Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités Beijing, République populaire de Chine, 21-25 mai 2001 Rapport final Secteur de l’éducation Remerciements L’UNESCO exprime sa gratitude à la Commission nationale de la République populaire de Chine pour sa précieuse contribution à l’organisation de cette réunion d’experts. L’UNESCO remercie aussi le professeur J.M. Leclercq de ses conseils pour l’orientation des débats et le professeur B. Mulford pour sa contribution au succès de la réunion. Pour toutes informations complémentaires, veuillez contacter : Mme Sonia Bahri, Chef de la Section de l’enseignement secondaire général UNESCO 7, Place de Fontenoy 75352 Paris 07 SP, France Tél : + 33 1 45 68 08 38 Fax : + 33 1 45 68 56 30 E-mail : [email protected] UNESCO 2001 (ED-2002/WS/4) (Version anglaise : ED-2001/WS/38) Printed in France Ta b l e d e s m a t i è r e s Introduction Ouverture de la conférence, buts et organisation du rapport Le contexte : faut-il redéfinir les objectifs et fonctions de l'enseignement secondaire au XXIe siècle ? 1 Document d’orientation 2 Rapports nationaux, exposés, discussions et débats 3 Conclusions Thèmes : les problèmes majeurs auxquels l'enseignement secondaire doit ou devra faire face 1 Accès de masse contre sélection 1.1 Document d’orientation 1.2 Rapports nationaux, exposés, discussion et débat 1.3 Conclusions 2 Enseignement général contre enseignement spécialisé (professionnel) 2.1 Document d’orientation 2.2 Rapports nationaux, exposés, discussions et débats 2.3 Conclusions 3 Éducation basée sur les connaissances contre éducation comportementale et enseignement des compétences nécessaires à la vie 3.1 Document d’orientation 3.2 Rapports nationaux, exposés, discussion et débat 3.3 Conclusions 4 Divers 4.1 Domaines de non-accord sur les trois thèmes 4.2 Autres thèmes Identification des ressources et stratégies pour répondre aux nouveaux objectifs et fonctions et aborder les thèmes ou problèmes-clé 1 Rapports nationaux, exposés, discussion et débat 2 Conclusions 3 Propositions spécifiques pour les activités futures de l'UNESCO Conclusions Références Annexes Liste des participants Réunion internationale d’experts 9 11 12 12 16 17 19 19 19 20 21 22 22 26 26 27 27 31 32 33 33 33 34 34 36 39 41 43 45 45 48 Ré s u m é Les participants à la Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXIe siècle, organisée par l’UNESCO à Beijing, République populaire de Chine, en mai 2001, ont reconnu la nécessité : d’accorder à l’enseignement secondaire un haut degré de priorité ; de redéfinir les objectifs et fonctions de l’enseignement secondaire pour le XXIe siècle. La conférence s’est ensuite intéressée aux problèmes-clé auxquels l’enseignement secondaire est ou sera confronté pour répondre à ces objectifs et fonctions redéfinis : trouver un compromis entre scolarisation massive et sélective, enseignement général et spécialisé (professionnel), résultats cognitifs et comportementaux. Un consensus s’est dégagé sur les propositions suivantes : Concernant la scolarisation de masse et sélective, Les pays doivent poursuivre l’engagement en faveur de l’enseignement secondaire de masse. C’est une exigence minimum, en terme de mesures politiques et d’offre éducationnelle. L’engagement en faveur de l’accès universel à l’enseignement secondaire en tant qu’aspiration doit être maintenu et des efforts faits pour supprimer les barrières et les obstacles, et bâtir sur les forces et les opportunités, en particulier pour les filles. Un effort et une attention particulière s’imposent à l’égard de ceux qui ne trouvent pas place dans l’enseignement secondaire, ceux qui abandonnent ou quittent l’école avant d’avoir terminé leur cycle et ceux qui se voient refuser l’accès à leur filière préférée. Lorsque la transition du primaire au secondaire et/ou du premier au deuxième cycle du secondaire n’est pas pleinement assurée, des efforts doivent être faits pour offrir une place à tous ceux qui y auraient normalement droit au travers de dispositions alternatives. En cas d’impossibilité, les places disponibles doivent être distribuées de manière équitable et transparente. L’accès de masse à l’enseignement secondaire passera nécessairement par un partenariat entre les gouvernements et d’autres fournisseurs (privés, ONG., etc.), mais les gouvernements doivent viser à préserver les intérêts des apprenants et s’assurer que tous les fournisseurs satisfont aux critères d’une éducation de qualité. La structure des programmes et les pratiques en matière de groupes de niveaux doivent être révisées afin d’offrir plus de souplesse et de choix aux apprenants dans le processus de sélection, y compris la possibilité de réintégrer une filière préférée. 6 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités L’orientation future au niveau du secondaire doit se faire vers une meilleure qualité et une plus grande diversité des prestations offertes, une plus grande souplesse dans l’organisation de l’apprentissage ainsi qu’une meilleure aptitude à répondre aux besoins et aux situations des apprenants. Concernant l’enseignement général et sélectif (professionnel), Le système d’enseignement secondaire doit prêter attention aux liens entre sujets académiques et professionnels et à leur interdépendance dans l’éducation générale des élèves adolescents des deux sexes. L’enseignement secondaire prépare à la vie et doit refléter la vie au XXIe siècle, où l’on continue d’apprendre dans la vie active. La nature des matières professionnelles, la manière dont elles sont organisées et enseignées, ainsi que la reconnaissance qui leur ait accordée définissent leur place dans le programme de l’enseignement secondaire. L’enseignement secondaire, enseignement professionnel compris, doit répondre non seulement aux besoins de la société en termes de ressources humaines, mais aussi aux besoins de développement et aux aspirations de l’individu. Dans la plupart des pays, une forte tendance s’exprime dans l’enseignement secondaire, à l’incorporation d’éléments d’éducation professionnelle pour tous les apprenants. Certains pays expérimentent, sous diverses formes, ce type d’enseignement combiné avec différents groupes de population, dont les migrants, les populations rurales isolées ou les élèves des écoles secondaires classiques. Faire entrer l’enseignement professionnel dans l’enseignement secondaire peut se révéler coûteux, entraînant un enseignement de mauvaise qualité et une dégradation du statut de ces matières. Pour surmonter ce problème, des stratégies innovantes et rentables ont consisté à sous-traiter l’enseignement de certaines matières auprès de centres et écoles spécialisés ou à concevoir d’autres moyens d’enseigner les disciplines professionnelles, moins exigeants en termes d’équipement, de supports et d’instructeurs armés d’une certaine pratique. À mesure que s’affirme la tendance à l’apprentissage tout au long de la vie, l’enseignement secondaire s’adapte à cette réalité en développant des structures souples, offrant diverses options de programme, de même qu’il renforce ses liens avec le monde du travail. Concernant les retombées cognitives et comportementales, Il y a reconnaissance du fait que l’enseignement académique traditionnel ne répond pas de manière satisfaisante aux besoins des étudiants, ne leur permettant pas de réaliser pleinement leur potentiel, en particulier dans un contexte d’évolution économique, culturelle et sociale rapide et de discrimination sexuelle. 7 Résumé Vu le rôle déclinant d’autres agences sociales, il incombe plus spécifiquement aux écoles d’aider les apprenants à acquérir les compétences nécessaires à la vie. Le rôle émergeant des enseignants (notamment en tant qu’animateurs), leur statut, intégrité et engagement sont essentiels au bon enseignement des compétences nécessaires à la vie. La qualité de la formation préprofessionnelle et continue des professeurs est cruciale à cet égard. Il conviendrait de créer des méthodes d’enseignement, des structures et services scolaires adaptés à l’enseignement des compétences nécessaires à la vie et à l’éducation comportementale. Le rôle des proviseurs de l’enseignement secondaire doit prendre en compte cette nouvelle réalité. Les décideurs en éducation doivent être conscients des conséquences de leurs choix, en se fondant sur des éléments éprouvés tels que les liens entre performances académiques et bien-être personnel et communautaire. Une approche multisectorielle impliquant ministères gouvernementaux, ONG, communautés locales, etc., est essentielle à la bonne réalisation de ce type d’éducation. Autres thèmes identifiés par la conférence, parmi ceux que l’enseignement secondaire devra affronter pour répondre à ses nouveaux objectifs et fonctions : Éducation inclusive et compensatoire Éliminer les disparités entre les sexes Éducation holistique et participative Renforcer l’équité Utilisation pertinente des technologies de communication de l’information La conférence s’est ensuite accordée sur les moyens et/ou stratégies nécessaires pour répondre aux nouveaux objectifs et fonctions de l’enseignement secondaire et aborder les thèmes ou problèmes clés : Avoir tout d’abord en vue que les étudiants sont au centre de toute réforme de l’éducation. Comprendre que l’apprentissage des étudiants prend appui sur trois éléments interdépendants : les hommes (professionnels de l’éducation, parents ou membres de la communauté), les politiques éducatives qui délimitent ce que les étudiants ont besoin d’apprendre et l’infrastructure. Les nations membres ont recherché l’aide de l’UNESCO pour atteindre les objectifs suivants, en relation avec ces trois éléments : Pour les étudiants : Reconstruire l’éducation secondaire pour garantir la prise en considération des 8 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités besoins diversifiés des apprenants et leur offrir des connaissances et des savoir-faire tout au long de la vie, y compris l’apprentissage professionnel. Pour les professeurs, le programme et l’école : Donner la priorité à l’éducation des professeurs (formation préprofessionnelle et continue). Faire en sorte que les programmes présentent les buts et objectifs de manière claire et précise et reflètent les besoins locaux — y compris les besoins socio-économiques. Pour l’infrastructure et la politique : Permettre l’accès à l’éducation secondaire en offrant une place à tous les apprenants. Offrir des ressources appropriées à l’éducation secondaire au travers d’allocations budgétaires adéquates. Des propositions spécifiques pour les activités futures de l’UNESCO ont été formulées, dans les domaines suivants : La fourniture d’études de cas écrites et/ou d’une base de données des meilleures pratiques ou des pratiques concluantes en enseignement secondaire, centrées sur les questions identifiées dans le cadre de cette conférence. L’enseignement professionnel. L’apprentissage à distance et les technologies de communication de l’information. Les compétences nécessaires à la vie et l’éducation tout au long de la vie. L’apprentissage découverte. Le rôle changeant des professeurs et l’intervention d’autres rôles que celui du professeur dans les écoles. Éducation préprofessionnelle et formation continue du professeur et amélioration du statut des professeurs. Savoir lire une évaluation (c’est-à-dire évaluer et être capable d’utiliser les résultats d’une évaluation avec une faible marge d’erreur) et mesures politiques et comptabilité informées. Autonomisation ou apprentissage organisationnel/communauté apprenante. Politiques et pratiques impliquant l’ensemble du gouvernement. Équilibre entre centralisation administrative, budgétaire et programmatique et décentralisation. Allocation de ressources complémentaires et alternatives. Organisation de forums et faciliter l’échange international et la coopération dans le domaine de l’enseignement secondaire, débouchant sur un forum mondial majeur sur l’enseignement secondaire. Continuer à offrir un instrument pour établir les idéaux de l’enseignement secondaire du XXIe siècle et rendre les gouvernements comptables de l’exigence d’atteindre ces idéaux. 9 Introduction Le Cadre d’action de Dakar (UNESCO, 2000, p. 8) stipule que « l’éducation est un droit fondamental de l’être humain. C’est une condition essentielle du développement durable ainsi que de la paix et de la stabilité à l’intérieur des pays et entre eux, et donc le moyen indispensable d’une participation effective à l’économie et à la vie des sociétés du XXIe siècle soumises à un processus de mondialisation rapide ». En particulier, le rapport Delors nous exhorte à voir dans l’enseignement secondaire « une étape cruciale dans la vie des individus : c’est à ce stade que les jeunes commencent à décider de leur propre avenir, à la lumière de leurs goûts et aptitudes, et qu’ils peuvent acquérir les compétences qui leur permettront de réussir leur vie adulte ». Le rapport poursuit par l’idée que l’enseignement secondaire « doit donc être adapté pour prendre en compte les différents processus par lesquels les adolescents atteignent la maturité d’une part, ... et les besoins économiques et sociaux, d’autre part ». Consciente de l’importance fondamentale de l’éducation et de la nécessité croissante de mettre l’accent sur l’enseignement secondaire, la communauté internationale a accepté le défi. Des engagements clairs ont été pris au sein du Cadre d’action de Dakar, visant à améliorer la pertinence et l’efficacité de l’enseignement secondaire. Parmi ceux-ci, celui d’éliminer les disparités sexuelles dans l’éducation secondaire d’ici à 2005 et de parvenir à instaurer l’égalité entre les sexes en éducation d’ici à 2015. Il s’agit en priorité d’assurer aux filles l’égalité d’accès, sans restriction aucune, à une éducation de bonne qualité, menée jusqu’à son terme. En complément des efforts internationaux et pour faciliter le dialogue en matière de politique sur cet engagement en faveur de l’enseignement secondaire, et pour en apprendre plus sur les récents développements sur le terrain, la Réunion internationale d’experts par l’UNESCO sur l’enseignement secondaire général au XXIe siècle : tendances, défis et priorités s’est tenue à Beijing, République populaire de Chine, du 21 au 25 mai 2001. Assistaient à cette conférence (voir en document attaché 1 le détail complet des participants) : de hauts fonctionnaires, hommes et femmes à parité, responsables de l’enseignement secondaire au sein des ministères de huit pays de différentes régions et diverses situations, des pays les moins développés et les plus peuplés aux nations développées et en voie de développement : Australie, Bangladesh, Canada, République populaire de Chine, République de Guinée, Liban, Mexique et Fédération de Russie, deux experts internationaux dans le domaine de la réforme de l’enseignement secondaire, un certain nombre d’experts et autres observateurs invités de la République populaire de Chine, des membres de la Commission nationale de la République populaire de Chine pour l’UNESCO, 10 Réunion internationale d’experts l’enseignement général secondaire au XXI e siècle : défis, tendances et priorités des membres des agences de l’UNESCO à Beijing et Paris, dont le Directeur de l’enseignement secondaire, technique et professionnel et responsable de la section pour l’enseignement secondaire général, un rapporteur. En lecture préparatoire à la conférence, les participants ont reçu un certain nombre de rapports nationaux et une synthèse majeure des problèmes par le professeur J. M. Leclercq (voir le chapitre Références pour de plus amples détails). 11 O uve r t u r e de la conférence, objectifs, organisation du rapport Mme Shi Shuyan, députée secrétaire générale de la Commission nationale de la République de Chine pour l’UNESCO, a salué les participants, puis M. Qian Tang, directeur de l’enseignement secondaire, technique et professionnel et responsable de la section pour l’enseignement secondaire général a rappelé aux participants les accords internationaux existants sur l’éducation, y compris l’éducation pour tous à l’échéance 2015 et l’élimination des différences entre les sexes d’ici à 2005. M. Tang a ensuite demandé l’avis de la conférence sur l’importance qu’il conviendrait d’accorder à l’enseignement secondaire et, s’il était de grande importance, des conseils qu’elle pourrait donner à l’UNESCO en termes de priorité d’action. Mme Sonia Bahri, responsable de la section, a précisé les trois objectifs spécifiques de la conférence sur l’enseignement secondaire général : Identifier les situations et tendances éducatives auxquelles nous devons aujourd’hui et devrons dans le futur faire face, et les implications de ces situations et tendances pour les objectifs et fonctions de l’enseignement secondaire, identifier les défis et problèmes clés nés de cette analyse des situations et tendances, identifier les domaines de priorité, les moyens et stratégies nécessaires pour répondre aux objectifs et résoudre les problèmes. Le programme de la Conférence internationale d’experts de Beijing (voir document attaché 2), de même que le rapport final, s’organisent autour de ces trois objectifs. Pour les deux premiers objectifs, il est fourni des résumés du document d’orientation des experts, des rapports et présentations des pays, des discussions et débats, ainsi que des conclusions tirées de la conférence. Sont également rapportées les conclusions de l’occasion donnée aux participants d’identifier les domaines de non-accord ainsi que d’autres défis. Le troisième objectif fait l’objet d’un résumé des exposés et rapports des pays, des discussions et débats, ainsi qu’une liste des accords et conseils des conférenciers. Une conclusion résume ces accords et conseils à la lumière du Cadre de Dakar. 12 Le contexte : faut-il redéfinir les objectifs et fonctions de l'enseignement secondaire au XXI e siècle ? 