas de mon Placet en profe
Requérant mes eflats pour ma neceffitè,
Sçachant que les beaux vers ont plus d’authorité,
le le vous offre en vers Aduocats de ma caufe.
Vovs Plaise donc, mon Roy, que i’ay toufiours fuiuy,
Me faire ore payer de ce que i’ay feruy,
Sans que
Sire, vous
voflre Confeil négligente
me pouuej fur
ma
peine.
tous glorifier.
Celuy qui a planté le verdoyant Laurier
Mérité au moins d'auoir quelquefois de fa graine.
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TOMBE A VX
DE MES AMIS
SV R LA MORT DE MONS1EVR DV GAS
MAISTRE DE CAMP DES GARDES DV ROY
Sus, Cypris, baigne-toy aux ruijfeaux de tes larmes,
Et languis defolée en eternel foucy !
Le Gas, ton cher enfant, efl tout pâlie & trancy,
Englace maintenant
Et
tes
Amourcufes flammes!
toy, Mars, Dieu guerrier, r’emmeine tes gens-d’ armes,
Enfonce ton harnais, & t’enfuys loing d icy,
Pauure, que ferois-tu? tu ferois tout ainfi
Qu’vne renberge en mer fans voiles & fans rames.
Or puisque France
perd, par vn traiflre deflin,
L’honneur du verd Laurier & du Mirthe diuin,
Dames & vous foldats honore q fa mémoire.
Graueq profondément
deffus ce
grand tombeau.
Afin qu’à l’aduenir on remarque fa gloire:
Cy gist vn second Mars et vn Amovr novveav.
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1
I
DIVERSES
2
EXOOST VCEPST N1S OVIVM
Ci gifl qui vingt ans fut feruant
Vne Abbeffe de grand lignage;
Mais, heias ! la ialoufe rage
Le bannit enfin du Couuent.
Pour contrebander ce tourment
Rompit fon vœu par mariage,
Dont Vefla, qui venge Voutrage,
Fiji ce iour fon enterrement.
Luy, fentant la fatale Parque
Qui Valloit mettre dans fa barque,
Defpit defpitoit Iupiter.
ne faut donc aymer Abbeffe,
Sur peine de damnable oppreffe,
Il
Qui ne veut fon
vueil fupporter ?
EXOOSTINC PHILASTEL
Toy
qui Vas
aymé à
Matines,
Voire à Vefpre, ainji que Von diâ,
tes oraifons diuims
Qu'il ne foit des deux interdit.
Fay par
Car ce n’efl la raifon, ma Dame,
Que pour Vimpuiffance du corps
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POESIES
ii
3
De
qui tu as éteint la flamme,
L’ame en patijje eflant dehors.
Et puifqu’as faiâ d’ Amour non
Le deffaut du corps euiré,
laffe,
.
à toy d’impetrer fa grâce
le tien fera martiré.
C’efl
Ou
TOMBEAV DE MONS1EVR DE BVSSY
Bvssy, dont la valleur
efloit
incomparable,
Vainquit en mille endroits les ajfauts furieux,
couronnant fon chef de Laurier glorieux,
En
Rapportant pour guerdon quelque playe honorable.
Il efloit
beau, gentil, hasardeux, redoutable,
Aux fuperbes
Aimé
hautain, aux humbles gracieux,
de fes Amis, craint de fes enuieux,
D’vn efprit doâe
& prompt eloquemment
Venus
Mais
le
la
affable.
compagnon,
chérijoit comme fon cher mignon:
Jamais près de fon Prince
il
dame Fortune, aux
n’eufl de
vaillans inconflante,
Après Vauoir fauué de tant de grands dangers,
Tourna fa roue, helas ! d’vne mort violente,
Lorfqu’il vouloit feruir les
Amours paffager s.
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diverses
îi4
PAPILLON
SV R LE T R ESP AS DE 1EAN DE
SOVRCE, MON FRERE,
ESCVYER, SIEVR DV PVY DE
QV1 FVST TVÉ A LA CVERRE,
COMBATTANT SIGNALEMENT A ORLEANS
O
plein,
braue adolefcent, tu es d’honneur fi
heure
Que l’illujlre honneur mefme à cejlc
pillerie,
Car voyant ton pays Vabbord de
Tu courus Martial fon ennemy foudain.
t
enuie;
main,
Tu Vas tant guerroyé d’vne fanglante
furie.
Qu’il femble qu’en ta fin finiffe fa
patrie
de
bien
fa
du
Ainfi fufi Amoureux
Romain.
Celuy qui s’engouffra dans l'abyfme
Courage généreux
!
que vofire mort
efi viue,
ue !
le public de l’oppreffe chétif
malheur
plus à plaindre en vofire heureux
Souslageant
Ce qui
efi
C’efi le
proche parent, qui par vos playes faigne,
me baigne.
ton frere, moy, qui en larmes
douce mere, & nofire honnefie fœur.
Tefmoing
Et
nofire
PLA1NCTE SV R LE TRESPAS
DE DAMOISELLE GENEVIEFVE DE PAPILLON,
MA SCEVR
A MAD A MOI SELLE DE MASAIRES
Heureux ceux-là
Ils
qui n’aiment rien!
ne font fubiets
aux
trauerfes,
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,
POESIES
Aux
ennuis,
aux
2
I
D
peines diuerfes,
Que fouffrent ceux qui aiment
bien.
Ceux-là regardait de mefme œil
Les nopccs & les funérailles;
Deffus leur tainâ, dans leurs entrailles,
Ils ne logent le trifle dueil.
Leurs cœurs ne font
d’
Amour
glace * ;
Les pleurs ne baignent leur vifage,
Perdijfent-ils tout leur lignage,
Ils
chantent pour
Tous
les
les trefpaffej.
accidens rigoureux
Ne font que douceurs gracieufes
Près de fes pertes impiteufes !
Qui n’aime donc efl bien heureux.
Non! non
!
cefl
heur
efl
defaflré;
Car fans l’Amour, qui nous enflamme,
On
Et
n’a ni cœur, ni fens, ni ame,
d’
Amour
la
mort vient à gré.
Accourej donc, rude Atropos,
Pour m’ojler promptement
Qui a fouuent efié fuyuie
De
la vie,
mille tragiques fanglots
!
A
quinze ans i'ay porté foldat
L’exceffive peine guerriere,
I’ay conneu Thetis la meurtrière
Blejfé, rebleffé
au combat.
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le n’ay iamais abandonné,
Depuis ce temps, le Dieu de Thrace
Je n’ay point ejlé fans difgrâce,
Nauré, malade, infortuné.
Mais
Du
le
;
plus outrageux bourreau
diuers mal-heur qui m’accable,
C’efl de voir ore, miferable,
Mon
vnique
fœur au tombeau.
Ma fœur,
Que
chere fœur, mon Amour,
i’aimoy d'vne amitié fainâe,
Oit la vertu efloit emprainte,
Qui fuji des Grâces
le
feiour,
Qui ne fift onc vn ennemy.
Qui ne fift onc vue ennemie,
Que
le
chafle honneur glorifie,
Comme ayant
Tu
le
ejlé
fon
Amy.
fçay, fage Madaillan,
Qui as ejlé toute ta vie
Son tout, fa plus parfaiâe Amie,
Dont tu meurs à Vogadelan.
Si
les
De
faire foudain finir l’homme,
regrets auoyent pouuoir
Il eji certain
que, pris
du fomme,
Tofi, mais bien tofl nous l’irions voir.
.
POESIES
21 ?
SONNET POVR LA MESME
Pleure pleureq, pleure f, mes trijles yeux,
Et de vojlre eau rouille f mes riches armes,
Je n’iray plus au foudre des alarmes:
Car i’ay perdu le cœur que i’aimoy mieux.
Ne craigne \ point le mocqueur odieux,
Achille honneur des preux gens d’armes,
Arrofa bien de fes piteufes larmes
Son Amy mort au tombeau glorieux.
Le grand
Que
n’eufles-vous
Vennuy fi fauorable
De vous trouuer à fa fin lamentable,
Comme fifi Cygne à la mort de fes fœurs ?
Mais pour monftrer
vofire effrange agonie,
Faiâes ainfi que la Royne Ægerie,
Puis me noye\ au ruiffeau de vos pleurs.
SV R LE TRESPAS DE MARIE PREVOST
MADAMOISELLE DE VAV-BERAVLT, MA MERE
Il
faut,
c’efi la raifon,
Celle qui
Ma
m’amena au
que
lufire
fafie reuiure
du Soleil,
ie
mere, tout honneur, que l’honneur nonpareil
Glorifioit toufiours d’vne gloire deliure.
Celle qui
Pour
me donna &
la
plume &
le liure
courtifer Pallas, qui luy faifoit accueil ;
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;
Celle qui m’a
nourry addouciffant mon
Celle que la vertu deflroit
dueil.
mefme enfuyure.
Qui enfon beau Prin-temps, Hyuer, Automne, EJlé
A, prudente, paru flambeau de Chafleté,
Qu’on vifltoit ainfl qu’vn miracle celefle.
On le dicl, on l’a veu, on le fçait en tous lieux.
Que fais-tu donc, Lasphrise? Aufli ton dueil funefle.
tes vers, te la fait fuyure aux deux.
Bornant icy
POVR LA MESME DAMOISELLE
Si i’ay vefcu, ore il faut que ie meure;
Si i’ay parlé, ie manque de propos
Si i’ay dormy, ie n’ay plus de repos ;
Si i’ay chanté, ie foufpire à cefie heure
!
Si i’ay marché, maintenant ie demeure;
Si i’ay vaincu, ie doute les affaux;
Si i’eu des biens, ie n’ay plus que des maux;
Et fi i’ay ry, las ! il faut que ie pleure !
Si i’ay ioûé, ie n’ay plus de plaiflr;
Si i’ay aimé, ie n’ay plus de dejir;
Si i’ay gaujfé, à ce coup ie m’ennuye
!
Si i’efloy fain, ie fuis ores perclus ;
Si i’ay eflé, bons dieux ! ie ne fuis plus,
Perdant
ma mere
effence de
ma
vie !
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;
SONNET SVR MA BLESSVRE ET MALADIE
AV CAMP DE LA MVRE EN DAVPHINÉ
Défi à les trijles Sœurs iettoyent deuant la Mure
Le fufeau de ma vie au tombeau glorieux.
Et jà deftà au camp tous mes Amis piteux
S’apprefioyent
Quand
A
l’on
d’ honorer
ma
digne fepulture ;
m’enuoya
vifie, auec foigneufe cure,
douce, où le ciel gracieux,
Grenoble la
pere diuin, par aile merueilleux,
guérit de mes maux & de ma grand’ bleffeure.
Comme
Me
Tl ejl vray que Minerue au maintien nonparcil
Fauorifa mes yeux du iour de fon Soleil,
Confolant ma raifon d’vne plainâe honorable,
Si bien que mes beaux
fetis
en furent refouis
C’efi l’honnefe Pressins, l’ornement
du pats,
Qui, belle, ef enuers tous fagement aggreable.
Vn iour vn caut ChaJJeur aimant
Veid vne
belle Biche,
&
la
Venerie
tant la pourfuyuit
Qu’il la mifl en fes rets, fi bien qu’il la rauit,
Et l’eufi à fon vouloir par lafche tromperie.
Vn peu de temps après
La laijfe à
De fortune
Dont
ce desloyal l’oublie,
l’abandon du
Loup
qui la fuyuit
vn Veneur en ce danger la veid,
efpris de pitié
il
luy fauua
la vie.
;
DIVERSES
220
La mena dans fon
Il
parc, où nul n'ofe chaffer,
la nourri/l mignonne, il la va careffer ;
Le
traijlre en defefpere, elle
Car qui
La
laiffe la
proye
luy
elle n’ejl
ejl
hagarde
;
plus à luy,
loy veut qu’elle foit feulement à celuy
l’a Jauuée, & qui la contregarde.
Qui brauue
Ainfi qui prend en guerre vn digne prifonnier,
S’il le laiffe
au combat
&
qu’vn autre
le
prenne,
Vn Roy l’adiugera iujlement au dernier;
Nul ne mérité auoir vn bien s’il le dédaigné.
Si pour ejlre boiteux on ne deuoit baifer,
Cefle mere d’ Amour qui anime ton ame
N’eu/l efpoufé Vulcain, Dieu de bouillante flamme.
Qu’elle veut
pour mary, pour mieux fe deguifer.
Tu
ne deuois donc pas fl fort le mefprifer,
S’il a fenty l’orgueil d’vne fanglante alarme,
Son malheur ejl heureux ;
Et te baifant c’efloit pour
ni
pour ton fot vacarme
te
fauorifer.
!
Ce grandcoup luy aduintpour l’honneur de fon Prince,
Tais-toy donc,
ie
te
pry' ; que
fl
plus tu
le pince,
le t’enuoy’ray des vers gonfle d’authorité;
f
Car ie te connoy bien, petite Courtifane,
le fçay que tu les veux du Calibre d’vn Afne,
Et que
tu
aime
auffl toufiours la
nouueauté.
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POESIES
22
1
As-tu point veu ce fat qui fait du Gentil-homme,
Ce glorieux Monfieur, ce fende ur de nafeaux,
Ce coupeur de iarets, dont les ades plus beaux
C’efl le fale conquejl d’vne verolle à Romme ?
Il s’ efcoûte
parler,
il
veut qu’on
le
renomme;
Auffi l’eflime-t’on dedans la place aux Veaux.
Il prédit le deflin des vieux S- des nouueaux,
Et fage
il
efl
ami du temps qui tout confomme.
%
Il
Mais
En
il
qui Yorde auarice extrêmement abonde.
Cefl affronteur de
Porte,
Et
&
iufqu’au bien d’autruy ;
ne connoifl pas qu’on fe mocque de luy,
connoift toute chofe,
comme
femme, à qui
l’on fait affront.
l’on did, les cornes
toutefois (Dassez)
il
fur
le
front,
veut morguer
le
monde.
Des bonheurs que
le Ciel nous monJlre à toutes heures,
Rien, rien ne meplaijl tant que la femme aux yeux doux,
au courroux.
Les vertus d’vn beau corps paroiffent les plus feures.
Belle, humble, gracieufe, ennemie
Les
villotieres font fouuent inferieures,
lettre me defplaifl qui finijl à tous coups,
D’vn : qui fera l’endroit? d’vn: Dieu mercy & vous!
D’vn : me recommandant à vo% grâces meilleures.
Leur
Et puis
leur reuerence haflée à eu ouuert
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;
,
DIVERSES
222
N’eji autrement l’attraici de
La
l’Amoureux expert.
mieux appri/e ;
Nobleffe m’aggrée en ejlant
Sinon
c’ejl
pis que l’autre auec /on noble orgueil.
Sans parler, fans mouuoir, /entant bien /a /otti/e,
Elle entretient de mine & baiffe tou/tours l’œil.
PLA1NCTE EN ACROSTICHE DOVBLE
*
dompte-dieux
toyquim’attaqu
tn/coute,
ïsiic'eft
tq>i
as tort; car ie /uis
e/perant par là
Regarde ma rai/on
Meurtrier de
ma
ieuneffe,
Animant mon e/moy,
>3 ’ enflammé
/ous ta loy.
Corrompre ma
tri/leffe.
b euant plus fiere
opprcffe,
gens /ans /oy,
non au vray Amant b le in d’honneur comme moy,
Boiché des biens que Cypre Wrdentement careffe.
’vour/uis-le fierement
Outrage l’ennemy,
^wiolablement,
Oheris qui te chérit
b’on ne te peut offendre.
Ùÿiïs qui te haift
be/charge
ta cholere
trjHfre les
Amour, ma voix lumière de ton los,
*iiay-moy retirer /ranc; Oncques ie n’eus repos.
