Ensemble nous devons... - International Anglican Women`s Network

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Ensemblenous devons...
mettre fin à la violence à l’égard
des femmes et des filles ainsi
qu’au VIH et sida
Bilan des pratiques prometteuses dans la lutte contre la double pandémie
Ensemble nous devons! a été rédigé par Jacqui Patterson, avec la participation
de Nazneen Damji, Deborah McKinney, Neelanjana Mukhia et Everjoice Win.
Le rapport été écrit par Jenny Drezin.
Rédaction, mise en page et conception : Eunice Corbin Design et Lisa Moore
pour RedBone Press.
Traduction: Multi-Language Services, Inc., [email protected]
Nous remercions le personnel d’UNIFEM et de ActionAid des précieuses
informations apportées pour l’élaboration et l’examen de cette publication.
• Pour UNIFEM : Suneeta Dhar, Matilda Gomez-Perez, Isha Nirola,
Maham Hai et Sunita Vyavaharkar.
• Pour ActionAid : Emma Greenbaum, Karen Hansen-Kuhn et Peter O’Driscoll.
Et enfin, nous adressons un remerciement tout particulier à tous les praticiens et
spécialistes dont le nom figure dans cette publication, pour le temps qu’ils nous
ont accordé et pour leur implication dans ce projet.
Ensemble nous devons! a été coédité en novembre 2009 par le Fonds
de développement des Nations Unies pour la femme et par ActionAid.
Pour l’émancipation
de la femme et
l’égalité des sexes
UNIFEM est le fonds des Nations Unies pour les femmes. Il fournit une aide financière et technique à des stratégies et programmes novateurs visant l’autonomie des femmes et l’égalité
entre les sexes. Le progrès des droits fondamentaux des femmes étant au cœur de toute son
action, UNIFEM s’attache à réduire la pauvreté féminisée, à mettre un terme à la violence à
l’égard des femmes, à inverser la propagation du VIH et sida parmi les femmes et les filles,
et réaliser l’égalité entre les sexes dans une gouvernance démocratique, en temps de paix
comme en temps de guerre.
ActionAid est une organisation internationale qui lutte contre la pauvreté
dans 50 pays, en travaillant avec les pauvres et en défendant leur cause.
Table des matières
Résumé ..........................................................................................................................................................4
Introduction :
Faire face à la conjonction de deux pandémies : le VIH et sida, et la violence à l’égard des femmes
et des filles............................................................................................................................................................ 7
Chapitre 1. Quelles sont les caractéristiques d’une pratique ‘prometteuse’ dans la lutte contre la
conjonction des deux pandémies?............................................................................................... 11
Chapitre 2. Rallier des groupes à une cause............................................................................................. 14
Encourager les hommes à devenir des alliés : Sonke Gender Justice (Afrique du Sud).......... 14
Mettre en place des réseaux en Inde, famille par famille......................................................... 16
Utiliser la radio pour changer les mentalités locales : Equal Access Nepal............................. 18
Chapitre 3. Impliquer les groupes exclus................................................................................................... 20
S’occuper des femmes noires là où elles vivent : Criola (Brésil).............................................. 21
Sensibiliser chez soi et faire preuve de solidarité féminine à l’étranger :
Women of Color United (WOCU – États-Unis d’Amérique) . ................................................... 22
Responsabiliser les jeunes : le pouvoir des Nigérianes............................................................ 23
Chapitre 4. Intégrer l’action dans le secteur de la santé et au-delà............................................................. 25
Proposer un appui global : l’hôpital des femmes de Nairobi (Kenya)...................................... 26
Mettre en place des protocoles pour lutter contre la conjonction des deux pandémies :
FEIM (Argentine)....................................................................................................................... 28
Chapitre 5. Responsabiliser les décideurs................................................................................................. 30
Jeter un pont entre les mouvements : la campagne Women Won’t Wait................................ 31
Propager en milieu rural une démarche fondée sur les droits fondamentaux :
CIRDDOC (Nigéria)................................................................................................................... 33
Conclusion.................................................................................................................................................. 35
Notes.................................................................................................................................................................38
Appendice........................................................................................................................................................... 42
Résumé
La violence à l’égard des femmes et des filles ainsi que le
VIH et sida constituent deux des plus grands dangers pour
la santé, le bien-être et la productivité des femmes dans le
monde. Du fait des menaces et de la violence, il est difficile
pour les femmes de négocier des rapports sexuels protégés
et de décider des conditions de ces rapports. Les femmes et
les filles ont deux à quatre fois plus de risques de contracter
le VIH que les hommes lors de rapports non protégés, d’une
part parce que leur physiologie les rend plus vulnérables aux
lésions, et d’autre part parce qu’elles sont plus susceptibles
de subir des rapports sexuels violents ou forcés.1
De même, comme les préjugés contre du VIH donnent parfois lieu à la violence, les femmes séropositives en sont plus
souvent victimes que les autres femmes.2 De fait, en fonction de la menace, réelle ou ressentie, qui plane sur elles, les
femmes décident ou non de faire le test de dépistage du VIH
et d’en divulguer ou non le résultat. La crainte d’être victimes
de violence ou de discrimination, celle d’être abandonnées
et de perdre tout soutien économique sont des facteurs
qui dissuadent fréquemment les femmes de chercher
à connaître leur statut sérologique. Cette ignorance prive
également celles qui vivent avec le VIH de traitement, de
soins et de soutien.
La violence à l’égard des femmes et le VIH et sida sont des
pandémies qui se renforcent mutuellement, et il apparaît de
plus en plus clairement que les deux problèmes sont liés
et qu’ils doivent et peuvent être combattus simultanément.
Cependant, à ce jour ces stratégies n’ont été appliquées
que de manière très limitée. C’est seulement maintenant
que les groupes de défense de la cause des femmes et les
collectivités qui luttent contre le VIH et sida ou contre la
violence à l’égard des femmes et des filles commencent
à se concerter pour envisager des stratégies communes. Ce
rapport met l’accent sur les principaux éléments à prendre
en compte pour établir de telles stratégies; il présente des
organisations qui adoptent des approches soucieuses
d’équité entre les sexes, axées sur les droits fondamentaux, qui combattent la double pandémie, donnent aux
groupes marginalisés les moyens de s’exprimer, favorisent
l’appropriation par la communauté, renforcent les capacités,
encouragent une intégration intersectorielle et favorisent les
liens entre les groupes de défense de la cause des femmes
4 Ensemble nous devons!
Gideon Mendel/Corbis/ActionAid Pays : Nigéria
Aderonke Afolabi, éducatrice séropositive, anime un atelier pédagogique sur le sida destiné aux enseignants à Lagos (Nigéria). C’est
l’une des rares personnes qui ne cachent pas leur statut sérologique
dans un pays où la proportion d’habitants atteints par le VIH est montée
en flèche pour atteindre désormais les 5 % de la population adulte.
et les militants qui luttent contre le VIH et sida et la violence
à l’égard des femmes et des filles.
Ensemble nous devons! est articulé autour de quatre
grandes stratégies de lutte contre la conjonction des deux
pandémies : mobiliser les collectivités pour changer les
normes qui s’opposent à l’égalité entre les sexes, impliquer
les groupes marginalisés qui sont souvent plus vulnérables
aux pandémies jumelles, intégrer l’action pour apporter un
appui et dispenser des soins, et mener une action vigoureuse pour une plus grande responsabilisation des donateurs et des décideurs. Prises ensemble, ces stratégies
permettent de dégager des enseignements précieux et des
pratiques prometteuses qui seront utiles à d’autres organisations, et soulignent la nécessité d’évaluer en bonne et due
forme les initiatives pour mieux comprendre leur impact et
le renforcer.
La première stratégie consiste à impliquer les collectivités
afin de changer les normes qui s’opposent à l’égalité entre
les sexes. Le rapport décrit les activités de Sonke Gender
Justice en Afrique du Sud, de MILANA en Inde et d’Equal
Access au Népal, qui engagent activement les collectivités
à reconnaître que, par leur soutien, voire leurs encouragements, elles favorisent la propagation de la violence et du
VIH et sida. Parce que ces groupes insistent sur le rôle actif
de tous les membres de la collectivité pour mettre fin aux
pandémies, ils aident les collectivités qui refusent la vio-
“
La violence contribue largement à accroître la vulnérabilité
à l’infection des femmes et des filles par le VIH.
”
lence et aident les femmes et les filles vivant avec le VIH et
sida à avoir une vie productive et sans risque.
La deuxième démarche décrite dans le rapport montre que
la vulnérabilité des femmes à la violence et au VIH et sida
trouve son origine non seulement dans les inégalités entre
les sexes mais aussi dans les disparités sociales fondées
sur la race, la classe sociale, le groupe ethnique, l’âge,
l’orientation sexuelle et autres facteurs. Des organisations
comme Criola au Brésil, Women of Color United aux ÉtatsUnis et Girls Power Initiative au Nigéria interviennent auprès
de groupes qui sont touchés de manière disproportionnée
par les deux pandémies pour lutter contre les formes multiples de marginalisation qui rendent les femmes et les filles
vulnérables à la violence et au VIH et sida.
La troisième stratégie consiste principalement à intégrer
les démarches qui lient les interventions des autorités sanitaires, la violence et le VIH et sida à l’ensemble des services
sociaux.
VIH et sida à tous les niveaux de prise de décisions. Elles insistent aussi pour que le financement soit conséquent et que
les organisations féministes soient associées à l’élaboration
et à l’application des programmes de lutte contre la conjonction des deux pandémies.
Ensemble nous devons! est une première action visant à
attirer l’attention sur les compétences, les capacités institutionnelles et les ressources nécessaires pour combattre globalement la conjonction de la violence à l’égard des femmes
et des filles et le VIH et sida. Le rapport cherche à stimuler
le débat entre les médecins et les défenseurs de la cause
des femmes pour recenser et encourager l’adoption de politiques et d’activités efficaces et adaptables à des contextes
divers. En partant des nombreuses suggestions faites dans
les “pratiques prometteuses” décrites ici, le rapport met en
avant cinq recommandations principales.
La première recommandation est de favoriser la recherche
pour définir et évaluer des stratégies efficaces de lutte con-
L’hôpital des femmes de Nairobi, guichet unique pour les victimes de violence sexuelle, illustre une méthode de soins de
santé axée sur le respect des droits fondamentaux; il fournit
gratuitement aux femmes des soins et une aide lorsqu’elles
ont subi des violences et qu’elles risquent d’avoir été expo-sées au VIH. Elles reçoivent notamment une assistance
pour aller signaler leur cas aux autorités et bénéficier de
soins à plus long terme. En Argentine, la Fundación para
Estudio e Investigación de la Mujer (FEIM) intègre des protocoles liés à la violence à l’égard des femmes et des filles et
au VIH et sida aux interventions médicales classiques. Ces
deux organisations se servent des soins de santé comme
point d’entrée pour s’attaquer en bloc aux deux pandémies
qui touchent les femmes et les filles pauvres.
La dernière stratégie souligne l’importance de responsabiliser les décideurs de l’action qu’ils entreprennent pour
s’attaquer aux liens entre les deux pandémies. Que ce soit
par la recherche, la documentation, ou une formation aux
droits fondamentaux des femmes séropositives, les organisations décrites, notamment la campagne mondiale
Women Won’t Wait et le CIRDDOC au Nigéria, encouragent
l’adoption de politiques sexospécifiques de lutte contre le
Anusuya, 31 ans, membre de MILANA. Anusuya et sa
fille de treize ans sont séropositives depuis cinq ans.
Karnataka (Inde). 27 mars 2008
Srikanth Kolari/ActionAid, Date de création originale : 27 mars 08 Pays: Inde
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 5
tre la conjonction des deux pandémies, et de faire connaître
les enseignements dégagés. La deuxième est de donner les
moyens à cette recherche; le rapport recommande de collecter davantage de données nationales et mondiales sur
la violence à l’égard des femmes et des filles, sur le VIH et
sida et sur les liens entre les deux, et de les diffuser largement. Les groupes de défense de la cause des femmes
doivent réfléchir à l’usage stratégique qu’ils peuvent faire
de ces recherches, données et protocoles, comme moyens
de responsabiliser les décideurs. Troisièmement, les hôpitaux et les centres de santé étant d’importantes sources de
données, il serait utile d’élargir l’utilisation qui est faite des
protocoles standard et des stages de formation destinés
au personnel médico-sanitaire afin de les sensibiliser et de
renforcer leurs capacités de s’attaquer à la conjonction de
la violence à l’égard des femmes et des filles et du VIH et
sida. Quatrième recommandation, les groupes de défense
de la cause des femmes qui s’occupent de la conjonction
du VIH et sida et de la violence doivent tenter d’impliquer
6 Ensemble nous devons!
les populations exclues, notamment les minorités raciales et
sexuelles et les jeunes femmes, là où elles vivent et travaillent, ainsi que sur leurs lieux de loisirs.
La dernière recommandation du rapport souligne
l’importance de mobiliser les collectivités. Compte tenu
de la place marginale qu’elles occupent, les femmes et les
filles sont souvent les plus vulnérables au VIH; pourtant, ce
sont elles qui sont les moins susceptibles de bénéficier des
services existants de prévention, de traitement, de soins et
d’aide. Pour que les stratégies susmentionnées soient efficaces, il est essentiel d’impliquer les différents groupes de
la communauté au sens large – et notamment les hommes
et les familles, les chefs spirituels et les chefs traditionnels,
ainsi que les administrations locales. Pour faire face à la
réprobation et à la discrimination qui sont très fréquemment
associées à la violence à l’égard des femmes et des filles et
au VIH et sida, il est essentiel d’obtenir l’adhésion de nombreuses parties prenantes de la population.
Introduction :
Faire face à la conjonction de deux pandémies : VIH et sida,
et violence à l’égard des femmes et des filles
À travers le monde, des femmes et des filles affrontent la
conjonction catastrophique du VIH et sida et de la violence.
Chacune de ces deux menaces est redoutable en soi, mais
la plupart du temps elles surviennent ensemble. Dans le
domaine privé comme dans le domaine public, en temps
de paix comme en temps de guerre, dans des situations
d’épidémie généralisée ou locale,3 la violence contribue
largement à accroître l’infection des femmes et des filles
par le VIH. La violence à l’égard des femmes et des filles et
le VIH et sida font partie des principales menaces pour la
santé, le bien-être et la productivité des femmes à l’échelle
mondiale.
Les facteurs qui expliquent la corrélation entre violence à
l’égard des femmes et des filles et VIH et sida sont notamment une conjonction complexe de conditions sociales, culturelles et biologiques. Les femmes et les filles courent deux
à quatre fois plus de risques que les hommes de contracter le
VIH lors de rapports non protégés, d’une part parce que leur
physiologie les rend plus vulnérables aux lésions et, d’autre
Srikanth Kolari/ActionAid Date de création originale : 27 mars 08 Pays : Inde
Amuda et Anusuya, 31 ans, toutes les deux membres de MILANA, en
train de conseiller Neelaamma, 30 ans, séropositive. Karnataka (Inde).
27 mars 2008. MILANA, un réseau de personnes qui vivent avec le VIH,
est une initiative unique dans son genre. En luttant contre la réprobation
sociale dont sont victimes les personnes séropositives, elle permet aux
femmes contaminées par le VIH de faire valoir leurs droits et de mener
une vie digne.
part, parce qu’elles sont plus susceptibles de subir des rapports sexuels violents ou contraints.4 À cause de la violence,
ou de la menace de violence, il est difficile pour les femmes
et les filles de négocier des rapports sexuels protégés et
de maîtriser les conditions de ces rapports, en particulier
chez les couples mariés. De fait, pour de trop nombreuses
femmes dans le monde, le risque le plus grand de contracter
le VIH vient des rapports conjugaux, lorsque le partenaire a
contracté le virus avant ou en dehors du mariage.5
En particulier, la violence à l’égard des jeunes femmes et
des filles engendre un cercle vicieux : les sévices sexuels
et la violence qu’elles ont subis pendant leur enfance peuvent entraîner chez elles des comportements à risque au
cours de leur adolescence ou de leur vie d’adulte.6 Dans
de nombreuses cultures, les modèles de la féminité encouragent l’innocence et l’ignorance et dissuadent les filles
de s’informer sur la sexualité ou de vouloir maîtriser leur
vie sexuelle. Des pratiques telles que le mariage forcé ou
le mariage des enfants exacerbent les inégalités entre les
sexes, et les femmes et les filles n’ont presque jamais leur
mot à dire quant au moment ou aux conditions de leur initiation sexuelle. Ces pratiques peuvent aussi les rendre plus
vulnérables au VIH : en moyenne, les hommes qui épousent
des enfants sont plus âgés que les partenaires sexuels des
filles non mariées du même âge. Ils sont en général sexuellement plus expérimentés, et ils peuvent exiger des relations
sexuelles qui augmentent le risque pour l’enfant mariée de
contracter le VIH et sida.7
La réprobation dont sont victimes les personnes ayant contracté le VIH – encore plus fréquente lorsque la maladie
évolue en sida – entraîne souvent davantage de violence
pour les femmes séropositives que pour le reste de la population.8 La décision de faire ou non le test de dépistage du
VIH, d’en divulguer ou non le résultat, dépend de la menace,
réelle et perçue, de violence de la part de leur partenaire.
La crainte d’être victime de violence, celle d’être abandonnée et de perdre son soutien économique sont des raisons
fréquentes qui dissuadent les femmes de rendre publique
leur séropositivité.9
Parce qu’elles utilisent généralement les services de santé
davantage que les hommes, en particulier pour les soins pré-
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 7
Afolabi, éducatrice séropositive, porte le tee-shirt imprimé du logo de Potter Cares, l’organisation d’appui
qu’elle a créée. Elle est l’une des rares personnes
au Nigéria à ne pas cacher sa séropositivité, dans
ce pays où le taux de personnes atteintes par le VIH
a progressé en flèche pour dépasser les 5 % de la
population adulte. Des jeunes manifestent dans la
rue à Ajeromi, un quartier pauvre de Lagos, contre
un homme soupçonné d’avoir commis des violences
sexuelles sur un enfant. Ils avaient auparavant assisté à une réunion éducative pour les jeunes dans
le cadre du projet “Make we talk”, où ils avaient entendu parler d’un homme atteint du sida qui payait
des jeunes filles pour qu’elles acceptent d’avoir des
rapports sexuels avec lui sans préservatif.
Gideon Mendel/Corbis/ActionAid Date de création originale : 01 janvier 05 Pays : Nigéria
natals et périnatals, les femmes ont plus de chances que leur
partenaire masculin de connaître leur statut sérologique. Le
risque de transmettre le VIH pendant la grossesse, au cours
de l’accouchement ou lors de l’allaitement entretient une
tendance à rejeter la responsabilité sur les femmes : la société les perçoit comme seules responsables de l’infection
de leurs enfants. Dans de nombreux cas, la révélation de
leur séropositivité a pour conséquence de renforcer l’idée
que les femmes sont les vecteurs de la maladie. Elles sont
souvent tenues pour seules responsables d’avoir introduit le virus dans leur famille ou dans leur communauté. Si
elles révèlent à leur partenaire ou à des tiers qu’elles sont
séropositives, elles risquent davantage d’être victimes de
violence, de réprobation ou de discrimination de la part de
leur partenaire, de leur famille et des membres de leur communauté.10
Il est arrivé que des femmes séropositives soient renvoyées
de leur foyer et de leur communauté, dépouillées de leurs
biens, et dans certains cas inculpées d’avoir transmis le
VIH.11 Il y a une législation qui a généralement pour but de
protéger les femmes infectées à leur insu par leur partenaire, mais cette loi peut aussi augmenter le risque pour les
femmes d’être victimes de violence et de réprobation. Non
seulement ces lois aboutissent à un nombre disproportionné de femmes prises pour cibles, mais dans certains cas
elles favorisent la poursuite en justice de femmes accusées
d’avoir transmis le virus à leur bébé.12
La vulnérabilité des femmes et des filles à la violence et
au VIH et sida a aussi des conséquences importantes pour
les actions visant à leur donner un accès universel à la
prévention, aux traitements, aux soins et à l’assistance.13
La multiplication des possibilités d’information, d’éducation
et de communication sur le VIH peut contribuer à endiguer
la transmission du virus, mais les femmes peuvent aussi
subir de violentes réactions à mesure qu’un nombre crois-
8 Ensemble nous devons!
sant d’entre elles sont dépistées et soignées. Les militants
des mouvements qui cherchent à mettre fin à la violence à
l’égard des femmes et des filles et ceux qui luttent contre
le VIH et sida doivent par conséquent être mieux informés
sur la conjonction des deux pandémies et, pour que leurs
efforts soient couronnés de succès, ils doivent utiliser des
moyens appropriés, efficaces et qui tiennent compte des
différences culturelles.
