Ö PROJETS – ETUDES La poussée latérale exercée sur les coffrages par le béton autocompactant (BAC) frais et son évolution dans le temps sont des données souvent méconnues et donc difficiles à contrôler. Aussi se contente-t-on souvent en pratique de prendre en compte purement et simplement la pression hydrostatique, ce qui conduit parfois à une surestimation et à des dépenses supplémentaires. Cet article présente les résultats de la recherche menée à ce sujet par le CSTC. Poussée du béton autocompactant sur les coffrages par certains BAC. Outre quelques conclusions glanées dans la littérature, le présent article reprend les détails de la recherche, qui visait notamment à confronter certaines hypothèses. Les modèles de la norme allemande (→ A, p. 2) et du CIRIA (→ B, p. 3) sont surtout utilisés pour les bétons traditionnels. Plus concrètement, la recherche entreprise par le CSTC avait pour objectif : • de concevoir des systèmes de mesure simples, en vue de déterminer la poussée du BAC sur un coffrage; le choix et l’optimisation d’un système adéquat devraient permettre non seulement un mesurage rapide et non destructif, mais également un monitoring en cours de bétonnage • d’évaluer l’influence des principaux paramètres de mise en œuvre sur les pressions exercées (vitesse d’élévation du béton dans le coffrage, type de béton, viscosité, densité d’armatures). 3Modèles et recommandations applicables au BAC 1 Introduction Essentiellement cantonné aujourd’hui en préfabrication, le béton autocompactant (BAC) tarde à faire sa percée dans le secteur du prêt-à-l’emploi, tant chez nous qu’à l’échelon mondial. En cause notamment un certain nombre d’obstacles techniques, parmi lesquels le coût supérieur des mélanges, l’absence d’essais normalisés adaptés et le manque d’expérience sur les chantiers. Un précédent cahier des Dossiers du CSTC [7] explicitait la caractérisation du béton, le contrôle in situ ainsi que les méthodes d’essai envisageables. Le présent article traite de la poussée du BAC sur les coffrages, un problème fréquemment évoqué, d’autant que l’information et l’expérience en la matière font cruellement défaut. La poussée latérale exercée sur les coffrages par le BAC frais et l’évolution de cette poussée dans le temps sont des données mal connues et donc difficiles à contrôler. Aussi se contente-t-on souvent en pratique de prendre en compte purement et simplement la pression hydrostatique, ce qui conduit parfois à une surestimation et à des dépenses supplémentaires. Plusieurs auteurs signalent par ailleurs que certains BAC associés à des adjuvants favorisant le comportement thixotrope du béton sont de nature à réduire sensiblement la pression sur les coffrages. Le CSTC a examiné dans quelle mesure il était possible de mesurer cette pression d’une façon simple dans le cas d’un BAC et a déterminé la poussée produite sur les coffrages 2Calcul selon les modèles existants Dans la pratique, la pression exercée par un béton sur un coffrage est généralement calculée par le fournisseur du coffrage. Ce calcul s’effectue sur la base de modèles existants qui tentent de prendre en compte les différents paramètres d’influence. Conçus pour le béton traditionnel, ces modèles généralement empiriques se distinguent par le nombre de paramètres utilisés et par la façon dont ils transposent ces paramètres en données chiffrées. Les principaux modèles (équations) appliqués sont définis dans les ouvrages suivants : • norme allemande DIN 18218 [10] • rapport n° 108 du CIRIA [8] • norme néerlandaise NEN 6722 [19] • recommandations du Français Adam [1] et du Canadien Gardner [12]. ? N. Cauberg, ir., conseiller technologique (1), chercheur, laboratoire ‘Structures’, CSTC J. Desmyter, ir., conseiller technologique (1), chef du département ‘Géotechnique, Structures et Développement durable’, CSTC J. Piérard, ir., conseiller technologique (2), chercheur, laboratoire ‘Technologie du béton’, CSTC Avec la collaboration de B. Parmentier, ir., chef adjoint de la division Géotechnique et Structures, CSTC (1) Guidance technologique ‘Prestatiegerichte betonsoorten’ subsidiée par l’IWT (Institut flamand pour l’encouragement de l’innovation par la science et la technologie). (2) Guidance technologique ‘Mise en œuvre des bétons spéciaux’ subsidiée par la DGTRE (Direction générale des Technologies, de la Recherche et de l’Énergie). Il n’existe à l’heure actuelle aucun modèle normalisé permettant de calculer la poussée du BAC sur les coffrages. Les modèles précités, applicables au béton traditionnel, ne peuvent être utilisés tels quels. Il est couramment admis que la poussée du BAC peut être nettement plus élevée que celle d’un béton traditionnel, mais elle n’atteint en aucun cas la pression hydrostatique. La littérature et les expériences menées avec ce type de béton révèlent des données pour le moins contradictoires. Les poussées mentionnées sont éminemment variables, passant d’une fraction de la pression hydrostatique (moins qu’un béton traditionnel) à 100 % de cette dernière [voir les références 2 à 6, 17, 18, 20, 21 et 25]. Dans ce contexte, les conditions limites s’avèrent particulièrement importantes [9]; citons : • la vitesse d’élévation du béton : une montée rapide du béton dans le coffrage entraîne généralement une augmentation de la hauteur piézométrique • la méthode de pompage : l’injection du béton par le bas du coffrage produit invariablement une poussée hydrostatique sur toute la hauteur du coffrage; dans certains cas, la pression a tendance à augmenter encore davantage lorsque les pompes sont particulièrement puissantes • la hauteur du coffrage : sur de trop petits murets d’essai, les mesures ne concernent que le front hydrostatique et pas le fléchissement de la pression, comme c’est habituellement le cas lorsque la hauteur de bétonnage dépasse quelques mètres (cf. figure 4, p. 3) • le recours à des adjuvants spéciaux : l’emploi d’adjuvants augmentant la durée d’ouvrabilité du béton, voire de retardateurs de prise a non seulement pour effet d’accroître la poussée, mais également de la maintenir plus longtemps. On comprend dès lors la prudence des spécialistes, qui recommandent de tenir compte d’une pression hydrostatique sur les coffrages Les Dossiers du CSTC – N° 3/2006 – Cahier n° 7 – page Ö PROJETS – ETUDES A Calcul de la poussée du béton sur les coffrages selon la norme Cette norme propose une évolution de la pression en deux phases (voir la figure 1) : •d’abord une pression hydrostatique évoluant en fonction de la hauteur •puis une pression constante. hs Fig. 1 Evolution de la pression. 