Ou s’il /aut que ton /eu '3'ouuellement m’encendre,
ttjjraMCC,
pzeffu/cite
ma
vie
honorant mon
xpnt que comme vn Phénix
effort,
ie naiffe
de
ma
mort.
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POESIES
le regrette d’auoir
employé ma
22 i
ieuneffe,
Soldat, courant fortune en mille efranges lieux.
maux, auec coups outrageux,
Sans que iamais i’en aye emporté de riciieffe.
Auec
peine, auec
le regrette cfauoir
feruy vne Maijlrcffe,
Qui
vn efprit oublieux
dépendu foucieux,
a, pleine d'efprit,
le regrette d’auoir
Me promettant
;
(en Cour) d’ajfe 7 belle promejfe.
le regrette d’auoir iuré trop irrité;
égaré la fanté,
Chofe qui fur tout femble ejlre plus regrettable.
le regrette d’auoir
Mais
ie
n‘ay
tel regret,
que d’auoir fait du bien,
Du bien qui efl fi grand qu’il efi incomparable,
A vn Normant ingrat qui enuie or’ le mien.
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LE BOVQVET DE COQVETTE
de l’an ib8i
Bouquet, Efperance de bien,
Où ejl le Myrte Paphien,
Les
Et
œillets, les lys
&
les
rofes
mille belles fleurs déclofes,
Va-t'en, l’honneur fuit l’auanture
mon mignon,
Or,
Par
Que
celle
ie te
pour qui
!
coniure
l’on t’a
faid,
tu enfuiues mon fouhait.
Allés-vous-en donc voir la Dame
Qui fe nourrijl dedans
Et
la
flamme,
qui ne fçauroit Viure fans
Sentir
le
feu iufqu’au dedans.
En
cela cette beauté tendre
Tient du fort de la Salamandre,
Fors qu’en fin le grand feu l’occifl,
Et cette-cy s’en refioüifl.
De quelque ardeur que ce
puiffe ejlre,
Fuffe d’vn varlet où d’vn maiflre,
D’vn gendarme où d’vn Aduocat,
D’vn habile homme, ou bien d’vn fat,
D’ vn Moine crotté, d’vn Miniflre,
Le mal-heur ne luy ejl finiflre ;
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5
POESIES
Car
225
qui monte fur fon corps gent
Toujiours luy donne de l’argent,
Et gagnafl-elle la verole
Le gain de l’obert la confole.
Bref elle gaigne auec le Cu
La vie à fon mari Cocu
Et
celle de tout
Dont Von prife
fon mefnage,
ce bifcotage
&
Par
qui les petits
Ont
ejlé iufqu’à claque-dents.
On m’a diâ mefme
les
grands
qu'vn bon Prince
En a
delaiffè fa Prouince.
Voyés, Meffieurs, quelle vertu
A cette Dame auprès du cu t
Elle fait plus d’ Amour ardente
Qu’vne armée hautement puiffante.
Ce Prince, qui s’en eft allé,
Pour vn fort camp n’eufl reculé,
Et le branslement de Coquette
Luy
Mon
a
tofl
fait faire retraitte.
Dieu! que tu feras heureux,
O gentil
bouquet Amoureux !
Mais pour que ton heur ne te faille,
Mon mignon, il faut que tu aille
Non au matin, mais à my-jour
Qui efl employé pour l’Amour.
Auant midy elle ne ceffe
D’oüir le Sermon 3 la Mejfe;
Et
notte que l’efprit bigot
Plus qu’autre fe plaijl au doux flot.
Donc ma Dame eft bonne papifte,
Auffl le
fainâ Euangelifle
1
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DIVERSES
22Ô
Luy a donné vne oraifon;
Mais parce qu’il deuient grifon
Elle n’en veut plus qu'aux grands fejles,
Encores faut-il des ly-tefles
Ou de beaux efcus trefbuchans,
Qui font en Amour allechans.
Et, par l’Amoureufe carrière,
Ma Dame
De
Le
la Coquette efpere
remettre en bien peu de temps
deffain de fes bafiimens
Et fa maifon tant endebtée,
Que, fans qu’elle s'efï tant preflée
Et qu’à ce prefl on a efpoir
De
releuer ce qu’on voit choir,
Mafoy
le rejle
S’en fujl allé
Tout
du mefnage
en rauage.
vijle
eufl eflé
pour
l’interefl:
y efi.
Mais quoy?
belle apparence
Coquette a charnelle alliance
Auecques
l’illujlre
opulance,
Qui
doit tenir le premier rang.
du fang
L’a par pajjetemps redamée
Comme parente d’Efcumée,
Tu le pourras fçauoir au vray .
Mais, bouquet, ie te fuppli’ray
De ne dire que ie t’enuoye,
T’ayant rencontré dans la voye
Où le Varlot t’auoit perdu,
Porte-Poulet mal-entendu.
Tu ne lairras d’eflre aggreable
Pour ton tardement regrettable.
C’ejl parce qu’vn preftre
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POESIES
iij
On te mettra dedans le fain
Et puis après, le lendemain,
Dans vn boqual emply d’eau
fraifche.
Monfteur le fot, qui n’ejl reuefche,
Sans s’enquérir de ton pays,
Ny qui
t’a porté au logis,
Lou’ra ta beauté odorante
Te baifant de façon riante,
N’ofant en eftre blafonneur;
Car Madame ejl plus que Monfieur.
Auffi Coquette
le mérité ;
Elle fait bouillir la marmitte.
Dame Coquette a du renom,
Du renom
dis-ie qui n’eft
bon;
Mais Coquette ne s'en foucie
Pourueu qu’elle foit enrichie.
Coquette à vn fubtil efprit
Et parle auffi bien qu’elle efcrit ;
Coquette entend la Rhétorique,
Mais encore mieux la pratique.
Coquette ne porte d’enfans,
Mais
bien des
hommes qui font grands ;
Coquette s’y monflre
Que
toufiours
nuiâ
fi
&
forte
iour en porte.
Coquette, par deuotion,
Joùifi de
fon affeâion ;
Coquette a efié pellerine
nofire Dame de la Fine;
Coquette ofa bien voyager
lufques au pais efiranger.
Elle euft des sifflets de S. Claude,
A
Pour
refiouir fon
humeur chaude ;
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;
DIVERSES
228
Car
les bains
où Coquette
Où
elle
Ne
cicatriferent l’vlcere
alla.
auoit tant faiâ cela.
Où
toujours Von ioué à refaire.
ejl fouuent de banquet
Et fur tous mets prend le poulet;
Car Coquette vint d’vne Coque
Qui couue vn grand monde d’Efcroque,
Dont le plus riche S- le plus fin
Deuient par Coquette Coquin.
Coquette, grande Coquetiere,
Vend fa marchandife trop chere ;
Coquette toujiours la furfaiâ.
Coquette
Le
plaijir pour plaifir ne faiâ
Coquette n’ouure fa Coquille
Sans qu’on luy fouque de la bille.
Coquette Croque de Choquer,
Et diâ qu’on ne s’en peut moquer,
Veu que de Coquine affaireufe.
En cocuyfant haqardeufe,
Elle a gaigné beaucoup de bien
Sans quoi ore on ne prife rien.
Et quand Coquette encouragée
Deuiendra par le temps aagée.
Ne voulant point changer d’aduis.
Lors, alors, par fes doux deuis
Qui ont fait ceringuer fa playe,
Elle produira d’humeur gaye,
Difant qu’on ne fait rien fi beau
Que de faire vn monde nouueau.
Et
qu’elle veut faire connoifire
Qu’elle
l’a,
çà
&
là,
faiâ
croifire.
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POESIES
129
Puis Coquette, ioly bouquet.
Te mettra
Et
dejfus fon buffet,
& de fa flamme
defunâe Ame;
de fes pleurs
Ranimera
Non pas
ta
qu'elle t’aime
Mais afin que
Ce Prélat bon
Penfe
autrement,
l'honnefie
Amant,
pilier d’Eglife,
qu’elle efi de
luy éprife
Voyant ta conferuation ;
Et, plus gonflé d’affeâion,
Incontinent il luy enuoye
Bagues, Carquants, force monnoye,
Afin d’auoir habits nouueaux
Bien qu'elle en aye plufieurs beaux,
Qu’elle en change la matinée
Et
quelquefois l’après-dinée,
Différemment, plains de fenteurs,
Imitant les grandes grandeurs.
Car, pour vous dire vray, Coquette,
Coquette à face de raquette,
Coquette au jugement d’oifon,
Se dià d’vne
Où
il
illufire
maifon
ne pleut point, qu’il ne pleuue.
Bouquet tu n’en feras l’efpreuue
;
Car Coquette, en faifiant l’Amour,
Trotte toufiours & fuit la Cour.
Auffi le fire, de fa grâce,
Luy donna vn botus de Calce
Lorfqu’elle venoit, dont Putus
S’arma pour desfaire Brutus.
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DIVERSES
*3 o
le ne fuis comme vn tas d’auares Courtifans;
Efpris d’vn fang gaillard mon plaijir me domine,
le contemple, Havtefort, la troupe de Cyprine,
(Race qui ejl logée à l’enfeigne des vents).
Ten voy qui nuiâ & iour trauaillent leurs Amants;
L’vne n’ejl qu’vne fotte S- fait la Paladine,
L’autre fait V éloquente & n’a qu’vne routine,
Cefle-cy ne fait rien qu’auecques beaux prefens.
La
La
ieune ejl au combat viuement attentiue,
vieille
au cœur nauré n’y fujl iamais
Toutes ont
le
cœur braue aux Amoureux
retiue,
effaiâs
(Encor que l’Antiphile apparoiffe fantafque),
Le blanc, le rouge au tainâ fe void plus que iamais,
Et, pour te dire vray, chacune ejl belle en mafque.
Tejlime ores heureux quiconque a des Amis,
Que la laide auarice aucunement n’attife;
heureux qui n’a nulle faintife.
l’ejlime ores
Qui au feu d’Ixion fon
attente n’a mis.
Tejlime ores heureux ceux qui font fauorits
De ces grandes grandeurs que tout le monde prife;
Tejlime ores heureux l’habile qui courtife
Sans dépendre
le
ften
au feiour de Paris.
Tejlime ores heureux qui a de la prudence,
Qui ne diâ ce qu’on diâ, ni la chofe qu’il penfe
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;
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POESIES
J'eJIime auffi
beaucoup vn
vieil
auantureux,
Qui n'a taché le blanc de fa gloire parfaiâe;
Mais, Ponsonas, mon cœur, i’eflime plus heureux
L'honnejie
homme
qui a vne femme muette.
SONNET DV NATVREL D'AMOVR EN DIALOGVE,
PARLANT A LVY
l.
Qui es-tu? d’où viens-tu? d’où fors- tu,Ji grand maijlre,
Difficile à dépeindre, ainfi que ie connoy?
fuis Amour puiffant, Empereur fur tout Roy,
Sans qui, ô monde ingrat, tu ne fçaurois pas ejlre.
k. le
le fuis promptement vif quand ie commence à naijlre
le brusle dans la glace hors de crainte & tteffroy,
;
le fuis vn chaud defir gros d'vn eflrange efmoy,
Et
d’vne
Celuy
humeur forciere on me
n'ejl point,
void apparoijlre.
qui n’ejl à mes douceurs enclin;
le m'engendre premier du beau corps féminin,
Comme fubtile amorce aux Amoureufes flambes.
le fuis fouuent diuers, haut, bas, trifie, ioyeux,
le fuis
aueugle encor;
ie
Et fors ioyeufement par
yeux,
deux iambes.
viens pourtant des
entre les
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DIVERSES
232
LOVANGE DV CHIEN,
AVEC L'EPITAPHE DE MA PETITE CHIENNE
Pourquoy rend-on abhorrable
Le nom du Chien amiable,
Si neceffairement doux,
Qu’il femble que la Nature
L'aye faid auecques cure
Pour ayde commune à tous?
L’ancien plein de prudence,
Pour affeurer la fiance.
N’a peu mieux reprefenter
Cefie bonté qui excelle,
Qu’en forme du Chien fidelle.
Qu’on ne peut trop exalter.
le
fçay que diuerfe
Rend fon
hifioire
amitié notoire.
Capable de bon Amour ;
Si en diray-ie vne efirange,
Qu’vn denmo plein de louange
Veid comme moy l’autre iour.
A ux Portaux,
près Rilletiere,
Vn Loup rauit à la mere
Sa fillette de quatre ans.
Elle, furprife, efbahie.
De peur tombe
Et fufi
ainfi
efuanoüye,
quelque temps.
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POESIES
Son Chien
le
Si vijlement
fuyt à
le
i33
la trace.
pourchaffe
Qu'il l’attrape dans le bois,
En efgorgetant la fille;
Lors d’ hardiefie gentille
Saulte au collet plufieurs fois.
Ayant faiâ quitter laprife,
La mordante guerre efprife
Entonne vn refonnement ,
Par
Et
craque ;
heures fufi la bourrafque,
la vuide dent qui
Deux
l’horrible
grondement.
Puis le Loup voulut reprendre
La pauure fillette tendre,
Le Chien efioit entre deux,
Mordant
Le Loup,
d’vne trongne affreufe
qui de peur honteufe
Laiffe enfin l’enfant faigneux.
Ce Chien Pistolet
l’aguette,
Faifant marcher la fillette
La conduifi à la maifon,
Lors la mere, en ioye extrefme,
Et chaque voifin qui l’aime
Se mirent en Oraifon.
Mais Pistolet ne feioume;
Il
ne vient qu’il s’en retourne
Chercher
On
le
Loup à
l’efcart ;
ne fceut onc fi bien faire,
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DIVERSES
3 34
Siffler, huer, pour rat traire,
Qu’il reuint, qu’il ne fuft tard.
Tay
vn Chien
& me
Chienne
Qui d’infortune prochaine
Donnent aduertiffement,
Et quand il vient des gens d’armes ;
Car du cofté des vacarmes
Ils abboyent longuement.
Ces beaux œuures remarquables
Ne font pas irraifonnables,
Ils
fentent
Encor y
l’humanité,
a-il des
hommes,
Au
traiftre
Qui
n’ont telle intégrité.
temps où nous fommes.
Qu’on ne s’eftonne donc ore
Si ie plains, fi ie déploré
Vn fi gentil animal;
Mais vn qui aimoit ma vie,
Qui en fuft fi bien feruie.
Qui addouciffoit mon mal.
Qu’on ne me blafme dlefcrire<
La douleur que ie foufpire.
Pour ma Chienne maintenant,
le n’ay recepte meilleure
Pour efgarer à toute heure
L’ennuy qui m’oultrage tant.
S’on
me diâ
plein de folie.
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,
Difant que
ie glorifie
Vn Animal fans raifon,
Par ma Mufe fouhaitable,
Autant comme vn raifonnable
Qui
efi
fans comparaifon
:
le refpondray que ie prife
Tout
ce qui
aime Lasphrise.
le ne fuis ingrat en rien;
Mais doulx, humain , pitoyable,
Regrettant le regrettable,
Mefme
me fait
vers qui
bien.
Helas l pourquoy ne plaindroy-ie,
Pourquoy ne lamenteroy-ie
Ce qu’on ne peut r’achepter,
Veu que Von pleure la perte
Qui peut efire recouuerte
Et qu’on pourroit euiter ?
le plaindray donc ma Mignonne,
Ion Ion, qui fufi belle & bonne
Qui m’aimoit d’vn bel efmoy.
Et
ialoufe de
Sans
ma
elle efioit
veûe,
efperdue,
Voulant efire auprès de moy.
Sans moy ne pouuoit pas
Et
toufiours
me
Jamais ne me
viure.
vouloit fuyure,
fifi
fâcher;
Mais las! c’efi bien au contraire;
Car quand i’efioy en colaire
*36
D
me
Elle
I
VERSES
venait lécher.