Contexte de ce rapport
Cette courte introduction fait ressortir quelques-unes des
formes complexes selon lesquelles la violence à l’égard des
femmes et des filles ainsi que le VIH et sida sont à la fois
cause et conséquence l’une de l’autre.14 En revanche, on
ne sait pas très bien comment s’attaquer efficacement à
cette conjonction. Il est évident qu’il faut adopter des démarches intégrées, elles sont possibles mais à ce jour
elles sont loin d’être largement appliquées. Il y a eu des
tentatives, jusqu’ici modestes, de rapprochement entre
des militants de la lutte contre la violence à l’égard des
femmes et des filles et ceux qui luttent contre le VIH pour
étudier les domaines de confluence et mettre en place des
stratégies propres à renforcer mutuellement la recherche,
les politiques et les programmes.15
Les réponses institutionnelles et politiques au VIH et sida
sont notamment axées sur l’égalité entre les sexes et sur
la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Mais les
groupes qui luttent contre la violence à l’égard des femmes
et des filles ne se préoccupent du VIH et sida que depuis
relativement peu de temps, et il faudra multiplier les efforts
pour trouver des stratégies efficaces qui pourront être reproduites ou transposées à plus grande échelle. Ces efforts
sont d’autant plus importants qu’il n’existe pas d’orientation
claire et cohérente au niveau mondial sur des moyens effi-
institutionnelles et les ressources qui sont nécessaires pour
mettre en œuvre une solution plus globale.
Le rapport étudie la manière dont certaines organisations
élaborent des stratégies de lutte contre les deux pandémies
et définissent certaines approches communes. Celles-ci
peuvent servir de base pour mettre au point des activités
plus méthodiques, mesurables et pouvant être reproduites.
Les organisations étudiées ont été repérées dans les réseaux partenaires d’ActionAid et d’UNIFEM, et ne représentent donc qu’une petite partie de l’excellent travail accompli à travers le monde. Leurs stratégies doivent s’ajouter à
d’autres démarches complémentaires qui ont été décrites et
utilisées ailleurs.18
Jodie Bieber/ActionAid Date de création originale : 26 janvier 09 Pays :
Afrique du Sud
Pretty était une amie proche d’Eudy Simelane. Eudy a été assassinée à
cause de ses préférences sexuelles. Pretty passe à présent beaucoup
de temps avec la mère d’Eudy.
caces de s’attaquer aux liens entre la violence à l’égard des
femmes et des filles et le VIH et sida. Selon la campagne
Women Won’t Wait présentée dans ce rapport, même les
organisations chargées de promouvoir l’accès universel et
celles qui proposent une assistance technique au niveau
national, ne prennent pas encore suffisamment en compte
la conjonction de la violence à l’égard des femmes et des
filles et du VIH et sida.16 La méconnaissance de stratégies
efficaces est aggravée par un système de financements distincts : les programmes de lutte contre la violence à l’égard
des femmes, d’une part, et ceux contre le VIH et sida,
d’autre part, restent la norme, au moins pour les principaux
donateurs multilatéraux.17
ActionAid et UNIFEM ont décidé de coopérer pour réaliser
ce rapport afin d’enrichir la base de données factuelles qui
doit permettre de relier les programmes de prévention de
la violence à l’égard des femmes et des filles, d’une part,
et de lutte contre le VIH et sida, d’autre part. Chacune des
deux organisations s’attache à forger des liens entre l’action
contre le VIH et le sida et la lutte contre la violence à l’égard des
femmes et des filles, notamment en produisant des moyens
d’information accessibles et liés aux deux pandémies,
axés sur la problématique des droits fondamentaux de la
personne. Ensemble nous devons! est un premier effort
destiné à attirer l’attention sur les pratiques prometteuses et
contribuer à accroître les connaissances, les capacités
En attirant l’attention sur la démarche de ces organisations,
ActionAid et UNIFEM visent à encourager la poursuite des
recherches et une analyse plus rigoureuse des stratégies
qui permettent de réduire l’incidence de la violence à l’égard
des femmes et des filles et leur risque d’être exposées au
VIH. Ce rapport doit donc servir d’appel à l’action adressé
à la communauté internationale pour qu’elle aille au-delà
des ‘promesses’ que représentent ces démarches et qu’elle
propose des solutions globales aux deux pandémies.
Structure du rapport
Ce rapport est divisé en cinq parties. Le premier chapitre étudie la notion de pratique “prometteuse” en matière
de lutte contre la conjonction de la violence à l’égard des
femmes et des filles et du VIH et sida. Les organisations
dont il est question n’adoptent pas toutes le même niveau
de contrôle et d’évaluation pour les actions qu’elles entreprennent dans le cadre de leurs programmes; c’est pourquoi, lorsque nous mentionnons les stratégies qu’elles
utilisent, nous parlons de pratiques ‘prometteuses’ plutôt
que de pratiques ‘qui ont fait leurs preuves’. Les activités
de ces organisations ne se limitent pas à celles qui sont
étudiées ici, car le présent rapport est axé sur six éléments
essentiels dans l’action qu’elles mènent pour aborder les
liens entre les deux pandémies et leur vecteur. Ces éléments
peuvent servir de critères pour étayer les actions entreprises
dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des
filles et le VIH et sida dans d’autres contextes.
Les autres chapitres exposent quatre grandes stratégies
qui ressortent des cas étudiés et qui visent à faire face à
la conjonction de la violence à l’égard des femmes et des
filles et du VIH et sida. Le chapitre 2 montre que pour mobiliser la population et s’assurer de son appui, il est très im-
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 9
portant d’impliquer de nombreuses parties prenantes aux
stratégies de lutte contre les deux pandémies – des hommes et des garçons jusqu’aux familles, en passant par les
réseaux sociaux. Le chapitre 3 est axé sur l’importance
d’associer les groupes marginalisés aux programmes, à
toutes les étapes, de la conception à l’application, au suivi
et à l’évaluation; il analyse de quelle façon les organisations
prennent en compte l’impact de la race, de la classe sociale, de l’orientation sexuelle et de l’âge dans leur action
à la conjonction des deux pandémies. Le chapitre 4 étudie
des exemples novateurs de soins de santé qui introduisent
des facteurs socioculturels dans les soins et l’appui qu’ils
fournissent. Enfin, le chapitre 5 examine des stratégies
visant à se servir de la recherche, de la sensibilisation et
de la documentation pour responsabiliser les décideurs. Le
rapport s’achève avec cinq recommandations qui ressortent
des stratégies prometteuses analysées. Ces recommandations s’adressent aux gouvernements, aux groupes de la
société civile, aux individus et à toute autre entité qui pourrait envisager d’adopter des stratégies similaires dans leur
propres programmes pour lutter contre la conjonction de la
violence à l’égard des femmes et des filles et du VIH et sida.
10 Ensemble nous devons!
“
En attirant l’attention sur la
démarche de ces organisations, ActionAid et UNIFEM
visent à encourager la
recherche et une analyse
plus rigoureuse des stratégies qui permettent de réduire l’incidence de la violence
à l’égard des femmes et des
filles, et de leur risque d’être
exposées au VIH et sida.
”
Quelles sont les caractéristiques
d’une pratique ‘prometteuse’ dans
la lutte contre la conjonction des
deux pandémies?
Lorsque ActionAid et UNIFEM ont commencé à examiner
des initiatives qu’ils pourraient décrire dans Ensemble nous
devons!, une liste de caractéristiques s’est dégagée de
leurs expériences conjuguées en matière de programmes,
d’analyse des grandes orientations ou de sensibilisation.
Tout d’abord, les deux organisations conviennent qu’une
pratique prometteuse doit s’inscrire dans un cadre res-pectueux des droits fondamentaux de la personne et viser en
premier lieu la promotion, la protection et la réalisation des
droits des femmes et des filles. Ces pratiques doivent naturellement contribuer à l’égalité entre les sexes; elles doivent innover pour favoriser l’émancipation des femmes, tant
au niveau individuel, institutionnel qu’au niveau des politiques et des programmes. Elles doivent aussi être fondées
sur des faits observés et y contribuer, et s’appuyer sur les
connaissances actuelles et les pratiques recommandées
dans le domaine de la prévention contre le VIH et le sida et
la violence à l’égard des femmes et des filles. Il est également essentiel que les initiatives soient durables, qu’elles
renforcent les capacités au niveau local, institutionnalisent
les pratiques et dégagent les possibilités d’un financement
suivi. Idéalement, ces pratiques pourront être reproduites
et servir de modèles pour des organisations partenaires qui
souhaitent utiliser des stratégies similaires pour les situations ou les populations qu’elles servent.
Les pratiques choisies ici n’ont pas toutes été officiellement évaluées ou examinées en fonction de résultats, mais
elles ont toutes fait preuve d’une approche novatrice des
questions transsectorielles à la conjonction de la violence
à l’égard des femmes et des filles et du VIH et sida. Elles
répondent aux besoins de populations qui jusqu’ici sont
insuffisamment desservies, et elles permettent de dégager des enseignements précieux pour les organisations
partenaires. Au-delà de ces caractéristiques, ActionAid et
UNIFEM ont retenu six critères qui peuvent être examinés
pour évaluer les actions de lutte contre la conjonction des
deux pandémies. Chacune des pratiques décrites répond
à au moins une des normes suivantes, comme il y sera fait
référence tout au long du rapport :
1) Les pratiques prometteuses s’attaquent aux
causes profondes des deux pandémies
L’inégalité entre les sexes est à la conjonction des deux
pandémies. Le déséquilibre des rapports de force hommesfemmes perpétue et entretient la violence à l’égard
des femmes et des filles. Il joue aussi un rôle dans les
comportements sexuels et les risques vis-à-vis du VIH. Par
exemple, des études effectuées au Botswana et au Swaziland
montrent que lorsque les hommes ont un comportement
discriminatoire à l’égard des femmes, il est plus probable
qu’ils ont aussi des relations sexuelles non protégées avec
une ou plusieurs partenaires autres que leur femme.19 Dans
le cadre de la double pandémie, ces normes sont nuisibles
pour les deux sexes. Non seulement le statut d’infériorité
des femmes amoindrit leur autonomie, leur pouvoir de décision et leurs droits en matière de sexualité, mais il peut aussi
restreindre leurs perspectives économiques et éducatives
qui pourraient les rendre moins vulnérables à la violence et
au VIH. Les normes traditionnelles de la masculinité peuvent
encourager les hommes à perpétuer la violence pour prouver leur virilité ou à se livrer à divers comportements sexuels
à risques, notamment des rapports sexuels non protégés et
avec de multiples partenaires.
Les pratiques prometteuses tiennent compte du fait que
l’émancipation des femmes et des filles ne peut se faire
dans le vide : pour que les interventions soient couronnées
de succès, les hommes et les garçons, les familles et les
collectivités au sens large doivent y être associés. Il s’agira
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 11
notamment de mettre l’accent sur la construction sociale de
la “masculinité” et de remettre en cause les normes socioculturelles qui encouragent ou tolèrent la violence à l’égard
des femmes dans le domaine public comme dans le domaine
privé. Ces pratiques, à la conjonction des deux pandémies,
tiennent aussi compte de l’existence de certaines formes de
violence, de discrimination et d’obstacles que rencontrent
les femmes et les filles séropositives.
2) Les pratiques prometteuses donnent aux
groupes marginalisés de la société les
moyens d’accéder à l’autonomie
‘Rien sur nous sans nous’ est un refrain courant chez
les militants de la lutte contre le VIH et sida. Il souligne
l’importance d’impliquer les groupes marginalisés dans les
politiques, les programmes et les pratiques. La violence à
l’égard des femmes et des filles et le VIH et sida touchent
toutes les couches de la société, mais certains groupes sont
particulièrement vulnérables à ces deux pandémies, comme
par exemple les travailleuses sexuelles, les travailleuses
migrantes, les femmes jeunes, les minorités ethniques ou
raciales, et les femmes handicapées. Pour être efficaces,
les stratégies doivent être sans exclusive, acceptables et
accessibles, surtout pour les groupes marginalisés. Conformément au principe du MIPA (Meaningful Involvement of
People with AIDS – participation concrète des personnes
vivant avec le sida), les stratégies efficaces tiennent compte
du fait que la race, la classe sociale, l’ethnie, l’orientation
sexuelle, l’âge, la religion et autres facteurs encore ont un
impact sur la vulnérabilité des femmes et des filles à la violence et au VIH et sida. Ces stratégies s’intéressent à la
manière dont ces facteurs aident ou empêchent les femmes
qui sont touchées par une ou par les deux pandémies d’avoir
accès à des services. Des mesures sont également prises
pour impliquer les groupes marginalisés à tous les niveaux
de l’élaboration des politiques et des programmes, en passant de la conception à la planification, à l’application, au
suivi et à l’évaluation.
3) Les pratiques prometteuses favorisent
l’appropriation par la collectivité
Les pratiques prometteuses impliquent la collectivité dans
la lutte contre la conjonction de la violence à l’égard des
femmes et des filles et du VIH et sida. Elles impliquent les
dirigeants communautaires et tiennent la collectivité responsable d’entretenir un climat qui favorise le respect et la
défense des droits des femmes. Afin d’obtenir l’adhésion de
la collectivité, les interventions doivent aussi être adaptées
aux cultures, aux populations et aux circonstances existantes. Compte tenu du rôle joué par la collectivité dans la
12 Ensemble nous devons!
création et le maintien des normes sexospécifiques, il peut
parfois être nécessaire de contrebalancer les prétendues
‘valeurs traditionnelles’ en faisant reconnaître et valider les
droits des femmes. Dans de nombreux cas, les stratégies
décrites dans ce rapport permettent d’organiser un dialogue
communautaire afin d’élargir l’interprétation qui est faite de
la culture et d’y intégrer une perspective plus égalitaire, en
se servant d’outils de communication comme les médias et
les divertissements pour éduquer la population et la sensibiliser.
4) Les pratiques prometteuses permettent aux
groupes de la société civile de responsabiliser les décideurs
Les femmes qui sont les plus touchées par la double pandémie sont le plus à même d’évaluer l’efficacité des programmes et de recommander des politiques adaptées. Une
pratique prometteuse appuie et renforce le rôle de la société
civile dans le suivi des engagements et de leur application
aux niveaux local, national, régional et mondial, en particulier s’agissant des organisations féministes et des groupes
de lutte contre le VIH et sida. Ces pratiques permettent à la
société civile de responsabiliser les décideurs, qu’il s’agisse
de documenter des cas de violence à l’égard des femmes
et des filles, de former les femmes à l’utilisation des instruments de défense des droits fondamentaux ou de suivre les
flux financiers destinés au VIH et au sida et provenant des
pouvoirs publics ou des institutions internationales.
5) Les pratiques prometteuses favorisent les
solutions globales
Les pratiques prometteuses prennent en compte le droit
des femmes et des filles victimes de violence et touchées
par le VIH et sida à bénéficier de services de prévention,
de traitement, de soins et d’assistance. Elles favorisent
une intégration intersectorielle, en associant des parties
prenantes issues de domaines très variés, et elles sont
axées sur les nombreux besoins exprimés par les femmes
victimes d’une ou des deux pandémies. Des stratégies
efficaces permettent aux victimes de recevoir des soins en
continu, ou utilisent un système bien coordonné d’aiguillage
des patientes pour veiller à ce que les femmes et les filles
séropositives qui sont victimes de violence soient prises
en charge de manière globale. Cela signifie une attention
aux besoins physiques des patientes mais également à leur
santé mentale et à leur sécurité physique et économique.
Les réponses globales peuvent notamment comprendre
une aide et des conseils juridiques, un aiguillage vers un
dispensaire qui propose une thérapie antirétrovirale, ou un
soutien psychosocial.
6) Les pratiques prometteuses jettent un pont
entre les différents mouvements pour lutter
contre le VIH et sida et mettre fin à la
violence à l’égard des femmes et des filles
Les militants de la lutte contre le VIH et sida multiplient les
efforts pour influer sur le programme mondial de lutte contre
le sida depuis que la maladie a été dépistée. De son côté, le
mouvement de lutte contre la violence à l’égard des femmes
et des filles n’a cessé de prendre de l’ampleur et est reconnu
au niveau international. Pourtant, ils n’ont uni leurs forces
pour sensibiliser l’opinion que depuis très peu de temps. Le
sida était d’abord perçu comme une maladie affectant les
homosexuels, si bien que les programmes ne ciblaient pas
les femmes et les filles. Parallèlement, on ignorait encore
assez largement que la violence sexuelle augmente le risque
d’être infecté par le VIH et sida.
Cependant, depuis environ dix ans, les militants de la cause
des femmes mènent une action vigoureuse pour que la
problématique hommes-femmes, y compris la violence à
l’égard des femmes, soit prise en compte dans la lutte contre le VH et sida. À mesure que le nombre de femmes et de
filles contractant la maladie s’accroît et que ses incidences
socioculturelles et relatives aux droits fondamentaux deviennent plus largement connues, la prise de conscience
des liens entre les deux pandémies s’est amplifiée. Les
pratiques prometteuses permettent aux militants des deux
mouvements d’établir des liens et renforcent leurs capacités
de travailler ensemble.
Srikanth Kolari/ActionAid Date de creation originale : 28 mars 08 Pays : Inde
Meena, 35 ans, a quatre enfants. Elle est séropositive depuis 13 ans.
Meena a adhéré à MILANA il y a cinq ans. Selon elle, “En offrant un
soutien psychosocial, des conseils à domicile notamment sur la nutrition, nous parvenons à toucher de nombreuses femmes séropositives.
Karnataka (Inde). 28 mars 2008
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 13
Rallier des groupes à une cause
Comme un caillou dans la mare, le VIH a un effet d’onde dans toute la société :
il touche d’abord la famille, puis la communauté et enfin le pays entier.
—ONUSIDA, 2007
diverses stratégies qu’elles mettent en œuvre dans des
contextes culturels variés mais offrant de grandes similarités – l’Afrique du Sud et l’Asie du Sud. En organisant des
débats ouverts avec des populations déterminées, comme
par exemple les hommes jeunes ou les familles, les stratégies utilisées sensibilisent ces derniers à la problématique
hommes-femmes.
Srikanth Kolari/ActionAid Date de création originale : 28 mars 08 Pays : Inde
Une réunion Stepping Stone à MILANA, avec Christy Abraham
d’ActionAid et Jyothi Kiran de MILANA. Karnataka (Inde). 27 mars 2008
L’inégalité entre les sexes est un facteur capital qui favorise la propagation des deux pandémies, et les collectivités
contribuent à créer et à perpétuer des normes destructrices
d’inégalité entre les sexes. Dans de nombreuses sociétés, les
valeurs culturelles et les traditions encouragent les hommes
et les garçons à adopter des comportements agressifs,
voire violents, qui sont pour eux un moyen d’exprimer leur
masculinité. Dans certains cas, ces normes se manifestent
par la perpétuation de la violence à l’égard des femmes et
des filles et, dans d’autres cas, elles sont exprimées chez
les hommes par des comportements sexuels à risque. Dans
de nombreuses sociétés, les inégalités entre les sexes ne
sont pas reconnues comme une violation des droits des
femmes, elles sont même considérées comme naturelles et
nécessaires.