5 vb La figure 2 représente les configurations possibles lorsque la hauteur totale du coffrage est inférieure ou supérieure à cinq fois la vitesse d’élévation du béton dans le coffrage. La valeur de hs peut être déterminée à l’aide de diagrammes tels que celui représenté à la figure 3, où il est tenu compte de diverses hypothèses, à savoir : •masse volumique du béton frais égale à 25 kN/m³ •prise du béton après 5 heures au maximum •coffrage étanche •serrage à l’aiguille vibrante (interne) •température du béton frais de +15 °C •vitesse maximale de bétonnage de 7 m/h. DIN 18218 hs : h������� auteur �������������� piézométrique e�� ��� n� m pb :�������� poussée ��������� du béton frais ������ e�� n kN/m ���� vb :�������� vitesse ������������ d’élévation ��������� du béton dans le coffrage, e�� n m/h ��� pb Fig. 2 Configurations possibles pour� �� h ≤ 5 vb et h > 5 vb. A. h ≤ 5 vb hs : h������� auteur �������������� piézométrique e�� ��� n� m pb :�������� poussée ��������� du béton frais ������ ��� e�� n kN/m ���� vb :�������� vitesse ������������ d’élévation ��������� du béton ����� dans ������������� le coffrage, ��� e�� n m/h ��� En cas d’écart par rapport à ces hypothèses, des adaptations du calcul sont proposées; ainsi, par exemple, si l’on utilise des adjuvants qui modifient l’ouvrabilité du béton et/ou le temps de prise, il y a lieu d’augmenter la hauteur piézométrique (hs). 5 vb hs h > 5 vb 5 vb 5 vb h ≤ 5 vb hs hs B. h > 5 vb pb pb 140 130 1 p (kN/m2) du béton frais 90 80 Pression h (m) piézométrique Hauteur 2 100 50 ) vb + ) + 18 . . vb 7 4 (1 (1 e��������K3 id 9) +1 flu b v n . to (10 Bé K2 70 60 . vb + K1 (5 21) 1,1 1,2 1,3 1,4 40 30 Etais 20 Parois 10 0 17 Walz 3 110 selon 4 120 Fig. 3 Hauteur piézométrique selon la norme DIN 18218. 1,0 Compacité 5 Hypothèses� �: • ���������������� masse volumique ��������� du béton frais������ : 25 kN/m ����3 •������ prise ��������� du béton������ ����� : 5 h •��������� coffrage ������� étanche •�������� serrage �� à �������������������� l’aiguille vibrante (interne) • ������������ température ��������� du béton frais��� ��������: +15 °C 0 0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 6,0 6,5 7,0 Vitesse d’élévation [16, 24]. C’est notamment le cas des récentes Recommandations européennes concernant le BAC [11]. Quant au manuel édité en 2005 par du béton vb (m/h) Stubeco [22], qui fait référence en matière de coffrages, il s’en remet au Rapport du CIRIA, ajoutant toutefois qu’il y a lieu d’admettre Les Dossiers du CSTC – N° 3/2006 – Cahier n° 7 – page l’hypothèse d’une évolution hydrostatique. Se fondant sur ses propres recherches et sur la littérature, la cellule d’étude de Stubeco [23] Ö PROJETS – ETUDES B Calcul de la poussée du béton selon le rapport n° 108 du CIRIA Ce rapport fréquemment utilisé propose les deux formules suivantes pour déterminer la pression maximale Pmax exercée sur les coffrages : Pmax = C. R + C2 .K. H - C. R ou Pmax = D . h •R •T •K Courbe de pression type (béton ordinaire) Pmax D Courbe de pression calculée Hauteur de béton������ h (m) Dans ces formules, on a : •C1 : coefficient de forme du coffrage; égal à 1 pour des voiles et à 1,5 pour des colonnes [-] •C2 : coefficient lié au type de béton et de ciment (voir tableau 1) [-] •D : masse volumique du béton frais [kN/m³] •H : hauteur verticale du coffrage [m] •h : hauteur de chute dans le coffrage [m] Courbe de pression hydrostatique Evolution probable de la pression d’un béton ultrafluide (BAC) 2 æ 36 ö : coefficient de température, K = ç ÷ èT + 6 ø Pmax : hauteur d’ascension du béton dans le coffrage [m/h] : température de mise en œuvre du béton [°C]. Pression������ (kN/m2) Fig. 4 Evolution de la pression sur les On retient la formule qui fournit la valeur la plus faible pour Pmax [kN/m²]. coffrages [8]. Si l’on compare la figure 4 et la figure 1, on remarque immédiatement que les deux méthodes aboutissent à une distribution similaire des pressions, soit une pression hydrostatique dans la partie supérieure de l’ouvrage et une pression constante dans la partie inférieure. Le diagramme de la figure 4 fait également apparaître une donnée fréquemment pressentie, à savoir : la chute de la poussée sur le coffrage dans la partie inférieure de l’ouvrage. Tableau 1 Valeurs du coefficient C2 [8] (les dénominations du ciment ont été adaptées au contexte belge). Type de liant Valeur de C2 Ciment Portland (CEM I) avec ou sans adjuvants (sauf retardateurs) 0,3 Ciment Portland (CEM I) avec retardateurs 0,45 CEM II/A-S, CEM II/A-V, CEM II/B-S, CEM II/B-V et mélanges de ciments contenant moins de 70 % de laitier de haut fourneau ou de cendres volantes, avec ou sans adjuvants (sauf retardateurs) 0,45 CEM II/A-S, CEM II/A-V, CEM II/B-S, CEM II/B-V et mélanges de ciments contenant moins de 70 % de laitier de haut fourneau ou de cendres volantes, avec retardateurs 0,6 Mélanges contenant plus de 70 % de laitier de haut fourneau ou de cendres volantes, avec ou sans adjuvants 0,6 exclut par ailleurs la possibilité d’adopter une règle de calcul générale. Si la recherche menée par le CSTC s’est essentiellement intéressée aux conditions limites précitées (leur influence sur la poussée maximale dans les coffrages étant prédominante), il convient toutefois de ne pas perdre de vue les paramètres adoptés pour le béton classique (température du mélange, température extérieure, type de ciment, ...). Ceux-ci conditionnent essentiellement la vitesse de raidissement du béton et l’évolution dans le temps de la pression exercée sur les coffrages. Par contre, leur action sur la pression maximale est restreinte, sauf si le bétonnage se prolonge pendant plusieurs heures. Le cas échéant, le raidissement du béton déterminera en effet dans quelle mesure la pression sur les coffrages s’accumule en hauteur pour atteindre la pression hydrostatique : • évolution complète (jusqu’à 100 %) si le raidissement est nul ou très lent • baisse significative en cas de raidissement rapide du mélange. Comme nous l’avons déjà signalé, certains auteurs font état d’une réduction potentielle de la poussée de certains BAC sur les coffrages, expliquant le phénomène par le comportement thixotrope du béton. 