Sautillant diuers pafiage,
Follajîrant gaye & voilage
Me
defroboit vn baifer,
Lors
i’efioy contraint
Ion Ion apaifoit
mon
de rire
;
ire,
Qu’autre n’eujl peu apaifer.
N’ay-ie donc raifon de craindre,
Et encores plus de plaindre
Pour la perte de ce bien
Qui
m’efioit fi profitable?
Rien ne m’efi tant dommageable
Que
Pire dont ie fuis plein.
le fens abréger
Puis que
ma
vie,
la tienne efi finie,
Ion Ion, qui m’ofiois Pennuy !
O qu’à bon droiâ ie regrette
Cefie petite Turquette,
Qui fouuent m’a refiouy l
Oultre la refiouyfiance,
ma feure defence ;
Cefioit
Car quand
Soit
le
Elle
i'efioy
endormy,
iour ou la nuiâ fombre,
Craignant
qu’il
m’aduint encombre
me feruoit d’Amy.
Quelque part où ie peufie efire
Près de moy vouloit paroifire,
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POESIES
a3 7
S’y pofant fi doucement
Qu’elle ne rompoit mon fomme;
y
Mais s’il approchoit quelque homme
Me
refueilloit
promptement.
Ion Ion ne fufi point friande.
Ni
vilaine, ni
gourmande,
Plus fobre elle apparoijfoit,
Si gentille & fi aimable,
Si belle & fi aggreable.
Que chacun la careffoit.
Elle efioit tant afpirée,
Et tant & tant defirée,
Par fa parfaiâe beauté,
Que ie croy que la fortune
Me
l’a
prife toute ieune,
Nayant
cefi heur mérité;
Cefi heur que, fi par proüejfe
Ou par quelque autre richejfe
Se pouuoit ore acquérir,
le n’ efpargneroy
Ou par
valleur,
ma
terre
comme
;
en guerre,
voudroy vaincre ou mourir.
le
Ion Ion, tu fus trop iolie,
Pour qu’vn Loup fe raffafie
De
le
ta délicate peau,
feray
En
Où
cefie
ta fepulture
gaye verdure,
l’on lira ce
tombeau:
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Dî V
*38
E*ft
S
ES
A Moysy, PRES LA Mardellb,
Dessovbs vne motte belle,
Gist la petite Ion Ion,
PoVR n’avoir PEV TROP MIGNARDEÿ
DELICATEMENT GAILLARDE,
Rendre son petit Tendron.
Mignonne, quel orgueil, quelle témérité
Vous fait accomparer à ma belle aduenture?
Quoy! n’au’ ous point de honte? hé ! la mere Nature
S’efbahift contemplant fi parfaitte beauté.
Vous vfeq toutefois de grande
vérité.
Vous renommant fi haut fubtille créature ;
Car on fçait que mettes des pièces fans coufiure
Miracle indufirieux, extrefme habileté 1
Ce
en cela feul que vous faides merueille,
la couleur pâlie efi au combat vermeille.
fais durcir le mol, S- d'vne chofe vn rien.
n’efi
Par vous
Tu
Je n’ay Vefprit fi bon, ni l'ame tant accorte;
Mais vofire œuure en tous lieux ie deuineray bien;
Car ie fçay que toufiours vous faiétes bien la morte.
CONTRE VN POETE MESD1SANT DE
Ta doâe Mufe, auant que blafmer
Du
le
RÀfeELAlS
doux
rire
diuin Rabelais découpant quelque abus,
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;
)
r
POESIES
Ne
23g
& croy que c'ejl Phebus
aigry fesle en ce lieu ta lyre.
chantoit enrouée,
Qui de
l’iniure
Tu trouue’ en luy mauuais ce qu’en toy tu dejire.
Et que par tes beaux vers tu ejlimes le plus,
Que tu exalte’ en d’autre, en honorant Bacchus,
Qui pris modejlement
n’ejl
fubied au mefdire,
Ainji que Rabelais Va modejlement pris
Eujl-il efcrit, gaillard, tant de dodes efcrits
Dont
le
flux fait couler
le
temps trijlement lafche?
Tu t'es doncques trompé, foit luy portant rancueur,
Ou pour plaire aux voille% au vent de la faueur;
Ainji voulant fafcher quelquefois l’on Je fafche.
Iaqves Marie, apprens cejle mienne efcriture,
(Dont ie t'honore icy addouciffant mon mal
Puis que Tulle efcriuoit à vn Jien marefchal,
le puis bien
Toy
Qui m'as fi
Comme
Que
mieux
t’efcrire
qui es de long temps
bien
exempt de
ma
laide iniure.
chere nourriture.
feruy cfvn feruice loyal,
lan Robelet, ce Bourguignon féal,
i’ay entretenu iufqu'à la fepulture;
Crains Dieu fur toute chofe, aime tes bons amis,
Fuy
le vergongneux vice, & ne fay d’ennemis,
Vfe difcrcttement & du vin & des femmes.
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DIVERSES
240
Reuere ma mémoire S des miens vertueux;
Comme loups enragej abhorre mes hayneux,
Ne decelle Eraton, ni mes beaux Anagrammes.
AV MESME. ANAGRAMME
Cil
Q.VI
SERA AIMÉ
De ma Mufe
immortelle
Suruiura ejiimé,
Plein de vertu fidelle.
le maudis
Qui me
à bon droiâ
tient fi long
la guerre iniurieufe,
temps en Gafcongne arrefiè,
'
Ne
voyant ma maifireffe , Afire d’alme beauté,
Qui rend (diuin Ronsard) ma douleur glorieufe.
Et
aujfi
que ta
Me r’enfiamme
Indui/ant
lettre hautement gracieufe
au fouhait que i’ay tant fouhaitté,
ma
Clion à pleine liberté,
Qui pourroit fous ton air voler par tout heureufe.
le voudroy bien partir, mais helas ! ie ne puis,
Au nauire abordé comparable ie fuis,
Qu’on ne peut defancrer fans couper le cordage ;
Car ne pouuant auoir congé de mon feigneur
(Dv Maine, ce grand Mars) fans blejfer mon honneur,
le ne fçauroy, Ronsard, faire ce beau voyage.
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POESIES
24
Enflé d’ambition, temeraire importun,
Qui laiffes Dieu à part (aufli es-tu Athée,
Comme l’apparence eft dejjus ton front plantée),
Rauiffant au public le moyen opportun;
Dy-moy,
Que fert
voleur fuperbe,
ennemy d’vn chacun,
fang arreflèe ?
ta pafflon dans le
Peux-tu faire vn honneur d’vne chofe eshontée ?
Car le brigandage eft abhorrable au commun.
Quoy!
violer, brusler, affafflner le
monde,
Defrober, faccager, troubler la terre & l’onde,
Nommes-tu telle horreur vn ceuure glorieux?
faut pour bon fubied vne guerre entreprendre ;
Non, deflruifant le monde, vfurpément s’eflendre;
Il
Cela
c’efl
outrager
les
hommes &
les
dieux.
A MAISTRE GILLES L’VSVRIER,
PROCVREVR A CHARTRES
&
ton nom te font tort,
Le Procureur femble double aduerfaire,
Ta
qualité
Faifant foubs-main des traiéts qu’on ne doit faire,
Et renaiffance au plaidoyant difcord.
Où toy qui l’es difcrettement accord,
Preud’ homme entier tu abrégés l’affaire;
Puis vfurier tu n’es point vfuraire,
Ains fecourable & des pauures fupport.
16
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,
DIVERSES
242
Le nom doit eftre indice de la chofe,
Nombre infiny fur ce fubieâ s’expofe
Ainfi Mauors par fa force ejl nommé.
Prens donc vu nom à ton humeur duifable,
tu es comme vn grand plus louable ,
Nonfay,
Qui grand guerrier
Ce
paifible ejl efiimé.
petit Pelerin qui fait fi bonne
mine
Ronsard, l’efprit & le coeur bon)
Ne fe voue à Liesse où PVniqve a renom,
Vne autre Nofire Dame efchauffe fa poitrine.
(Aujfi a-il,
Il a deuotion à celle de l’Efpine,
Qui efieint doucement Ve feu de Cupidon,
y va bien en-point, garny d’vn gros bourdon,
Afin d’ honorer mieux cefie image diuine.
Il
Aujfi tofi qu’il fera près de ce digne Autel,
Il pri'ra d’apaifer fon bifarre martel,
Tenant chandelle ardente en humilité grande,
Et
n’aura
En
ietant l’eau beneifie (après
fi tofi
diâ fa briefue oraifon,
fa belle offrande)
Qu’il n’aye (en fe croifant) la douce guerifon.
Celuy auroit le cœur d’vne roche marine.
Qui voyant tes vertus n’en fer oit Amoureux.
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pqêsies
Dont mojr galand,
a43
affable, honnefte,
genereux
1 adore ta beauté,
l’image d’Erycinef
Vn meffa«er ui longuement
*
chemine
ParTT
Parmy
l ample campagne
& grands bois ombrageux
,
S efgare
aucunesfois; de
me/me auantureux
le crains quelque
dejlour en chofe
fi diuine.
Mais fi
tu veux,
e
(
B?Z
ar
waifoife,
^\f
m'Amie, ojler ton mal
tefprit,
Amour feulement fe guérit)
faut m’embraffer fans feintife.
.,
il
cZZmerZrl ardeur
Confommera
Et
^
-ouueau
qui gafle ton cerueau,
en tes ceps d' Hymen te
mettra en franchife.
La
Où
goutte, rage mondaine,
le doâe
eft ignorant,
Horreur de l’aime neufuaine,
M’enflamme d’vnfeu
grand
fi
Que
ie
ne puis refpondre ore
A ces carmes finguliers,
Dont le pere que i’honore
Mérité vn rond de Lauriers.
Mais fi
la
Janté amie,
Threfor de l’extrefme bien,
Sans qui vie n’efi point vie
Bande mon Luth Delphien,
,
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DIVERSES
244
Et que
difpos
ie
reuiue,
le refonneray des vers
Qui en fa faueur naïfue
Primeront par l’ Vniuers.
Or
De
ie vis en efperance
reuiure encores mieux.
Viure en cruelle fouffrance
Ce n’ejl qu’vn viure odieux.
Et fuis maintenant en doute
Que l’on meure de douleur.
Puis qu’on ne meurt de
Plus outrageufe fureur.
la goutte.
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DES-AV EV
DV FLEAV FEMININ
En
En
ta faueur,
te louant,
ma
ma
Vierginette,
blondelette,
veux contrefaire vn grand Roy,
Qui quand il luy plaijl Je reuoque
Et du vray femble qu’il fe mocque
En mettant en doute fa foy.
le
me veux donc
le
De
tant
&
ores defdire
tant d’afpre mefdire
(Mefme du Fléau féminin),
Puis qu’en toy ie me voy renaijlre
Et
qu’en ton teind on connoijl ejlre
La
beauté qui
me fift
diuin.
Rends donc grâce, ô grande
A
cefle perle
& fleur
& petite,
d’eslite
Qui fleurifl fur toutes
Qui fans art, qui fans
artifice
Trompe fans tromper
la malice
Du
vieil
les fleurs,
hyuer gros de rigueurs.
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; ,
DIVERSES
246
le diray donc
La femme
par toy, Bellonne,
diuinement bonne,
Et fans aucune efgalité ;
Car on ne peut voir chofe au monde,
Qui
la
femme
en vertu fécondé
D’elle en elle efl toute bonté.
La femme prifl
de V homme effence.
Puis l’homme de femme naijfance,
Tous deux ne font qu’vn mefme point ;
Qui blafme l’vn, il blafme l’autre,
Le
noflre ejl fien, le fien efl nojlre;
C’ejl vn corps double, vniment ioinâ.
Sans ce
plaifir
que (fans
la
femme)
On
On
ne peut auoir fans diffame
ne fçauroit viure efgayé;
Toute la chere n’ejl point chere.
Et
Il
qui veut auoir ioye entière,
faut donc
qu’il foit marié.
Hé quoy ? fans
le faind Mariage,
Tout ne ferait qu’vn Bourdelage ;
Nous ferions tous inceftueux
Le fils engrofftroit fa mere,
Et l’ignorant battroit fon pere.
Tout
iroit
en defordre haineux.
Si toute chofe eftoit commune,
La confufion importune
Dominerait vilainement.
Comme chaque
chien près la lice
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;
;
POESIES
S’entre-déchire
*47
S- s’ entre-piffe,
Auecque fafcheux grondement.
Où dejfous l’honnejle Hymenée,
On void de Paradis l’idée,
L’homme & la femme ne font qu’vn ;
Quand leurs enfants viennent à croijlre,
En eux
Y a-il
ils
fe voyent renaiftre
tel bien
On
L’homme
opportun?
dira que par
receut
femme
le
aimable,
coup damnable.
le refpons qu’elle a réparé
La faluation
en ejl veue.
Par Marie vne vierge esleue.
Qui porta Iesvs-Christ facré.
Si tu dis
Toy
la
femme
legere ,
qui dois eflre fa lumière,
Pourquoy
es-tu autant leger?
Si tu as failli pour la croire,
Pourquoy, toy qui t’en fais accroire,
Te laiffes-tu tant engager ?
Selle
Elle
plus fine S plus fubtille,
donc plus que l’homme habile
efl
efl
L’homme
;
qui la blafme fouuent,
Ainjt fe déclaré vne befle,
Qui n’a que du vent dans la tejle,
Variable
Si
les
comme
le vent.
femmes ont faiâ
grand.’ s fautes,
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;
DIVERSES
248
Les hommes en ont faiâ de hautes,
Qui Je donnent permijfton,
baillant aux femmes licence,
Dont l’homme ayant plus d’infolence,
Ne
Mérité plus punition.
Qui voudroit compter
Et fur mer
les
les ejloilles.
bouffantes voilles,
Toutes arenes d'alentour,
Il
auroit plus tofl faiéi d’efcrire
la femme foufpire,
bon-heurs de fon Amour.
L’honneur que
Par
les
Mille fois viendroit la Nuiél noire,
Auant que i’euffe, en cejle hifloire,
Penfé aux biens qu’elle conçoit
Christ la conneut fi fouueraine,
Qu’il voulufl, par la Magdeleine,
Qu’on fceujl premier qu’il reuiuoit.
Or
c’efl affe%,
mon Amelette,
Ma
mignarde Papillonnette,
Le
Ciel t’eslongne de l’efmoy,
Vy
donques, vy,
ma
mignottife,
Et apprens ces vers que Lasphrise
Compofa pour l’Amour de toy.
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SV R LE BEL ANAGRAMME DE M.
P.
(margverite papillon)
O
que
noble honneur a de puiffance bonne !
mort quand il Vaffeâionne,
Gentil Palmier Povra me faire inceJJaniment
le
Il faiâ reuiure vn
Par
l’Vnivers reluyre, en glorieufe
Auffi
l’
Comme
flamme ;
aimay-ie autant que mon cœur & mon ame,
eflant le motif de fon vif mouuement.
REGRETS DE PHILASSER
Soit, que i'aye failly cTvne
Par
la
grâce de Dieu
ie
Amoureufe enuie !
t’ay donné la
vie,
Et, t’ayant reconnue, image de mes yeux,
mon ame, & mon cueur & mon mieux,
le t’ay donné
le t’ay donné mon bien, & t’ay donné encore
Le beau Nom que ie porte, afin que l’on t’honore;
Car il efi renommé du renom de mes vers,
qu’il vole immortel par le grand Vniuers;
Tellement qu'on l’admire, & chacun s’efmerueille
Tant
De ma Mufe fans art, diâe la nonpareille.
M’ Amie, il m’a donc pieu dignement t'efirenner.
Te donnant ce qu’à nul n’eujfe voulu donner.
Las ! ie ne le plains point, ie regrette au contraire
Que
ne puis pour toy dauantage ores faire.
donc obligée, & d’vn iufie deuoir,
& de tout ton pouuoir.
le croy que le feras, ie dy fi ton courage
ReJJemble autant au mien comme fait ton vifâge;
Mais, ma tovte, ie crains de ne voir ce bon-heur
Par le fort maladif qui jà me fait terreur.