Tant que les collectivités ne reconnaîtront pas que la violence
à l’égard des femmes est un phénomène courant et que
les femmes et les filles sont de plus en plus vulnérables au
VIH, il est pratiquement impossible que les membres d’une
collectivité contribuent à résoudre le problème. Les organisations décrites dans ce chapitre s’efforcent d’engager
les collectivités ciblées à reconnaître le rôle qu’elles jouent
dans la propagation de la violence et du VIH et sida, en la
favorisant, et parfois même en la perpétuant. Elles utilisent
14 Ensemble nous devons!
Ce sentiment de compassion et de proximité est essentiel
car c’est surtout son absence qui favorise la violence.20 En
outre, en insistant sur le rôle actif que tous les membres
de la collectivité peuvent jouer dans la lutte contre les deux
pandémies, ces stratégies permettent à chacun d’avoir la
maîtrise de son propre comportement. Elles encouragent
les hommes à devenir des alliés plutôt que des auteurs de
violence, et incitent les femmes et les filles à plaider la cause
des femmes, qu’elles soient aussi victimes ou non, et aux
familles et aux collectivités de soutenir les victimes plutôt
que de les stigmatiser et de demeurer des témoins passifs
qui tolèrent les sévices.
Les stratégies opérationnelles décrites ici illustrent bon
nombre des caractéristiques et des critères mentionnés
dans le chapitre 1. En collaborant avec une série d’acteurs
dont les attitudes et le comportement contribuent à former
les normes de société, elles favorisent l’appropriation et
l’adhésion de la collectivité, même de la part des parties
prenantes les plus sceptiques. Elles s’attaquent aux causes
profondes des pandémies et montrent que la conjonction
de la violence et du VIH n’est pas seulement un problème de
femmes. Enfin et surtout, en examinant des croyances culturelles profondément ancrées, ces pratiques aboutissent à
une compréhension plus complète de l’état d’esprit local et
permettent de créer de véritables communautés de soutien.
Encourager les hommes à
devenir des alliés : Sonke
Gender Justice (Afrique du Sud)
Dans mon travail … nous mettons en question la conception
qu’ont les hommes jeunes de ce que doit être un homme.
Quand ils disent que pour être un homme il faut prendre des
risques, nous leur faisons remarquer qu’avec certains types
de risque, il ne s’agit pas de courage, il s’agit d’infection par
le VIH. En tant qu’homme, je veux changer la mentalité des
autres hommes et des autres garçons sur leur rôle, tel qu’ils
le comprennent – de mari, de père, de membre d’une collectivité.21
—Tapiwa, Éducateur communautaire
Tapiwa est un jeune homme qui s’est donné pour mission
de s’élever contre la violence à l’égard des femmes et des
filles et ses multiples conséquences, notamment le VIH et
sida. Voir son père frapper sa mère a été une épreuve qui l’a
incité à rejoindre un mouvement en plein essor qui cherche
à redéfinir la condition masculine.
En Afrique du Sud, où la recherche a montré que toutes les
six heures une femme est tuée par son partenaire, l’histoire
de Tapiwa a une résonance toute particulière.22 De plus,
“près de 4 % des femmes âgées de 15 à 25 ans et sexuellement actives rapportent avoir eu des rapports contraints avec leur dernier partenaire (tandis que près de 10
% rapportent avoir eu un jour des rapports contraints).”23 La
violence à l’égard des femmes une fois qu’elles ont avoué
leur séropositivité est aussi beaucoup trop fréquente. Parmi les femmes séropositives qui ont participé à 17 études
en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est, il ressort
qu’entre 3,5 % et 14,6 % d’entre elles ont été victimes de
violence.24
L’histoire de Tapiwa a été enregistrée en numérique par
Sonke Gender Justice, une organisation de lutte contre les
inégalités entre les sexes, qui contribuent à la propagation
rapide du VIH et du sida. Sonke, qui signifie ‘nous tous
ensemble’, reconnaît qu’il est important d’associer les
hommes et les garçons à la lutte pour réaliser l’égalité entre les sexes. La première difficulté est de convaincre les
hommes qu’ils ont un rôle à jouer. Comme Tapiwa le raconte,
“pour les garçons, l’égalité entre les sexes ne concernait
que les femmes, et un homme ne pouvait pas se sentir
concerné. Cela me posait problème parce que je savais
d’expérience que la violence sexiste touche à la fois les
femmes et les hommes.”
Le programme phare de Sonke, appelé ‘One Man Can Campaign’, a été mis en place en février 2006. Il aide les hommes et les garçons de huit provinces d’Afrique du Sud, mais
aussi du Burundi, du Kenya, du Malawi, du Mozambique, de
Namibie et d’Ouganda, à agir pour mettre fin à la violence
familiale et sexuelle et pour favoriser des relations saines
et égalitaires.25 Les travaux de Sonke font partie d’efforts
prometteurs visant à inciter les hommes et la collectivité au
sens large à devenir des alliés dans la lutte pour réaliser
l’égalité entre les sexes, plutôt que de perpétrer la violence.
Les comportements sexuels à risque, comme la violence ou
les rapports non protégés, sont plus souvent associés aux
hommes qu’aux femmes, mais Sonke est conscient qu’on
ne peut pas convaincre les hommes en les culpabilisant, en
les accusant ou en les injuriant.
Selon Dean Peacock, co-fondateur de Sonke, “nous déployons des efforts pour souligner combien il est urgent de
mettre fin à la violence sexiste, mais nous ne devons pas
tomber dans le piège qui consiste à représenter les hommes
des régions du Sud comme étant systématiquement organisés selon le système patriarcal et invariablement violents ou
irresponsables. Parfois, l’image qui est donnée des hommes
des régions du Sud dans les discours internationaux sur le
sida risque de renforcer des stéréotypes racistes et néocoloniaux. Il faut citer nommément ce risque et le combattre :
il est contre-productif, engendre une résistance inutile de
la part de certains hommes. Un autre danger, c’est que les
organisations qui luttent contre le sida seront contraintes
d’écarter certaines stratégies, alors que celles-ci feraient
des hommes des alliés essentiels pour assurer aux femmes
le respect de leurs droits et l’accès à la santé.”
Par contre, pour appréhender les causes profondes des
comportements qui renforcent les deux pandémies, les
hommes et les garçons doivent se poser la question de ce
que signifie réellement d’être un homme. Ils peuvent par
exemple se demander en quoi les normes masculines peuvent être nocives aux hommes eux-mêmes et aux personnes
autour d’eux. Les programmes de Sonke apprennent aux
hommes et aux garçons que les mêmes normes qui tolèrent
la violence à l’égard des femmes poussent aussi les hommes
à agir de telle manière qu’ils mettent leur propre santé en
danger. Par la violence et l’agression, par la recherche de
nombreux partenaires sexuels ou par des rapports non protégés, les normes relatives à la ‘masculinité’ et à la prouesse
sexuelle peuvent exposer les hommes et les garçons à des
maladies sexuellement transmissibles comme le VIH. Ces
normes sont d’autant plus dangereuses que les hommes
utilisent peu les services de dépistage du VIH. Parce qu’ils
craignent que leur séropositivité soit connue et craignent la
réprobation sociale, parce qu’ils veulent continuer à avoir
des relations sexuelles multiples ou pour d’autres raisons,
les hommes qui font faire un test de dépistage et se soignent
pour le VIH en Afrique du Sud sont nettement moins nombreux
que les femmes.
Sonke encourage les hommes et les garçons à réfléchir aux
conséquences de leurs actes sur leur propre mère, sœurs
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 15
“
Pour les garçons, l’égalité entre les sexes ne concernait que
les femmes, et un homme ne pouvait pas se sentir concerné.
Cela me posait problème parce que je savais d’expérience que
la violence sexiste touche à la fois les femmes et les hommes.
”
et filles, sur leurs collègues, sur les femmes qui militent
avec eux et leurs amies. Une fois que les hommes ont pris
conscience que les femmes et les filles qu’ils aiment sont
vulnérables et peuvent être touchées par les deux pandémies, on peut les mobiliser pour faire changer les comportements qui sont la cause de la propagation de la violence à
l’égard des femmes et des filles et du VIH et sida. Sonke
fait également appel aux principes sud-africains traditionnels de l’Ubuntu – l’idée selon laquelle les individus puisent
leur humanité dans leurs relations avec les autres – pour
impliquer de plus grandes collectivités et encourager les dirigeants locaux à appuyer leur action. Le fait de travailler
à la fois avec les chefs traditionnels et les administrations
locales leur permet de gagner de la crédibilité et de changer
les normes culturelles. Sonke a par exemple collaboré avec
des chefs spirituels et des chefs traditionnels influents dans
une province rurale pauvre, en les formant sur les liens qui
existent entre la violence, le VIH et sida, ainsi que le rôle et
la responsabilité des hommes dans la lutte contre ces deux
pandémies. L’un de ces chefs a déclaré, “j’ai toujours pensé
que des questions comme celle de l’égalité n’avaient pas
leur place en Afrique. Mais à présent je me rends compte
que je dois faire quelque chose.”26
Afin de s’assurer de la durabilité de son travail, Sonke renforce les compétences de direction et les capacités au
niveau des administrations locales, régionales et nationales,
et travaille en coordination avec le dispositif national pour
l’égalité entre les sexes. Il veille également à ce que tous
les services ministériels, dans le cadre de leurs activités,
aident à transformer la manière de penser des hommes à la
question de l’égalité des sexes. Son objectif est de transposer ses activités à une plus grande échelle en attirant des
institutions plus grandes, mieux financées, qui acceptent
d’investir dans leur méthode. M. Peacock poursuit, “Nous
coopérons aussi avec les administrations locales pour les
convaincre de prendre en charge les activités – pour qu’ils
forment leur propre personnel à la mise en œuvre des
activités avec les hommes – pour s’assurer que leur action
ne cessera pas lorsque Sonke ne les financera plus ou sera
parti dans une autre région. Les autorités doivent prendre en
charge les activités et financer et appuyer les organisations
16 Ensemble nous devons!
de la société civile au niveau local pour qu’elles poursuivent
les activités dans leur région.”
Outre l’appui aux gouvernements, Sonke plaide aussi pour
qu’ils respectent leur obligation constitutionnelle de faire
progresser l’égalité entre les sexes. L’organisation a récemment poursuivi en justice un haut fonctionnaire du parti au
pouvoir pour des propos misogynes qu’il avait tenus en
public. Sonke a également fait des déclarations dans la
presse et organisé des manifestations publiques pour exiger
que des actions en correctionnelle soient rapidement entreprises contre les auteurs de viols et de violence familiale qui
ont lieu dans leur collectivité.
L’impact réel du travail accompli par Sonke est difficile à
mesurer, mais les évaluations effectuées montrent une évolution sensible de l’attitude des hommes et de ce qu’ils
savent de l’égalité entre les sexes, des relations sexuelles
et des droits des femmes. D’après une évaluation d’impact,
les participants ont affirmé avoir changé sensiblement de
comportement dans un court délai, dans les semaines qui
ont suivi les ateliers de Sonke; 25 % avaient consulté un
service de dépistage volontaire et d’accompagnement
psychologique, 50 % avaient signalé des cas de violence
sexiste et 61 % avaient davantage utilisé le préservatif.27
Les enquêtes montrent qu’après avoir participé à un atelier
organisé par Sonke, une majorité d’hommes changent
d’avis sur leur droit de battre leur partenaire ou de la forcer
à avoir des relations sexuelles quand elle ne le souhaite pas.
C’est grâce à ce changement de comportement chez les
hommes, les uns après les autres, que l’état d’esprit communautaire se transforme.
Mettre en place des réseaux
en Inde, famille par famille
MILANA est une véritable famille pour moi. Ses membres
sont comme des parents. Cela m’a sauvé la vie et m’a donné
la force d’affronter le monde.
—Une femme membre de MILANA
Dans une société qui ignore presque tout du sida, admettre
qu’on est séropositif peut faire le même effet que d’annoncer
sa propre mort. Mais, “pour les membres de MILANA, le fait
de faire part de son statut sérologique à sa famille et à la
collectivité est perçu comme une affirmation de son identité,
comme un moyen de briser le silence et la réprobation qui
accompagnent trop souvent le virus.”28
MILANA est un réseau d’appui composé de femmes qui
vivent avec le VIH et sida et de leur famille. Ce qui n’était
au départ, en 2000, qu’un groupe informel composé de
cinq femmes séropositives à Bangalore (Inde), s’est transformé en un réseau dynamique et une ressource essentielle. Au début, les femmes n’osaient pas révéler leur statut
sérologique à leurs voisins ou à leur famille, mais la politique d’ouverture de MILANA a encouragé les participantes
et leur famille à exprimer leurs sentiments sans avoir à
subir aucune réprobation ni aucun jugement. Depuis le tout
début, MILANA, qui signifie ‘s’associer’ dans une langue
locale, servait de refuge aux familles qui faisaient face au
VIH et pouvaient ainsi discuter ensemble de leur expérience
commune. Ce genre d’espace est rare en Inde; il existe de
nombreux réseaux de personnes séropositives mais peu de
groupes d’appui axés sur les familles.
MILANA insiste sur l’importance de renforcer les relations
personnelles, et il encourage les femmes à parler de leurs
problèmes. Les familles se rencontrent pour partager un lieu
et une relation amicale, unies par une expérience commune,
celle d’avoir un ou plusieurs membres séropositifs dans
leur famille. Les réunions sont vivantes, animées et surtout
libératrices. Selon Jyothi Kiran, coordonnatrice de projet à
MILANA, “les femmes pleurent beaucoup, et quand elles
ont séché leurs larmes, on s’assied et on discute. Les thérapies de groupe sont utiles car ces femmes vivent toutes la
même chose et peuvent se soutenir et se rendre plus fortes
les unes les autres. Elles apprennent et elles partagent leur
expérience, ce qui contribue à renforcer la confiance parmi
les membres.”
Les réunions de MILANA aident à diminuer l’isolement physique et affectif des femmes, tout en renforçant leur émancipation. Grâce au groupe, elles ont pu, pour la première fois,
avouer leur séropositivité et rencontrer d’autres personnes
séropositives. D’autres se font accompagner aux réunions
par des membres de leur famille, ce qui constitue une
occasion importante, pour ceux qui leur sont chers, de mieux
comprendre leurs difficultés. Pour ceux qui ne disposent pas
d’un réseau d’appui, MILANA fait office de famille étendue.
Un tel appui, dans le cadre familial, est particulièrement important dans ce pays où les femmes et les filles mariées
sont spécialement vulnérables au VIH. D’après une enquête
représentative nationale, plus de 95 % des femmes indiennes
mariées et séropositives (sur environ 125 000 femmes interrogées) se déclarent monogames.29 Ces données sur
l’Inde sont représentatives de la tendance mondiale : 30 ce
sont souvent les aventures extraconjugales du mari et son
comportement sexuel à risque qui mettent sa partenaire en
danger, mais ce sont souvent les femmes et les filles qui
sont les premières au foyer à découvrir qu’elles sont séropositives. Les résultats, que les femmes découvrent souvent à l’occasion d’un examen prénatal, peuvent provoquer
des reproches, de la violence, un rejet ou un abandon de
la part du partenaire, de la famille ou de toute la communauté. Cet ostracisme, réel ou ressenti, ainsi que le manque
d’informations, peuvent empêcher les femmes de quitter un
partenaire qui les maltraite, de bénéficier d’un traitement ou
d’avoir accès à d’autres services.
Les activités de MILANA se situent à la conjonction des
deux pandémies en raison des difficultés que rencontrent
les femmes séropositives pour lutter à la fois contre le virus et contre la discrimination sociale et la violence qui
l’accompagnent. Aujourd’hui, MILANA aide les personnes
non seulement par le moyen du soutien mutuel et de la camaraderie, mais aussi parce qu’elle octroie aux femmes
séropositives et à leur famille des moyens d’agir. Comme
MILANA est à la fois un groupe d’entraide et un centre
d’informations, les participantes peuvent apprendre tant les
unes des autres que des conseillères et des spécialistes du
sujet. Le groupe a l’entière maîtrise des réunions, car ce sont
les femmes elles-mêmes qui décident de leur programme;
elles peuvent par exemple choisir de faire appel aux services sociaux et médicaux, de parler des effets secondaires
des traitements ou apprendre comment aborder le sujet de
leurs droits et en exiger le respect.
L’action de MILANA va au-delà du partage d’idées en
groupe. Dans le cadre de l’approche globale de lutte
contre la double pandémie, des conseillères, qui sont aussi
des membres de MILANA et qui assistent aux réunions, se
proposent d’effectuer des visites et des soins à domicile.
Elles y mènent une action de sensibilisation au VIH auprès
de toute la famille, proposent des conseils sur la nutrition et
les soins et, lorsque cela est nécessaire, elles surveillent et
signalent les situations de violence. De plus, les membres
de MILANA se servent de leur pouvoir de groupe pour tenter de responsabiliser les décideurs, en se mobilisant pour
obtenir des prestations gouvernementales telles que des
cartes de rationnement, des médicaments et des comptes
bancaires. Lorsque le Gouvernement indien a adopté un
médicament aux effets secondaires graves dans le cadre
d’un programme de soins gratuits, les femmes de MILANA
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 17
ont été les premières à protester. Le fabricant est venu à
une de leurs réunions pour défendre son produit, mais le
médicament a finalement été retiré du programme grâce à
la mobilisation des femmes.31
Plus de 300 familles sont maintenant membres de MILANA,
et toutes sont venues par le biais du bouche à oreille.
Près de la moitié des femmes séropositives sont veuves,
et la plupart ont moins de 35 ans. Huit pour cent sont des
grands-parents qui s’occupent d’enfants. Beaucoup appartiennent à des castes marginalisées, aux tranches d’âge
les plus jeunes ou les plus âgées, ou à d’autres catégories
vulnérables. Sans le soutien de MILANA, la plupart d’entre
elles n’auraient jamais pu être suffisamment informées ni
sûres d’elles pour réclamer leurs droits.
Utiliser la radio pour changer
les mentalités locales : Equal
Access Nepal
J’appartiens à la communauté Chaudari [une minorité
ethnique], où les personnes infectées par le VIH et sida
reçoivent très peu de soutien. Je sais à présent que les gens
doivent aider et prodiguer des soins à ceux qui sont infectés.
—Un auditeur d’une collectivité locale,
après avoir écouté l’émission ‘VOICES’
Parfois la voix des groupes les plus marginaux peut provoquer un fort appel à l’action. Au Népal, pays où le taux
d’analphabétisme est élevé et où la plus grande partie de
la population n’a accès ni au téléphone, ni à la télévision,
ni même à l’électricité, la radio demeure un moyen efficace de s’adresser aux masses. La tradition orale est forte
dans ce pays pauvre fragilisé par dix ans de guerre civile.
Les femmes et les filles ont énormément souffert dans ce
conflit interne. Dans ce contexte, Equal Access Nepal a vu
l’occasion de mieux faire entendre la voix de ces femmes
par le biais de la radio. C’était là une progression naturelle
pour Equal Access Nepal, qui produit des émissions qui
traitent de questions urgentes et souvent controversées.
Selon Nirmal Rijal, Directeur de pays, “la radio est le moyen
dont on se sert pour changer les mentalités et favoriser le
dialogue sur des sujets de société délicats.”