4 Système de mesure mis au point pour déterminer la poussée du béton in situ Précisons simplement qu’un BAC thixotrope se caractérise par une fluidité apparemment plus grande dès que le béton est en mouvement et par une certaine raideur lorsqu’il est au repos. La thixotropie du béton se définit comme une décroissance de la viscosité sous l’effet d’une contrainte de cisaillement. L’absence de cette dernière – comme dans un béton au repos – engendre une hausse (apparente) de la viscosité, laquelle serait précisément responsable de la réduction de la poussée. Outre les performances de mesure et l’impact minimal sur le coffrage et le béton, les critères de choix des capteurs étaient guidés par la précision des mesures dans le béton (alcalinité, chaleur d’hydratation, ...), les possibilités de placement et de récupération ainsi que l’acquisition des données. Si les parois sont peu épaisses, on peut également évoquer un certain effet ‘silo’. L’influence exacte de ce phénomène dépend dans une large mesure de la fluidité du béton, ce qui en rend l’évaluation particulièrement malaisée. Ce phénomène n’a par conséquent pas été étudié dans le cadre de ce projet. 4.1 Choix des capteurs Sur cette base, cinq types de capteurs ont été retenus : quatre types différents de capteurs de pression et un dynamomètre à placer sur les entretoises (figures 5 à 9, p. 4), le capteur de type 2 pouvant être considéré comme instrument de référence pour les mesures de poussée du béton. 4.2 Mise en place Des accessoires ont été spécialement conçus Les Dossiers du CSTC – N° 3/2006 – Cahier n° 7 – page Ö PROJETS – ETUDES Fig. 5 Capteur 1. Fig. 6 Capteur 2. Fig. 8 Capteur 4. Fig. 10 Capteur 1 (avec accessoire) disposé dans le coffrage. Fig. 11 Capteur 2 (à gauche) et cap­ teur 4 (à droite) disposés dans le coffrage. Fig. 7 Capteur 3. Fig. 9 Capteur 5 (dynamomètre). pour chaque type de capteur afin de faciliter la mise en place et la récupération du matériel. La surface de mesure a en outre été protégée par un film plastique. Trois méthodes de pose ont été adoptées selon le type de capteur : • pose à l’intérieur du coffrage (capteur de type 1, figure 10) • pose dans le plan du panneau de coffrage (capteurs 2, 3 et 4) : cette méthode nécessite le percement du coffrage (figure 11), sauf dans le cas du capteur 3 (figure 12) dont la petite taille autorise une pose dans les orifices destinés aux entretoises dans les panneaux de coffrage préfabriqués • pose sur les entretoises (capteur 5, figure 9) : la difficulté consiste ici à assurer la simplicité de l’ensemble (configuration du coffrage, disposition des entretoises et des capteurs) en vue de l’interprétation des mesures. Les efforts mesurés doivent en effet être convertis en valeurs de pression. 4.3 Etalonnage des capteurs Bien que l’on connaisse la gamme des mesures et la puissance de sortie des différents capteurs, chacun d’eux doit cependant être étalonné individuellement afin de garantir une interprétation correcte des résultats. L’étalonnage effectué au moyen d’une pression d’eau et d’un capteur de référence s’avère être la méthode la plus indiquée (figures 13 et 14); un tube spécial a été conçu à cet effet pour permettre des mesures jusqu’à 3 bar en valeurs absolues (pression atmosphérique comprise). Fig. 12 Accessoire pour la pose du capteur 3. Fig. 13 Mesure de la pression de référence à l’une des extrémités du tube. Les Dossiers du CSTC – N° 3/2006 – Cahier n° 7 – page Fig. 14 Placement du capteur à étalonner à l’autre extrémité (bouchon réversible pour chaque capteur). Ö PROJETS – ETUDES L’étalonnage a été réalisé pour une plage de 0 à 150 kN/m² en valeurs relatives, les courbes ainsi établies constituant la base d’interprétation des mesures. 4.4 Essais à petite échelle Les performances des capteurs ont été testées dans un petit coffrage (hauteur 100 cm, largeur 23 cm, cf. figure 15) rempli d’eau ou de béton. Les résultats ont révélé une assez bonne corrélation entre les différents types de capteurs. En valeurs absolues, la poussée exercée par le béton autocompactant est très proche de la pression hydrostatique, ce qui est somme toute logique. La hauteur réduite de béton n’est dans ce cas certainement pas supérieure à la hauteur piézométrique hs (voir également la figure 4, p. 3). manipulable – maximum : 4 % selon les prescriptions de l’Eurocode 2) • type de béton : les essais ont été effectués avec trois types de BAC de composition rhéologique différente. Le troisième type de BAC contient un agent de viscosité (VMA) permettant d’obtenir une certaine forme de thixotropie. Un voile en béton traditionnel a été réalisé à titre de référence. La position des capteurs variait aussi bien dans le sens vertical (mesure de l’évolution verticale de la poussée) que dans le sens horizontal (des capteurs de type différent ont été alignés horizontalement pour permettre une comparaison). L’installation des dynamomètres sur les entretoises a requis une attention particulière, tant en ce qui concerne la pose elle-même que la configuration du coffrage. La crainte de voir la température exercer une influence excessive sur la qualité des mesures (en raison de la chaleur d’hydratation) s’est avérée non fondée. La hausse des températures le long des panneaux de coffrage ne se produit en effet qu’après la disparition de la poussée. Un coffrage étant généralement un ouvrage hyperstatique, il n’est pas toujours possible de déterminer directement quels efforts seront repris par telle ou telle entretoise, ce qui rend malaisée la conversion ultérieure des efforts sur les entretoises en termes de poussée réelle du béton. 5 Essais sur voiles en vraie grandeur Une configuration adaptée du coffrage a été mise au point en concertation avec le fournisseur (du coffrage) afin de permettre une interprétation optimale des résultats de mesure obtenus avec les dynamomètres. Les dynamomètres des quatre entretoises centrales enregistrent la poussée reprise par un pan de coffrage relativement large, ce qui se révèle important compte tenu de la vaste gamme de mesures propre à ces capteurs (300 kN). 