Quelle félicité! quelle gloire deliure !
Si le Ciel me faifoit affeq longuement viure,
Tu tiendrois vn beau rang! Qui oferoit brouiller
De mes biens (dont defunâ) on te peut defpouiller,
Tu
ie
es
A me
chérir fur tous
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,
POESIES
Si
la
foy
sbt
des féaux deuenoit infidelle,
Ce que ie ne veux point ancrer en ma ceruelle.
Mais toutefois, m’ Amour, ie fçay, fi ie viuois
Encores plufieurs ans, qu'encor plus tu ferois;
C’efl là
mon feul
dejir,
car
ie
ne dejire efire
Qu’ afin d’auoir moyen de te faire pareflre,
Qu’ afin d’auoir ce bien chaque iour de te voir,
Te faire vertueufe & faire bien pouruoir.
Voilà, mon cher fouhait, tout ce que ie fouhaitte,
ce qu’ores, dolent, dans mon liâ ie regrette,
Et
Redifant de rechef que i’ay peur qu’efiant mort
(Qu’encore trop ieunette) on ne te faffe tort.
Or fi à cefie fois le Ciel m'enfepulture,
Reçois ma volonté, qu'entiere ie te iure.
Honore ma mémoire, ayant l’aage difcret,
Et çà & là regrette en tout temps mon regret.
Mais, mon doux Aignelet, ma mignarde Angelette,
le te prie & coniure, ô ma chere fillette,
(Non point
defefperé, auifant ton efpoir
Par ma perte perdu) durement me douloir
Par des foufpirs profonds, par larmes catarrheujes
Par trifies actions, par paroles piteufes,
Plains-moy difcrettement, craignant que la fureur
Des plaintiues pitié ç ne te faffe douleur:
Car ie te iure Dieu que ta dolente attainte
(Sur toutes les douleurs) efi ma plus grande crainte,
le te refupplPray par mon affeâion,
Pour que tu ayes mieux ma bénédiâion,
De
contenter
mon
vueil, qu’en ces vers ie t’ordonne r
que tu viues fage, en confcience bonne,
craindre toufiours Dieu, d’auoir chafie entretien „
hanter que les gens reconnus gens de bien ;
C’efi
De
Ne
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POESIES
•253
Si ne croiray-ie pas, & ne fuis heretique,
Qu’on puiffe imaginer ioye plus magnifique
Qiie la veüe entre amis, s’aimans d’intégrité
Par l’inflinâ de Nature & confanguinité,
Mefme après auoir faiâ fi merueilleux voyage,
Qui par
la mort nous a fepareq fi long âge,
Cette félicité ne fe peult exprimer,
Tefmoins m’en foyent ceux-là qui fçauent bien aimer!
& meres doux, hé! quel plaifir fécondé
veüe de ceux-là que l’on a mis au monde,
Les enfants gracieux ! Gros de douce douceur,
Cet heur efl coégal à l’inegal bon-heur
Qu’on tient en Paradis, fejour de l'ame fainâe,
Dont plus heureux pourrons auoir double aife emprainte.
Combien de fainâs baifers, de foufpirs naturels,
Combien d’ embrafements chèrement paternels.
Combien de iufies pleurs & de larmes benines
Prouueront lors l’ardeur de nos Amours diuines!
Ce bien t’efmouue donc à viure fagement,
Afin que nous ayons ce doux contentement,
Afin que fi la Mort (par qui tous déperiffent)
A voulu feparer ceux qui s’entre-cherijfent,
Nous ayons bon efpoir d'encore nous reuoir,
Qui efl le feul deffein que ie defire auoir.
Tout le bien en mon dueil c’efi donques l’efperance
Peres
La
De te reuoir vn iour plein de refiouyffance,
Que tu m’accoleras, que ie t’accoleray,
Que tu me béniras, que ie te beniray,
Et pour n’y faillir point, ie te pry’ , ne fait faute
De reuerer toufiours la diuinité haute,
Et te fouuienne encore, en l’honneur de mon dueil,
Qu'apres ta mort tu fois mife dans mon cercueil,
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;
DIVERSES
354
Et croyant, ô mes yeux, que me voudrez complaire
le mourray plus content en ma trijie mijere !
Ainji dijl Philasser, regrettant douloureux
De n’auoir grand efpoir de viure vigoureux
Et approcher le but de la blanche vieillejfe
Pour voir luire le iour de fa douce lieffe.
Pour me defennuyer ie n'ay qu’vn gros Picard,
Qui danfe quelquefois d’vne grâce pofée;
Il amble tout ainji qu'vne ieune efpoufée,
Et
de cadence encor iamais ne fe defpart.
Sur
Il
le foir, plus difpos il bondit par hasard,
tombe doucement comme vne tour rafée.
foufpire à hocquets, il rid de fa rifée,
Il ejl pour vn camus amiable paillard.
Il
Il ejl
De
laborieux,
il
ejl
prend bien
merueilleux,
Qui prononce
Il
il
cefte peine
boire du meilleur la tajfe toute pleine
Bref
a furtout
Car
Mon
c’efl
vn noble Cocu,
Dieu alors qu’il fe courrouce;
grâce aggreablement douce,
il va grattant fon Cu.
bien
la
toujiours, tant ejl bougre,
Picard n’a qu’vn vice en chaque qualité,
de ces fringans qui veulent qu’on les loue ;
Il n'ejl
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POESIES
Tout
Et
que
dit
Mais,
c’ejl
afin d’euiter la molle oyfiueté,
Il dort,
ou
boit,
Contrefaifant
Il
255
prend il veut que ie l’aduoüe,
d’autant que ie fuis attrijlé.
le plaifir qu’il
baue,
il
le
rotte,
ou marche, ou paillarde, ou
il
ioüe ;
finge il morgue, il fait la moüe ;
il pette en toute honnefieté.
Hardy comme
il
Mon
fi ce n'efi
vn Renard
Picard n’en a point,
ne rougifi de honte.
Que fa femme à Paris à chacun
quand
il
conte
tend beau ieu,
Qu’il a pour compagnon vn monde magnifique,
Efiant plein,
Car
il
fon plain-chant furpajfe
a bonne voix pour
bien crier
la Mufique;
au feu.
D1SCOVRS A LA FRANCE
France, qui m'as donné la chere nourriture,
Et dont i’attends auffi la douce fepulture,
Mere, ie te fupply’ de foufienir ton fils,
Si quelque mefdifant luy vfoit de mefpris.
Or ie te veux conter ce qu’on voudra mefdire.
Et ce que iufiement tu pourras contredire.
Si quelque Auolé did que ie cele mon nom
(Volant par l’Vnivers) qui eft de Papillon,
Refpons-luy au contraire, ains que ie l’éternife ;
Mais parce qu’à bon droiâ l’on m’appelle Lasphrise
Et que par autre nom ie ne fuis renommé,
Qu’on ne me cognoifiroit d’vn autre nom nommé.
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î56
DIVERSES
Qu’auffi efi-ce vn fief de la terre ancienne
-DcVavbravlt d’où ie fuis aux beaux champs de Tovre.ni
Mais Marc efi mon nom propre illufire en toutes parts,
Et en fon braue honneur i’ay faià beaucoup de Mars.
le ne fuis donc blafmable alors que ie me loué.
les plus grands , dont le diuin m’aduoué.
Puis fi quelqu’un te diâ que mes beaux vers François
N’ont efié faiâs fans art, que ie ly quelquefois,
Refpons pour m’approuuer que ma Bibliothèque
Efi vn râtelier d'arme’, où de iour en iour prefque
Si le Ciel ne larmoyé, & fi ie fuis difpos,
l’y prens mon efcopet te & m’exerce à propos,
Que ie regrette fort de n’auoir la nature
( Comme tant de fçauans) encline à la leâure.
S’on te diâ que ie prens (moy qui fuis retiré)
Le nom de Capitaine ores moins honoré :
N’oublie à répliquer que ce genereux Tiltre
Ne s’efuanouifi pas comme cil d’vn belifire,
Que ie neperdray point (car fes Lauriers font verds)
Ce beau grade guerrier, l’ornement de mes vers.
Que ie n’ay redouté ni l’onde glaciale,
Ni celle dont l’ardeur d’vne autre n’efi efgale,
Que l’Afrique, l’Afte & que l’Europe auffi
Ont plufieurs mois conneu ma braue humeur ainfi,
Que la chaude Ancelotte ouyt mon harquebufe,
Et la froide Allemagne, où Bellone s’amufe,
Si ie commençay bien, que ie n’acheuay mal,
Ce fufi à Vimory, où l’honneur Martial
Me falua fi bien, que fans l’ingratte effence
Mon loyer eufi donné à d’autre recompence;
Et mon Genie heureux m’auoit de gloire orné,
Quand il me mena vifte au camp à Covrtené.
Imitant
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Là
ie
n’eus
le
loyfir feulement de repaifire
Pour aller à la guerre, où mon feigneur, mon maijlre
N’ayant auecques luy que quarante guerriers
( Gentils-hommes d’honneur, amoureux des lauriers)
Défifl, garantiffant fa bonne infanterie,
Bon nombre d’ennemis, ennemis de fa vie.
Nous cour ufmes fortune enfemblement fans peur,
Et fus feulct vue heure auprès de luy vainqueur:
'
Depuis par fon vouloir en trauerfe haqardeufe,
I’allay vifie à Nancy près fon Altejfe hcureufe,
Retournant indifpos ie laiffay lors ma Cour,
Et m’en reuins en Beaujfe à Moisy mon fejour,
Ayant veu que i’efioy comme vti qui auec peine
Marche altéré bien loin pour boire eau de fontaine,
Et quand il en efi près, qu’il tient le verre plein,
Par malheur fans fa faute il luy caffe en la main
Car fi l’artifan a du gain de fon ouurage
Et fi les beaux effeâs méritent d’auantage,
le
deuroy aduancé paroifire opulemment,
m’en estes tesmoings rencontre de Dormant,
Vovs
Ov
IE
FVS VEV TVANT, EN POVRPOINT, PESLE-MESLE,
Le Vernay, Vymory, fossé de la Rochelle,
Vovs MONDE d’eSCARMOVCHE, ASSAVTS DE LvSIGNAN,
Danfrons, Sainct-Lo, Brovage et Fontenay, Maran,
Saincte, Mesle, la Mevre et villes Davphinoises,
La Gascogne et Thetis, vovs honorables noises,
Et vovs cent mille hazards par miracle passez,
Qui fouuent m’ont fait mettre au rang des trefpaffeq.
me puis bien vanter de cecy fans enuie,
N’y ayant butiné que coups & maladie,
le meurs me fouuenant d’auoir à mes dcfpcns
le
Tant couru, tant fouffert, perdu mes plus beaux
ans.
z
DIVERSES
258
Blafonne qui voudra
ma Mufe
véritable,
voudroy me vanter d’honneur plus
le
A
profitable,
fin qu’à bon efcient on m’appelafi vanteur,
Mais ie ne vante, helas ! que mon hautain mal-heur.
Qui l’enui’ra, ô Dieu, toute grâce opportune,
Fay, pour le chafiier, qu’il coure ma fortune.
Que ces vers apprendront ; qu’il foit braue & galand,
Errant vingt & vn ans près de Mauors fang'.ant,
Que plufieurs coups mortels, les douleurs, les trauerfcs,
Les pertes,
les
trauaux,
les pajfions diuerfes,
Pesle-mesle à toute heure, vn fur l’autre entajfé,
comme moy
L’affaillent
Et
n'efiant recompenfé,
Cour fa ruine,
fon malheur il rumine,
puis, defefperé de la
Seul à part
Av FRONT
retiré,
DES FEVX G VERRIERS EN CONTINV HAZARD
il connoifira
fi ie me plains
Y'ous, ieunes Cheualiers, comme
Alors
\
par fard.
moy d’humeur franche,
Ayez
Si
En
bien de
mon mal
qui vous ferue de planche.
fort vous menace après que vofire cœur
beaucoup de bons lieux aura acquis honneur,
le
Retirez-vous plufiofi, car vous efies trop braues
Pour mendier toufiours, & pour refier efclaues,
Vous aureq beaux peiner, les muguets effronté
Auront de vos labeurs les biens bien mentez ;
le voy (fi vous n’auez à mon dire creance)
Que vous aurez
enfin tardiue repentance.
Plus on
pluye, efiant mal habillé,
efi
à
la
Et plus (mes compagnons) on s’en reuient mouillé !
Tant plus on entre auant aux forefis efpineufes,
Plus, tant plus on reçoit picqueures doulourcufes,
Et qui plus feruira
les
Plus aura de regrets
&
ingrates grandeurs,
plaint iues clameurs.
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POESIES
Ô.j
ELEGIE
Puis
qu’il faut
t’augmenter,
mon
Livre,
mon mignon,
Mon tout, mon œil, mon cueur, mon feul,feul
Ame de ma pure ame, hé! i’aurois tort ma
Si
ie
le ne
ne renommois
ma
compagnon,
vie
genealogie.
veux donc, mon fils, qu’on ignore ton rang,
Ny d’où ejl procédé le fang de ton cher fan g,
Ny ne me veux farder pour me faire paroiflre
Plus grand que ie ne fuis empruntant plus grand efire
Bien que le beau fejour qu’ont laijjé mes ayeulx
Soit affe; reconnu pour ejlre glorieux,
Il ejl en place ouuerte au milieu de la France,
Et fi feigneurial que fon fief s'auance
Iufqu’ Amboyfe, oùplufieurs en tiennent feulement :
Il paffe Circe & Loyre, & diray plus vraiment
Que maifon du pays n’a tant efié connuë
Sans tomber en quenouille & fans efire venduê.
Apprends donc, 6 mon Livre, enfant de liberté,
Tandis que ton Lasphrise efi au monde arrefié,
Que i’ay nom Papillon, que ie fuis de Tovraine
Cadet de Vavberavlt, maifon fort ancienne
Qui efi en nofire race il y a trois cens ans;
Mais les malheurs diuers, les miferes du temps,
Et tant & tant de fois partage fur partage
Ont beaucoup amoindry ce gentil héritage.
Or cefiuy-là des miens qui l’honora premier
%
Arnavton renommé bon guerrier,
Qui changea fa Garosne à Loyre près J’Amboyse,
S’appelait
Par Hymenée efiant à la guerre Françoife.
La remarque des fiens pour confirmer ma voix,
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;
DIVERSES
260
Eft à Bovrdeavx, fejour des armes S des loix.
Qu’ on voye à Piposlin vn fuperbe édifice,
On lira Papillon graué au frontifpice.
De ce preux Capitaine on tient donc defcendus
Mes Ayeulx Tourenjaux de l’honneur deffendus,
Qjii nobles Con/eillers de la Cour fouueraine,
Ont feruy de lumière à la vertu certaine.
Ainfi mon digne Pere efclaira de tels rais,
des eaux & des forefis
de Tovraine honorant plus fa vie
en fa belle patrie.
Et grand Reformateur
Au Dvché
Ayant fi beau Povvoir
la pieté ne fe marchandait pas,
On n’achetoit encor ces glorieux efiats
Pernicieux achapt dont l’ame eft corrompue,
Car pour fe rembourfer la lufiice eft pollue.
Du cofié maternel pour bifayeule i’eu
Blanche fvmée ardant d’un feu chaftement veu,
De race diâe illufire, ayant cefie excellence
Que d’icelle eft venu vn Chancelier de France.
Mon ayeule auoit nom Charlotte de Godeav,
De Pré (voifin d’Amboife) vn lieu noblement beau,
Alors
D’où fortirent
iadis des Cheualiers fi braues,
Qu’ils rendirent, vainqueurs, plufieurs Anglois efclaues.