1. Document d’orientation Dans son document d’orientation, le professeur Bill Mulford affirme qu’au début du XXIe siècle, il n’est que juste que nous prenions la mesure des nombreuses transformations du monde qui nous entoure et affirmions les objectifs de l’enseignement que nous dispensons, et que pour cet inventaire, un balayage de large rayon est des plus utiles — car si lorsque on est perdu sur une autoroute, une carte routière est utile, lorsque l’on se perd dans un marais, à la topographie constamment changeante, une boussole indiquant la direction générale et laissant sa part à l’ingéniosité locale et individuelle est plus indiquée. Mulford a identifié quatre points cardinaux, quatre domaines d’évolution majeurs dans le contexte social, ainsi que certaines de leurs implications pour l’éducation. Ces quatre dimensions sont : les nouvelles conditions d’apprentissage (N), la société (S), l’économie (E) et l’environnement de travail (O). La société Du fait de pressions sociétales dues à une connexité croissante, une complexité, une incertitude et une diversité plus grandes, de situations de dénuement qui perdurent — le fait entre autres que de nombreux jeunes sont eux-mêmes en marge de la société au lieu d’y jouer un rôle constructif —, le projet d’offrir une éducation performante est fortement tributaire des facteurs humains et de l’interaction sociale dans une société de savoir. L’enseignement au XXIe siècle doit prêter une plus grande attention : À côté des résultats cognitifs, aux aspects non cognitifs, comportementaux, y compris la sociabilité et l’apprentissage relationnel, aux personnes capables de passer d’un corpus de connaissances à un autre et d’un ensemble de savoir-faire à un autre avec relativement de facilité — l’important chez un individu n’est pas tant le volume de connaissances apprises, mais la capacité d’apprendre et la quantité de connaissances créées en une vie, aux personnes ayant des compétences communicatives vitales, créatives et souples (en particulier dans une époque de communications et de « vente à outrance » à l’échelle mondiale), à la jeunesse engagée dans l’effort de développement durable — les jeunes gens sont Le contexte : faut-il redéfinir les objectifs et fonctions de l'enseignement secondaire au xxie siècle ? 13 nécessaires à la société future et leur engagement au service de son développement constructif est crucial. Les bonnes écoles prennent ces dimensions en compte et sont perçues comme des communautés sociales plutôt que de simples lieux d’études académiques. De même, les bonnes écoles participent de près au développement du capital social des hommes et des femmes de leur communauté. Économie Les sociétés s’éloignent de l’économie industrielle, vers une économie du savoir. L’offre de travail non qualifié diminue fortement. Il y a accroissement du pourcentage de maind’œuvre à temps partiel ou précaire dans les petites et moyennes entreprises et parmi les travailleurs indépendants. Il y a un déclin du travail répétitif et posté et un plus grand besoin de savoir-faire, d’adaptabilité et d’aptitudes à résoudre les problèmes sur les lieux de travail. Ces mutations de l’économie et de sa main-d’œuvre constituent un défi formidable pour l’éducation. La conception du système d’enseignement actuelle – avec ses procédés industriels, reflet de l’époque où il fut établi, dominée par les mesures dirigistes des gouvernements dans une société industrielle — est entièrement remise en question. D’une certaine manière, les étudiants du système actuel sont considérés comme des matières premières et traités en masse dans des lieux qu’on appelle écoles. Les étudiants sont soumis à d’incessants mécanismes de contrôles de qualité, si bien que certains sont sélectionnés pour un traitement et un affinage et de nombreux autres rejetés comme « rebut » ou produits de deuxième choix. Même à ceux qui « réussissent », on laisse entendre qu’avec les transformations qui affectent le marché du travail, la complétion d’une éducation secondaire et la réussite aux examens sont des qualifications inutiles pour les besoins du marché — c’est-à-dire, pour réussir à trouver du travail ou pour une main-d’œuvre plus productive pour l’économie. Les nouveaux objectifs de l’éducation au XXIe siècle devront mettre l’accent sur : L’apprentissage plutôt que des compétences mesurées en termes de connaissances soigneusement balisées, contrôlées et sanctionnées ; l’initiative ou l’entrepreneuriat ; les aspects comportementaux dont les compétences nécessaires à la vie. En dépit du constat de plus en plus avéré que dans les sociétés et économies basées sur le savoir, les pays négligent leur système éducatif au péril de leur économie, certains gouvernements ont réagi aux transformations de leurs économies nationales en cherchant à réduire les dépenses publiques, y compris celles de l’éducation. Entre autres choses, cette réduction des dépenses a entraîné un vieillissement du personnel enseignant qui a tendance à résister aux changements, et un manque de moyens pour concevoir et mettre en œuvre les réformes nécessaires. Cette situation s’est malheureusement traduite dans certains cas par une implication plus grande des gouvernements dans le domaine de l’éducation. Malheureusement, car il semblerait qu’un plus grand nombre de directives aient vu le jour et que les délais pour y 14 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités répondre aient été considérablement réduits en fonction des échéances électorales. Malheureusement, car entraînant une obsession croissante à vouloir réduire les résultats acceptables à un ensemble de compétences et de degré de réussite pour chacunes d’elles, étroitement définis et directement mesurables. Redéfinir les objectifs et fonctions de l’enseignement secondaire est un projet de bien plus long terme, impliquant un large éventail de retombées dont certaines ne sont pas facilement mesurables. Travail Les nouvelles formes de travail ont été la cause directe d’une montée du chômage, en particulier parmi les jeunes — y compris ceux qui n’avaient reçu qu’une éducation primaire. À l’autre bout de l’échelle éducative, les employeurs disent aujourd’hui qu’un diplôme n’est pas suffisant et que de nombreux diplômés de l’université n’ont pas les qualités qu’ils recherchent, c’est-à-dire la capacité à communiquer, travailler en équipe, s’adapter aux changements, innover et créer, et être à l’aise avec les nouvelles technologies. De même, lorsque des individus ne sont plus préparés à des métiers spécifiques et doivent faire face à un ensemble de spécialisations au cours de leur vie active, il n’y a pas grand intérêt à leur faire tous suivre le même programme, avec les mêmes perspectives. Peut-être est-il aussi irréaliste d’attendre de l’éducation qu’elle prépare la jeunesse au travail, surtout au sens de compétences professionnelles spécifiques. Néanmoins, dans le modèle éducatif de la société industrielle, les étudiants suivent le même enseignement avec le même programme. Les étudiants n’exercent aucun contrôle sur le rythme ou la voie qu’empreinte leur apprentissage. Dans les échecs d’un tel système, nombreux sont simplement ceux qui ne correspondent pas au processus de production uniforme. Les nouveaux objectifs de l’éducation au XXIe siècle devront s’intéresser à l’intelligence collective plutôt qu’individuelle (Brown et Laudser, 2001), en vertu de laquelle : Tous sont capables plutôt qu’une minorité. L’intelligence est multiple et ne se borne pas à résoudre des devinettes ayant une seule bonne réponse. L’imagination et l’engagement émotionnel sont aussi importants que l’expertise technique. Notre définition de l’intelligence doit intégrer notre capacité à imaginer d’autres futurs, à résoudre des questions ouvertes, et nos savoir-faire interpersonnels. Il est continuellement nécessaire d’acquérir de nouvelles connaissances, tout au long de sa vie. Ce que l’on peut apprendre valablement à l’école, ce sont peut-être des compétences plus générales nécessaires pour tout travail et applicables à un large éventail de situations. Par exemple, le récent bilan éducationnel de l’État australien du Queensland (Education Queensland, 2001) a entraîné la création de quatre nouveaux cloisonnements fondamentaux dans l’organisation du programme : choix de vie et avenirs sociaux (qui suis-je et où vais-je ?) ; capacités de lecture et d’interprétation multiples et moyens de communication (comment je comprends le monde et communique avec lui ?) ; citoyenneté active (quels Le contexte : faut-il redéfinir les objectifs et fonctions de l'enseignement secondaire au xxie siècle ? 15 sont mes droits et responsabilités dans les communautés, cultures et économies ?) ; enfin, environnement et technologies (comment je décris, analyse et façonne le monde autour de moi ?). Nouvelles conditions d’apprentissage Les nouvelles conditions d’apprentissage nées de l’accroissement continu des effectifs des écoles secondaires posent le problème crucial de l’éducation secondaire sélective et/ou de masse ainsi que du choix qu’il peut être nécessaire de faire entre une même école pour tous et une variété de programmes spécialisés, proposés par différentes écoles. Quel que soit le choix, la logique de la préparation à l’enseignement universitaire n’est plus de mise, dans la mesure surtout où tant d’élèves passent de l’école secondaire à la vie active, à l’enseignement technique et professionnel, voire deviennent demandeurs d’emploi. Mais, comme le suggèrent implicitement les sections précédentes, le flux massif du primaire au secondaire peut être perçu comme le déclencheur mais ce n’est pas le seul facteur justifiant une réforme de l’école secondaire. Les transformations qui affectent la société, l’économie et le lieu de travail exercent aussi leur pression sur les écoles secondaires, les incitant à envisager de nouvelles conditions d’apprentissage. D’autres pressions s’exercent sur les écoles secondaires et les conditions d’apprentissage en leur sein : le passage de la dépendance à l’indépendance, qui se déroulait naturellement au sein de notre jeunesse, comme un fait banal, dans le cadre des institutions traditionnelles, en particulier la famille et l’église, n’est plus garanti. Le mariage et la maternité commencent plus tard. Il y a moins de dialogue entre les parents et les enfants. La certitude d’avoir un emploi a diminué. Et l’expansion de la culture jeune s’est accompagnée d’un développement de la consommation matérielle. Le développement des technologies de l’information a aussi fait évoluer l’interrelation des individus et du savoir. Fondamentale dans cette évolution est la facilité d’accès à l’information sans requérir l’aide ni la permission de personne, par le truchement d’ordinateurs relativement bon marché et du réseau mondial. Si les individus peuvent se procurer directement l’information au travers de moyens personnels, quel est alors le rôle des professeurs et de l’école ? L’enseignement à distance et non formel devient à tout le moins plus viable. Mais l’information brute ne constitue pas encore un savoir utile. Les professeurs ont indéniablement pour rôle d’aider les étudiants à choisir, analyser et synthétiser les informations disponibles, et de faciliter l’application et la création du savoir. Malheureusement cette période de transition entre les anciennes et nouvelles conditions d’apprentissage a vu l’inclusion d’un nombre croissant de domaines dans le programme. Le programme est devenu trop chargé. Plus un programme est chargé, plus superficielle est l’expérience éducationnelle, avec des effets particulièrement désastreux sur les apprenants les plus à risques. Les nouvelles conditions d’apprentissage posent la question de savoir dans quelle mesure un autre programme peut être élaboré. Certains domaines d’apprentissage comme les mathématiques exigent d’être planifiés et organisés en séquences. Cependant, la plupart 16 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités de nos connaissances ne s’acquièrent pas de manière planifiée. L’apprentissage n’est plus perçu comme une activité se déroulant dans un cerveau ou des cellules corporelles isolés, mais aussi dans un environnement social ; c’est par la découverte active et l’échange que nous apprenons le mieux. L’apprentissage au travers de l’expérience sociale ne peut être fabriqué de toutes pièces. Les nouvelles conditions d’apprentissage réclament des écoles secondaires de nouveaux modes opératoires. La forme doit suivre la fonction. Les membres et les responsables des écoles secondaires devront adopter : de nouvelles façons de travailler, souples et facilitatives (à la fois en tant que spécialistes d’une matière et/ou d’éducateurs généraux) ; des équipes éducatives ouvertes à d’autres catégories que les professeurs ; de nouvelles façons démocratiques, décentralisées de gérer leurs écoles. En premier lieu, les acteurs des écoles secondaires devront modeler les nouvelles conditions d’apprentissage. Ils doivent s’impliquer dans : une organisation ou communauté apprenante (où les professeurs sont des apprenants, y compris des partenaires d’apprentissage des étudiants). Mulford estime que l’analyse qui précède démontre clairement l’absolue nécessité de redéfinir les objectifs et fonctions de l’enseignement secondaire au XXIe siècle. Suivre les directions indiquées par la boussole n’empêche pas l’ingéniosité individuelle et locale, mais la direction générale indique incontestablement un besoin de changement. Néanmoins, il nous faudra pour réussir ce changement résoudre un certain nombre de questions ou problèmes clés majeurs, dont celui de l’équilibre à trouver entre enseignement général et professionnel, scolarisation massive et sélective et résultats cognitifs et comportementaux. Ces problèmes sont abordés dans les sections suivantes de ce rapport. Mulford conclut sur un point important : nous devons nous demander à quoi devrait ressembler l’avenir au XXIe siècle et à quoi il ressemblera. L’éducation a parfois besoin d’autres motivations pour évoluer que les métaphores du délabrement, du désastre et de l’érosion. Comme le souligne le document d’orientation pour la conférence de Leclercq (2001, p. 3), « l’analyse du contexte ne saurait seulement consister à dégager des lignes de force auxquelles il faudrait se soumettre. Dans celles-ci, il convient toujours de discerner entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas ». Les enfants sont le point de départ d’une stratégie qui engage l’avenir de la scolarisation. Une vision constructive et optimiste de leur avenir et de leurs besoins devrait inspirer la structure et les processus de l’éducation. 2. Rapports nationaux, exposés, discussion et débat Comme le souligne le document d’orientation de Leclercq (2001, p. 4 et 7), l’enseignement secondaire général « n’accueille plus comme dans le passé la minorité de la jeunesse la plus favorisée. Il n’a plus comme objectif primordial d’ouvrir l’accès aux études supérieures, même si celles-ci restent très recherchées ... la préparation à la vie active est devenue aussi importante que celle à la poursuite d’études supérieures ». Leclercq (2001, p. 7-8) maintient que l’évolution sociétale et la demande croissante d’éducation secondaire entraîneront des transformations dans les programmes, les méthodes d’enseignement et les activités scolaires. « Il faut cette modernisation … dans le programme d’études au premier chef … Le contexte : faut-il redéfinir les objectifs et fonctions de l'enseignement secondaire au xxie siècle ? 17 [et dans] les disciplines … [dont il faut] actualiser la teneur. Il faut parallèlement faire une place à des apprentissages presque ignorés jusqu’ici qui peuvent être aussi bien les nouvelles technologies de l’information et de la communication que l’éducation civique, l’éducation interculturelle ou l’éducation sexuelle sans parler de la place accrue à prévoir pour la culture artistique ou les activités physiques et sportives ... [Ces changements] de contenus doivent s’accompagner de changements dans les méthodes d’enseignement ... Tout s’apprend dans la découverte active et l’échange … C’est à toute la personne et à toute sa diversité qu’il faut s’intéresser désormais ... [La réforme des programmes et des méthodes d’enseignement] passe par l’adoption de nouvelles manières de travailler par les enseignants, ... la constitution d’équipes éducatives ouvertes sur toute la communauté éducative, ... [et] des règles de conduite et surtout de vie axées sur la démocratie et adoptées autant que possible dans le dialogue et la participation ». Les rapports nationaux, les exposés, la discussion et le débat ont accueilli favorablement les arguments avancés par Mulford et Leclercq dans leurs documents d’orientation. Par exemple, le document de la Fédération de Russie (Barannikov, 2001, p. 1) affirmait que « le passage à une société d’information est une formidable évolution de la civilisation du monde contemporain » et que ce fait et les tendances qui s’affirment dans le développement de la Russie « réclament que l’on révise les objectifs de l’éducation scolaire ». Le Bangladesh (Huque, 2001, p. 1 et 3) notait « qu’avec le mouvement de mondialisation apparaît la notion de “citoyens mondiaux”, rendant nécessaire une nouvelle forme d’éducation » et que « l’initiative actuelle de l’UNESCO visant à aider les États membres à réformer l’enseignement secondaire pour répondre aux besoins nouveaux du XXIe siècle coïncide singulièrement avec la réforme de l’éducation au Bangladesh ». Le plan du Gouvernement du Bangladesh pour la période 1995-2010 (Huque, p. 5) « identifie les objectifs généraux des sous-secteurs de l’enseignement postprimaire ... [dont] l’objectif de l’éducation secondaire universelle ». Une déléguée canadienne donna une petite idée des changements nécessaires, affirmant « qu’il était nécessaire de mettre l’accent sur l’individu et l’apprentissage tout au long de la vie au travers de la découverte. Les connexions à l’intérieur du programme, voilà ce qui importe. Les écoles doivent être au service des étudiants et il n’est besoin que d’un programme allant à l’essentiel pour s’adapter à la communauté et opérer un centrage sur l’apprenant ». La délégation chinoise a également souligné l’importance des étudiants « qui apprennent par eux-mêmes ». Si les délégués ressentaient que la demande d’éducation s’auto-alimentait — par exemple, pour le Mexique (Arancibia, 2001, p. 9) « sept élèves sur dix choisissent de poursuivre des études secondaires » —, ils tombaient également d’accord avec Wright (2000, p. 142) que quelle que soit leur taille, « les systèmes éducation qui demeurent très dirigistes et restrictifs iront à l’encontre de leur but ». Wright (2000, p. 142) pense que « le désir d’apprendre de manière continue, comme un impératif de survie dans un monde en rapide évolution, signifie que nous devrons assouplir la fixité dans l’espace et dans le temps de notre processus d’enseignement actuel ». 3. Conclusions Après ample et abondante discussion autour des documents de réflexion et des rapports nationaux, un consensus s’est dégagé sur l’idée que : Il convient d’accorder une haute priorité à l’enseignement secondaire. 