Avec 118 lois discriminatoires à l’égard des femmes et des
filles, le Népal a grand besoin de débattre sur les relations
entre les hommes et les femmes. Parler de sujets difficiles à
la radio et par le biais de débats collectifs contribue à briser
les tabous et incite la population à adopter des comporte-
18 Ensemble nous devons!
Brian Sokol/ActionAid Date de création originale : 05 décembre 08 R.-U.
Branded image/Pays : Népal
Sumitra Thami, 34 ans, participe à une manifestation contre la violence
sexiste. Près de 700 femmes y ont participé, ainsi qu’à un concours de
chant et de danse, organisé le 5 décembre 2008. Cet événement, qui a
eu lieu dans le village de Lapilang dans le Dolakha, région montagneuse
du Népal, a été organisé par HURATEC Népal (Human Rights Awareness and Development Center) en coordination avec la campagne HungerFREE d’ActionAid.
ments plus responsables et sans risque. Depuis 2003, Equal
Access lutte à la fois contre le VIH et contre la violence à
l’égard des femmes et des filles au moyen d’émissions
ciblées. L’émission Safe Migration Radio and Outreach,
par exemple, s’intéresse aux travailleurs migrants qui sont
menacés par la conjonction des deux pandémies, au Népal
et ailleurs. On estime que plus de 41 % des travailleurs
migrants saisonniers népalais qui rentrent d’Inde sont séropositifs.32 Un grand nombre de ces hommes ont des relations sexuelles non protégées au cours de leurs voyages,
risquant ainsi d’infecter leur femme ou leur partenaire à leur
retour.
L’émission Safe Migration raconte les aventures de Narendra,
un jeune travailleur migrant népalais en Inde. Grâce à la
radio satellite, les travailleurs migrants sont ciblés à la fois
au Népal, leur pays, et en Inde, leur pays d’accueil. Equal
Access encourage les migrants partis et ceux qui sont rentrés à écouter les émissions en famille et à participer aux
débats suscités par l’animateur. L’émission provoque beaucoup d’émotion chez les auditrices, et certaines d’entre
elles cherchent à présent à encourager les membres de leur
collectivité à adopter des pratiques sexuelles sans risque.
Avec ‘VOICE’, une nouvelle émission qui traite des liens
entre la violence et le VIH, Equal Access poursuit son travail d’information et implique encore davantage la collectivité. Créée à la suite des réactions de la population et de
nombreuses lettres d’auditeurs, ‘VOICE’ utilise des journaux
audio, des entretiens, des chansons et autres chroniques
pour produire des témoignages personnels de femmes
séropositives ou victimes de violence. Les histoires sont
poignantes et sans complaisance car elles sont racontées par
la voix de personnes exclues et souvent silencieuses. Equal
Access apprend à des groupes de femmes marginalisées,
comme les travailleuses sexuelles, les séropositives, celles
qui sont en prison et les femmes de travailleurs migrants à
réaliser des reportages et des entretiens. Un grand nombre
de ces femmes ont été témoins de violence familiale, appartiennent à des familles infectées par le VIH ou vivent dans
des situations de conflit, de déplacement interne ou de
migration. Dans leur rôle de ‘journalistes communautaires’,
les femmes créent elles-mêmes l’information et animent des
débats, tant à l’antenne que lors de plus petites réunions
communautaires. Le travail qu’elles accomplissent est
essentiel car il permet à celles et ceux qu’on n’entendrait
autrement jamais de s’exprimer. Dans le cadre de leur travail
de reportage, elles ont collecté plus de 350 témoignages
des zones rurales, principalement de femmes, et les ont diffusés sous forme d’entretien, de vox pops, de monologues
et de chroniques.
Ce type de formation non seulement encourage les femmes
à s’exprimer, mais les débats menés par des groupes
d’écoute accompagnés d’un animateur contribuent à
ce que les membres séropositifs de la collectivité locale
soient moins victimes d’ostracisme. Une formation juridique
pour les dirigeantes et les membres de la communauté
vient compléter les débats à la radio et incite les victimes
de violence et les femmes séropositives à connaître et à
faire valoir leurs droits. Avec la permission des personnes
concernées, les témoignages recueillis pour les émissions
de radio sont communiqués aux ONG, aux institutions de
l’ONU et à d’autres organisations qui agissent pour sensibiliser l’opinion.
Tout comme pour l’émission Safe Migration, Equal Access
veille à ce que ‘VOICE’ touche les collectivités mal
desservies. En plus de diffuser au Népal et en Inde pour
les migrants népalais, une version adaptée de l’émission
est enregistrée sur des cassettes audio qui sont ensuite
distribuées aux routiers, aux chauffeurs de bus qui font
les longues distances, et aux principaux points de transit
comme les frontières. En outre, pour que les collectivités
s’approprient les projets et pour veiller à leur viabilité, Equal
Access collabore avec des ONG locales et les aide à informer la population et à suivre l’avancement des projets.
Les partenaires sont scrupuleusement choisis pour leurs
connaissances sur le VIH et sida ou sur la violence à l’égard
des femmes et des filles, ou les deux. Equal Access maintient aussi des liens solides avec les collectivités locales
et emploie des personnes ayant été victimes d’une ou des
deux pandémies.
Il est un peu tôt pour évaluer précisément l’influence de
l’émission ‘VOICE’, mais les rapporteurs de la collectivité
observent une réduction notable de la réprobation dans
l’entourage des personnes infectées ou victimes. Selon une
femme, “depuis l’émission du 18 juillet, qui a diffusé un entretien que j’avais enregistré, on ne me regarde plus du tout
de la même manière, ceux qui m’ignoraient m’encouragent,
et cela m’a incité à faire plus pour les femmes de ma localité”. Grâce au projet, un cadre de femmes informées, ayant
les compétences voulues, s’est mis en place; ces femmes
ont eu l’idée de lancer un débat communautaire sur les conséquences de la violence et du VIH et sida, et sur les liens
entre les deux. C’est ainsi que le recours à la radio au Népal
est très prometteur comme moyen de changer l’attitude de
la collectivité vis-à-vis de la double pandémie.
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 19
Impliquer les groupes exclus
La discrimination sexiste et les discriminations fondées sur d’autres différences,
telles que la race, l’ethnie, la religion ou le statut social, s’entrecroisent. C’est ainsi
que la plupart des femmes dans le monde se retrouvent doublement ou triplement
marginalisées.
—Radhika Coomerswarmy,
ex-Rapporteure spéciale sur la violence à l’égard des femmes et des filles,
ses causes et ses conséquences
Dans la plupart des régions du monde, il existe de très
grandes disparités en termes d’accès à l’éducation, aux
perspectives sociales et politiques et à l’autonomisation
économique, selon que l’on appartient ou non à une minorité raciale, ethnique ou à d’autres minorités. La vulnérabilité
des femmes et des filles à la violence et au VIH et sida est
due à la fois aux inégalités entre les sexes, mais aussi aux
inégalités sociales fondées sur la race, la classe sociale,
l’ethnie, l’âge et l’orientation sexuelle, entre autres facteurs.
Ces inégalités se retrouvent dans le Nord comme dans le Sud,
quel que soit le cadre social. Au Brésil par exemple, la recherche
montre que les femmes noires et mulâtres souffrent davantage
de pauvreté, ont moins accès aux soins de santé de base
et ont un taux de contamination au VIH plus élevé que les
femmes blanches.33 Aux États-Unis, les Afro-Américaines
et les Latino-Américaines constituent 25 % de la population
des femmes, mais elles représentent 81 % des femmes
vivant avec le VIH.34 La discrimination n’est pas seulement
manifeste au niveau individuel et au niveau communautaire,
elle est aussi inscrite dans les lois, les politiques et les
structures étatiques elles-mêmes.
Pour ce qui concerne le VIH et sida et la violence à l’égard
des femmes et des filles, la discrimination fondée sur le
sexe et la race peut être aggravée par l’orientation sexuelle.
On pense que les femmes qui ont des relations sexuelles
avec d’autres femmes ont moins de risques de contracter
le VIH, mais la violence à l’égard des lesbiennes sous forme
de viols punitifs peut augmenter ce risque. En Afrique du
Sud par exemple, les viols de lesbiennes sont montés en
flèche,35 surtout dans les townships noirs, où elles sont
perçues comme des contestatrices du pouvoir masculin.
Dans d’autres cas, on oblige les femmes ayant des rapports
sexuels avec d’autres femmes à se marier pour les ‘guérir’
de leur homosexualité.36
20 Ensemble nous devons!
Les inégalités entre les sexes face au VIH sont également
plus grandes chez les filles jeunes. Outre qu’elles sont plus
vulnérables au VIH d’un point de vue biologique, leurs difficultés économiques et sociales les prédisposent à être
victimes de formes de violence multiples comme la traite,
les transactions sexuelles, la violence familiale, l’initiation
sexuelle contrainte, le mariage forcé et le viol conjugal. Les
transactions pour arranger des relations entre des jeunes
femmes et des hommes plus âgés sont de plus en plus courantes dans les régions touchées par le VIH et sida, que
ce soit par le biais de mariages d’enfants, d’entretien financier en échange de faveurs sexuelles, ou d’autres types
d’arrangements sexuels. Trois études au moins ont montré
que plus la différence d’âge entre l’adolescente et son partenaire est importante, plus elle court le risque de contracter le
VIH.37 En outre, les pratiques sexuelles à risque, comme par
exemple le fait de ne pas utiliser de préservatif ou de ne pas
parler du VIH avec sa partenaire, sont très souvent liées à la
grande différence d’âge entre l’homme et la femme.38
Pour s’attaquer à ces pandémies et obtenir des résultats, il
faut être au fait de la manière dont ces deux infections se
rejoignent pour créer les différentes couches de discrimination. Les stratégies qui sont présentées dans ce chapitre
traitent d’aspects différents de la marginalisation qui comportent des similarités. Dans les collectivités où elles travaillent, les organisations se heurtent souvent à l’hostilité dans
leur action d’information, d’éducation et d’autonomisation.
En partant du principe que savoir, c’est pouvoir, ces organisations soutiennent les femmes et les filles en renforçant
leur estime d’elles-mêmes, et elles leur proposent de les
préparer à la vie et les sensibilisent à leurs droits. Elles encouragent également les femmes et les filles à être des ambassadrices de la cause en enseignant aux autres femmes
ce qu’elles ont elles-mêmes appris et en recommandant à
leurs sœurs de se protéger de la violence et du HIV et sida.
S’occuper des femmes noires
là où elles vivent : Criola
(Brésil)
Nous devons placer les femmes et les filles noires au centre
de nos services et de nos décisions. Il n’y a pas seulement
une épidémie. Il y a différentes expériences du VIH vécues
par différents groupes.
—Jerema Werneck, Directrice exécutive de Criola
Le Brésil a été le premier pays en développement à mettre
en place un plan de lutte contre le VIH et sida, et il est de ce
fait devenu un modèle dans la lutte contre la pandémie. De
nombreux autres pays ont adopté les directives de prévention et de traitement du Brésil, et le nombre de décès liés
au VIH et sida a très nettement baissé. Pourtant, malgré
leur réputation dans le monde entier, les politiques et les
programmes des pouvoirs publics ont un défaut majeur :
les services ne sont pas aisément accessibles aux femmes
et aux filles afro-brésiliennes, qui sont justement celles qui
sont les plus vulnérables au VIH et à la violence.
Jusqu’à une époque récente, les stratégies brésiliennes de
lutte contre le VIH ne tenaient pas officiellement compte de
l’impact de la race. C’est seulement en 2000 qu’on a commencé à collecter des données sur le VIH en fonction de
la race, et ces données n’ont pas encore été intégrées aux
plans de lutte contre le VIH et sida. En outre, aucun programme parrainé par l’État n’a pris en compte l’interaction
entre la discrimination raciale et la discrimination sexuelle.
Selon Jerema Werneck de Criola, une organisation qui
s’efforce de rendre les femmes et les filles afro-brésiliennes
autonomes, “la difficulté réside dans la façon dont toutes les
politiques relatives au VIH et sida ont été conçues d’emblée.
Le principe directeur s’est dégagé d’une démarche fondée
sur l’idée que le VIH et sida ne touchait que les hommes
blancs ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes.
C’est à partir de cette idée qu’on a compris l’épidémiologie
et cela s’est traduit par l’utilisation de préservatifs et parfois par la prise de médicaments. Ces méthodes restreintes
compliquent la vie des autres catégories de la population,
surtout celle des femmes et des filles noires.”
La conséquence en est une vulnérabilité croissante au VIH,
surtout pour les femmes et les filles noires.39 Au Brésil, la
relation entre la race, le sexe, la violence et le VIH n’est nulle
part aussi fréquente que dans les favelas, ou bidonvilles.
Parce qu’elles vivent dans des quartiers en proie à la violence et au crime, les femmes et les filles des favelas sont
régulièrement victimes de brutalités, notamment de viol et
ActionAid/UK branded image Date de création originale : 29 avril 09 Pays : Brésil
Gabriele, 10 ans, avec son cousin Marcio Eduardo (17 mois) chez elle à
São João de Meriti au Brésil.
de violence sexuelle, et elles sont à la fois aux mains des
criminels et de la police. Les femmes séropositives ellesmêmes sont parfois victimes de bandes, et il arrive qu’on
leur impose un dépistage du VIH.40 Il est aussi arrivé que
les femmes dont le résultat était positif soient chassées de
leur quartier ou soient victimes de représailles, voire tuées.41
La situation est si extrême que les agents de santé hésitent
souvent à informer les femmes de leur séropositivité par
peur de les mettre en danger.
Mme Werneck et ses collègues de Criola travaillent dans
ces quartiers de Rio de Janeiro depuis 1992, où ellesmêmes font face à des situations de violence, des fusillades
et des affrontements entre bandes, qui constituent malheureusement la toile de fond de leur action. Celle-ci consiste
à aider les femmes à devenir autonomes en développant
leurs capacités. Criola comble un grand vide en mettant à
la disposition des habitants des favelas des informations et
des services. Les femmes et les filles qui sont victimes de
violence dans ces quartiers et les femmes qui vivent avec
le VIH ne savent pas toujours vers où se tourner pour obtenir le soutien et les services dont elles ont besoin. Comme
Mme Werneck l’explique, “la violence déplace les femmes,
à la fois géographiquement quand elles fuient le danger,
et affectivement quand elles sont victimes de violence ou
qu’elles se relèvent d’une situation traumatisante et ne
peuvent par conséquent pas se lier à la société, nouer des
relations extérieures et trouver des ressources. Il y a ainsi un
véritable gouffre, au sens propre et au sens figuré, entre leur
situation géographique ou affective d’une part et, d’autre
part, les services de prévention et de soins et les informations sur le VIH et sida dont elles pourraient bénéficier.”
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 21
Criola comble cette brèche en apportant ses services aux
femmes là où elles se trouvent. En fait, on peut dire que ses
activités sont encourageantes justement parce que cette
organisation intervient dans des zones où l’État refuse de
pénétrer. La réprobation et la discrimination empêchent les
pouvoirs publics d’affecter suffisamment de ressources aux
habitants des favelas. La peur de la violence et du crime
ajoutent à la difficulté de transmettre le peu de ressources
destinées aux services. Selon Mme Werneck, “le gouvernement a un programme de porte-à-porte, mais personne
ne se rend là où vivent les femmes et les filles noires. Les
intervenants de l’État qui vont voir les gens à domicile se
soucient de leur propre sécurité … et donc ils évitent ces
quartiers”. Par contre, l’action de Criola dans les favelas
donne aux femmes pauvres et marginalisées un sentiment
de sécurité et d’appartenance, surtout dans les quartiers
assaillis par la drogue et le crime.
Criola a été créée pour lutter contre les formes multiples
de marginalisation dont les femmes des favelas sont victimes. Reconnaissant que ces femmes doivent “faire face
au racisme, au sexisme et à l’homophobie qui sont courants
dans la société brésilienne”, Criola leur donne les moyens
d’affronter la violence, de renforcer leur estime d’ellesmêmes, de plaider pour leurs droits et d’assumer leur héritage afro-brésilien. En plus de compétences concrètes,
comme la capacité de créer des revenus ou de négocier
des rapports sexuels protégés, Criola fait naître un sentiment de fierté parmi les femmes des favelas. Dirigées par
des femmes noires venant de divers horizons, les membres
du personnel servent de modèles pour les jeunes filles qui
ne connaissent pas grand-chose en dehors de la vie dans
les favelas. La documentation didactique contient des
informations sur la religion et la culture traditionnelle afrobrésiliennes afin que ces filles et ces femmes, qui sont
souvent déconnectées à la fois de la culture brésilienne et
de leur propre héritage africain, puissent avoir une meilleure
estime d’elles-mêmes.
“Pour favoriser une prise de conscience sanitaire, Criola
fait appel à la culture, aux connaissances, à la tradition et à
l’expérience des religions afro-brésiliennes, qui non seulement ont un point de vue particulier sur les notions de santé
et de bien-être mais constituent aussi un lien direct avec un
héritage africain ancestral. Criola utilise la culture originaire
des descendants africains pour restructurer, réorganiser et
donner aux femmes noires une autonomie là où elles vivent.
Ces tactiques ont mis en valeur l’importance et l’utilité de
l’héritage culturel africain pour comprendre les conditions
sanitaires de ces femmes et pour remettre en question la
manière dont les politiques, les soins et les pratiques sanitaires sont appliqués au Brésil.”42
22 Ensemble nous devons!
De plus, le travail accompli par Criola sert aussi de plaidoyer pour d’autres causes. L’organisation collabore depuis
longtemps avec des femmes afro-brésiliennes pour produire des données qui montrent les effets disproportionnés
du VIH sur les populations noires du Brésil. Ces données
sont communiquées aux décideurs et aux services de la
santé publique afin de faire pression et obtenir des ressources
supplémentaires pour la santé des femmes noires. Une stratégie analogue est utilisée pour encourager les femmes et
les filles noires à participer à la politique. L’objectif à long
terme de Criola est d’accroître le nombre de femmes politiques noires, dans l’espoir qu’elles parviendront à élaborer
de meilleures politiques pour satisfaire les besoins de leurs
sœurs.
Sensibiliser chez soi et faire
preuve de solidarité féminine
à l’étranger : Women of Color
United (WOCU – États-Unis
d’Amérique)
Il n’existe pas de lutte portant sur un problème unique car la
vie ne comporte pas de problème unique.
—Audre Lorde, poétesse et militante afro-américaine
L’expérience de Criola auprès des femmes noires au Brésil
fait écho à celle d’autres groupes qui interviennent auprès
de populations comparables aux États-Unis d’Amérique,
où le sida est la première cause de mortalité chez les AfroAméricaines. Selon Dázon Dixon Diallo, fondatrice de SisterLove, une organisation qui fait partie de Women of Color
United (WOCU), “ce que vivent les femmes noires aux ÉtatsUnis reflète souvent ce que vivent les femmes dans les pays
du Sud”. Une étude a en effet montré que si la population
noire américaine formait un pays, celui-ci arriverait juste
après la Côte d’Ivoire en nombre d’habitants séropositifs.43
Fondée en 2007, Women of Color United (WOCU) est un
réseau regroupant plus de 70 organisations de femmes
noires aux États-Unis d’Amérique. Il vise à renforcer collectivement les capacités de ses membres et d’autres femmes
pour prôner des politiques de lutte contre la conjonction de
la violence à l’égard des femmes et des filles et du VIH et
sida à l’échelle mondiale. WOCU reconnaît que si tous les
Noirs des États-Unis ne sont pas homogènes, ils ont pourtant bien souvent en commun d’être victimes d’inégalités en
termes de statut social, de visibilité et de pouvoir politique.