5.1 Coffrages Lors de la seconde phase de recherche, un dispositif d’essai de grande envergure (figure 16) a été élaboré en vue de confectionner une dizaine de voiles dans des conditions contrôlées. L’applicabilité des capteurs et l’influence des divers paramètres de mise en œuvre ont ainsi pu être évaluées. Le dispositif d’essai (dimensions : 4,05 m de hauteur, 1,20 m de largeur et 0,30 m d’épaisseur) était constitué par des panneaux de coffrages préfabriqués. Au total, dix voiles ont été érigés au moyen du même coffrage, mais avec des paramètres de mise en œuvre différents, à savoir : • une vitesse de mise en place du béton de 5 m/h et de 10 m/h, soit une cadence légèrement supérieure aux valeurs couramment admises pour la réalisation de voiles en béton. Le recours au béton autocompactant et donc la suppression du serrage par vibrations permettent parfois d’accélérer le bétonnage. Une vitesse d’élévation de 10 m/h implique un remplissage du coffrage sur une hauteur de 4 m en 24 minutes; une cadence de 5 m/h requiert évidemment deux fois plus de temps • présence d’armatures : deux situations extrêmes ont été testées, l’une avec un minimum d’armatures, l’autre avec un maximum d’armatures (minimum : 0,3 %, en fait : 1 % afin d’obtenir une cage d’armatures La figure 17 (p. 6) illustre l’emplacement et la répartition des capteurs. Fig. 15 Petit coffrage expérimental. Si l’on considère aussi bien l’assemblage entre les deux panneaux de 90 cm de longueur que les assemblages d’angle comme des rotules, près des deux tiers de la poussée sur le coffrage devraient en théorie être repris par les entretoises centrales équipées du dynamomètre. Une analyse par éléments finis a permis de vérifier cette hypothèse pour un pan du coffrage (figure 23, p. 9). 5.2 Formulations Les formulations de béton sont classées en quatre catégories et présentent chacune des caractéristiques rhéologiques différentes (voir tableau 2, p. 7). Les caractéristiques de chaque formulation sont les suivantes : • mélange C1 : mélange de référence présentant un étalement d’environ 750 mm • mélange C2 : mélange plus stable caractérisé par un étalement d’environ 700 mm et une teneur en filler plus importante • mélange C3 : mélange plus visqueux que C1 et C2, contenant un agent de viscosité (VMA) • mélange N : béton traditionnel de classe de consistance S3. Chaque formulation a fait l’objet d’une mise au point préalable en laboratoire. A cet effet, les constituants ont été commandés à la centrale à béton, de manière à ce qu’ils soient identiques à ceux utilisés dans les fournitures de béton ultérieures. Un soin particulier a été apporté au choix du superplastifiant, dans la mesure où l’on escomptait une ouvrabilité relativement constante sur une période prolongée (60 mi­ nutes minimum), qualité que la plupart des superplastifiants ne possèdent pas forcément. Les formulations ainsi optimisées ont ensuite été communiquées à la centrale à béton qui assurait les fournitures (il ne s’agissait donc pas d’une commande classique fondée sur les cinq exigences principales des normes NBN EN 206-1 et NBN B 15-001, mais d’une commande basée sur une composition prescrite). Pour maintenir l’ouvrabilité requise aussi Fig. 16 Construction du coffrage. Les Dossiers du CSTC – N° 3/2006 – Cahier n° 7 – page Ö PROJETS – ETUDES Fig. 17 Plans de coffrages montrant la disposition des capteurs et des entretoises. A. Vue en élévation Entretoises avec dynamomètre F 400 E Hauteur (cm) 348 D 273 C 212 B 56 A 0 Entretoises avec extensomètre B. Coupe transversale Panneaux d’une longueur de 90 cm Entretoises ‘Rotule’ 3 4 2 1 3 3 longtemps que possible, le superplastifiant a été incorporé sur chantier. En effet, pour pouvoir caractériser le béton, il était nécessaire d’effectuer au préalable un certain nombre d’essais pratiques. De plus, certains voiles requéraient une durée de mise en place du béton de 50 minutes. 5 3 1 2 3 4 5 = = = = = �������� capteur�� � 1 �������� capteur�� � 2 �������� capteur�� � 3 �������� capteur�� � 4 �������� capteur�� � 5 3 Kelly-Bryant) [14] ont été effectués sur des prismes conservés à pied d’œuvre afin qu’ils soient exposés à des conditions identiques (figure 18). On considère que la prise du béton est achevée dès qu’une force de plus de 400 N est nécessaire pour extraire une tige du prisme. Fig. 18 Prismes confectionnés pour les essais de prise du béton. Fig. 19 Montage des deux coffrages d’essai. Le tableau 3 (p. 7) présente les résultats d’essai du BAC frais destiné aux voiles (avant coulage). Pour le voile 8 (en béton classique), seul l’affaissement a été déterminé comme c’est le cas habituellement. Après coulage du béton, les essais sur le mélange frais ont été répétés afin de quantifier le maintien de l’ouvrabilité. On a ainsi pu constater dans la plupart des cas que celle-ci ne diminuait que dans une faible mesure. Pour chaque voile, quelques essais de détermination de la prise du béton (selon la méthode Les Dossiers du CSTC – N° 3/2006 – Cahier n° 7 – page Ö PROJETS – ETUDES Tableau 2 Formulations utilisées pour la construction des voiles. Mélange C1 Mélange C2 Mélange C3 Mélange N Consistance��(slump flow) (mm) 750 700 700 S3 Rapport E/C 0,51 0,52 0,52 0,57 – Caractéristiques attendues Seuil d’écoulement��(yield value) (Pa) 10 20 20 Viscosité������� (Pa.s) 5 10 60 – Mélange C1 Mélange C2 Mélange C2 Mélange N Ciment������������� CEM I 52,5 N 337 312 355 281 Filler calcaire 159 225 154 209 Composition������ (kg/m3) 0 0 0 0 Sable 0/1 330 306 320 237 Sable 0/2 599 555 581 490 Granulat calcaire 2/8 763 810 740 230 0 0 0 798 Eau 173 162 186 160 Superplastifiants������������� (SP1 et SP2) 12 15 8 0 Agent de viscosité������ (VMA) 0 0 5 0 Mélange C1 Mélange C2 Mélange C3 Mélange N 2372 2385 2349 2405 Fumée de silice Granulat calcaire 10/14 Masse volumique théorique (kg/m3) Tableau 3 Performances du béton frais des voiles M2 à M10 avant coulage. Paramètres d’exécution M2 M3 M4 M5 M6 M7 M8 (�2) M9 M10 Formulation de béton C1 C1 C1 C1 C2 C2 N C3 C3 Densité d’armatures (%) 1 4 1 4 1 4 1 1 4 Vitesse de coulée������ (m/h) 5 5 10 10 5 10 10 10 10 M2 M3 M4 M5 M6 M7 Etalement����� (mm) 740 751 800 779 