18 Réunion internationale d’experts l’enseignement général secondaire au XXI e siècle : défis, tendances et priorités Il est nécessaire de redéfinir les objectifs et fonctions de l’enseignement secondaire pour le XXIe siècle. Ce consensus fut fortement renforcé par M. Li Lianning, directeur général de l’éducation de base du Ministère chinois de l’éducation lorsque celui-ci déclara, dans son document sur « la réforme de l’enseignement secondaire en Chine », et dans ses commentaires de bienvenue lors du dîner où il accueillit les participants à la conférence, que l’éducation chinoise était à la croisée des chemins, à un point de transition de l’éducation de base vers l’éducation secondaire. Il ajouta qu’en raison de cette transition et du fait que la Chine allait bientôt tenir sa première conférence de planification de l’éducation nationale, les délibérations et recommandations de la conférence seraient d’une grande valeur pour son pays. 19 Th è m e s : les problèmes majeurs auxquels l’enseignement secondaire doit ou devra faire face S’étant accordés sur la priorité à donner à l’enseignement secondaire et la nécessité de redéfinir les objectifs et fonctions de l’enseignement secondaire pour le XXIe siècle, les conférenciers ont abordé les problèmes majeurs auxquels l’enseignement secondaire doit aujourd’hui, ou devra dans le futur, faire face : équilibres entre scolarisation massive et sélective, enseignement général et professionnel, et entre résultats cognitifs, comportementaux et compétences nécessaires à la vie. On trouvera dans ce qui suit les grandes lignes du document d’orientation, puis les rapports et exposés nationaux, la discussion et le débat et enfin les conclusions formulées pour chacun des problèmes. Sont également rapportées les conclusions de l’occasion offerte aux participants d’identifier les domaines de nonaccord sur ces trois problèmes et d’établir la liste d’autres questions importantes. 1. Accès de masse contre sélection 1.1 Document d’orientation Dans son document d’orientation, M. Cream Wright faisait valoir qu’une scolarisation massive implique à la fois une offre et une demande mais qu’un certain nombre d’obstacles font généralement que tous n’y trouvent pas leur place. S’il est nécessaire de dépasser l’éducation de masse pour atteindre l’éducation universelle, cette étape n’est pas sans poser quelques problèmes, dont, et ce n’est pas le moindre, celui d’un financement adéquat. Cependant, la sélection peut se dérouler non seulement vers, mais aussi au sein même de l’éducation secondaire. Pour surmonter les inconvénients inhérents à cette situation, M. Wright s’est exprimé en faveur d’une transition d’un marché de vendeurs à un marché d’acheteurs. L’accès à l’enseignement secondaire pose la question à la fois de l’offre et de la demande. L’offre ne garantit pas la demande. Les obstacles à l’accès initial, la persistance et l’achèvement du cycle existent au sein de l’école, du foyer ou de la communauté, et plus largement dans la société. Il est besoin de conditions d’accès qui encouragent tous et toutes à participer, d’une législation qui décourage le refus de l’école, de l’absence d’entraves d’ordre pédagogique, de conditions socio-économiques qui stimulent la participation et d’une idéologie et d’une orientation politique qui favorisent la participation. L’éducation de masse peut amplifier les inconvénients. C’est l’ironie de l’éducation de masse sans l’éducation universelle, où une poignée reste à l’écart et pose la question per- 20 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités sistante de l’équité. Il est indéniablement nécessaire de passer de l’éducation de masse à l’éducation universelle. Mais l’accès universel à l’enseignement secondaire pose d’autres questions dont celle du financement, des provisions alternatives et des mécanismes opérationnels, ainsi que de la capacité à assouplir les lois qui gouvernent l’offre, dans le but, en particulier, d’éliminer les discriminations sexuelles. La sélection, en tant que mécanisme de rationnement de l’enseignement secondaire, s’est assortie d’examens d’entrée sélectifs et d’une hiérarchie des types d’école où l’on entrait. De tels mécanismes aggravent généralement les privilèges au nom du mérite. La sélection peut également s’exprimer au sein de l’enseignement secondaire universel à travers la structure du programme (académique/professionnel), la répartition en groupes de niveaux et l’accès à ces groupes, les options et choix disponibles, et les choix de l’étudiant, avec leurs conséquences. M. Wright a défendu l’idée qu’il était temps d’envisager de donner aux apprenants le pouvoir de sélectionner. Il est temps d’évoluer d’un marché de vendeurs vers un marché d’acheteurs. Une telle évolution engendrerait sans doute souplesse et choix pour les apprenants, un plus grand recours à l’ICT dans l’enseignement alternatif et des institutions plus réactives. 1.2 Rapports nationaux, exposés, discussion et débat Les rapports nationaux, les exposés, la discussion et le débat ont globalement soutenu les orientations défendues dans le document d’orientation. L’Australie (Smith, 2001, p. 4) a exprimé un fort soutien au passage « du point de vue de l’offre à celui de la demande » dans la mise en œuvre de l’enseignement secondaire. La représentante du Mexique (Arancibia, 2001, p. 6) a mis en avant la volonté prioritaire de son pays « d’étendre l’enseignement secondaire avant tout dans les régions rurales, parmi les populations ethniques et les minorités » et un certain nombre de délégués ont souligné l’importance de mettre des systèmes en place pour un accès alternatif. Le délégué guinéen (Koné, 2001, p. 7) a défendu avec force l’idée que le système d’enseignement secondaire devait offrir « des passerelles de rattrapage ». Les délégués se sont particulièrement intéressés aux systèmes d’évaluation en place dans de nombreux pays et à la nécessité de les réformer. Par exemple, au Bangladesh (Huque, 2001, p. 5 et 8) « les dépenses privées en enseignement secondaire et supérieur ont aussi tendance à être gaspillées sous forme de droits d’inscription privés pour préparer des examens externes qui mettent l’accent sur la mémorisation de faits plutôt que les capacités d’analyse et de résolution de problèmes » et « les examens terminaux actuels ... se trompent de cible et détournent le processus d’enseignement vers des choses factuelles plutôt que la capacité d’analyse ». Le délégué russe (Barannikov, 2001, p. 4) a approuvé l’idée que « le système d’évaluation devrait, non pas tant chercher à mesurer le degré d’assimilation (de mémorisation) du minimum de connaissances formelles des étudiants, mais révéler leur capacité à employer le contenu qu’ils ont assimilé dans la résolution de tâches et de problèmes pratiques cognitifs liés aux valeurs et à la communication. » Le Projet chinois d’innovation commune sur l’amélioration de la qualité de la formation dans l’enseignement secondaire (Ni Chuanrong, 2001, p. 2 et 4) visait à « transformer l’éducation orientéeexamen en une éducation de qualité » en mettant en place « un système d’évaluation à trois niveaux comprenant l’auto-évaluation de l’étudiant, l’évaluation entre étudiants et professeurs et l’évaluation du Thèmes : les problèmes majeurs auxquels l’enseignement secondaire doit ou devra faire face 21 professeur ». En Australie, (Smith, 2001, p. 6) l’intégration et l’interfécondation de l’enseignement secondaire général et professionnel et de la formation ont profité à la pédagogie et aux traditions d’apprentissage des deux domaines, en particulier dans le domaine de l’évaluation et de la manière de rendre compte de l’apprentissage de l’étudiant : « l’une des plus importantes réalisations australiennes en matière de scolarisation ces dernières années a été l’élaboration de points de référence définissant les performances que devaient normalement atteindre les étudiants à différentes étapes de leur éducation. Ces points de référence sont les équivalents conceptuels des compétences utilisées pour définir les normes de l’enseignement professionnel et de la formation au sein du Cadre de formation australien. Trouver les modes pratiques de mise en relation de l’évaluation normative, ou basée sur des critères, avec l’évaluation en termes de compétences constituera une forte incitation à encourager le rapprochement continu de l’enseignement général et professionnel en Australie ». La discussion s’est concentrée sur la question de la valeur prédictive des systèmes d’évaluation et le fait que les notes d’examen ne préjugeaient pas nécessairement d’une réussite à l’université ou d’un bon salaire. Malheureusement les étudiants désireux de réussir leurs examens et les professeurs désireux de conserver leurs emplois pèsent en faveur de la perdurance de systèmes d’examen dépassés. D’autres préoccupations se sont exprimées de voir les examens déformer le programme et ce qui est enseigné et tendre à perpétuer les privilèges. Comme l’a commenté la représentante canadienne, « nous devons mesurer ce que nous valons et non valoir ce que nous mesurons ». 1.3 Conclusions Après ample et abondante discussion des documents de réflexion et des rapports et exposés nationaux, un consensus s’est fait jour sur les propositions suivantes : Les pays doivent poursuivre leur engagement vers l’objectif de l’éducation secondaire de masse. C’est une exigence minimum qu’il convient de traduire en terme de mesures politiques et de provision. L’engagement pour l’accès universel à l’enseignement secondaire en tant qu’aspiration doit être maintenu et des efforts faits pour supprimer les barrières et les obstacles et bâtir en même temps sur les forces et les opportunités, en particulier pour les filles. Un effort de provision et une attention particulière s’imposent à l’égard de ceux qui ne trouvent pas place dans l’enseignement secondaire, ceux qui abandonnent ou quittent l’école avant d’avoir terminé leur cycle et ceux qui se voient refuser l’accès à leur filière préférée. Dans la mesure où le taux de passage du primaire au secondaire et/ou du premier au deuxième cycle du secondaire n’est pas de 100 % dans de nombreux pays, des efforts doivent être faits pour offrir une place à tous ceux qui y ont normalement droit au travers de dispositions alternatives. En cas d’impossibilité, les places disponibles doivent être distribuées de manière équitable (sexe, milieu social, etc.) et transparente. (Sélection). Le critère de sélection dans certains pays est un « examen sélectif ». Dans d’autres cas, les places sont allouées selon la règle du « premier arrivé, premier servi », et dans d’autres encore, sur la base d’un examen continu et/ou d’un examen en fin d’année. Dans de nombreux pays, l’accès de masse à l’enseignement secondaire passera nécessairement par un partenariat entre les gouvernements et d’autres fournisseurs (privés, 22 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités ONG., etc.) Mais les gouvernements doivent viser à préserver les intérêts des apprenants en garantissant une égale qualité d’enseignement dans les dispositifs d’enseignement secondaire auxiliaires. La structure des programmes ainsi que les pratiques en matière de groupes de niveaux doivent être révisées afin d’offrir plus de souplesse et de choix aux apprenants dans le processus de sélection, y compris la possibilité de réintégrer une filière préférée. L’orientation future du secondaire doit se faire vers une meilleure qualité et une plus grande diversité des prestations offertes, une plus grande souplesse dans l’organisation de l’apprentissage ainsi qu’une meilleure adaptabilité des institutions aux besoins et aux situations des apprenants. 2. Enseignement général contre enseignement spécialisé (professionnel) 2.1 Document d’orientation Dans son document d’orientation, M. Cream Wright a d’abord identifié les raisons qui justifient l’action de l’éducation formelle, et les problèmes fondamentaux qu’elle pose. Il a ensuite traité des problèmes fondamentaux de l’enseignement général et spécialisé (professionnel). Il a conclu par deux leçons pour l’avenir, concernant le statut de l’enseignement professionnel et sa place dans l’éducation tout au long de la vie. L’éducation formelle, à chacun de ses niveaux, est essentiellement une question d’offre et de demande, ou plus précisément de places disponibles et de taux de remplissage. Quelles sont les raisons qui justifient l’acquisition d’un apprentissage prescrit, dans un cadre formel ? Qu’est-ce qui pousse les citoyens à rechercher la possibilité d’acquérir un certain bagage de connaissances ? Les réponses à ces questions ont une dimension universelle, mais aussi nationale et locale. Voici quelques éléments de réponses qui peuvent nous aider à mieux comprendre les problèmes fondamentaux inscrits dans le caractère général de l’éducation : Toute société a besoin de préparer ses citoyens aux rôles et responsabilités essentiels à son fonctionnement et à sa survie en tant qu’entité culturelle, économique, sociale et politique distincte. Parmi les agents traditionnellement responsables de la préparation des citoyens aux différents rôles de la société, on trouve la famille (nucléaire et étendue), les organisations religieuses, les groupes communautaires, les partis politiques et les groupements d’intérêts, les corps de métiers (guildes) et le système scolaire formel. L’action de ces agents peut globalement se résumer sous le terme « éducation » ou éducation et formation. Plus une société se développe et se complexifie, plus variés et diffus sont les rôles et responsabilités qu’elle implique, et plus le processus d’éducation devient formel (intégré dans un système scolaire) L’éducation s’applique à un large spectre de connaissances prescrites, destinées à couvrir les dimensions culturelles, économiques, sociales et politiques du développement humain. C’est à travers elles que la société survit, fonctionne et progresse de manière dynamique. À mesure que la scolarisation formelle devient le principal et unique dépositaire et Thèmes : les problèmes majeurs auxquels l’enseignement secondaire doit ou devra faire face 23 fournisseur de l’éducation, la structure, le contenu et la gestion du processus de scolarisation deviennent de plus en plus complexes et politisés. La plupart des sociétés ne limitent pas l’apprentissage obligatoire aux exigences fonctionnelles des rôles et responsabilités actuels (les buts de l’éducation ne sont pas purement utilitaires). Elles se préoccupent aussi de la manière dont elles entrent en relation avec d’autres sociétés, des moyens d’atteindre une société nouvelle, d’après les visions de ceux qui sont au pouvoir, et du souci ésotérique d’acquérir/poursuivre le savoir pour lui-même. Du point de vue de la demande, chaque individu a besoin de comprendre sa place dans la société et doit apprendre à remplir divers rôles et responsabilités pour être un membre fonctionnel de cette société. C’est une force motrice majeure qui sous-tend la vaste demande d’éducation de la part des apprenants. Les individus, les familles et les communautés ont profondément conscience qu’ils ont besoin d’un certain nombre de connaissances et de savoir-faire pour survivre, fonctionner et progresser au sein de la société. Ils sont donc constamment à la recherche de moyens leur permettant de satisfaire ces besoins. C’est un autre élément moteur derrière la demande d’éducation et la recherche d’occasions d’apprendre. Il est une curiosité et un désir inné d’apprendre qui font partie intégrante de la nature humaine et sont essentiels au concept d’êtres humains en tant que créatures capables de résoudre des problèmes. C’est là un autre facteur (non utilitaire) qui sous-tend la demande d’éducation de la part des individus et des communautés. Ces réponses entraînent un certain nombre de questions fondamentales concernant la demande, la provision et l’accès à l’éducation : Historiquement, l’éducation formelle répondait globalement à une idéologie fonctionnelle et utilitariste, du moins du point de vue de l’offre. La société a eu tendance à pourvoir à l’éducation dans la mesure où cela était nécessaire pour répondre à certains buts publics : une main-d’œuvre qualifiée pour la production économique, des ressources humaines pour l’appareil d’État, des citoyens qui se conforment à certaines règles de comportement, la préservation d’un patrimoine et d’un mode de vie appréciés, etc. Concurremment s’est exprimée l’idée de l’éducation comme libération, qui a plus à voir avec les intérêts et les buts des individus et des communautés qu’avec des objectifs généraux et publics. En ce sens, l’éducation apparaît comme une force qui donne pouvoir sur sa propre vie, élève la conscience, renforce l’autonomie et permet aux individus et aux communautés d’aller au bout de leur potentiel de développement. Plus récemment, l’idée que l’éducation est un droit humain fondamental s’est imposée. Cela implique l’obligation sociale d’offrir à chacun la possibilité d’étudier et dans le même temps le droit des individus et des communautés d’accéder à ces possibilités sans qu’il leur soit fait indûment obstacle. C’est une idéologie grosse d’implications pour le contrat politique et social dans le domaine de l’éducation. Quelle que soit l’idéologie prédominante, l’éducation est en dernière instance un problème de moyens. Les questions fondamentales concernent l’utilisation des ressources publiques pour pourvoir aux besoins éducatifs et le rôle des ressources privées dans l’accès à cette éducation. 