Parmi les Afro-Américaines, par exemple, le simple fait que
le réseau WOCU existe est important à cause du silence
omniprésent qui entoure la violence, le VIH et les liens entre
les deux.
Comme l’explique Mme Diallo, la marginalisation des AfroAméricaines est généralement aggravée par des modes
de comportement qui peuvent avoir des conséquences
néfastes sur la population noire. Il s’agit notamment des
femmes qui sont mal à l’aise avec leur corps et avec leur
sexualité, de l’absence de discussions ouvertes sur la
sexualité et les maladies sexuellement transmissibles dont
le VIH, ou encore un respect aveugle pour les soignants,
même lorsque ceux-ci sont mal informés ou partiaux. Alors
qu’autrefois les aînées partageaient parfois leurs connaissances avec les femmes plus jeunes, ce type de relation est
moins courant aujourd’hui. Cette tradition du silence contribue à renforcer une tendance qu’ont les femmes à cacher
à la fois la violence dont elles sont victimes et leur séropositivité.
WOCU aide les actions de sensibilisation des divers
membres du réseau. Le réseau utilise sa force collective
pour contribuer à la base de données factuelles et sensibiliser l’opinion, surtout dans les collectivités qui n’ont pas
beaucoup entendu parler des relations qui existent entre la
violence à l’égard des femmes et des filles et le VIH et sida.
Pour s’attaquer à ce silence, l’un des moyens est de collecter davantage de données sur la conjonction de la violence
et du VIH et sida aux États-Unis. Alors que la plupart des
recherches menées actuellement sur les Afro-Américaines
sont d’ordre qualitatif et font une large place à l’anecdote,
WOCU se mobilise pour quantifier les recherches et favoriser des politiques et des financements ciblés. WOCU
sert de réseau de soutien pour aider les femmes noires à
s’impliquer dans la vie politique américaine, notamment en
s’inscrivant sur les listes électorales; il cherche ainsi à aider
les personnes marginalisées de la société à devenir autonomes, et à responsabiliser les décideurs.
L’action de WOCU n’est pas seulement importante pour
le travail qu’il accomplit aux États-Unis d’Amérique, mais
aussi pour ses liens avec les mouvements militants féministes dans le Sud. Les membres de WOCU se servent de
leur position à l’intérieur des États-Unis pour plaider pour
des changements de politique à l’étranger. WOCU reconnaît
le rôle essentiel du système politique américain, aux ÉtatsUnis et dans le monde, et il fait pression sur les décideurs
pour qu’ils favorisent les principales initiatives mondiales
comme la Loi internationale sur la violence à l’égard des
femmes et la Réforme de l’aide, afin de mieux cibler la violence à l’égard des femmes et des filles et le VIH et sida.
Le nombre d’adhérentes du réseau ne cesse de croître, et
WOCU prévoit de responsabiliser les décideurs aux ÉtatsUnis et ailleurs.
Responsabiliser les jeunes :
le pouvoir des Nigérianes
Les filles sont élevées dans l’idée qu’elles doivent être soumises et humbles. Personne ne veut les entendre. Personne
ne leur prête le droit de s’exprimer.
—Bene Madunagu, Directrice exécutive,
Girls Power Initiative
Parce qu’il n’existe pas de traitement pour guérir le VIH et
sida, on a surnommé l’éducation ‘vaccin social’. Les recherches effectuées dans divers contextes montrent que
les filles qui sont allées à l’école connaissent généralement
mieux les informations de base sur le VIH, négocient plus
facilement des rapports sexuels protégés, repoussent plus
souvent l’âge auquel elles débutent leur vie sexuelle et ont
moins de risque d’être victimes de violence sexuelle et
sexiste. Au Nigéria, où plus de 83 % des filles déclarent
avoir eu des rapports sexuels avant l’âge de 20 ans,45
l’initiative Girls Power (GPI), créée en 1993, se sert du
pouvoir de l’éducation pour apprendre aux filles comment
elles peuvent négocier des relations respectueuses et éviter
les relations sexuelles non protégées. GPI constitue des
partenariats avec les administrations locales; il possède
des centres dans quatre États et il a créé des programmes
d’activité dans 28 écoles.46 Il dispense aux élèves de ces
écoles une éducation sexuelle et se mobilise pour que
les bibliothèques scolaires contiennent des moyens
pédagogiques d’éducation sexuelle.
Ces activités ne sont pas toujours aisément menées à bien
dans les groupes religieux et très conservateurs. La sexualité n’étant pas un sujet dont on parle dans la ‘bonne société’
nigériane, GPI rencontre fréquemment de la résistance de
la part de familles et d’autres personnes qui craignent que
l’éducation sexuelle favorise la promiscuité sexuelle. GPI encourage les collectivités à s’approprier les programmes en
invitant les parents et les membres des collectivités qui sont
concernés à des réunions de discussion où on leur explique
les programmes et leurs objectifs généraux. Les parents qui
sont déjà convaincus de l’importance d’un programme y
prennent part et expliquent ses bienfaits aux autres familles.
En soulignant que cette éducation peut protéger les filles
des viols et leur épargner des avances sexuelles non voulues, ils calment les craintes des parents et encouragent la
collectivité à soutenir leurs programmes. Ces réunions sont
complétées par des émissions de radio et de télévision dans
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 23
lesquelles des filles, des parents, des animateurs de GPI et
des administrateurs scolaires discutent des effets positifs
des programmes.
L’apprentissage proposé par GPI sur les moyens de devenir autonome et sur l’éducation sexuelle prépare les filles
à faire face aux inégalités entre les sexes et aux inégalités
de rapport de forces, qui sont à la conjonction de la violence à l’égard des femmes et des filles et du VIH et sida.
GPI commence avec des préadolescentes de 10 ans, et enseigne des sujets tels que l’estime d’elles-mêmes, l’image
qu’elles ont de leur corps et l’hygiène personnelle. Plus tard,
l’enseignement porte sur les notions de base de la sexualité, l’anatomie masculine et féminine, la contraception,
l’avortement et le VIH et sida. Au cours de la dernière année,
GPI accompagne les filles dans leur passage à l’âge adulte
et examine avec elles les décisions qu’elles peuvent prendre
quant à leur sexualité et leur autonomie. Les filles qui connaissent leurs droits dès leur plus jeune âge acquièrent la
confiance, les connaissances et les capacités nécessaires
pour faire face à la violence dans leurs relations et se protéger du VIH. On explique à celles qui ont un petit ami que
l’amour n’implique pas forcément d’avoir des rapports sexuels.
On leur explique aussi que si elles sont approchées par
un homme plus âgé qui veut coucher avec elles, elles
peuvent lui demander ce qu’il ressentirait si sa fille était
dans la même situation.
Le modèle de GPI peut aussi être conçu pour avoir un
effet multiplicateur. Pour terminer le cursus du programme
de trois ans, les filles font un stage de services à la population
locale en se rendant dans une zone rurale pour enseigner ce
24 Ensemble nous devons!
qu’elles savent à d’autres adolescentes. Une évaluation des
besoins, axée sur les difficultés sanitaires que rencontrent
les filles et les femmes de la région, est effectuée. Les filles
font des analyses, préparent de la documentation éducative
et rentrent chez elles pour animer des séances éducatives
fondées sur leurs nouvelles compétences et leurs nouvelles
connaissances.
Selon Bene Madunagu, Directrice exécutive de GPI, le
niveau d’autonomie a nettement progressé grâce aux programmes de GPI. Les filles qui étaient timides au début
du programme finissent par être plus sûres d’elles. Par
l’enseignement qu’elles reçoivent et les compétences
qu’elles acquièrent, elles peuvent elles-mêmes choisir le
moment où elles voudront avoir des relations sexuelles et
veiller à ce que leurs besoins soient satisfaits, notamment
le besoin de ne pas subir de violence et de se protéger du
VIH. De fait, aucune des participantes au programme qui
étaient séronégatives n’a contracté la maladie. Elles possèdent également les outils et la confiance nécessaires pour
pouvoir quitter des partenaires qui les maltraiteraient.
Les programmes de GPI sont la preuve que l’éducation
a le pouvoir de briser les liens qui existent entre la
violence à l’égard des femmes et des filles et le VIH et sida.
Ils montrent aussi l’importance d’investir dans les filles.
La plupart de celles qui participent au programme
poursuivent leur scolarité jusqu’à l’université. Nombre
d’entre elles deviennent conseillères, heureuses de rendre à
la collectivité ce qu’elles ont reçu. En cela, les programmes
de GPI prouvent que la jeunesse et l’inexpérience ne sont
pas fatalement des facteurs de risque pour le VIH.
Intégrer l’action dans le secteur de la
santé et au-delà
L’égalité entre les sexes est déterminante pour ce qui concerne la vulnérabilité des
femmes au VIH et à la violence, leur capacité de s’en sortir lorsqu’elles sont victimes de l’un ou de l’autre, et leur possibilité de bénéficier de traitement, de soins et
de soutien.
—La santé sexuelle et procréative des femmes qui vivent avec le VIH et sida
Comme les activités décrites dans le précédent chapitre l’ont montré, la marginalisation et la violence à l’égard
de groupes importants de la population empêchent les
femmes et les filles qui font face au VIH et sida d’accéder
à la prévention, au traitement, aux soins et au soutien. La
menace de violence est un obstacle à l’accès au dépistage
du VIH et aux services d’accompagnement psychologique,
et dissuade aussi les femmes de révéler leur séropositivité.
Le fait de ne pas connaître son statut sérologique ou de
ne pas pouvoir consulter les services médicaux peut provoquer, inutilement, la maladie ou la mort d’une femme. Pour
trouver une solution efficace contre la double pandémie,
il faut adopter une démarche globale et intégrée dans le
secteur de la santé pour s’attaquer aux liens entre la violence et le VIH et sida et répondre aux besoins immédiats
ou à long terme, physiques, psychologiques, juridiques et
économiques des victimes.
La mise en place d’une approche intégrée des deux pandémies suppose la réalisation d’un accès universel à la
prévention et aux thérapies. Un consensus se dessine de
plus en plus nettement au niveau international sur la nécessité d’accroître, à l’initiative des soignants, les dépistages et
les séances d’accompagnement psychologique, en plus des
dépistages et de l’accompagnement psychologique volontaires initiés par les patientes. Cette responsabilité supplémentaire qui incombe aux soignants s’accompagne d’un
besoin grandissant de les former sur les liens qui existent
entre les deux pandémies et de créer des protocoles pour
lutter contre elles. Dans bien des endroits, les soignants,
en particulier ceux qui effectuent les tests de dépistage du
VIH et qui assurent les services d’accompagnement psychologique, ainsi que les conseillers du VIH eux-mêmes,
méconnaissent les liens entre le VIH et la violence à l’égard
des femmes et des filles. De même, tous les soignants ne se
conforment pas aux normes internationales garantissant le
consentement des patientes et la confidentialité. S’agissant
de la violence à l’égard des femmes et des filles, ces infractions peuvent avoir des conséquences désastreuses.
EDIT PHOTO
Sven Torfinn/Panos Pictures/ActionAid/UK branded image Date de création
originale : 29 septembre 08 Pays : Kenya
Judith Atieno Basil, Usigu, près de Kisumu (Kenya), octobre 2008. Judith, 25 ans, est secrétaire de Ulusi Youth Group, un groupe appuyé par
ActionAid. Le groupe Ulusi travaille au sein de la collectivité, où il tente
de sensibiliser la population au VIH et sida, aux maternités précoces, à
l’abandon scolaire, aux maladies sexuellement transmissibles, à la violence familiale, aux droits fondamentaux de la personne, aux mauvais
traitements subis par des enfants et à d’autres problèmes sociaux. La
plupart des habitants gagnent leur vie comme pêcheurs sur le lac Victoria
ou comme agriculteurs.
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 25
Les exemples décrits ici fournissent deux modèles prometteurs d’approches intégrées de la lutte contre la double
pandémie. Le premier, un guichet unique pour les victimes
de violence sexuelle, est une démarche visant au respect
des droits fondamentaux qui permet aux femmes de bénéficier gratuitement d’un traitement, de soins et d’un soutien
face à la violence et au VIH, ainsi que d’une assistance
pour réunir les documents relatifs à leur cas, rapporter les
détails aux agents de l’ordre public et bénéficier de soins
de plus longue durée. Le second exemple décrit un moyen
d’améliorer les procédures hospitalières en intégrant des
protocoles relatifs à la violence à l’égard des femmes et des
filles et au VIH et sida aux pratiques médicales courantes.
Ces deux approches se servent des services de santé comme
point d’entrée pour lutter globalement contre les deux pandémies qui affectent les femmes et les filles pauvres.
Proposer un appui global :
l’hôpital des femmes de
Nairobi (Kenya)
Du fait que l’agression sexuelle n’est pas dans le budget de
la victime, elle n’a assurément pas l’argent pour payer les
soins et le traitement. Il devrait y avoir un guichet unique où
les femmes pourraient recevoir des soins d’ensemble.
—Dr. Samuel Thenya,
Fondateur de l’Hôpital des femmes de Nairobi
Au Kenya, de multiples facteurs empêchent les victimes de
violence sexuelle d’obtenir un traitement, des soins et un
soutien. Beaucoup n’ont pas les moyens de payer la participation minimale demandée à l’hôpital. D’autres n’osent
pas dénoncer le crime parce qu’elles ont honte, sont gênées
et se sentent humiliées. La réprobation sociale qui accom-
pagne le VIH dissuade sans doute les femmes et les filles
de chercher à connaître leur statut sérologique, même
lorsqu’elles ont subi un viol collectif ou s’il existe une forte
probabilité qu’elles ont été exposées au VIH.
Cette discrimination est inscrite dans la législation, celle-là
même qui devrait protéger les femmes, car certaines dispositions de loi au Kenya dissuadent les femmes de réclamer
justice. La loi sur les délits sexuels de 2006 (Kenyan Sexual
Offences Act) permet de mieux protéger les victimes de violence sexuelle, mais en même temps elle criminalise le délit
de fausse déclaration. Selon Alberta Wambua, Directrice
adjointe du Gender Violence Recovery Centre (Centre de rétablissement pour les victimes de violence sexiste – GVRC)
de l’hôpital des femmes de Nairobi, “si quelqu’un me viole
et qu’il est jugé et innocenté, je serai envoyée en prison pour
autant d’années que celles à quoi il aurait été condamné s’il
avait été déclaré coupable.”
D’autres clauses de la loi empêchent les victimes d’obtenir
réparation. La police ne peut garder l’accusé en garde à vue
que pendant 48 heures s’il elle ne dispose pas d’un dossier complet sur le crime. Pourtant, il faut du temps et de
l’argent pour remplir un dossier et rassembler des preuves,
et pour faire face aux conséquences d’une violence
sexuelle. Les femmes sont souvent dans l’incapacité de
porter plainte parce qu’elles n’ont pas les moyens de faire
constater l’agression par des médecins, la visite pouvant
coûter jusqu’à 200 dollars. Si la victime ne parvient pas à
soumettre les documents nécessaires dans la limite de 48
heures, l’auteur de l’agression est relâché.
Le GVRC, créé en mars 2001 à l’hôpital des femmes de Nairobi, s’attaque précisément à ce problème épineux. Fonctionnant comme un guichet unique, le GVRC propose aux
victimes d’agression sexuelle de bénéficier gratuitement
“
Le Centre de rétablissement pour les victimes de violence
sexiste (GVRC) peut se permettre de proposer des services
gratuits en raison de sa structure administrative : il s’agit d’un
fonds caritatif à but non lucratif, situé au sein de l’hôpital,
qui est davantage géré comme une ONG que comme un
établissement de soins de santé.”
”
26 Ensemble nous devons!
“
C’est totalement schizophrénique : on soigne une femme
enceinte jusqu’à la veille de son accouchement, puis elle part
à la maternité pour accoucher et nous la perdons de vue,
puis elle réapparait quatre ou cinq mois plus tard, et on ne
sait pas ce qui s’est passé concernant le VIH. Ces hôpitaux
ne sont qu’à cinquante pâtés de maisons l’un de l’autre.
”
du traitement dont elles ont besoin, notamment un suivi
psychologique volontaire, un dépistage et une prophylaxie
post-exposition. Ce traitement donne de l’espoir aux victimes, qui ont besoin de savoir si elles ont été infectées.
Selon Mme Wambua, “très peu de gens savent qu’on peut
agir dans les 72 heures après une agression sexuelle pour
arrêter le virus”. L’infection par le VIH n’étant pas forcément détectée tout de suite, les patientes se font dépister
de nouveau trois semaines, puis six semaines plus tard. En
outre, les femmes bénéficient d’un accompagnement psychologique en cas de traumatisme afin de les aider à traverser les quatre semaines qui sont nécessaires pour que
la prophylaxie post-exposition fasse son effet. Les femmes
dont le test est positif reçoivent un suivi psychologique en
matière de VIH et de traumatisme et sont aiguillées vers les
services compétents qui leur fourniront des soins de longue
durée, comme le traitement antirétroviral.
Fondé en partie pour répondre à la réprobation rencontrée
par les victimes de violence sexuelle et d’infection au VIH,
en l’absence de normes pour les soins qui leur sont fournis, le GVRC a établi des directives relatives au traitement
et au soutien. Les soignants reçoivent une formation continue et leur travail est en permanence suivi et évalué afin
de veiller à ce qu’ils répondent avec délicatesse et efficacité
aux besoins de leurs patientes. L’approche intégrée du
centre accorde autant d’importance aux conséquences
affectives de la violence et du VIH qu’aux répercussions
sur la santé. Comme l’explique Mme Wambua, “lorsqu’elle
arrive en consultation, la femme a été battue et est mal
en point. Les femmes ne considèrent pas les traumatismes psychologiques comme de la maltraitance, contrairement aux traumatismes physiques. Elles ne veulent
pas porter plainte et considèrent que ce sont elles qui ont
tort. [Malgré la maltraitance] elles retournent souvent dans
leur famille”. Le soutien psychosocial peut se faire sous
différentes formes : thérapies individuelles, familiales, ou
séances de groupe une fois par mois, où les participantes se
racontent leurs histoires respectives et s’entraident. On discute de la possibilité de révéler la violence dont elles ont été
victimes ou leur statut sérologique pour aider ces femmes à
retourner à leur vie quotidienne sans risque pour elles. Lorsque
cela s’avère nécessaire, les services sociaux adressent les
patientes à des services juridiques ou à des foyers.
Cette politique d’ouverture permet aux femmes et aux filles
issues de groupes marginalisés et économiquement défavorisés de bénéficier de services et d’un soutien. C’était
bien là l’intention du fondateur, le docteur Samuel Thenya,
qui avait compris que le coût financier serait un obstacle
majeur à la fourniture de soins aux victimes d’agressions
sexuelles. Le GVRC peut se permettre de proposer des services gratuits en raison de sa structure administrative : il
s’agit d’un fonds caritatif à but non lucratif, situé au sein
de l’hôpital, qui est davantage géré comme une ONG que
comme un établissement de soins de santé. Son financement provient de donateurs multilatéraux et bilatéraux,
ainsi que de grandes sociétés internationales, et non pas
des femmes elles-mêmes.
Le GVRC cherche aussi à souligner les liens entre les agressions sexuelles et le VIH au niveau des politiques. Au moyen
d’un système perfectionné de gestion des données, il recueille et examine les données concernant toutes les patientes soignées, et il analyse les tendances qui ressortent
de l’expérience des victimes de violence, notamment les
statistiques sur les patientes ayant contracté le VIH. Le
centre est la principale source de statistiques sur la violence sexiste et le VIH au Kenya, c’est pourquoi il est
extrêmement précieux pour de multiples parties prenantes.
