« Je voudrais être un noir » Nino Ferrer. 1970. Nino Agostino Arturo Maria Ferrari, plus connu sous le peudonyme de Nino Ferrer, n’est pas seulement le chanteur à succès de chansons rigolotes et décalées comme « Mirza », « le téléfon », « les cornichons » ou encore « Ho ! Hé ! Hein ! Bon ! », trop souvent associé à la vague yéyé et à « Salut les copains ». Il sait aussi faire preuve de conviction dans des chansons qui n’ont pas toujours reçu l’aval du « Show bussiness ». Une enfance en Nouvelle Calédonie, des études d’archéologie à la Sorbonne, un tour du monde en cargo, et voilà notre jeune homme équipé pour une carrière de chanteur hors des sentiers battus. La chanson qui nous occupe aujourd’hui est sortie en 1966. Il s’agit de « Je veux être noir » dont les paroles et la musique sont signées Nino Ferrer. Paroles sur : http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=paroles%20je%20voudrai%20%C3%AAtre%20un% 20noir&source=web&cd=1&ved=0CCIQFjAA&url=http%3A%2F%2Fmusique.ados.fr%2F Nino-Ferrer%2FJe-Veux-Etre-Noirt4379.html&ei=_qEdT6TWHtTK8QP7hIGYCw&usg=AFQjCNHYxf_zvErnNRqnh1y2UOH -rYLBlg&cad=rja « Hey Hey Hey, monsieur Wilson Picket Hey Hey Hey, toi Monsieur James Brown S'il vous plaît dîtes-moi comment vous faites Monsieur King, Monsieur Charles, Monsieur Brown. » Pour commencer Nino convoque à son chevet les grands maîtres du chant noir : Wilson Picket ( 1941-2006) chanteur de Soul et de rythm’ and blues chez la firme Stax ; James Brown (1933 – 2006) mondialement connu pour son « Get up (sex machine) » ; Ray Charles (1930 – 2004) « The genius » chanteur de jazz, de gospel, de blues, de Soul. « Monsieur King ? », A qui pense Nino ? Nous n’avons que l’embarras du choix avec les trois King de la guitare blues : Albert King (1923-1992), Freddy King (1934 – 1976) et B.B. King, né en 1925 et toujours là. De quoi trouver de bons conseils pour chanter vraiment « black ». « Hey Hey Hey, dis-moi Monsieur Faubus Hey Hey Hey, dis-moi comment les blancs Font pour vendre les nègres à l'argus Et pour en brûler de temps en temps Moi je fais de mon mieux pour ne pas y penser Mais je me sens très souvent très très embarrassé » Je ne sais pas si les auditeurs français de Nino Ferrer ont tout de suite identifié le Faubus de la chanson. Et pourtant, la personnalité vaut le détour. Homme politique américain, issu d’une famille socialiste (pas très fréquent aux USA), gouverneur démocrate de l’Arkansas de 1955 à 1967, Orval Faubus s’est illustré dans la lutte sur l’égalité des droits civiques … mais plutôt dans le camp « contre » l’égalité. Curieusement il démarre son mandat de gouverneur en voulant mettre un terme à la ségrégation dans les bus, puis fait volte face, s’oppose à toute déségrégation des écoles et s’engage dans un bras de fer avec la Cour Suprême des Etats-Unis. Orval Faubus Citons Wikipedia (article Orval Faubus) : « En 1954, dans l'arrêt Brown v. Board of Education, la Cour suprême des États-Unis dénonce l'inconstitutionnalité de la ségrégation raciale dans les écoles. En 1957, confronté à la scolarisation de neuf élèves noirs au lycée central (Central High School) de Little Rock, jusque là réservé aux seuls blancs mais déségrégé par ordre fédéral, Faubus refuse de se conformer à la décision de la Cour Suprême et ordonne à la Garde nationale de l'État d'empêcher les élèves noirs d'accéder aux bâtiments du lycée. Des émeutes éclatèrent alors que les élèves noirs qui se présentaient devant l'établissement étaient insultés. La décision de Faubus entraîna l'intervention du Président Dwight Eisenhower qui fit placer la Garde Nationale de l'Arkansas sous le contrôle fédéral et lui ordonna de retourner dans ses baraquements. Elle est alors remplacée par mille hommes de la 101ème division aéroporté, envoyée en Arkansas pour protéger les élèves noirs et faire appliquer la décision de la Cour Suprême. Constamment harcelés, les neuf élèves (« les 9 de Little Rock ») se virent affecter chacun un militaire de la 101e comme garde du corps. Le gouverneur choisit alors, le 12 septembre 1958, de faire fermer les écoles plutôt que d'accepter qu'elles soient multiraciales. Les tribunaux fédéraux ordonnent leur réouverture, confirmée par la Cour suprême ». La référence aux « nègres » que l’on brûle vise bien sûr les exactions du Ku-KluxKlan dans les états du « vieux sud ». Curieusement Orval Faubus évoluera vers des positions plus modérées ce qui lui vaudra de récupérer une partie du vote des noirs de l’Arkansas et d’être rejeté par les organisations blanches les plus extrémistes. Son attitude lui vaudra, néanmoins, une cinglante chanson de Charlie Mingus. http://www.article11.info/spip/spip.php?article824 « Hey Hey Hey, vous les saints, les Elus Hey Hey Hey, vous les simples d'esprits Vous qui chantez tout de blanc vêtus Dans les verts pâturages près de lui » Ce dernier couplet est riche d’une double référence. D’abord à l’oeuvre de Marc Connelly (1890 – 1980), dramaturge, acteur et metteur en scène américain qui crée la pièce de théâtre « Les verts pâturages » en 1930, pièce qu’il portera lui même à l’écran avec William Keighley en 1936. Mais surtout pour en revenir à la France des sixties et de Nino Ferrer, référence à Jean Christophe Averty, réalisateur iconoclaste et non-conformiste, enfant terrible de la télévision française et qui, le 24 décembre 1964, propose sur la première chaîne de l’ORTF, une adaptation très personnelle de la pièce de Marc Connelly. C’est ainsi que les français découvrent une adaptation de l’ancien testament dans laquelle les rôles (Dieu, Adam, Eve) sont tenus par des acteurs noirs, le tout en musique afro américaine. Est-il utile de préciser que la France profonde, un tantinet conservatrice, émit de vigoureuses protestations contre cette émission qui disparut aussitôt de la programmation ? « Les verts pâturages » 1964. Jean Christophe Averty. http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=les%20verts%20p%C3%A2turages&source=video& cd=1&sqi=2&ved=0CD0QtwIwAA&url=http%3A%2F%2Fwww.ina.fr%2Fvideo%2FVDD0 9036190%2Fbande-annonce-dvd-les-vertspaturages.fr.html&ctbm=vid&ei=7I0dT8z8Hc_Ysgbr67imCA&usg=AFQjCNHqL39b33A2h o1loUWV-dxTf46gIA&cad=rja Et maintenant, il nous reste à écouter « Je veux être noir » de Nino Ferrer. Ecoute sur : http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=paroles%20je%20voudrai%20%C3%AAtre%20un% 20noir&source=video&cd=1&ved=0CDgQtwIwAA&url=http%3A%2F%2Fwww.youtube.co m%2Fwatch%3Fv%3D7tQ_uSZGPkY&ctbm=vid&ei=440dT9LNArE4gT28LHiDQ&usg=AFQjCNFct-NkUUyNdovLuoS8EAQgfOpgng&cad=rja Nino Ferrer s’est donné la mort le 13 août 1998 à Montcuq dans le Lot où il s’était retiré et où il repose.