24 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités Une question vitale, liée à celle des moyens, est de savoir où investir ces ressources (publiques/privées). Sont concernés les niveaux et domaines d’éducation ainsi que les groupes de bénéficiaires spécifiques. Qui pourvoit (les fonds) et qui en bénéficie, et quels sont les choix et options possibles dans cette cuisine ? Il faut bien comprendre que les fonds publics ne sont pas illimités et que d’autres priorités concourent pour l’attribution de ces fonds, hors du secteur éducatif. C’est une importante objection à l’obligation des gouvernements de pourvoir à l’éducation selon l’idéologie du « droit ». La tendance a été d’utiliser les fonds publics pour garantir les droits des défavorisés, tout en garantissant une certaine liberté de choix (basée sur l’utilisation de ressources privées) aux groupes plus favorisés. C’est un processus complexe et controversé, car il implique souvent de réduire les privilèges fermement établis de groupes qui sont déjà avantagés sur le plan aussi bien éducatif qu’économique et politique. Cette analyse soulève un certain nombre de questions relatives à l’enseignement secondaire en général et l’éducation spécialisée (professionnelle) en particulier. Divers facteurs peuvent définir et justifier l’enseignement secondaire, mais il a surtout à voir avec l’âge des apprenants et l’étape adolescente du développement humain. Cette étape a toujours été reconnue dans la société et des passerelles spécifiques y conduisent, sous forme de « rites de passage » de l’enfance à l’âge adulte. Cela implique toujours un apprentissage bien plus approfondi et une préparation aux responsabilités adultes, distincts de l’apprentissage d’éveil ou du simple guidage dans les rôles/responsabilités de l’enfance. Dans la mesure où l’éducation secondaire correspond à l’apprentissage au cours de l’étape adolescente du développement humain, elle se caractérise par un apprentissage répondant aux exigences singulières de cette étape ainsi qu’aux diverses exigences des futurs rôles et responsabilités adultes. Le programme du secondaire doit donc répondre aux transformations physiques, émotionnelles et psychologiques majeures que subissent les apprenants à cette étape de leur vie. D’autre part, cette phase offre aussi d’importantes possibilités de bâtir sur la conscience de soi, l’enthousiasme et le dynamisme grandissants des apprenants adolescents. Dans certains pays il y a un problème de statut associé aux matières professionnelles qui n’incite guère les apprenants à opter pour ces matières lorsqu’ils ont le choix. Cela remonte à la pratique (toujours en vigueur dans certains systèmes) de canaliser les apprenants soi-disant non académiques vers les filières professionnelles. La principale implication de cette pratique est que ces apprenants ne sont pas capables de progresser vers l’université et doivent donc être préparés au métier ou à la profession qu’ils occuperont à la fin de leur cycle secondaire. En dépit de tels problèmes, la nécessité de mieux préparer ceux qui quittent l’enseignement secondaire pour le monde du travail demeure une forte priorité pour la plupart des pays. Intégrer les matières professionnelles dans le programme secondaire a un coût, qui peut être prohibitif pour certains pays. Il est donc difficile de professionnaliser l’ensemble du système secondaire. Certains pays ont mis sur pied des écoles secondaires spécialisées, fortement orientées vers l’enseignement et la formation professionnelle. Cette démarche Thèmes : les problèmes majeurs auxquels l’enseignement secondaire doit ou devra faire face 25 signifie que tous les apprenants n’auront pas la possibilité de tester par eux-mêmes ou de choisir les matières professionnelles. On s’inquiète dans de nombreux pays de ce qu’un enseignement secondaire qui laisse de côté le monde du travail soit un handicap. Cela parce que la plupart des étudiants du secondaire entreront dans la vie active à la fin de leurs études. Il existe de nombreuses innovations conçues pour faire entrer le monde du travail dans la classe de secondaire, sans que cela implique nécessairement un enseignement professionnel. Certaines études ont semé le doute, quant à la capacité des écoles secondaires à préparer convenablement les apprenants au monde du travail par l’enseignement de matières professionnelles. Parmi les problèmes soulevés : professeurs mal formés, manque d’équipements et de supports adéquats. Du fait de ces difficultés, certains pays ont adopté une démarche de « diversification » de l’enseignement secondaire. Celle-ci introduit les matières professionnelles dans le programme de diverses manières. Généralement, il y a une phase de découverte dans laquelle tous les apprenants ont la possibilité de prendre une ou plusieurs matières professionnelles à un niveau introductif, de manière à en comprendre la portée et apprécier peu à peu les connaissances et les aptitudes impliquées, même s’ils ne désirent pas en faire leur métier. Cette étape mène ensuite à des filières spécialistes ou ceux qui souhaitent étudier ces matières professionnelles de manière plus approfondie ont l’occasion de le faire, dans les limites du cadre scolaire. La nature des matières professionnelles traditionnelles doit subir une réforme radicale, en prise avec la réalité du monde du travail et en vue de les rendre bien plus attractives aux yeux des élèves de l’école secondaire. L’enseignement pérenne de certaines matières comme la menuiserie, la métallurgie, etc. n’est pas fait pour redorer l’image de l’ensemble des matières professionnelles. À l’autre extrême, l’enseignement de l’informatique incarne le nouveau et fascinant visage de l’enseignement professionnel. Les planificateurs de programmes doivent travailler en collaboration avec les employeurs et les professionnels pour créer des matières professionnelles qui soient respectables et permettent de poursuivre des études au niveau tertiaire, si les apprenants le désirent. On peut tirer de l’analyse précédente un certain nombre de leçons pour l’avenir de l’enseignement professionnel : Les matières professionnelles devraient être enseignées, au meilleur bénéfice des deux sexes et pour un impact positif, comme une partie du programme secondaire. Chaque école ne doit pas nécessairement se charger de l’enseignement des matières professionnelles mais pourrait, par un dispositif adéquat, sous-traiter cet enseignement auprès de l’école spécialiste la plus proche. En dernière analyse, les matières professionnelles ne gagneront le statut et le respect qui leur revient que lorsqu’elles seront bien enseignées, comme des disciplines intéressantes et enthousiasmantes. De plus en plus, la distinction entre enseignement académique et professionnel s’estompe et perd sa justification. Le programme de l’école secondaire doit s’éveiller à cette réalité, et proposer aux apprenants des matières modernes et qui les préparent à affronter le monde extérieur, tel qu’il est. La vie est une conjugaison de travail et d’apprentissage 26 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités continu ! C’est pourquoi nous parlons d’apprentissage tout au long de la vie. C’est à cela que les écoles doivent préparer les apprenants ! 2.2 Rapports nationaux, exposés, discussions et débats Les rapports nationaux, les exposés, discussions et débats ont généralement appuyé les points avancés dans le document d’orientation, en particulier sur les questions relatives aux compétences, au statut de l’enseignement professionnel et à l’effacement progressif de la distinction entre enseignement général et professionnel. En Australie (Smith, 2001, p. 2) « nous assistons de plus en plus à une réémergence de la notion de compétence selon Aristote — un savoir-faire recelant des connaissances — à la fois manuelle et intellectuelle ». En Russie (Barannikov, 2001, p. 4) « le concept de compétences fondamentales … devient le concept pivot autour duquel les éléments de contenu … doivent se rassembler ». Le manque de considération pour l’enseignement professionnel a beaucoup fait débattre les délégués. Par exemple, en Guinée (Koné, 2001, p. 3) « en cas d’échecs répétés d’un élève, il ou elle est renvoyé(e) de l’enseignement secondaire général, mais il ou elle a la possibilité de s’orienter vers l’enseignement technique ou professionnel ». La représentante du Liban a également souligné le manque de prestige de l’enseignement professionnel comparé à la filière universitaire dans son pays. Ce manque de considération était courant, en dépit de nombreuses déclarations comme celles du Mexique (Arancibia, 2001, p. 7), affirmant qu’un de ses objectifs pour l’enseignement secondaire était « d’aider les étudiants à rejoindre le monde du travail », ou encore celle de l’école Jingehan de Beijing, que les délégués ont eu l’occasion de visiter, qui « a conçu un système reliant le programme académique aux expériences de la vie réelle ». Les participants ont trouvé un grand intérêt à l’initiative australienne (Smith, 2001, p. 3-5) qui a « mis sur pied une infrastructure capable, avec le temps, d’élever le statut de l’enseignement et de la formation professionnels … Les cours d’éducation et de formation professionnelle ont été repositionnés dans le programme d’État de manière à éliminer les distinctions entre enseignement général et professionnel … Les réformes garantissent un double système d’accréditation, rigoureux et reconnu par l’industrie ... capable de [lier l’école, le travail et/ou une formation complémentaire mais aussi] d’aider à l’entrée à l’université ». Ce dispositif australien est en accord avec l’affirmation de Leclercq (2001, p. 2) pour qui « l’élévation du niveau de qualification pour l’entrée sur le marché du travail ne concerne pas seulement le secondaire technique ou professionnel mais aussi le général, notamment parce que des connaissances solides et étendues tout comme des aptitudes génériques telles que la capacité de communication sont désormais l’assise sur laquelle doivent reposer toutes les compétences nécessaires à l’exercice d’une activité ». 2.3 Conclusions Après une large et ample discussion autour du document d’orientation et des rapports et exposés nationaux, un consensus s’est fait jour : Au lieu d’accentuer les différences entre matières dites académiques et professionnelles, le système d’enseignement secondaire devrait mettre l’accent sur les liens qui unissent ces Thèmes : les problèmes majeurs auxquels l’enseignement secondaire doit ou devra faire face 27 matières et leur interdépendance dans l’éducation globale des apprenants adolescents des deux sexes. (Compétences manuelles et intellectuelles). L’enseignement secondaire prépare à la vie et doit refléter la réalité de la vie au XXIe siècle, où l’on passe constamment et imperceptiblement du monde du travail à l’apprentissage continu, et réciproquement. (Études de cas australiennes). La nature des matières/sujets professionnels, la manière dont ils sont organisés et enseignés, ainsi que la reconnaissance qui leur est accordée définissent leur place dans le programme de l’enseignement secondaire. L’enseignement secondaire, enseignement professionnel compris, doit répondre non seulement aux besoins de la société en termes de ressources humaines (Étude de cas chinoise), mais aussi aux besoins de développement et aux aspirations de l’individu (Russie). Dans la plupart des pays, une forte tendance s’exprime dans l’enseignement secondaire, à l’incorporation d’éléments d’éducation professionnelle pour tous les apprenants. Ce peut être sous la forme de sous-parties à l’intérieur d’un programme diversifié (Bangladesh) ou au travers d’un apprentissage thématique ou interdisciplinaire. Cela peut également se faire au travers de programmes d’orientation, de placement en milieu professionnel (Australie - NSW) ou de programmes transversaux (Canada, Québec). Les pays sont conscients de l’importance de combiner l’enseignement professionnel et l’enseignement secondaire et expérimentent déjà divers moyens (exemple : enseignement à distance — Mexique) d’offrir ce double enseignement à différents groupes de population, dont les migrants, les populations rurales isolées ou les élèves des écoles secondaires classiques. (Mexique). L’intégration de l’enseignement professionnel dans l’enseignement secondaire s’est révélée très onéreuse dans de nombreux pays. En conséquence, l’enseignement de ces matières s’est souvent avéré de mauvaise qualité, entraînant à son tour une dévalorisation de ces matières. Néanmoins, quelques pays ont fait l’expérience de stratégies innovantes et rentables, consistant parfois à sous-traiter l’enseignement de certaines matières auprès de centres et écoles spécialisés ou à créer différents moyens d’enseigner les disciplines professionnelles, moins exigeants en termes d’équipement, de supports et d’instructeurs armés d’une certaine pratique. L’apprentissage tout au long de la vie s’affirme dans de nombreux pays, l’enseignement secondaire s’adapte à cette réalité en développant des structures souples et diverses options dans leurs programmes, de même qu’il renforce ses liens avec le monde du travail. 28 3. Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités Éducation basée sur les connaissances contre éducation comportementale et enseignement des compétences nécessaires à la vie 3.1 Document d’orientation Dans son document d’orientation, Mme Sonia Bahri a défendu l’idée que l’acquisition de connaissances est essentielle pour les élèves du niveau secondaire mais qu’elle ne suffit pas à préparer convenablement les adolescents. Certaines compétences indispensables à la vie sont également requises. Elle a soulevé d’importantes questions comme-celles de savoir à qui doit incomber la responsabilité de cet enseignement des compétences nécessaires à la vie, et de la possibilité d’un nouveau rôle pour les écoles à cet égard, sans obligatoirement passer par les enseignants. L’acquisition de connaissances est indispensable aux élèves du niveau secondaire. L’acquisition de connaissances est souvent et traditionnellement considérée comme le principal résultat de l’enseignement et plus particulièrement de l’enseignement secondaire général, de type formel. Les connaissances évoluent avec le progrès scientifique et technique et doivent être mises à jour de même que les méthodes d’enseignement et d’apprentissage doivent être révisées en conséquence. Partout dans le monde, l’évaluation de l’élève est très souvent basée sur l’acquisition de connaissances. Cette évaluation détermine entre autres choses le passage au système d’enseignement supérieur. Bien sûr, le savoir ne s’arrête pas aux disciplines classiques telles que les mathématiques, les langues et l’histoire, et couvre aussi des problèmes sociaux et contextuels universels. L’acquisition de connaissances n’est pas tant un problème d’acquisition d’informations que de maîtrise des instruments d’apprentissage, qui permettront aux apprenants de comprendre les divers aspects du monde qui les entoure et d’être capable d’interpréter la réalité (y compris les réalités sociale, économique et scientifique). Mais les élèves des écoles secondaires sont aussi des adolescents. La plupart du temps, ceux qui sont impliqués dans l’enseignement, tels les administrateurs scolaires, les proviseurs, les enseignants, considèrent la population des établissements secondaires comme des apprenants/apprentis, étudiants, élèves ou futurs bacheliers mais rarement comme des adolescents. La terminologie utilisée par ces professionnels, qui définit à quelle catégorie nous appartenons, est extrêmement significative. Les étudiants sont également rarement considérés comme des participants. L’adolescence est un âge de transformations psychologiques, émotionnelles et physiques très importantes. Il convient de le reconnaître et de prendre ce facteur en compte. En conséquence, l’acquisition de connaissances n’est pas suffisante pour préparer les adolescents à faire face aux problèmes de la vie et à faire des choix susceptibles d’influencer fortement leur santé et leur vie présente et future en tant que citoyens adultes. Selon le rapport Delors, « ... les réponses traditionnelles à la demande d’éducation, de type quantitatives et basées sur l’acquisition de connaissances, ne sont plus adaptées. Il ne suffit pas de donner à chaque enfant dans sa prime jeunesse, un réservoir de connais- Thèmes : les problèmes majeurs auxquels l’enseignement secondaire doit ou devra faire face 29 sances … ; chaque individu, garçon ou fille, doit être armé pour saisir les occasions d’apprendre …, à la fois pour élargir ses connaissances, ses savoir-faire et ses attitudes, et pour s’adapter à un monde changeant, complexe et interdépendant ». Dans le rapport Delors, l’éducation articule l’éducation autour de quatre piliers : apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à être et apprendre à vivre ensemble. Les deux derniers piliers sont plus directement reliés au développement psychosocial de l’adolescent. Au milieu du XXe siècle, avec la massivation de l’enseignement secondaire, un nouveau phénomène est apparu dans l’histoire de l’humanité : un grand nombre de jeunes se sont retrouvés à vivre et travailler avec un seul adulte (l’enseignant) plus de huit heures par jour. Dans le passé, les jeunes, sauf dans l’armée, étaient contrôlés par un responsable ou un patron et n’étaient donc pas livrés à eux-mêmes. Des adultes étaient présents qui servaient de modèles, conseillaient et orientaient tout en dispensant une instruction technique et, parfois, générale. Un apprenti par exemple qui travaillait directement avec son patron (maître) et n’avait que quelques camarades avec lui, bénéficiait, en plus des savoirfaire techniques, d’un modèle de comportement adulte et de conseils et de recommandations. D’autres compétences plus spécifiques que générales, techniques et professionnelles sont donc nécessaires pour préparer les adolescents à « apprendre à être » et apprendre à « vivre ensemble ». De même, des recherches ont montré les liens qui existent entre performances académiques et bien-être, personnel et au sein d’un groupe, de l’adolescent. En bref, il est besoin d’une éducation adaptée qui ne se contente pas de former et d’instruire. Quel nom donner à cette éducation ? Plusieurs organisations, agences des Nations unies, ONG., institutions et programmes nationaux ont leur propre terminologie pour décrire ce problème majeur en éducation : éducation à la vie, éducation comportementale, compétences pour vivre au quotidien, éducation à la vie familiale, éducation pour la citoyenneté et compétences nécessaires à la vie ... Nous suivrons le Cadre de Dakar et utiliserons le terme « compétences nécessaires dans la vie courante ». Diverses initiatives nationales et internationales encouragent le développement de l’enseignement des compétences pour la vie, des compétences nécessaires à la vie. Ceux-ci recouvrent les aptitudes à communiquer, prendre des décisions, l’éducation sanitaire et préventive, la pensée critique, l’orientation, l’empathie et la gestion de divers problèmes comme le stress. Pour être performant, l’enseignement des compétences nécessaires dans la vie courante requiert des méthodes appropriées. L’enseignement des compétences nécessaires à la vie n’est pas un cours de morale ou un recours aux techniques simplistes du « dites non à ...» comme dans certains programmes de prévention contre la drogue. Des éducateurs hautement qualifiés utilisent au contraire des stratégies d’enseignement interactives comme les jeux de rôle, le théâtre, la discussion et le questionnement avec le soutien des dernières technologies multimédias pour renforcer un apprentissage pertinent 30 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités du savoir-faire ainsi que le type d’informations qui encouragent les choix responsables au sein de la population étudiante. Les éducateurs peuvent aussi utiliser des stratégies qui interviennent au sein et/ou en direction de la communauté. La question du rôle des écoles dans la société et de savoir dans quelle mesure elles doivent assumer ce type d’éducation reste ouverte. Cette éducation doit-elle incomber aux écoles et plus spécifiquement aux écoles secondaires ou doit-elle être laissée uniquement aux familles et à d’autres institutions, ou faudrait-il une sorte de combinaison des deux ? Dans certaines régions du monde, cette question ne trouve pas de réponse. On débat encore de ce sujet dans de nombreux pays comme la France. Le risque d’avoir des écoles influençant fortement les idées et opinions des jeunes est parfois ressenti comme politiquement et idéologiquement dangereux. Si les écoles ne prennent pas ces problèmes en charge, qui va le faire — les familles, églises/institutions religieuses, d’autres institutions ? Les rapides transformations des contextes social, culturel et économique et leur impact sur la vie des adolescents renforcent ces exigences éducationnelles. Par exemple, la drogue (y compris l’alcool et le tabac), l’épidémie du VIH/sida, la violence et les suicides au sein de la population adolescente sont des phénomènes sociaux de masse relativement récents, qui représentent de véritables menaces sur cette classe d’âge. Les racines profondes de chacun de ces problèmes sont complexes et assurément liées à de nouveaux modes de vie, à la mondialisation, à de nouveaux comportements humains, à un ensemble d’évolutions politiques et économiques et de transformations sociales rapides. La discrimination sexuelle cependant constitue toujours un obstacle majeur. Elle nous presse d’employer prioritairement nos efforts à garantir aux filles l’accès plein et entier à une éducation de bonne qualité. Un autre facteur social est la décomposition des familles (monoparentales, familles nucléaires), le manque de savoir-faire et l’inexpérience de certains parents qui ne savent comment réagir en face d’un adolescent. Les écoles pourraient assumer un nouveau rôle mais qui, en leur sein est, ou pourrait être, qualifié pour enseigner les compétences nécessaires à la vie ? Les écoles sont le mieux à même de développer la compétence sur le plan académique mais aussi social/psychologique et de coordonner les efforts des familles, des enseignants et d’autres personnels scolaires pour encourager des attitudes positives chez les enfants et adolescents, telles que : Aider les professeurs, les parents, les enfants à mieux comprendre les relations entre développement de l’enfant, performance académique et aptitude sociale dans la promotion d’attitudes et de comportements positifs. Identifier, renforcer et coordonner les moyens et prestations de l’école et de la communauté qui valoriseront l’apprentissage et les attitudes et comportement positifs de l’étudiant, y compris au travers d’accompagnements individuels. Néanmoins, de nombreux sujets comme la prévention contre le virus VIH/sida et la drogue sont toujours enseignés de manière académique. En même temps, certaines questions Thèmes : les problèmes majeurs auxquels l’enseignement secondaire doit ou devra faire face 31 liées au développement psychologique et comportemental de l’enfant et des adolescents requièrent une formation adéquate du personnel scolaire et des services et infrastructures ou un aiguillage adaptés. Les enseignants sont-ils qualifiés pour enseigner les compétences nécessaires dans la vie courante ? Et les autres personnels de l’éducation, conseillers, tuteurs et psychologues — surtout compte tenu de la pénurie croissante d’enseignants dans certains pays et la possibilité de travailler avec d’autres secteurs comme la santé et la justice dans le cadre d’une stratégie impliquant l’ensemble du gouvernement ? Quel impact aurait le recours à d’autres personnels sur l’environnement, les structures et le reste du personnel scolaires ? Quel en serait le coût ? Ces tendances émergentes sont de plus en plus prises en compte dans le domaine de la recherche, par les organisations internationales et dans les politiques nationales de certains pays. Néanmoins, leur application reste limitée. Mme Bahri a défendu le besoin d’une nouvelle vision des fonctions éducatives de l’enseignement secondaire au XXIe siècle, qui donne toute sa place à l’enseignement des compétences nécessaires dans la vie courante. 3.2 Rapports nationaux, exposés, discussion et débat Les rapports nationaux, exposés, la discussion et le débat ont été relativement animés sur cette question avec une forte approbation de la nécessité de réorienter nos priorités en enseignement secondaire vers une éducation comportementale et des compétences nécessaires dans la vie courante. Le Mexique, le Liban et la Russie ont fourni des exemples. Le Mexique (Arancibia, 2001, p. 7) a déjà des objectifs éducatifs nationaux prescrivant : « de permettre aux étudiants de poursuivre leur éducation avec un haut degré d’indépendance au sein et à l’extérieur de l’école ; d’offrir des solutions pratiques aux problèmes de la vie quotidienne ; d’encourager la participation active et réfléchie des diplômés de l’enseignement secondaire au sein des organisations sociales et dans la vie politique et culturelle du pays ». Le Liban évolue d’une situation « qui ne répond pas aux besoins du XXIe siècle » (Hamoud, 2001, p. 4-8) – avec un professeur contrôlant la classe, le manuel pour seul support et des enseignants et étudiants obsédés par les examens officiels – à un nouveau plan de réforme de L’éducation, qui recherche des citoyens acceptant de travailler dans un esprit de respect et de tolérance au développement de leur société, dans un système éducatif qui intègre la construction de la personnalité et le développement des potentiels et capacités. « La stratégie de modernisation de l’éducation » russe en « voit les principales retombées dans l’empressement et la capacité des diplômés à être personnellement responsables de leur réussite sociale ... la propension à la coopération, l’aptitude à l’activité créatrice, la tolérance envers les opinions des autres, l’aptitude à communiquer, et à chercher et trouver un compromis constructif ». D’utiles distinctions ont été faites pour la partie éducation civique des compétences nécessaires dans la vie courante entre, d’une part, l’identité reçue en héritage et la capacité à tolérer et apprécier les différences (à travers le multiculturalisme), et d’autre part l’attachement à des valeurs dans le fait d’être citoyen d’un pays (à travers la citoyenneté). La citoyenneté est l’objet de constantes négociations et fait donc une large place à l’engagement. Néanmoins, des participants ont fait entendre que certaines écoles n’avaient pas les structures pour enseigner des savoir-faire ou valeurs valables tout au long de la vie (Australie) et que certains 32 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités professeurs n’en étaient pas capables (Australie) ou n’étaient pas de bons modèles (Guinée). Dans des pays comme le Bangladesh (Huque, 2001, p. 6) « seuls 15,8 % des enseignants du premier cycle de l’école secondaire et 36,7 % des enseignants du secondaire ont des diplômes professionnels ». De même, certains estimaient que les forts ratios élèves/professeurs militaient contre la mise en œuvre effective de programmes de compétences nécessaires à la vie (Guinée). D’autres préoccupations concernaient les pressions croissantes de la publicité (Guinée) et la présence d’une culture jeune matérialiste (Russie). Les participants ont reconnu l’importance pour les étudiants de pouvoir s’adresser à des pairs, des partenariats entre écoles, en particulier dans une stratégie « gouvernementale globale », et appuyaient le nouveau rôle des enseignants en tant qu’animateurs, provocateurs, motivateurs, évaluateurs et centres de ressources (Liban, Canada). Le Projet chinois d’innovation commune sur l’amélioration de la qualité de la formation dans l’enseignement secondaire (Ni Chuanrong, 2001, p. 5-6 ; voir aussi Yu Fuzeng, 2001) comptabilise de nombreuses retombées comportementales et/ou impliquant des compétences nécessaires dans la vie courante, par exemple : « les étudiants ont fait de grands progrès sur le plan du travail et de l’esprit moral, intellectuel, physique, esthétique. Les étudiants sont très motivés. Il s’intéressent à la communauté … et savent être attentifs aux autres ... Ils apprennent l’esprit d’équipe et la coopération … Ils sont capables d’étudier seuls … ». 3.3 Conclusions Après une large et ample discussion autour du document d’orientation et des rapports et exposés nationaux, un consensus est apparu : Il y a reconnaissance du fait que l’enseignement académique traditionnel ne répond pas de manière satisfaisante aux besoins des étudiants en terme de réalisation pleine et entière de leur potentiel, en particulier dans un contexte d’évolution économique, culturelle et sociale rapide et de discrimination sexuelle. Il incombe de plus en plus aux écoles d’aider les apprenants à acquérir des valeurs, des attitudes et des savoir-faire (indispensables dans la vie courante), devant le rôle déclinant d’autres agences sociales (familles, institutions religieuses). Le rôle émergeant des enseignants (notamment en tant qu’animateurs), leur statut, intégrité et engagement sont essentiels au bon enseignement des compétences nécessaires dans la vie courante. La qualité de la formation préprofessionnelle et continue des professeurs est cruciale à cet égard. Il conviendrait de développer les méthodes d’enseignement, les infrastructures et les services scolaires et de les adapter en vue d’offrir une éducation comportementale et des compétences nécessaires à la vie. Le rôle des proviseurs de l’enseignement secondaire doit prendre en compte cette nouvelle réalité. Les décideurs en éducation doivent être sensibilisés et avoir pleine conscience des conséquences de leurs choix sur la base de facteurs tels que les liens entre performances académiques et bien-être personnel et communautaire. Une approche multisectorielle impliquant ministères gouvernementaux, ONG, communautés locales, etc., est essentielle à la bonne réalisation de ce type d’éducation. Thèmes : les problèmes majeurs auxquels l’enseignement secondaire doit ou devra faire face 4. 33 Divers 4.1 Domaines de non-accord sur les trois thèmes Les délégués des différents pays ont eu de nombreuses occasions d’aborder des domaines de nonaccord sur les trois thèmes ou problèmes précités. Aucun ne s’est présenté. 4.2 Autres thèmes Les délégués ont eu la possibilité de soulever des thèmes étrangers aux trois problèmes discutés en profondeur à la conférence. Après examen des rapports nationaux, et après lecture des rapports nationaux et une discussion et un débat approfondis, les thèmes additionnels suivants ont été identifiés : Éducation inclusive et compensatoire L’enseignement secondaire général doit prendre en charge les apprenants atteints de handicaps physiques, mentaux, psychologiques et sociaux ou qui ont subi des échecs scolaires dans le passé. Cela signifie que l’enseignement secondaire général doit offrir une éducation inclusive et un enseignement compensatoire ou de rattrapage aux apprenants qui ont besoin de ce soutien. Éliminer les disparités sexuelles Il est nécessaire d’intégrer la prise en compte des questions de genre au niveau de l’ensemble du système éducatif. Des mesures de grande ampleur sont nécessaires pour éliminer la discrimination sexuelle. Les filles, en particulier, devront avoir plein et égal accès à une éducation de bonne qualité, menée jusqu’à son terme. Cela exige un bouleversement des attitudes, des valeurs et des comportements. Éducation participative et holistique L’enseignement secondaire fait partie d’un système d’éducation holistique qui regroupe tous les niveaux, du préprimaire à l’université. D’où l’idée que l’enseignement secondaire devrait travailler avec d’autres niveaux de manière plus constructive. Il importe également que tous les cadres soient pleinement engagés et comptables des politiques, stratégies et pratiques novatrices de l’enseignement secondaire. Cela suppose que l’enseignement secondaire soit pleinement participatif. Renforcer l’équité Certains pays connaissent encore des disparités régionales et des inégalités (en particulier entre zones rurales et urbaines) en termes d’accès et de qualité de l’éducation. Il est important d’explorer les problèmes majeurs en termes de provision, d’organisation et de gestion de l’enseignement secondaire afin d’élaborer des stratégies capables de réduire ces disparités et de combler ce fossé rural/urbain. Technologies de communication de l’information Les pays doivent se renseigner sur l’utilisation la plus effective et la plus efficace des technologies de communication de l’information, en vue notamment d’une éducation inclusive, compensatoire, holistique, participative et équitable. À cet égard, il peut être important de recueillir des informations sur l’expérience mexicaine (Arancibia, 2001) et le Projet chinois (Li Lianning, 2001) dans ce domaine. 34 Identification des ressources et stratégies pour répondre aux nouveaux objectifs et fonctions et aborder les thèmes ou problèmes clés 1. Rapports nationaux, exposés, discussion et débat Nombre de besoins en termes de ressources et de stratégies pour répondre aux nouveaux objectifs et fonctions de l’enseignement secondaire et pour aborder les thèmes ou problèmes ont émaillé les rapports nationaux, les exposés, la discussion et le débat. Nous n’en présentons ci-dessous qu’un aperçu. Il y a eu une très forte adhésion à l’idée, telle que l’a formulée le délégué guinéen (Koné, 2001, p. 7), « que l’apprenant/e et son avenir doivent être au centre de l’attention ». Au Liban (Hamoud, 2001, p. 7), la « nouvelle réforme éducative » considère l’apprenant comme quelqu’un d’actif, coopérant et opérant des choix. Les nouveaux programmes mettent l’accent sur une approche centrée-élève. L’enseignant « n’est plus le patron … le contrôleur … C’est un provocateur, un motivateur, un évaluateur, un animateur et un centre de ressources ». De la même manière, en Chine (Ni Chuanrong, 2001, p. 2 et 6), « l’implication majeure des étudiants » est perçue de plus en plus comme étant au centre de l’enseignement secondaire et « de nombreux enseignants s’accordent à dire qu’il ne faut pas seulement traiter les étudiants comme des objets d’éducation mais aussi les servir ». En Australie (Smith, 2001, p. 4), « la fusion de l’enseignement général et professionnel a posé d’importants défis » aux écoles, à leur personnel et emploi du temps, aux structures sociales et aux accords professionnels. Ces défis émergent parce que les étudiants pénètrent au cœur du système éducatif et qu’ils peuvent, par exemple, venir à temps partiel, avoir un emploi salarié et/ou en placement professionnel. En Russie (Barannikov, 2001, p. 5), il y a une prise de conscience que « la structuration sévère des programmes de base par une multitude de matières est indésirable, car elle bloque en réalité les processus d’intégration et multiplie déraisonnablement le nombre de matières ». Dans le Projet chinois d’innovation commune sur l’amélioration de la qualité de la formation dans l’enseignement secondaire (Ni Chuanrong, 2001, p. 3), « l’implication du sujet a mobilisé l’intérêt et l’initiative des étudiants et leur a assuré le rôle principal dans l’apprentissage. En conséquence, leur volume de travail scolaire s’est allégé avec de remarquables progrès en termes de performances académiques ». Le Mexique (Arancibia, 2001, p. 9) postule « qu’un principe de justice doit guider l’offre éducative dans l’enseignement secondaire : ... dans l’accès, ... le contenu thématique, la qualité d’enseignement, la stabilité étudiante et l’accès aux diplômes ». Pour contribuer à atteindre ce principe de justice, le Gouvernement mexicain (Arancibia, 2001, p. 8, 4 et 5) « ose rêver et a établi un réseau de communication par satellite au service de l’éducation de base pour tous ». De même, « des cours secondaires télévisés ont démarré en 1966. Ils utilisent la télévision éducative et s’adressent aux adolescents qui, Identification des ressources et stratégies pour répondre aux nouveaux objectifs et fonctions et aborder les thèmes ou problèmes clés 35 pour différentes raisons, ne peuvent entrer dans une école secondaire classique. Le programme diffusé sur Télésecondaire est le même que celui de l’école secondaire officielle ». « Un programme d’enseignement secondaire à distance … [a également] été créé pour un public de plus de quinze ans désireux de commencer ou de finir leur cycle secondaire mais qui se trouvent dans l’incapacité d’assister aux cours sur une base régulière quotidienne ». La garantie de qualité a constitué un autre domaine d’accord. Comme l’a souligné la proposition du Bangladesh (Huque, 2001, p. 7), « le plus gros défi … est la qualité à tous les niveaux et dans tous les sens du terme. L’amélioration de la qualité doit être la priorité des priorités … L’acceptation des niveaux de qualité actuelle … équivaudrait au suicide intellectuel en tant que nation et en tant que peuple — et serait l’assurance que le Bangladesh ne pourrait survivre ni prospérer au-delà des quelques premières décennies du XXIe siècle dans une économie globale, ouverte, interdépendante, mue par le savoir et les savoir-faire ». Un fort soutien s’est exprimé en faveur de la nécessité (Koné, 2001, p. 8) « d’obtenir l’engagement et le soutien des responsables politiques » et d’avoir « des fonctionnaires administratifs compétents » qui baseraient leur politique sur la foi des informations disponibles. Pour le Projet chinois d’innovation commune sur l’amélioration de la qualité de la formation dans l’enseignement secondaire (Yu Fuzeng, 2001, p. 13), cela dépend de trois conditions essentielles : « le soutien des gouvernements régionaux » ; « l’importance que les autorités scolaires et les enseignants y attachent » ; et, « un ensemble d’administrateurs, de chercheurs théoriques et d’enseignants sur le front de l’enseignement ». Li Lianning (2001) a également avancé l’exigence de compléter par diverses stratégies les dépenses gouvernementales accrues en faveur de l’éducation secondaire : incitation fiscale, partenariats, donations, sponsors et investissements privés. Autres points soulevés : La nécessité de construire sur les lignes de force existantes, par exemple, écoles en doubles équipes au Liban, FSP au Bangladesh, enseignement à distance au Mexique, jumelage de l’enseignement secondaire général et professionnel et de la formation en Australie. Wright (2000, p. 142) appuie ce point lorsqu’il déclare : « le premier et le plus précieux conseil que l’on puisse donner aux décideurs politiques et aux professionnels qui prennent des décisions en éducation est de reconnaître et d’apprécier ce qui est positif dans leur système éducatif en place ». La nécessité d’apporter un soutien aux proviseurs et aux enseignants des écoles car, comme le souligne un rapport du Bangladesh (Huque, 2001, p. 8), un modèle d’innovation de bas en haut est vital pour établir la demande des dispositifs de soutien nécessaires au niveau de la classe (par exemple supports d’enseignement, remise à niveau des professeurs sur le temps de travail, etc.). « Cette approche contraste avec la démarche plus courante du haut vers le bas qui consiste à fournir simplement de meilleurs moyens aux écoles en assumant qu’ils leur parviendront et seront automatiquement et efficacement utilisés ». La nécessité de rendre les gestionnaires comptables de résultats mesurables, reconnus. La structure du programme ne doit pas être aussi serrée, soit par trop de matières ou trop de séquences par matières, sous peine d’exclure les besoins des élèves ou locaux (comme l’enseignement agricole dans les régions rurales). 