Pource on diâ qu'vn puifné, au bruiâ de fon renom,
Fut richement pourueu au terroir bas Breton.
Ma mere au cueur pudique eft de Prévost iffue.
De la maifon de Forge au pais reconnue,
Dont le renom ne peut tresbucher de fon haut;
Et ne dégénérant l’heureux
Plessis Prévost,
fens magnanime, en feruant fa patrie
Mourut rendant Tovrs forte & l’a fort aggrandie.
Hola, mon Livre, kola ! tu as diâ autre part
Vieil, d’vn
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'
Que Capitaine
POESIES
l6l
au milieu du hasard.
Conquis mille Palmiers, n’ayant à leur ombrage,
Pour le fruiâ de mes fleurs, qu’vn los pour tout fruiâage!
i’ay,
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STANCES DE BACCHVS
ET CADRES ZME T'HELA AT
-
compolees
le
mefme
iour
PAR LE CAPITAINE LASPHRISE
Et
trois
Sonnets fur pareil fuhjeét
Si en ce iour gaillard, où chacun fait fcjlin,
le loue les bonteq du dcleâable vin,
Il ne s'enfuit pourtant que mon fens s’en efgare,
(Confequence mauuaife entre les vertueux)
Tel aime ainfi l’Amour, qui n’ejl point bourdeleux,
Et tel prife ainfi l’or qui ne fu fl onc auare.
le
fçay
Péchant,
qu’és vicieux l’yurcngne cfl
il
le
premier.
feandalife vn monde fmgulier,
Et fi, en s'offençant, Dieu & l’homme il offence.
Le menteur, le iureur ne fait point tort qu’à luy ;
Le larron a profit du moyen de l’autruy ;
Et, du plaifir, l’yurogne engendre defptaifance.
Quelle plus grande horreur faifant extrefme mal?
D’homme, image de Dieu, deuenir fol brutal,
Plus que les Animaux qui font irraifonnables ;
Car l'yurongne occira fon pere le flattant.
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,
STASCES
I)E
203
CARESME-PRENANT
Vn chien rid à fan maiftre, & fujl-ce en le battant ;
N’approche 7 donc de moy, yurongncs abhorrables.
le ne
veux donc icy diffamer le bon
au contraire, entre tous
le l'honore,
On
vin
;
biens diuin,
ne doit accufer la matière incoulpable
;
L’ejloc, nojlre defenfe, ainft nous occiroit.
en faut mefprifer
goulafre qui boit,
Et non l’excellent vin de foy plus admirable.
Il
le
Chante donc qui voudra les combats furieux.
Les foudroyans ajfauts de Mars viâorieux,
Mes Lauriers empourpre j mon honneur tejlifient.
Par delà Gilbathar i’en pris Adolefcent.
Pour ne renouueler mon mal qui me dueil
le
diray donc
les biens qui, plaifans,
tant
defennuyent.
On did qu’il fait beau voir vn bataillon armé,
Marcher en ordonnance à la guerre animé,
Mais l’ordre des flacons a bien meilleure mine,
Et plufieurs plats fournis fur la table arrange f
Or
:
puis que l’on combat pour les biens ombrage
Mcffieurs
les
conquérons triomphent en
cuifine.
Le braue entreprenant y fonde fan projeâ.
Le Monarque plus fier eft toufiours fon fubieâ ;
Où
faut la guerre eft abolie,
Royale, & peut brusler les coeurs
mere aux feigneurs.
Donc l’aimant ie feray d’illuftre compagnie.
la cuifine
Sa fumée
eft
D’ Ambition,
d’ Amour; c’eft la
Magnanimes
feigneurs, de cuifine opulents,
:
STANCES DE BACCHVS
2<Î4
Qui fembleriex honteux fi vous
entriez dedans,
honneur il n’en faut auoir honte ;
On ne doit dédaigner ce qui fait refpeder
La cuifine, par qui on vous va bonneter ;
Puifque
c'efi vofire
Car, fans
elle,
de vous on ne feroit nul conte.
Qu’on ne s'efionne donc fi le Prince appafié
Prend de l’autruy par force ombré de pieté ;
L’ejjfence cuifiniere extrefmement profite,
C’efi le
grand œuure exquis,
c’efi la
blonde toifon
Conquefiée en Colchos par le braue Iafon ;
efi prié par la bonne marmite.
Mefme Dieu
Tout fe faid pour la morfe; on a beau efireaccort,
Sans cela tout n’efi rien, le plus vif femble mort;
Sus doncques, Terpsichore, apprens-nous ta fcience,
Pour honorer celuy qui t’honore le plus,
Car nous fommes au temps dédié à Bacchus;
A
Carefme-prenant
Voicy
il
faut que chacun dance.
iour fefié plus folennellement !
O fefie fouhaitable ! on n’y roid nul tourment;
On chante, on faulte, on rit ; tout plaifir s’y arrefie,
le
On parle ouuertement, on y trouue tout bon.
Donc i’ entonne en ce iour faind Denys fon patron,
Et voudroy tous les iours qu’on célébrafi fa fefie.
N’en defplaife à faind Ian auec fon feu ioyeux,
Et vous fainds
depriex, o S. Faufiin l'heureux,
Saind Auit, S. Genou, S. Vif, S. Iufi, S. Sire;
Voms n’ approche x fon heur, luy feul efi plus que tous;
Car fa fefie efi Jalubre aux fages S- aux fous,
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,
ET CARESME-PRENANT
263
D’vn
tel
Il ejl
au Carneual, où chacun fait l'Amour
fainâ general groffement on foufpire.
l'vn portant Vautre à mode de la Cour;
veux offencer les oreilles plus tendres ),
Plus grand il ejl chommé & de iour S- de nuid,
Ce n'ejl vn maigre fainâ ; fon iour de graijfe luit ;
(Tentens
le ne
Sa
Vigile ejl charnelle, on s’en degraiffe aux Cendres.
Hommes, femmes,
Apporte q
enfans,
mes
voifins,
mes Amis,
Mommon;
ne foyeq endormis,
que toute nuid tu baies,
Aux doux fredonnemens de mes beaux Violons.
Qui voudra danfera rondement aux chanfons,
Io , voicy le iour des gayes Bacchanales !
Il
me
le
plaifl, Saltadin,
On admire Pallas pour auoir
inuenté
La
toile blanchiffante ; on a ainft vanté
Ian Guttemberg qui fifl la dode Imprimerie ;
L’autre VoPloge bonne aux hommes trauaillans ;
Et la pouldre Allemande effroyable aux vaillans
Et V hasardeux Typhis
Au prix du
le
voy
vin, c’ ejl
qui en mort ejl en
peu que
;
vie.
ces inuentions;
bien Cerès riche auec fes efpics blonds,
Par qui
Mais en
l’on
faid
le
pain, qu’à peine Von façonne
;
des lieux loingtains on en pejlrijl de bon
D’vne groffe racine abondante à foifon,
Et de
fpeltre, qui ejl efpece nourriffonne.
l’entens bien que le vin pris
Caufe dedans
le
intemperamment
corps vn refroidiffement,
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.
266
Et
STANCES DE BACCHVS
diffipation,
mefme
generatiue,
Qu’il gafie veines, nerfs, qu'il hebete les fens
Mais pris en modefiie, ainfi que ie le prens.
Il efl
;
tout bon, fans pair, l’ejfence d’ Amour viue.
Pource on did que Priape efl enfant d’Oftris,
de Venus la belle aime-dance, aime-ris,
Et did -on que fans luy elle ejl bien morfondue.
Puis qu'vn prouerbe antique efl Oracle diuin,
Pour faire bien l’Amour il faut donc de bon vin;
L’honnefle Dame auffi n’en efl pas defpourueuë
Et
Tant de dodes nombreux i’enfuyuray
l’
honorant,
En langage François, puifqu’en France il vient grand,
Comment
nommeray-ie? il a plujieurs patries,
Voulant monflrer par là aux hommes curieux,
le
efl certainement vn des plus puiffans dieux.
ne peut eflre grand fans grandes feigneuries.
Qu’il
On
nom aimé,
qu’en ce conuy chaque Amy eflimé,
T’inuoquant auec moy, aye ta grâce entière!
Nous en porterons mieux nous refiouiffans bien ;
Tu en auras l’honneur; car fans toy tout n’efi rien.
Où manque le bon vin l’on ne faid bonne chere
Vnique, apprends-moy donc ton plus beau
A fin
Pour plus excellemment magnifier Bacchus,
Le diray-ie Pfyla ou Liber qui efl plus,
Hymenean, Noab, Baffar, fuperbe, agile,
Des Menades
le chef,
des Tyades, ou Pan,
Vieil enfant, Indien, Thebain, Nidilian,
Cuijfe-né , Silenin, Semelin, franc, vtile?
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ET CARESME-PRENANT
•267
depainâ diuers, les vns te font chefnu,
Ceux-cy douillet, fans barbe, & les autres cornu,
Voulant par là monjlrer ta corne d’abondance,
Ou bien que tu fais faire en tous lieux des cornus ;
Car, en rajjajiant tu prouocques Venus,
Pource on diâ de tout temps: De pance vient la dance.
On
te
tu es cornu! Cornvav eft ton nom,
caufe du Bouc, ni de lupin Hammon,
Non, non
Non à
Mais parce que tu viens plus grand à
Que l’on appelle ainft, dont la fainâe
l’ample vigne,
liqueur,
L’honneur deV avberavlt, fur toute autre a l’honneur;
Quiconque ment en
vin de viure n'ejl
pas digne
!
Ce plan deuient puiffant ; il n’y faut du charmier,
Auffi fon vin eJl prompt fort vermeillet, altier,
,
,
On luy
doit le buuant, la trompette formante,
veux qu’à chaque fois qu’on en bura, foudain
On die vne chanfon qui aura pour refrain:
Gay, gay, viue Bacchus, & cuifme odorante !
le
Mais on ne peut fouuent le reconnoiflre bon,
La plus-part ne le void que d’vn œil de renom,
Regrettable beauté ! qui fait honte à Gafcogne,
A Beaune, à Orléans, à Coucy, Bar, Anjou.
Son mal en fon bien donc c’ eft qu’on ne le void prou;
En la grand’ rarité on fait mal fa befongne.
L’eftranger ne
le
void, les Princes, ni les grands,
Fujfent-ils, ô Bacchus, tes illuftres enfarts!
Par miracle
Et en ma
ejlonnant
il
eft
en
ma
Touraine,
terre auffi, au clos Vaubraunien,
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2 68
STANCES DE B ACCU VS
O fuc priant,
En
riant, gaillard,
cueillant le beau
Venerien,
Mirthe on efgare
la
peine
!
faut donc par luy, toy folleillant entre tous,
Garçonner ore affis, debout ou à genoux,
Mettant à cejle fois l’Aretin en lumière.
Çà, Briare aux cent-mains, brindes en general !
Fy du pâlie foucy ! viue l’Amour loyal!
Il
Sans
la
femme
on ne peut faire
me
chere entière.
Du plus
beau nombre fept falûons nos Amours,
Puis leur faifons fept fois, fept planettes, fept iours
Meinent le bal de l'an; mais nos iours ne retournent.
Employons-les donc bien, tandis que nous viuons.
Hà, hà, hà, c’ejl bien diâ, baifons, chantons, buuons,
Au tenebreux tombeau les plaijirs ne fejournent.
Difons le mot, gauffons, non en Courtifans fainâs,
Cefl honneur reuerend, ce baifement de mains,
Rien, cela me defplait, faifant chere accomplie,
l’inuente vn traià
ioyeux ; chacun
ait
près de luy
Vn verre crifiai in, & d’vn fon rejîouy
Demandera à boire en plaifante harmonie.
N’oublions nos Amis, tin dins, apporte plein,
ie boiue à mon cœur, mon cher Vilegohblain,
Que
Chef-d’ œuure glorieux, fi courtoifement fage !
Puis à Viefvy noflre ame, où la vertu fe plaifl,
Puis à nos bons germains ; bref en ce bel apprefl
Rappelions le bon temps pour le mettre en vfage.
Nous
falu’rons ceux-cy prefque
comme
prefens.
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,
ET CARESME-PRENANT
A fouppé ie buray aux
A mon Beavvais-nangy,
269
intimes abfens,
gros d'ardeur finguliere,
Puis à mon Bois-Davlphin, tout Amour, tout honneur
Et puis à la fanté du Maine, mon feigneur;
On ne fonge en buuant à la fortune Jiere.
En
Ne
falüant ainfi la fanté des Amis,
gaflons point la noflre, à nous-mcfme ennemis,
vn peu, difons le mot pour rire,
Pour l’egayer
Tout n’en ira que mieux; tout efi bon maintenant ;
Car tout eft (comme on diâ) de Carefme-prenant
La Dame
O
bifcotée vfa de ce beau dire.
! que tu es vn grand Roy,
Tous les Roys affemble 7 ne font fi grands que toy,
L’vn rompt l’edit de l’autre, & ta loy n’efi defaide ;
Ton régné vniuerfel efi tous les ans galand,
L’Amour s’y peut embler (priuilege excellent);
Donc la Royale Cour t’efi plus humble fubiede.
Carefme-prenant
Par
toy, buuant , l’on plaifi à l’homme qui nous plut,
L’Italien mefdit d’vn fi digne falut,
Pris de nos bons Majeurs, d’où vient l’aime fcience.
Quand
l’vn
à l’autre
boit, c’eft
figne d’amitié,
L’ennemy mcfme en efi mieux réconcilié;
Car ce tefmoing vineux ame ine efiouiffance.
le
hay ceux-là &
Qui
vous, 6 vous fiers
Vous ne fçaurie 7 nier
Que
Othomans,
n’ofeç boire vin, dont efies fi friands ;
efies trompeq en vofire loy maline
Que vous
le vin
(S-
ne fait fang,
!
fans parler Chrefiien)
plus fubtil du bien
le
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;
STANCES DE BACCHVS
2 70
De
la terre nourrifie, ainji qu’afieure Pline.
Quand vous
ne feriez, Turcs,
ennemys de
Iesvs,
Puifque vous mefprife 7 l'ejlimable Bacchus,
Plujlojl mourir que viure en vojlre obeijjance !
Ton pretexte e/paré, ou cejle antique Loy,
Que tu veux contre Pan faire obferuer fous toy.
Te perdra fans iouir de fi douce excellence.
O Iayn-cornvav effence du bon mot,
O Bacchus cornuau ! l’honneur du fainâ piot,
!
Nous
te cherifions
ore en reuerence honnefie
Chacun a du Lierre, & chacun efi paré,
Mes Amis, comme moy, t'efilment plus facré
Par
:
vin facrifié le falut fe conquefie.
me puis garder de merueille furpris,
D’admirer fon effeâ d’ inefiimable prix ;
Car, détrajuant l'ennuy, l’allegreffe il enuoye.
Sans qui le plus grand bien ne fçauroit efire doux;
Trinquons donc, compagnons, çà,refiouyfions-nous,
Qui en mourant bura en mourant aura ioye.
le ne
Que
Le
fafie donc qu’en mourant nous humions
bonne pianche, afin que ne fentions
le ciel
De fi
redoutable orgueil de la Parque bourrelle.
Nedar, puis qu’immortel tu es
Qui te boira toufiours il ne mourra iamais ;
Car l’immortalité rend la chofe immortelle.
le t’offence, 6
!
Buuons doncques toufiours pour viure incefiamment.
Et fans nous foucicr
d’autre médicament
;
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,
.
ET CARESME-PRENANT
27
1
Les chcueux argente q ne viennent point à table,
Puis que le contraire ejl du contraire guery,
Le bon vin rcfiouyjl le renfrongne marry ;
Car
gay, fi
rien n’ejl fi plaifant, fi
délectable.
honorant de l’exquis
D’vn beau coup larmoyant mon coufin dv Plessis,
Tins, dins, fringue, Ioyevx
Dont l’Apollon tonnant
les
!
foudroyans
eflonnc,
Il nous fera raifon, S- de la main du cœur;
Dormes, auffi Roqville; ayons donc du meilleur,
Comme meilleur Amy qui nous affeâionne.