688 685 T 50 mm (s) 1,0 1,1 0,4 1,0 0,4 0,7 Vitesse d’écoulement à l’entonnoir���� (s) 2,5 2,2 1,8 4,1 1,5 Etalement au J-Ring (mm) 800 785 772 804 Hauteur de blocage au J‑Ring (h1/h2) 4 5 8 Ratio ‘boîte en L’���� (-) 1,00 1,00 Teneur en air���� (%) 0,8 1,8 Masse volumique (kg/m3) 2352 2284 Profondeur de pénétration (mm) 25 Stabilité au tamis (%) (1) (�2) M9 M10 – 808 690 – 0,3 1,7 2,4 – 1,5 2,5 695 705 – 773 685 6 4 9 – 4 7 0,80 0,92 1,00 0,81 – 0,98 0,89 1,1 1,1 1,2 2,0 – 0,6 1,4 2315 2338 2318 2312 – 2294 2324 51 35 47 28 17 – 51 16 13 26 10 14 9 6 – – 6 Etalement après coulage� (mm) 703 588 585 661 545 545 – 865 – Perte d’étalement moyenne après coulage����� (mm) 37 163 215 118 143 140 – 58 – Résultats d’essai M8 (1) Pour plus de détails au sujet des méthodes d’essai, on consultera utilement l’article paru dans les Dossiers du CSTC 4/2005 [7]. (2)������������������������������ M8 = voile en béton classique�. Les Dossiers du CSTC – N° 3/2006 – Cahier n° 7 – page Ö PROJETS – ETUDES 5.3 Réalisation chaque point de mesure donnent le pourcentage de la poussée de béton mesurée par rapport à la pression hydrostatique. Ces graphiques ont été établis compte tenu d’une progression moyenne mais continue du bétonnage. Si la durée totale du bétonnage était de 25 minutes, on a supposé, pour établir les graphiques, que la vitesse de coulée était constante. La figure 21 montre qu’en fait, le bétonnage ne s’est pas déroulé de manière totalement continue et ce, en raison de la vitesse minimum de la pompe. des mesures Les résultats de mesure ont été traités au moyen de deux systèmes d’acquisition reliés à un PC pour l’enregistrement des signaux (figure 20). Ces résultats, exprimés en volts ou en millivolts (V ou mV), sont convertis en valeurs de pression (kN/m²) à l’aide des courbes d’étalonnage établies antérieurement. On obtient ainsi, pour chaque capteur, la poussée du béton dans le temps (voir figure 21 pour le voile 5). Si, pour chaque capteur, on considère en premier lieu la poussée maximum du béton, on peut comparer cette valeur avec la pression hydrostatique théorique à la même hauteur. Exemple Le capteur 5 a été placé à une hauteur de 17 cm dans le voile 5, ce qui donne une hauteur de béton de 383 cm. En admettant l’hypothèse d’une poussée hydrostatique, ce capteur est susceptible de recevoir une pression de 88 kN/m² (d’après les mesures de masse volumique effectuées sur le béton frais, soit 2338 kg/m³ dans le cas du voile 5). La poussée mesurée dans le voile 5 s’élève à 80 kN/m², ce qui représente 90 % de la pression hydrostatique. Cette évaluation peut être effectuée pour chaque capteur et pour chaque voile. Fig. 20 Moniteurs de mesure. r Les mesures ont clairement mis en évidence les bonnes performances des petits capteurs de pression (type 3, voir figure 7, p. 4) ainsi qu’une bonne corrélation avec les capteurs de référence (type 2). Les deux autres capteurs de pression fournissent généralement des valeurs comparables, bien que certaines d’entre elles atteignent parfois des extrêmes inexplicables. 5.4 Interprétation des résultats Les résultats enregistrés par certains capteurs illustrent l’évolution de la pression selon la hauteur du béton dans le coffrage (figure 22, p. 9). Les nombres figurant dans la légende du graphique (50, 150, 250, 350 et 405) correspondent à la hauteur du béton. Ainsi, la courbe 405 montre l’évolution de la pression dans le coffrage rempli de béton. Les nombres indiqués à Fig. 21 Evolution de la poussée du béton pendant et après le coulage (résultats obtenus avec l’ensemble des 16 capteurs du voile 5). 100 90 Les résultats fournis par les dynamomètres peuvent être interprétés sur la base de la modélisation du coffrage précédemment évoquée. La sollicitation théorique est calculée à partir des résultats enregistrés par les capteurs de pression, de façon à ce qu’une bonne corrélation implique une similitude des résultats entre les capteurs de pression (dans le coffrage) et les dynamomètres (disposés sur les entretoises). La modélisation fait apparaître une bonne corrélation pour les deux entretoises inférieures, les plus sollicitées, mais révèle des différences entre les deux entretoises supérieures. Les figures 23 et 24 (p. 9) montrent les déformations et les efforts résultant de la simulation faite pour un pan de coffrage. L’analyse des efforts exercés sur le coffrage a bien entendu été fortement simplifiée. Un coffrage étant en principe une structure hyperstatique, il y a lieu de tenir compte de la raideur des éléments, du report exact des moments pour les différents encastrements, etc. La simplification présentée ici permet cependant d’effectuer une évaluation rapide des efforts résultants. Ces forces de réaction sont reportées dans le sens horizontal, d’une part, sur les entretoises centrales (équipées des dynamomètres) et, d’autre part, sur les entretoises latérales (munies d’extensomètres). 80 70 Pression (kN/m2) Résultats de mesure des dynamomètres La répartition calculée de ces efforts résultants s’établit comme suit : 72 % sur l’entretoise située le plus au centre et 14 % sur les entretoises de gauche et de droite. Pour contrôler cette répartition horizontale, deux des murs d’essai ont été équipés d’extensomètres placés sur les entretoises latérales. Les résultats de mesure obtenus pour les deux murs montrent des résultats similaires et confirment globalement la répartition horizontale. 60 50 40 30 20 10 0 0 50 100 150 200 Temps (min.) Les Dossiers du CSTC – N° 3/2006 – Cahier n° 7 – page 250 300 En résumé, on peut dire que les résultats des deux dynamomètres inférieurs (hauteurs B et C, fig. 17, p. 6) sont conformes aux prévisions. Quant aux deux dynamomètres supérieurs (hauteurs D et E), les résultats sont très disparates et ne correspondent pas toujours aux calculs; on obtient en effet, dans le cas du dynamomètre Ö PROJETS – ETUDES Fig. 22 Evolution de la poussée du béton lors du coulage dans le coffrage du voile 5. 