36 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités La nécessité d’intégrer la prise en compte des questions de genre au niveau de l’ensemble du système éducatif ; l’efficacité de stratégies impliquant l’ensemble du gouvernement et recoupant plusieurs ministères tels l’enseignement, la santé et la justice — les centres d’activité communautaire chinois en sont un exemple ; la nécessité de cerner une « masse critique » idoine pour décider du degré de décentralisation que peut subir le système éducatif, comme par exemple le passage du niveau municipal au niveau cantonal en Chine ; l’importance des organisations internationales comme l’UNESCO, tant pour définir l’idéal vers lequel nous pouvons tendre que pour contraindre les gouvernements à rendre compte des avancées vers cet idéal. 2. Conclusions Les participants d’Australie, du Bangladesh, du Canada, de la république de Guinée, du Liban, du Mexique et de la Fédération de Russie ont débattu en termes généraux des moyens et stratégies à mettre en œuvre pour répondre aux nouveaux objectifs et fonctions de l’enseignement secondaire et pour traiter les problèmes clés ou problèmes. Ils sont convenus que : Les étudiants sont au centre de toute réforme éducative. L’apprentissage des étudiants prend appui sur trois éléments : les hommes (professionnels de l’éducation, parents ou membres de la communauté), les politiques éducatives qui délimitent ce que les étudiants ont besoin d’apprendre et l’infrastructure. Les membres devraient : concernant les apprenants : prendre en considération les besoins diversifiés des apprenants ; leur apporter des connaissances et des savoir-faire qui les aident à mettre en valeur leur interaction et leur productivité ; offrir une « chaise » à chaque apprenant pour garantir l’égalité des chances ; considérer les apprenants comme la principale ressource humaine pour le développement d’une nation. Concernant les moyens : dans la mesure où l’éducation contribue à la qualité des ressources humaines d’une nation, elle doit disposer des moyens appropriés par le biais de provisions budgétaires adéquates ; travailler d’arrache-pied pour fournir les établissements, équipements et matériel scolaire appropriés pour améliorer la qualité de l’éducation ; pourvoir aux moyens humains nécessaires à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation du programme ; prendre en considération les besoins socio-économiques des communautés. Concernant les enseignants et le programme : donner la priorité à l’éducation préprofessionnelle et en service de l’enseignant ; Identification des ressources et stratégies pour répondre aux nouveaux objectifs et fonctions et aborder les thèmes ou problèmes clés 37 faire en sorte que le programme présente ses objectifs principaux et visées instructionnelles de façon claire et précise ; soutenir les initiatives visant à créer une capacité de conception de programme professionnelle et localement disponible. Les participants de la République populaire de Chine ont discuté dans le détail les moyens et stratégies nécessaires pour répondre aux nouveaux objectifs et fonctions de l’enseignement secondaire et pour traiter les thèmes ou problèmes clés dans un pays, la République populaire de Chine. Ils se sont accordés sur les priorités et domaines suivants, pour lesquels l’UNESCO est susceptible d’apporter son aide : Priorités Garantir que les décideurs politiques portent une attention suffisante et mettent l’accent sur le rôle de l’enseignement secondaire, en particulier son rôle dans le développement des ressources humaines et dans la satisfaction du besoin individuel de recevoir un enseignement de niveau supérieur au terme de l’enseignement obligatoire de base. Accroître le nombre de lycées pour répondre au besoin de la cohorte d’un complément d’éducation après neuf ans d’enseignement obligatoire et offrir un nombre de places suffisantes dans l’enseignement supérieur dans le cadre du projet d’enseignement supérieur de masse pour la Chine. Augmenter le nombre de lycées professionnels pour répondre aux exigences du marché du travail. Réforme du programme pour une meilleure correspondance avec l’expérience des étudiants et le développement économique et social local. Former un plus grand nombre de professeurs du secondaire qualifiés, en particulier dans les matières professionnelles. Domaines auxquels l’UNESCO pourrait prêter son concours : Organiser un forum gouvernemental sur l’enseignement secondaire. Fournir des cas et expériences d’éducation secondaire réussis dans le monde. Renforcer la création de base de données et d’informations pour servir de matériels de référence en vue d’envisager et comparer l’élaboration, l’administration et la mise en œuvre de programmes pour l’enseignement secondaire. Consolider l’échange et la coopération internationale dans des domaines spécifiques comme le programme intégré et le type d’apprentissage et d’enseignement contenu dans « l’apprentissage exploratoire et découverte » qui émerge pratiquement en Chine avec la réforme actuelle des programmes. 38 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités Pour finir, un groupe de travail commun aux deux groupes s’est formé et a convenu que : Les étudiants sont au centre de toute réforme éducative. Le modèle ci-dessous représente les grandes lignes du mouvement vers la réforme de l’éducation. Les nations membres recherchent assistance dans la poursuite des buts suivants : garantir que les décideurs politiques portent une attention suffisante à l’enseignement secondaire ; reconstruire l’enseignement secondaire pour prendre en compte les besoins diversifiés des apprenants et leur apporter des savoirs et des compétences nécessaires à la vie, y compris dans le domaine de l’apprentissage professionnel ; donner accès à l’éducation en offrant une place à chaque apprenant ; prendre en considération les besoins socio-économiques des communautés (une fois pris en compte le développement économique et social) ; fournir à l’enseignement secondaire des moyens appropriés par le biais de provisions budgétaires adéquates ; donner la priorité à la formation enseignante (préprofessionnelle et continue) ; faire en sorte que les programmes présentent les objectifs principaux de façon claire et précise et reflètent les besoins locaux ; faire en sorte que les écoles à la fois comprennent et aient la capacité de devenir des organisations/communautés d’apprentissage. Stratégies Priorités Environnements scolaires Environnement humain Élèves Politiques Programme Études de cas Moyens Identification des ressources et stratégies pour répondre aux nouveaux objectifs et fonctions et aborder les thèmes ou problèmes clés 3. 39 Propositions spécifiques pour les activités futures de l’UNESCO Des propositions spécifiques pour les activités futures de l’UNESCO ont été rassemblées tout au long de la conférence d’experts de Beijing. Les trois activités suivantes ont été mentionnées de nombreuses fois et ont reçu un fort soutien des délégués : Fournir des études de cas et/ou une base de données des meilleures pratiques ou succès dans le domaine de l’éducation secondaire en mettant l’accent sur les thèmes identifiés à cette conférence : L’enseignement professionnel. L’enseignement à distance et les technologies de communication de l’information. Les compétences nécessaires à la vie et l’éducation tout au long de la vie. L’apprentissage-découverte. Le rôle changeant des professeurs et le recours à d’autres rôles dans les écoles. Éducation préprofessionnelle et formation continue du professeur et amélioration de la condition des professeurs. Savoir lire et interpréter une évaluation (c’est-à-dire évaluer et être capable d’utiliser les résultats d’une évaluation avec une faible marge d’erreur) et politique et responsabilité informées. Autonomisation ou apprentissage organisationnel/communauté d’apprentissage. Politiques et pratiques impliquant l’ensemble du gouvernement. Équilibre entre centralisation administrative, budgétaire et programmatique et décentralisation. Allocation de moyens complémentaires et alternatifs. Organiser des forums et faciliter l’échange international et la coopération dans le domaine de l’enseignement secondaire, débouchant sur un forum mondial majeur traitant de l’éducation secondaire. Continuer à offrir un outil pour établir les idéaux de l’enseignement secondaire du XXIe siècle et rendre les gouvernements comptables de l’exigence d’atteindre ces idéaux. 41 Conclusions Les participants à la Conférence de Beijing ont fortement ressenti qu’il existait aujourd’hui un clair mandat encourageant l’UNESCO à mettre plus directement l’accent sur l’enseignement secondaire. Il y a également une volonté claire et urgente de traiter l’éducation secondaire comme un domaine à part entière, et non simplement comme une branche de l’éducation de base ou un filtre pour l’enseignement supérieur. La Commission internationale sur l’éducation au XXe siècle (UNESCO, 1996) déclarait « Il est maintenant admis que, pour qu’il y ait développement, il faut qu’une proportion élevée de la population poursuive des études secondaires ». Le Cadre de Dakar (UNESCO, 2000) affirmait « qu’aucune nation ne saurait avoir une économie moderne et ouverte si une partie de sa main-d’œuvre n’a pas achevé d’études secondaires ». Pleinement conscient que l’éducation ne sert pas uniquement les besoins économiques et pour l’aider à mettre l’accent sur les piliers « apprendre à connaître, faire, être et vivre ensemble », le Cadre de Dakar (UNESCO, 2000) engage également les pays à « garantir que les besoins d’apprentissage de tous les jeunes et adultes soient satisfaits par l’accès équitable à un apprentissage approprié et des programmes de compétences nécessaires dans la vie courante ». Pour y parvenir, ainsi que cinq autres objectifs, le Cadre de Dakar (UNESCO, 2000, p. 8-9) et les pays et associations représentés au Forum mondial de l’éducation se sont engagés sur 12 actions, dont celle « de faire en sorte que la société civile s’investisse activement dans la formulation, la mise en œuvre et le suivi de stratégies pour le développement de l’éducation », « de mettre en place des systèmes de gestion et de gouvernance éducatives qui soient réactifs, participatifs et évaluables », « de créer des environnements éducatifs sains et sûrs, inclusifs, et équitablement dotés en ressources, qui favorisent l’excellence dans l’apprentissage », « d’améliorer la condition, la motivation et le professionnalisme des enseignants », et de s’appuyer sur les nouvelles technologies d’information et de communication. Récemment, les Ministres de l’éducation d’Amérique latine et des Caraïbes se sont réunis et ont confirmé leur engagement envers la réalisation de ces objectifs et actions. Les participants ont désigné l’enseignement secondaire comme une priorité et souligné l’importance des savoir-faire indispensables à la vie (Déclaration de Cochabamba, UNESCO, mars 2001, p. 4) : « l’éducation secondaire devrait être une priorité régionale dans les pays où existe le plein accès à l’enseignement primaire. Le choix d’encourager de nouvelles et souples formes d’apprentissage représente une réponse pour les adolescents et les jeunes vivant dans la pauvreté et l’exclusion – ceux qui ont abandonné l’école formelle sans avoir accès à une éducation de qualité ». Au nombre de leurs 54 recommandations, ces ministres (UNESCO, 2001, p. 7) ont également demandé « qu’une attention particulière soit portée aux facteurs émotionnels et affectifs, du fait de leur grande influence sur le processus d’apprentissage ». Manifestement, l’idée fait son chemin que, selon les mots de Leclercq (2001, p. 3) « il convient de pouvoir apprécier la nécessité de l’expansion [de l’enseignement secondaire général] à une échéance qui pourra souvent être plus rapprochée qu’on ne s’y attendait ». Cette conscience ne provient pas 42 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités seulement de la demande croissante d’éducation secondaire de la part de ceux qui complètent une éducation de base mais aussi des profondes transformations de nos sociétés, des économies dans lesquelles nous vivons et de nos lieux de travail. La Conférence de Beijing sur l’enseignement secondaire général au XXIe siècle, composée de délégués et experts de dix pays de différentes régions et diverses situations, des pays les moins développés et les plus peuplés aux nations en voie de développement et développées, et d’hommes et de femmes à égalité, donne plus de force encore à cet argument par le consensus qu’il conviendrait de donner une plus haute priorité à l’enseignement secondaire. La Conférence de Beijing a également reconnu que les objectifs et fonctions de l’enseignement secondaire devaient être redéfinis. La conférence a identifié les contextes et tendances éducationnels auxquels nous sommes aujourd’hui, et serons dans l’avenir, confrontés et les implications que ces situations et tendances recèlent pour les objectifs et fonctions de l’enseignement secondaire. Elle a identifié les principaux défis et problèmes découlant de cette analyse des contextes et tendances et débuté une identification des domaines de priorité (y compris l’enseignement professionnel et des compétences nécessaires à la vie), les moyens et les stratégies nécessaires pour répondre sensément aux nouveaux objectifs et traiter les problèmes clés. C’est sur ce travail qu’il faut désormais construire. L’important est qu’en répondant aux défis qui se posent à l’éducation secondaire au XXIe siècle, la Conférence de Beijing ait senti la nécessité d’adopter une stratégie de développement et de bâtir sur les lignes de force. Ce désir est en accord avec le point de vue développé dans le Cadre de Dakar (UNESCO, 2000, p. 9), que les chances de succès sont plus grandes quand nous bâtissons sur les mécanismes existants. Wright (2000, p. 143) fait valoir que « le passage à une époque de connaissances et d’information a impulsé une renaissance de l’idéologie de l’éducation comme le principal dépositaire de nos espoirs pour l’avenir » et que cela « représente une chance unique ». Il est donc réjouissant de voir un désir croissant de la part des gouvernements et de leurs éducateurs de chercher le meilleur avenir possible pour leur jeunesse, de faire la part entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Les participants à la Conférence de Beijing s’accordent à penser que l’UNESCO a fait beaucoup en faveur de l’éducation de base mais qu’il est temps maintenant de bâtir sur cette réussite en s’associant à cette demande d’éducation secondaire des gouvernements, et en l’aidant à prendre corps. 43 Ré f é r e n c e s Arancibia, G.J. (2001). Ministère mexicain de l’enseignement secondaire public. Bahri, S. (2001). Knowledge based education vs behavioural and life-skills education. [Enseignement cognitif contre éducation comportementale et enseignement des compétences nécessaires à la vie] UNESCO. Paris. Barannikov, A. (2001). Strategy of school modernisation in Russia, General requirements to curricula, Federal law on state standard of General Education. [Stratégie de modernidation scolaire en Russie, exigences programmatiques, loi fédérale sur les normes publiques de l’enseignement général]. Beijing Jingshan School. (2000). Brief introduction and The 40th anniversary for education reform of Beijing Jingshan School. [Brève introduction] et [quarantième anniversaire de la réforme éducative de l’École de Jingshan à Beijing]. Bracey, G. (2001). Research: Test scores in the long run. [Recherche : les notes d’examen à l’épreuve du temps], Phi Delta Kappan. 82 (8), 637-638. Brown, P., et Lauder, H. (2001). Capitalism and social progress: The future of society in a global economy.. [Capitalisme et progrès social : l’avenir de la société dans une économie mondiale], Basingstoke: Palgrave. Education Queensland. (2001). 2010: A future strategy. [2010 : Une stratégie pour l’avenir] Brisbane: Queensland State Education. Hamoud, S. (2001). Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur. Liban. Huque, A. (2001). Country paper [Rapport national]. Bangladesh. Kai-Ming Cheng. (2000). Personal capacity, social competence and learning together. Canberra: Australian College of Education.[Capacité individuelle, compétence sociale et apprentissage collectif]. http://austcolled.com.au/publications/unicorn-1100/4Cheng01.htm Koné, M. (2001) Rapport national : République de Guinée. Leclercq, J. (2001). L’enseignement secondaire au XXIe siècle : tendances, défis et priorités. Document d’orientation de l’UNESCO. Levin, H. (1998). High stakes testing and economic productivity. Paper presented at the High Stakes K-12 Testing Conference, New York, December 4. [Examens à hauts risques et productivité. Document présenté lors de la High Stakes K-12 Testing Conference, NY, 4 décembre]. http:www.law.harvard.edu/groups/civilrights/conferences/testing98/drafts/levin.html Li Lianning. (2001). Reform of Secondary Education in China [La réforme de l’enseignement secondaire en Chine]. Mulford, B. (1998). Organisational learning and educational change. [Organisations apprenantes et réforme éducative] dans A. Hargreaves, M. Fullan, A. Lieberman, et D. Hopkins. (dir-publ.). International handbook of educational change. Norwell: Kluwer. Ni Chuanrong. (2001). Subject – creation – development: Practice and theory on JIP project in Secondary schools.