Si i’ay chanté Bacchus en ces vers ou ailleurs,
Honneflement gaillard de fes gayes fureurs,
le n’ayme, 6 fot caffart, pourtant l’yurongnerie.
Vn fobre monde illujlre ainfi Va esleué,
Qui mefdira de Novs d'eau foit-il abreuué,Tant qu’il fente gonflé la froide hydropifte.
Veux-tu point que
ie
pleure, ô
grand deuotieux,
En mangeant & buuant les biens délicieux?
Tu veux que le bon viure ainfi foit hayffable ?
Son nom tefmoigne vie, & tu es nay
Par luy tu es viuant, on meurt fans
Il efi bien
Si
malheureux qui
peine ou
efi
en luy,
iceluy.
abhominable.
dueil quelque bien nous faifoit,
on s’emparadifoit
tefmoing Neptune & Mars tragique
Non, paffe prudent, non, va, fois toufiours chagrin !
la
Et fi par
le
la difette
l’euffe efiè fainâ,
Ne boy
le
vin riant,
Car l’extrefme bigot
chomme fainâ Mathurin
efi fol,
mclancholique
;
8TANCES DE BACCHVS
2 72
Bref, boire honneflement
L’ame,
le
c’eft delice fans mal,
corps n’en deult ; du vin feigneurial
La fejle aux Roys facreq chaque an
Dont chacun pour mieux
fe folennife ;
boire a defir d'efire
Puis
le
Tay
ajfe% de Lauriers, ie fuis las de la
Roy,
Roy-boit fe chante en tous lieux loing d’efmoy ;
Ainfi le puiffant fceptre au flacon fympathife.
SONNETS
guerre;
me refiouir, ie veux faire feflin ;
veux faire l’Amour, brauant le fier defiin,
M’encouronnant le chef de Mirthe S- de Lierre.
-
le veux
le
Marie Orleannois, emplis donq mon grand verre !
Voicy le Carneual, l’amy de Jaind Martin,
Verfe premièrement de ce blanc Angeuin,
Bien qu’il foit de Touraine & du cru de ma terre.
Fay
mes Amis que i’ay de l’Orléans,
& qu’aux banquets friands
La liqueur Neâarine efi plaifante fur toute.
voir à
Beaulne, Coucy, Ai
Ce vin efi fainâ, pur, net, la larme en vient à
On l’aualle fans eau, on n’y en laiffe goûte;
Euohè, on en chante, en enchantant le dueil.
l’œil,
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ET CARESME-PRENANT
273
Antidote d’ennuis, trompe-dueil, chajfe-efmoy,
Puiffant Dieu Nifean, dont i’ honore la gloire,
le veux en ta faueur me rebrajfer pour boire
A tes difcrets mignons, puis qu’ils ont beu à moy.
Bien que le Chien celejle en fon ardent aboy
Maintenant ne m’efueille à fauoir en mémoire,
Si buray-ie du blanc, à mon cœur, ma viâoire,
Mon
Dassez, près Briare, inuiolable en foy.
Puis du vermeil au Bovrg, de mefmes à
Puis à mon Ponsonas, amoureux de ma
A
la collation ie
la Fvye.
vie,
buray verre plein
A
l’intime Blajan, puis à mon cher la Tovsche;
Et puis du cramoify, qui rempli/l mieux la bouche,
On falu’ra Peray, mon Amy fouuerain !
rappelle mes bons vins
les chanfons de merueille !
font chanter, danfer, inueuter nouueaux mots,
Qui naiffent en la bouche & fi bien à propos,
Qu’vne diuinité s’y iuge nompareille.
Ils
Le Paladin
Il épilogue,
Ils
Et
qui
il
hume en ma doâe
bouteille,
fait des vers coulamment beaux,
abondent en luy à la foule, à monceaux,
fureur fur fureur, coup fur coup s’appareille.
Le flux Pirenean,
qu’on
nomme flux
diuin,
18
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2 74
SONNETS DE BACCHV8
C'efl vn nom corrompu, c’efl le flux du bon vin;
Par luy on Pindarife, on rid on acquiert gloire.
,
N’en prenant comme moy qu’auec difcretion.
Tel qui veut donc furuiure en réputation
De mon
fçauant vin noble
aille
honneflement boire.
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LA
O V V E
L L
E
TRAGICOMIQVE
ENTREPARLANS
Ambrelin, laquais.
Dominicq., le feigneur.
Vovly.
Griffon, Aduocat.
ArCQVIGVE.
Bergers.
Magis, le fçauant.
Candeun,
le portier de la
Hospes, maiftre hoftelier.
Chicanovx.
ville.
Gonophage, femme de l’Aduocat.
Fvrcifer,
le
brigand.
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276
NOWELLE TRAGICOMIQVE
SVR LA
De
Que
{Monfieur de Lajphrife
n’as-tu appris ta fcience,
Sœur Melpomene, à
ce guerrier
?
premier
Cothurne de France;
Il eujl des meilleurs le
Gaigné
la
Toutesfois fans la connoijfance
ton myfterieux mejlier
a gaillard auanturier
De
Il
De
ton honneur large abondance.
a ce que chacun n’a point,
Qu’outre ce que fon vers efpoinâ,
Il force, il enfeigne, il anime :
Il
Bref fait ainfi en fe ioüant
qu’il marche loing deuant
Tous ceux qui t’ont facré leur rime.
Dernier
Le Plessis Prévost.
le n’enfuy en cette
La façon
œuure
icy,
de l’ardeur antique,
pourquoy ie la nomme
La Novvelle tragicomique.
C’ejl
auffi
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;
LA
NOVVELLE
T%AGICOÇMIQVE
AMBRELIN
Mal-heureux l’entaché de pefante parejje !
le doy remercier mon agile vifieffe ;
Sans elle i’efioy mort, & fi ie n’ofe entrer
Dedans ce fort chafieau, craignant la déclarer
Car, difant mon falut, ie publi’roy la perte,
Qui ne peut efire, helas ! nullement recouuerte.
veux qu'on me nomme vn finifire Corbeau
Il n’efi pas bien venu qui apporte vn tombeau.
le ne
;
DOMIMTCQ
Qui fe deult là dehors ? mon oreille ententiue
Se trompe grandement, ou c'efi la voix plaintiue
Du difpos Ambrelin; mais fa célérité
Ne me l’eufi faiâ venir en telle hafiiuetê,
S’il n’efioit
Qui
efi
furuenu quelque efirange infortune,
aux gens de
bien en toutes parts
commune.
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LA NO WELLE
2 78
Bajle! quiconque foit entre par
Il n’ejl
Ho!
Te
ie
le
guichet;
point verrouillé, ni fermé qu’au loquet.
m’en doutoy bien; mon Dieu, quelle difg race
r’ameine, Ambrelin, Ji tojl en cejle place ?
tu ne parles pas; tu trembles & ta peur
Quoy?
Rend
le
Puis
tes
poil de
yeux
mon chef heriffé de froideur;
noirs de pleurs
& ton
taind iaune pâlie,
Prefagent quelque orgueil de l’afpre Sœur fatale
Donteufe des vainqueurs: dy-moy donc hardiment
Pourquoy défiguré tu viens Ji viflement ?
OJie-moy de balance. Il rieft douleur Ji grande
le mal d’efprit, où la doute commande.
Comme
AMBRELIN
Mon feigneur, mon fupport, mon refuge
A qui ie fuis Jidele & feruiteur iuré,
le
ajfeuré,
voudroy bien qu’m autre eujl pouuoir de vous dire
L'objeü de ma vijlejfe & de mon fier martire ;
Defirant entre tout ne vous annoncer rien
Qui ne vous foit plaifant, duifable à vojlre bien ;
Mais nul que moy ne peut contenter vojlre enuie ;
Car nul que moy n’a veu rougir la tragédie,
Enuers
vojlre Loyal, vojlre mut recepueur
AJJaJftné de coups, miferable mal-heur.
Par la main (Tvn brigand, qui au fang fe deleâe,
Et en le majfacrant a volé fa malette,
Où font deux mille efcus qu’il penfoit vous porter,
Que vojlre bon fermier luy venoit de compter !
Et ce Scythe enragé, que l’horreur mefme abhorre.
M’a galopé vn iour pour me tuer encore;
Mais agile i’ay tant nagé, couru, fauté.
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TRAGICOMIQVE
279
fuis maugré luy galamment exempté,
connoy point, & ne fçay qu’il peut ejire.
Que m’en
le ne le
Qui a l’aueugle peur ne fçauroit
reconnoifire.
DOMINICQ.
O defaftre inhumain! hà! quelle cruauté!
Quel malheur! quel encombre! hé Dieux! quelle fierté
enfemblement le corps & la richeffe !
Falloit-il que le Ciel furchargeafi ma trifteffe?
De perdre
N’efioy-ie affeç fafché des greslans tourbillons
Qui viennent de gafier l’or blond de mes feillons?
C’efi tout vn pour les biens, la perte enefi à plaindre
Mais
ce
;
mal fe repare, hé ! qui pourroit refraindre
La
1
mortelle douleur furuenué à l’Amy,
Mefmement d’une mort par vn traifire ennemy?
Toutes autres rigueurs enfemblement conjointes
N’ont tant que cefie-là de poignantes attainâes.
Quel remede à mon dueil, qui m’égare l’efprit,
Qui fait pleuuoir mes yeux, qui me rend interdiâ ?
Las ! il n’y en a point ! Loyal, ma nourriture,
Mon gentil mefnager, ma chere créature,
Par qui feul, par qui feul reluifoit ma maifon,
Efi mort pour me feruir, efi mort en trahifon !
Perfide, fcelerat, maudiâ, abhominable,
S’il eufi fceu, s’il eufi
fceu ton deffein detefiable,
peu feulement mettre l’efpée en main.
réduit en poudre au premier coup foudain.
Encor fi ie pouuoy, pour le dernier office
Que ie doy à Loyal, pour fon loyal feruice,
Qu’il eufi
Il t’eufi
Connoifire qui tu
Que
ce
es,
affeure-toy, brigand.
grand Vniuers ne feroit
affe%
grand
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,
LA NOVVELLE
28 o
fauuer des coups de ma iufie vengeance !
le ne te feroy mettre au haut d’vne potence
Ni dejfus vne roue, ou jeter dans le feu
Par la main d’vn bourreau ; c’ejl moy qui peu à peu,
Sans mourir, te feroy mourir à toutes heures,
Les gefnés, les horreurs, les rages les plus dures
Nourriroyent ta poifon; car ton boire & manger
Seroit ton fang noirajlre & ta puante chéri
Chaque iour tu ferois apporté dans ma chambre,
D'vn ferrement rouillé ie fofleroy vn membre.
Et, craignant que mon coup ne te fifl trefpaffer,
le te feroy foudain par vn barbier panfer ;
Pour
te
Bref, tu viurois toujiours de ton vilain carnage.
langueur miferable, en bouillonnante rage.
En
mal-heureux, le chétif Ixion,
telle ardeur par fon ambition ;
rigueur n’eufl l' altéré Tantale ;
Car ma douleur rendroit ta douleur inégale.
Mais ie ne tiens pas, ô traijhre ajfaffmeur,
O lafche fang uin aire, ô impiteux voleur !
I’en fuis tout hors de moy, tant que i'en defefpere.
Iamais
N'a
le
receu
Iamais
telle
VOVLY
Tout beau, Monjieur, tout beau, il nefautainfi faire;
Vous me penfteç plus loing; ie venoy bellement,
Vous oyant plaindre vn mal fi courageufement.
Que i’y prenoy plaifir encor qu’il me defplaife.
L’Amy fouffre du mal de l’Amy en mal-aife;
Mais mal-heur pour mal-heur oncques ne s’addoucijl,
Et douleur fur douleur le dolent ne guerifl.
Si pour fe forcener, pour lamenter, pour plaindre.
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.;
tragicomiqve
Nous
allégions nos
281
maux, qui ne fe peuuent faindre,
feroit bon, Monjieur, d’euenter fes regrets,
fe defefperer, de plorer tout exprès;
Rien ne feroit fi cher que les plainâes dépités.
Au contraire tels traiâs font de peu de mérité,
le fçay bien que de front on ne peut s’empefcher
Quand vn defafire vient, de foudain fe fafcher;
Mais il fe faut refoudre aux coups de la fortune,
La prendre à fon plaifir, foit douce ou importune
Vn magnanime enflé de réputation
Se fait paroiftre eflant en grande a ffliélion.
Il faut s’évertuer & non pas ainfi faire
Que le Chartier verfé lequel s’amiife à braire,
A invoquer le ciel, à tirer fes cheveux,
A fe battre foy-mefme auecques mots piteux,
Larmoyant à genoux, dans la voye mal nette ,
Au lieu de s’efforcer à leuer fa charrette.
Dieu nous donne l’efprit pour le bien employer,
Et non pour, au befoing, triftement larmoyer.
Reprenez donc vos fens, & rentrez en vous-mefme
Laiffez le defefpoir & la complainâe blefme,
Effayez de tirer vengeance du meffaiâ.
Par vengeance on connoifi le cœur d’ Amour parfaiâ ,
Cefi ce que defirez ; mais defir fans main mife
Eft de peu d’efficace, & iamais ne fe prife.
Il faut donc entreprendre, &pourfuyure en tous lieux.
On diâ que la fortune ayde aux audacieux.
Il
De
DOMINICQ.
Vouly, tu dis fi bien
qu’il ne fe peut mieux dire ;
Mais quel moyen d’auoir raifon de mon martyre Ÿ
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282
LA NOVVELLE
Où prendroy-ie
le traijlre autheur de mon foucy ?
a voulu aller, il efl bien loing d’icy,
Chofe à mon grand regret, chofe trop prefumable)
Voyant l’argent qu’il a & fon forfait doutable;
Mais toutefois, afin que l’on ne croye rien
Que ie vueille efpargner & ma vie S- mon bien,
I’enfuyuray ton aduis ejlimè des plus doâes.
S’il
(
VOVLY
le ne vous
mettray point en des pafpons fortes.
En danger
Il
de querelle & de vous embrouiller;
ne faut pour cela plus matin s’efueiller
Pour aller au Palais, pour aller aux alarmes.
Vn noble au fang voleur fouille fes riches armes.
DOMIN1CQ.
Si ne voudroy-ie pas employer vn Sergent,
Ni vn hardy Preuofl pour prendre ce mefchant,
le penferoy tacher ma gloire blanchiffante ;
lujlice excuferoit ma raifon apparente ;
Cefl enorme forfait me touche tant au cœur,
Que ie voudroy moy-mefme en ejlre puniffeur.
VOVLY
Cela fe pourra faire auecque modefie.
DOMINICQ
Diâes-moy donc comment, Vouly,
ie
vous fupplie ?
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;
283
TRAGICOHIQVE
VOVLY
Icy près il y a vn homme plus qu’humain,
Qui fçait tout, qui void tout, qui, en vn tour de main,
Vous apprendra le nom de ce traifire homicide,
D’où il vient, où il va, où fouuent il refide.
Cejl homme non mortel (mais ce Prophète exquis)
N’ejl gueres loing d’icy, & s'appelle Magis.
Faiâes venir Griffon, & qu’il aille à cejle heure
Le trouuer promptement ; il fçait où il demeure.
DOMINICQ.
C’eft très-bien auifé; va-t’en vijle, Ambrelin,
Va-t’en dire à Griffon, Aduocat caut & fin,
Qu’il vienne incontinent, d’autant que fa prefence
M'efi ores neceffaire en chofe cT importance
Ne viens fans l’amener & ne luy dis pourquoy.