Les victimes se servent de cette documentation pour porter
plainte et faire avancer leur cas. Les groupes de défense
de la cause des femmes l’utilisent pour appuyer leur demande de changement de politique, notamment pour faire
pression sur le gouvernement pour qu’il applique des lois
plus sévères contre la violence sexuelle, et pour que les res-
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 27
ponsables au gouvernement puissent mieux comprendre
la conjonction des deux pandémies. Au moyen de la
documentation recueillie, le groupe de suivi aide les groupes
de la société civile à responsabiliser les décideurs.
Le centre est unique en son genre en Afrique de l’Est, et ses
services sont très demandés. Depuis sa création en 2001,
il a soigné plus de 10 000 victimes de violence. La plupart
de ces femmes n’auraient jamais reçu de diagnostic, et
encore moins de soins, sans l’aide du centre. Le dispositif
de fourniture de soins du centre sert de modèle en matière
de services intégrés qui répondent réellement aux besoins
physiques, affectifs et sociaux des femmes confrontées à la
double pandémie.
Mettre en place des protocoles
pour lutter contre la conjonction des deux pandémies :
FEIM (Argentine)
Dans nos recherches, nous avons examiné les informations relatives à la reconnaissance et au respect des droits
en matière de sexualité et de procréation des femmes qui
vivent avec le VIH et sida. Nous avons découvert que ces
droits sont présents dans le discours des responsables des
programmes de lutte contre le VIH et sida, qui utilise un
langage ‘politiquement correct’. Mais cela ne correspond
généralement pas à la réalité des services de tous les jours.
Ces droits, tout comme les droits fondamentaux de la personne en général, sont reconnus ‘en théorie’ par le système
de santé mais dans la majorité des cas, ils ne sont pas intégrés dans la pratique.47
—Mabel Bianco, Directrice exécutive de FEIM
La loi argentine garantit la santé sexuelle et procréative pour
toutes les femmes depuis 2002. Mais dans la réalité, cette loi
est loin d’être appliquée. Les femmes et les filles qui vivent
avec le VIH sont souvent victimes de discrimination dans
les services et sont parfois obligées de cacher leur maladie
pour avoir accès aux soins. Il arrive très souvent que les
femmes séropositives soient obligées d’attendre parce qu’il
n’y a qu’un seul technicien de laboratoire pour leur faire une
prise de sang, ou un seul obstétricien qui accepte de les
accoucher. Des tests de dépistage sont aussi pratiqués sur
certaines femmes sans leur accord, après quoi on leur propose de bénéficier des services et du traitement affectés
au VIH, mais seulement pour le temps de leur grossesse,
28 Ensemble nous devons!
“
Les protocoles et les
procédures relatifs à la double
pandémie ne peuvent être
efficaces que si les professionnels de la santé – des médecins aux techniciens – comprennent et évaluent les liens
qui existent entre la violence
et le VIH et sida.
”
pas au-delà. Selon un médecin argentin, “c’est totalement
schizophrénique : on soigne une femme enceinte jusqu’à
la veille de son accouchement, elle part à la maternité pour
accoucher et nous la perdons de vue, puis elle réapparaît
quatre ou cinq mois plus tard, et on ne sait pas ce qui s’est
passé concernant son infection. Ces hôpitaux ne sont qu’à
50 pâtés de maisons l’un de l’autre.”48
Le refus de fournir des soins aux femmes séropositives en
Argentine est souvent dû à l’ostracisme et à une discrimination généralisée. Mabel Bianco, Directrice exécutive de
Fundación para Estudio e Investigación de la Mujer (FEIM),
a étudié la qualité des soins de santé que reçoivent les
femmes séropositives. Selon elle, “au cours des entretiens,
les préjugés des médecins sont apparus de manière manifeste. Par exemple, l’idée qu’il est déconseillé aux femmes
séropositives d’avoir des rapports sexuels. Et si elles en
ont, il est inacceptable qu’elles tombent enceintes. Ces
préjugés conduisent les médecins à conseiller, voire à encourager et à organiser la stérilisation, une pratique qui
était illégale en Argentine jusqu’en 2006, lorsque la loi a été
modifiée.”49
Fondée en 1989, FEIM lutte contre la conjonction des deux
pandémies dans les hôpitaux publics de Buenos Aires. Aucune norme en la matière n’existait dans les hôpitaux argentins, aussi FEIM s’est-elle mobilisée pour qu’un protocole soit mis en place pour appréhender en particulier les
liens qui existent entre la violence et le VIH et sida. FEIM
a coopéré avec le Ministère de la santé et avec le chef du
groupe du VIH du Ministère pour faire pression sur les hôpitaux afin qu’ils appliquent ces nouvelles politiques favorables aux femmes et pour faire disparaître la réprobation et
la discrimination qui entourent le statut sérologique positif.
Ce protocole comprend notamment une série de questions
types à poser aux patientes, la fourniture d’une contraception d’urgence pour éviter les grossesses et de prophylaxie
post-exposition pour le VIH. L’accent est maintenant mis
sur les soins d’ensemble, notamment les services psychologiques et juridiques. Les psychologues et les assistantes sociales ont comme consigne de prêter attention
aux difficultés particulières des victimes de violence, surtout celles qui ont été infectées par le VIH. Le protocole
encourage les employés des hôpitaux à assurer un suivi de
leurs patientes pendant plusieurs mois afin de les soutenir
moralement et de suivre leurs progrès. Selon Mme Bianco,
sans ce suivi, les victimes de la violence étaient souvent
‘perdues dans le système’ car les services de santé ne
suivaient pas leurs progrès et ne leur fournissaient pas
non plus de soins en continu. Sur les conseils de FEIM, le
Groupe pour la santé procréative et sexuelle et le Groupe
pour le VIH et sida ont créé une méthode simplifiée pour
faciliter l’application de ce protocole dans tous les services.
Les efforts de sensibilisation de FEIM auprès du Ministère
de la santé à Buenos Aires ont aussi permis d’intégrer une
analyse de la violence sexiste dans les services proposés
aux femmes qui vivent avec le VIH et sida. De même, une
détermination du statut sérologique a été incorporée aux
soins prodigués à toutes les victimes de violence dans les
services de santé publics de Buenos Aires.
Les protocoles et les procédures relatifs à la double pandémie ne peuvent être efficaces que si les professionnels
de la santé – des médecins aux techniciens – comprennent
et évaluent les liens qui existent entre la violence et le VIH
et sida. FEIM forme les médecins sur les droits à la sexualité et à la procréation des femmes qui vivent avec le VIH
et sida. Ce faisant, non seulement ces protocoles et processus permettent de contester les préjugés dans la salle
des urgences, mais ils créent aussi, au cœur du système de
santé, un cadre de champions qui possèdent les outils pour
que les protocoles prescrits soient appliqués.
D’autres études seront menées pour vérifier l’impact de
ces efforts, mais tous les signes sont encourageants. FEIM
commence à évaluer l’expérience des victimes de la violence avant et après l’application des protocoles afin de
prouver qu’il est important que les victimes bénéficient de
services intégrés et durables. En analysant l’histoire médicale des patientes dans un cadre soucieux des droits fondamentaux, FEIM offre au personnel hospitalier une nouvelle
perspective sur la manière dont les problèmes sociaux, tels
que les rapports de force hommes-femmes, influent sur la
vulnérabilité des femmes et des filles à la violence et au VIH
et sida.
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 29
Responsabiliser les décideurs
La responsabilisation implique que chaque président, chaque premier ministre,
chaque parlementaire et chaque homme politique se déclare personnellement
responsable de la lutte contre le sida
—Kofi Annan, ex-Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies
Brian Sokol/ActionAidNepal
Des habitantes participent à des
activités de commémoration de la
Journée mondiale de lutte contre
le sida à Birganj (Népal), le lundi 1er
décembre 2008.
Les stratégies intégrées décrites dans le chapitre précédent
n’ont été possibles que par la volonté des principales parties prenantes et des principaux décideurs. Les donateurs
internationaux, comme les responsables de la santé publique, les médecins, les assistants sociaux, les décideurs
comme les prestataires de services, doivent tous être tenus responsables si l’on veut freiner la violence à l’égard
des femmes et des filles, et la propagation du VIH et sida.
Pourtant, malgré une conscience grandissante de l’ampleur
de la double pandémie et des liens qui existent les deux, il
est possible que même les spécialistes de chacun des deux
domaines n’aient pas une idée suffisamment claire de cette
conjonction. En effet, trop de décideurs ne sont toujours
pas conscients ou convaincus de leur responsabilité dans
la lutte contre ces problèmes, et sans une compréhension
claire des liens entre la violence à l’égard des femmes et des
filles et le VIH et sida, les parties prenantes ne ne sentiront
pas particulièrement responsables.
Il est nécessaire de tenir les décideurs responsables – en
particulier les pouvoirs publics, les donateurs internationaux
et les institutions de l’ONU – afin de lutter contre les deux
pandémies et leur conjonction. Au niveau de l’État, il con-
30 Ensemble nous devons!
vient notamment d’enquêter sur les infractions, d’en punir
les auteurs, de permettre aux victimes de violence de demander réparation, aux femmes et aux filles qui vivent avec
le VIH et sida de bénéficier d’un traitement, de soins et d’un
soutien, conformément aux engagements des autorités
de respecter le principe de l’accès universel et les normes
internationales en matière des droits fondamentaux de la personne. Pour les donateurs internationaux, il faut notamment
veiller à ce que les financements destinés à lutter contre
le VIH et sida englobent aussi la lutte contre la violence à
l’égard des femmes et des filles.
La recherche et la documentation sont des outils importants
pour faire comprendre aux décideurs, qui doivent gérer une
foule de demandes concurrentes, la responsabilité qui leur
incombe. La recherche permet d’établir la relation causale
qui existe entre les deux pandémies, d’analyser combien les
décideurs dans la lutte contre les deux pandémies
s’impliquent personnellement et de mettre au point des
stratégies de suivi et d’établissement de rapports pour que
les engagements soient tenus. Une recherche et une documentation efficaces peuvent étayer divers efforts de mobilisation pour créer des politiques soucieuses d’équité entre
les sexes et faire en sorte que des financements soient affectés à la lutte contre la conjonction des deux pandémies.
Une pratique visant également à responsabiliser les décideurs consiste à former les femmes et les filles les plus
touchées par la violence et par le VIH et sida, ou celles
qui risquent le plus de l’être, à exercer leurs droits. Un
groupe de femmes autonomes de la population locale, dont
l’expérience et les déclarations ne peuvent être facilement
ignorées, peut offrir un témoignage puissant sur l’ampleur
des problèmes.
Les organisations dont il est question dans ce chapitre
ont réussi à intégrer des formations sur la recherche, la
documentation ou les droits à leurs activités de plaidoyer,
comme moyen de responsabiliser les parties prenantes. Par
le biais de campagnes internationales et de commissions
nationales, ces initiatives ont plusieurs stratégies en commun. Elles contribuent à la base de données factuelles en
recherchant activement de l’information et en en produisant,
de sorte qu’elles ont de grandes chances d’influencer les
décideurs. Elles trouvent des occasions judicieuses pour
sensibiliser l’opinion et s’en servent pour faire progresser
leur cause. Et elles s’efforcent d’aplanir les différences qui
existent entre des parties prenantes qui seraient autrement
peu disposées à coopérer. Ensemble, elles mettent en lumière les principales pratiques utilisées pour responsabiliser
les personnes au pouvoir.
Jeter un pont entre les mouvements : la campagne Women
Won’t Wait
Des financements et des programmes distincts – d’un côté
ceux destinés à lutter contre le VIH et sida, et de l’autre ceux
destinés à éradiquer la violence à l’égard des femmes et des
filles – aboutissent non seulement à beaucoup moins de ressources affectées à l’éradication de la violence en tant que
cause et conséquence de l’infection à VIH, mais impliquent
aussi que l’intégration impérative de ces actions dans les
stratégies continue de pâtir d’un clivage dangereux, dysfonctionnel et inefficace.
—Women Won’t Wait, ‘Show Us the Money: Is Violence
against Women on the HIV/AIDS Funding Agenda?
Sans les informations nécessaires pour justifier une cause,
il est difficile de responsabiliser les parties prenantes. Pour
Women Won’t Wait—End HIV and Violence against Women
Now (WWW), une campagne internationale lancée en mars
2007 et axée sur la conjonction de la violence à l’égard des
femmes et des filles et du VIH et sida, la première étape pour
sensibiliser l’opinion internationale a consisté à recueillir des
données là où il n’en existait pas. Si les principaux donateurs dans le domaine du VIH et sida affirment être engagés dans la défense des droits des femmes, dans la réalité
l’application des programmes et des financements ne sont
pas toujours à la hauteur de ces promesses. Les donateurs
publics ont l’obligation de rendre des comptes sur leurs
politiques et sur leurs programmes, et leurs activités sont
censées être transparentes. C’est pourquoi Women Won’t
Wait a entrepris d’analyser les politiques, les programmes
et les financements des principaux organes multilatéraux et
bilatéraux, pour vérifier si la réalité était à la hauteur de leur
discours en matière de lutte contre la violence à l’égard des
femmes.50 En s’intéressant aux cinq plus importants donateurs publics internationaux dans le domaine du VIH et sida,
la campagne est parvenue à dresser un portrait détaillé de
leur contribution à l’échelle internationale pour lutter contre
la violence à l’égard des femmes et des filles.
Les résultats de cette analyse, détaillés dans une publication
intitulée ‘Show Us the Money’, ont prouvé ce que les militants savaient déjà, à savoir que la lutte contre la violence à
l’égard des femmes et des filles ne fait pas partie intégrante
des activités de lutte contre le VIH et sida des principaux
donateurs publics. La violence à l’égard des femmes et des
filles est rarement citée comme facteur important ou comme
conséquence majeure de la maladie, et elle n’est pas non
plus évaluée statistiquement dans la prévention et le traitement du VIH et sida, ainsi que les soins correspondants.
Et comme les donateurs n’effectuent pas de suivi concret,
dans leur portefeuille VIH et sida, des financements utilisés
pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, il est
difficile de déterminer de manière exacte les sommes affectées à la lutte contre la conjonction des deux pandémies.
Pour aider la société à responsabiliser les décideurs, la
campagne WWW a mis en place des moyens de déterminer les priorités des donateurs, selon la façon dont les
ressources sont affectées. En utilisant ses analyses comme
base de référence pour apprécier les progrès des donateurs, la campagne WWW a créé des indicateurs, des cibles
et des recommandations concrètes qui ont été communiqués aux principales parties prenantes, en particulier aux
pays du G-8. Après avoir réuni des données sur le niveau
d’investissement des principaux donateurs dans la lutte
contre la conjonction des deux pandémies, la campagne
WWW a accru ses revendications et exprimé clairement ses
recommandations en matière de politiques. Un an après la
publication du premier rapport, la campagne a publié une
suite intitulée ‘What Gets Measured Matters’, qui actualise
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 31
“
Aider les soignants et les autorités judiciaires à mieux connaître leurs obligations envers les personnes qui vivent avec le
VIH et à faciliter ainsi leur accès aux soins et à la justice.
les politiques, les programmes et les financements des donateurs de la lutte contre le VIH et sida en lien avec la violence à l’égard des femmes et des filles. WWW a ainsi pu
suivre les changements et les tendances dans les priorités
des donateurs.
Munies de ces informations, Women Won’t Wait a mobilisé
un appui public. La première difficulté a été de réunir deux
mouvements importants de la société civile qui avaient rarement travaillé ensemble. Malgré les liens entre les deux
pandémies et la solide expérience que chacun possédait en
matière de militantisme, il y avait eu relativement peu de collaboration entre eux. Selon Cynthia Rothschild, du groupe
Center for Women’s Global Leadership, membre de la campagne Women Won’t Wait, “un certain nombre de militants
des droits fondamentaux de la femme, de la lutte contre
le VIH, de la défense des droits sexuels et de la défense
de la santé des femmes, ont eu le sentiment qu’au cours
des dernières années, l’attention portée aux femmes et au
VIH s’était accrue. Cependant, dans les différents camps, il
n’y a pas eu de projets ciblés, efficaces et stratégiques qui
fassent le lien entre les pandémies. Pour nombre d’entre nous,
la campagne a été l’occasion de rendre la conjonction des
deux pandémies plus visible. Nous avons eu le sentiment qu’il
s’agissait là d’une contribution interdisciplinaire essentielle.”
Il était clair depuis le début qu’un programme féministe donnerait le ton à la campagne, mais jeter un pont entre les
deux mouvements a présenté des difficultés, la principale
étant que bien souvent, les militants de la lutte contre le
VIH et ceux des droits des femmes perçoivent la conjonction des deux pandémies en fonction de l’objectif de leur
engagement. “La plupart du temps, ils commencent dans
un domaine (soit le VIH, soit les droits des femmes et la
lutte contre la violence) et ensuite ils cherchent à intégrer
l’autre domaine aux activités déjà en cours ou au domaine
d’orientation. En conséquence, toutes les activités de lutte
contre les deux pandémies ne partent pas d’un même point
de vue, n’utilisent pas le même vocabulaire et ne visent pas
les mêmes objectifs.”51
En effet, l’un des aspects prometteurs de la campagne
WWW, c’est qu’elle cherche à rapprocher des militants
d’horizons différents lorsqu’ils ont des objectifs communs, notamment des organisations qui sont basées et qui
32 Ensemble nous devons!
”
prêtents leurs efforts tant dans le Nord que dans le Sud.
Selon Mme Rothschild, la campagne Women Won’t Wait a
une tâche principale : “poser les fondations qui contribueront
à créer des liens techniques et pratiques entre la violence à
l’égard des femmes et le VIH et sida, et susciter une prise de
conscience différente chez les militants et les décideurs. La
prise de conscience n’est pas seulement importante en soi,
elle guide aussi les prises de décisions”. À plus long terme,
Il a été décidé d’impliquer des organisations de la société
civile déjà connues pour leur action dans l’un ou les deux
domaines, qui avaient déjà accès aux principaux donateurs
participant à la lutte contre le VIH et sida et connaissaient
les stratégies utilisées pour mobiliser les pouvoirs publics.
Ainsi, les membres de la campagne étaient bien placés, tant
pour se lancer dans des activités de plaidoyer au niveau
national et, au niveau international, pour tenter d’influer sur
la politique de l’égalité des sexes du Fonds mondial et sur
les directives sexospécifiques PNUD-ONUSIDA.
La campagne a aussi cherché à s’appuyer sur l’action de
ses membres en tant qu’organisations individuelles, et de
leur donner une plus grande cohésion et une plus grande
visibilité sous la bannière de la coalition. La forte coopération qui a eu lieu entre les groupes qui ont travaillé ensemble a d’ailleurs été déterminante pour une grande partie
des réalisations de la compagne. Un an avant la création
de Women Won’t Wait, ses membres avaient déjà commencé à collaborer lors des réunions de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrées au VIH et à l’occasion
de la Conférence internationale sur le VIH en 2006. La confiance et la collaboration qui sont nées de leurs activités
de précampagne ont été un élément essentiel de la réussite d’un réseau international qui utilise essentiellement
une liste d’adresses électroniques et des audioconférences
mensuelles pour s’organiser et élaborer des stratégies. La
flexibilité de la structure de la campagne a été tout aussi
importante, puisqu’elle a permis de mettre au point des
interventions adaptées à de grands événements, comme
le Sommet du G-8 ou les réunions du Fonds mondial qui
ont été l’occasion de sensibiliser l’opinion. Comme Mme
Rothschild le rappelle, “nous avons adopté une double voie :
nous avons élaboré et défendu des revendications axées
sur les droits des femmes, et nous les avons intégrées
dans des programmes plus larges de lutte contre le VIH et
d’organisations de la société civile.”