[Matière – création – mise en œuvre : Pratique et théorie dans le projet JIP pour les écoles secondaires]. OECD. (1998). Education policy analysis. [Analyse des politiques éducatives] Paris : OECD. 44 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités OECD. (1999). Issues in secondary education. [Problématiques de l’enseignement secondaire]. Document pour l’UNESCO inter-agency consultation sur l’enseignement secondaire, Paris, 10-11 juin. Silins, H., et Mulford, B. (articles de presse). Leadership and school results. [Les décideurs et les résultats scolaires]. Dans K. Leithwood, P. Hallinger, G. Furman-Brown, P. Gronn, B. Mulford, W. Riley, et K. Seashore Louis. (dir-publ.). Second international handbook of educational leadership and administration. Norwell : Kluwer. Smith, R. (2001). General Secondary Education vs diversified Vocational Education. Enseignement secondaire général contre enseignement professionnel diversifié. UNESCO. (1996). L’éducation, un trésor est caché dedans. Paris : UNESCO. UNESCO. (1999a). Inter-agency consultation on secondary education reform: Summary paper. [Réunions interinstitutions sur la réforme de l’enseignement secondaire : Résumé]. Paris : UNESCO 10-11 juin. UNESCO. (1999b). Inter-agency consultation on secondary education reform : Summary paper [Réunions inter-institutions sur la réforme de l’enseignement secondaire : Résumé]. Paris : UNESCO 10-11 juin. UNESCO. (2000). International Working Group on Secondary Education Reform: Report. Paris: UNESCO 7-8 February. [Groupe de travail international sur la réforme de l’éducation : Rapport. Paris : UNESCO 7-8 février.] UNESCO. (2000). Forum mondial sur l’éducation : Cadre d’action de Dakar. Paris : UNESCO. UNESCO. (2001). Cochabamba Declaration. Paris: UNESCO 5-7 march. Déclaration de Cochabamba. Paris : UNESCO 5-7 mars. Wright, C. (dir-publ.). (2000). Issues in education and technology: Policy guidelines and strategies. [Problématiques de l’éducation et des technologies : orientations politiques et stratégies]. Londres : Secrétariat du Commonwealth. Yu Fuzeng. (2001). Implementation and development of JIP project in Secondary schools in China. [Mise en œuvre et développement du projet JIP dans les écoles secondaires de Chine]. 45 Annexes Liste des participants 1. Mme Gema Jara Arancibia Directora de Educación Abierta y a Distancia Dirección General de Materiales y Métodos Educativos Secretaría de Educación Pública Mexico City Mexico Tél. : (52) 56 75 26 44 Fax : (52) 56 75 19 64 e-mail : [email protected] 2. M. Anatoly V. Barannikov Ministère de l’Education de la Fédération de Russie 51 ul. Ljusinovskaya Moscou 113833 Fédération de Russie Tél. : 7-095-923-36-19 Fax : 7-095-237-82-66 e-mail : [email protected] 3. Mme Deborah Gross Spécialiste en sciences de l’éducation Directoire des politiques et projets Services en direction de la Communauté anglophone Ministère de l’Éducation 600, Fullum Street 9th Floor Montréal Québec H2K 4L1 Canada Tél. : (514) 873-6022 Fax : (514) 864-4181 e-mail : [email protected] 4. M. Anwarul Huque Directeur Général National Academy for Educational Management (NAEM) Ministère de l’Éducation 1, Asian Highway, Palassy-Nilkhet Dhaka 1205 Bangladesh Tél. : 880-2 8627968 Fax : 880-2 8613420 e-mail : [email protected] 5. Mme Samira Hammoud Head Département anglais Bureau de conseil et d’orientation Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur UNESCO Palace Beirut Liban Tél. : (961-1) 786.668 / 791.108 Fax : (961-1) 786.500 e-mail : [email protected] 6. Mme Marie Koné Professeur, Chef de Section Institut national de recherches et d'action pédagogiques (INRAP) C/o Commission nationale Guinéénne pour l'UNESCO Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique B.P. 964 Conakry Guinée Tél. : (224) 414894 Fax : (224) 454756 46 Réunion internationale d’experts l’enseignement général secondaire au XXI e siècle : défis, tendances et priorités 7. M. Fuzhi Lin Proviseur École secondaire de l’Université classique de Beijing N° 12 Xinwai Dajie Xicheng District 100088 Beijing République populaire de Chine Tél. : (86-10) 62021647 Fax : (86-10) 62021646 8. M. Danyuan Liu Directeur Institut de recherche en éducation de la Province de Guizhou N° 129, Rue Heping 550001 Guiyang République populaire de Chine Tél. : (86-851) 6743147 Fax : (86-851) 6789085 9. M. Robert Smith Directeur, VET in Schools Ministère de l’enseignement et de la formation des Nouvelles-Galles du Sud 35, Bridge Street Sydney Nouvelles-Galles du Sud Australie Tél. : (61-02) 9561 1184 Fax : (61-02) 9561 8267 e-mail : [email protected] 10.M. Jiayi Wang Assistant du Recteur de l’Université classique de la Chine du Nord-Ouest Université classique de la Chine du NordOuest Lanzhou 730070 Province de Ganshu République populaire de Chine Tél. : (86-931) 7971380 / 7971711 (Bureau) Fax : (86-931) 7971143 e-mail : [email protected] Experts Internationaux 11.M. Li Lianning Directeur général Département de l’éducation de base Ministère de l’éducation 37, Damucang Hutong Xidan, Beijing 100816 République populaire de Chine Tél. : (86-10) 6609-6385 Fax : (86-10) 6609-7346 e-mail : [email protected] 12.M. Cream Wright Conseiller spécial/Responsable du Département enseignement Division du développement des ressources humaines Secrétariat du Commonwealth Marlborough House, Pall Mall Londres 1Y 5HX Royaume-Uni Tél. : 44(0)20-7747-6274 Fax : 44(0)20-7747-6287 e-mail : [email protected] Commission nationale de la République populaire de Chine pour l’UNESCO 13.M. Shi Shuyun Député Secrétaire général Commission nationale de la République populaire de Chine pour l’UNESCO 37, Damucang Hutong, Xidan 100816 Beijing République populaire de Chine Tél. : (86) (10) 66096249 Fax : (86) (10) 66017912 e-mail : [email protected] 14.M. Du Yue Directeur, Division du programme Commission nationale de la République populaire de Chine pour l’UNESCO 37, Damucang Hutong, Xidan 100816 Beijing République populaire de Chine Tél. : (86) (10) 66096249 Fax : (86) (10) 66017912 e-mail : [email protected] 47 Annexes 15.Mme Xiaoping Wang Député directeur Division du programme et de la planification Commission nationale de la République populaire de Chine pour l’UNESCO 37, Damucang Hutong, Xidan 100816 Beijing République populaire de Chine Tél. : (86 10) 66096249 Fax : (86 10) 66017912 e-mail : [email protected] 19.Mme Sun Lei Programme national pour l’éducation UNESCO 5-15-3 Jianguomenwai Waijaogongyu 100600 Beijing République populaire de Chine Tél. : (86-10) 6532-2828/6532-5883 Fax : (86-10) 6532-4854 e-mail : [email protected] 20.M. Bill Mulford UNESCO 16.M. Qian Tang Directeur Division de l’enseignement secondaire, technique et professionnel UNESCO 7, place de Fontenoy 75352 Paris 07 SP France Tél. : (33-1) 45-68-08-31 Fax : (33-1) 45-68-56-22 e-mail : [email protected] 17. Mme Sonia Bahri Chef Section pour l’enseignement secondaire général Division de l’enseignement secondaire, technique et professionnel UNESCO 7, place de Fontenoy 75352 Paris 07 SP France Tél. : (33-1) 45-68-16-22 Fax : (33-1) 45-68-56-30 e-mail : [email protected] 18.Mme Maki Hayashikawa Officer-in-Charge/Education Officer UNESCO 5-15-3 Jianguomenwai Waijaogongyu 100600 Beijing République populaire de Chine Tél. : (86-10) 6532-2828/6532-5883 Fax : (86-10) 6532-4854 e-mail : [email protected] or [email protected] Consultant auprès de l’UNESCO 3, Park Heights Fiennes Crescent The Park Nottingham United Kingdom NG7 1ER Fax : 44(0)0115 846 6600 Tél. : 44(0)0115 951 4434 e-mail : [email protected] 48 Réunion internationale d’experts L’enseignement secondaire général au XXIe siècle : défis, tendances et priorités Document de travail Jean-Michel Leclercq I. Les problèmes clés Trois problèmes clés, à la fois fondamentaux et interdépendants, sont proposés à l’analyse : l’impact du nouveau contexte social et économique, les formes et les conséquences du développement de la fréquentation, les formes de modernisation à concevoir. On peut en effet estimer que l’examen de ces problèmes se justifie au moins à un double point de vue. En premier lieu, tous les trois correspondent à des évolutions en profondeur plus ou moins déjà engagées mais en tout cas toujours prévisibles qui se relient à des enjeux essentiels de l’enseignement secondaire général, qu’il s’agisse de ses finalités ou de ses modalités de fonctionnement presque toujours remises en cause avec le souci d’adopter de nouvelles orientations et de nouveaux scénarios. En second lieu, au plan méthodologique, l’analyse de chacun des ces problèmes conduit en même temps à pratiquer des bilans, des projections dans l’avenir ou des comparaisons entre les situations dans les divers systèmes éducatifs et à privilégier une optique dans chaque démarche compte tenu de son objet et de sa spécificité. En examinant l’impact du contexte, on ne peut que s’attendre à voir les bilans et les comparaisons avoir une place primordiale alors que dans l’examen des efforts de modernisation, on escomptera à juste titre trouver au premier plan un souci prospectif sans doute à cause des bilans décevants auxquels peuvent donner lieu bien des tentatives d’innovation. 1.1. L’impact du nouveau contexte économique et social On pourrait s’interroger sur la nécessité d’accorder une attention particulière à l’impact des évolutions du contexte économique et social dont on sait bien qu’elles sont toujours déterminantes pour tout type d’enseignement ou de formation. Il est cependant hors de doute que cet impact est devenu encore plus décisif sur l’ensei- Réunion internationale d’experts 49 gnement secondaire général à cause du rôle attendu de celui-ci tant pour la formation des personnels nécessaires à l’appareil de production que pour celle des citoyens devant constituer les sociétés d’aujourd’hui. L’élévation du niveau de qualification pour l’entrée sur le marché du travail ne concerne pas seulement le secondaire technique ou professionnel mais aussi le général, notamment parce que des connaissances solides et étendues tout comme des aptitudes génériques telles que la capacité de communication sont désormais l’assise sur laquelle doivent reposer toutes les compétences nécessaires à l’exercice d’une activité. C’est aussi avant tout à l’enseignement secondaire général qu’est demandé le développement chez les jeunes de toutes les attitudes contribuant au bon fonctionnement des sociétés comme le sens civique ou la tolérance. C’est ce qu’avait déjà mis en relief la Commission internationale sur l’éducation pour le XXIe siècle pour laquelle « Il est maintenant admis que, pour qu’il y ait développement, il faut qu’une proportion élevée de la population poursuive des études secondaires1. » Au Forum mondial sur l’éducation de Dakar, il a été également précisé qu’ « Aucune nation ne saurait avoir une économie moderne et ouverte si une partie de sa main-d’œuvre n’a pas achevé d’études secondaires »2. Le rapport du même Forum, à propos de l’Europe et de l’Amérique du Nord, indique que « du fait du développement du savoir et de son incidence sur la vie des gens, l’éducation de base …couvre au moins le premier cycle de l’enseignement secondaire »3. Mais il est probable que ce point de vue ne sera plus longtemps l’apanage des pays les plus favorisés et que des régions de plus en nombreuses le partageront, tant le contexte économique et social est appelé à connaître de rapides et profondes évolutions. Par suite, s’imposent tout autant un regard prospectif sur le contexte économique et social et une vision d’avenir de l’enseignement secondaire général. Il convient en particulier de pouvoir apprécier la nécessité de l’expansion de celui-ci à une échéance qui pourra souvent être plus rapprochée qu’on ne s’y attendait. Ainsi une évolution des techniques de production dans lesquelles, à cause de l’introduction massive des nouvelles technologies, les opérations intellectuelles prendraient le pas sur les opérations manuelles, peut conduire à s’interroger sur l’opportunité de maintenir des formations professionnelles dans le premier cycle qui risquent de priver les élèves du bagage nécessaire de connaissances générales. À terme et à la limite, les formations professionnelles du second cycle peuvent soulever des interrogations similaires comme c’était déjà le cas au Japon dans les années 80. Il va toutefois sans dire que l’analyse du contexte ne saurait seulement consister à dégager des lignes de force auxquelles il faudrait se soumettre. Dans celles-ci, il convient toujours de discerner ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Ni un productivisme sans scrupule ni un consumérisme sans frein ne sauraient être des issues sans que l’enseignement secondaire général n’affiche son impuissance ou sa complicité. Il doit au contraire montrer sa détermination à aider les jeunes à résister à toutes les formes d’excès ou de déviances que véhicule son environnement. Il ne faudrait pas non plus oublier que l’enseignement secondaire est à lui-même son propre contexte. Son organisation administrative et pédagogique, par effet de système ou par le biais de groupes de pression, peut toujours s’ériger en l’équivalent d’une réalité extérieure et autonome qui favorise certaines conceptions ou pratiques et en contrecarre d’autres. C’est ce qui explique par exemple que des 1. L’éducation, un trésor est caché dedans (1996), Paris, UNESCO/Odile Jacob, p.138. 2. Cadre d’action de Dakar (2000), Paris, UNESCO p.16. 3. Ouvrage cité p.65. 50 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités projets pourtant bien valables puissent avorter faute d’une connaissance suffisante des attitudes et des comportements des responsables hiérarchiques, des enseignants, des familles ou des élèves. Et il se pourrait que le phénomène concerne davantage le secondaire général que d’autres niveaux à cause de l’importance que la société lui attribue ou qu’il s’attribue lui-même sous l’effet d’un élitisme récurrent. Entre l’enseignement secondaire général et son contexte, les relations sont donc fort complexes. Il faut avoir le souci de les investiguer et de les déchiffrer tant pour pouvoir expliquer des situations par des influences naturelles et légitimes que pour déceler des excès ou des anomalies susceptibles de générer des malentendus et des illusions parfois dramatiques. 1.2. La massification de la fréquentation, la démocratisation et l’équité Dans le fonctionnement de l’enseignement secondaire général, au cours des deux ou trois décennies passées, le phénomène le plus marquant a été le très fort développement de la fréquentation. Déjà dans les États membres représentés à cette réunion, comme cela ressort des statistiques du tableau ci-après, de 1970 à 1997, la progression a été spectaculaire avec souvent la multiplication des effectifs totaux du secondaire par 2 ou 3 et parfois beaucoup plus. On perçoit déjà l’universalité du processus dans les pays concernés puisqu’il se produit aussi bien dans les plus riches que dans les plus démunis. Et on la mesure encore mieux si l’on rappelle que depuis 1980, dans l’ensemble des pays européens, les effectifs du second cycle ont pratiquement doublé. Les causes de cette évolution sont également comparables aussi bien dans l’échantillonnage de systèmes retenu pour cette réunion qu’à une échelle beaucoup plus large Un facteur essentiel de la massification a été l’inclusion du premier cycle du secondaire dans la scolarité obligatoire d’une durée presque toujours portée à neuf années par des pays soucieux de rattraper leurs retards de scolarisation comme le Bangladesh ou la Chine. Mais une même prolongation de la scolarisation obligatoire est aussi intervenue plus ou moins récemment dans de nombreux pays industrialisés avec la même préoccupation des gouvernements d’assurer aux jeunes l’éducation de base requise par les évolutions de l’économie et de la société. Dans le second cycle appartenant à la scolarité postobligatoire, ce sont les familles mais souvent à l’incitation des gouvernements qui, pour des raisons identiques, feront le choix de la poursuite d’études pour leurs enfants. Cependant si sur ce plan la tendance peut être beaucoup plus marquée au Nord, elle n’est pas pour autant inexistante au Sud. Dans ces conditions, il est bien évident que le profil et les finalités de l’enseignement secondaire général changent profondément. Il n’accueille plus comme dans le passé la minorité de la jeunesse la plus favorisée. Il n’a plus comme objectif primordial d’ouvrir l’accès aux études supérieures même si celles-ci restent très recherchées. Il doit assurer souvent à la majorité des élèves des débouchés dans la vie active encore très fréquemment à l’issue du premier cycle, mais aujourd’hui de plus en plus souvent au terme du second cycle. Avec la massification de la fréquentation, c’est donc un autre enseignement secondaire qui s’est mis en place avec une nouvelle clientèle et de nouvelles missions. Il est toutefois aussi évident que ce passage, en principe obligatoire par le premier cycle du secondaire ou volontaire par le second, est loin d’être de la part des gouvernements ou des usagers uniquement un choix utilitaire dicté par les exigences de l’économie et surtout le souci d’échapper au chômage. Il s’agit également de la quête d’un fonctionnement plus démocratique et plus équitable de l’éducation qui ne réserve plus l’accès du secondaire à une élite ou aux milieux les plus favorisés. C’est 51 Réunion internationale d’experts particulièrement le cas pour le premier cycle devenu partie intégrante d’une formation de base commune à tous souvent prônée dans de nombreux pays par tout l’échiquier politique et par tous les groupes de la société. Mais l’attitude à l’égard du second cycle ne diffère pas radicalement. L’accès au « lycée » est perçu comme un symbole de l’ascension sociale sous presque toutes les latitudes. C’est ce qui explique notamment la désaffection dont peuvent pâtir les formations professionnelles de second cycle incriminables de ne pas relever d’un « vrai lycée ». Comment expliquer autrement la faiblesse des effectifs de l’enseignement professionnel toujours dans le tableau ci-joint ou leur remontée en Europe occidentale seulement après une longue période de chômage très élevé chez les 18-24 ans ? Évolution des effectifs de l’enseignement secondaire1970-1997 Pays 1970 Afrique du Sud T. 542.194 F. 264.461 Bangladesh Canada 1980 T. 3.156.119 F. 606.913 1990-1991 1993-1997 T. 