N’arrefie, cours toufiours, pour m'ofier horsctefmoy.
.
ARCQVIGVE
Cefiuy-là qui attend efi en peine exceffiue ;
Il nage entre deux eaux, & fi lorfqu’on arriue,
demander, quand c’efi pour grand fubieâ,
aura fon defir, ou s’il en efl difiraiâ ;
refue, il fe pourmeine, il fait cent mille gefies,
Il n'ofe
S’il
Il
De fes
trifies
ennuis vrais tefmoings manifefies ,
Son cœur bat, bat toufiours, il efi & fi n’ejl pas
Ore il s’ejlime haut, ore il s’eflime bas.
C’efi la confufion en
Que
mal-heur
ineffable,
la perplexité d’vne attente doutable.
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LA NO WELLE
184
Dominicq fufl gonflé de ce bifarre ennuy,
Et en voyant Griffon s’en courufl vifle à luy ;
Dont Griffon efbahy parla de cejle forte.
GRIFFON
Quelle nouuelle affaire à ce coup vous tranfporte?
Quelques-vns veulent-ils procéder contre vous ?
Monfieur, ne vous fafchej, ie les brouilleray tous,
Encor qu’ils euffent droiâ, par ma langue diferte ;
A leur honte, leur gain leur fera pure perte.
DOMINICQ.
Mon Amy,
ie
voudroy que fon voulufl plaider,
me vouloir tout mon bien demander,
du dueil qui me tourmente.
a tué Loyal, dont ie n’ay nulle attente
D’en auoir la raifon, Jinon par ton moyen.
Tu connois icy près vn homme, homme de bien.
Qu’on appelle Magis, qui, foudre de fcience.
Te pourra dire où efl ce larron de finance,
Ce guetteur de chemins par qui i’ay tant de mal,
Ayant volé mon bien & maffacré mon Loyal.
Iufques à
Et
On
n’eflre point gonflé
griffon
Monfieur, fi me croyeq, vous prendre q autre voye,
Elle efl toute illicite; en elle on fe four uoye.
dominicq
On
ne s’y peut tromper, car fi Magis ne fçait
Qui efl ce fier larron, ie quitteray ce faiâ.
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285
TRAGIC0M1QVE
GRIFFON
Comment le diroit-il? c’ejl vne grojfe tcjle,
Vn homme mal formé qui n’efl rien qu’vne bejle.
VOVLY
Ne le prenez pas là ; le fage Socrates
& fes œuures parfaiâs
Sont fi refplendijfans que c’ejl vne lumière
n'aime Philofophie, Amour plus ftnguliere.
Vn peintre contrefais, faiâ bien vn beau tableau,
Il vient bien de bon vin du fond cfvn laid tonneau,
EJloit très-mal marqué,
Qui
ejl
tout efpeigné, tout pertuifé, tout
fale.
N’ejfayons iugement fur vn vifâge pâlie
D’vn homme mal-bafly; ne regardons Vouurier,
Mais l’œuure feulement; on void l’arbre fruiâier,
Bien qu’il foid laid, moujju, porter de bon fruiâage.
Ne prenons garde au corps, contemplons fon ouurage,
DOMimCQ
Allez donc maintenant voir ce doâe Magis,
Parlez-luy de Loyal, fçachez qui l’a occis.
GRIFTON
Il
vaudroit mieux ietter vne querimonie.
DOMINICQ
Cefie longueur
tient trop
de la chiquanerie,
LA NOVVELLE
286
Hél
que fçait-on où
Puis
il
ce traiftre fans pitié?
eji
fçait bien qu’il ejl jà excommunié.
GRIFFON
Mais
il
ejl
tantojl nuiâ.
DOMINICQ.
Prends mon cheual d'Efpagne,
Tu
n’arrejleras point de paffer la campagne.
GRIFFON
fuis d’aduis que faffiej autrement,
ne peut à fon dire affeoir bon iugement.
Monjieur,
On
ie
DOMINICQ
Selon qu’il vous dira, i’ay affe% de prudence
Pour gouuemer ce fait fans le mettre en balance
Des voix de
Mon
la Iuflice ;
&
s’il ejl
efclercy,
bras m’en vengera, n’en ayeq donc foucy
!
GRIFFON
J’y
vay doncques, Monjieur.
DOMINICQ.
Voflre monture ejl prefle.
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traOICOKiqve
287
GRIFFON
marry d’aller requérir vne bejle;
Mais puifque le voulej, il n’en faut plus parler,
le fuis
DOMINICQ,
Fay
ce que
puis, fans le reueler,
Va où dira Magis, où mon efpoir s’ajfeure.
Si la brunette nuid te furprend d’aduenture,
Tu ne fçaurois fi toft venir au pont-leuis
Que tu ne faffe ouurir la porte de Paris.
Qui te refuferoit il ferait mal-habile;
Tu y es reconnu comme enfant de la ville.
ie te dis;
GRIFFON
le m’en
vay au galop cependant
Craignant
le
En faiâ fi
chatouilleux
qu’il ejl iour,
fanglant vol, ou Vennuieux dejlour.
il ne faut compagnie,
le fuis ià près du lieu , Ven voy la bergerie.
Pajleurs, qui r'emmene j vos beslantes brebis,
Diâes-moy, mes mignons, trouueray-ie au logis
Le tout fçauant Magis, dont i’ay beaucoup affaire;
Car il pare les coups de fortune aduerfaire.
BERGERS
Le voylà dans
cefl
antre auprès de ce vallon,
Où il prend fon plaifir d’entretenir Echon,
Qui par le doux murmur des gentilles Naiades
Refpond plus plaifamment à fes chanfons gaillardes.
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LA NO WELLE
2 88
GRIFFON
Enfans, vous dides vray; c'ejl luy, ie le connois ;
Mais il me faut hafter qu’il n’eslongne le bois.
Holà ! ho ! arrejle\, de grâce, ie vous prie.
MAGIS
le le veux, qui a-il?
GRIFFON
C’ejl vojlre
preudhommie.
Et le doâe renom, gloire de vojlre chef,
Qui m’ameine vers vous, à caufe d’vn mefchef
Venu à vn feigneur par vne main cruelle,
Qui, volant, a tué fon feruiteur Jidelle ;
Mais il ne fçait qui c’ejl, ayant fur tout defir
D’en prendre la vengeance vn iour à fon plaifir.
MAGIS
Vous changez de difcours & n’ay changé de tejle,
Suis-ie pas malformé? fuis-ie pas vne befle ?
Griffon, vous l’auez did.
GRIFFON
Magis, pardonnez-moy.
MACIS
Vous
l’auez
did deux foix ; mais puifque i'apperçoy
;9
tragicomiqve
289
Vofire defdiâ honteux auecque honnejle amande,
le fuis content, Griffon, ie
feray
ta
demande.
Il
ne faut pour cela inuoquer les Démons,
le
fçay tout quand
le
fay
Nothus
ie
veux fans coniurations ;
trembler la terre à
s’en va, s’en vient
Le paffé
ma feule parole ;
& le grondant Æole
m’ejl prefent, le futur i’apprens bien,
Rien ne m’ejl inconneu ; car ie n’ignore rien,
Tu le recomoijiras dès cejle nuiâ prochaine.
Va à Paris, auprès du petit fainâ Anthoine,
En vne hojlelerie où pend le plat d'eftain,
Tu verras Furcifer le meurtrier inhumain;
Car c’efi en ce quanton que Venus la fecrette
Fait ordinairement fa diuerfe retraitte:
Deguifée elle y vient iouïr de volupté,
Comme eflant de Paris l’endroit plus efcarté ;
Dont, par vn doux exemple, ou belles, ou hideufes,
Les Dames de ce lieu font toujours Amoureufes;
En ieuneffe elles font le bel AJlre iumeau,
Et feruent en vieilleffe à tirer le rideau.
Que Ji Jlerïlité ejloit venué au monde,
En ce champ Anthonin elle feroit fécondé.
Qui veut auoir lignée face quelque vœu,
Y offre fa chandelle, il en aura dans peu,
y
Noflre Dame d’argent ejl là qui fait merueille;
Elle ejl fertilement fur toute nompareille,
Et nul, tant foit-il laid, difforme, au neq tortu,
Riant en fainâ Medard, glorieux fans vertu,
En
ce lieu cul-butant n’aura la porte clofe ;
fera bien venu (& fi bien dire i’ofe)
Pale-frenier il deuiendra feigneur
(Pentens bien riche en bien & bien pauure en honneur)
Il
Que de
'
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29O
LA NOVVELLE
Tel s’aduattce auiourd’huy & veult faire trophée
le bruit de brayette efchauffée.
D’y acquerre
Les enfans Léopards conceus furtiuement
Pourront majfonner là & forger fourdement,
Et là leur mere là, qui à d’autre eft maraflre,
Pajfant l’an cinquantiefme engendre le fillaftre.
Cecy (voire au commun) véritable efl trouué.
Or Furcifer, ayant ce doux air efprouué,
Après auoir ioüé de l’or du brigandage,
Il ioindra gayement la belle Gonophage,
( Femme que tu connois) non par ce nom icy
Que ie luy ay donné, le méritant ainfi ;
Puis tu te fouuiendras , près le liâ defhonnefte,
Que Magis au gros chef n’ efl rien moins qu’vne befle.
GRIFFON
Magis, n'y penfe\ plus, non, ie ne voudroy pas
Dire cela de vous, dont l’on doit faire cas;
Et quand ie l’auroy diâ, voyez la repentance.
MAGIS
Tu
voudrois curieux
n’ auoir
veu
ma
fcience.
GRIFFON
Mais puifque
m’affleurez de trouuer le voleur,
Car
ce n’eft pas, Magis, une
De prendre
m
bon heur :
pauure fortune
le n’en puis ejlre qu’aife, efperant
vn tel brigand auec tant de pecune,
Et fi ie le rencontre, affleurez-vous, Magis,
Qu’on vous fera prefent qui fera de grand prix.
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TRAGICOMIQ VL
291
HAGIS
Ce que
ie
vous
ay diâ fera
veu véritable ;
Vous en fereq tefmoing & plus qu’autre croyable,
ce beau don rien, rien ie ne refuferay ;
Il fera fi fubtil que ie ne le verray.
Pour
GRIFFON
Ne
vous meffieq point de ma parole vraye;
le ne fuis vn gauffeur, ni vn donneur de baye.
magis
Bien, bien,
ie
n’en
ay peur;
i’en fuis tout affeurè.
GRIFFON
Adieu doncques, Magis,
Selon que m’aueq diâ.
ie
m’en vay;
ie
feray
MAGIS
N’arrefieq dauantage ;
Car Furcifer demain, monté à l’aduantage,
Après auoir ioùé auec l'Amour fans foy,
A ta honte, Griffon, par toy, & maugré toy,
Se pourroit enfuyr, & fi pourra encore
Faire enfermer le chef d’ Amour qui le dédore.
GRIFFON
O
l’homme non mortel, fur tous biens fortuné !
LA NOVVELLE
292
Quel efbahijfement ! quand il a deuiné
Les denigrans propos, Yiniure deshonnefle.
Que i’auoy diâ de luy, l'appelant vne bejle
Ten ay dans Vejlomac le fang encor glacé,
Et
le poil
Mais
en
mon chef de
bajle, c’ejl tout vn
C’ejl là
où
gift
;
!
merueille heriffé;
i’auray tantofl la bource,
mon cœur ; car
c'efl la
viue fource.
O qu’ardent de defir i’ay volé par chemin!
le fuis jà près la ville. Ho! maiflre Candelin,
Ouure z
vifle la porte.
CANDELIN
EJ) es vous en la rué.
GRIFFON
Non, non,
ie
veux entrer.
candelin
Mais
il
efl
heure indué.
GRIFFON
Hafiez-vous, mon Amy,
ri entendez-vous
ma voix?
CANDELIN
Si fay, Monjieur Griffon ; ores ie vous connois.
Quel heur ou quel mal-heur maintenant vous incite ?
Voylà la porte ouuerte ; entrez S- me le di<3e.
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;
TRAGIC0M1QVE
Quoy?
2t)3
vous efles tout feul, où ejl voftre valet?
homme que vous ne va iamais feulet,
Vn tel
Mefmement à
telle
heure, ô dieux! que pourroit-ce ejlre
GRIFFON
Tu
pourras tantojl vrayement reconnoijlre ;
Viens-t'en auecque moy ; ameine aujji tes gens.
le
CANDELIN
l'ay plus fix loüagers Procureurs
&
Sergens.
GRIFFON
Que
la
chauue Dèeffe ores m’efl opportune
!
ARCQVIGVE
Pauure qui ne
fçait pas
fa prochaine infortune!
GRIFFON
I’auoy befoin d’amis, mefme d'Huiffters Royaux
i’en recouure amortiffant mes maux.
traiftre fanguinaire.
Sans chercher
Mais haflons-nous pour prendre vn
La
célérité prompte ejl requife en affaire.
Allons droiâ cheq Hospes ; mes Amis, fuyueq-moy.
Voylà la porte. Hospes ouureq, de par le Roy !
!
HOSPES
Holà
!
qu’efl-ce que i’oy qui tabourde
à
ma porte,
LA NOVVELLE
*94
Si fort qu’il la romproit fi elle n’efioit forte ?
Seroit-ce point le guet pourfuyuant les Matthois?
Non, c’efi monfieur Griffon, c’efi luy, i’entens fa voix.
Debout, feruans, debout ! fus, que chacun fe leue /
Comment!
feroit-ce
luy? Peut-efire que
S’ amuferoit-il bien à battre
le
ie
refue;
paué,
Luy
qui efi de nouueau fous Hymen efclaué.
Ayant, comme Von diâ, femme belle & honnefie,
Prou d’affaire chej luy fans qu’ ailleurs il en quefie.
Que feroit-il icy? mefme en Vombreufe nuiâ
Vntel homme ne va. Mais on faiél vn grand bruit,
Sçachons la vérité ; voyons par la fenefire
Qui rompt là-bas ma porte.
GRIFFON
Ouure\
vifie,
ouure 7, maifire!
HOSPES
y va
! quoy? c’efi monfieur Griffon,
Cour, qui a tant de renom ;
Que diantre me veut-il? ie n'ay point fait offence,
Et puis ce ne feroit à luy la connoiffance.
L’on
y
va
!
l’on
L’Aduocat de
la
GRIFFON
Hofpes,
Afin que
ie viens
me
icy auec authorité,
difiej tout
haut
la vérité,
Deuant
les gens du Roy, le bras de la lufiice.
déguife j donc rien, que Von ne vous puniffe;
Dy-moy, as-tu céans quelque paffant caché?
Ne
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TRAGICOMIQVE
29 5
HOSPES
mais vn homme eft couché
il a bien l’apparence
& a force finance ;
Il n’a faiâ tout le foir que ioûer très-beau ieu ;
Il fait litiere d’or, beaucoup luy cfi vn peu ;
Et gardeq-vous d'aller fans compagnie armée
L’attaquer orgueilleux en fa chambre fermée.
Il a le petrinal, pofiillon de la mort,
le ne recelle rien
;
Là haut auec fa femme ;
D’ejlre vaillant gend’arme,
Le
coutelas tranchant, d’où l’efiincelle fort.
CHICANOVX
Ce n’efi pas nofire efiat
Pour n’efire que battus,
d'afjaillir,
de combattre,
cela nous fait esbattre ;
Tels coups font nos moiffons; c’efi nofire bien vrgent.
Nous nous faifons frotter pour auoir de V argent;
Incitans nos voifins argenteux, cholériques.
Nous n’en fommes que mieux ayant telles pratiques ;
Mais ce fier inconneu, au lieu de nous bourrer,
Nous pourroit piftolant fur l’heure maffacrer.
Ou
bien nous donneroit vn traiâ de vieille efcrime.
Cancre,
il
n’y fait pas bon
/
CANDELW
Mais il ferait vn crime !