Cette stratégie active et soigneusement mise au point a
d’ores et déjà obtenu des résultats remarquables. En juin
2007, les pays du G-8 – les plus grands contributeurs du
système des Nations unies – ont publié un communiqué qui,
pour la première fois, parlait de la féminisation de la pandémie du VIH et sida, et faisait référence à la violence à l’égard
des femmes et des filles, aux droits à la santé sexuelle et
procréative et aux ‘minorités sexuelles’. Le communiqué
recommandait en particulier au Fonds mondial d’adopter
une démarche soucieuse d’équité entre les sexes dans
la lutte contre le VIH. Le Fonds mondial a aussi pris des
mesures importantes pour intervenir de manière plus soucieuse d’équité dans la lutte contre les pandémies; il a engagé
du personnel nouveau (appelé ‘les champions de l’égalité
entre les sexes’), accru le nombre de spécialistes de la
problématique hommes-femmes au sein de l’organisation,
et proposé que des directives sexospécifiques soient
incluses dans les propositions de pays. En septembre 2007,
ONUSIDA a fait de même en intégrant, en rapport avec le VIH
et sida, une estimation des besoins pour la lutte contre la
violence à l’égard des femmes et des filles à son estimation
mondiale des besoins en ressources dans 132 pays, ce qui
correspond aux investissements que les pays doivent faire
pour réaliser l’accès universel à la prévention, au traitement,
aux soins et au soutien d’ici à 2010. Les progrès réalisés
ne peuvent pas être entièrement attribués aux activités de
la campagne, mais le fait que ces succès s’accompagnent
d’efforts de mobilisation d’un réseau plus vaste de parties
prenantes prouve que la création d’une coalition aide à
responsabiliser les décideurs.
Propager en milieu rural une
démarche fondée sur les droits
fondamentaux : CIRDDOC
(Nigéria)
L’ostracisme dont sont victimes les femmes séropositives,
de la part des agents de la santé, des assistants judiciaires,
de la police et d’autres encore aboutit à une absence de
compassion et de compréhension de la part des personnes
mêmes chez qui les femmes cherchent du réconfort et du
soutien. L’attitude qui prévaut est que, si le VIH se transmet
sexuellement, c’est que tous les séropositifs peuvent être
soupçonnés de promiscuité.
—Oby Nwankwo, Directrice exécutive du CIRDDOC
Se servir de la justice pour faire valoir ses droits peut apparaître comme une notion étrangère dans les zones rurales
du Nigéria, où les victimes de violence sexuelle sont souvent punies par le système judiciaire qui a précisément été
instauré pour les protéger. Le jugement, la censure et les
reproches sont les réponses courantes des responsables de
l’application des lois qui s’occupent des cas de viols. De la
même façon, les femmes et les filles qui vivent avec le VIH et
sida sont confrontées à un important ostracisme social. Il est
courant qu’elles soient rejetées par leur famille, renvoyées
de leur travail, dépouillées de leurs biens ou mises à la porte
du foyer conjugal.
Le Civil Resource, Development and Documentation Centre (Centre de ressources civiles, de développement et de
documentation – CIRDDOC), créé en 1996, lutte contre
ces problèmes par une stratégie double visant à aider les
femmes des zones rurales à faire valoir leurs droits. La stratégie consiste d’une part à emmener les services judiciaires
directement dans les collectivités qui connaissent très mal
le système judiciaire. D’autre part, le personnel de santé et
celui chargé de faire appliquer les lois reçoivent une formation sur les liens entre les deux pandémies et sur le type de
difficultés auxquelles font face les femmes victimes.
Les activités du CIRRDOC ouvrent non seulement des espaces politiques aux femmes des zones rurales, elles encouragent aussi les prestataires de services à devenir des
alliés des patientes. Selon Oby Nwankwo, Directrice exécutive du CIRDDOC, “aider les soignants et les autorités judiciaires à mieux connaître leurs obligations envers ceux qui
vivent avec le VIH et faciliter ainsi leur accès aux soins et
à la justice. Renforcer les capacités des femmes qui sont
séropositives leur permet de vaincre l’ostracisme et d’avoir
librement accès aux services.”
En accord avec leur engagement à favoriser la participation politique des groupes marginalisés, le CIRDDOC a mis
en place 15 centres d’information communautaire dans
les zones rurales du Nigéria. Les centres sont équipés de
groupes électrogènes, de téléviseurs et de magnétoscopes
(rares dans les régions qui ne disposent pas de l’électricité),
permettant ainsi aux habitants d’avoir accès aux nouvelles
et aux informations juridiques, aux services judiciaires et
au soutien. Une équipe composée d’assistants d’avocat,
de responsables de l’information pour le développement et
d’instructeurs civiques aident les femmes en démystifiant
les lois et en en donnant une explication simple, notamment
en leur indiquant étape par étape comment accéder aux services juridiques. Les éducateurs civiques approfondissent
les questions liées à l’égalité entre les sexes, la violence et le
VIH et sida par des ateliers et des réunions communautaires.
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 33
Une fois par an, le Centre organise des réunions impressionnantes de commissions d’enquête publiques, qui servent de
toile de fond aux femmes pour qu’elles puissent s’exprimer
contre les maltraitances dont elles ont été victimes et sensibiliser la collectivité à la violence, au VIH et à des sujets
plus vastes liés aux droits sexuels et procréatifs. Les éducateurs civiques recrutent des femmes de la collectivité pour
qu’elles livrent leur témoignage. Certaines d’entre elles se
voilent pour raconter leur histoire afin de ne pas se mettre
en danger et protéger leur intimité, tandis que d’autres se
servent de la réunion publique pour faire mieux connaître
leur cause.
Stratégiquement organisée de manière à coïncider avec des
conférences nationales ou internationales de plus grande
importance, comme le Forum social du Nigéria, la commission d’enquête attire plusieurs centaines de personnes,
notamment des autorités gouvernementales et des parlementaires. Un jury analyse les preuves et rend son verdict
pour chaque cas. Ces histoires personnelles, souvent poignantes, permettent aux femmes elles-mêmes d’accéder à
la justice et au soutien : dans plusieurs cas, des membres du
public se sont avancés et ont proposé une aide directe aux
femmes qui venaient de raconter leur histoire. En mettant
un visage humain sur la double pandémie, les commissions
parrainées par le CIRDDOC favorisent l’application de lois
essentielles, comme par exemple une loi contre la violence
à l’égard des femmes. Elles contribuent aussi, en public et
de manière très convaincante, à alimenter la base de données
factuelles qui établit des liens entre la violence et le VIH et sida.
L’autre aspect prometteur du travail effectué par le CIRDDOC est qu’il permet de sensibiliser les prestataires de
services judiciaires et de services de santé. Les formations
34 Ensemble nous devons!
proposées par le CIRDDOC utilisent le cadre Mutapola, une
démarche axée sur les droits fondamentaux qui met les
femmes au centre de la lutte contre le VIH et sida. Le CIRDDOC travaille en collaboration avec ActionAid Nigéria pour
assurer un financement à la formation Mutapola. ‘Mutapola’
représente chaque femme et chaque fille touchée par le VIH,
en personnalisant la maladie pour ceux qui ne connaîtraient
pas ou ne comprendraient pas la problématique hommesfemmes qui s’y attache. La stratégie utilisée agit sur plusieurs fronts et comprend notamment le droit au traitement
et aux soins, à des moyens d’existence sûrs, ainsi que la
mise en place d’un cadre juridique favorable qui leur permette de réclamer et de faire valoir leurs droits. Elle permet
également aux presta-taires de services de se mettre à la
place des femmes avec lesquelles ils travaillent. L’ostracisme
intériorisé disparaît quand les juges, les avocats, les
médecins et d’autres encore commencent à comprendre
de quelle manière les inégalités entre les sexes rendent les
femmes et les filles vulnérables à l’une des pandémies ou
aux deux.
En aidant les Nigérianes des zones rurales à devenir autonomes, et en sensibilisant les autorités judiciaires et les
agents de la santé, le CIRDDOC prépare les femmes à exercer leurs droits et demander des comptes. Les femmes qui
ont été formées par le CIRDDOC affirment qu’elles assument
mieux leur vie de séropositives, qu’elles savent mieux faire
face au VIH, notamment parce qu’elles connaissent les
possibilités de traitement, et qu’il leur est plus facile d’accéder
aux services. Elles comprennent aussi comment approcher
la justice pour obtenir réparation dans les situations de violence ou après la divulgation de leur séropositivité. Pour les
femmes qui vivent dans des villages reculées des régions
rurales du Nigéria, ces informations sont précieuses.
Conclusion
“
Il s’agit ici de poser les fondations pour créer des liens
techniques et pratiques entre la violence à l’égard des femmes
et le VIH et sida, et pour susciter chez les militants et les décideurs
une prise de conscience différente, qui n’est pas seulement
importante en soi mais qui sert aussi à prendre des décisions
”
La violence à l’égard des femmes et des filles et le VIH et
sida sont deux menaces qui se renforcent mutuellement,
mais les stratégies prometteuses comme celles qui sont décrites dans le présent rapport peuvent contribuer à fournir
des connaissances importantes pour lutter contre la conjonction des deux pandémies. Ce rapport donne en exemple
une série de stratégies qui peuvent être appliquées pour lutter contre les liens qui existent entre les deux pandémies :
en travaillant avec les hommes pour les inciter à adopter un
comportement respectueux et sexuellement responsable
face au VIH et sida, ou en mettant en place des protocoles
intégrés sur la violence et le VIH dans le cadre des soins
de santé. Ensemble nous devons! met en avant quelques
organisations qui proposent des programmes importants
auprès de collectivités locales, contribuant ainsi à la base
de données factuelles sur les initiatives à prendre contre les
liens entre les deux pandémies. Les stratégies qui y sont décrites influeront sur les efforts en cours pour réaliser l’accès
universel à la prévention et au traitement du VIH et sida que
les gouvernements sont convenus de mettre en œuvre d’ici
à 2010, et pour atteindre les objectifs de 2015 définis dans
la campagne du Secrétaire général de l’ONU, Tous unis pour
mettre fin à la violence à l’égard des femmes.52
Quatre catégories de stratégies sont décrites dans ce rapport, selon les approches qui sont nécessaires pour lutter
contre la conjonction des deux pandémies. Dans la première,
on souligne le rôle que doit jouer la collectivité pour changer
des normes préjudiciables en matière d’égalité des sexes.
Les inégalités entre les sexes entretiennent et perpétuent les
deux pandémies, aussi est-il essentiel, afin de briser les liens
entre les deux, de créer un état d’esprit collectif qui refuse
la violence et qui aide les femmes qui vivent avec le VIH et
sida à mener une vie productive et sans violence. Dans la
deuxième catégorie, on met l’accent sur des méthodes
visant à émanciper les populations traditionnellement marginalisées, notamment les femmes jeunes et celles qui appartiennent à des minorités raciales et sexuelles. En ciblant
les groupes qui sont touchés disproportionnellement par les
deux pandémies, on encourage les femmes et les filles à
devenir elles-mêmes des agents du changement.
Dans la troisième catégorie de stratégies, on fait appel à la
création de méthodes intégrées pour relier les interventions
en matière de santé à des services sociaux d’ensemble, à
accroître les connaissances des praticiens et des prestataires
de services, et à faire en sorte qu’ils changent d’attitude et
qu’ils aident mieux les victimes de la violence, ainsi que les
femmes et les filles qui vivent avec le VIH et sida. Dans la
dernière catégorie, on examine les stratégies qui responsabilisent les décideurs de l’action qu’ils mènent pour appréhender les liens entre les deux pandémies. Les militants se
font de plus en plus entendre auprès des femmes et des
filles séropositives, que ce soit par le biais de la recherche,
de la documentation ou de la formation aux droits fondamentaux. Ils attirent ainsi une toute nouvelle attention sur
les politiques soucieuses d’équité entre les sexes aux plus
hauts niveaux de prise de décisions.
Aucune stratégie ne peut ni ne doit être appliquée de
manière isolée; mais ensemble, ces stratégies constituent le
tracé d’une feuille de route pour lutter contre les liens entre
la violence à l’égard des femmes et des filles et le VIH et
sida. Le rapport cherche à encourager les gouvernements,
les donateurs, les ONG internationales et d’autres encore à
prendre en compte ces actions et à évaluer la possibilité de
les transposer à plus grande échelle, dans le cadre du processus de l’accès universel, et à améliorer la prévention et
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 35
la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles.
Au moins cinq recommandations se dégagent des expériences décrites ici pour la conception, l’application et le suivi
de programmes efficaces de lutte à la fois contre la violence
à l’égard des femmes et des filles et contre le VIH et sida :
1) Il faut davantage de recherche pour déterminer et évaluer des stratégies efficaces de
lutte contre la conjonction du VIH et sida et
de la violence à l’égard des femmes et des
filles, et pour documenter les enseignements
dégagés.
La recherche et les données qui établissent le lien de cause à
effet entre la violence à l’égard des femmes et des filles et le
VIH et sida se renforcent, mais les informations sur les stratégies efficaces de lutte contre la double pandémie ne sont
pas toujours faciles à trouver. De nombreuses initiatives prometteuses ont lieu à travers le monde, et les stratégies opérationnelles qui sont décrites ici ne représentent qu’un petit
échantillon de l’action entreprise à l’échelle mondiale. Il faut
bien davantage de recherche pour suivre, évaluer et classer les
pratiques les plus efficaces et pour documenter les enseignements dégagés dans le but d’étendre ces pratiques. L’objectif
de Ensemble nous devons! est de servir de point de départ
pour développer la recherche et partager les données sur les
efforts de lutte contre la conjonction des deux pandémies.
2) Il faut recueillir et diffuser des données nationales et mondiales sur la violence à l’égard
des femmes et des filles et le VIH et sida, afin
de responsabiliser les décideurs.
L’un des sujets communs à toutes les stratégies dont il est
question ici est l’importance de la recherche et de la documentation. Pour aider les femmes à obtenir réparation et sensibiliser davantage l’opinion, il faut décrire la nature particulière
de la violence, expliquer comment cet acte est en corrélation
avec le VIH et indiquer les taux de poursuites judiciaires et de
condamnations. De même, l’analyse des interventions nationales et internationales des donateurs et des décideurs dans
la lutte contre la double pandémie est un moyen de mobilisation
important; elle permet par exemple de voir dans quelle mesure
les financements destinés au VIH servent aussi à combattre la
violence à l’égard des femmes et des filles. Ces données sont
essentielles pour influer sur les changements de politique;
elles doivent être recherchées et analysées pour influencer
efficacement les décideurs.
36 Ensemble nous devons!
3) Il faut des protocoles normalisés et des formations pour les professionnels de la santé
pour les éclairer sur les liens entre la violence
à l’égard des femmes et des filles et le VIH et
sida.
Si ses moyens financiers et sociaux le lui permettent, une
femme ou une fille victime d’un acte de violence sexuelle
peut se tourner en premier lieu vers un soignant. De même,
les femmes et les filles séropositives dépendent souvent
des soignants pour obtenir des informations, des soins et
un soutien. Mais il faut mettre en place des protocoles qui
relient les services qui luttent contre la violence d’une part,
à ceux qui luttent contre le VIH et sida d’autre part. Comme
le montre ce rapport, ceux qui sont les premiers à intervenir après une agression sexuelle doivent savoir administrer
une prophylaxie post-exposition, bien connaître le dépistage
volontaire et l’accompagnement psychologique ou le soutien
fourni par les prestataires de soins, ainsi que les différents
traitements qui peuvent être conseillés aux femmes et aux
filles. Ces deux pandémies étant étroitement liées, il est
essentiel que les prestataires de soins, notamment ceux qui
effectuent les tests de dépistage, comprennent et prennent
en compte les conséquences que peuvent avoir l’annonce
d’une séropositivité et le traitement qui s’ensuit, notamment les éventuelles violences dont les femmes pourraient
être victimes. Les modules de formation doivent comporter
des études de cas axées sur des scénarios de violence, et
les soignants doivent vivement encourager les débats qui
sont l’occasion pour les femmes et les filles d’évoquer leurs
expériences et leur peur de la violence. En outre, les
soignants doivent disposer d’un système d’aiguillage bien
clair pour que les femmes puissent accéder à un soutien et
à des soins une fois leur séropositivité connue; elles doivent
notamment être en mesure de bénéficier de traitement, d’être
informées des moyens de réduire les risques de propagation
et de révéler ou non les résultats du test. Des partenariats
doivent être forgés avec d’autres entités d’appui – juridique,
socioéconomique et psychologique..
4) Il faut tenter d’impliquer les groupes marginalisés là où ils vivent, travaillent et se
détendent.
Criola l’a fait au Brésil en passant entre les balles dans les
rues des favelas. Son action a permis de sensibiliser l’opinion,
d’apporter des connaissances pratiques et des services de
lutte contre le VIH et sida dans des quartiers marginalisés de
femmes et de filles afro-brésiliennes touchées disproportionnellement par la double pandémie. Au Népal, Equal Access
s’est servi de la radio pour informer les travailleurs migrants
et leur famille, ainsi que les femmes qui vivent avec le VIH et
sida. Au Nigéria, Girls Power Initiative s’est associée avec le
secteur éducatif officiel pour instruire les adolescentes dans
les salles de classe de leurs écoles. Dans chacun de ces cas,
les organisations ont impliqué des groupes marginalisés en
allant là où ils vivent, travaillent et se détendent. Elles sont
intervenues dans des conditions qui n’ont pas toujours été
sans danger, et parfois hostiles; mais grâce à ces méthodes,
des groupes marginalisés ont reçu des informations, une
éducation et un renforcement de capacités, pour les rendre
autonomes et les protéger ainsi de la violence à l’égard des
femmes et des filles et du VIH et sida.
5) Il faut s’assurer l’adhésion de diverses parties prenantes de la collectivité pour lutter
contre l’ostracisme et la discrimination qui
accompagnent la violence à l’égard des
femmes et des filles et le VIH et sida.
On a longtemps caché la violence à l’égard des femmes et
des filles à cause des tabous culturels, mais à présent le
mouvement pour les droits des femmes s’emploie active-
ment à briser ce silence. De même, vivre avec le VIH sans se
cacher est devenu un moyen d’expression pour les militants
de la lutte contre le sida. Pourtant, malgré les progrès obtenus dans la manière de percevoir la violence et le VIH dans
les mouvements associatifs, malgré la prise de conscience
croissante sur les liens qui existent entre les deux pandémies, de nombreuses collectivités à travers le monde n’ont
pas encore compris l’ampleur des deux pandémies, ni les
problèmes sexistes qui les entraînent. Comme le montre ce
rapport, les stratégies qui luttent efficacement contre la conjonction de la violence à l’égard des femmes et des filles et
du VIH et sida associent diverses parties prenantes, et parviennent même à convaincre les plus sceptiques de soutenir
leur cause. Les liens entre les deux pandémies ne seront brisés que lorsque l’on verra des parents dans un village traditionnel du Nigéria vanter les mérites de l’enseignement de la
sexualité sans risque qui est dispensé à l’école, ou lorsque
des chefs religieux d’un des villages les plus pauvres des
provinces d’Afrique du Sud manifesteront avec des hommes
et des garçons contre la violence à l’égard des femmes et
des filles. L’approbation de la collectivité et la promotion de
l’égalité entre les sexes sont les seuls moyens d’éradiquer le
fléau que représentent la stigmatisation, la discrimination et
la violence, partout dans le monde.