400 400 50 cm 150 cm 250 cm 350 350 350 cm 405 cm de béton Hauteur Hauteur (cm) 250 de coffrage (cm) 300 150 94 % 250 95 % 200 92 % 150 96 % 100 n to 50 de bé e ut Ha 50 ur te an ss oi cr 92 % 91 % 0 0 0 10 20 30 50 40 60 70 80 90 100 Pression (kN/m2) Il convient toutefois de préciser qu’il est de loin plus fastidieux d’analyser les résultats des dynamomètres que d’interpréter ceux des capteurs de pression. Il faut en effet disposer d’un modèle (simplifié) du coffrage sur la base duquel on peut contrôler, pour une sollicitation imposée (fictive), la ‘répartition’ des efforts à la surface du coffrage. Les forces de réaction qui en résultent donnent une indication de la relation entre la poussée sur le coffrage et les efforts mesurés sur les entretoises. Dans ces conditions, il est dès lors malaisé de se prononcer avec précision sur l’évolution réelle de la poussée à l’intérieur du coffrage. Fig. 23 Simulation d’un pan de coffrage (voile) par la méthode des éléments finis. Fig. 24 Simulation par la méthode des éléments finis des actions exercées sur un pan de coffrage (voile). Dans la pratique, toutefois, les fournisseurs de coffrages savent généralement quels sont les efforts admissibles sur les entretoises, tant en ce qui concerne la charge maximale par entretoise, que pour ce qui est de la déformation du coffrage. En effet, si une pression excessive à l’intérieur de la structure n’entraîne pas nécessairement sa rupture, elle peut néanmoins provoquer une déformation inadmissible du coffrage et, partant, de la surface de l’élément en béton. D2, tantôt une surestimation, tantôt une sousestimation. La poussée du béton mesurée par les capteurs de pression a été utilisée pour configurer la sollicitation. Les déformations résultantes sont également indiquées (mais ne sont pas représentées à l’échelle). Le dynamomètre utilisé constitue dès lors un excellent moyen pour contrôler rapidement les efforts exercés sur les entretoises les plus sollicitées durant la mise en place du béton et effectuer ainsi une estimation prudente de la poussée maximale escomptée sur le coffrage. Les Dossiers du CSTC – N° 3/2006 – Cahier n° 7 – page Ö PROJETS – ETUDES 5.5 Influence des paramètres étudiés Les analyses et les diagrammes proposés ciavant pour déterminer la poussée (maximale) mesurée par les différents capteurs de pression permettent d’évaluer l’influence des paramètres variables durant le bétonnage (vitesse de coulée, densité d’armatures, type de mélange). La figure 26 présente les pressions mesurées dans l’ensemble des voiles à six hauteurs différentes à l’intérieur du coffrage. Le diagramme indique également la pression hydrostatique correspondant à chaque hauteur. L’influence des divers paramètres est étudiée ci-après à la lumière du graphique de la figure 26. 5.5.1 Vitesse de coulée La mise en place du béton s’est opérée à une cadence de 5 m/h pour les voiles M2, M3 et M6, et de 10 m/h pour les autres voiles. Lorsque le bétonnage s’opère à une vitesse de 5 m/h, la poussée prévue sur le coffrage est moins importante que si le béton monte de 10 m/h. Or, on constate à la figure 27 (p. 11) une pression plus élevée pour les voiles M2 et M6 que pour les autres voiles. Il se peut qu’au-delà d’une certaine valeur, la vitesse de coulée n’ait plus qu’une incidence infime sur la pression exercée sur le coffrage. Certains auteurs rapportent cependant des valeurs inférieures à 50 % de la pression hydrostatique lorsque la coulée progresse très lentement (1,5 m/h ou moins). 5.5.2 Dans certains cas, les voiles faiblement armés ont donné lieu à des pressions élevées; dans d’autres, c’est l’inverse qui s’est produit (cf. figure 28, p. 11). On ne peut donc pas affirmer que la densité d’armatures ait une influence significative sur les pressions exercées sur les coffrages. 5.5.3 Type de mélange Quatre types de béton ont été mis en œuvre : • C1 pour les voiles M2 à M5 • C2 pour les voiles M6 et M7 • C3 pour les voiles M9 et M10 • un béton classique pour le voile M8. En laboratoire, les mélanges de type BAC présentaient un comportement rhéologique très variable. Cette variabilité ne ressort pas toujours des mesures de pression, ni de la caractérisation du béton frais effectuée juste avant la mise en œuvre. Il est dès lors apparu, lors des essais, que les caractéristiques (rhéologiques) recherchées, telles qu’obtenues lors de la mise au point des mélanges en laboratoire, ne sont pas toujours aisément reproductibles par la centrale à béton. De plus, les caractéristiques escomptées sont très sensibles au dosage des adjuvants. Des agents de viscosité ont ainsi été incorporés dans les mélanges destinés à la confection des voiles 9 et 10, dans le but d’accroître leur thixotropie. Dans le cas du voile 9, un surdo- sage en superplastifiant a toutefois engendré une ségrégation ainsi qu’une augmentation de la pression dans le coffrage. Dans le cas du voile 10, l’adjuvantation s’est déroulée sans problème, mais semble avoir eu très peu de répercussions sur la poussée du béton. La caractérisation d’un échantillon de BAC à l’aide du viscosimètre a révélé une thixotropie nettement inférieure à celle observée avec les mélanges d’essai préalables. Cependant, le type de mélange semble être le principal paramètre responsable des écarts de pression observés. Ainsi, par exemple, la seule différence intrinsèque entre les voiles 4 et 9 ou les voiles 5 et 7 est le type de mélange; or, ils révèlent des pressions éminemment différentes. La figure 29 (p. 11) montre à la fois l’effet néfaste d’un surdosage en superplastifiant (donc un BAC trop fluide) dans le voile 9 et une poussée relativement faible dans le coffrage du voile 7, par exemple (à peine quelques kN/m2 de plus qu’un béton classique). Dans le cas du voile 7, cette poussée relativement basse est particulièrement manifeste au droit du capteur inférieur. Lorsqu’on fait en outre la corrélation avec les caractéristiques rhéologiques mesurées (tableau 3, p. 7), on remarque que les pressions les plus faibles sont précisément celles qui sont exercées par les mélanges présentant la plus grande perte d’étalement. Seul le voile 6 fait exception à la règle. Fig. 26 Pressions mesurées dans les voiles à six hauteurs différentes à l’intérieur du coffrage. Densité d’armatures Les voiles M2, M4, M6, M8 et M9 renferment la quantité minimum d’armatures; les voiles M3, M5, M7 et M10 la quantité maximale. 