CHICANOVX
Que s'en fouciroit-il ; il eft prou criminel,
Ayant voilé tant d’or par fon meurtre cruel.
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LA NOVVELLE
2yé
GRIFFON
Si
le laiJJions
fauuer nous en ferions en peine.
ne voudra tirer qu’à moy, le Capitaine,
Puis nous le faijirons comme vn traiftre ennemy ;
Nous fommesplus de vingt contre vn homme endormy,
Il ejl croyable, il dort, las du jeu d’ Amourette ;
Il fujl venu au bruid.
Il
chicanovx
Peut-ejlre
il
nous aguette.
nous veult amorcer bien que foyons beaucoup,
Tant plus aura d’honneur.
Il
GRIFFON
I'auray
le
premier coup
!
CHICANOVX
pourra s’abufer, tirant en telle approche.
Souuent le Ramier boult qu’on vouloit mettre en broche.
Il
GRIFFON
En
la riche entreprife
Ceux qui
on ne blafme iamais
veulent, hardis, faire de
beaux
effaiâs.
CHICANOVX
Mais nous fere^-vous part de fa grande finance?
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TRAGICOMIQVE
297
GRIFFON
Vous
ett
aurej, MeJJieurs, honnejle recompence.
CANDEL1N
Hasard, donner dedans !
GRIFFON
Tout beau, non faites, non
!
HOSPES
Contre vn feu canonnant
ie
fçay vne
oraifon.
CANDEUN
EJlant loing du combat,
elle euite l’outrage.
CHICANOVX
Beuuons donc du meilleur, pour auoir bon courage.
GRIFFON
Mais
les
grands banqueteurs ne font pas grand effeâ.
CHICANOVX
Sommes-nous conquérons ? ce
n’efl
pas nojlre faiâ.
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,
la NO WELLE
298
GRIFFON
Nous
conquerrons bien, ou
les
le
bien qui leur rejle.
CHICANOVX
Ce
n'ejl
qu’auec la plume, hors de danger mole/le.
GRIFFON
Meffteurs, vous pourrie z bien recouurir vn fefiin.
Mais non l’occafion <tvn fi riche butin.
Que faiâes-vous tant là ? quelle efirange
amenoy pour la friponnerie.
rufirie
?
le ne vous
CHICANOVX
Ça! ça! c’efi prou humé, fus, boutons!
Nous
ne craignons plus rien
fi ce
allons tous!
ne font les coups.
Vous marcherez deuant; nous irons à vofire ombre
Vofire fainâ corcelet nous gardera d’encombre,
nos efiocqs facrez en pourront faire ainfi.
iamais tué, ni bleffé, Dieu mercy !
Leurs impolutions nous feront fauorables.
Si nous ne les fouillons, nous ne ferons coulpables,
Et
Ils n’ont
Parlons fuperbement ; mais ne degaifnons pas,
Craignons qu’aucun de nous n’encourufi le trefpas
Refolution belle
&
qui n’efi temeraire.
GRIFFON
Courage donc,
allons, nous devons ainfi faire.
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,
TRAGICOMIQVE
299
Garçon, tiens mon cheuàl, qu’il ne faut débrider;
le l’enuoyray quérir fans beaucoup retarder.
Allumons trois ou quatre efclairantes chandelles;
Si ce larron efloit caché dans les ruelles,
Nous le pourrons ainji plus aifément trouuer.
Sans qu’il faille nos cœurs autrement efprouuer.
CH1CANOVX
Mais fi
l'huis cfl fermé !
GRIFFON
Il
faut que
l’on le
rompe!
CHICANOVX
Non,
afin
Allons
y
que ce faiâ par malheur ne nous trompe.
bellement, &, quand ferons auprès,
le faire ouurir faifons parler Hospes.
Pour mieux
griffon
I’approuue
cejl
aduis; l’inuention
efl
bonne.
HOSPES
Pour couurir
les
Vous
plus forts dedans cefle maifon;
ejles les
glajfons de voflre
ame poltronne
le n’y feruiray point d’ombre de trahifon.
GRIFFON
Ce
n’efl
pas trahifon que faire prendre vn
traijlre.
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3oo
LA NOVVELLE
HOSPES
Mon
logis ejl public,
où vn chacun peut
eftre.
GRIFFON
C’ejl
pour
le bien
public;
voile en tout Cartier.
il
HOSPES
Faiâes-en donc Iujlice ;
ejl-ce à vn hojlelier
s’enquérir du monde allant en fa tauerne?
Quel il ejl, d'où il vient, comment il fe gouuerne ?
Cela ne fe doit faire en vn logis commun,
Pour l’argent, fans s’enquerre, on reçoit vn chacun.
De
GRIFFON
Nous
dirons que la force a ton
ame contrainâe.
HOSPES
Mais ie violeray l’hofpitalité fainâe;
Qui me voudroit hanter? vn chacun a bon droiâ,
Et mon logis infâme on abominerait.
GRIFFON
Or fus
I
de par
le
Roy
ie
vous
le baille
en garde.
HOSPES
Hé!
liure^-le
moy
donc, de peur qu’il ne s’euade
!
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TRAGICOMIQVE
3o
I
Mette\-le en mes mains; ie le garderay bien.
On n’eft iamais comptable où l’on ne baille rien.
CHICANOVX
Deslogeons ou entrons; l’heure femble duifable.
La chauue occafton n’ejl pas toujours prenable.
GRIFFON
Çàl nous fommes tous près; nul ne parle que moy.
Holà! mon compagnon, ouureq de par le Roy.
GONOPHAGE
Hé Dieu!
Monfieur, hé Dieu! ie fuis femme perduë !
C’ejl mon mary qui parle; il vient pour ma venué
Par malheur ; par haqard on l’a peu aduertir,
L’vn pour l’amour de l’autre ores pourra patir,
Ne nous
laiffons
donc point.
FVRCIFER
Ce que
tu dis peut ejlre.
GONOPHAGE
Ce mot de compagnon fe faiâ
FVRCIFER
Ou
bien
il
fe gendarme.
affeq connaijlre,
,
LA NOVVELLE
3 Oï
GRIFFON
A uance-toy
d’ouurir
!
FVRCIFER
Attends que
ie
m’habille.
CHICANOVX
La
Il en ferait mourir ;
porte enfoncera.... pouf! la voylà tombée.
HOSPES
Si iamais on a veu vne
ame perturbée
Griffon fans combat combattu,
Voyant fa femme nue auprès l’huis abattu.
Qui toute décoiffée, à caufe des delices
Qu’elle auoit pris la nuiâ en fi doulx exercices
Il falloit voir
A
genoux, ioinâes mains,
Son badault de mary
elle
Ne fçauoit
a
lors fupplié
qu’il prinjl d’elle pitié,
Qui tremblant, interdiâ de
l’horrible infamie,
ou en mort ou en vie.
on eufl diâ à le voir
D’vue idole fans poux qui ne fe peut mouuoir.
Il n’a plus le deftr, en fa penfée auare,
De prendre Furcifer. Chacun qui fe fepare,
D’vn defplaifant plaiftr fe contrijle en riant ;
L’œil
On
s’il ejloit
baiffé, taciturne,
ejl aife
& fafché
de l’inconuenient.
Griffon, luy, riejl plusluy ;
Il
ne diâ, ni ne faiâ
;
par Yeffrange fpeâacle.
car ce
triffe
miracle
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3o3
TRAGICOMIQVE
Clofoit la bouche à tous, qui font fortis de
là,
Puis enfin foufpirant au traijlre
:
ainfi
parla
GRIFFON
Pourquoy
rauiffe\-vous
le
cher honneur des
Dames?
FVRCIFER
Griffon, pour mon argent ie fay l’Amour aux femmes ;
& fi ne m’enquiers pas
Si font femmes d’ Hui/fiers, ou femmes dAduocats.
Fujl-ce vne grand Princeffe, où la grâce s’expofe,
le ne les prends à force,
1
Que
l’or tout puiffant vainc, puifqu’il
vainc toute chofe,
Qui plus en a plus
le ne
me
ejl; c’ejl VAJlre de la Cour,
fouci’roy de luy faire l’Amour.
CANDELIN
Ce difant, s’en alla, fans auoir l’ame efmeuë,
Monter fur le Genet qu’on ternit en la rue ;
Nul ne s’y oppofa ; car chacun efcarté
De
merueille furpris fembloit efpouuanté.
Cejl affeuré brigand, fi enflé d’artifice,
Courut fubitement aduertir la Iufiice,
Offrant nombre d’efcus, difoit qu'vn rufiîen
retenoit fa femme & beaucoup de fon bien.
Les courfiers fouffle-flux ne nous auoyent encore
Luy
Amené
le tainéî clair
de la luifante Aurore,
Qu’il eufi plufieurs Sergens, qu’il conduifit foudain
Au
Où
remarqué qu’on nomme Plat d’efiain,
trouua Griffon, feulet, les mains croifées,
logis
il
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LA NOVVELLE
3o4
Qu’ilmifi au
Four-Y Euefque augmentant
les rifées.
Dominicq fceut de moy cejle ejirange rumeur,
Et, voyant qu’il auoit malheur dejfius malheur,
Perdant fon bon cheual, l’eslite de VE/pagne,
Il va dans la prifon, où feul ie l’accompagne.
Afin de voir Griffon, qui d’vn efionnement
(De quoy l'on ne fie doit efibahir nullement.
Car
toutes femmes font au jeu d’ Amour fiubjeâes)
Auoit
laififié
Ce cruel
fiauuer, auec honteufies pertes,
ficelerat
digne de mille morts.
DOMINICQ
Qui
t’a
mis
là,
Griffon?
GRIFFON
Les
Du
trahififians efforts
mefichant Furcifier, qui, fioubs vn faux entendre
a faiâ à lufiice, en ce lieu m’a faiâ rendre.
Qu’il
DOMINICQ
Que ne
le
prenois-tu ? tu auois prou d’amis.
GRIFFON
le fus fiurpris, Monfieur.
DOMINICQ
Diâes
plufiofi fiot pris;
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;
TRAGICOM1QVE
Malheureux !
tu auois
Le
le
meurtrier,
3oS
au bras de ta puijfance
larron fi chargé de finance,
Le lafche ruffien qui a fouillé ton lid,
Qui t'a vilipendé de fon fale deliâ,
Et
comme brauant
la fortune haqardeufe,
prifon vilainement hideufe,
tu deuois le mettre; ô pauure entrepreneur,
fais perdre mon bien en perdant ton honneur
qui,
T'a mis en
Où
Tu
la
f
GRIFFON
L’honneur ne dépend pas des feffes d'vue femme
!
DOMINICQ
Si tu n’eujfes failly, tu n'aurois point de blafme.
GRIFFON
L’on
n’efl
maifire de
foy au premier mouuement.
Telle apprehenfion ne fe reigle aifément ;
Vne panique peur m’auoit famé occupée,
En
vn douteux aduis d’vne profopopée.
DOMINICQ
Ton efpouuentement ne me
fatisfera.
GRIFFON
je vous pay’ray cela que le cheual vaudra
Du refie excufe\-moy, i’en porte affeq la faute.
29
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3o6
LA
NOWELLF
DOMINICQ
veux; mais, Griffon, ayeq l’âme plus caute.
le le
GRIFFON
Ces fiers euenemens ne font pas coufiumiers,
Et de garder l’effeâ des amours iournaliers
(Compagnons féminins) on le tient impoffible.
Cefi chofe naturelle, à la Cour remiffible.
Le bruiâ eft plus péchant que le mefme péché
Qui doit efire toufiours fecretemcnt caché.
S’il arriue autrement, là te malheur excede !
En l’extrefme malheur il n’y a nul remede.
Qui pourroit faire, ô Dieux! qu’vn faiâ n’eufi point
efii ?
me confole en mon aduerfité.
Nous fommes tous pécheurs; la loy ne fauorife
L’homme plus que la femme incontinent efprife.
Plus ie diffameroy ma femme, en mon efmoy,
le me vergongneroy ie feroy contre moy.
Ainfi
ie
,
DOMINICQ.
Confiderations
Et
Te
:
bon, fur les
Tu
feras diâ fage homme.
bons Ians qu’a Paris on renomme!
fens-tu point attainâ d’ Amour indifpofé,
Puis qu’en
Que
s’il
fi
grand combat
efioit ainfi
Quifait quefier
le
appaifé?
tu parois
i’auou'roy ton beau dire.
gueux ?
c'efi qu’il n’a
de quoy frire.
GRIFFON
le ne vous refpons rien.
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3o^
TRAG1COM1QVF.
DOMINICQ
Qui fe
taijl il confent.
GRIFFON
Adieu, i'ay diâ affeq.
DOMINICQ.
Hà !
le
fçay que
la
Ejl plus aâiue
gent
baffe,
la Cour vous entend,
au monde chicanique ,
aux plaids qu'au combat
Venerique.
CANDEL1N
A infi,
foubs faux efpoir cTauoir quelques efcus,
faiâ déclarer Cocu fur tous Cocus /
Il s’ejl
DOMINICQ
Mais
Du
d’auoir fottement mefprifé la fcience
fçauant des fçauans, aigres à la vengeance,
Magis, ce grand Magiseuft faiâ prendre autre part
Par Griffon,
Griffon, au
Fvrcifer, detefiable pendart.
de honte, eufl acquis vne gloire.
lieu
ne fe faut mocquer des enfans de mémoire ;
N’oubliant vn meffaiâ qu’vn autre eujl oublié,
Il
De loing
Que l’on
il
ne
frappe près, d’vn coup fi palié
le void point encor que l’on le fente.
HOSPES
t
Or, tandis qu’on menoit Griffon en l’ombre
lente,
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;
3oê
La
On
LA NOVŸELLE tRAGICOMIQ VL
ieune
Gonophage
alla chef fes parens.
laijfa fon mary prifonnier quelque temps
Car, pour couurir fa faute, on fema renommée
Qu’il auoit prefque, helas ! fon efpoufe affommée
Pour fubjeâfans fubjeQ, S qu’ils ne vouloyent point
Endurer qu'on traittafl leur parente en tel poinâ.
Ce mary, bon mary, fans cholere oultrageufe,
Dejireux de fortir de la prifùn ombreufe,
Jura à pere, à mere, aux parens déformais
Qu’il la mignotëroit fans l’offencer iamais;
Qu'au contraire
il
donnoit la licence à fa femme.
ou s'il luy donnoit blafme,
S’il la tançoit tant peu,
De fe
réfugier chef fon pere bénin.
Pour confirmer fon dire il fijl vn beau fefiin;
Delice fur delice ejloit en cefle fefle ;
La plaifante Mufique,
auec
la
dance honnefie.
Les Dames de ta Cour y venoyent pour baler,
Dont plujieurs grands feigneurs y voulurent aller.
Vn chacun, pour V Amour de fa Dame jolie,
Faifoit quelque beau traiâ, & chacun à l’ékuie
Le
cartel, le deffy, le cimiterre nu,
La
perleufe faueur d'vu moumbti inconnu;
Bref, l’honneur honora Ce double mariage.
Puis
la
femme & Vefpoux
refirent bon
ménagé
.
Fin
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2
TABLE DES GAILLARDES POÉSIES
‘DE
L&tSTH^ISE
Notice fur Marc-Papillon, fieur de
page
Lafphrife
.
.
L’Allufion
.
.
Dikerfes.ftances
Le
.
.
.
.
v
....
Les Amours de Théophile
L’Amour paflionnée de Noëmie
La Delice d’Amour
.
*
*
.
Les Ænigmes
9
...
.
...
.
.
5g
118
i
3î
-144
d’Amour
167
fléau féminin
75
189
1
Diuerfes poefies
.
Stances de B a c ch us & C a refmeprenant
mefme
,
&
trois
Sonnets de
26
fubjedt
Nouuelle tragicomique
UN
275
DE LA TABLE
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