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 37
Notes
Voir par exemple, R. Royce. ‘Sexual Transmission of HIV/AIDS’. The New England Journal of Medicine 336/15 (1997),
1072-1078, cité dans UNFPA, État de la population mondiale : Un milliard à ne pas oublier : investir dans la santé et les
droits des adolescents (New York, 2003), 23. À consulter à : http://www.unfpa.org/publications/detail.cfm?ID=154;
ONUSIDA, ‘AIDS - 5 years since ICPD: Emerging issues and challenges for women, young people & infants’, (Genève,
1999) 11. À consulter à : http://data.unaids.org/Publications/IRC-pub01/jc150-icpd_en.pdf.
1
Suzanne Maman. ‘HIV-positive women report more lifetime partner violence: Findings from a voluntary counseling and
testing clinic in Dar es Salaam, Tanzania’. American Public Health Association (Washington, É.-U., 2002). À consulter à :
http://www.ajph.org/cgi/reprint/92/8/1331.pdf.
2
3
De récentes discussions ont abordé le risque différentiel des épidémies concentrées qui touchent des sous-populations
particulières, par rapport à des épidémies généralisées qui touchent des populations entières. Les femmes étant plus
vulnérables au VIH dans les épidémies généralisées, une méthode soucieuse de l’équité entre les sexes, qui lutte contre la
violence à l’égard des femmes, est essentielle dans les deux scénarios.
4
Voir Royce, op. cit. 23.
5
Voir par exemple, UNFPA. État de la population mondiale : La promesse d’égalité : égalité des sexes, santé en matière
de procréation et objectifs du Millénaire pour le développement. Fonds des Nations Unies pour la population (2005). À
consulter à : http://www.unfpa.org/swp/2005/english/ch1/index.htm; Shelley Clark. ‘Protecting Young Women from HIV/
AIDS: The Case Against Child and Adolescent Marriage’. International Family Planning Perspectives (2006). À consulter à :
http://www.guttmacher.org/pubs/journals/3207906.html; G.M. Wingood. ‘Child sexual abuse, HIV sexual risk, and gender
relations of African-American women’. American Journal of Preventive Medicine, 13/5 (1997), 380–84. Condensé à consulter
à : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/9315271?log$=activity.
6
Risa Denenberg. ‘Childhood Sexual Abuse as an HIV Risk Factor in Women’. In The Body: Complete HIV/AIDS Resource, (New York: Gay Men’s Health Crisis, 1997). À consulter à : http://www.thebody.com/content/art13469.html. Voir
également UNIFEM, ‘Act Now! A Resource Guide for Young Women on HIV/AIDS’. Association for Women’s Rights in
Development (AWID, 2002). À consulter à : http://www.unifem.org/attachments/products/ActNow_eng.pdf.
7
Population Council. ‘Can Livelihoods Training Alter Girls’ Lives?’ In ‘Transitions to Adulthood’, Population Brief 11
(2005). À consulter à : http://www.popcouncil.org/publications/popbriefs/pb11(3)_4.html.
8
Voir par exemple, Suzanne Maman, op. cit.; UNFPA, op. cit., 23. .
9
Amy Medley. ‘Rates, barriers and outcomes of HIV sero-disclosure among women in developing countries: Implications for prevention of mother-to-child transmission programmes’. Bulletin of the World Health Organization 82/4 (2004),
299–307. À consulter à : http://www.who.int/bulletin/volumes/82/4/299.pdf.
10
Yakin Ertürk. ‘Intersections of Violence against Women and HIV/AIDS: Report of the Special Rapporteur on violence against women, its causes and consequences’. Conseil économique et social, Nations Unies, Commission des
droits de l’homme (2005). À consulter à : http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/G05/102/11/PDF/G0510211.
pdf?OpenElement.
11
Ibid.
ONUSIDA. ‘Politique générale, Criminalisation de la transmission du VIH’. (Genève : ONUSIDA, 2008), 6. À consulter à :
http://data.unaids.org/pub/BaseDocument/2008/20080731_jc1513_policy_criminalization_en.pdf
12
13
En 2005, les dirigeants mondiaux se sont engagés à transposer à une échelle bien plus importante la prévention et
le traitement du VIH et sida, ainsi que les soins et l’appui nécessaire, dans le but de se rapprocher ‘le plus possible’ d’un
accès universel au traitement en 2010. Les piliers de cette stratégie sont notamment des ressources accrues pour lutter
contre le sida, un plus grand accès aux médicaments, la réduction de l’ostracisme, de la discrimination et de la vulnérabilité des personnes touchées par le VIH et sida et autres questions affectant la santé.
14
Pour un complément de documentation, voir les rapports d’UNIFEM sur le VIH et la violence à l’égard des femmes. À
consulter à : http://www.unifem.org/gender_issues/hiv_aids/; Global AIDS Alliance ‘Violence against Women and Children
& HIV/ AIDS, Factsheet, 2009’ (Washington, DC: Global AIDS Alliance, 2009). À consulter à : http://www.globalaidsalliance.
org/page/-/PDFs/Factsheet_VAWG_March_2009.pdf.
38 Ensemble nous devons!
Voir par exemple,
• Center for Women’s Global Leadership. ‘The Intersection of Violence Against Women and HIV/AIDS’, A Strategic Conversation. New York, N.Y., 1er avril 2004. À consulter à : http://www.cwgl.rutgers.edu/globalcenter/events/VAW%20HIV%20
NY%20Mtg.doc;
• Center for Women’s Global Leadership. ‘Action on Gender- Based Violence and HIV/AIDS: Bringing Together Research,
Policy, Programming and Advocacy’. Meeting at Harvard School of Public Health, Program on International Health and
Human Rights, Toronto (Canada), 9 et 10 août 2006;
• ONUSIDA. ‘Scaling up work to address violence against women and children and its intersections with HIV’. UNAIDS
Reference Group on HIV and Human Rights, Issue Paper for Seventh Meeting. Genève, 7 au 12 février 2007. À consulter
à : http://data.unaids.org/pub/BaseDocument/2007/070216_HHR_7_VAW.pdf;
• The Athena Network, http://www.athenanetwork.org
• With Women Worldwide, an initiative of the International Women’s Health Coalition, http://www.iwhc.org/index.php?opt
ion=comcontent&task=view&id=3321&Itemid=581 16 Women Won’t Wait Campaign. ‘Act Now to End HIV and Violence
against Women Toolkit’. 2. À consulter à : http://www.womenwontwait.org/index.php?option=com_docman&Itemid=98.
15
Women Won’t Wait Campaign. ‘Act Now to End HIV and Violence against WomenToolkit’, 2. À consulter à : http://www.
womenwontwait.org/index.php?option=com_docman&Itemid=98.
16
Susan T. Fried. Women Won’t Wait Campaign, ‘Show Us the Money: Is Violence against Women on the HIV&AIDS
Do¬nor Agenda?’ Washington (É.-U.), ActionAid, 2007). À consulter à : http://www.womenwontwait.org/index.
php?option=com_content&task=view&id=27&Itemid=1.
17
18
Pour un complément de documentation, voir Promundo, Program H, educational video ‘Once Upon a Boy’ and manual
series vol. 1-5. Available at http://www.promundo.org.br/396?locale=en_US; Population Council, ‘Yaari Dosti: A Training
Manual’, Population Council (New Delhi, 2006). À consulter à : http://www.popcouncil.org/pdfs/horizons/yaaridostieng.pdf;
Alice Welbourn, Stepping Stones: A training package in HIV/AIDS, communication and relationship skills, Londres : ActionAid, 1995). À consulter à : http://www.steppingstonesfeedback.org/.
19
ONUSIDA. ‘Rapport sur l’épidémie mondiale de sida 2008’ (Genève : ONUSIDA, 2008) 67. À consulter à : http://www.
unaids.org/en/KnowledgeCentre/HIVData/GlobalReport/2008/2008_Global_report.asp.
Cheywa Spindel, Elisa Levy, Melissa Connor (dirs. de publ.).’With an End in Sight’, (New York, UNIFEM, 2000) 22. À
consulter à : http://www.unifem.org/resources/item_detail.php?ProductID=14.
20
Citation, Sonke’s digital storytelling program, 2007. À consulter à : http://www.genderjustice.org.za/digital-stories/
tapiwa.html.
21
22
Shanaaz Mathews. ‘Every six hours a woman is killed by her intimate partner’: A national study of female homicide in
South Africa’. MRC Policy Brief, Gender and Health Research Group (Tygerberg, Afrique du Sud : Medical Research Council, 2004). À consulter à : http://www.mrc.ac.za/policybriefs/woman.pdf.
Audrey E. Pettifor. ‘Sexual Power and HIV Risk, South Africa’. International Conference on Women and Infectious
Diseases, Emerging Infectious Diseases, 10/11 (2004) 3. À consulter à : http://www.cdc.gov/ncidod/EID/vol10no11/
pdfs/04-0252.pdf.
23
24
MMedley, op. cit., 299.
25
Pour un complément d’information, voir le site d’information Sonke Gender Justice Network, HIV/AIDS, Gender Equality, Human Rights, One Man Campaign. À consulter à : http://www.genderjustice.org.za/projects/one-man-can-campaign.
html.
Sonke Gender Justice Network. ‘Sonke’s 16 days of activism against gender violence: Men marching in Limpopo’
(2008). À consulter à : http://www.genderjustice.org.za/issue-1-december-2008/sonkes-16-days-of-activism-againstgender-vio-3.html.
26
27
Christopher J. Colvin. ‘Report on the impact of Sonke Gender Justice Network’s One Man Can Campaign in Limpopo,
Eastern Cape and KwaZulu-Natal Provinces, South Africa’. Sonke Gender Justice Network (2009) 5. À consulter à : http://
www.genderjustice.org.za/resources/5.html.
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 39
ActionAid India. ‘HIV+ Women lead the way to life of dignity’. ActionAid International (2006). À consulter à : http://www.
actionaid.org/india/index.aspx?PageID=3411.
28
Jay G. Silverman. ‘Intimate Partner Violence and HIV Infection Among Married Indian Women’. Journal of the American
Medical Association, 300/6 (13 août 2008). À consulter à : http://jama.ama-assn.org/cgi/content/full/300/6/703.
29
30
C’est ce qui arrive dans beaucoup de pays, ainsi que l’a montré Dominique De Santis dans ‘Backgrounder: Violence
Against Women and AIDS’, The Global Coalition on Women and AIDS (Genève : ONUSIDA, 6 janvier 2005). À consulter à :
http://data.unaids.org/GCWA/GCWA_BG_Violence_en.pdf.
ActionAid India. ‘ActionAid India Annual Report 2006’, Books for Change, Bangalore (Inde) : ActionAid India, 2006) 37.
À consulter à : http://www.actionaid.org/micrositeAssets/india/assets/actionaid%20india%20annual%20report%202006.
pdf.
31
32
ONUSIDA. ‘Session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au VIH/sida. Country Progress Report [Nepal]’,
National Centre for AIDS and STI Control (2008) 30. À consulter à : http://data.unaids.org/pub/Report/2008/nepal_2008_
country_progress_report_en.pdf.
Voir par exemple Lopes F. Buchalla. ‘Vulnerability, racism, symbolic violence and women living with HIV/AIDS (WLWA),
in São Paulo State, Brazil’, Team EC, Sao Paulo (Brésil) (2002). On peut consulter un condensé du rapport à http://gateway.
nlm.nih.gov/Meeting¬Abstracts/ma?f=102257138.html; Fernanda Lopes Cassia, ‘Black and non-Black women and vulnerability to HIV/AIDS in São Paulo, Brazil’, Revista de Saúde Pública da Universidade de São Paulo (Conférence internationale
sur le sida, décembre 2007). À consulter à : http://www.scielo.br/scielo.php?pid=S0034-89102007000900008&script=sci_
arttext&tlng=en.
33
Centers for Disease Control and Prevention. ‘HIV/AIDS Among Women’, Department of Health and Human Services,
Divisions of HIV/AIDS Prevention, National Center for HIV/AIDS, Viral Hepatitis, STD, and TB Prevention (Atlanta (É.-U.) :
Centers for Disease Control and Prevention, août 2008). À consulter à : http://www.cdc.gov/hiv/topics/women/resources/
fact¬sheets/women.htm.
34
ActionAid UK. ‘Hate crimes: The rise of “corrective” rape in South Africa’, Andrew Martin, Annie Kelly, Laura Turquet et
Stephanie Ross (dirs. de publ.) (Londres : ActionAid, 2009) 8. À consulter à : http://www.actionaid.org.uk/doc_lib/correctiveraperep_final.pdf.
35
36
Cary Alan Johnson. ‘Off the MAP: How HIV/AIDS Programming is Failing Same-Sex Practicing People in Africa’.
Inter¬national Gay and Lesbian Human Rights Commission (New York: Open Society Institute, 2007) 40. À consulter à :
http://www.soros.org/initiatives/health/focus/sharp/articles_publications/publications/offthemap_20070322.
R.J. Kelly. ‘Age differences in sexual partners and risk of HIV-1 infection in rural Uganda’. Department of Population
and Family Health Sciences, School of Hygiene and Public Health, (Baltimore (É.-U.) : Johns Hopkins University, 2003).
Condensé à consulter à : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12640205; S. Gregson. ‘Sexual mixing patterns and sexdifferentials in teenage exposure to HIV infection in rural Zimbabwe’. Department of Infectious Disease Epidemiology, Imperial Col¬lege Faculty of Medicine (Norfolk Place: University of London, 2002). Condensé à consulter à : http://www.ncbi.
nlm.nih.gov/pubmed/12057552; J.R. Glynn. ‘Why do young women have a higher prevalence of HIV than young men? A
study in Kisumu, Kenya, and Ndola, Namiba’, Infectious Disease Epidemiology Unit, London School of Hygiene and Tropical Medi¬cine (2001). Condensé à consulter à : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11686466.
37
38
Nancy Luke. ‘Confronting the myth of “sugar daddies”: Recent findings linking age differences, economic transaction, and risky behavior in sexual relations in Kenya’. Programme de la Réunion annuelle 2002, Population Association
of America, Atlanta (É.-U.), 9 à 12 mai 2002. Condensé à consulter à : http://paa2002.princeton.edu/abstractViewer.
asp?submissionId=61270.
39
Lopes F. Buchalla. ‘Are black women more vulnerable to HIV/AIDS than other women in Brazil?’ Département
d’épidémiologie, Université de Sao Paulo, École de la santé publique, 15e Conférence internationale sur le sida, Bangkok
(Thaïlande), 11 au 16 juillet 2004. Condensé à consulter à : http://gateway.nlm.nih.gov/MeetingAbstracts/ma?f=102277533.
html.
Amnesty International. ‘Picking up the pieces: Women’s experience of urban violence in Brazil, 2008’, (Londres : Secrétariat d’Am¬nesty International, 2008) 54. À consulter à : http://www.amnesty.org/en/library/info/AMR19/001/2008/en.
40
41
Ibid.
40 Ensemble nous devons!
Entretien faisant partie d’un atelier sur ‘Our Bodies and Our Selves: Voices of Women on the Margin’. Organisé par la
Global Alliance Against Traffic in Women (GAATW), à la 10e Réunion internationale sur les femmes et la santé, New Dehli
(Inde), 21 au 25 septembre 2005. Complément d’information à consulter à : http://www.gaatw.org/index.php?option=com_
content&view=article&id=213&catid=68:GAATW%20News.
42
43
Wilson, Phill. ‘Left Behind: Black America: A Neglected Priority in the Global AIDS Epidemic’. Los Angeles (É.-U.) :
Black AIDS Institute, 2008, 21. À consulter à : http://www.blackaids.org/image_uploads/article_575/08_left_behind.pdf.
Voir par exemple, Jan Vandemoortele. ‘The “Education Vaccine” Against HIV’, UNICEF, Current Issues in Comparative Education, 3/1 (2000). À consulter à : http://www.tc.columbia.edu/cice/Archives/3.1/31vandemoortele_delamonica.pdf; Douglass Kirby. ‘Sex and HIV Education Programs for Youth: Their Impact and Important Characteristics’.
(Family Health International, 2006). À consulter à : http://programservices.etr.org/index.cfm?fuseaction=pubProds.
prodsummary&ProductID=9.
44
Bene Madunagu. ‘Girl Power, Asserting Sexual Rights in Nigeria’, Open Society News, 8. À consulter à : http://www.
iwhc.org/storage/iwhc/docUploads/GPI%20profile.OSI.pdf?documentID=117.
45
46
Ibid. 9.
Mabel Bianco. ‘Defending the sexual and reproductive health rights of women affected by HIV in Argentina’. FEIM
(2008) 10. À consulter à : http://www.kit.nl/net/KIT_Publicaties_output/ShowFile2.aspx?e=1419.
47
48
Maria de Bruyn. ‘Monitoring Millennium Development Goals in relation to HIV-positive women’s rights’. IPAS, USA,
Conference on Human Rights Impact Assessment and Practice, Zandvoort (Pays-Bas), 23 et 24 novembre 2006. À consulter à : http://www.humanrightsimpact.org/fileadmin/hria_resources/conference_presentation/HOM_HRIA_presentation_
MdB_11-23-06.ppt#256,1,HIV, reproductive health & Millennium Development Goals: a tool to monitor progress.
49
Bianco, op. cit. 11.
L’étude concerne les donateurs suivants : Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme; President’s Emergency Fund for AIDS Relief (PEPFAR/US); Ministère du développement international (R.-U.); Banque mondiale
et ONUSIDA (Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida).
50
51
Center for Women’s Global Leadership. ‘Action on Gender-Based Violence and HIV/AIDS: Bringing Together Research,
Policy, Programming and Advocacy’. Rapport de la réunion, Harvard School of Public Health, Program on International
Health and Human Rights, Toronto (Canada), 9 et 10 août 2006, 3.
Pour un complément d’information, voir ‘Tous unis pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes’. Campagne
du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes’. M. Ban Kimoon, Secrétaire général de l’ONU, 2008. À consulter à : http://endviolence.un.org/.
52
mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ainsi qu’au VIH et sida 41
Appendice Organisations dont le nom figure dans le texte
Sonke Gender Justice/One Man Can Campaign
Site Web: Sonke Gender Justice
http://www.genderjustice.org.za/
One Man Can Campaign
http://www.genderjustice.org.za/onemancan/
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8001 AFRIQUE DU SUD
Téléphone : +27 21 423 7088 Télécopie : +27 21 424 5645
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2017 AFRIQUE DU SUD
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MILANA
Blog à : http://hivpositiveandliving.blogspot.com/
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Equal Access Nepal
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CRIOLA
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20071-000
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Téléphone/télécopie : +55 (21) 2518-6194/ 2518-7964
Women of Color United (WOCU)
Site Web : http://www.womenofcolorunited.org/
Contact : http://www.womenofcolorunited.org/contactwomen-of-color-united/
Girls Power Initiative
Téléphone : +234 803357895 Télécopie : +234 87-236298
Site Web : www.gpinigeria.org
Email : [email protected]
[email protected]
42 ENSEMBLE NOUS DEVONS!
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National Headquarters/Cross River Centre
44 Ekpo Abasi Street
P.O. Box 3663
UNICAL Post Office
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Nairobi Women’s Hospital
Site Web : www.nwch.co.ke
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Mobiles : 0722-760146, 0733-618353
Télécopie : 2716651
Adresse postale :
The Nairobi Women’s Hospital
Argwings Kodhek Road
Hurlingham
Nairobi
KENYA
Fundación para Estudio e Investigación de la Mujer
(FEIM)
Site Web : www.feim.org.ar
Email : [email protected]
Adresse postale :
Paraná 135, Piso 3, Dpto 13
C1017AAC Buenos Aires
ARGENTINE
Téléphone/télécopie : +54-11 4372-2763
Women Won’t Wait
WWW International Secretariat
The Mall Offices, 4th Floor
11 Cradock Avenue
Rosebank, Johannesburg
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Civil Resource Development and Documentation Centre
(CIRDDOC)
Site Web : www.cirddoc.org
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gmail.com, [email protected], [email protected],
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