100 C2 C1 N C3 90 H - 17,5 H - 50 17,5 50 H - 117,5 117,5 H - 152,5 152,5 H - 217,5 217,5 H - 252,5 252,5 Fig. 25 Configuration du coffrage. (kN/m2) 70 du béton� 60 Pression 80 50 H est la pression hydrostatique correspondant à chaque hauteur dans le coffrage, symbolisée par les lignes pointillées. 40 30 Les grandes colonnes gris vert représentent le type de mélange. 20 M2 M3 M4 Les Dossiers du CSTC – N° 3/2006 – Cahier n° 7 – page 10 M5 M6 Voile M7 M8 M9 M10 Ö PROJETS – ETUDES On peut affirmer globalement que c’est essentiellement le type de mélange qui exerce une influence notable sur la pression maximale dans le coffrage, la vitesse de coulée et la densité d’armatures ayant une action moins manifeste. Toutefois, il convient de ne pas surestimer l’impact du mélange : l’écart entre la pression maximale (voile 9) et la pression minimale (voile 7) ne dépasse pas les 15 %. De plus, pour tous les voiles réalisés avec du béton autocompactant, on relève une poussée plus importante sur les coffrages que pour le voile en béton classique (S3). La poussée maximale représentait en effet entre 85 et 95 % de la pression hydro­statique, alors que, dans le voile de référence, en béton classique, elle ne s’élevait qu’à 79 % de cette dernière. 90 85 80 75 70 65 60 55 50 45 40 5 m/h 10 m/h 2-4 3-5 6-7 Voile� ��� (-) (*)�������� A noter que ���� ��� la �������� densité ������������ d’armatures ���� est ����������� différente pour les voiles M6 et M7�. Fig. 28 Incidence de la densité d’armatures sur la pression exercée sur le coffrage : comparaison entre les voiles M2-M4-M9-M6 et M3-M5-M10-M7 (résultats de quelques mesures) (*). 90 85 80 75 70 65 60 55 50 45 40 1 % d’armatures ����������� 4 % d’armatures ����������� 2-3 4-5 Voile (-) 9-10 6-7 (*)�������� A noter ���� que ����������� la vitesse ���������� de coulée ���� est ���������������� différente pour les voiles M6 et M7. Fig. 29 Incidence du type de mélange sur la pression exercée sur le coffrage : comparaison entre les voiles M4-M9 et M5-M7 (résultats de quelques essais). du béton durci Les résultats d’essai relatifs à la prise du béton montrent des écarts importants dans la durée de prise des mélanges : de 7 heures pour les voiles M1 et M8, à plus de 20 heures pour les voiles M9 et M10, la durée moyenne de prise étant de 15,5 heures. Si l’on excepte les adjuvants, la formulation de base était cependant pratiquement identique pour tous les voiles en BAC. Par rapport au voile 8 composé de béton classique, la durée de prise se révèle particulièrement longue pour certains voiles, sans doute en raison de leur teneur élevée en superplastifiant. L’impact du superplastifiant et de son dosage sur la durée de prise est donc manifeste. Ainsi, par exemple, un net surdosage en superplastifiant dans le voile 9 a donné lieu non seulement à une importante ségrégation, mais également à un allongement considérable du temps de prise. Pression sur le coffrage (kN/m2) 5.6 Performances Pression sur le coffrage (kN/m2) Ces constatations donnent lieu à une première conclusion importante quant à l’influence du type de BAC : même si le recours aux adjuvants (pour obtenir un effet thixotrope) permettait d’agir favorablement sur la pression régnant à l’intérieur des coffrages, une telle opération exigerait une grande minutie dans la formulation des mélanges, lesquels se révéleraient du même coup très sensibles à la moindre distorsion (comme un surdosage en superplastifiant, par exemple). Fig. 27 Incidence de la vitesse de coulée sur la pression exercée sur le coffrage : comparaison entre les voiles M2-M3-M6 et M4-M5-M7 (résultats de quelques essais) (*). Pression sur le coffrage (kN/m2) L’examen des diagrammes des figures 30 et 31 (p. 12) met également en évidence l’impact des adjuvants sur la baisse de pression dans les coffrages, notamment pour le voile 7 où la chute est brutale. Cette constatation est à mettre en relation avec la prise plus rapide du mélange concerné (690 minutes, contre 950 minutes en moyenne). Les pressions ‘résiduelles’ qui apparaissent dans les diagrammes entre 2000 et 5000 minutes sont dues au poids du béton partiellement durci. 90 85 80 75 70 65 60 55 50 45 40 Mélange��� C1 Mélange C3 (M9)/C2 (M7) 4-9 5-7 Voile (-) Pour chaque voile, deux séries de cubes ont été confectionnées en vue de la réalisation des essais de compression. La première série, conservée à pied d’œuvre afin de garantir des conditions de conservation identiques, a été utilisée notamment pour déterminer à quel moment procéder au décoffrage. La seconde série de cubes a été placée en chambre clima- tique à une température de 20 ± 2 °C et une humidité relative > 95 %, conformément aux prescriptions de la norme relative aux essais de compression sur béton. Après décoffrage, des cylindres de 70 mm de hauteur et de 79 mm de diamètre ont été prélevés à quatre hauteurs différentes (0,5 m - Les Dossiers du CSTC – N° 3/2006 – Cahier n° 7 – page 11 Ö PROJETS – ETUDES Fig. 30 Baisse de la pression sur le coffrage du voile 7 jusqu’à 5000 minutes après la mise en œuvre du béton. Nombre de minutes après remplissage du coffrage : 400 L’utilisation des bétons autocompactants (BAC) sur chantier suscite encore quelques questions au sein des entreprises. Celles-ci portent aussi bien sur les caractéristiques générales du matériau que sur des aspects plus spécifiques, tels que la réalisation des essais de contrôle sur le béton frais, les techniques de mise en œuvre, la poussée du béton sur les coffrages et les problèmes éventuels qui pourraient se poser dans le cas d’ouvrages en béton architectonique. 0 200 500 1000 2000 5000 350 Hauteur de béton (cm) 300 250 200 S’appuyant sur une vaste étude bibliographique ainsi que sur les résultats d’une campagne d’essais menée au CSTC, le présent article s’est attaché à examiner le problème de la poussée exercée par le BAC sur les coffrages, à pointer ses différences par rapport au béton classique et à évaluer la nécessité de considérer ou non la pression hydrostatique. 