2.742.105 F. 1.474.611 T. 3.749.449 F. 2.039.551 T. 2.142.335 F. 1.070.000 T. 1.636.913 F. 799.141 T. 2.292.497 F. 1.118.112 T. 2.505.389 F. 1.218.403 T. 26.482.976 T. 52.385.600 F. 21.706.500 P. 2.150.400 T. 71.883.000 F. 32.530.000 Guinée T. 59.918 F. 13.064 P. 2.013 T. 85.942 F. 20.929 P. 8.202 T. 153.661 F. 39.449 Liban T. 159.871 F. 64.141 P. 2.590 T. 248.097 F. 131.352 P. 37.403 T. 347.850 F. 179.629 Mexique T. 1.584.342 F. 609.969 P. 423.584 T. 6.704.297 F. 3.163.293 T. 7.631.605 F. 3.407.756 Russie T. 11.351.000 F. 5.735.000 P. 1.399.000 T. 12.363.000 F. 6.300.000 P. 1.252.000 T. 12.424.000 F. 6.399.000 P. 1.007.000 Chine Sigles : T – effectifs totaux F – effectifs féminins P – effectifs des filières professionnelles Source : Annuaire statistique de l’UNESCO (sauf Bangladesh, source nationale) 52 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités Il faut pourtant rappeler que la réalité des situations peut être très éloignée des progrès de la démocratisation et de l’équité attendus de la généralisation de la fréquentation de l’enseignement secondaire général. Il arrive encore fréquemment que certains groupes soient laissés en marge. Comme on le sait bien, à l’exception de l’Europe et de l’Amérique du Nord et du Japon, l’accès des filles à l’enseignement secondaire général et du reste encore plus aux filières professionnelles demeure problématique. Mais partout, quel que soit leur sexe, les enfants d’autres groupes économiquement défavorisés, socialement stigmatisés, souffrant d’handicaps physiques ou mentaux sont exposés à des formes de ségrégation patentes ou larvées. À l’inverse l’accueil systématique de tous les jeunes dans l’enseignement secondaire général peut leur valoir des profils d’études les exposant à des situations d’échec ou leur apportant des chances très limitées d’insertion socioprofessionnelle et, lorsque c’est le cas, la généralisation de l’enseignement secondaire général peut aboutir à de nouveaux clivages au lieu d’assurer une distribution plus équitable des chances. Par ailleurs, la massification de la fréquentation n’a pas toujours été accompagnée de la mobilisation des ressources nécessaires pour assurer d’assez bonnes conditions d’études. Le réseau d’établissements peut ne pas être assez dense pour éviter aux élèves des déplacements longs et incommodes. Faute d’enseignants en nombre suffisant ou ayant les compétences nécessaires, certaines matières peuvent être négligées ou ignorées. Le manque de bâtiments et de professeurs peut rendre les classes pléthoriques. Or, ce sont des déficiences toujours nocives mais plus particulièrement pour ceux qu’on pourrait appeler les « nouveaux élèves » du secondaire qui auraient besoin du meilleur environnement scolaire pour bien s’adapter à l’univers qu’ils découvrent et y obtenir de bons résultats. Ici également les premiers cycles sont concernés au premier chef et l’on sait bien que leurs difficultés parfois considérables tiennent pour une large part à l’insuffisance des ressources matérielles et humaines mises en ligne pour faire face aux multiples problèmes posés par leur fréquentation obligatoire. Mais les seconds cycles sont déjà exposés aux mêmes aléas et le seront de plus en plus à mesure que leur fréquentation augmentera. 1.3. Le besoin de modernisation et d’innovation Un troisième aspect de l’enseignement secondaire général dont on ne saurait se désintéresser est celui de sa modernisation liée à de fortes innovations dans ses modalités de fonctionnement et ses méthodes pédagogiques. Ce sont en effet des processus auxquels on voit mal comment il pourrait demeurer étranger compte tenu des multiples adaptations qui lui sont demandées et qui ne semblent guère avoir la possibilité de s’effectuer sans une rupture avec des manières de faire souvent inchangées depuis un lointain passé. Il faut cette modernisation pour procéder aux multiples adaptations requises. Adaptation à l’évolution des savoirs et des technologies. Adaptation aux nouveaux publics de l’enseignement secondaire. Adaptation aux nouveaux rôles de celui-ci dans les sociétés. Et c’est donc pratiquement dans tous les secteurs que la modernisation et l’innovation doivent intervenir. Bien entendu dans les programmes d’études au premier chef. Il faut y renforcer la place de disciplines qui ont pu être toujours enseignées mais qui appellent à notre époque une attention particulière, soit pour en actualiser la teneur comme dans les sciences et les technologies soit, pour en accroître l’importance comme pour les langues étrangères. Il faut parallèlement faire une place à des apprentissages presque ignorés jusqu’ici qui peuvent être aussi bien les nouvelles technologies de l’information Réunion internationale d’experts 53 et de la communication que l’éducation civique, l’éducation interculturelle ou l’éducation sexuelle sans parler de la place accrue à prévoir pour la culture artistique ou les activités physiques et sportives. Mais il faut même repenser la notion de programme d’étude, de curriculum, afin que les jeunes bénéficient d’une instruction et d’une éducation dont tous les éléments soient liés et se rapportent à toutes les composantes de leur personne et de leur existence. C’est d’autant plus nécessaire lorsque la préparation à la vie active est devenue aussi importante que celle à la poursuite d’études supérieures et le problème est loin de ne concerner que les pays du Sud où un diplôme du secondaire est supposé ouvrir des portes autres que celles de l’université. Dans les pays du Nord au moins 20 % des élèves n’obtiennent pas la certification finale et doivent envisager des itinéraires souvent complexes et éprouvants. À eux aussi l’enseignement secondaire doit procurer d’autres viatiques qu’un passeport pour l’université. On sait aussi de plus en plus clairement que ces changements de contenu doivent s’accompagner de changements dans les méthodes d’enseignement. Les pédagogies ayant prévalu dans le passé ont largement misé sur l’autoritarisme des enseignants et la passivité des apprenants. Elles ont maintenant révélé tous leurs inconvénients. Elles sont d’abord préjudiciables à toute une partie de la population scolaire mal préparée dorénavant à se couler dans un moule qui privilégie des approches théoriques et intellectualistes totalement étrangères aux démarches qui prévalent dans les milieux d’où est désormais issue une fraction importante des élèves du secondaire. Mais en outre et surtout, ces pédagogies sont inadaptées aux conditions d’acquisition des savoirs et des compétences telles que les révèlent les sciences cognitives et telles que le permettent les nouveaux véhicules de l’information et de la communication. Il ne peut y avoir de réception passive. Tout s’apprend dans la découverte active et l’échange. Par suite la pédagogie ne peut plus se contenter d’émettre les messages dans un seul sens et de prendre en charge ce qui se passerait dans le seul cerveau. C’est à toute la personne et à toute sa diversité qu’il lui faut s’intéresser désormais. On ne saurait pas non plus espérer le faire si les établissements secondaires ne modifient pas radicalement leurs modalités de fonctionnement. Cela passe d’abord par l’adoption de nouvelles manières de travailler par les enseignants pour donner aux apprentissages tout le dynamisme et toute la souplesse qu’ils requièrent et sans lesquels enseignants et élèves s’exposent aux faux-semblants, à l’ennui et à l’échec. Cela passe ensuite par la constitution d’équipes éducatives ouvertes sur toute la communauté éducative et ne comprenant donc pas seulement des enseignants. C’est une des conditions essentielles pour répondre aux besoins des élèves sur tous leurs registres avec toute la disponibilité et toute la capacité d’écoute nécessaires. Cela passe également par une nouvelle gouvernance des établissements scolaires où devraient désormais prévaloir des règles de conduite et surtout de vie axées sur la démocratie et donc adoptées autant que possible dans le dialogue et la concertation. Autrement on voit mal comment offrir l’enseignement secondaire qu’il faut à celles et ceux qui ne sont plus les élèves d’antan mais de jeunes femmes et de jeunes hommes décidés à revendiquer leur autonomie et leur maturité. Il reste cependant sans doute à se demander si le premier cycle du secondaire et le deuxième n’appellent pas des approches différentes. N’y a t-il pas encore dans le premier cycle surtout des adolescents qu’il faudrait mieux encadrer sans toujours au besoin renoncer à des formes plus contraignantes de discipline ? Une question analogue se pose du reste sur le plan de la formation. Dans la mesure où, dans la majorité des systèmes éducatifs, le premier cycle se trouve maintenant intégré à l’éducation de base, il semble naturel qu’il soit consacré à l’assimilation d’un même programme pour tous. Alors qu’au contraire, comme y insiste le Rapport de la Commission internationale sur l’éducation pour le XXIe siècle, le second cycle doit être très diversifié et « être la période où les talents les plus variés se révèlent et 54 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités s’épanouissent »4. Il est pourtant par ailleurs de moins en moins sûr que le premier cycle puisse rester sur un modèle autoritaire pour son fonctionnement et sur un modèle unitaire pour son curriculum qui risquent toujours d’exposer les élèves à des difficultés de parcours. Les récentes mesures prises en France pour assouplir le « collège unique » sont symptomatiques à cet égard. À vrai dire des hésitations comparables sont ressenties à propos de la plupart des aspects de la modernisation et de l’innovation avec donc beaucoup plus souvent des questionnements que des réponses. Les remises en chantier des programmes abondent et pratiquement tous les États membres représentés à cette réunion en connaissent. Mais les résultats sont souvent décevants à cause des délais qu’ils prennent ou des laborieux compromis qu’ils comportent. La formation des enseignants donne également lieu à de multiples projets de réformes mais on se défend mal contre un impression de piétinement. Quand une initiative aboutit à la conclusion que la formation des enseignants doit « comporter notamment … un apport d’autres disciplines (que celle qui sera enseignée) … l’initiation à la diversité des langues et des cultures … l’apprentissage du travail en équipe … la découverte de l’interactivité … la prise de conscience que les élèves ne sont plus aujourd’hui disposés à recevoir un enseignement au sens traditionnel »5 et qu’on retrouve des points de vue similaires en série6, on est à la fois convaincu de la force de préoccupations identiques et inquiet de leurs effets réels. On n’assiste donc pas très évidemment à l’émergence de ces « organisations apprenantes » que, selon l’OCDE., les écoles secondaires devraient devenir pour faire face aux nouveaux enjeux du nouveau millénaire, en particulier pour l’entrée dans l’apprentissage à vie. Mais même des ambitions plus modestes paraissent loin d’être satisfaites. Les équipes éducatives existent plus formellement qu’en réalité et en tout cas intègrent peu de personnels non enseignants ou de personnes étrangères à l’établissement. De manière plus générale, les écoles secondaires ne sont pas les lieux d’une gestion satisfaisante des ressources humaines alors que le milieu éducatif serait beaucoup plus propice que les entreprises à l’aménagement de carrières où chacun, grâce au plein et libre exercice de ses compétences, serait reconnu à sa valeur et gratifié par son travail. On trouverait une illustration supplémentaire des ces réticences ou de cette frilosité dans le sort réservé à l’autonomie des établissements. Son opportunité et la nécessité de la renforcer ne sont mises en doute pratiquement nulle part. Mais d’abord l’autonomie des établissements reste la plupart du temps restreinte parce que, par exemple, elle s’étend rarement au plan financier et que, dans les programmes d’études, pour les matières à enseigner et les horaires, existent généralement des réglementations contraignantes. À l’inverse, il suffit que la capacité d’autonomie s’amplifie pour qu’aussitôt des inquiétudes s’expriment sur les chances de préserver au dispositif d’enseignement une cohérence suffisante ou d’éviter des disparités générant des inégalités dans l’offre d’éducation secondaire. Manifestement il reste à imaginer un enseignement secondaire modernisé grâce à des innovations en profondeur qui ne se limitent pas à recourir à de nouveaux instruments tels que l’informatique mais les utilisent en priorité pour changer les pratiques et les comportements des enseignants et des élèves. 4. Ouvrage cité, p.139. 5. La formation des enseignants (2000), Paris, la Documentation française 6. Comme dans le rapport du Canada « Enhancing The role of teachers in a changing world ». Council of Ministers of Education, Canada, (1996), p.37. Réunion internationale d’experts 55 II. Les réformes et leurs stratégies Les réflexions précédentes conduisent naturellement à considérer que de sérieuses refontes de l’enseignement secondaire s’imposent et que celles-ci risquent de se heurter à des obstacles non négligeables comme la complexité des problèmes ou les résistances opposées par les situations existantes. À vrai dire la difficulté des réformes éducatives est un leitmotiv des décideurs et des praticiens. Récemment un auteur a donné à l’un des ses ouvrages le titre révélateur de L’enseignement, une réforme impossible ? Analyse comparée7 et un autre dans une étude sur La problématique de la réforme de l’éducation en Afrique subsaharienne 1960-2000 qui insiste sur l’inefficacité des tentatives de changements menées pendant près d’un demi-siècle8. Il est cependant aussi probable que la lassitude ressentie devant les entreprises avortées a stimulé la réflexion sur les conditions dans lesquelles les réformes ont de meilleures chances d’aboutir et plus précisément sur les processus et les stratégies à retenir dans cette perspective9. Cette réflexion a notamment abouti à mettre en relief les points suivants. Une réforme exige toujours une phase d’étude préalable minutieuse dont la durée peut s’étendre sur plusieurs années. Cela risque de paraître un obstacle majeur dans une situation d’urgence mais il vaudrait toujours mieux recourir le cas échéant à quelques mesures ponctuelles à caractère provisoire et presque symptomatique que de lancer dans la hâte un projet d’ensemble mal préparé susceptible d’avoir en profondeur et à long terme des conséquences très néfastes. Cette phase d’étude doit être aussi une phase de concertation avec toutes les parties prenantes de la réforme. Car la période des réformes imposées d’en haut est révolue. Aujourd’hui, ce qui doit prévaloir c’est le dialogue entre les décideurs et leurs partenaires (collectivités territoriales, enseignants, familles et de plus en plus les élèves, tout au moins pour le second cycle). Or cette concertation pour déboucher sur un consensus peut demander un laps de temps considérable ne serait-ce qu’à cause des efforts d’information et de communication dont elle doit s’accompagner. S’il faut du temps pour préparer les réformes, il faut aussi du temps pour les appliquer car leur mise en œuvre progressive est bien préférable à leur introduction générale et immédiate qui peut imposer des ambitions excessives et des ruptures trop brutales dans les pratiques toujours susceptibles de provoquer de multiples formes de résistance. C’est aussi pourquoi, dans le long processus de mise en application de la réforme, il ne faudrait pas craindre de la reconsidérer, d’engager une réforme de la réforme si certains de ses éléments paraissent devoir être révisés à cause de leur inefficacité ou de leur nocivité Mais cela suppose que l’évaluation accompagne toujours la réforme alors que trop souvent ce n’est pas le cas. Les précautions dont doivent s’entourer la préparation et la mise en œuvre des réformes incitent également à s’interroger sur le profil et l’ampleur à leur donner. Faut-il envisager des réformes touchant l’ensemble d’un système éducatif à tous ses niveaux et dans tous ses secteurs ? Faut-il au contraire avoir des visées beaucoup plus limitées en ne s’attachant qu’à un domaine bien circonscrit ? Les avis 7. Laderrière Pierre, (1999), Paris, L’Harmattan. 8. Fofana Amara, (2000), Dakar, Breda, inédit. 9. À ce sujet on pourra se reporter à l’ouvrage Strategies for educational reform: from concept to realisation, (2000), Strabourg Council of Europe. 56 Réunion internationale d’experts sur l’enseignement secondaire général au XXI e siècle : défis, tendances et priorités à ce sujet continuent souvent à différer mais certaines tendances se dessinent. La prise de conscience de la complexité et de la difficulté de toute réforme invite au moins à échelonner des réformes portant sur tel ou tel secteur au lieu de lancer d’un seul coup une réforme générale mais aussi à tenir compte des interdépendances inévitables. Il n’y a guère de sens à modifier les structures pédagogiques ou les programmes d’études sans une réforme parallèle de la formation des enseignants. Mais il est aussi de mieux en mieux perçu que les réformes portant sur les contenus et les méthodes semblent beaucoup plus déterminantes que les réformes des structures administratives ou pédagogiques. C’est ce qui explique que dans le secondaire, on enregistre de nos jours bien plus souvent des réformes des programmes d’études ou de la formation des enseignants que des réaménagements de la structure du premier ou du second cycle. En somme, la conviction semble faite que la manière de préparer ou de conduire une réforme est aussi importante que sa teneur même, et donc qu’une réforme est avant tout une stratégie de changement. En tout état de cause, pour être opérante, une réforme est tenue de se plier à deux impératifs. Celui de fixer des objectifs bien définis et bien hiérarchisés qui soient non pas un catalogue de mesures à prendre mais un ensemble systémique de priorités autant que possible en nombre réduit. Celui de prévoir les stratégies à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs avec ce que cela implique en particulier de programmation d’interventions progressives et d’effort permanent d’évaluation pour apprécier les résultats atteints et ceux qui restent à poursuivre. Il ne fait pas non plus de doute que ces exigences sont encore plus impérieuses dans l’enseignement secondaire où les situations et les enjeux doivent être affrontés dans toute leur complexité compte tenu des masses concernées maintenant et de l’imbrication des multiples problèmes à aborder.