150 100 50 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Pression� (kN/m2) Fig. 31 Baisse de la pression sur le coffrage du voile 9 jusqu’à 5000 minutes après la mise en œuvre du béton. Nombre de minutes après remplissage du coffrage : 400 0 200 500 1000 2000 5000 350 Hauteur de béton (cm) 300 La campagne d’essais visait à déterminer la poussée exercée par le béton à l’aide de différents capteurs et à évaluer l’incidence de certains paramètres de mise en œuvre, tels que la vitesse de coulée, la densité d’armatures et le type de mélange. Deux vitesses de coulée (5 et 10 m/h), deux densités d’armatures (minimum et maximum selon les prescriptions définies dans l’Eurocode 2) et quatre formulations de béton (trois types de BAC et un béton classique) ont été considérées à cet effet. Cinq types de capteurs ont été sélectionnés et testés en vue de mettre au point un système de mesure qui permette de déterminer rapidement la poussée exercée par le béton, tout en limitant à un minimum les dégâts aux coffrages et aux surfaces des éléments en béton. 250 200 150 100 50 0 6Conclusions et recommandations 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Pression� (kN/m2) 1,5 m - 2,5 m - 3,5 m), afin de définir leur masse volumique et leur résistance en compression, mais aussi de détecter une éventuelle ségrégation. Les résultats de ces essais sont présentés au tableau 4 (p. 13). Ce tableau fait apparaître que : • les cubes placés en chambre climatique présentent systématiquement une résistance plus élevée en compression que les cubes conservés à pied d’oeuvre. Ceci est somme toute logique, si l’on considère les condi- tions de conservation optimales des cubes en chambre climatique (20 ± 2 °C et > 95 % d’humidité relative) • les cylindres prélevés à différentes hauteurs dans les murs possèdent une masse volumique assez similaire. Seul le voile 9 montre une ségrégation significative, avec une différence de 115 kg/m³ entre les cylindres prélevés à 0,5 m et à 3,5 m du voile. Cette observation avait déjà été faite lors des essais de ségrégation sur béton frais. Les Dossiers du CSTC – N° 3/2006 – Cahier n° 7 – page 12 Deux types d’instruments se distinguent par leur facilité d’emploi : • tout d’abord les petits capteurs de pression (Ø 20 mm) dont la mise en place dans le coffrage s’opère très aisément et sans dégâts excessifs. Disposés en plusieurs endroits, ils permettent de se faire une idée précise de l’évolution des pressions à l’intérieur du coffrage, mais nécessitent toutefois le recours à une unité d’enregistrement • les dynamomètres, qui peuvent être installés sur les entretoises. Ces instruments, faciles à manipuler, ne donnent cependant que des mesures indicatives, la conversion en termes de pression effective n’étant pas toujours simple. Avec l’aide du fournisseur du coffrage, il est possible d’évaluer la charge maximale sur chaque entretoise afin d’éviter des ruptures ou des déformations inadmissibles du coffrage. Il s’agit Ö PROJETS – ETUDES Tableau 4 Résistance à la compression et masse volumique des cubes conservés sur le site d’essai, des cubes placés en chambre climatique et des cylindres (*). En chambre climatique 0,5 m du mur 1,5 m du mur 2,5 m du mur 3,5 m du mur Cylindres prélevés à une hauteur de Sur site Cubes Voile M2 M3 M4 M5 M6 M7 M8 M9 M10 59 48 53 56 40 45 34 45 48 2325 2274 2296 2307 2279 2274 2320 2295 2305 50 45 48 55 38 43 32 41 47 2263 2221 2249 2279 2241 2229 2279 2274 2281 58 51 56 46 36 43 36 53 42 2316 2237 2288 2299 2262 2306 2289 2364 2288 64 52 58 48 37 56 34 69 52 2279 2251 2264 2295 2272 2261 2306 2357 2288 58 51 56 53 36 47 33 58 48 2286 2227 2247 2272 – 2242 2288 2360 2262 59 47 54 44 – 46 38 58 42 2286 2225 2262 2262 2247 2218 2281 2251 2265 (*)�������������������������������������������������������������������������������� Les cases grises mentionnent la résistance en compression à 28 jours (en N/mm²). Les cases colorées en vert clair fournissent la masse volumique��������� (en kg/m3). par conséquent d’un moyen intéressant pour évaluer rapidement les sollicitations qui s’exercent sur le coffrage. frages • quant au type de mélange, son influence sur la poussée du béton est indéniable. L’influence des paramètres tels que la vitesse de coulée, la densité d’armatures et le type de mélange a été déterminée expérimentalement à l’aide de plusieurs essais en vraie grandeur. Les résultats relatifs aux différentes vitesses de coulée et aux densités d’armatures donnent cependant lieu à des interprétations divergentes : • des vitesses de coulée peu élevées (5 m/h au lieu de 10 m/h) ou des quantités d’armatures importantes (4 % au lieu de 1 %) n’apparaissent pas comme des facteurs déterminants pour la pression sur les cof- Un facteur non négligeable tient toutefois aux difficultés d’extrapolation des résultats de laboratoire en résultats à grande échelle. La répétitivité des valeurs de viscosité et de thixotropie obtenues en laboratoire s’est avérée délicate pour les fournitures de béton faites par la centrale. La prudence est donc de rigueur lorsqu’on considère des phénomènes tels que la thixotropie : la moindre variation dans la formulation des bétons peut modifier sensiblement leurs propriétés rhéologiques. Les essais ont clairement fait apparaître l’influence considérable d’un surdosage en superplastifiant sur la poussée que le béton exerce sur les coffrages (les valeurs les plus élevées ont été enregistrées) ainsi que sur la durée de prise (beaucoup plus longue). D’une manière générale, il est dès lors recommandé de ne pas renoncer à prendre en compte la pression hydrostatique du béton, à moins que la vitesse de coulée soit particulièrement lente (< 1 m/h). Si le calcul de la pression hydrostatique nécessite des adaptations excessives du coffrage, on peut opter pour une mise en œuvre dans des conditions de pression contrôlées par un certain nombre de capteurs. n Les Dossiers du CSTC – N° 3/2006 – Cahier n° 7 – page 13 Ö PROJETS – ETUDES t Bibliographie 1. Adam M., Bennasr M. et Santos Delgado H. Poussée du béton frais sur les coffrages. Annales de l’ITBTP, 1965. 2. Alfes C. Fresh concrete pressure of highly flowable concrete and self-compacting concrete in element walls. Gütersloh, Betonwerk + Fertigteil-Technik, vol. 70, n° 11, 2004. 3. Amziane S. et Baudeau Ph. Influence de la concentration et de la dimension des granulats vis-à-vis de la poussée du béton frais sur une paroi coffrante (thèse). Lorient, Laboratoire de Génie Mécanique et Matériaux, Université de Bretagne Sud, 1999. 4. Billberg P. Form pressure generated by self-compacting concrete. 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